Notes
-
[*]
Michel Dollé, rapporteur général du Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale, cerc.
113 rue de Grenelle, 75007 Paris. -
[1]
Wresinski J., « Grande pauvreté et précarité économique et sociale », Paris, Journal officiel, 1987, p. 14.
-
[2]
Alinéa repris à l’article 1 de la loi sur le rmi.
-
[3]
La dares estime chaque année le flux d’embauche sur un champ couvrant environ 85 % des entreprises du secteur privé cotisant à l’assurance chômage, soit en 2002 environ 13 millions de salariés. Au cours de l’année 2002, ces entreprises ont recruté 5,2 millions de personnes (hors intérim et contrats non renouvelables de durée inférieure à un mois), soit un taux de recrutement de 40 %. Au cours de la même période, 40 % des salariés ont quitté leur emploi. Enfin, toujours en 2002, l’anpe a recensé plus de 4 millions d’inscriptions au chômage.
-
[4]
Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale (cerc), La sécurité de l’emploi face aux défis des transformations économiques, Paris, La Documentation française, février 2004.
-
[5]
C’est l’intitulé exact du programme de lutte contre la pau-vreté engagé depuis 1998 par le gouvernement travailliste britannique : « Opportunity for all » et d’une certaine manière cela fait écho au thème de l’égalité des possibles ou plutôt des capabilités développées par exemple par Amaritya Sen.
-
[6]
Les attendus de la décision sont plutôt des attendus d’opportunité qu’une prise de position sur ces principes fondamentaux.
-
[7]
Certes d’un montant plus faible que l’api.
-
[8]
Voir sur ce point le rapport n° 4 du cerc, « Les enfants pauvres en France ».
-
[9]
Voir sur ces points le 3e rapport du cerc, « Éducation et redistribution ».
-
[10]
C’est-à-dire après la fin de la scolarité obligatoire.
-
[11]
Sans compter la contradiction qui consiste à permettre le rattachement fiscal d’un enfant majeur étudiant et le versement automatique de l’allocation logement social (als) à tout étudiant majeur louant un logement pour ses études supérieures, même si ce logement est situé dans la même ville que le domicile de ses parents : dans un cas, on affirme que l’étudiant fait partie de la cellule familiale de ses parents, dans l’autre on affirme qu’il en est autonome.
1 Traiter de ce sujet nécessite de le délimiter ou plutôt de le définir. En effet, les termes de précaire ou de précarité, s’ils sont surabondamment utilisés dans le débat politique ou social, n’ont pas une définition très précise, et ce flou contribue à en renforcer l’usage.
2 Au terme de précaire sont associés (dictionnaire Le Robert) ceux de révocable, incertain, instable, court, éphémère, fragile. Au sens premier du terme, révocable, tout contrat de travail, tout bail locatif mais aussi toute structure familiale, etc., est par nature précaire. On ne peut aller aussi loin pour parler de la précarité. Joseph Wresinsky, fondateur d’atd Quart Monde, dans un rapport du Conseil économique et social définissait ainsi la précarité : « La précarité est l’absence d’une ou plusieurs des sécurités permettant aux personnes et aux familles d’assumer leurs responsabilités élémentaires et de jouir de leurs droits fondamentaux. L’insécurité qui en résulte peut être plus ou moins étendue et avoir des conséquences plus ou moins graves et définitives. Elle conduit le plus souvent à la grande pauvreté quand elle affecte plusieurs domaines de l’existence, qu’elle tend à se prolonger dans le temps et devient persistante, qu’elle compromet gravement les chances de reconquérir ses droits et de ré-assumer ses responsabilités par soi-même dans un avenir prévisible [1]. » Cette définition a le mérite de souligner la pluridimensionnalité de la précarité et le risque que se cumulent divers aspects de celle-ci. Cependant, associer précarité à grande pauvreté telle que la définit et la combat atd Quart Monde est peut-être excessif. Ainsi, dans l’échelle de langage utilisée pour décrire des situations, on voit parfois le classement suivant : grande pauvreté, pauvreté, précarité. Par ailleurs, pauvreté désigne plutôt un état alors que précarité renvoie davantage à un processus dynamique.
3 Pour ce qui concerne les politiques sociales, il est insuffisant d’en rester aux seules politiques de protection (assurance) sociale et de redistribution, y compris les politiques familiales, et à ce que les Anglo-Saxons appellent les politiques d’assistance et que nous appelons d’aide sociale. Les politiques de la santé ou du logement voire de l’éducation de même que les politiques de l’emploi jouent un rôle important dans la genèse ou la réduction de la précarité. Faute de pouvoir le faire dans le détail, on se contentera ici de souligner quelques orientations et évolutions des politiques qui exercent une incidence sur la précarité.
