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Article de revue

Ces termes qui ne vont pas de soi ou de la circulation de la terminologie des énergies renouvelables dans les forums en ligne

Pages 447 à 455

Notes

1. Introduction

1 Ces dernières décennies l’intérêt des terminologues s’est progressivement orienté vers des questions liées à la diffusion sociale de la terminologie scientifique. Il en est ainsi pour les études portant sur la circulation sociale des termes (Gaudin, 2003), sur les enjeux liés à la vulgarisation scientifique (Jacobi, 1999), et pour les recherches montrant les procédés de reformulation dans des visées didactiques (Conceição, 2005) et les variations terminologiques dans différents genres textuels (Desmet, 2007).

2 Tant la théorie communicative de la terminologie que la socioterminologie affirment l’importance d’analyser les modalités et les mécanismes de circulation des connaissances terminologiques dans le tissu social :

3

Il n’est pas souhaitable pour la normalisation d’une langue qu’un fossé se creuse entre les véritables utilisateurs de la terminologie et les organismes officiels, étant donné que l’implantation de la terminologie exige la participation de tous les citoyens et une attitude active dans l’utilisation sociale de la langue.
Cabré, 1998 : 50

4

[L]a négociation terminologique, l’information et la consultation des acteurs concernés sont des facteurs favorables pour que les décisions soient suivies d’effets. Il faut pour cela que les conditions d’une adhésion sociale soient réunies et que les décisions prises reposent sur une description fine des pratiques et une consultation préalable des usagers.
Gaudin, 2003 : 178

5 Ces terminologues invitent donc à aller au-delà des frontières entre les genres scientifique – technique – vulgarisation et à mettre au jour les procédés de co-construction des connaissances terminologiques des acteurs sociaux :

6

Le locuteur-relais est toujours un émetteur multiple. Ainsi, pour étudier les textes scientifiques, il est utile de chercher ce qui peut permettre de les situer au sein d’un continuum, là où l’on a longtemps, soit isolé les sources primaires, soit limité les typologies à des oppositions entre textes scientifiques, textes de vulgarisation et textes grand public.
Gaudin, 2003 : 91

7 Il resterait donc à abandonner une vision dichotomique entre savoirs ordinaires et savoirs scientifiques et à adopter une vision scalaire classant les types de discours (et non pas les locuteurs) sur un continuum du plus spécialisé au plus ordinaire, d’autant plus si l’on se penche sur les discours des forums en ligne, qui favorisent la rencontre de locuteurs appartenant à des groupes sociaux différents, avec des degrés de compétences et de connaissances fort variables. L’adoption de ce point de vue me semble fondamentale surtout dans les domaines, comme celui des énergies renouvelables, où seulement une adhésion sociale plus vaste que la seule communauté de spécialistes est nécessaire pour leur développement et diffusion auprès de la population.

2. Hypothêses, objectifs et corpus

8 La prise en compte d’un corpus en ligne et, notamment, de forums où des usagers plus ou moins ordinaires interagissent sur des questions terminologiques autour des énergies renouvelables, devrait permettre de dépasser cette dichotomie et cela pour au moins deux raisons. D’abord, les nouvelles technologies de la communication permettent la constitution de « communautés épistémiques » (Origgi, 2006) spontanées, dans les forums et les blogues, où experts et moins experts interagissent autour des mêmes questions. Ensuite, il faut considérer que, surtout grâce aux nouvelles technologies et à la constitution de ces communautés virtuelles, des discours terminologiques plutôt « scientifiques » peuvent être tenus par des locuteurs ordinaires et vice-versa : il s’agirait alors de situations de communication et de positionnements discursifs plutôt que d’appartenances stables à des catégories socio-discursives préétablies.

9 Or, comment circulent les connaissances « ordinaires » ? Quelles notions mobiliser pour les appréhender ? L’intégration de la notion de « confiance épistémique », issue de l’épistémologie sociale en tant que science étudiant la manière dont les connaissances se diffusent dans la société, paraît importante en ce que, selon Origgi, la confiance se construit dans « un espace de discours permettant la création d’une nouvelle forme de légitimité morale. Dans une telle perspective, l’acte de confiance est principalement discursif » (Origgi, 2008 : 84). Cela amène donc à se demander quels moyens discursifs permettraient la circulation, la diffusion sociale et l’appropriation des termes par les locuteurs dans les forums.

