Empan 2009/3 n° 75

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Article de revue

Penser chasserait-il les mauvaises pensées ?

Regard sur un paradigme à l'œuvre dans la formation continue en travail social

Pages 110 à 115

Notes

  • [1]
    M. Heidegger, Qu’appelle-t-on penser ?, Paris, Quadrige /puf, 2e édition 1999. Cours donnés à l’université de Fribourg- en-Brisgau, 1951-1952.
  • [2]
    H. Arendt, Considérations morales, traduit de l’anglais par Marc Ducassou et Didier Mes, Paris, Rivages poche, 1996.
  • [3]
    G. Deleuze, Spinoza, philosophie pratique, Paris, Éditions de Minuit, 1981.

1L’intervention en formation continue crée un rapport au temps tout à fait spécifique et un face-à-face particulier… Chaque heure compte et, dès la première, s’impose régulièrement à mon esprit l’idée que les savoirs que je vais devoir mobiliser débordent largement le cadre précisé dans le projet. Puis se développe aussi la certitude que cette fonction de « formateur itinérant » relève de compétences qui associent celles du formateur « classique » à d’autres qui appartiennent pourtant aux participants eux-mêmes : il s’agit de celles visant l’ajustement des savoirs à transmettre au contexte institutionnel. Dans les services et les établissements, lieux de pratique par ailleurs toujours singuliers, seuls les savoirs en situation me paraissent être porteurs d’une dynamique et, pour cela, efficients, capables de susciter des actes. Or, en tant que personne de passage, les situations me sont inconnues. J’en retiens combien le caractère condensé de la formation continue suscite sur un mode plus aigu qu’en formation initiale le questionnement de l’acte de formation.

2Ce constat commun à de multiples expériences ne nie pas pour autant la place de l’enseignement mais ouvre sur une série de questions pour lesquelles le paradigme structurant se doit d’être analysé, d’autant qu’il semble être partagé par un grand nombre de formateurs sans être discuté. Relèverait-il de l’évidence…

3Abordons tout d’abord les questions que suscite l’expérience de devoir convoquer des savoirs qui ne sont pas uniquement ceux que le projet de formation semble requérir.

4Quels facteurs peuvent rendre la mise en discours des connaissances de l’intervenant féconde pour un groupe, une équipe ou des professionnels pris un par un ?

5Comment se créent de nouveaux savoirs, des connaissances renouvelées, des perspectives d’actions subjectivées chez des professionnels en formation continue ?

6Y a-t-il une voie repérable pour accéder à ce que chaque formateur vise, faire sens pour l’autre, donner une intelligibilité au confus, ouvrir des perspectives ?

7Les problèmes de mise en œuvre, si souvent évoqués, sont-ils imputables au faisceau des obligations et restrictions de tous ordres ou à la difficulté de savoir réinventer sans fin de la liberté dans des lieux pour lesquels l’organisation est nécessairement contraignante ?
En réponse à ces questions que tout formateur, me semble-t-il, se pose et qui prennent une intensité accrue en formation continue, le paradigme structurant est à rechercher dans le domaine pédagogique. Sous des formes variées, il énonce un même impératif : dégager des espaces de pensée, susciter les interactions pour un accès collectif à la pensée, travailler dans la rupture pour faire émerger le sens… Je comprends : la pensée à l’œuvre garantit les « bonnes pratiques », voire le positionnement juste, respectueux d’une éthique. Dès lors, le principe pédagogique devient une hypothèse philosophique.

Faut-il donc accorder tant de vertu à l’exercice de la pensée ? C’est ce qu’il me paraît nécessaire de soumettre à l’examen

8Que signifie faire appel à la pensée ? A-t-elle un effet sur l’agir ? Y a-t-il des relations entre les modes de connaissance et les modes d’existence, de pratique ?

9En filigrane se trace la triple référence à Heidegger, Arendt et Spinoza ; ces trois penseurs seront tout à la fois des ancres et des balises, repères forts pour s’enraciner aux concepts et ouvreurs de voie pour tracer un chemin.

10À partir de l’ouvrage Qu’appelle-t-on penser ?[1], de Martin Heidegger, je questionnerai l’usage du terme « pensée » en gardant constamment en mémoire le fait de son parti pris politique et/ou de son aveuglement au cours du IIIe Reich, ce n’est pas ici le lieu de trancher.