Précarité et emploi
4 L’un des premiers droits sociaux mais aussi l’un des premiers devoirs (ou responsabilités) est d’occuper un emploi. Le préambule de la constitution de 1946, repris par la constitution de la Cinquième République, « proclame comme particulièrement nécessaires à notre temps, les principes politiques, économiques et sociaux ci-après ». Parmi ces principes figure celui-ci : « chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi » et plus loin ce second : « Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler, a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence [2]. »
5 Obtenir un emploi mais quelle sécurité de l’emploi ? L’emploi est marqué par une grande instabilité. Chaque année, dans le secteur marchand, les sorties de l’emploi salarié représentent environ 40 % du nombre total d’emplois [3] (et les entrées environ autant). La sécurité de l’emploi vient de faire l’objet d’un rapport du cerc [4], dont on peut rappeler certaines conclusions.
6 Il faut distinguer l’instabilité de l’emploi (perdre ou quitter volontairement son emploi) et l’insécurité de l’emploi (connaître, après une sortie d’emploi, une période durable de chômage). En anglais, on distingue la job security de l’employment security.
7 L’instabilité de l’emploi renvoie aux besoins de flexibilité de l’entreprise face aux variations de la demande, au changement des techniques de production, etc. Elle trouve un support dans l’existence de contrats à durée déterminée ou d’intérim, mais résulte, en amont, de contraintes économiques. L’instabilité de l’emploi peut être réduite en partie par un recours plus important à la flexibilité interne et en moindre partie à la flexibilité externe par la modulation du temps de travail (faire varier les horaires de travail pour mieux les adapter aux fluctuations de la demande) et/ou par la formation continue (capacité à développer la polyvalence, de manière à pouvoir affecter le même salarié à des tâches différentes ou évolutives plutôt que de le licencier). Mais ceci dépend d’autres champs d’action que les politiques sociales (droit du travail notamment, mais aussi modalités de détermination des cotisations chômage des employeurs).
8 L’insécurité de l’emploi dépend, elle aussi, fortement d’autres domaines des politiques publiques. Ainsi, la sécurité de l’emploi s’est nettement améliorée durant la fin des années 1990 principalement grâce à l’amélioration très sensible de l’emploi et à la baisse du chômage : résultat en particulier de la conjonction d’une croissance économique internationale plus forte, d’une politique d’allègement des cotisations sociales sur les bas salaires et de la réduction de la durée du travail.
9 Mais au-delà de ces résultats globaux, il faut souligner que l’instabilité et l’insécurité de l’emploi sont très inégalement réparties et s’accroissent notamment pour les moins qualifiés. Et pour nombre de salariés, le risque est l’enfermement dans une succession d’emplois instables entrecoupés de périodes de chômage. Là réside précisément une des précarités majeures. Par ailleurs, l’instabilité de l’emploi engendre un accès plus faible à diverses composantes de la protection sociale, notamment en matière d’assurance complémentaire d’entreprise (santé).
10 Et ceci concerne les politiques sociales de trois points de vue au moins.
11 Comment permettre aux personnes qui connaissent une sortie de l’emploi d’en retrouver rapidement un et de connaître une meilleure carrière ? Ceci concerne la formation continue ou professionnelle. Spontanément, les orientations des dépenses des entreprises en ce domaine concernent davantage les plus qualifiés car l’investissement y est plus rentable, notamment ceux qui sont employés dans le « cœur » de l’entreprise ou qui sont suffisamment jeunes pour avoir le temps d’amortir cet investissement. En sont donc largement exclus les moins qualifiés, les salariés en contrat temporaire ou les seniors, alors que ce sont ces catégories qui en auraient le plus besoin pour améliorer leurs perspectives d’embauche. Sur ce point, ni l’accord interprofessionnel de 2003, ni la loi de 2004 n’ont apporté de progrès très significatifs.
