1Picsou est un personnage connu de tous dès l’enfance : celui d’un canard anthropomorphe habillé d’un manteau rouge, de guêtres grises, d’un chapeau haut-de-forme et de bésicles, qui plonge, un sourire extatique aux lèvres, dans une montagne de pièces d’or.
La naissance de Picsou
2En version originale, son nom est Scrooge Mc Duck, inspiré d’Ebenezer Scrooge, le personnage principal d’une nouvelle de Charles Dickens de 1843 : « A Christmas Carol ». Picsou va lui emprunter, outre son nom, son caractère acariâtre et renfrogné, son manteau rappelant celui du Père Noël et ses origines écossaises, qui sont réputées pour leur grande avarice dans les pays anglo-saxons. Les traducteurs français vont longtemps hésiter et commencer par l’appeler l’oncle Harpagon, en référence à l’avare de Molière, puis l’oncle Edgard, l’oncle Jérémie Mc Duck, et finalement Balthazar Picsou.
3Picsou pour renforcer la caricature : Pic-sou, pique sous, le voleur d’argent. C’est le stéréotype de l’homme riche : forcément avare et cupide ; s’il est riche, c’est qu’il a dû prendre l’argent à d’autres, il ne peut être complètement honnête. Il est myope à force de compter son argent. Il est vieux et il est seul, vu qu’il préfère la compagnie de l’or à celle des hommes. Picsou est l’oncle de Donald, le célèbre canard de l’univers de Walt Disney. Il partage ses aventures rocambolesques avec les Castors Juniors, les trois petits neveux de Donald : Riri, Fifi et Loulou. Il est un personnage de notre enfance et participe à des récits éducatifs imaginés par les artistes de chez Disney. Il nous fait rire et nous divertit par son excentricité.
4Picsou est créé en 1947, par le dessinateur et scénariste Carl Banks, il apparaît alors dans la revue Four Color Comics. C’est au début un personnage secondaire, mais dès 1950, il sera la vedette de son propre magazine : Uncle Scrooge. Carl Banks, dans ses nombreuses bandes dessinées, va semer des indices sur la jeunesse de Picsou, sur son ascension et ses aventures tumultueuses. Mais il faudra attendre 1991 pour voir apparaître une biographie complète du célèbre canard.
5La bande dessinée de Don Rosa, The Life and Times of Scrooge McDuck Companion, va recoller les morceaux et enfin dévoiler toutes les errances du personnage, de sa naissance en 1877 jusqu’au moment où il apparaît dans les ouvrages de Carl Banks en 1947. Cette bande dessinée remarquable a obtenu le prix Will Eisner en 1995. Elle réussit l’exploit de nous raconter une histoire à la fois divertissante et poignante sur les galères d’un petit immigré, en proie à toutes les arnaques, et qui va devenir à force de courage et de hargne le canard le plus riche du monde.
6Ce n’est pas qu’un personnage de fiction, c’est aussi un symbole : celui de la réussite à l’américaine. Picsou a immigré aux États-Unis, y a forgé son empire et a voyagé un peu partout dans le monde. Son image et son nom sont associés au dollar, à l’or, à l’argent.
Tout commence par une petite pièce d’argent
7Le petit Balthazar naît à Glasgow, en Écosse. Sa famille vit dans un grand dénuement, son père a du mal à subvenir aux besoins du couple et des trois enfants – Picsou a deux petites sœurs. Le père décide alors d’emmener son fils sur les terres de ses ancêtres : les ruines du château du clan Mc Picsou. Il lui parle de ses aïeux, tous glorieux, riches et… avares. Il est le dernier de cette lignée magnifique, c’est lui qui doit leur succéder et enfin redorer le blason de la famille. De retour chez eux, son père lui confectionne un coffret de cireur de chaussures et le petit Picsou part dans la rue exercer son nouveau métier. Mais les passants l’évitent. Discrètement, son père engage le cantonnier et lui donne l’argent du service. Le petit Picsou est ravi, il a eu son premier client et il tient enfin sa première pièce… mais en y regardant de plus près, cette pièce n’est pas normale, c’est une pièce américaine qui n’a pas cours en Écosse, il s’est fait rouler !
8Loin de se décourager, au contraire, Picsou tire de cette mésaventure une conviction : « Ça m’apprendra ! Il y aura toujours des gens qui essaieront de profiter de moi ! Mais je ne me laisserai plus berner ! Je vérifierai mes sous ! Tous mes sous ! » Puis il part en courant dans les rues à l’assaut de nouveaux clients. Et son père, caché derrière un mur, se réjouit : « Mon fils est promis à un brillant avenir. Ha, ha ! » Cette petite pièce, cette première pièce, il va la garder précieusement toute sa vie, comme un symbole, un sou fétiche de ce qu’il doit faire et de ce qu’il a dû subir pour accomplir son rêve.