10 L’analyse des traces en discours de l’activité métadiscursive autour des termes de spécialité telle qu’elle se déploie dans ces forums devrait permettre de montrer que les forums constituent des textes hybrides qui se caractérisent par la présence de pratiques terminologiques plus ou moins « savantes ». L’hypothèse avancée est que les paradigmes du « troisième homme » (Jacobi, 1985 ; Moirand, 2004) et du « chef d’orchestre » (Reboul-Touré, 2004) ne sont pas adaptés à saisir les enjeux de ces discours, qui se caractérisent par une hétérogénéité énonciative majeure, où des locuteurs plus ou moins ordinaires interagissent constamment dans des buts variés. Dans cette étude, nous nous limiterons à l’analyse de l’un des phénomènes discursifs qui nous paraissent bien caractériser ce nouveau type de discours terminologique, à côté des énoncés définitoires et des reformulations, à savoir les commentaires terminologiques accompagnant l’apparition d’un nouveau terme le long des discussions.

11 Le corpus est constitué d’à peu près 700 commentaires métalinguistiques ordinaires. Ces discussions ont été publiées entre 2004 et 2011 sur trois sites français grand public (Econologie.com, Chaleurterre.com, Forums.futura-sciences.com[1]), consacrés aux questions concernant les énergies renouvelables.

12 Les sites se présentent en tant que « portails d’informations » en accès libre et gratuit et ont été créés entre 2000 et 2003. L’objectif affiché de la part des modérateurs des sites est celui de débattre, de promouvoir et de divulguer des connaissances sur les énergies renouvelables : il n’y aucun but lucratif donc, mais un simple échange d’opinions et de propositions. Il s’ensuit que, si d’un côté, on peut considérer ces textes comme faisant partie du genre de vulgarisation au sens large (Jacobi, 1985), de l’autre côté, leur nature dialogale ainsi que leur dimension interventionniste en font des textes sui generis.

13 Ces forums se caractérisent en effet par une certaine hybridation de la communauté discursive : locuteurs ordinaires, techniciens, professionnels, entreprises, ingénieurs échangent des propos, discutent, motivent leurs positionnements, sans qu’il soit toujours possible d’identifier le scripteur et de le classer dans l’une de ces catégories.

3. Les pratiques terminologiques dans les forums

14 À côté des définitions spontanées et des reformulations, comme nous l’avons déjà observé ailleurs (Vicari, 2013 ; 2016), ces discours se caractérisent par la présence d’autres pratiques linguistiques (Achard-Bayle et Paveau, 2008), ou mieux, « terminologiques », accompagnant l’inscription en discours des termes de spécialité et caractérisant la circulation des termes dans les discours ordinaires. En particulier, ces pratiques sont représentées par des prescriptions/ proscriptions et par de véritables « interventions » terminologiques, bien que ces dernières soient moins nombreuses, comme on le verra dans la suite.

3. 1. Les prescriptions/proscriptions

15 Les prescriptions/proscriptions permettent aux scripteurs d’inscrire en discours une dimension polémique concernant les emplois des termes dans les textes où les scripteurs les ont relevés. Dans les deux extraits suivants, les scripteurs pointent des questions liées à l’univocité des définitions et, par-là, la dilution sémantique de l’emploi de certains termes de la part de techniciens (les documentations commerciales des entreprises), ressentie comme une menace d’arnaque.

