Notes
-
[1]
Voir également les travaux de Larsen-Freeman (1997) et d’Ellis (2009).
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[2]
F. Valetopoulos. Productions écrites rédigées par les étudiants chypriotes du département de français et d’études européennes de l’Université de Chypre.
-
[3]
F. Valetopoulos. Productions écrites rédigées par les étudiants chypriotes et grecs des départements francophones de l’Université de Chypre et de l’Université Aristote de Thessaloniki. Le corpus a été collecté dans le cadre du programme ACI ‘Les sentiments à travers les corpus d’apprenants’.
-
[4]
Nous proposons entre crochets une traduction approximative insistant surtout sur la forme du relatif. Cette traduction n’est pas forcément acceptable en français.
-
[5]
En parenthèses, nous proposons la traduction des exemples.
-
[6]
F. Valetopoulos. Corpus littéraire comportant plus de 2 millions de mots. Le corpus contient des œuvres littéraires grecques (publiées en Grèce) à partir de 1980.
-
[7]
Voir Pavlidou (2002) pour une présentation du corpus.
-
[8]
Ces différents corpus qui constituent la base de notre travail ont été analysés à l’aide du logiciel AntConc (version 3.2.4. 2011).
-
[9]
F. Valetopoulos. Productions écrites rédigées par les étudiants grecs du département de français de l’Université Aristote de Thessaloniki.
-
[10]
Nous pouvons trouver quelques exemples hapax avec des erreurs qui n’ont pas une explication possible comme c’est le cas de la phrase suivante : Quand on veut aller aux vacances on annonce ça dans le site et lequel qui aime aller dans la même destination communique avec toi. [Corpus Hellas-FLE]
-
[11]
O. Tsaknaki. Des traductions produites par les étudiants du cours ‘Traduction générale I’ du Département de Langue et de Littératures Françaises de l’Université Aristote.
-
[12]
E. Lamprou. Des traductions produites par les étudiants du cours de traduction du Département de français et d’études européennes de l’Université de Chypre.
1. Introduction
1 Qu’est-ce qu’une construction complexe ? Depuis quelques années, plusieurs propositions ont été faites afin de définir la nature de la complexité des systèmes linguistiques. Sans pouvoir mettre à la disposition des linguistes des outils précis qui pourraient calculer la complexité (voir la préface de Martinot, 2013 : 7-14), nous pourrions pour autant spécifier différents critères qui nous permettraient finalement de définir la complexité, tout en restant sur le principe que la complexité est relative (Muller, 2010). Ce ne serait pas pertinent pour notre étude de proposer un rappel des différentes approches méthodologiques et théoriques. Il serait par contre utile de rappeler brièvement les différentes études portant plutôt sur l’acquisition d’une langue étrangère afin de mieux délimiter la notion de la complexité.
2 Comme le précisent Housen & Kuiken (2009 : 463-464), celle-ci peut se décliner en complexité cognitive et complexité linguistique [1]. Bien que les deux types se réfèrent à des propriétés linguistiques (structures et règles) ou des (sous-) systèmes (phonologie, morphologie, syntaxe, lexique), la première est définie de la perspective de l’apprenant alors que la deuxième de la perspective du système linguistique. Autrement dit, la complexité cognitive décrit les difficultés rencontrées par les apprenants lors de leur apprentissage, des difficultés qui peuvent être subjectives, telle la motivation et l’attitude, ou objectives, telle la difficulté inhérente d’un phénomène linguistique. De l’autre côté lacomplexité linguistique peut être vue de deux aspects également : par rapport à l’interlangue des apprenants ou par rapport à la difficulté de la langue d’un point de vue formel ou fonctionnel.
3 Bien évidemment, ce qui est ‘objectivement’ difficile pour un apprenant reste toujours à définir. Cela a été démontré par ailleurs dans le cadre de nos différents travaux qui ont tenté de décrire le système des apprenants intermédiaires/avancés tant au niveau syntaxique (Valetopoulos et Lamprou, 2009 ; Valetopoulos, 2012) qu’au niveau lexical (Valetopoulos et Lay, 2015). Ainsi les apprenants hellénophones semblent, même à un niveau avancé, avoir des difficultés avec la morphologie du pluriel (ex. 1), l’emploi des déterminants (ex. 2) ou le lexique approprié, à savoir les verbes supports (ex. 3 et 4). Au niveau du lexique, l’analyse des différents corpus d’apprenants que nous avons collectés a montré qu’il n’existe aucune occurrence du verbe éprouver dans un corpus écrit et oral produit par 60 étudiants et portant sur les émotions (Valetopoulos et Lay, 2015). Par contre, ils avaient tous une préférence pour des structures plus simples -ou moins marquées- comme être + Adj ou sentir + Nom.