9Cette histoire est terrible. Son propre père, après lui avoir mis sur les épaules le destin de toute une famille et l’avoir poussé au travail dans la rue, le berne pour éprouver sa force de caractère, lui donner sa première leçon et le lancer sur les chemins de la fortune. Pourtant, dans cette première aventure sont présents tous les ingrédients qui vont faire le caractère de Picsou et orchestrer la tragédie de sa vie :
- il est prédestiné par sa famille, par ses ascendants. Il doit réussir ;
- il est plus fort, plus tenace, plus courageux, plus travailleur que tous les autres ;
- il est seul. Il affronte toutes les peines, les souffrances et les joies seul, envers et contre tous.
Le destin de Picsou
10Picsou doit accomplir son destin : faire fortune pour la gloire de son clan, de sa famille. Le clan des Mc Picsou est souvent présent dans sa vie. C’est ce vieux château que lui fait visiter son père avec nostalgie. Parfois, ses ancêtres apparaissent aussi dans ses aventures, notamment dans un épisode : « Le nouveau maître du manoir Mc Picsou », où il doit racheter ce vieux manoir.
11Lors d’un duel avec un homme qui veut spolier sa famille, Picsou tombe malencontreusement du haut des remparts. Il gît entre la vie et la mort au fond des douves. Il fait alors un rapide passage au paradis où il rencontre ses ascendants : grands voyageurs, négociants, chevaliers… Ceux-ci hésitent à lui donner le coup de pouce qui pourrait le sauver. Finalement, c’est en lisant le grand livre de la famille Mc Picsou, où le jeune Balthazar est décrit comme « l’homme le plus riche de la terre », mais surtout « le plus avare, pingre, grippe-sou de la terre ! », qu’ils le jugent digne de leur succéder et le renvoient à son destin terrestre.
12C’est assez ironique, Picsou est toujours résumé à son avarice.
Sa devise, c’est « travailler plus pour gagner plus »
13Il va cirer des milliers de chaussures, puis acheter une charrette, et vendre du bois et de la tourbe qui rapportent plus. Dès qu’il aura assez d’argent, il s’engage comme mousse sur un bateau pour traverser l’Océan et faire fortune aux États-Unis. Ensuite il va être marin sur le Mississippi, prospecteur, mineur, marchand, homme d’affaires. Il va voyager dans le monde entier, infatigablement.
14Picsou est avare, pourtant tout ce qu’il gagne, il le donne à ses parents (contre un reçu, bien entendu !). Il va faire vivre toute sa famille, de nombreuses fois il va tout dépenser pour les sauver. Il va employer ses sœurs, puis leurs enfants. Il va créer une ville : Donaldville, dont toute l’économie est basée sur ses affaires. Il va connaître de petites victoires et de grandes banqueroutes. Il va se faire arnaquer, il va se battre.
15Il est fort mentalement et physiquement, et il le sait : « Il y a des opportunités pour un gars qui pense et qui court plus vite que les autres ! » Sa force, c’est sa conviction, sa certitude qu’il va réussir. Il travaille sans relâche, arpente le monde dans tous les sens. Il connaît bien des déboires, surtout au début, où sa jeune naïveté le pousse à faire facilement confiance aux gens qu’il croise.
16Dans la bande dessinée La terreur du Transvaal, Picsou est en Afrique du Sud. Il sauve un jeune Afrikaner attaché à un taureau et lui offre de partager son repas. La même nuit, l’étranger s’enfuit avec tous ses bagages et ses économies. Il se retrouve seul et perdu dans la savane. Rapidement, toutes les bêtes sauvages se ruent sur lui pour le dévorer. Loin d’être terrifié, sa colère explose : « … Nul ne peut doubler Picsou ! » Il terrasse tous les animaux sauvages, saute sur un lion, le dompte et le chevauche jusqu’à la ville où il retrouve l’Afrikaner malhonnête. Il récupère ses biens par la force et donne une méchante leçon au voleur.
17Picsou possède ce don incroyable de ne jamais fléchir dans l’adversité, au contraire elle décuple ses forces et lui donne le pouvoir de tordre la réalité pour qu’elle se plie à sa volonté.