(1)
Lors de vos discussions avec les installateurs faites vous clarifier la notion de relève de chaudière car tous les constructeurs n’ont pas la même définition. Dans les documentations commerciales elle ne veut pas toujours dire la même chose. – soit fonctionnement chaudière et pac ensemble à température basse – soit la chaudière fonctionne seule et la pac est arrêtée à température basse.
EG, anonyme, 17-08-10
(2)
Bonjour Je ne veux pas polémiquer Mais quand tu relèves ton courrier ou la garde c’est bien le courrier ou la garde qui est relevé Donc si relève de chaudière c’est la PAC qui reprends le boulot après la chaudière Tous les vendeurs et fournisseurs de PAC doivent revoir leurs termes sinon lorsque leur calculs si ii y en a sont faux et que la PAC ne chauffe pas comme prévu ils vont se retrancher vers le terme erroné et personne ne peux les attaquer. Moi ce que j’en dit c’est pour éviter de se faire piéger mais tu fais comme tu veux.
CT, w36xb2w, 20-09-09

16 Les sources critiquées peuvent aussi être des textes de vulgarisation. Dans l’exemple suivant, le commentaire critique est aussitôt suivi d’une glose métadiscursive introduite par « ce qu’il appelle » présentant la définition que le scripteur réfute pour ensuite introduire sa propre (re)définition par le biais d’une structure présentative, dont l’effet d’objectivité et d’évidence en discours a déjà été montré par Rabatel (2004) :

(3)
bonjour, (...) à partir du moment ou tu insufle de l’air depuis un puit canadien, ce n’est plus du simple flux mais du double flux : un flux à l’extraction et un flux à l’insuflation. la définition du journal est erronée, ce qu’il appelle double flux c’est un caisson double flux avec récupérateur d’energie et ce qu’il conseille c’est un double flux sur puit canadien, sans récupérateur, mais il te faudra toujours les bouches d’insuflation d’air.
EG, pascal68, 29-04-06

17 Les prescriptions/proscriptions peuvent également viser les termes eux-mêmes et non pas leur emploi. Dans le commentaire qui suit, le scripteur inscrit en discours un climax d’adjectifs axiologiques négatifs associés à « géothermie » suivi par le syntagme adverbial « en réalité » qui prétend dévoiler la présumée arnaque à la base de la création de ce terme et explicite le procédé technique auquel ce terme est associé :

(4)
Le terme géothermie est archi-faux, terme trompeur, véritable arnaque, car il ne s’agit pas de la chaleur de la terre mais en réalité de la chaleur solaire stockée spontanément, sous terre pendant des années, moyenne entre été et hiver, par contact thermique entre atmosphère et terre !!
dedeleco, EG, 16-01-10

18 C’est donc bien un décalage entre le terme et la réalité qui est dénoncé par le scripteur. Les prescriptions/proscriptions permettent également d’identifier des termes qui ne seraient pas, aux yeux des scripteurs, adéquats aux concepts qu’ils sont censés désigner. Dans ces cas, les critiques portent sur une non coïncidence entre le terme et le concept :

(5)
J’enrage une fois de plus : – pourquoi « inventer » un concept confus : le « bio-catalyseurs » ??? – un catalyseur accélère une réaction mais n’injecte pas d’énergie – il n’est pas un des éléments de la réaction (qui disparait) Pour transformé le CO2 en chaine carbonée, pas d’autre solution que d’injecter de l’énergie (le cas échéant la lumière, comme le fait la chlorophylle). Donc ce n’est en aucun cas une simple catalyse ! Je connais des bio-catalyseurs : ce sont des enzymes. Mais ils ne « remontent » pas non plus les pentes « énergétiques »... Si ce sont des organismes vivants, capables effectivement de transformer le CO2 et chaines hydro-carbonées, pourquoi être nul au point d’appeler ça des catalyseurs (mêê avec bio devant). Et si ce sont des catalysuers, même des enzymes, cela ne marchera pas.. Pour moi, ce sont des chasseurs de notoriété ou des enculeurs de mouches, comme tu voudras !
CT, Did67, 09-02-04

19 Les jugements sur le degré d’adéquation des termes aux concepts sont suivis par l’explication des procédés techniques qui amènent les scripteurs à conclure de façon péremptoire sur l’inadéquation des termes commentés.