11Qu’est-ce donc penser, en référence à Heidegger ? « La pensée ne conduit pas à un savoir tel que les Sciences », elle leur est étrangère ; la pensée s’apprend d’abord par l’écoute, une écoute des plus attentives car nous ne pensons qu’à partir de ce qui échappe, de ce qui se détourne depuis toujours. La pensée a à voir avec le caché, le furtif, le silencieux, ce dont nous ne percevons que des murmures, des bribes, la fuite, ce qui se marque de l’absence. Ainsi sommes-nous condamnés, le plus souvent, à une pseudo-pensée, la pensée rétrospective. Quand l’actuel ne l’est déjà plus, qu’il appartient au passé, ce qui résiste à la compréhension est autre, et ce que nous pressentions hier confusément se présente en toute clarté à notre esprit… trop tard et surtout, trop tard pour la pensée. De fait, nous saisissons principalement ce que nous aurions toujours souhaité percevoir plus promptement. Cet « actuel d’hier » relève désormais de la démarche scientifique, il pourra être soumis aux travaux des universitaires et se joindre aux savoirs constitués.

12La pensée est donc de l’ordre de la clairvoyance et de la saisie de l’instant, il s’agit de donner un poids de présence et de sens à ce qui par nature échappe, n’est qu’apparaissant. La raison ne considère pas ce qui est furtif, elle ne peut que le soumettre à l’opération lente du doute…

13Cette première analyse renvoie au domaine du politique au sens le plus large, par là, à tous les domaines où la capacité de donner sens à ce qui advient est primordiale. De toute évidence, les situations propices à l’intervention sociale ou médico-sociale réclament l’acuité du regard, l’attention à l’indiciel, cela même qui inaugure l’opération de la pensée. Pour préciser combien, en ce sens, il est difficile de penser, il n’est qu’à se remémorer l’actualité en lisant ce leitmotiv de Heidegger : « Ce qui donne le plus à penser dans notre temps qui donne à penser est que nous ne pensons pas encore » (1999, p. 24). Les freins sont nombreux : l’urgence, les occupations, l’aveuglement, la cécité, l’inattention, les intérêts catégoriels ou personnels… mais reconnaissons-le, nous saisissons le sens des situations essentiellement en nous retournant alors que la pensée nous convie à voir en avant, au-devant. En ce sens, penser relève d’une nécessité, non seulement individuelle mais sociale… déceler le sens de ce qui advient.

14Dès lors, comment ne pas songer au parti pris pro-nazi de cet universitaire, quand il interroge la pensée au lendemain du IIIe Reich, et ne pas entendre le poids concret et tragique de ses cours de 1951-1952 ? Cela oblige à considérer avec insistance tout ce qui accroît la vigilance, l’attention, en réservant pour la suite la question de l’hétérogénéité possible des domaines de la pensée et de l’agir.

15Ce premier regard conduit à expliciter comment « apprendre à penser », et ce que l’on peut attendre de la pensée. Questions toutes deux articulées à l’expérience de la formation. J’entends livrer ici, en restant dans le sillage de Heidegger, les bribes d’un discours qui oriente ma pratique pédagogique et que je m’adresse tout autant – convaincue que ce n’est pas seulement la relation à la pratique de terrain qui nous situe comme « actuels » dans l’exercice de la formation mais bien notre cheminement avec la pensée.

16Je retiendrai trois images-concepts de Heidegger : « ce qui se retire », « le chemin », et « la question », pour séjourner à l’entour des pratiques de la pensée en formation.

17Penser nécessite et incite à collecter les indices, à en garder une trace car, chacun en fait l’expérience, la pensée suit son cours toujours en l’absence de ce qui l’a suscitée. Elle interrompt toute action et, par réaction, le plus souvent, chacun stoppe la pensée et poursuit l’action. Par la pensée, il arrive tout de même de se détourner des choses en cours ainsi, les notes prises « sur le tas » ou « après coup » manifestent le vouloir penser, la considération pour l’acte de penser. Elles seront précieuses à cet effet… si elles ne s’égarent pas.

