Empan 2010/2 n° 78

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Article de revue

Direction et démarche clinique, un enjeu ou un jeu de pouvoir ?

Pages 104 à 110

Notes

  • [1]
    1. Mémoire de master professionnel Ingénierie et gestion des interventions sociales, dont le titre était « Diriger ou gouverner, une “entre-prise” dans le secteur médico-social et social », université de Nantes, 2008.
  • [2]
    2. F. Mispelblom Beyer, Encadrer, un métier impossible ?, Paris, Armand Colin, 2006.
  • [3]
    3. Jean-Marie Laurent, président de la fnades, intervention prononcée pendant les états généraux, 6 décembre 2007, Paris.
  • [4]
    4. « La fonction de directeur dans le secteur social et médico-social s’est complexifiée », Lien social, rencontre avec Michel Defrance, président de l’aire, propos recueillis par Guy Benloulou, publication n° 786 du 23 février 2006. http://www.liensocial. com
  • [5]
    5. Ibidem.
  • [6]
    6. Ibidem.
  • [7]
    7. Ibidem.
  • [8]
    8. R. Brizais, conférence sur le management des équipes, université de Nantes, 2008.
  • [9]
    9. Ibidem.
English version

Personne et fonction

1 Au cours d'un travail universitaire [], nous avons interviewé plusieurs directeurs sur leur fonction au vu des évolutions culturelles, recueillant un regard et des propos quelquefois décalés, faits de désillusions, de questions plus que de réponses. Nous avons rencontré des hommes et des femmes engagés, passionnés par ce métier souvent décrié et envié à la fois. Nous avons tenté de déceler ce qui, au fond, anime ces professionnels, de repérer leurs positionnements, leurs conceptions du travail et comment ils pouvaient nous aider à en percevoir les contours.

2 Les directeurs sont souvent montrés du doigt, car ils représentent, aux yeux des travailleurs sociaux, celui ou celle qui se soumet trop facilement aux injonctions mercantiles actuelles, celui ou celle qui va vendre l'âme du secteur et dénaturer par sa pratique de gestionnaire la noblesse du travail social. En un mot, ce ne serait plus un guide pour l'institution qu'il dirige, mais un fossoyeur de l'institution. Dans leur rapport à l'administration, les directeurs se sentent bien souvent instrumentalisés et peu considérés dans leur fonction. Cet écart entre les représentations des uns et des autres crée des conditions d'exercice périlleuses. Comment abordent-ils les paradoxes annoncés ? Sont-ils de vertueux gestionnaires peu préoccupés par la clinique du quotidien? Sur ce chemin chaotique, quelques-uns ont accepté de se livrer.

3 Quel est donc ce nouage complexe entre une personne et une fonction ? Est-il possible d'en rationaliser les différents aspects, sans évacuer les fantasmes et l'imaginaire qui l'entourent ? Au service de quel projet cette fonction est-elle si nécessaire ?

4 Chacun a revendiqué être là où il est par choix et conviction. Il s'agit d'un engagement au sens militant du terme : l'idéal d'une société plus juste et d'une place faite aux plus démunis l'habite. Souvent comparé à un chef d'orchestre, il doit être capable de lire les différentes partitions pour une mise en musique collective. Il s'agit d'éviter les couacs et les solistes jouant pour eux-mêmes, oubliant par là même l'objet de leur mission. Il n'y a pas une fonction de direction, mais une diversité de lieux d'exercice qui vont influer sur la manière d'exercer.

5 Cela nous incite à être dans une démarche qui se caractérise par le fait de maintenir en tension des problématiques et de faire penser. La fonction ne peut se réduire à une fiche de poste, au déroulement d'un plan d'action; dans ce contexte d'exercice, il s'agit aussi de prendre en compte la subjectivité d'une personne et son rapport au monde.

6 En cela, la dimension clinique est présente, car il s'agit d'une rencontre organisée entre une personne et une mission ; ce nouage entre personne et fonction est le résultat d'une alchimie complexe. Il s'agit d'être en capacité d'articuler différentes logiques d'intérêt, qui peuvent être contradictoires. Ce nouage entre personne et fonction ne peut se faire sans dimension éthique, sans élaboration, sans distance.