20 Les scripteurs semblent particulièrement sensibles à la clarté des définitions : ils identifient des définitions floues, parfois contradictoires, et en dénoncent le décalage entre les réalités et les concepts. Ils soulignent alors à maintes reprises la nécessité de définitions univoques pour que la compréhension soit assurée parmi les participants, en s’appuyant sur des procédés techniques. C’est ce qui arrive dans l’exemple qui suit, où la définition de « loi d’eau et ambiance » est remise en discussion sans pourtant être citée textuellement dans le fil de discussion.

(6)
Pour moi c’est très clair et exactement ce que j’ai écrit sur cette ligne de post, ensuite faire des mixtes entre « loi d’eau et ambiance » ne fait que renforcer mon impression qu’il y a une confusion sur les termes que l’on souhaite expliqués. Les définitions actuelles sont tellement vagues et confuses que l’on ne sait plus de quoi on parle.
EG, ummolae, 23-12-11

21 Des références génériques aux textes législatifs et publicitaires des entreprises suffisent alors aux scripteurs pour prendre les distances par rapport à ces définitions, les considérer comme vagues, confuses, et témoignent d’une certaine méfiance généralisée envers les textes officiels et marketing.

22 Les scripteurs peuvent critiquer des termes ou des définitions même là où les participants citent une définition dictionnairique comme argument d’autorité : c’est le cas de l’exemple suivant, où la citation de la définition d’« éolienne » du Larousse n’empêche pas au scripteur d’exprimer son désaccord en s’appuyant sur sa propre expertise.

(7)
Bonjour, je suis bien conscient que ce que j’ai dit n’est pas en total accord avec cette définition [tirée du Larousse] (et j’avais pris un certain nombre de précautions) (cela n’engage que moi) Cependant, au cours de mes differentes lectures sur le sujet, je n’ai jamais rencontré le nom eolienne pour designer autre chose qu’une machine pouvant tourner la plupart du temps en autonomie et au contraire moulin à vent me semble être toujours utilisé pour une machine ayant besoin de surveillance quasi constante fred.
FS, verdifred, 06-01-10
(8)
Simplement, l’usage a voulu que l’on réserve le mot rendement à des objets fournissant moins d’énergie utile qu’il n’en reçoivent de coûtante. Je parle d’énergie, mais tu peux changer : parler de patates, de carottes, d’informations... L’usage a aussi voulu que l’on parle d’efficacité pour les « rendements » supérieur à 1 : en thermo, il existe par exemple l’efficacité frigorifique (type réfrigérateur) et l’efficacité calorifique (type pompe à chaleur). Le COP (coefficient de performance) est un jargon de thermiciens ou frigoristes qui dit que : énergie utile = COP x énergie coûtante. L’énergie utile étant usuellement un transfert thermique (froid pour le réfrigérateur ou chaud pour la PAC), la coûtante étant l’électricité pour actionner le compresseur@+.
EG, Remundo, ingénieur, 03-02-08

23 Dans ces deux exemples, les scripteurs semblent reconnaître comme seule autorité valable l’usage répandu, statistique, au sens où les linguistes l’entendent et s’appuient sur leur propre expérience plutôt que sur des outils dictionnairiques ou terminologiques. Cela dit, ils tiennent à prendre des distances par rapport à des emplois considérés comme fautifs et que, dans ce dernier exemple, le scripteur identifie par une dénomination qui fonctionne à l’instar d’une sorte de marque d’usage « profane » : « jargon des thermiciens ou frigoristes ».

3. 2. Les interventions terminologiques

24 La réflexion métaterminologique peut aussi déboucher sur la proposition d’un terme nouveau susceptible de mieux représenter l’objet dénommé ou recouvrant une nouvelle réalité.

25 Dans l’exemple suivant, le scripteur part d’une critique au terme déjà en usage « isotherme chaude » en le considérant comme exagéré par rapport à la réalité dénommée : d’où sa (re)dénomination d’« isotherme ambiante » capable, à son avis, de mieux cerner le concept. Il s’agit là d’un ajustement, d’une adaptation d’un terme à de nouveaux référents.