12 En second lieu, se pose la question des revenus de remplacement, de l’indemnisation du chômage. Trois instruments sont en cause : l’allocation de retour à l’emploi (are) du régime d’assurance chômage, l’allocation de solidarité spécifique (ass), et le rmi, ces deux derniers, sous conditions de ressources, faisant partie des régimes dits de solidarité. La première a une double particularité : l’indemnisation est d’autant plus longue que la carrière antérieure l’a été et son niveau est d’autant plus élevé que le salaire antérieur l’était. Ces deux facteurs jouent au détriment des carrières instables et peu rémunérées. Et cette tendance s’est renforcée au cours du temps. En décembre 2003, par exemple, seuls 54 % des chômeurs percevaient l’are et le taux de couverture comme le montant des allocations s’accroissait avec l’âge. Quant à l’ass, elle est également fonction de l’ancienneté de la carrière et le régime de solidarité ne couvre pratiquement plus les personnes dans leur période d’insertion depuis la réduction à la portion congrue, en 1992, du champ de l’allocation d’insertion. Deux questions se posent alors. Faut-il préserver un système où les avantages croissent avec l’ancienneté par accumulation de droits ? Ou bien, faut-il couvrir davantage les risques pour les plus fragiles et notamment ceux qui subissent le plus l’instabilité/insécurité ?
13 Autre question, essentielle, celle de l’activation des dépenses d’« indemnisation du chômage », c’est-à-dire à la fois une incitation renforcée des demandeurs d’emploi à en rechercher activement et l’utilisation d’une partie des fonds de l’assurance chômage pour développer des actions de retour à l’emploi. La réponse ne va pas de soi. L’allocation chômage est-elle un pur revenu de remplacement provenant d’un mécanisme d’assurance ou doit-elle être un outil du retour à l’emploi engageant la société comme le bénéficiaire ? Ce débat est ancien, il s’est exprimé notamment dès 1984 lorsqu’a été créé le régime des activités réduites. Il s’est exacerbé dans la négociation de la convention Unedic de janvier 2001 créant l’are et le pare. Ce qui est notamment en cause est le degré d’engagement dans les activités de recherche d’emploi demandé aux allocataires, la possibilité de sanctions et la nature des emplois « acceptables », c’est-à-dire qu’un allocataire doit accepter sous peine de suspension totale ou partielle de son allocation. Cette question se pose dans tous les pays et bien souvent avec un degré d’exigence plus élevé qu’en France : exigence quant aux moyens que la société consacre à l’aide au retour à l’emploi, exigence aussi quant aux efforts demandés aux allocataires.
L’activation des dépenses sociales
14 Au-delà de l’indemnisation du chômage, doit-on s’engager dans une « activation des dépenses sociales » ? Ce thème vient d’être évoqué lors de la dernière réunion des ministres des Affaires sociales de l’ocde (avril 2005) : « accroître les chances de chacun [5], par une politique sociale active au bénéfice de tous ». Sont ici considérées comme politiques sociales actives celles qui « s’attachent à modifier les conditions dans lesquelles les individus se développent au lieu de se borner à soulager la détresse provoquée par ces conditions. En renonçant à l’ancienne approche réactive basée sur l’indemnisation, on met ainsi davantage l’accent sur l’investissement dans les individus pour qu’ils soient le plus à même de devenir des membres autonomes de la société qui subviennent à leurs propres besoins. » L’ocde relance un débat qui mérite une discussion approfondie sous différents aspects.
15 Ceci concerne, en premier lieu, la réforme du rmi débattue en 2003 avec la création du Contrat d’insertion-Revenu minimum d’activité : le cirma. Deux questions sont posées. Dans quelle mesure doit-on organiser l’action sociale pour qu’elle permette, autant que possible, aux personnes de retrouver une autonomie d’appartenance à la société au travers d’un emploi ? C’est ce que les Anglo-Saxons appellent le Welfare to work, faire passer de l’assistance à l’emploi. Ne risque-t-on pas d’entrer dans l’obligation pour le bénéficiaire de travailler en contrepartie ou pour rembourser l’aide reçue ? On est alors dans le Workfare (contraction de Work for your welfare). On est sur une ligne de crête. Disons-le clairement : dans la loi de décembre 2003, le cirma n’était pas un simple contrat aidé abaissant très fortement le coût du travail pour l’employeur, ce qui pouvait éventuellement se justifier. Il ne plaçait pas le titulaire dans une position de travail salarié puisqu’il limitait les droits dérivés (assurance chômage et retraite) à une fraction de la rémunération (la seule partie de la rémunération à la charge de l’employeur). Ceci conduirait à faire rembourser par le labeur de l’allocataire en ci-rma l’allocation de rmi. On avait clairement basculé dans le Workfare et il est regrettable que le Conseil constitutionnel ne l’ait pas sanctionné [6]. Heureusement, la loi de cohésion sociale est revenue sur ce point crucial en r?établissant la pleine situation de contrat salarial du ci-rma .
