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Article de revue

Les avantages de l’entrée en langue étrangère via l’intercompréhension : « j’ai l’impression de lire du français mais écrit différemment donc je me sens puissante ! »

Pages 289 à 313

Notes

  • [1]
    Comme nous pourrons le voir plus loin, l’attitude de l’enseignant de langue décrit par Balboni ressemble beaucoup à celle de l’enseignant d’intercompréhension qui aide ses étudiants à lire et interpréter des textes écrits dans différentes langues sans pour autant les maîtriser entièrement, mais en permettant à ses formés d’avoir accès au sens pour pouvoir ensuite communiquer, interagir ou utiliser les textes en langue étrangère pour leurs recherches.
  • [2]
    Plateforme pour l’apprentissage collaboratif par tâches de l’intercompréhension (www.galanet.eu). Pour plus d’informations cf. Quintin, Masperi, 2006 ; Degache, Tea, 2003 : 75-76 ; Carrasco, Degache, Pishva, 2008 : 4, Garbarino, 2011 : 75.
  • [3]
    Pour plus de renseignements sur cette méthode, cf. Fiorenza & Bonvino 2011.
  • [4]
    « Lorsque nous avons introduit l’idée d’un apprentissage partiel, les professeurs de langue ont pour la plupart été épouvantés » (Conti et Grin, 2008 : 34, cités par Escudé et Janin, 2010 : 48).
  • [5]
    Nous avons raccourci toutes les parties car elles ont une valeur d’exemple.
  • [6]
    C’est nous qui soulignons en gras, ici et dans tous les extraits suivants.
  • [7]
    Pour plus de précisions sur les stratégies d’intercompréhension, cf., entre autres, Escudé & Janin, 2010 ; Martin, 2004 ; Degache, 2000 ; Masperi, 2000 ; Malheiros-Poulet, 1998 ; Degache, 1996 ; Dabène et Degache, 1996. Pour plus de précisions sur les compétences de lecture, cf. Bertocchi ; 2010.
English version

1. INTRODUCTION

1 Bien avant le structuralisme et l’approche communicative dans toutes ses déclinaisons, il y eut une époque où l’accès à la langue étrangère se faisait par l’écrit. Une période où, comme l’observe P.E. Balboni, l’approche basée sur la lecture, ou Reading Method fut fondamentale. C’étaient les années 1930 : à cause des tragédies qui traversaient l’Europe, la langue avait cessé d’être vivante, orale et communicative comme elle l’avait été pour Berlitz quelques années auparavant pour devenir un simple instrument de lecture, à travers lequel on pouvait avoir accès aux ouvrages scientifiques, professionnels, littéraires, qui provenaient de l’étranger (Balboni, 2002 : 235). Par cette approche, explique Balboni, l’apprenant était autonome et déduisait les règles de la langue et du lexique des textes qu’il lisait : l’enseignant était un tuteur qui aidait l’étudiant à lire, interpréter et traduire les textes et la langue était un instrument de communication authentique, bien que limité à l’écrit (Ibid) [1].

2 Au sujet du Reading method, et pour compléter les propos de P.E. Balboni, nous citerons W. Decoo selon lequel plusieurs sont les facteurs qui ont contribué à la diffusion de cette méthode de lecture à partir des années 1920, deux en particulier nous paraissent pertinents. D’une part le fait que H. Palmer et M. West, qui travaillaient au Japon et en Inde, utilisaient cette méthode pour familiariser le public avec la langue anglaise ; d’autre part le fait qu’en 1929 sur la base du Modern Foreign Language Study, A. Coleman était parvenu à la conclusion que la maîtrise de la lecture était l’objectif le plus facile à atteindre pour les programmes d’apprentissage des langues disposant de peu de temps (Decoo, 2011 : 64).

3 Après la seconde moitié du siècle, dans les années 1970, nous rappellent S. Caddéo et M.C. Jamet, on a développé « des modèles d’enseignement du français qui s’appuient sur les besoins des apprenants et qui privilégient la lecture. Il s’agit du “français fonctionnel” (cf. Moirand, 1980 ; Vignier, 1980, Lehman, 1993), qui anticipe le développement du FOS (Français sur objectifs spécifiques) » (Caddéo & Jamet, 2013 : 42).

4 Puis, en 1993 dans son Évolution de l’enseignement des langues, C. Germain consacre le chapitre 20 à l’« approche axée sur la compréhension », une approche qu’il présente comme « pas encore très répandue ». (Araujo, Degache, Spiţa : 2010). Pourtant c’était l’époque où, au Canada, se développait l’approche basée sur la compréhension et où, en France, des pionnières comme Louise Dabène et Claire Blanche Benveniste commençaient à parler de « diversification et hiérarchisation des objectifs » (Dabène, 1994 : 42) et de « dissociation des compétences » (Dabène, 1995 ; Degache et Masperi, 1995). Ainsi revenait-on à la compréhension écrite :

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Priorité aux habiletés réceptives, primauté du sens, respect des besoins, identification des stratégies efficaces, sélection pertinente des contenus, tels sont les principes clés de l’approche axée sur la compréhension. La plupart de ces principes, moyennant parfois une interprétation propre […], se retrouveront dans la démarche du projet qui, autour de Louise Dabène et de la nymphe Galatea qu’elle choisit pour emblème, a réuni un groupe de chercheurs européens et a pris l’intercompréhension en langues romanes comme objet de travail. (Araujo, Degache, Spiţa : 2010)

6 De nos jours la didactique des langues se développe de plus en plus en direction des compétences dissociées, notamment de la compréhension écrite, et ce grâce à l’intercompréhension (cf. entre autres De Carlo, 2011). Non pas parce que nous avons peu d’occasions d’échanges, comme c’était le cas en Europe dans les années 1930, mais parce que, bien au contraire, nous en avons énormément et très souvent à l’écrit. Nous sommes tous constamment en contact, passif ou actif, réel ou virtuel, en synchronie ou en différé, avec des locuteurs de langues étrangères. « Le temps de fréquentation de l’écrit est aujourd’hui de plus en plus important, de plus en plus nécessaire, à un âge de plus en plus précoce : Interne, messagerie, sms. » (Escudé & Janin, 2010 : 48). Nous avons donc « le besoin de comprendre des énoncés dans plusieurs langues et de développer une Compétence Plurilingue (Trim et al., 2001), pour agir socialement », (S. Melo-Pfeiffer, 2011 : 245).