(9)
Le terme « isotherme chaude » est un peu exagéré : il désigne bien l’isotherme à Tatm, pour « Température atmosphérique » ? C’est effectivement la « source chaude » par rapport à l’analogie d’un cycle de Carnot. Mais un meilleur nom serait « isotherme ambiante », car son avantage est justement de ne pas être plus chaude que l’atmosphère, pour utiliser directement son énergie disponible à bas potentiel de température.
EG, bernardd, 03-08-10

26 Si dans l’extrait précédent, la proposition d’un nouveau terme part du constat de la dilution sémantique du terme à remplacer, dans l’exemple suivant, la dénomination proposée par le scripteur est pourrait-on dire créatrice d’un concept :

(10)
Je ne sais pas si le terme est officiel, sinon je viens de l’inventer : l’intensité carbonique par analogie avec l’intensité énergétique. Voici quelques courbes trouvées dans ce document (en anglais) : Effet de serre, résumé à l’intention des décideurs politiques.
FS, Christophe, 10-02-04

27 Le procédé du scripteur est intéressant pour montrer les raisonnements sous-tendant les réflexions métaterminologiques ordinaires : il part de l’analogie sémantique et conceptuelle avec le terme « intensité énergétique » pour proposer un nouveau terme et, pour corroborer son propos, il s’appuie aussi sur trois graphiques tirés d’un document officiel. Sans pouvoir se prononcer sur le trajet de ce terme et sur la véridicité des propos du scripteur dans ce forum, il semble néanmoins intéressant de constater qu’« intensité carbonique » a été recensé deux ans plus tard, en 2006, par la base de données canadienne TERMIUM Plus.

28 Il arrive aussi que certains scripteurs lancent des enquêtes afin de trouver une nouvelle dénomination partagée par le groupe des participants au fil de la discussion, comme dans cet échange issu du forum Futurasciences.com :

(11)
Suite à cette reflexion : montages-injection-eau/nouveau-projet-echo-moteur- 2-mines-de-douai-t4255-30.html La réputation sulfureuse du terme « moteur Pantone », autoentretenue par certains sites, semble nous faire plus de mal que de bien... Je lance donc ce sujet de reflexions pour essayer de choisir un « NOM » au systeme d’injection d’eau afin de remplacer celui de « pantone ». Evidement il y en a déjà comme « systeme G ou G+ » qu’on pourrait simplement réemployer (ca facilitera les choses pour tout le monde)... mais j’aurai voulu avoir vos avis ??? Et trouvez vous cela judicieux ? (Christophe, 09-11-07).
– Bonjour à tous Excellente idée, il faut virer les charlatans qui ne « méritent » pas la postérité ! On pourrai utiliser aussi : « Martztophone »« Davidomètre » « Camelandré »« Chambrinoscope », j’en oublie et dans les meilleurs. A+ (Flytox, 09-11-07).
– Bonjour. Un générateur de vapeur. Un réacteur. Dopage GVR ou Un truc à la mode. DOPAGE SARKOZY. Ciao. (bpval, 09-11-07).
– En meme temps vous trouvez pas que c’est déjà assez compliqué avec tous les noms et formulations qu’il y a déjà ? A moins au contraire que ce soit pour parler d’un montage très particulier et précis. Parce que autrement au niveau diffusion au grand publique ça va être en core pire. (nonoLeRobot, 09-11-07).
– il faut aussi penser a être référencé lors d’une recherche google, yahoo ou autre... (renaud67, 09-11-07).
– Pantone G ? Pantone + ? (Cuicui, 09-11-07).

29 Sans entrer dans le détail des dénominations proposées, ce qui d’ailleurs demanderait une étude à part entière, deux éléments semblent intéressants. D’abord, les scripteurs font preuve d’une certaine créativité terminologique dans le recours soit à des mots-valises, volontiers ironiques, soit à des syntagmes nominaux, qui seraient capables d’identifier le moteur en question de façon univoque, à partir, encore une fois, du procédé technique. Ensuite, ils se montrent particulièrement sensibles à la question de la présence éventuelle d’une synonymie terminologique qui pourrait engendrer des confusions auprès des usagers, tout comme à celle de la diffusion et du référencement du nouveau terme éventuellement proposé. Ces deux aspects ne semblent pas trop s’éloigner, en fin de compte, de ce que font les terminologues dans toute démarche de création de néonymes terminologiques.

