Notes
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[*]
Maurice Capul, membre du Comité de rédaction Empan.
smcapul@laposte.net -
[1]
Sauf précision, ce terme désigne ici l’enfant et l’adolescent.
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[2]
Cf. H. Gaillac, Les maisons de correction. 1830-1945, Paris, Cujas, 1971 ; M. Chauvière, Enfance inadaptée : l’héritage de Vichy, Paris, Éditions ouvrières, 1980 ; P. Quincy-Lefebvre, Une histoire de l’enfance difficile. 1880-fin des années trente, Paris, Économica, 1997. Cf aussi : M. Chauvière, « L’histoire de l’éducation spécialisée en chantier », Empan, n° 25, 1997, p. 9-16.
-
[3]
La plupart des thèmes évoqués ici ont déjà été abordés : J. Jover, M. Capul, P. Timsit, L’enfance en difficulté dans la France des années 40. L’exemple de Toulouse-Saint Simon, Toulouse, érès, 1999 ; M. Capul (sous la direction de), M. David, C. Dulieu, J.-C. Forestier, M. Jayr, J. Pineau, L’invention de l’enfance inadaptée. L’exemple de Toulouse-Saint Simon (1950-1975), Toulouse, érès, 2010.
-
[4]
Exemple-type : Liaisons, bulletin de l’Association nationale des éducateurs de jeunes inadaptés (aneji).
-
[5]
H. Wallon (sous la direction de), Les maisons d’enfants, Paris, Puf, 1950.
-
[6]
Rééducation, Liaisons, Sauvegarde de l’enfance. Cf. aussi : S. Boussion, Les éducateurs spécialisés et leur association professionnelle : l’aneji de 1947 à 1967. Naissance et construction d’une profession sociale, thèse d’histoire moderne et contemporaine, université d’Angers, 2008.
-
[7]
G. Amado, « Éthique et psychologie d’un groupe d’adolescents inadaptés », L’Évolution psychiatrique, fasc. 1, 1951, p. 3-30.
-
[8]
G. Amado, Les enfants difficiles, Paris, Puf, 1955.
-
[9]
A. Chaurand, « Introduction à la psychologie de groupe », Vers l’éducation nouvelle, n° 39, 1950, p. 1-4 ; n° 40, 1950, p. 1-6.
-
[10]
Jeunesse à l’abandon (1925), d’A. Aichhorn, sera publié en français en 1973 ; L’enfant agressif (1951-1952), de Redl et Wineman, en 1964.
-
[11]
A. Chaurand (1967), « L’éducateur dans un établissement à atmosphère thérapeutique globale », Empan, n° spécial, 1992, p. 25-32. Référence aux travaux de Redl sur le « climat thérapeutique » qui, eux-mêmes, ne sont pas sans rapport avec ceux de Bruno Bettelheim à propos du « milieu thérapeutique ».
-
[12]
G. Amado (sous la direction de), Méthodes psychologiques, pédagogiques et sociales en psychiatrie infantile, Institut national d’hygiène (inserm), Paris, 1961.
1D’où viennent les itep ? Cet intitulé récent, « Institut thérapeutique, éducatif, pédagogique », serait-il le dernier avatar d’une série de dénominations servant à désigner des espaces de mise à l’écart pour une population enfantine et juvénile hors normes ? Quelles évolutions (de la société, des jeunes en difficulté, des structures d’accueil) traduisent les changements de sigles ? Un détour par l’histoire pourrait peut-être contribuer à répondre aux questionnements du temps présent dans le champ social. L’histoire vécue des enfants [1] « pas comme les autres » relève de la longue durée. Histoire loin d’être écrite. Même si, parmi cet ensemble, les enfants « à la conduite répréhensible » (mendiants, vagabonds, voleurs, correctionnaires, filles de « mauvaise vie » ...) ont fait l’objet, dès le xixe siècle, d’assez nombreuses publications. Signe d’un intérêt nouveau porté à l’enfant tout autant que reflet des inquiétudes d’une époque devant des comportements vus comme déviants. Les travaux concernant l’histoire de ces enfants-là, en particulier au cours de la seconde moitié du xxe siècle, sont encore peu nombreux [2]. Malgré les efforts d’associations, comme le Conservatoire national des archives et de l’histoire de l’éducation spécialisée, ou de périodiques, la Revue d’histoire de l’enfance irrégulière entre autres. D’où la limitation des exemples, ici, pour étayer une esquisse de mise en perspective historique des formules d’aide à l’enfance difficile.