7 Non seulement les individus ont besoin de cela mais notre société entière a un véritable besoin d’intercompréhension à tout niveau : nous vivons dans un « contexte de mondialisation des échanges accélérée par la dématérialisation des contacts et des documents et issues pour la très grande majorité d’entre elles de sociétés à forte tradition écrite (accords, contrats, législations, ...) » (Castagne, 2007) et dans ce contexte il nous est de plus en plus nécessaire de pouvoir accéder directement et rapidement au sens de certains documents, écrits dans des langues que nous ne maîtrisons pas forcément. Ainsi, le manque de temps et la nécessité d’avoir accès rapidement à des textes écrits en langues étrangères, poussent à se concentrer sur une seule compétence, celle de compréhension écrite, et sur plusieurs langues, souvent appartenant à la même famille. Par conséquent, l’intercompréhension est en progression constante, notamment auprès du public universitaire, même s’il s’agit, le plus souvent, d’initiatives individuelles (Degache et al. 2012).

8 Face à cette progression, il est intéressant de se questionner sur les avantages de l’entrée en langue étrangère par le développement de la compétence de compréhension écrite via l’intercompréhension, une approche présentant d’une part une grande flexibilité au niveau de son insertion dans le processus d’apprentissage des langues et d’autre part plusieurs atouts pour les apprenants : entre autres, sécurisation, valorisation des compétences, acquisition de stratégies transversales applicables à toutes les langues.

9 Avant de rentrer dans le détail des atouts que cette approche a pour les apprenants – en nous appuyant sur des expériences pratiques tirées de nos cours d’intercompréhension en présence et à distance ainsi que sur des questionnaires et témoignages directs des étudiants – il nous incombe de mieux expliquer les concepts qui sous-tendent notre étude, les différentes fonctions de l’intercompréhension ainsi que ses différentes typologies. Cela nous permettra de mieux cerner les objectifs de notre étude.

1. 1. L’intercompréhension : concepts, fonctions et typologies

10 L’intercompréhension est ici définie comme une approche de l’apprentissage des langues qui cherche :

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  • à optimiser et élargir le répertoire langagier préalable de l’apprenant ;
  • à développer ses stratégies d’apprentissage tout en accordant la priorité aux activités réceptives et en stimulant la démarche réflexive, notamment autour de la parenté linguistique ;
  • pour les plateformes dédiées (comme Galanet, Lingalog, Galapro, Miriadi…), à favoriser les interactions verbales au moyen d’échanges en ligne où chacun s’exprime dans la langue de son choix et fait l’effort de comprendre l’autre tout en veillant à se faire comprendre.

12 Ces efforts y sont vus à la fois comme proches de ce qui se passe dans des situations naturelles, valorisants, rassurants, bénéfiques à un développement induit des compétences, et surtout très motivants pour découvrir l’autre, sa langue, son environnement, sa culture. La dimension interculturelle y est en effet le principal stimulant des échanges (Degache, 2006 ; Degache et al, 2007).

13 Les concepts et présupposés didactiques pour la lecture en langue étrangère voisine ayant été très bien développés par des recherches antérieures (S. Melo-Pfeiffer, 2011), nous nous limiterons ici à en souligner quelques-uns qui nous paraissent fondamentaux dans le contexte de notre recherche. En premier lieu le fait que l’intercompréhension réhabilite le recours aux connaissances préalables de l’étudiant (Escudé & Janin, 2010) et à ses connaissances et compétences en langue maternelle :

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La langue maternelle reprend le rôle qui aurait toujours dû être le sien. En effet, si elle a été pendant un certain temps considérée comme un fardeau générateur de difficultés et d’erreurs, elle doit maintenant apparaître comme un stimulateur d’hypothèses, c’est-à-dire comme un appui décisif bien que non exclusif à l’activité cognitive de l’apprenant (Dabène, 1994 : 184)

15 Celui-ci est un aspect fondamental pour l’apprenant qui, comme nous aurons l’occasion de le remarquer plus loin, est rassuré par cet apprentissage fondé sur ses besoins et lui permettant de s’appuyer sur ses connaissances préalables : de la chasse aux faux amis, on passe à la recherche et à l’étude – rassurante – des vrais amis, des ressemblances, des transparences, des possibilités de transfert et de rapports linguistiques entre les langues (S. Melo Pffeiffer, 2011 ; Araujo e Sá & Melo, 2007, Blanche-Benveniste & Valli, 1997) :

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Dans le cas de langues proches, voisines (français, espagnol et roumain par exemple), la transparence assure dès le début de l’apprentissage une certaine compréhension. On devine la catégorie grammaticale, on comprend globalement le sens, et on adapte sa langue maternelle à cette langue étrangère qui n’en serait, au fond, qu’une variante (superposition). (Robert : 2001, 5)

17 Dans le cas des langues de la même famille ou de langues proches, la transparence lexicale joue le rôle de facilitateur et de propulseur de la compréhension, ce qui non seulement rassure mais motive l’apprenant qui peut ainsi avancer dans la compréhension et dans l’interaction très vite (Melo-Pfeiffer, 2011 : 248). Ainsi, l’apprenant sera accompagné par l’enseignant-tuteur qui maîtrise une méthodologie et non pas des langues (Escudé & Janin, 2010 : 59) dans son exploration-découverte du texte, une exploration qui n’aura pas pour but la compréhension détaillée, au moins aux premières lectures, mais visera l’identification des possibilités de transfert et la reconnaissance de la transparence au niveau lexical, syntaxique, grammatical.