30 Il peut arriver aussi que la proposition d’une nouvelle dénomination soit critiquée, voire attaquée, par les autres participants, comme dans cet exemple tiré d’ Econologie.com :

(12)
Comme le robiplan est une machine à trainée, ses surfaces motrices correspondent au cas aérodynamique dit de « la plaque plane »..... Je propose tout simplement d’appeler les « pas des ailes » des... plaques (highfly-addict, 12-11-10). – Les « ailes », c’est pour une « fonction » d’interaction avec le vent. La « plaque », c’est un objet particulier, qui peut être utilisé à plein d’autres choses que cette fonction. Surtout quand aucune « plaque » n’est utilisée, si Pascal utilise un tissu par exemple... Ma spécialité, c’est « l’analyse de système » : -) (bernardd, 12-11-10).
– Oui, mais les ailes « portent » alors que les plaques « trainent ».... Et que ce cas aérodynamique a déjà été étudié en long, large et travers (depuis Eiffel au moins....) avec l’appellation « plaque plane ». Il nous reste peut être à définir un nouveau terme, si ça avait été dans l’eau on aurait pu dire « augets » comme pour une Pelton. Mais pour l’air...? Bref, en tout cas, « pas des ailes » ! (highfly-addic, 12-11-10).
– Non le ROBIPLAN est plus complexe que la « plaque plane » car il faut voir le mouvement des courants d’air avec une portance et une trainée comme tout objet dans un courant d’air, même une plaque s’envole !! On peut y mettre des ailes plus fines au lieu de plaques simples !! Une plaque plane longue et étroite a une finesse intéressante et ne fait pas que trainer !! (dedeleco, 12-11-10). (...)
– La traduction de « blade » c’est « lame », pas « pale ». On avait « aile », puis « pas aile », car « pale » paraissait intuitivement inadapté, à la fois parce que c’est long et effilé, et appartient à une hélice rotative. Une « lame » parait plus adapté, effectivement, car moins connoté : -) (bernardd, 15-11-10).

31 Les arguments contre cette dénomination créée par synecdoque portent soit sur une distinction faite à partir de la nature fonctionnelle des référents en jeu (les « ailes » et la « plaque ») et qui fait en sorte que leur assimilation soit impossible, soit sur le recours au traduisant anglais, à l’« intuition » du locuteur et aux connotations pouvant être rattachées aux termes.

4. Conclusion

32 Les termes font l’objet de nombreuses reprises métadiscursives (redéfinitions, reformulations, commentaires critiques) : leur inscription en discours est accompagnée d’une réflexivité métalinguistique incessante, permettant d’inscrire en discours non seulement une dimension fortement polémique, mais aussi des connaissances terminologiques plus ou moins profanes. Ce faisant, les scripteurs nous donnent la possibilité d’observer de plus près la manière dont les termes circulent à l’intérieur de différents groupes sociaux et la façon dont se construit la confiance en discours.

33 Les commentaires métaterminologiques caractérisant l’emploi des termes de spécialité répondraient à des stratégies pragmatiques et argumentatives que les locuteurs inscrivent dans leurs discours suivant des modalités et des buts variés : démasquer des enjeux commerciaux, mieux préciser la nature de certains termes, proposer de nouvelles dénominations ressenties comme plus adaptées aux concepts et identifier des lacunes terminologiques. Ces interactions montrent bien qu’il ne suffit pas qu’une source plus ou moins institutionnelle « impose » un terme ou un concept d’en « haut » : les termes doivent être perçus comme nécessaires et bien adaptés aux objets qu’ils seraient censés désigner, pour qu’ils puissent satisfaire l’exigence d’une communication tant rapide que précise, mais surtout transversale à différentes catégories de locuteurs. Les conditions pour lesquelles certains termes plutôt que d’autres s’installent dans les pratiques discursives des locuteurs sont donc à rechercher plutôt dans les nouveaux mécanismes discursifs de légitimation des connaissances plus ou moins techniques dans le Web 2.0, caractérisé par la fluidité des savoirs et par un fort brouillage énonciatif.