7 Si le directeur actuel est encore un professionnel issu d'un des métiers de base du secteur, il est probable qu'une modification s'opère avec les nouvelles générations de dirigeants. Pour autant, la question va pourtant être la même que celle qui se pose aux directeurs en place : comment assurer une certaine maîtrise de tous les discours pour permettre un langage commun au sein de l'institution qu'ils dirigent? Cela semblait jusqu'alors relativement simple, mais aujourd'hui comment cela peut-il se passer avec les directeurs qui n'ont pas cette culture professionnelle issue du secteur?

Posture et attributs

8 L'un des enjeux de la fonction concerne les messages envoyés par le directeur et perçus par l'équipe : pour celle-ci, un directeur peut se mettre en difficulté si les signes qu'il envoie sont dans un décalage trop fort avec la perception par l'équipe des priorités institutionnelles. Cette perception vécue peut, à terme, alimenter un conflit qui portera sur un tout autre objet. Lorsqu'un nouveau conflit surgira, celui-ci ne sera pas compris dans sa complexité par le directeur car il ne fera pas le lien avec les signifiants qu'il a lui-même générés !

9 Assumer ses attributs (délégations et pouvoirs), c'est assumer l'entièreté de ses choix liés aux obligations de cette fonction. Notamment, dans les systèmes de délégation, un directeur ne peut pas se prévaloir de reporter un dysfonctionnement sur ses subordonnés. Si cela se produit, il a à justifier de l'existence des procédures de contrôle pour mettre en évidence la faute d'un subordonné. En amont de ces considérations, il faut prendre en compte la dimension symbolique de la fonction avec ses manières d'être, son langage, ses postures. Le directeur doit être vigilant à tous les actes qu'il pose et aux signifiants qui peuvent en découler.

10 Le directeur vient scier la branche sur laquelle il est assis, non pas lorsqu'il fait référence à un extérieur socialisé (des expériences vécues par d'autres), mais quand il rabat son discours sur sa propre expérience venant, par là, déprécier le vécu de ses interlocuteurs. Quand il agit de la sorte, le directeur ne mesure pas la portée d'un discours qui vient annuler l'autre dans son historicité : faire table rase du passé ne permet pas aux acteurs de mieux appréhender le présent. Ces pratiques interfèrent d'une part sur sa fonction de direction, mais d'autre part, ne favorisent en rien une dimension clinique dans le sens où celle-ci contient en elle-même sa propre vérité. En agissant de cette façon, il annule dans une double dimension sa propre fonction d'articulation et l'altérité nécessaire au fonctionnement d'une institution.

11 Plutôt que d'annuler ou d'épouser l'histoire, le directeur doit favoriser le développement, pour chaque professionnel, de sa capacité à donner du sens à cette histoire. Ainsi, il en est de même pour les personnes accueillies qui sont aux prises avec leur propre histoire et qui tentent d'y échapper dans des passages à l'acte. Intégrer une dimension historique, c'est donner de la place aux transmissions intergénérationnelles et diminuer alors la pression qui pèse sur chacun, dans une espèce d'illusion groupale de l'auto-engendrement et de l'autosuffisance.

12 En acceptant cette dimension, le directeur peut espérer ne pas devoir coller à l'établissement mais devenir un des directeurs de cette institution. Lorsqu'un directeur reste collé à un ancien statut, faisant référence prioritairement à son expérience passée, il risque de se faire valoir à partir de cette ancienne posture. Cette attitude peut être contre-productive car elle met en avant, non pas un discours basé sur le pluridisciplinaire ou l'interdisciplinaire, mais un discours univoque et manipulateur, dans le sens où il fait croire que chacun a la vérité ou que le discours majoritaire est prévalent, alors que ce qui est producteur de sens au service de la mission, c'est la mise en débat contradictoire des différents discours. Dans ce sens, l'alternative n'est pas entre le discours du directeur et le on de l'équipe, mais dans la création d'un espace d'élaboration collective.

13 La mise en forme de cette posture favorise, pour le directeur, une vision globale nécessaire à la conduite de l'institution, pour une mise en sourdine d'une vision du tout illusoire et réductrice. Être issu du sérail lui permet de ne pas être trop décalé de la culture professionnelle, mais le danger pour lui, c'est d'être trop près de ces différents discours professionnels, au risque de ne pas pouvoir s'en distancier. Cela est renforcé par le fait que le secteur social et médico-social est encore marqué par des promotions internes (avoir occupé un métier de terrain, au mieux dans la même association, au pire dans la même institution) qui accentuent cette illusion. Au-delà de la posture, le directeur a une position à tenir dans la conduite du débat. Cette position le met au cœur de l'action, mais il doit avoir la capacité à ne pas s'y maintenir, au risque d'épouser les discours, de répondre dans l'immédiateté, ou de prendre parti. Il est salutaire qu'il garde en mémoire que les décisions prises sont mises en œuvre par d'autres et que cela nécessite leur appropriation par l'ensemble des protagonistes. Cette posture est réaliste à partir du moment où cette démarche permet à chacun l'accès à une interprétation de ces différents discours telle que l'a définie F. Mispelblom Beyer dans la centralité excentrique[].