18 De l’apprentissage individuel, isolé, des règles apprises par cœur, on passe à une collaboration (Escudé & Janin, ibid) une co-construction de sens, dans une démarche énactive, par laquelle la compétence en langues sera « l’avènement conjoint d’un monde et d’un esprit à partir de l’histoire des diverses actions qu’accomplit un être dans le monde » (Varela et al., 1993, p. 35).

19 Autre concept clé de l’intercompréhension qui nous semble fondamental pour notre recherche est celui du recours aux stratégies de compréhension (d’inférence, de transfert, d’association, d’analyse, de contrôle, etc.). (Araujo, Degache, Spiţa : 2010).

20 L’étudiant, auquel l’enseignant aura appris à reconnaître et fixer les principales stratégies, une fois appris la méthodologie, sera ensuite amené à la transposer aux autres langues qu’il apprendra, en capitalisant son apprentissage. Cela renforcera son assurance car « moins l’apprentissage est frontal, plus les stratégies de passage de forme et de sens sont pour l’apprenant multipliées et donc sécurisantes » (Escudé & Janin, 2010 : 59)

21 De par sa versatilité, l’intercompréhension est une approche qui se prête à de nombreuses utilisations, à plusieurs moments différents de l’apprentissage des langues et pour des objectifs pédagogiques variés. Comme le remarque C. Degache, l’intercompréhension peut avoir quatre fonctions :

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  • La première fonction est une fonction d’entrée ou d’introduction à l’apprentissage d’une langue cible donnée.
  • Deuxième fonction : une fonction de soutien ou de renforcement de l’apprentissage d’une langue cible en particulier.
  • La troisième est une fonction de déclencheur de motivation ou bien de revitalisation, par la mise en situation rapide et authentique, d’utiliser les compétences dont on dispose au préalable.
  • Une quatrième fonction est une fonction de redéfinition de la finalité des apprentissages, par hiérarchisation des objectifs autour d’un bouquet de langues. (Degache, 2014b)

23 Pour ce qui nous concerne, nous tâcherons dans cette recherche de mettre en évidence la première fonction, celle d’entrée dans l’apprentissage d’une langue cible donnée, et la troisième, celle de déclencheur de motivation. Nous essaierons ainsi de mettre en évidence d’une part l’effet positif de la mise en situation, notamment sur des forums où l’intercompréhension est pratiquée via la télécollaboration (cf. infra), et d’autre part sur l’importance de la prise en compte de la part de l’apprenant des compétences acquises préalablement.

24 Nous nous permettrons ici d’ajouter une cinquième fonction à celles mentionnées par C. Degache, à savoir celle d’instrument métacognitif d’acquisition des principales stratégies de compréhension, applicables à toutes les langues et permettant une plus grande autonomisation et émancipation de l’apprenant au niveau de son apprentissage linguistique. Nous tâcherons également, par les témoignages des étudiants et par nos observations, de détailler cet aspect.

25 De la même manière, l’intercompréhension se décline en deux typologies qui ont donné naissance à deux courants qui se complètent réciproquement. D’une part celle qui se fonde sur la lecture, et que nous pourrions définir, avec Degache, intercompréhension réceptive, et celle qui se fonde sur l’interaction, en particulier via des plateformes d’apprentissage collaboratif, dite intercompréhension interactive (Degache, 2014a).

26 Jusqu’à présent, à part de rares études axées sur l’intercompréhension plurilingue (Melo-Pfeiffer, 2011), la plupart des travaux développés en matière d’intercompréhension au niveau universitaire se sont basés sur l’étude comparative de deux langues et très souvent l’une des deux langues était le français (cf. entre autres, Carrasco, 1996 ; Degache, 1994 ; Masperi, 1996 ; Malheriros Poulet, Degache, Masperi, 1994, Fiorenza & Bonvino, 2011). Ces études avaient pour but de démontrer comment l’apprentissage d’une langue étrangère pouvait bénéficier des apports de l’intercompréhension. Aujourd’hui nous pouvons aller un peu plus loin, en nous questionnant sur le potentiel de l’approche de l’intercompréhension au niveau de l’accès au sens dans le cas de textes plurilingues ou bien de textes écrits dans des langues totalement inconnues au départ. Notre objectif est par conséquent de démontrer par des exemples concrets ces potentialités, un objectif que nous essaierons d’atteindre avec un corpus, des modalités de test et une méthodologie d’observation des données que nous décrirons ci-dessous.

2. CONTEXTE, CORPUS, DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE ET PUBLIC

2. 1. Contexte

27 Pour développer cette étude nous avons constitué un corpus qui se fonde sur plusieurs sources d’observation (cf. infra) et qui prend appui en particulier sur les activités des étudiants de deux cours optionnels d’Intercompréhension, intitulés « Apprentissage simultané des langues romanes » (ASLR) ayant eu lieu à l’Université Lyon 2 pendant le 1er et 2e semestre de l’année universitaire 2014-15. Il s’agit de deux cours semestriels de 21 heures présentielles chacun dont l’objectif était de développer la compétence d’intercompréhension chez des apprenants provenant de Facultés différentes, cette option étant proposée à tous les étudiants de l’Université, et inscrits en 2e ou 3e année de Licence. Cependant, le cours du 1er semestre prévoyait le développement de compétences en intercompréhension réceptive et interactive, à l’écrit (travail sur la plateforme Galanet [2] ainsi que sur le manuel Eurom 5 [3]) et à l’oral en classe ; celui du 2e était basé sur des activités qui visaient l’intercompréhension réceptive à l’écrit (Eurom 5 et textes de tirés de la presse ou d’autres supports écrits) et l’interaction orale en intercompréhension en classe. Ainsi, les tâches déroulées pour atteindre ces objectifs étaient différentes au 1er semestre par rapport au 2e : pour ce qui concerne l’écrit, les étudiants du 1er semestre ont effectué des activités de lecture de textes en langue étrangère et d’interaction sur la plateforme Galanet (interactions qui se sont déroulées en ligne, pendant le cours, mais également à l’extérieur de la classe, après la fin du cours), alors que les étudiants du 2e semestre ont travaillé sur la lecto-compréhension sans interaction.