2La guerre 1939-1945, par les bouleversements provoqués, va modifier la façon dont la société française de cette époque perçoit et traite cette enfance. De la « loi » de 1942 instituant les centres d’observation à l’ordonnance de 1945 instaurant la primauté de l’éducatif sur le répressif. Pour le dire vite, tout commence à partir de l’Exode de mai-juin 1940 : un cinquième de la population erre le long des routes, les familles sont disloquées, près de 90 000 enfants sont « égarés », le chômage et la délinquance des jeunes augmentent sensiblement. Pour faire face, dans l’urgence, à une telle situation, nombre d’initiatives novatrices, individuelles ou collectives se font jour. Comme, dès 1940, le centre de Ker-Goat en Bretagne, pour des jeunes en rupture de ban, ou la maison d’enfants de Moissac recevant des enfants juifs pourchassés. Dans les grandes villes de la « zone libre », au cours des « années noires » de l’Occupation, de nouveaux équipements apparaissent : des centres d’observation, plus ou moins couplés avec des centres de formation d’éducateurs, à Toulouse (1942-1943), Lyon et Montpellier, ou Montesson, près de Paris (1943). De tels exemples ne sont pas tout à fait sans précédents durant l’entre-deux-guerres. Bien que rares : comme le foyer de Soulins, à Brunoy (Essonne), la communauté éducative de La Coûme, à Mosset (Pyrénées-Orientales) ou le centre Oberlin, près de Strasbourg. Après la Libération et dans les années 1950, la création d’établissements spécialisés va se poursuivre. Avec deux caractéristiques : il s’agit toujours d’internats destinés à recevoir des enfants abandonnés, difficiles, caractériels, prédélinquants, délinquants … Laissant de côté, jusqu’aux années 1960, les enfants plus ou moins gravement atteints dans leur intégrité corporelle/psychique [3].
3Cette prévalence peut sans doute s’expliquer par l’aspect manifeste de comportements troublant l’ordre public : la délinquance enfantine et juvénile, par exemple, quelles que soient ses formes, constitue une préoccupation sociale qui remonte loin. Dans l’imaginaire social, multiples sont les figures de l’enfant désobéissant, indiscipliné, vicieux, turbulent, terrible, étrange … Ceux que l’on appellera aussi : inintimidables, inéducables et autres incasables. Au cours des années 1930, on continue à s’en méfier tout en commençant à s’interroger sur leur sort. En témoignent des films, tels Le coupable (1936) de Raymond Bernard, Prison sans barreaux (1937) de Léonide Moguy ou L’enfer des anges (1939) de Christian-Jaque ; et des ouvrages comme Les enfants de Caïn (1925) de Louis Roubaud, Enfants du malheur. Les bagnes d’enfants (1932) d’Henri Danjou ou Maisons de supplices (1936) d’Alexis Danan. S’appuyant sur des nosographies fluctuantes, les dénominations juridico-administratives des enfants différents ont beaucoup varié. Début 1944, une commission officielle, le Conseil technique de l’enfance déficiente ou en danger moral, composée des plus grands noms de la psychiatrie et de la psychologie de l’enfant, propose une « Nomenclature et classification des jeunes inadaptés ». Cette formulation, en raison de son succès autour de 1950, peut être envisagée comme l’un des éléments fondateurs de ce qui va devenir le « secteur de l’enfance inadaptée » pendant le quart de siècle suivant ; jusqu’aux lois d’orientation de 1975 en faveur des « personnes handicapées ». Dans le texte ci-dessus, se voulant unifiant, une catégorie, englobant nombre de termes antérieurs, fera longtemps l’unanimité : les « troubles du caractère et de la conduite ».