8 Dans la suite de cet article nous nous proposons d’étudier les phrases relatives présentes dans les textes écrits des apprenants hellénophones. Nous analyserons tout d’abord les textes rédigés par les apprenants et par la suite nous nous focaliserons sur les données obtenues par l’analyse d’un corpus d’apprenants de la traduction. Ces résultats seront étudiés sous le prisme de l’analyse de la langue première afin de constater l’impact du transfert négatif ou positif au niveau de la complexité.
2. Les phrases relatives en grec moderne
9 Le système du grec moderne dispose de deux moyens pour construire les phrases relatives : le pronom relatif οοποίος [lequel] ‘qui’etπου [Qu-] ‘qui/ que/dont/où’. D’après la grammaire de Holton et al. (1999), ces deux formes seraient en distribution libre mais il existe des contraintes d’ordre pragmatique et syntaxique. Ainsi, la forme complexe οοποίος ‘qui’ serait présente plutôt à l’écrit et surtout après une préposition ou elle pourrait introduire un certain type de phrases relatives, comme nous le verrons par la suite.
2. 1. Les phrases introduites par ‘οοποιος’
10 Ce pronom s’accorde en genre et en nombre avec le nom modifié et il est au nominatif, s’il assume le rôle du sujet (ex. 5), à l’accusatif, s’il assume le rôle du complément non prépositionnel (ex. 6), et au génitif pour exprimer la possession ou pour exprimer le sujet ou le complément d’objet du prédicat nominal (ex. 7).
[L’État a décidé d’augmenter les impôts lesquelsACC il n’avait pas augmentés depuis longtemps]
[Le Ministère des Finances devra collecter les impôts, desquelsGEN le paiement constitue pour les contribuables une obligation morale]
14 Les phrases introduites par le pronom οοποίος [le quel] ‘qui’ sont le plus souvent des phrases relatives appositives car elles ajoutent de l’information sans restreindre la référence (Holton et al., 1999).
2. 2. Les phrases introduites par ‘που’
15 Le pronom relatif που‘QU-’ assume toutes les fonctions. Il peut être le sujet (ex. 8), le complément d’objet non prépositionnel (ex. 9) ou prépositionnel (ex. 10). Il ne porte aucune marque de genre, de cas ou de nombre.
[le nouveau professeur QU-SUJ est arrivé]
[le nouveau professeur QU-COMPL tu as vu]
[le nouveau professeur QU-COMPLINDtu as donné le livre]
19 Les phrases introduites par le pronom που ‘QU-’ sont le plus souvent des phrases relatives déterminatives car elles spécifient la référence du nom modifié.
20 Le pronom που‘QU-’ peut assumer aussi d’autres fonctions, comme celle du locatif (ex. 11) ou de l’instrument (ex. 12) :
23 Il faut souligner que le manque de transparence morphosyntaxique de ce pronom oblige parfois à l’utilisation d’un pronom résomptif permettant de préciser le rôle syntaxique du pronom relatif.
[L’histoire du richissime Michael Roquefeller QU- l’ont dévoré les cannibales]
(L’histoire du richissime Michael Roquefeller qui a été dévoré par les cannibales) [5]
25 Nous pouvons ainsi proposer un tableau récapitulatif montrant les équivalences entre les deux langues et, finalement, prévoir le degré de complexité qui puisse exister pour un apprenant.
Français | Grec 1re possibilité | Grec 2e possibilité | Observations |
Qui | που | ‘ο οποίος’ |
2e possibilité : Accord en genre et en nombre ; déclinaison selon la fonction syntaxique |
Que | ‘τον οποίο’ | ||
Dont | ‘του οποίου’ | ||
Où | που / όπου | Prép + ‘τον οποίο’ | |
Prép + ‘lequel’ / qui / quoi |
26 Si l’on reste sur ce tableau comparatif, nous pourrions émettre l’hypothèse que les apprenants hellénophones seraient plutôt capables d’utiliser les constructions relatives sans difficultés car ils partent d’un système plus complexe, le grec, vers un système moins complexe, le français. Un apprenant hellénophone a le choix entre le pronom relatif πουqui assume presque la totalité des rôles syntaxiques et le pronom relatif οοποίος dont l’emploi génère différentes exigences au niveau de l’analyse de la phrase par le locuteur : le genre du sujet ou du complément, le nombre, le rôle syntaxique du pronom par rapport au verbe de la phrase relative. Ce même travail peut être également fait dans le cadre du pronom invariable suivi d’un pronom résomptif.