2. 2. Corpus

28 Pour le cours au 1er semestre, nous avons observé principalement l’activité d’intercompréhension interactive en ligne, ou d’intercompréhension télécollaborative, en analysant les messages postés par les étudiants lyonnais sur la session Galanet intitulée « Aude sapere ». Cette session a eu lieu entre le 29 septembre et le 23 décembre 2014 et a vu collaborer une équipe argentine (Curuzú Cuatiá), deux équipes françaises (Lyon 2 et Grenoble 3) et une équipe brésilienne (Campinas), pour un total de 82 étudiants. Pendant la session les étudiants ont échangé 1074 messages dont 426 postés par les Lyonnais sur le forum principal, dans les différentes phases. Pendant le cours et à sa fin, nous avons eu des feedbacks des étudiants via des bilans de la formation qu’ils ont rempli en ligne et que l’enseignante nous a fait partager.

29 Pour le cours au 2e semestre nous avons nous-mêmes proposé aux étudiants des activités de lecto-compréhension qu’ils ont effectuées pendant les cours, en groupe ou individuellement, selon un déroulement que nous avions stipulé auparavant. En effet, afin d’avoir une vision complète de leur entrée en langue étrangère via l’intercompréhension à l’écrit, nous avions décidé de procéder de trois manières différentes :

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  1. en soumettant des textes dans des langues qu’ils ne connaissaient pas au préalable mais qui pouvaient être assez accessibles (une recette en corse et un texte de présentation d’un événement en occitan), sans donner des indications précises sur le déroulement de la lecture. Les étudiants ont essayé de décortiquer individuellement mais en prenant des notes sur un pad collectif.
  2. En les divisant en petits groupes (de 4 ou 5) et en soumettant un texte court mais présentant des inputs complexes et un très haut degré d’opacité (la dédicace du Petit Prince en dialecte piémontais), et en filmant leurs réactions pendant qu’ils essayaient de faire une lecture-compréhension du texte à l’oral. Nous préciserons par ailleurs que nous avons ôté toute référence au livre et que donc les étudiants n’avaient aucune référence paratextuelle, mis à part la structure de la dédicace elle-même.
  3. En proposant des textes brefs en six langues romanes (italien, catalan, espagnol, roumain, portugais, dialecte piémontais) avec des questions sur la compréhension générale, sur les mots transparents, sur les mots opaques et sur la difficulté de compréhension des six langues et en leur demandant de prendre des notes sur un pad individuel.

31 Dans ce cas, comme dans l’autre, nous avons demandé aux étudiants de rédiger quelques lignes de bilan de la formation qui nous permettront de prendre en compte leurs avis sur ce type d’approche relative à l’entrée en langue étrangère.

2. 3. Démarche méthodologique d’analyse des données

32 Le corpus de données est complexe : riche au niveau des indicateurs à prendre en compte et, comme nous le verrons plus bas, hétérogène au niveau des profils des étudiants. De ce fait, nous avons tout d’abord effectué une exploration globale basée sur le principe de l’observation par balayage (Atifi et al., 2005) afin de mieux saisir les traits saillant de chaque situation et de chaque activité que nous avons ensuite classées par rapport aux indicateurs que nous avions établis auparavant. Cela car notre recherche s’appuie sur une approche empirico-inductive et se base sur un travail de terrain (Blanchet, 2000), qui pourrait s’apparenter à une étude d’impact, et qui nous a permis d’extraire des hypothèses à partir de l’observation de la pratique de l’intercompréhension dans la classe et à l’extérieur de celle-ci, sur la plateforme Galanet.

33 Afin de prendre en compte des données de manière scientifique, nous avons effectué des analyses qualitatives et quantitatives selon le indicateurs analysés.

34 Mais surtout nous avons laissé la parole aux étudiants et à leurs observations au sujet de leurs activités, dans une perspective émique (Mondada, 2000), afin de prendre en compte et mettre en valeur les orientations et la manière de penser des sujets de l’enquête. Cela car « saisir la réalité <de l’intérieur> permet de comprendre le sens donné aux faits par les individus eux-mêmes. […] L’approche émique peut ainsi être définie comme une tentative pour envisager les phénomènes humains, en rendant compte de leurs significations pour les individus qui les vivent. » (Matthey, 2003 : 51).

2. 4. Profil du public de l’enquête

35 Afin de mieux comprendre les caractéristiques de notre public, qui n’est pas en principe un public de polyglottes mais d’étudiants universitaires normaux, nous avons demandé aux étudiants de deux cours de nous donner des renseignements au sujet de leur biographie linguistique. Ils ont effectué cette première tâche via des pads en ligne et via des questionnaires nous permettant de définir les expériences en langue étrangères des apprenants composant les deux groupes.

2. 4. 1. Biographie linguistique des étudiants du 1e semestre

36 Les étudiants du 1er semestre ont rempli leur biographie linguistique sur un pad en ligne. D’après l’observation de ce document, nous remarquons que sur les 16 étudiants du cours 10 sont de langue maternelle française (62 %). Parmi les six autres il y a deux Allemands, un Russe, un Roumain, un Arabe et un Peulh. La classe est romanophone pour ses 2/3 (11/16 étudiants).

37 Au sujet de leurs langues étrangères, quinze étudiants de ce cours, affirment connaître l’anglais mais seulement huit affirment avoir cette langue comme LV1. Sur les quinze quatre se disent « fluents », cinq disent l’avoir appris à l’école mais ne donnent pas un niveau et pour les six autres nous n’avons aucun complément d’information. L’étudiant russe, le roumain et l’étudiant de langue peulh signalent le français comme première langue étrangère, alors que pour les allemands le français vient en LV2, l’anglais étant la LV1 pour l’un et le vietnamien pour l’autre. Deux français indiquent l’allemand comme LV2 et un le portugais. L’étudiant algérien, tout en étant bilingue arabe-français, ne mentionne pas du tout cette deuxième langue parmi celles qu’il connaît.