4Dans cette décennie 1950, et sans doute au-delà, se construit peu à peu, par tradition orale et écrite, une histoire romancée de ce qui est présenté comme un tout nouveau « secteur ». Ce récit légendaire se développe au cours des diverses rencontres professionnelles comme à travers certaines publications [4]. Il s’apparente à l’épopée de pionniers dans une période héroïque, mettant en scène des personnages nouveaux : le juge des enfants, le moniteur, l’éducateur. Ce « roman des origines » voit les années de guerre comme une césure radicale. Avant, c’est un monde sombre que l’on réprouve et que l’on oublie : hospices, orphelinats, asiles d’aliénés, maisons de correction. Où le quotidien est aux mains d’un personnel incompétent : gardiens et surveillants. Après, des jeunes gens disponibles et de bonne volonté, venus souvent de mouvements de jeunesse, comme le scoutisme, participent à la création de « centres », d’un type « inédit », en faveur de ces enfants difficiles. Ce système de représentations sociales touche le grand public avec des films à succès : Le carrefour des enfants perdus (1944) de Léo Joannon, La cage aux rossignols (1944) de Jean Dréville, Chiens perdus sans collier (1954) de Jean Delannoy ou Les 400 coups (1959) de François Truffaut. Une telle vision des choses, aussi tranchée, s’appuie certes sur les campagnes dénonçant les « bagnes d’enfants » dans les années 1930, mais les changements survenus, pour réels qu’ils soient, paraissent rester pour longtemps dans le cadre d’une approche majoritairement traditionnelle.
5Les quelques réformes amorcées parfois dès la fin de ces années 1930, dans des établissements publics du ministère de la Justice, ou les tentatives d’ouverture de maisons confessionnelles pour filles, genre Refuge et Bon Pasteur, n’acquièrent qu’une portée limitée. Tout comme les essais de transformer certains orphelinats en maisons d’enfants ou, plus tard, en instituts médico-pédagogiques. Malgré l’accent mis sur le sport, la scolarité, l’apprentissage et (plus rarement) les loisirs, la pédagogie relève toujours d’un système disciplinaire dont certaines pesanteurs perdureront çà et là jusque dans les années 1970 au moins. Les innovations les plus significatives se rencontrent dans la création, sous forme associative, de nouveaux espaces d’accueil. Ainsi, en 1943, l’abbé Jean Plaquevent implante à Toulouse-Saint Simon l’un des premiers centres d’observation, pièce maîtresse d’un équipement conçu à l’échelle régionale et destiné à être reproduit dans tout le pays, emblématique du futur « secteur de l’enfance inadaptée ». La pédagogie de l’Abbé est originale : selon un modèle familial, les enfants vivent en petits groupes, les éducatrices assurant les fonctions nécessaires à tous les aspects du quotidien. En réponse aux besoins immédiats, une autre vague de créations, ne se reconnaissant nullement sous le vocable « inadapté », souvent d’obédience « laïque », se démarque soigneusement de la précédente : les maisons d’enfants [5]. Plus nettement qu’à Toulouse, les fondateurs se réfèrent aux idéaux de l’éducation nouvelle et s’inspirent des « méthodes d’éducation active ». Leur fonctionnement se veut communautaire. Pouvant prendre la forme, éventuellement, de villages ou républiques d’enfants. Les activités éducatives, libres ou dirigées, y jouent un rôle central. En contrepoint de toutes ces formules, il convient de rappeler la tentative, célèbre et méconnue, sans équivalent, de Fernand Deligny, à Paris, en 1948, « La Grande Cordée » : réseau de séjours d’essai pour adolescents « irrécupérables », mis en place à travers la France grâce notamment aux Auberges de jeunesse.