18Cependant, la puissance propre à certaines questions les rend insistantes et les protège du risque de l’oubli. Ces questions-là mobilisent au sens strict du terme : elles appellent et répondre consiste à se présenter disponible, ouvert à la mobilité. À cet instant, « le-rien-n’est-moins-sûr » relève de la toute première importance, réclame notre attention et ne peut se résoudre avec ce que l’on sait déjà.

19Apprendre à penser, c’est tout d’abord faire rupture au cours des préoccupations, mais aussi pratiquer l’attention sans dessein, déprise du contrôle, la présence sans intention précise, et cultiver le regard étonné, interrogatif.

20Questionner pourtant ne suffit pas ; il s’agit d’aller à la rencontre de ce qui est mis en question, de promouvoir les questions, de ne pas les laisser en chemin. Puis, viendra l’heure d’accepter que toute question en appelle d’autres et agrandit l’aire des connaissances à découvrir. Penser devient véritablement se mettre en chemin.

21Les questions elles-mêmes tracent l’itinéraire de la pensée, le parcourir confronte au texte même de la pensée. Or, des modes du dire dépend pour partie le sort réservé à la question… Cette orientation convoque un nouveau territoire et de nouvelles exigences : la pensée se soutient du langage, de l’attention « au dire de la parole » ; n’entendre que « l’habituel », le bruit de fond, le « déjà dit » prive de l’accès au plus « proche », à l’essentiel, au singulier, au sens. Un domaine ouvert, aux applications pédagogiques des plus riches pour la formation des travailleurs sociaux…

22Souligner le voisinage du processus de la pensée et de l’ouverture à l’inconnu par suite à l’altérité, à l’interpellation, c’est aussi nommer une posture du travail social : savoir se laisser détourner. Le détour, ici, s’avère une voie de l’accès, il est un séjour à l’entour, présence à l’horizon sans le risque de l’effraction, regard qui ne saurait dévisager… Peut-il y avoir une pensée linéaire ? De même, peut-il y avoir une rencontre initiée hors détour, sans histoire ? Le compagnonnage de la pensée serait-il une voie de l’accès à la rencontre telle qu’on la parle dans le secteur ?

23Et pourtant, cet auteur met en garde : « nous surestimons la pensée et nous lui en demandons trop » ; cette prétention empêche de « nous maintenir en elle » et nous égare. La pensée ainsi analysée répond seulement au désir de savoir, elle trace une voie vers ce qui est, tel que cela est. Par là, certes, nous construisons une connaissance du monde dans ses multiples composantes, l’homme y compris. Cela, bien que nécessaire, suffit-il à diriger l’action et à fonder des valeurs professionnelles ? Heidegger n’examine pas les intrications des domaines du penser et de l’agir, cela devient pourtant incontournable dès que l’on réfléchit à l’acte de formation.

24Comment distinguer penser et convoquer les préjugés ?

25Cette interrogation, nous l’adressons à Hannah Arendt ; elle l’a véritablement portée dans plusieurs de ses écrits et de façon tout à fait centrale lors d’une conférence éditée sous le titre Considérations morales[2]. Elle interroge le rapport possible entre l’inaptitude à penser et le problème du mal, plus précisément : l’aptitude à penser serait-elle le fondement du positionnement moral et, par extension, de la possibilité de se responsabiliser face aux ordres reçus ou aux décisions à prendre ?
Dans ce texte, elle se distingue de Heidegger en identifiant une faculté de penser distincte de la soif des connaissances : « La pensée dans son sens non cognitif, non spécialisé, en tant que besoin naturel de la vie humaine, précise-t-elle, […] n’est pas une prérogative de certains mais une faculté présente chez tout le monde ; de plus l’incapacité de penser n’est pas la “prérogative” de tous ceux qui manquent d’intelligence, elle est cette possibilité toujours présente qui guette chacun […] et empêche le rapport à soi-même ».