38 Concernant leurs LV2 le panorama de la classe est plus bigarré. Sur les quinze étudiants qui évoquent une deuxième langue étrangère, l’espagnol est parlé par 7 étudiants français, l’anglais par la roumaine et une française, le français par les 2 allemands, l’italien par deux français, le chinois par l’étudiant russe et le russe par le roumain. Aucune mention n’est faite du lieu d’apprentissage de ces langues, sauf pour l’espagnol que les étudiants français affirment avoir appris à l’école.

39 Treize étudiants mentionnent une LV3 qui est l’espagnol pour 4 d’entre eux, l’arabe pour deux, le portugais pour deux aussi. Ensuite un étudiant indique le corse, un l’italien, un le russe, un l’anglais et un le dialecte auvergnat.

40 Douze des participants au cours d’ASLR connaissent une quatrième langue étrangère qui est l’italien pour trois parmi eux et le russe pour deux. Vient ensuite une liste de langues signalées en LV4 par un seul étudiant chacune : le berbère, le latin, l’espagnol, le hollandais, le portugais, le catalan, et l’anglais.

41 Parmi les autres langues, signalées en fin de liste, mais présentes dans la classe, remarquons le grec ancien (4 étudiants), le japonais (4 étudiants aussi), le turc (2), le tchèque (3), l’ukrainien (1), le hongrois (1), le slovène (1).

2. 4. 2. Biographie linguistique des étudiants du 2e semestre

42 Les étudiants du 2e semestre ont répondu à un questionnaire en ligne. D’après les réponses qu’ils ont données, le français est la langue maternelle de 16 étudiants sur 20 (80 % du groupe) ; un étudiant est de langue portugaise, un autre est roumain, deux sont hispanophones (mais un des deux a également le russe comme langue maternelle) et un étudiant est arabophone. Donc, dans ce 2e groupe tous les étudiants sauf un sont romanophones.

43 Pour ce qui concerne les langues étrangères, l’anglais est la première langue étrangère de la grande majorité des étudiants ayant répondu au sondage (14 sur 20) et la deuxième est l’espagnol (4/20) ; deux étudiants allophones ont le français comme LV1. Quant à leur apprentissage, la plupart des étudiants remarquent qu’il s’est fait à l’école (19/20) et ils estiment avoir un niveau qui se situe entre B2 et C2 pour les quatre compétences (on exclut l’interaction).

44 Dix-neuf étudiants déclarent connaître une LV2. Parmi eux, seize étudiants déclarent avoir appris ces langues à l’école et cinq seulement disent les avoir apprises ou rencontrées par leurs voyages, en famille ou avec les amis. La variété des langues est beaucoup plus importante que pour la LV1 et l’espagnol, le portugais et l’allemand se retrouvent au même niveau (4 étudiants sur 19 pour chacune de ces langues). Nous remarquons que 11 étudiants ont des langues romanes comme LV2 et 7 ont des langues germaniques. Seize étudiants ont appris ces langues à l’école et seulement cinq disent les avoir apprises pendant les voyages, en famille ou avec les amis (deux étudiants citent l’école et la famille). Le niveau de compétences diminue légèrement, le minimum descendant à B1 et le maximum se situant à C1.

45 Sur les 21 étudiants ayant répondu au questionnaire seulement 16 ont une LV3. Dans ce cas nous remarquons un éclatement au niveau de la variété. Les langues romanes sont très représentées (12 sur 16 étudiants ont une langue romane comme LV3), alors que les langues germaniques ne sont presque pas représentées (1 seul étudiant pour l’anglais). Cinq étudiants disent connaître le portugais. Des autres, un connaît le russe, un le latin, un le catalan, un l’anglais, un l’arabe et un dit connaître plusieurs langues (ferait-il référence à l’intercompréhension ?). Huit étudiants affirment avoir appris ces langues à l’école, cinq à l’université et deux en autodidacte. L’auto-évaluation des apprenants situe leurs compétences à un niveau « moyen » ou « passable », certains se définissent A2 ou B1.

46 La moitié des étudiants du cours parlent une 4e langue étrangère. Il conviendra de relever à ce niveau l’importance du Chinois (4/10) et de l’Italien (3/10), langues que les étudiants disent avoir appris à l’Université (6/10) ou dans la vie privée (3/10 citent la famille et les voyages) ; deux seulement disent avoir appris ces langues à l’école. Pour ces langues le niveau affiché est souvent « débutant », « basique » ou encore – et très souvent – « nul » !

47 Deux étudiants seulement affirment connaître une cinquième langue étrangère : un connaît l’espagnol et un autre le roumain.

48 Et enfin, sur la totalité de la classe, trois étudiants affirment qu’ils n’ont jamais lu de textes dans une langue qu’ils ne connaissaient pas, sans doute parce qu’ils n’ont pas eu le temps de réfléchir à leur biographie linguistique. Sur les autres 18, sept affirment avoir lu des textes (panneaux ou autres) en italien lors de voyages en Italie ; parmi les autres, deux citent des voyages en Grèce, en Irlande.

49 Si nous comparons les deux cours, nous remarquerons que le panorama est très varié et irrégulier mais nous pouvons déjà saisir deux traits importants : en premier lieu que chaque étudiant a une biographie langagière très vaste (la plupart des étudiants ont des compétences en trois ou quatre langues étrangères) et deuxièmement la prédominance des langues romanes et de l’anglais (parlées par 83 % des étudiants au total).

50 Or, au vu de cela, pourquoi faudrait-il oublier tout le savoir-faire lié à l’apprentissage de ces langues et toutes les compétences et connaissances linguistiques de ces étudiants au moment de l’accès à une nouvelle langue étrangère ou bien au moment de l’approfondissement d’une des langues qu’ils connaissent ? C’est justement sur cela que se fondent les théories de l’intercompréhension et les données ci-dessus seraient déjà suffisantes pour en justifier l’importance. Mais il y a plus : l’approche de l’intercompréhension a des avantages qui vont bien au-delà du simple apprentissage lexical ou sémantique et qui sont à l’origine d’un tel apprentissage.