6À partir des années 1960 s’ouvrent de nombreux centres de formation de personnels éducatifs : éducateurs spécialisés, éducateurs techniques, moniteurs-éducateurs, aides médico-psychologiques … Dans les services et établissements, l’équipe des seuls éducateurs du début s’étoffe peu à peu, non sans réticence parfois, avec la participation plus régulière d’autres professionnels : psychiatres, psychologues, assistantes sociales, enseignants …
7Des recherches plus étendues montreraient peut-être que l’« âge d’or » du secteur de l’enfance inadaptée, correspondant en gros à l’époque des Trente Glorieuses (1945-1975), recèle davantage de constantes que de discontinuités. En particulier dans la « pédagogie de groupe » mise en œuvre au sein de la plupart des établissements. Le groupe d’enfants n’est plus considéré comme un « mal nécessaire » rendant possible une discipline efficace. On le voit désormais comme moyen de socialisation : une bonne « adaptation » dans le groupe devient signe d’une évolution individuelle positive. L’éducateur ou l’éducatrice doivent « tenir » leur unité de vie, savoir occuper et s’occuper des enfants à l’aide d’activités variées, dans une ambiance se voulant chaleureuse et dynamique. Quelquefois, un style colonie de vacances/maison d’enfants avec participation de tous à la marche de l’institution. Sans exclure pour autant, peu ou prou, le vieux système récompense/punition. Proposant des modèles, l’éducateur transmet à l’enfant les valeurs qu’il détient. La relation éducative est verticale et univoque. L’accent mis davantage sur l’insertion sociale que sur l’épanouissement de la personnalité. Premier objectif du placement : « séparer » l’enfant de sa famille. Le contact de l’établissement avec les parents s’en trouve réduit au strict minimum. Avec des enfants passablement perturbés, le risque est alors de favoriser l’estompage de certains symptômes au détriment d’une prise en compte de troubles plus profonds. Cet ensemble de pratiques, à travers de multiples variantes locales et avec des décalages dans le temps, relève somme toute d’une démarche assez classique, fût-elle « modernisée ». Ce que semble montrer, entre autres, une analyse des revues professionnelles de ce temps-là [6]. Les débats pour ou contre les internats spécialisés, souvent houleux, atteindront leur paroxysme dans les années 1950. Sans toujours préciser de quel genre d’internat il s’agit. Lointaine résurgence ? Dans le domaine de l’éducation comme dans celui de l’assistance, le principe de l’internat a connu en France une fortune pluriséculaire. Régulièrement accompagnée, dès ses débuts, par le regard critique de contemporains.
8Un autre courant, très minoritaire, apparaît au début de cette même décennie, dans quelques internats se situant explicitement dans une perspective psychothérapique. ? Ainsi au centre d’observation de Vitry-sur-Seine. Au croisement de trois systèmes de référence, majeurs mais non pas uniques : l’éducation nouvelle, la psychanalyse, la psychologie de groupe. Les méthodes d’éducation active jusque-là utilisées sont intégrées dans une plus large compréhension des enfants et des groupes dont ils font partie au sein de l’institution. Se traduisant au fil du temps par des modifications significatives dans les pratiques des éducateurs comme dans celles de tous les professionnels du centre. À l’encontre des idées dominantes d’alors, Georges Amado, le médecin-directeur, auteur par ailleurs de recherches sur une bande de jeunes du Quartier latin et de Saint-Germain-des-Prés [7], propose aux éducateurs, en 1950-51, un point de vue psychanalytique au sujet de certains problèmes rencontrés au cours de la vie en commun auprès de ces « enfants difficiles [8] » « dont personne ne veut ». Suggestions qui trouvent un écho favorable : plusieurs éducateurs ayant effectué leur formation à Saint-Simon, où l’enseignement d’André Chaurand, médecin-directeur lui aussi, a commencé à les sensibiliser aux hypothèses nouvelles de la psychanalyse et de la psychologie de groupe [9], à travers, par exemple, la formalisation des aventures éducatives d’August Aichhorn en Autriche et de Fritz Redl aux États-Unis auprès d’« enfants qui haïssent » [10].