27 Cette charge peut être présente à moindre degré pour le français (qui, que) ; le locuteur doit analyser la phrase au niveau du rapport du pronom avec le verbe de la phrase relative. S’il s’agit d’une relativisation du syntagme prépositionnel, l’analyse devra également prendre en compte le genre et le nombre (par exemple Prép lequel, Prép lesquelles…). Il faut souligner pour autant que dans certains cas, une analyse plus poussée sera exigée, sachant que le choix du pronom soit conditionné par la syntaxe du prédicat de la phrase relative.
3. Les phrases relatives et l’interlangue
28 Avant de passer à l’analyse de notre corpus, nous nous proposons maintenant de présenter très brièvement les travaux déjà existants concernant les phrases relatives dans l’interlangue des apprenants. La première analyse qui nous paraît utile est celle de Bartning (1997). Dans le cadre de sa proposition d’itinéraires acquisitionnels d’apprenants suédois, elle précise que les phrases relatives introduites par qui et que commencent déjà à apparaître au stade post-initial alors qu’au stade avancé moyen dont fait également son apparition. En ce qui concerne les travaux concernant les apprenants hellénophones, mentionnons les analyses de Monville-Burston et Kakoyianni-Doa (2009), Monville-Burston et Kounouni (2010), Monville-Burston (2013), qui ont pu examiner différents aspects allant du jugement des apprenants à l’analyse des copies, tout en passant également par les représentations des enseignants concernant le rapport entre le grec standard et le grec dialectal.
29 Dans le cadre de ces travaux, les auteures insistent entre autres sur le transfert négatif de la L1 des apprenants considérant que l’ambiguïté du pronom που‘QU-’ existant dans le système linguistique des apprenants chypriotes les amène à généraliser cet emploi. Elles proposent même un travail de traduction permettant aux apprenants de comprendre les phrases relatives en passant par les formes composées, à savoir οοποίος.
30 Si certaines remarques nous paraissent pertinentes et utiles pour notre analyse, il nous semble pour autant que leurs différentes approches posent certains problèmes méthodologiques. Ainsi, elles étudient en comparaison des systèmes qui ne sont pas forcément comparables, à savoir le dialecte chypriote et le « grec commun », qui n’est pas bien défini en tant que système dans leur travaux, en les dissociant du « grec soutenu » qui semblerait être le seul à utiliser les formes complexes. Or, comme nous l’avons très brièvement suggéré plus haut les deux systèmes ne sont pas en distribution libre mais ils semblent répondre à des contraintes qui n’ont pas encore été étudiées en détail.
31 En nous fondant alors sur ces différents travaux, nous nous proposons d’analyser trois corpus : le corpus de productions écrites des apprenants grecs et le corpus de productions écrites des apprenants chypriotes. Ces remarques seront croisées avec celles provenant de l’analyse d’un corpus d’apprenants de la traduction.
4. Étude des relatives dans un corpus de langue native
32 À la suite de notre présentation, nous pouvons nous poser la question de savoir à quel point ces deux systèmes sont en compétition dans le système des locuteurs hellénophones. Comme il a été soutenu, à juste titre, par Monville-Burston (2013), il existe une différence entre les locuteurs hellénophones grecs et les locuteurs hellénophones chypriotes. Si les uns utilisent surtout le grec dit standard dans la communication quotidienne, les autres utilisent le dialecte chypriote. Mais nous serions bien moins en accord avec ses remarques surtout concernant la place de ces pronoms relatifs dans les deux systèmes.