Picsou fait fortune
18Il existe un épisode, L’Empereur du Klondike, où sa force et sa colère explosent, encore une fois tous les ingrédients sont là : son destin, sa famille, sa force et sa solitude. C’est sûrement l’épisode le plus important de sa vie. Celui où il fait enfin fortune.
19Après seize années d’errances à travers le monde, Picsou est dans le Klondike, au Canada, il est prospecteur et participe à la ruée vers l’or. Encore une fois, il travaille d’arrache-pied, il s’installe dans une vallée sauvage où personne n’ose s’aventurer car la faune y est terriblement hostile. Mais Picsou n’a peur de rien, il creuse jour et nuit. Il fuit le repos. Et finalement parvient à amasser un petit pactole. Malheureusement, pour se lancer dans cette aventure il a dû faire un emprunt. Son débiteur, le prénommé Soapy Slick, lui a fait signer un contrat véreux et, de retour à la ville, il est forcé de lui céder ce qu’il a vaillamment gagné. Soapy veut aussi son titre de propriété pour lui soutirer sa mine. Picsou se rebiffe mais il est assommé et se fait séquestrer par l’arnaqueur.
20C’est le moment le plus pitoyable, de son existence : il est attaché dans la cale d’un navire, Soapy et ses acolytes se moquent de lui et on lui a tout pris. L’infâme Soapy fouille ses affaires, trouve le titre de propriété ainsi que deux lettres encore cachetées. Il ouvre la première lettre et la lit en ricanant :
21« Mon chéri,
22Cela fait longtemps que tu ne nous as pas écrit.
23Tu es sans doute bien occupé. Papa et tes sœurs cherchent du travail pour payer les taxes du château. Nous n’y arrivons plus. J’aimerais les aider, mais je me sens si faible ces temps-ci. Mais nous savons que tu deviendras riche et que tu arrangeras tout.
24Je t’embrasse.
25Ta maman. »
26Les affreux hurlent de rire. Soapy ouvre la seconde lettre, la lit pour lui-même et la commente : « Celle-ci est plus récente ! Elle est de papa… Oh ! Oh ! Mauvaises nouvelles ! Allons ! Il ne faut pas se moquer du petit garçon qui a perdu sa maman », et il ajoute : « Allez chercher une ancre. Le chéri à sa maman va aller chercher de l’or au fond de la rivière ! » Mais tout le monde s’est tu et regarde, terrifié, les yeux injectés de sang de Picsou et ses chaînes qui tombent au sol.
27Les cases qui suivent sont magnifiques : le navire s’écroule sur lui-même, les cheminées tombent dans un fracas épouvantable, un piano passe à travers une baie vitrée, un incendie explose dans des entrepôts et des centaines de personnes fuient en hurlant. Un ouragan s’est abattu sur la ville, c’est la colère d’un petit homme bafoué, qui déborde et ravage tout. Plus tard, les rues sont vides, dévastées. Les habitants apeurés et reclus voient passer un canard furieux au regard patibulaire, c’est la nouvelle légende de l’Ouest américain, comme Jessie James, Pécos Bill ou Paul Bunyan, c’est Picsou, Picsou le roi du Klondike !
28En rentrant le soir même à sa mine, il trouve par hasard la pépite gigantesque qui fera définitivement de lui un homme riche.
29Cette histoire est touchante : mille fois, il s’est retrouvé sur la paille, arnaqué ou livré à lui-même, mais cette fois on attaque son intimité, sa famille, sa maman, son sacré. Ce qui aurait dû l’anéantir le révolte et le plonge dans cette divine colère qui va lui donner la force titanesque de retourner la situation, d’affronter et de vaincre ses ennemis, de dévaster une ville, de faire plier les éléments à sa volonté. Picsou est au sommet de sa force. Mais il y perd aussi. Il perd définitivement sa naïveté, sa joyeuse et juvénile énergie. Après cet épisode, Picsou devient un autre personnage, un personnage plus sombre : un homme d’affaires. Il a fait fortune mais il n’est pas satisfait pour autant. Il a un nouveau objectif, il veut être le canard le plus riche du monde.
30Il y perd surtout parce qu’il est de plus en plus seul.
La solitude de Picsou
31Outre sa mère qui vient de mourir, son père qui va aussi le quitter prématurément et ses sœurs avec qui il va se fâcher, Picsou n’a personne dans sa vie. Il existe bien une « Goldie », dont il garde une belle mèche blonde dans son coffre à souvenirs, mais on ne sait presque rien sur elle. Il n’aura ni femme ni enfants.