26L’association de cette conception à l’apport de Heidegger permet de préciser :

27

  • ce qui donne à penser est, par définition, ce qui se refuse à une saisie immédiate ;
  • penser est à la fois un besoin naturel de l’homme et pourtant l’incapacité à penser est une menace constante chez tous les humains ;
  • penser maintient un rapport, celui de soi à soi médiatisé par les actes et ainsi, largement ouvert sur la responsabilité.
La pensée exige le vouloir penser, la question de Hamlet devient chez Hannah Arendt : penser ou ne pas penser ?…

28Ce qui intéresse Hannah Arendt n’est donc pas de cerner la pensée mais les effets de son arrêt ; elle les nomme : rapport au monde et au « bien commun » non questionné, désintérêt pour le sens des actes, inclination à « se laisser entraîner sans réfléchir, par ce que les autres font et croient ». La pensée renvoie à soi-même, à ce que chacun veut vraiment ; dans les situations critiques, penser « devient alors une sorte d’action et libère une autre faculté humaine, la faculté de juger ».

29Cette avancée conforte l’importance de concevoir la formation comme un lieu de rupture, d’élaboration de l’agir, et pas seulement de réponse à une soif de connaissance légitime et enrichissant la vie professionnelle. Pour autant, nous manquons de clarté sur ce qui fait de l’acte de formation un temps d’accès ou de confortation à l’autonomie de l’aptitude à penser. Par autonomie, je veux dire l’assurance que le recours à la pensée ne dépende pas exclusivement des dispositifs de facilitation que sont la formation continue, les groupes d’analyse de la pratique ou autres instances collectives. Ces moments, certes nécessaires, ne répondant pas à l’exigence d’être de soi-même concerné par la pensée sur un mode pertinent.

30C’est par l’observation fréquente de la souffrance causée par ce que Spinoza nomme « le premier genre de connaissance » que, de fait, la question du recours à la pensée s’est souvent posée. Parmi tant d’autres situations, je me souviens, lors d’une formation sur les écrits professionnels, d’une jeune femme travaillant auprès de personnes adultes souffrant d’une restriction sévère de l’autonomie. Elle avait imaginé l’aménagement d’un parcours de santé dans le parc de l’établissement. C’était un projet pour renforcer les aptitudes au déplacement sur des trajets plus difficiles que les couloirs de la résidence et une incitation à désirer encore « vivre dehors ». Elle relate son expérience de frustration et de sentiment de non-reconnaissance quand je pose la question : qui va, peut ou doit signer ces écrits ? Tels sont les faits qu’elle raconte : après avoir rencontré le ou la directeur/trice qui se montre très intéressé/e, elle écrit « son projet » puis constate amèrement qu’elle n’est plus concernée et qu’il devient « la propriété » du médecin, assisté du kinésithérapeute. « Son idée » sera prise au sérieux, ouvrira sur une réalisation dont l’inauguration officielle occasionnera divers éloges des notables de l’association ; de cette jeune professionnelle engagée dans son travail, ayant le souci des résidants, à l’écoute de leurs difficultés, il ne sera jamais question.

31Expérience douloureuse d’un projet par ailleurs tout à fait « réussi », qui illustre ce que Spinoza nomme la connaissance du premier genre : une pensée attachée à son ancrage affectif ou sensoriel et sans compréhension des rapports en jeu ; ici : un parcours de santé d’une part et une institution médico-sociale d’autre part.

32Ce premier niveau, « connaissance inadéquate », tronquée, des choses, vient du corps et de ses affects ; « de telles idées sont des signes, [elles] indiquent notre état actuel, et notre impuissance à nous soustraire à une trace [3] ».Tout fait exprime des rapports qui laissent une trace et la connaissance réduite à l’effet qu’est la trace ne recouvre que le premier genre. Par cette connaissance réduite, chacun découvre les conséquences qui, par l’intervention de l’imagination, pourront ensuite être ressenties comme cause. Le langage traduit ce premier genre de connaissance dans les expressions : « le soleil se lève », tel objet « m’a fait mal », « il m’a fait » une grippe, mais aussi « untel m’a fait mal »… Bloquées par moments à ce niveau qui traduit la tendance à exprimer des affects en pensant expliquer des rapports à l’œuvre, les idées qui s’ensuivent ne mobilisent pas la puissance de comprendre mais la façon singulière de « pâtir » ; ce qui pour Spinoza est un équivalent de subir.