9Au centre d’observation de Vitry, devenu en 1964 centre psychothérapique, outre des traitements différenciés pour les enfants si nécessaire (orthophonie, psychomotricité, psychothérapie …), la participation à des groupes divers est facilitée : groupes de vie, intergroupes (classes, ateliers, camps, clubs d’activités), groupes informels, grand groupe. Le groupe de vie, par son caractère d’unité éducative de base, peut susciter chez l’enfant un sentiment d’appartenance, donc un premier repère lui offrant la possibilité de commencer à se situer ; puis, à partir de là, d’élargir ses contacts à d’autres groupes dans une circulation des échanges à la dimension de l’établissement. Selon cette conception d’« atmosphère thérapeutique globale [11] », l’agencement de tous ces groupes dans l’espace institutionnel s’avère essentiel. Dans ce contexte, l’animation du groupe éducatif à effectif restreint, au sein d’un pavillon qui lui est propre, ne prend sens qu’en fonction de la problématique de chaque enfant reconnu comme une personne dans son irréductible singularité. D’où l’attention portée à l’intrication de plusieurs niveaux de réalité, de la part des éducateurs et éducatrices de ce groupe, à travers les situations d’une vie quotidienne partagée : le fonctionnement du groupe comme ensemble ; le jeu des sous-groupes et des rapports interpersonnels ; la dynamique du statut et du rôle de chaque enfant. Ce groupe de pairs, où par effet de miroir chacun peut s’assurer de son identité, devient ainsi cadre et point d’appui permettant des attitudes éducatives individualisées prenant en compte, au premier chef, les rapports de l’enfant et de ses parents. Cette dimension groupale médiatise tout en laissant ouverte l’éventualité de rencontres enfant-éducateur en situation duelle. L’évolution de la relation éducative établie avec chacun des enfants, expérience vécue intersubjective, fait l’objet, comme d’autres aspects de la vie institutionnelle, d’une mise en commun régulière au sein d’instances réflexives pluridisciplinaires. Tous les parents bénéficiant, dans le même temps, d’une aide psychosociale personnalisée de la part des assistantes du service social. Ce style de travail, qui se poursuivra dans toute sa complexité jusqu’au début des années 1990, donnera lieu à un premier essai collectif de théorisation en 1961 [12]. D’autres établissements, au cours des années 1960, vont peu à peu s’inscrire, de façon plus ou moins affirmée, dans cette perspective. Comme le centre d’observation de Toulouse, se référant davantage à la psychothérapie institutionnelle par le biais de ses liens avec François Tosquelles. Ou encore à Douéra (Algérie), Paris, Rennes, Rambouillet, Marseille ; dans le Cotentin, le Bordelais …
10Quelle a été l’importance respective de ces divers mouvements à l’échelle du territoire ? Comment leurs rapports ont-ils évolué dans le temps ? Que reste-t-il de ces idées, à la suite des vifs échanges entre tenants des grands courants ? Les appellations de ces institutions spécialisées se sont modifiées : le centre d’observation de Toulouse (1943), par exemple, devient successivement centre d’observation et de rééducation accélérée (1970), centre psychothérapique (1972), Institut de rééducation (ir, 1989) et enfin itep (2005). Des établissements se dotent d’annexes : service de suite, placement familial, foyer, externat, centre médico-psycho-pédagogique … ou se métamorphosent en imaginant des modalités souples de fonctionnement en réseau, dans et hors les murs. De nouvelles structures se créent : services de milieu ouvert, hôpitaux de jour, soins à domicile, clubs de prévention, équipes de rue, appartements thérapeutiques, lieux de vie, lieux d’accueil … L’éventail des médiations éducatives, de plus en plus diversifiées, s’ouvre davantage sur l’environnement : sport, savoir, culture, économie ; à travers la participation à des groupes « extérieurs ».
11De quoi les itep, via les ir, sont-ils les héritiers ? En quoi se distinguent-ils des organisations précédentes ? On peut en effet s’interroger au vu du paradoxe concernant par exemple deux éléments importants des dispositifs antérieurs : l’internat et le groupe envisagés, parmi d’autres, comme de possibles ressources éducatives.