32Cette solitude est très bien illustrée dans les albums de Don Rosa. D’abord, il est cet enfant sacrifié qui émigre à l’autre bout du monde pour faire vivre sa famille. Puis son ambition démesurée et les vicissitudes dont il est victime le poussent à s’éloigner de la société des hommes. Un jour, alors qu’il vient de gagner sa première grosse somme d’argent, il demande à un homme riche pourquoi ceux qui étaient ses amis l’insultent ou l’ignorent, l’homme répond : « Parce que tu es riche, maintenant tu auras leur respect mais plus leur amitié ! » Et Picsou répond : « Bah ! Du moment que j’ai l’argent ! » À de nombreuses reprises, il est pris à partie par la populace. Quand il retourne en Écosse, juste après avoir fait fortune, il est accueilli par des insultes : « Prétentieux ! Exploiteur du peuple ! », « OUOUUH ! Nouveau riche, va faire de l’esbroufe ailleurs ! », « Barre-toi ! », etc. Souvent, il est forcé de se battre contre des hordes qui veulent lui prendre son argent, ses terres, ses biens, et invariablement, il les battra tous un par un.
33Au fur et à mesure que sa fortune augmente, le petit garçon de Glasgow qui voulait aider ses proches se transforme en grand entrepreneur cruel et prétentieux. Il construit un empire dont la forteresse est un coffre-fort géant où il enferme toutes les pièces d’argent qu’il a gagnées. Autour de sa demeure pousse Donaldville, dont l’économie se développe autour des affaires et des commerces de l’oncle Picsou. Même sa moralité est mise à rude épreuve et ses hésitations lui coûteront l’amour de sa dernière famille : ses deux sœurs. Car Picsou cherche la fortune, il est avare, mais il a fait une promesse à son père : celle de toujours gagner sa vie honnêtement, et il s’y est tenu. Or, vient dans sa vie un jour où la tentation de l’argent facile devient trop forte. Il a déjà une immense fortune, mais ne compte plus alors que l’ambition de devenir le plus riche.
34Dans cet épisode, Bâtisseur d’empire du Calissoa, Picsou explore l’Afrique et exceptionnellement ses deux sœurs voyagent avec lui. Il souhaite s’approprier les fameuses mines de diamants du Calissoa. Il rencontre un premier chef de tribu qui accepte d’échanger ses diamants contre une « merveilleuse » pièce d’un quart de dollar. Ses sœurs, horrifiées, dénoncent son escroquerie. Mais Picsou s’énerve : « Assez de prêchi-prêcha ! J’ai perdu vingt ans à devenir riche honnêtement ! Aussi, j’ai décidé maintenant de prendre des raccourcis ! » Le second chef de tribu est moins naïf et l’expulse de son camp. Mais Picsou ne supporte plus qu’on lui résiste et sa colère va le pousser à engager des bandits pour mettre à feu le village, puis il va se déguiser et berner le chef pour lui extorquer par une signature sa mine de diamants. Il rentre satisfait à son campement, mais la tente est vide. Ne l’attend qu’une lettre de ses sœurs qui ont décidé de retourner à Donaldville. Elles n’excusent pas sa malhonnêteté et lui demandent de ne rentrer que lorsqu’il aura changé.
35Seul sans ses sœurs, plus seul que jamais, il va affronter sa conscience. Il revoit l’enfant de Glasgow qui avait juré de devenir riche honnêtement pour ne pas être comme ceux qui lui avaient donné cette fameuse pièce américaine. Il revoit le jeune prospecteur du Klondike qui a travaillé si dur pour gagner sa vie. Enfin, il revoit son père et les trente générations de Picsou qui ont eu pour idéal l’honnêteté et la probité… il avait promis à son papa, le jour de son départ pour l’Amérique, que, quoi qu’il advienne, il resterait fidèle à ses convictions, toujours scrupuleusement honnête. Pris de remords, il se précipite dehors, court à la gare, mais c’est trop tard, le train est parti et il n’y en aura pas d’autre avant une semaine. Alors il fait un pacte avec sa conscience, plus jamais il ne gagnera de l’argent malhonnêtement, en revanche il va utiliser cette semaine pour faire des affaires ! Et la semaine va durer vingt ans.