34 Dans ces discours de « vulgarisation » il n’y a pas de chef d’orchestre : les scripteurs passent au crible tous les textes, se donnent comme objectif celui d’élargir leurs connaissances à partir de plusieurs sources telles que les documents officiels, les textes scientifiques, la documentation commerciale et les articles de vulgarisation. Ces discours ne sont en effet pas acceptés tels qu’ils sont souvent présentés dans la presse (Moirand, 2004), où le discours de vulgarisation contribue à relayer une image plutôt homogène du discours scientifique, sans les clivages caractérisant les communautés scientifiques.

Références bibliographiques

  • ACHARD-BAYLE, G. et PAVEAU, M.-A. (éd.) 2008. Linguistique populaire ?, Pratiques, n° 139-140.
  • AUTHIER-REVUZ, J. 1995. Ces mots qui ne vont pas de soi. Boucles réflexives et non-coïncidences du dire. Paris : Larousse.
  • CABRE, M.-T. 1998. La terminologie : théorie, méthode et applications. Ottawa/ Paris : Les presses de l’Université d’Ottawa/Armand Colin.
  • CONCEIÇÃO, M. C. 2005. Concepts, termes et reformulations. Lyon : PUL.
  • DESMET, I. 2007. « Terminologie, culture et société. Éléments pour une théorie variationniste de la terminologie et des langues de spécialité », Cahiers du Rifal, n° 26, 3-13.
  • GAUDIN, F. 2003. Socioterminologie : une approche sociolinguistique de la terminologie. Bruxelles : De Boeck.
  • JACOBI, D. 1985. « Sémiotique du discours de vulgarisation scientifique », Semen [En ligne], n° 2, Mis en ligne le 21/08/2007, http://semen.revues.org/4291?&id=4291
  • JACOBI, D. 1999. La communication scientifique ; discours, figures, modèles. Grenoble : PUG.
  • MOIRAND, S. 2004. « De la médiation à la médiatisation des faits scientifiques et techniques : où en est l’analyse du discours ? », dans Joëlle Le Marec et Igor Babou, Actes du colloque Sciences, Médias et Société. Lyon, ENS, Mis en ligne le 05/03/2008, http://sciences-medias.ens-lyon.fr/IMG/pdf/actes.pdf
  • MORTUREUX, M.-F. 1982. « Paraphrase et métalangage dans le dialogue de vulgarisation », Langue Française, n° 53, 48-61.
  • ORIGGI, G. 2008. Qu’est-ce que la confiance ? Paris : Vrin.
  • ORIGGI, G. 2006. « Autorité épistémique et Internet scientifique : la diffusion du savoir sur Internet », Recherches sociologiques, n° 37, Mis en ligne le 14/03/2006, https://jeannicod.ccsd.cnrs.fr/ijn_00000678/document
  • RABATEL, A. 2004. « L’effacement énonciatif dans les discours rapportés et ses effets pragmatiques », Langages, n° 156, 3-17.
  • REBOUL-TOURÉ, S. 2004. « Écrire la vulgarisation scientifique aujourd’hui », in Joëlle Le Marec et Igor Babou (éd.), Actes du colloque Sciences, Médias et Société. Lyon, ENS, Mis en ligne le 05/03/2008, http://sciences-medias.enslyon.fr/IMG/pdf/actes.pdf
  • VICARI, S. 2013. « Del Bon usage della terminologia delle energie rinnovabili nei forum Internet : analisi delle tipologie definitorie », dans Anna Giaufret et Micaela Rossi, La terminologia delle energie rinnovabili tra testi e repertori : variazione, standardizzazione, armonizzazione. Gênes : GUP, 153-194.
  • VICARI, S. 2016. « Reformuler les termes dans les forums en ligne : le cas des énergies renouvelables », Repères-Dorif, n° 10, Mis en ligne le 15/04/2016, http://www.dorif.it/ezine/ezine_articles.php?art_id=317

Date de mise en ligne : 23/08/2019

https://doi.org/10.3917/ela.192.0447

Notes

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