33 En effet, le dialecte chypriote montre une nette préférence pour le pronom που mais les locuteurs chypriotes ne sont pas sans connaître le pronom οοποίοςqui est présent dans le discours journalistique. Il en est de même pour le système des hellénophones grecs, contrairement aux représentations des enseignants du FLE à Chypre (Monville-Burston et Kounouni 2009). Ainsi, nous pouvons à titre d’exemple présenter les résultats suivants provenant de l’analyse de deux corpus journalistiques. Ces corpus contiennent des extraits de différents journaux afin de prendre en considération différents niveaux ou aspects de la langue grecque :
34 Nous pouvons alors constater que le pronom relatif complexe semble avoir exactement la même fréquence dans les deux corpus journalistiques. Nous pouvons aller même plus loin. L’analyse du corpus littéraire [6] constitué de textes rédigés par des auteurs grecs nous a permis de constater que la présence du pronom πουen grec standard reste très élevée à savoir plus de 95 % des occurrences d’un pronom relatif. Ces mêmes observations peuvent être proposées si l’on analyse également un corpus oral de locuteurs grecs (GR-SPEECH [7]), d’après lequel le pronom που correspond aux 93,5 % des occurrences. Ces résultats montrent sans doute que la présence de ces pronoms peut être définie par le genre textuel mais aussi que le pronom relatif complexe ne constitue pas forcément une spécificité du grec soutenu mais bien au contraire que πουs’impose progressivement dans différents genres. Cette observation sera utile pour la définition de nos hypothèses et l’analyse des données.
5. Corpus de travail et hypothèses
35 Dans cette section nous présenterons tout d’abord la démarche de collecte des données et nous proposerons quelques hypothèses que nous développerons dans la suite de cet article.
36 Notre étude se fonde sur une analyse qualitative et quantitative de deux corpus. Le premier corpus contient les productions écrites d’apprenants hellénophones de niveau intermédiaire à avancé. Ce corpus [8] d’environ 150000 tokens a été construit à l’aide de plusieurs textes argumentatifs d’environs 200 mots, rédigés par les apprenants en temps limité sans avoir accès à des grammaires ou des dictionnaires. Nous avons séparé ce corpus en deux parties. Le corpus Chy-FLE (autour de 75000 tokens), qui contient les productions des apprenants chypriotes hellénophones, étudiants en 1re année du département d’études françaises et de langues vivantes de l’Université de Chypre, et le corpus Hellas-FLE [9], qui comporte des productions écrites des apprenants grecs qui étudient en 1re année du département d’études françaises de l’Université Aristote de Thessaloniki. Ces textes sont rédigés dans les mêmes conditions.
37 Le deuxième corpus comporte les traductions des étudiants dans les mêmes départements. Le niveau varie entre intermédiaire et avancé. Tous les inscrits à ce cours ont le grec comme langue première. La procédure pour la collecte des traductions est la suivante. L’enseignant distribue aux étudiants des textes originaux (non construits) en français, une semaine avant la présentation en classe. Ces textes portent sur l’actualité française et sont assez variés (politiques, sociologiques, journalistiques, portant sur l’écologie, les jeunes, etc.). Les étudiants sont censés traduire du français vers le grec. Ce corpus nous permettra de tester certaines de nos hypothèses à partir du corpus écrit.
6. Hypothèses de travail
38 Les différentes remarques présentées dans l’introduction de cet article, nous permettent d’émettre les hypothèses suivantes concernant les pronoms relatifs :
- La complexité du grec moderne permettrait aux apprenants de maîtriser sans difficulté le système moins complexe du français. Les locuteurs du grec disposent du pronom simple που, qui est très présent dans les différents corpus, mais ils maîtrisent aussi la forme complexe οοποίος. Ainsi, les erreurs ne seraient pas dues à une généralisation de la forme QU- mais plutôt à une difficulté au niveau de l’analyse de la syntaxe du prédicat de la phrase relative.
- Les erreurs commises par les apprenants seraient moins nombreuses dans les productions écrites dirigées, telles que les traductions, que dans les productions écrites authentiques (Nesselhauf, 2004 ; Valetopoulos, 2010). Le passage du français vers le grec dans l’exercice de traduction leur permettrait de se rendre compte des différentes contraintes syntaxiques, ce qui pourrait à notre avis confirmer la première hypothèse.
- Les apprenants hellénophones, grecs et chypriotes, commettraient les mêmes erreurs sachant que les deux systèmes ne varient pas de manière significative. Les deux publics sont confrontés avec les deux formes dans les différents genres textuels. Cette hypothèse nous permettra de relativiser les conclusions déjà proposées concernant l’impact du dialecte sur l’interlangue.