36Le jour tant espéré de son retour, toute la population de Donaldville l’attend et l’acclame, le maire lui offre les clés de la ville, mais Picsou boude ces honneurs et file à sa forteresse en les ignorant. Là, une nouvelle foule l’attend pour lui réclamer de l’argent, Picsou arrive tant bien que mal à rentrer chez lui, en grande colère. Ses sœurs ont organisé une fête pour son retour, elles lui ont tout pardonné et lui présentent leurs enfants, ses neveux. Mais Picsou n’en a que faire, seuls l’intéressent ses pièces, l’inventaire de ses biens, il refuse de leur parler et fonce dans son bureau. Sa famille est horrifiée, mais un petit garçon, son jeune neveu (Donald !), s’approche discrètement de lui et lui assène un fantastique coup de pied au postérieur et s’enfuit à toutes jambes.
37Picsou s’enferme alors dans son bureau. Il se prend la tête dans les mains. Il se souvient de son enfance, revoit ses parents, ses petites sœurs. Ému et bien décidé à se faire pardonner, il court les rejoindre. Mais il remarque un cadeau posé sur son bureau, il l’ouvre, c’est une liste encadrée : la liste du top 150 des milliardaires et ça y est ! Il est le plus riche ! Une voix s’élève tout en haut de l’immense forteresse coffre-fort : « Je suis l’homme le plus riche du monde ! Moi ! Ha, Ha, Ha, Ha, Ha, Ha, ! » Sa sœur en partant dira : « Non, c’est un pauvre homme ! Il avait tout, c’est-à-dire notre amour. Maintenant, il ne lui reste que son argent ! » À partir de ce jour-là, il va vivre de longues et nombreuses années seul, reclus dans son immense manoir. Ce n’est que bien des années plus tard, alors que tout le monde le croit mort et qu’il est déjà fort vieux, que les Castors Juniors vont pousser Donald à aller visiter ce grand oncle légendaire. Et c’est leur fraîcheur et leur naïveté qui vont pousser le vieil homme acariâtre sur la route de nouvelles et tumultueuses aventures.
38On pourrait s’arrêter là, mais il manquerait sûrement l’essentiel, ce qui fait le charme et le pathétique de ce personnage, ce qui le définit bien mieux et bien plus profondément que son avarice. On sait que Picsou a un destin, qu’il est fort et qu’il est seul. Mais sa vie n’est pas misérable pour autant. Picsou a un secret ! Il est amoureux ! Et cet amour remplit sa vie. Il aime secrètement, magnifiquement, passionnément, à la folie. Picsou aime son argent. Et il l’aime comme un enfant. Comme un enfant qui rêve de ses cadeaux de Noël, Picsou ne vit que pour ses pièces d’or.
39Sa première pièce gagnée en Écosse, son sou fétiche, est le symbole de ce qu’il doit endurer pour réussir. Sa première pièce gagnée aux États-Unis va être une révélation pour le jeune immigré. Alors qu’il est dans un saloon et pourrait la dépenser avec ses amis, il la regarde, la pose sur le coin du comptoir et rêve : « Tu sais, on va s’aimer toi et moi. » C’est sa seule et unique déclaration d’amour. L’amour n’existe pas, il n’existe que des preuves d’amour.
40Que fait-il de tout son or ? Il l’entrepose, l’entasse d’abord dans des tonneaux, puis il construit un coffre-fort géant autour et il l’amasse pièce par pièce. Son trésor ! Il le vénère.
41Picsou ne sait ni voler comme Superman, ni passer à travers les murs, ni arrêter la course des planètes. Il est la seule personne au monde à pouvoir nager dans l’argent ! En haut de son grand coffre-fort, il y a un plongeoir d’où Picsou prend son élan, pour de longues, d’intenses et amoureuses séances de natation monétaires. Il plonge de tas en tas, explore les profondeurs de sa fortune, il brasse dans son fric, crawle dans son flouze et fait la planche dans sa tune. Il connaît chaque pièce, connaît son histoire. Chaque pièce a été gagnée par ses mains. Chaque pièce a été entreposée avec amour. Chaque pièce est aimée, comptée, manipulée tendrement. C’est tout ce qu’il a, tout ce qu’il aime. Picsou a l’extase de l’or.
42Il n’a pas cherché la richesse pour le pouvoir, juste pour son bonheur. Cette image est simple, belle et pathétique : un vieil homme qui plonge dans son or.
43… La morale de cette histoire est, pour petits et grands, que « l’argent ne fait pas le bonheur » !
Bibliographie
Bibliographie
- Lacroix, J. ; Delmas, G. 2007-2009. Pythons, 3 tomes, Carabas.
- Lacroix, J. ; Maklès, G. 2004. L’encyclopédie du mal, Soleil.
Mots-clés éditeurs : Disney, argent, dollar, avarice, Picsou
Mise en ligne 26/06/2011
https://doi.org/10.3917/empa.082.0058