12L’internat est souvent vilipendé. D’aucuns souhaitent sa disparition. Or, une mesure d’éloignement d’avec le milieu familial, plus ou moins temporaire et en un lieu approprié, peut parfois se révéler judicieuse dans certains cas. Et la demande d’un certain type d’internat, scolaire ou non, semble toujours présente : de la part d’enfants, d’adolescents, de parents ; voire d’institutions, comme les ministères de la Justice et de l’Éducation nationale. Par ailleurs, la pratique des groupes éducatifs paraît de plus en plus abandonnée au profit d’un suivi individualisé conséquent. Comme si l’un excluait l’autre. Au-delà de l’individualisme ambiant, que signifie un tel basculement perceptible depuis les années 1980 : délaissement des situations collectives/prédominance des situations duelles ? Processus d’autant plus curieux que l’actualité quotidienne tout comme la psychologie, l’histoire ou l’ethnologie mettent en évidence l’une des formes de sociabilité enfantine et juvénile : la tendance assez générale à se rapprocher par groupes d’âge. En tout état de cause, confrontés tout au long de leur évolution personnelle à une pluralité de groupes, spontanés ou institués, les enfants et les adolescents se construisent aussi dans leur rapport aux autres.
Notes
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[*]
Maurice Capul, membre du Comité de rédaction Empan.
smcapul@laposte.net -
[1]
Sauf précision, ce terme désigne ici l’enfant et l’adolescent.
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[2]
Cf. H. Gaillac, Les maisons de correction. 1830-1945, Paris, Cujas, 1971 ; M. Chauvière, Enfance inadaptée : l’héritage de Vichy, Paris, Éditions ouvrières, 1980 ; P. Quincy-Lefebvre, Une histoire de l’enfance difficile. 1880-fin des années trente, Paris, Économica, 1997. Cf aussi : M. Chauvière, « L’histoire de l’éducation spécialisée en chantier », Empan, n° 25, 1997, p. 9-16.
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[3]
La plupart des thèmes évoqués ici ont déjà été abordés : J. Jover, M. Capul, P. Timsit, L’enfance en difficulté dans la France des années 40. L’exemple de Toulouse-Saint Simon, Toulouse, érès, 1999 ; M. Capul (sous la direction de), M. David, C. Dulieu, J.-C. Forestier, M. Jayr, J. Pineau, L’invention de l’enfance inadaptée. L’exemple de Toulouse-Saint Simon (1950-1975), Toulouse, érès, 2010.
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[4]
Exemple-type : Liaisons, bulletin de l’Association nationale des éducateurs de jeunes inadaptés (aneji).
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[5]
H. Wallon (sous la direction de), Les maisons d’enfants, Paris, Puf, 1950.
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[6]
Rééducation, Liaisons, Sauvegarde de l’enfance. Cf. aussi : S. Boussion, Les éducateurs spécialisés et leur association professionnelle : l’aneji de 1947 à 1967. Naissance et construction d’une profession sociale, thèse d’histoire moderne et contemporaine, université d’Angers, 2008.
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[7]
G. Amado, « Éthique et psychologie d’un groupe d’adolescents inadaptés », L’Évolution psychiatrique, fasc. 1, 1951, p. 3-30.
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[8]
G. Amado, Les enfants difficiles, Paris, Puf, 1955.
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[9]
A. Chaurand, « Introduction à la psychologie de groupe », Vers l’éducation nouvelle, n° 39, 1950, p. 1-4 ; n° 40, 1950, p. 1-6.
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[10]
Jeunesse à l’abandon (1925), d’A. Aichhorn, sera publié en français en 1973 ; L’enfant agressif (1951-1952), de Redl et Wineman, en 1964.
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[11]
A. Chaurand (1967), « L’éducateur dans un établissement à atmosphère thérapeutique globale », Empan, n° spécial, 1992, p. 25-32. Référence aux travaux de Redl sur le « climat thérapeutique » qui, eux-mêmes, ne sont pas sans rapport avec ceux de Bruno Bettelheim à propos du « milieu thérapeutique ».
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[12]
G. Amado (sous la direction de), Méthodes psychologiques, pédagogiques et sociales en psychiatrie infantile, Institut national d’hygiène (inserm), Paris, 1961.