40 Tournons-nous à présent à l’analyse quantitative des données.
7. Les phrases relatives à travers les corpus d’apprenants
41 Nous nous proposons d’analyser tout d’abord le corpus d’apprenants grecs et nous nous focaliserons par la suite sur le corpus d’apprenants chypriotes. Nous terminerons ce chapitre par une présentation de nos données à partir d’un corpus d’apprenants de traduction.
7. 1. Le corpus Hellas-FLE
42 Dans le cadre du corpus grec, nous avons pu relever les occurrences suivantes : 252 pour le pronom quisans proposition, 58 pour le pronom que, 1 pour le pronom dont, 5 pour le pronom où et 9 pour le pronom lequel en emploi toujours prépositionnel. La totalité des occurrences avec le pronom qui sont grammaticales :
44 Il en est de même pour les autres pronoms relatifs [10] :
47 Or, nous pouvons constater un grand nombre d’erreurs au niveau de l’emploi du pronom relatif que, rencontré dans 58 occurrences. Ces erreurs pourraient être classées en trois catégories. Dans la première catégorie, le pronom que introduit des phrases relatives résomptives (voir Gadet, 1995). Ainsi, dans les phrases (16-18), nous constatons que le pronom que est utilisé à la place du pronom qui ; ceci amène l’apprenant à utiliser la forme que, qui assume le rôle du pronom relatif, accompagné du pronom personnel (ils, elles), qui, pour sa part, assume le rôle syntaxique du sujet.
51 Ce phénomène a déjà été étudié par Monville-Burston (2013). Si cette erreur semble trouver sa source dans des facteurs psychologiques, les autres erreurs ci-dessous sont, à notre avis, dues à la complexité de la langue cible.
52 Dans le deuxième cas (ex. 19), l’erreur porte surtout sur une mauvaise analyse syntaxique du verbe de la phrase relative ce qui est dû à une structure du verbe relativement complexe pour l’apprenant. Tel est le cas du prédicat être ami de :
54 Enfin, le troisième cas concerne une difficulté de la part de l’apprenant d’analyser la fonction de la phrase relative (ex. 20 et 21) :
57 Ainsi, nous pouvons finalement émettre l’hypothèse suivante : si la forme queest utilisée par les apprenants de manière souvent erronée, cela n’est pas forcément dû à l’emploi d’un QU- universel mais aussi à un manque de prise de conscience grammaticale de la part des apprenants qui ne sont pas en état d’analyser la structure syntaxique du prédicat de la phrase relative ou le rôle de la phrase relative. Ainsi, ils ne semblent pas développer une stratégie de prédiction syntaxique leur permettant de revenir sur le pronom et de vérifier sa justesse morphosyntaxique.
58 Si notre hypothèse est exacte, on devrait alors retrouver ce même type de problème dans d’autres corpus d’apprenants, comme c’est le cas du corpus d’apprenants chypriotes.
7. 2. Quelques erreurs Chy-FLE
59 L’analyse du corpus a révélé très peu d’erreurs en ce qui concerne l’emploi du pronom relatif que. Nous pouvons mentionner l’exemple (22) qui correspond syntaxiquement à l’exemple (20). La forme que est utilisée pour renvoyer à une phrase qui pourrait correspondre à une phrase relative adverbiale exprimant le temps.
61 Si la présence d’erreurs avec la forme que est très limitée, le corpus CHY nous fournit d’autres erreurs surtout avec la forme dont.
68 Dans toutes ces occurrences, nous pouvons constater sans doute que les apprenants choisissent le pronom dont sans prendre en compte la syntaxe du prédicat de la phrase relative. Ainsi, peut-être par un souci de surcorrection, les apprenants évitent la forme que au profit d’un autre pronom dont la présence est conditionnée. Il faut par ailleurs souligner que, contrairement aux résultats des observations de Monville-Burston (2013), les erreurs constatées dans le corpus des apprenants chypriotes ne semblent pas être dues à des transferts mais plutôt aux mêmes sources que les erreurs des apprenants grecs, autrement dit à un manque de conscience des contraintes syntaxiques.