Décalage et interprétation

14 Nous sommes dans un secteur où une culture de l'urgence est prégnante, que l'on peut interpréter soit du côté de la réparation, soit du côté de l'angoisse que suscitent les situations rencontrées par les professionnels. Le directeur, au même titre que tous les acteurs, est pris dans cette spirale de l'angoisse et on le somme de répondre au plus vite pour y échapper. Mais différer doit s'accompagner du traitement nécessaire à la situation rencontrée, même s'il y a risque, dans un premier temps, d'être discrédité – car cette action de différer peut être interprétée comme un abandon de la fonction ; c'est aussi faire entrevoir la possibilité de solutions qui n'ont pas encore été envisagées et le directeur, dans cette circonstance, peut donc être une personne ressource. L'enjeu est la production d'un décalage que les professionnels ne sont pas en mesure d'introduire devant certaines situations.

15 De même, ne pas jouer à fond pour le directeur, comme le suggère F. Mispelblom Beyer, est une autre façon de prendre une distance suffisante avec la réalité du moment, c'est tenter d'intégrer les effets des interactions produites dans une situation, de réinterroger et de réajuster les décisions prises. Le directeur garde, dans ce processus décisionnel, une distance suffisante lui permettant cette adaptation aux situations rencontrées que nous pouvons appeler tentative d'objectivation de positions subjectives.

16 Si historiquement le directeur avait l'habitude de ne pas encombrer les équipes avec les questions d'argent, les contraintes administratives, au nom de nobles principes, pour ne pas altérer la qualité du travail auprès des publics, nous mesurons les effets produits auprès de ces mêmes équipes au moment où ces questions viennent obligatoirement sur le devant de la scène institutionnelle. Continuant à pratiquer de la sorte, il favorise une séparation des discours, une segmentation des logiques qui traversent l'institution et prive ainsi les équipes d'une partie de ce qui leur permet d'accéder au sens de leur pratique. En encourageant cette séparation, il ne peut ensuite s'en prendre aux équipes quand il déclare qu'elles ne sont plus autant impliquées qu'avant, qu'elles manquent d'engagement militant, ayant lui-même été acteur dans ce processus.

17 Bien qu'héritant d'une place d'exception, le directeur peut expliciter les contours de sa fonction, ce qui lui permet de limiter le fantasme galopant. Il ne peut pas être celui qui va sauver l'équipe, tout comme le professionnel ne peut pas être celui qui va sauver l'usager ou la personne accueillie. Cet autre aspect, tout aussi important dans sa position institutionnelle, a à voir avec la démystification de sa fonction. Cette dernière ne se situe pas au-dessus ou en dehors de celles des autres acteurs, elle fait partie de l'organisation au sens de rendre visibles l'ensemble des modalités techniques de l'institution. Cela n'est possible qu'à la condition où le directeur a éclairci un tant soit peu, pour lui-même, les raisons qui l'ont amené à vouloir occuper cette fonction.

18 Au regard des évolutions institutionnelles incontournables aujourd'hui, si le directeur ne produit une interprétation qu'à partir de sa propre analyse et de ses propres représentations, il risque de ne pas permettre aux autres acteurs de s'approprier collectivement ces évolutions, faites de petites et de grandes histoires. Au lieu de conduire une historicisation de ces évolutions institutionnelles, il va en favoriser une hystéricisation. Cette version hystérique de la position du directeur va entraîner une incapacité pour chacun à donner du sens à l'avenir, puisqu'elle va réduire l'institution aux personnes et à leurs intersubjectivités.

Travailler et se « faire travailler »

19 Dans une version organisation de l'institution où chacun a sa place, la délégation dont le directeur est destinataire n'existe pas en fonction de son emploi du temps, de la taille de son institution, mais bien parce que c'est une nécessité pour que chacun puisse exercer la mission qui est la sienne dans ce système organisé. C'est l'aboutissement d'une construction négociée, partagée et connue de tous. Ainsi, la visibilité dans les missions du directeur peut devenir un des éléments régulateurs de la vie institutionnelle. Tout en considérant la place d'exception du directeur, cette position n'est plus le fait du prince, l'apanage de celui ou de celle qui se trouve hors d'un cadre pensé, hors structure représentable par tout un chacun.