33Ce premier genre laisse chacun impuissant, relégué à subir les effets des rencontres bonnes ou mauvaises, non du fait de l’autre, qui serait bon ou mauvais, mais du fait de l’ignorance de ce qui est en jeu. Dès lors, la puissance d’agir faiblit au profit de la propension à pâtir… Qui ne connaît ces expériences qui laissent un goût amer, une profonde fatigue et cachent notre ignorance par le ressentiment ? Cependant, un sursaut est possible, il permet d’entrevoir que les affects ne « recouvrent » pas l’entière connaissance des situations vécues et/ou observées ; la quête des idées justes déploie à nouveau la puissance singulière de tout homme. Accéder au deuxième genre de connaissance, c’est identifier les rapports sous lesquels se composent ou se décomposent les rencontres et les effets de choc, quels qu’en soient les corps concernés (matière inerte, vivante, être humain) ; c’est recouvrer sa puissance, c’est-à-dire ses affects actifs.

34Ne plus être qu’à la merci des aléas, développer sa « puissance d’agir » du fait d’une compréhension plus juste, montre l’articulation spinoziste des niveaux de compréhension et des niveaux d’existence. Spinoza, par la mise en évidence des effets d’une connaissance adéquate sur les affects (ils deviennent dynamiques), et donc sur la capacité d’agir, développe une théorie de la connaissance comme fondement de l’éthique. L’homme conquiert et déploie son existence selon les modes de compréhension/connaissance qu’il développe. Rester un témoin enthousiaste ou blessé par les hasards de la vie, ou expérimenter que toute connaissance est une conquête de soi, une intensification de la puissance d’agir, tel est le choix qui se pose à tous ceux qui ont fait l’expérience du deuxième genre de connaissance.

35Ce que Spinoza nous donne à comprendre, ce n’est pas une théorie élitiste, c’est la mise en valeur du fait que l’existence humaine est corrélée à ce que chacun décide de rendre important. Pas de morale, pas de semonce, un choix de vie.
Cette incursion rapide et réductrice dans les concepts de Spinoza souligne le risque d’assurer l’accompagnement professionnel des personnes en difficulté en restant par trop accroché à la connaissance du premier genre… Se confronter à une altérité radicale expose à l’impact du premier genre ; s’en déprendre exige véritablement l’acte de penser. En formation continue – tout comme en formation initiale –, on ne peut l’ignorer, le ressourcement de la pensée peut être considéré comme partie intégrante de tout programme de formation.
Ce regard sur ce que signifie et réclame penser n’attire pas de conclusion définitive, seulement quelques indications. La pensée se définirait tout d’abord par un niveau d’exigence… C’est-à-dire, pour résumer : l’attention ouverte, l’arrêt – ne serait-ce que momentané – de l’action, l’engagement dans les questions suscitées par l’attention, la conscience que les émotions ouvrent à une pensée limitée aux effets, la connaissance des rapports en jeu en tant qu’ouverture à d’autres modes de compréhension, et par là d’action, d’émotion et de liberté.
Comment ne pas entrevoir une disproportion entre l’apport des philosophes et la contribution à ce que je nommais en introduction « dégager des espaces de pensée » ? Pourtant, revenir à ces lectures ne m’a pas découragée, au contraire, j’y ai entendu : susciter la pensée prend toute sa pertinence dans une dimension collective ; penser fait appel à la liberté, à la mise en mots et par là ouvre au monde commun ; la pensée se méfie des catégories, des oppositions binaires telles que subalterne/ responsable, malade/bien portant, professionnel/ privé…
C’est en tant qu’être humain que chacun pense mais aussi, cesse de penser.


Mots-clés éditeurs : recours à la pensée, acte de formation

Date de mise en ligne : 01/01/2010

https://doi.org/10.3917/empa.075.0110

Notes

  • [1]
    M. Heidegger, Qu’appelle-t-on penser ?, Paris, Quadrige /puf, 2e édition 1999. Cours donnés à l’université de Fribourg- en-Brisgau, 1951-1952.
  • [2]
    H. Arendt, Considérations morales, traduit de l’anglais par Marc Ducassou et Didier Mes, Paris, Rivages poche, 1996.
  • [3]
    G. Deleuze, Spinoza, philosophie pratique, Paris, Éditions de Minuit, 1981.

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