7. 3. Les corpus d’apprenants de la traduction
69 Tournons-nous à présent vers les corpus d’apprenants de la traduction. Nous avons émis l’hypothèse que les erreurs commises par les apprenants seraient moins nombreuses dans les productions écrites dirigées, telles que les traductions, que dans les productions écrites authentiques. Le passage du français vers le grec dans l’exercice de traduction leur permettrait de se rendre compte des différentes contraintes syntaxiques. Nous pouvons alors constater dans le cadre des deux corpus (GR-Trad [11] et CHY-Trad [12]) que les apprenants réalisent très peu d’erreurs au niveau des pronoms relatifs, ne dépassant pas le 3 % des formes utilisées.
70 Mais il serait à notre avis utile de regarder de plus près ces erreurs, car elles ne dépendent pas d’un problème d’analyse du pronom mais plutôt d’une difficulté au niveau de la phrase. Ainsi, dans l’exemple (29), l’apprenant traduit le pronom relatif que par le pronom relatif locatif όπουmais dans la suite de la phrase il doit récupérer la fonction du complément par l’utilisation du pronom personnel en rapprochant le complément du verbe :
Όμως για το αν θα την αφιερώσουν για την επαγγελματική τους ζωή, υπάρχει ένα χάσμα, όπου περισσότερο από 90 % ανάμεσα σ’αυτούς δεν θα το ξεπερνούσαν.
72 Il en est de même avec la phrase suivante (ex. 30) ou la phrase relative est traduite par une phrase introduite par le connecteur ότι‘que’ utilisé en grec après les verbes de PAROLE :
74 On dirait ainsi que la difficulté de l’apprenant ne se situe pas au niveau de la compréhension du relatif mais plutôt au niveau de la construction d’une phrase grammaticale en grec et surtout par rapport à la structure du prédicat de la phrase relative.
75 Quand on se tourne vers le corpus CHY-Trad, nous constatons que les erreurs ne sont que très marginales et en réalité elles concernent la mauvaise structure de la phrase en grec. Dans l’exemple suivant (31), l’apprenant construit le verbe ντρεπόμαστε ‘nous avons honte’ avec un complément direct au lieu d’un complément indirect, rendant la phrase dans ce contexte incompréhensible :
Ίσως επειδή μας θυμίζει κάτι που μας έκανε να υποφέρουμε ή το οποίο ντρεπόμαστε και αυτό μπορεί να μας έχει θυμώσει.
77 À souligner que les apprenants des deux corpus utilisent de la même manière les pronoms relatifs complexes et simples en grec sans montrer une préférence pour les uns ou pour les autres selon leurs origines.
78 Nous pouvons alors en conclure que les apprenants quand ils doivent passer du français vers le grec dans le cadre d’une tâche dirigée, ils comprennent parfaitement la fonction d’un pronom relatif dans la langue d’origine et que les quelques erreurs de traduction ne concernent que l’emploi défectueux de la langue première avec la construction de phrase agrammaticales, due parfois à la mauvaise compréhension de la phrase à traduire. Mais il faut souligner par ailleurs que la source d’erreur se situe à nouveau au niveau du prédicat de la phrase relative.
8. Conclusion
79 Dans le cadre de cet article, nous avons souhaité étudier différents corpus d’apprenants hellénophones, grecs et chypriotes, afin d’analyser l’appropriation d’un phénomène complexe, les phrases relatives. Cette étude trouve sa source dans deux constats : le système grec dispose de deux procédés pour la relativisation, l’un étant l’utilisation d’une forme universelle et l’autre employant des pronoms relatifs complexes. Le deuxième constat concerne les différentes analyses déjà proposées qui d’une manière indirecte ont associé les erreurs des apprenants chypriotes à leur dialecte (voire leur diglossie), omettant toute analyse du système linguistique grec. Les deux procédés ne sont pas complètement dissociés mais il existe a priori des contraintes qui ne sont pas encore élucidées.
80 En effet, les différentes analyses que nous avons pu réaliser ont montré que les erreurs des apprenants sont dues à différentes raisons, confirmant ainsi nos hypothèses. Une de ces raisons concerne le manque de conscience linguistique de la part des apprenants qui ne sont pas toujours capables de prédire la syntaxe du verbe de la phrase relative ce qui les amène à utiliser par la suite des pronoms résomptifs ou à construire des phrases relatives erronées. Il en est de même dans le cadre du travail de traduction vers le grec. Les erreurs sont dues le plus souvent à une incompréhension de la structure syntaxique et non à une mauvaise connaissance des pronoms relatifs.