20 Le positionnement professionnel dans le secteur est entré en turbulences. Certains acteurs prédisent que la vague néolibérale européenne s'installant, nous risquons d'assister à une redéfinition des métiers en fonction de leur coût de gestion et accessoirement de leurs compétences. De plus, la recomposition des dispositifs du secteur va entraîner de grandes modifications dans les organigrammes. Comme l'illustre cette citation de Jean-Marie Laurent, le métier de directeur est, semble-t-il le premier touché : « Les directeurs désespèrent de ne plus avoir de temps à consacrer à leurs équipes, absorbés qu'ils sont dans les tâches administratives. Cependant, les directeurs, débarrassés de ces tâches, seraient-ils encore directeurs ? On murmure que, dans ces dispositifs, le directeur n'est peut-être plus indispensable. Certaines ddass l'affirment déjà, n'acceptant de budgétiser au mieux que des chefs de service, au pire des faisant fonction []

21 Plusieurs facteurs présupposent une mise à mal de la fonction. Auparavant, elle était plus définie et délimitée, alors que maintenant une nécessité de partenariats et de réseaux l'ouvre sur un extérieur peu stable. L'exercice du pouvoir lui-même est rendu plus difficile par une évolution sociétale qui ne le légitime plus de facto. De plus, il ne suffit pas de regarder les facteurs externes, le jeu institutionnel est également perturbé par des conseils d'administration où des ex-directeurs devenus administrateurs changent la donne dans la répartition entre le politique et le technique : « La dimension dialectique entre le politique et le technique est faussée, elle fonctionne difficilement, chacun se replie dans une sorte d'exacer-bation de ses prérogatives []

22 Tous ces facteurs vont dans le sens d'un repli de la fonction sur une certaine forme de technocratie dans un jeu de « qui sera le plus compétent techniquement ». Résister à ce repli est un enjeu important pour l'exercice du métier. Cette résistance peut, comme le propose Michel Defrance, passer par une déconstruction des représentations : « Une déconstruction des représentations et des attentes est à l'œuvre, elle nous conduira à réenvisager autrement l'exercice professionnel des décideurs []. » Il est curieux de constater, que plus la tentative est grande de replier cette fonction sur la technocratie, plus les discours sont forts et construits.

23 Cependant, le seul point de repère tangible semble être la conservation d'une fonction qui s'inscrive dans une triple compétence : clinique, managériale et gestionnaire. Pour ce faire, le directeur doit se confronter aux questions liées à sa formation et non pas seulement à sa qualification. Être directeur d'institution, et pas uniquement directeur d'établissement, implique de résoudre d'abord cette problématique par et pour soi-même.

24 Nous parlons souvent de la solitude du chef mais est-il sérieux de glorifier cette solitude ? La solitude est un état que nous cernons assez bien quand il s'agit des travailleurs sociaux dans l'exercice de leur métier, tandis que nous avons tendance à l'ignorer quand elle touche un responsable. Pourtant, aucun élément tangible n'existe pour que celui-ci échappe aux conséquences de cette solitude. Celles-ci sont de plusieurs ordres mais rappelons qu'elles peuvent notamment s'orienter vers des états dépressifs susceptibles d'entraîner de la violence contre soi-même ou envers autrui: « Travailler seul, ne pas se risquer à la relation à l'autre, ne pas accepter ses incomplétudes est dangereux pour soi et pour l'institution []. » Ne plus participer à un groupe de travail et s'absenter régulièrement est un signe qu'un isolement se dessine et que le problème n'est pas seulement de se sentir seul dans sa fonction mais de se refermer seul face à ses problèmes de responsable.

25 Il est souhaitable, et peut-être même incontournable, qu'un directeur ait un groupe d'appartenance. Dans le souci de se prémunir contre ce que nous avons signalé, mais également dans la question de l'interprétation de sa mission.