16 Prenons, à l’inverse, une autre prestation d’aide sociale, l’allocation de parent isolé api. Il s’agit dans son principe d’une simple allocation temporaire aidant les mères (il s’agit d’elles dans l’immense majorité des cas) à faire face à cette situation durant un à trois ans. Mais rien n’est prévu, dans son cadre, ni pour les aider à trouver un emploi dans l’instant ou à l’avenir. Et lorsqu’il s’agit de personnes peu qualifiées, l’éloignement du marché du travail et la difficulté accrue dans leur cas à concilier responsabilités familiales et vie professionnelle rendent la sortie de l’api très incertaine ou précaire : bien souvent, l’api débouche sur le rmi. Une approche très différente est celle du Royaume-Uni avec le programme New Deal for Lone Parents qui vise à aider les parents isolés à retrouver un emploi combinant allocation monétaire [7], accompagnement vers un retour à l’emploi, recherche de solutions pour la garde des enfants, etc.
17 Une des questions posées est effectivement de savoir quelles places respectives il faut donner aux simples allocations monétaires et à la fourniture de services aux personnes en situation de précarité. Ainsi, le système français d’aide à la garde d’enfants est fondé davantage sur des allocations (paje depuis le début de 2004) que sur la fourniture de services collectifs (crèches, assistantes maternelles dépendant des communes), ce qui constitue, pour les familles pauvres, un obstacle dirimant au retour à l’emploi. Les pays scandinaves ont fait le choix inverse et ce n’est pas sans incidence sur les meilleurs résultats qu’ils obtiennent en matière de lutte contre la pauvreté des enfants et contre la transmission intergénérationnelle de la pauvreté [8].
18 Quelle place, enfin, faut-il donner à l’accompagnement des personnes, qui ne se limite pas à un simple contrôle et qui évite un contrôle social intempestif ne respectant pas la dignité des personnes ?
Politiques sociales et nouveaux risques
19 En France, comme dans nombre de pays, la protection sociale s’est organisée pour réduire les risques du « single breadwinner » (Monsieur Gagnepain et Madame Alamaison). Mais les risques ont changé de manière très profonde : ainsi, la situation la plus fréquente est désormais la double activité dans les couples et le risque d’emploi concerne, on l’a vu, davantage les jeunes en phase d’insertion ainsi que les peu qualifiés enchaînant emplois de courte durée et chômage. Ainsi, également, faut-il tenir compte de la fragilité accrue des structures familiales : les ruptures peuvent, dans bien des cas, accroître le risque de précarité.
20 Prendre en compte ces nouveaux risques devrait conduire à des réorientations profondes des politiques de protection sociale : on l’a déjà évoqué pour l’indemnisation du chômage, mais ceci concerne bien d’autres champs, la politique familiale ou l’éducation.
21 La politique familiale organise, au travers d’allocations générales, d’allocations sous conditions de ressources et de réduction d’impôts (quotient familial), un transfert important des ménages sans enfants vers les ménages avec enfants (redistribution dite horizontale), mais ceci tend à s’annuler sur le cycle de vie : les individus des ménages sans enfants ont bénéficié dans leur enfance de ces transferts et les ménages avec enfants deviendront contributeurs quand ceux-ci seront devenus adultes. Mais, en termes de redistribution verticale (des plus riches vers les plus pauvres), le système est globalement neutre. Si certaines familles bénéficient, du fait de leurs enfants, d’allocations sous conditions de ressources, d’autres bénéficient de réductions d’impôts (mécanisme du quotient familial) d’autant plus importantes qu’elles sont plus aisées. Faut-il, n’en déplaise à certaines associations familiales, que la société apporte plus aux enfants de familles pauvres ou modestes et moins à ceux de familles aisées ou riches ?
22 L’éducation est un facteur clé de la reproduction sociale intergénérationnelle. L’échec scolaire, l’abandon précoce des études touchent surtout les enfants pauvres [9] et accroissent fortement les risques de connaître une fois adulte le chômage et la pauvreté. C’est à l’aune de ce problème qu’il faut examiner diverses mesures.
23 L’ouverture aux dépenses de soutien scolaire des réductions d’impôts liés aux emplois familiaux conduit à ce que l’heure de soutien scolaire coûte deux fois plus cher à une famille pauvre qu’à une famille aisée. On renforce ainsi l’inégalité des chances.