51 Nous le savons bien : les enseignants de langue sont – depuis les années 1950, à cause d’une certaine vision de la didactique des langues et à cause « d’une certaine représentation des langues » (Escudé & Janin, 2010 : 47) – habitués au binôme traditionnel « un cours/une langue ». En plus d’être bousculés par cet apprentissage de langues qu’ils ne maîtrisent pas [4] et qui leur paraît

3. RÉSULTATS : LES AVANTAGES DE L’APPROCHE INTERCOMPRÉHENSIVE

52 amoindrir la place de leur langue, ils craignent que l’apprentissage simultané de plusieurs langues puisse créer de la confusion et des interférences chez l’apprenant (Bonvino et al., 2011 : 166). Cependant, comme le remarquent plusieurs chercheurs et notamment les auteurs d’Eurom 5, du point de vue de la réception, une confusion initiale entre les langues ne compromet pas la compréhension ; tout au contraire, cela la rend plus aisée et est à la base de la rapidité du résultat (idem). Donc, ces enseignants gagneraient beaucoup à utiliser l’intercompréhension dans leurs cours, notamment pour motiver leurs étudiants, les rassurer au niveau des compétences qu’ils possèdent déjà et valoriser des études qui sont, très souvent, vus comme des problèmes à résoudre. Cela car elles sont ressenties non pas comme un levier d’apprentissage à partir duquel les apprenants peuvent faire des comparaisons et tisser des liens logiques mais plutôt comme un obstacle étant à l’origine de la plupart des « faux amis » produits par les apprenants et si fortement condamnés par les enseignants monolingues.

53 Or, en observant attentivement l’effet que l’apprentissage de l’intercompréhension peut avoir sur les apprenants, il y a surement de quoi se surprendre, et très positivement. Nous le démontrerons à travers des exemples concrets ainsi que par les témoignages des étudiants que nous découvrirons d’ici peu.

3. 1. Valorisation des compétences acquises au préalable

54 Si on revient sur les compétences en langues déclarées par les étudiants des deux cours, nous remarquerons qu’ils sont bien au courant des langues qu’ils connaissent (3 ou 4 chacun, plus ou moins bien) et ont, généralement, une idée plutôt claire de leur niveau de compétence dans ces langues (certains d’entre eux précisent leur niveau par rapport au CECRL). En plus, nos étudiants sont curieux, ils lisent beaucoup de textes sur internet (parfois tout simplement lors d’échanges avec des amis sur Facebook) et ils voyagent, ce qui leur permet d’acquérir, parfois sans s’en apercevoir, des compétences plurilingues. Afin de mieux saisir la portée de ces aspects, citons les réponses de quelques-uns des apprenants du cours d’ASLR du 2e semestre à la question « Avez-vous déjà lu des textes dans une langue que vous ne connaissiez pas ? » :

55

  • J’ai déjà lu ce qui est marqué au dos des briques de jus de fruits ou de désodorisants par exemple (c’est en général marqué en hollandais)… Je lis donc chaque notice en hollandais.
  • Ayant voyagé plusieurs fois en Italie, j’ai déjà lu des brochures touristiques en italien.
  • Oui, lecture de l’italien dans le cadre d’un voyage scolaire en Italie lors de ma terminale.
  • Oui, je suis une étudiante en anthropologie et certains textes/auteurs ne sont pas traduits donc j’ai lu certains textes pour voir si je pouvais tout de même avoir quelques informations.
  • J’ai lu du norvégien, du flamant [sic] et du néerlandais au cours de différents voyages.
  • Oui, c’était l’italien avant que je l’avais appris [sic]. Un article sur la culture italienne.
  • Oui, en catalan, dans le cadre de certain cour [sic] pour apprendre la distinction entre l’espagnol et le catalan.

56 Nous ne citons ci-dessus que quelques réponses, les plus intéressantes. Or, en comptant les réponses affirmatives et négatives à cette question, nous remarquons que seulement quatre étudiants sur vingt (20 %) déclarent ne jamais avoir lu des textes dans des langues qu’ils ne connaissaient pas auparavant. Ces chiffres sont essentiels pour comprendre le degré d’exposition aux langues non connues de nos étudiants et pour qu’on puisse se faire une idée de l’effet positif de leurs réactions au moment où ils se rendent compte que, malgré la non-connaissance de la langue en question, ils parviennent à saisir le sens de mots ou de phrases entières et ce grâce à leur « bagage » de compétences.

57 C’est ce que nous pouvons observer dans les échanges ci-dessous, extraits des enregistrements vidéos que nous avons effectués lors de la lecture-découverte de la dédicace au début du Petit Prince traduite en dialecte piémontais :