26 Nous postulons que les responsables ont une fâcheuse tendance à dissocier, voire à cliver, les différentes dimensions de leurs missions. Nous posons séparément les compétences cliniques, managériales et gestionnaires – sans doute, là encore, en référence à l'ancien métier du directeur -, mais si nous y regardons de plus près, nous pouvons nous demander comment peut s'exprimer et se travailler cette dimension clinique sans accentuer un clivage qui empêcherait de la penser dans la fonction : « Comment dans un tel contexte ne pas être personnellement “travaillé” de l'intérieur par toutes les injonctions contradictoires qui nous conduisent à douter de nous-même et nous remettre en cause en continu. La première des dimensions cliniques, me semble-t-il, s'applique à soi-même []

27 Se faire travailler, c'est d'abord aller travailler sur ce matériel, dans des instances ou groupes qui ont cette vocation et que nous nommons traditionnellement des groupes d'analyse des pratiques. Si diriger, c'est incarner, il est nécessaire que les directeurs ne reculent pas devant cette impérieuse nécessité de conserver une consistance réelle et symbolique, leur permettant de se prévaloir d'une assise minimale pour aborder les questions liées à l'articulation du sujet et du collectif.

Définir, c'est limiter

28 L'un des grands dangers, pour un directeur, est de se prendre pour le directeur, c'est-à-dire de ne plus distinguer entre personne et fonction, entre pouvoir et autorité, entre le rôle qu'il a à jouer dans cet espace-temps et la mission de l'institution. La question qui doit être posée, à chaque fois, c'est celle des limites de cette fonction et donc de sa délimitation. Car ce qui fait institution, c'est la nomination dans le droit [] et c'est aussi ce qui permet à chacun de supporter sa propre frustration. L'institution, c'est un processus de contraintes et de subordination, qui permet dans le même temps des voies de recours pour des effets de garantie.

29 Ainsi, la fonction du directeur, même quand elle est balisée par une fiche de poste, nécessite une interprétation et un positionnement de sa part qui peuvent l'amener à s'engager pour défendre les valeurs de son institution. S'agit-il pour autant d'aller sur le terrain politique, espace dévolu à l'association qui l'emploie? Mais quand le directeur défend un projet élaboré pour répondre aux besoins des usagers, est-ce politique ou technique ? Il s'agit, nous dit Reynald Brizais, de ne pas s'y tromper : « Le technique, c'est bien souvent du politique déguisé []

30 Au nom d'être tenu informé de tout et d'être partout, cette omniprésence ne risque-t-elle pas de se transformer en omnipotence ? Cette omniprésence du directeur lui permet-elle d'être présent à sa fonction? Ce n'est pas en se mettant dans une posture de pourvoyeur d'objets que le directeur va occuper une juste place et ce n'est pas non plus en occupant toutes les places qu'il va se rendre disponible à sa fonction. Il est souvent nécessaire de créer des espaces vides pour repérer les limites de chacun et préserver les territoires des uns et des autres. C'est de cette manière qu'il peut espérer faire vivre la responsabilité de chacun des acteurs institutionnels.

31 Les événements ne manquent pas au quotidien et si, comme nous l'avons vu précédemment, il ne s'est pas protégé de ces tentations par l'intermédiaire d'instances de type analyse des pratiques, il y a tout lieu de penser qu'il va oublier de regarder, analyser, évaluer la manière dont il occupe sa fonction, et à partir de quoi il fonde ses réponses.

32 Être présent à sa fonction, ce n'est donc pas être présent partout. C'est au contraire savoir être absent au bon moment, en faisant valoir la dimension symbolique de la fonction et en faisant vivre les délégations nécessaires.


Mots-clés éditeurs : direction, personne, pouvoir, analyse de pratique, fonction, posture

Mise en ligne 16/08/2010

https://doi.org/10.3917/empa.078.0104

Notes

  • [1]
    1. Mémoire de master professionnel Ingénierie et gestion des interventions sociales, dont le titre était « Diriger ou gouverner, une “entre-prise” dans le secteur médico-social et social », université de Nantes, 2008.
  • [2]
    2. F. Mispelblom Beyer, Encadrer, un métier impossible ?, Paris, Armand Colin, 2006.
  • [3]
    3. Jean-Marie Laurent, président de la fnades, intervention prononcée pendant les états généraux, 6 décembre 2007, Paris.
  • [4]
    4. « La fonction de directeur dans le secteur social et médico-social s’est complexifiée », Lien social, rencontre avec Michel Defrance, président de l’aire, propos recueillis par Guy Benloulou, publication n° 786 du 23 février 2006. http://www.liensocial. com
  • [5]
    5. Ibidem.
  • [6]
    6. Ibidem.
  • [7]
    7. Ibidem.
  • [8]
    8. R. Brizais, conférence sur le management des équipes, université de Nantes, 2008.
  • [9]
    9. Ibidem.
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