24 Faut-il généraliser la gratuité des manuels scolaires au lycée [10] ? Ici aussi, cette mesure fait de la redistribution à l’envers, dès lors que nombre de jeunes issus de familles pauvres ont été de fait exclus.
25 Que dire de la cohérence des aides à la poursuite des études, où le transfert en faveur des étudiants de familles modestes par des bourses est contrebalancé par un transfert aux familles aisées assuré par la possibilité de rattachement fiscal des étudiants à leur famille jusqu’à 25 ans permettant de prolonger le jeu du quotient familial [11] ?
26 Le très faible niveau des frais de scolarité dans la poursuite des études supérieures profite essentiellement aux familles aisées plus qu’il n’est un moyen de permettre aux étudiants pauvres d’accéder à l’enseignement supérieur. Affirmation paradoxale ? Non pas : la faiblesse des moyens matériels et humains, notamment dans les premières années à l’université, pénalise particulièrement ceux qui ne peuvent la compenser sur leurs moyens propres. Diverses expériences étrangères mettent en évidence que des frais de scolarité nettement plus élevés financés par des bourses ou surtout des prêts sans intérêt remboursables par prélèvement sur les revenus une fois les études achevées (et seulement s’ils dépassent un certain niveau), permettent de renforcer les moyens de l’enseignement supérieur sans freiner l’accès des jeunes de familles modestes ou pauvres.
27 Pour conclure, il faut souligner deux choix importants pour dessiner les politiques sociales visant à lutter contre la précarité : d’un côté, le poids à donner aux prestations monétaires versus les services et l’accompagnement ; de l’autre, la question du ciblage : faut-il définir des prestations, des services qui seraient réservés aux personnes en situation précaire ou de pauvreté, avec le risque de stigmatisation et de rejet politique que cela pourrait provoquer, ou bien faut-il des services ouverts à tous mais d’un coût variable selon le niveau de revenu et des prestations générales, devenant ainsi progressives de fait par leur inclusion dans le revenu imposable ? Ainsi, on le voit, lutter contre les différentes formes de précarité (emploi, famille, revenu, études…) amène à poser des questions qui débordent largement le domaine du social et qui relèvent autant de la philosophie politique que de l’ingénierie sociale.
Notes
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[*]
Michel Dollé, rapporteur général du Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale, cerc.
113 rue de Grenelle, 75007 Paris. -
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Wresinski J., « Grande pauvreté et précarité économique et sociale », Paris, Journal officiel, 1987, p. 14.
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[2]
Alinéa repris à l’article 1 de la loi sur le rmi.
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[3]
La dares estime chaque année le flux d’embauche sur un champ couvrant environ 85 % des entreprises du secteur privé cotisant à l’assurance chômage, soit en 2002 environ 13 millions de salariés. Au cours de l’année 2002, ces entreprises ont recruté 5,2 millions de personnes (hors intérim et contrats non renouvelables de durée inférieure à un mois), soit un taux de recrutement de 40 %. Au cours de la même période, 40 % des salariés ont quitté leur emploi. Enfin, toujours en 2002, l’anpe a recensé plus de 4 millions d’inscriptions au chômage.
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[4]
Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale (cerc), La sécurité de l’emploi face aux défis des transformations économiques, Paris, La Documentation française, février 2004.
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[5]
C’est l’intitulé exact du programme de lutte contre la pau-vreté engagé depuis 1998 par le gouvernement travailliste britannique : « Opportunity for all » et d’une certaine manière cela fait écho au thème de l’égalité des possibles ou plutôt des capabilités développées par exemple par Amaritya Sen.
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[6]
Les attendus de la décision sont plutôt des attendus d’opportunité qu’une prise de position sur ces principes fondamentaux.
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[7]
Certes d’un montant plus faible que l’api.
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Voir sur ce point le rapport n° 4 du cerc, « Les enfants pauvres en France ».
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Voir sur ces points le 3e rapport du cerc, « Éducation et redistribution ».
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[10]
C’est-à-dire après la fin de la scolarité obligatoire.
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[11]
Sans compter la contradiction qui consiste à permettre le rattachement fiscal d’un enfant majeur étudiant et le versement automatique de l’allocation logement social (als) à tout étudiant majeur louant un logement pour ses études supérieures, même si ce logement est situé dans la même ville que le domicile de ses parents : dans un cas, on affirme que l’étudiant fait partie de la cellule familiale de ses parents, dans l’autre on affirme qu’il en est autonome.