81 Il reste pour autant une dernière vérification à réaliser, celle de la traduction vers le français et l’utilisation des phrases relatives à l’oral. Ainsi, nous pourrons confirmer avec plus de certitude les raisons des erreurs réalisées.
Références bibliographiques
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- ELLIS, R. 2009. « The Differential Effects of Three Types of Task Planning on the Fluency, Complexity, and Accuracy in L2 Oral Production », Applied Linguistics, n. 30/4, 474-509.
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- HOUSEN, A. KUIKEN, F. 2009. « Complexity, accuracy and fluency in second language acquisition », Applied Linguistics, n. 30/4, 461-473.
- LARSEN-FREEMAN, D. 1997. « Chaos/Complexity Science and Second Language Acquisition », Applied Linguistics, n. 18/2, 141-165.
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- MONVILLE-BURSTON, M. KOUNOUNI, M. 2010. « Deux procédures expérimentales pour tester la relativisation dans l’interlangue d’apprenants chypriotes hellénophones en FLE », in Angeliki Psaltou-Joycey & Marina Mattheoudakis, Advances in Research on Language Acquisition and Teaching : Selected papers, Salonique, Association Grecque de Linguistique Appliquée, 490-507.
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- PAVLIDOU, Th.-S. 2002. « GR-SPEECH : Σώμα ελληνικών προφορικών κειμένων », Μελέτες για την Ελληνική Γλώσσα, 124-134.
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- VALETOPOULOS, F. 2012. « La progression de la compétence grammaticale : L’ordre des constituants dans un corpus d’apprenants écrit », in Freiderikos Valetopoulos, Jolanta Zając, Les compétences en progression : Un défi pour la didactique des langues, Varsovie, Institut d’études romanes, 351-365.
- VALETOPOULOS, F. LAMPROU E. 2009. « Évaluation des besoins langagiers des apprenants chypriotes hellénophones en français à partir d’un corpus d’écrits d’apprenants », in Jack Burston etal., Languages for Intercultural Dialogue, Nicosie, The European Parliament Office in Cyprus and the Ministry of Education and Culture of the Republic of Cyprus, 128-138.
- VALETOPOULOS, F. LAY, M.-H. 2015. « Exprimer ses émotions à l’oral : étude d’un corpus d’apprenants », in Krystyna Wroblewska-Pawlak et al., Regards sur l’oral et l’écrit. Varsovie, Presses Universitaires de Varsovie. 218-223.
Notes
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[1]
Voir également les travaux de Larsen-Freeman (1997) et d’Ellis (2009).
-
[2]
F. Valetopoulos. Productions écrites rédigées par les étudiants chypriotes du département de français et d’études européennes de l’Université de Chypre.
-
[3]
F. Valetopoulos. Productions écrites rédigées par les étudiants chypriotes et grecs des départements francophones de l’Université de Chypre et de l’Université Aristote de Thessaloniki. Le corpus a été collecté dans le cadre du programme ACI ‘Les sentiments à travers les corpus d’apprenants’.
-
[4]
Nous proposons entre crochets une traduction approximative insistant surtout sur la forme du relatif. Cette traduction n’est pas forcément acceptable en français.
-
[5]
En parenthèses, nous proposons la traduction des exemples.
-
[6]
F. Valetopoulos. Corpus littéraire comportant plus de 2 millions de mots. Le corpus contient des œuvres littéraires grecques (publiées en Grèce) à partir de 1980.
-
[7]
Voir Pavlidou (2002) pour une présentation du corpus.
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[8]
Ces différents corpus qui constituent la base de notre travail ont été analysés à l’aide du logiciel AntConc (version 3.2.4. 2011).
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[9]
F. Valetopoulos. Productions écrites rédigées par les étudiants grecs du département de français de l’Université Aristote de Thessaloniki.
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[10]
Nous pouvons trouver quelques exemples hapax avec des erreurs qui n’ont pas une explication possible comme c’est le cas de la phrase suivante : Quand on veut aller aux vacances on annonce ça dans le site et lequel qui aime aller dans la même destination communique avec toi. [Corpus Hellas-FLE]
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[11]
O. Tsaknaki. Des traductions produites par les étudiants du cours ‘Traduction générale I’ du Département de Langue et de Littératures Françaises de l’Université Aristote.
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[12]
E. Lamprou. Des traductions produites par les étudiants du cours de traduction du Département de français et d’études européennes de l’Université de Chypre.