58

Prof : Partiamo. Come vedete si tratta di un testo in una lingua strana. Innanzi tutto, secondo voi, di che lingua potrebbe trattarsi ? Che lingua potrebbe essere ?…
Etu1 : Sembra l’italiano perché, ehm, posso vedere qualche parola che risembra all’italiano, come « sto », « scusa », « critica » ma… . Senza… [il fait le signe de l’accent avec la main]
Prof : con l’accento, sì.
Etu1 : « Granda », … « persona »…
Prof : Lei conosce…, Lei parla italiano…?
Etu1 : Un po’, ho imparato al liceo ma ho… ho dimenticato un po’… [rire]
Prof : E la sua lingua materna è il francese ?
Etu1 : Francese, sì.
Prof : Altre lingue che conosce ?
Etu1 : Euh… Tedesco, Inglese, un po’ di… euh… .non mi ricordo come si dice… scine…
Prof : Cinese ?
Etu : Sì, Cinese. Ma solo dodici settimane, non molto…
Prof : E voi cosa mi dite ?
Etu2 : Pour moi ça ressemble à de l’italien aussi, en sachant que je ne connais pas l’italien, ’fin… je l’ai entendu mais je ne l’ai jamais appris… Mais ça a l’air de sonner comme de l’italien.
Prof : hmm hmm
Etu3 : Sembra come un italiano di dialetto. Ma, ma… la cosa che è strana sarebbe la jot
Prof : La i lunga… .?
Etu 3 : oui, la jot… .mmmm… la ji… oui… Perché non esiste in italiano.
Prof : Ahhhh… Anche lei parla italiano ?
Etu3 : Sì, maaaa, sì. Mai imparato così… a scuola però l’ho imparato un po’ così… .
Prof : Lei è di origine spagnola… . No…
Etu3 : Sì, eh… Argentina. Ma è un po’ diverso perché in Argentina abbiamo un sacco di parole che vengono dall’italiano ma si usano per strada.
Prof : Sì… perché ci sono tanti immigrati italiani. E voi altre, parlate… .? Francese e… .? Altre lingue ?
Etu4 : Tutto…
Prof : Tutto ? Fantasico !
Etu4 : Un po’… Mais là, pour le coup, ça m’aide pas…
Etu5 : Parlo spagnolo, un po’ di italiano, anche russo.
Prof : Mmmm ! Siete tutti plurilingue ! Anche lei ?
Etu6 : Espagnol, portugais… .
[…] lecture à haute voix du texte
Etu3 : Non è catalano, non è italiano, allora… [rire]
Prof : [rire] Non è catalano, non è italiano però effettivamente ha un po’ di catalano e un po’ di italiano. Ci trovate anche un po’ di francese o no ?
Etu1 : con « j » all’inizio di jero…
[…]
Etu 2 : ça pourrait ressembler à un patois français… oui, p’t être à la frontière entre la France et l’espagnol, euh… l’espagnol ! Et… l’Italie, pardon…
Etu 4 : Je sais que le corse ressemble à l’Italien mais bon, j’ai vu du Corse et ça ne ressemble pas à ça.

59 Avant de rentrer dans ce dialogue, nous expliquerons la raison du choix du texte : sachant que notre public était plurilingue et que l’activité se ferait en groupe, nous avons voulu choisir une « langue » qu’aucun étudiant ne pouvait connaître. Or, au lieu de chercher un texte tiré de la presse, nous avons voulu leur proposer cette dédicace au début du Petit Prince car elle présentait des caractéristiques singulières, notamment une structure particulière et un certain nombre de mots opaques récurrents qui faisaient barrage au moment de l’accès au sens.

60 Or, le long extrait ci-dessus n’est qu’une partie du début de l’activité de décryptage du texte qui a duré au total une vingtaine de minutes pour ce groupe présentant des italophones.

61 L’aspect le plus intéressant vient justement du fait que trois parmi les six étudiants de ce groupe parlent italien (ils ont tout de suite le réflexe de nous répondre dans cette langue, qu’ils parlent à un niveau B1-B2) et ils découvrent vite le lien de parenté entre cette langue et celle du texte. Ils trouvent dans l’extrait des mots qu’ils reconnaissent, ainsi que des graphèmes et des sonorités qui leur paraissent italiennes. L’étudiante 4 attend longtemps avant de prendre la parole mais quand elle la prend, elle compare le texte proposé au Corse, vu en classe quelque temps auparavant, en disant qu’il y a des ressemblances mais que ce n’est pas ça.

62 Dans cette lecture, nous remarquons l’échange typique des activités d’intercompréhension, entre des processus « bottom-up » un mouvement semblable à eux qui tâtent le tronc d’un arbre et grimpent par hypothèses (De Mauro, 1999 : 58), liés au décryptage du texte, à la reconnaissance des lettres (la j), la combinaison des lettres en mots (sto, scusa, critica, jero), des groupes logiques portant une signification, et les processus « top-down », concernant l’utilisation des connaissances préalables (l’italien, le catalan, le corse) et des schémas mentaux des lecteurs (l’hypothèse d’une langue à la frontière entre la France et l’Italie), suivis par des hypothèses et des interprétations, qui viendront plus loin dans la vidéo (Fiorenza & Bonvino, 2013). Les étudiants cherchent des points d’ancrage pour situer le texte par rapport à leurs connaissances et ceux qui ont des compétences en italien situent le texte par rapport à celles-ci. Idem pour le corse et pour le catalan qui sont cités par deux étudiantes (étu3 et étu4) pour dire que, sans que ce soit une de ces langues, il y a des ressemblances.

63 Rien que ce début suffirait pour convaincre les plus sceptiques de l’importance des pré-acquis des étudiants au moment de l’entrée dans un texte écrit dans une langue étrangère totalement inconnue. Cette première activité nous permet d’affirmer que même s’ils ne comprennent pas tout de suite le sens du texte, les apprenants arrivent à avoir une idée de la langue très vite et à comprendre plusieurs mots. En vingt minutes, ils ont décrypté ce texte de 150 mots. Et l’effet positif de cette lecture est indéniable, au point qu’une des six étudiantes remarque, à la fin du travail de lecture :

64

C’est vrai que ça permet d’appréhender des textes selon l’expérience en langues qu’on a… Donc, ouais c’est… c’est agréable… Moi je suis fière d’avoir réussi à comprendre ça !

65 Cet effet de valorisation des compétences mais aussi des apprenants eux-mêmes est un résultat récurrent de l’intercompréhension sur les étudiants qui se sentent, par conséquent, sécurisés par cette approche. Nous le verrons ci-après.

3. 2. Sécurisation et valorisation des apprenants

66 Tous les spécialistes d’intercompréhension sont d’accord sur le fait que cette approche permet aux étudiants de se sentir rassurés. Cet effet est dû au fait que, par définition, les étudiants n’ont pas la crainte de se tromper comme dans une activité d’expression dans la langue de l’autre. Pour vérifier les succès de cette approche nous pourrons porter notre regard sur le cours du 1er semestre, ayant eu lieu en partie sur la plateforme Galanet. En comptant les messages postés sur la session à laquelle ont participé les étudiants du semestre 1, nous avons remarqué que l’équipe lyonnaise, composée de 16 personnes, a posté 426 messages sur les 1076 de toute la session, pour une moyenne de 26 « posts » par étudiant, un chiffre révélateur de la quantité d’activité sur la plateforme. Pour la qualité de cette activité, regardons de près un petit extrait tiré du Forum de la phase 4, pendant laquelle les étudiants rédigent le dossier de presse :

67

SalvadorP, 1/12/14 à 23h09
Olá, pessoal
Pedi para minha professora colocar o Marvin e a Yannick como redatores. Fico à disposição para ajudar no que for preciso : )

68

Marvin, le 3/12/14 à 18h24
Bonsoir ! Si vous voulez proposer des photos, textes, documents, liens URL, ... faut que vous fassiez cela dans la salle de rédaction ! Ce n’est plus le but de faire ça ici dans le forum.
@Claire @xpovos : Voudriez vous travailler ensemble et créer un document sur les deux fêtes qui se ressemblent apparemment jusqu’à certain point ? Claire, ton post est intéressant, mais pour le dossier il serait quand même trop long, il faudrait le résumer/ couper un peu.

69

Marcbar, le 3/12/14 à 21h23
Si voleu, ja m’encarrego jo d’escriure el text introductori de 10 línies. Intentaré tenir-ho llest aviat.

70

Xpovos, le 6/12/14 à 13h16
Hola a todos. Ya puse el vínculo a mi álbum de fotos de Picasa con fotos de mi ciudad. Cualquier información complementaria, estoy a su disposición : )

71

Marvin le 10/12/14 à 17h18
@marcbar, t’en es où pour l’introduction ? sinon on la fait tous ensemble : je commence avec une phrase et quelqu’un la reprend pour en rajouter d’autres etc pp... « Sapin, crèche, couronne et calendrier de l’avent, pyramide et marché de noël, des lumières dans la maison, rue et ville - la décoration de noël diffère de culture à culture et famille à famille.... »

72

Marcbar, le 10/12/14 à 20h28
@marvin, Si, si, ja casi estic ! Entre avui i demà, ho tindrem. Afegiré aquesta frase teva que m’ha agradat ! : )

73

Lidiacr94, le 12/12/14 à 16h01
putem cauta multe decoratii pentru Noel pe Pinterest : )

74 Les étudiants de ce groupe de travail avaient pour but de rédiger une partie du dossier de presse concernant les repas de Noël. Ils ont échangé en écrivant chacun dans sa langue et la discussion a abouti à un travail collaboratif : ils ont rédigé une section quadrilingue, en français, portugais, catalan et espagnol. Une autre section de ce dossier de presse vaut la peine d’être regardée de près, il s’agit de celle concernant le repas de Noël. Les étudiants ont rédigé des textes dans cinq langues romanes (aucun étudiant catalan n’était présent dans ce groupe) :

75

MariaPop (les E.O plats : )) Cred că nu de puține ori v-ați gândit care ar fi tradițiile de Crăciun și bucatele în alte părți, sau că aveți cele mai bune și gustoase tradiții culinare care pot impresiona pe oricine. Ei bine, vă invităm să descoperiți tradiții culinare și rețete delicioase de Crăciun din alte țări pentru a vă inspira în pregătirile de sărbătoare [… ] [5]

76

ColineM (les E.O plats : )) Noël est une période de l’année très importante, couvrant généralement l’intégralité du mois de décembre. Elle est l’occasion de réunir la famille ou les amis autour d’un bon repas, qui demande généralement quelques jours de préparation afin que la fête soit parfaite […]

77

chevalin (Les sardines plurilingues) In Italia, ci sono numerose varianti tra le regioni. Al sud si fa globalmente piuttosto un pasto col pesce corredato di verdure. Nel nord, dopo gli antipasti, ci sono spesso delle paste foderate, per esempio dei tortellini, in brodo, seguito di una carne. Un punto comune sembra essere il panettone o il pandoro alla fine del pasto. […]

78

MottaJ (Kaos delle patatine). No Brasil, começa-se a pensar no Natal já em meados de outubro, quando as lojas e supermercados começam a vender Panetones e enfeites de Natal : é tudo uma preparação para o dia 24 de dezembro, em que tradicionalmente é servida a Ceia de Natal. O cardápio admite algumas variações, mas o que nunca falta é uma carne assada - peru, chester, tender ou pernil. É comum também servir um peixe, como o bacalhau. O brasileiro também serve acompanhamentos fartos : além da salada, normalmente há arroz branco, farofa, batata, e maionese de legumes. […]

79

MSchatz (« Cambalache »). Las Fiestas Navideñas en Argentina se perciben ya desde los primeros días de diciembre, cuando los comercios son adornados con luces de colores, guirnaldas, además del infaltable arbolito de Navidad. Una costumbre muy arraigada en Argentina y que se realiza en la mayoría de los hogares argentinos, es armar el arbolito de navidad el 8 de diciembre, día en que se festeja la Inmaculada Concepción de la Virgen Maria. Además, desde éste día, las plazas de varias ciudades se adornan con luces de colores al igual que las calles […]

80 Pendant cette 4e phase de rédaction du dossier de presse, les étudiants ont échangé 306 messages sur le forum. Ils en avaient échangés 475 dans la 1re phase (Briser la glace/choix d’un thème), 185 dans la 2e phase (Remue-méninges) et 109 pendant la phase 3 (collecte de documents et débat). Comme nous pouvons le remarquer, les phases les plus appréciées – celles où il y a plus d’activités sont la 1e, pendant laquelle les étudiants font connaissance et rencontrent toutes les langues sur la plateforme et la dernière qui leur permet de travailler en groupes de travail multilingues.

81 Au sujet de cette approche et des modalités de travail associées, les étudiants lyonnais ayant travaillé sur la plateforme au 1er semestre remarquent que c’est une activité « ludique », que c’est « intéressant pour discuter de thématiques différentes », que l’idée de Galanet est « sympa ». Regardons de près trois extraits des bilans personnels :

82

Je suis rassurée : je préfère faire de l’intercompréhension que d’apprendre plein de langues de façon académiques… parce que ça m’intéresse pas. Trop dégouté de la façon dont on nous apprends les langues dans le milieu scolaire français. Et puis ce qui est pas mal, c’est que ça me force, moi grande feignasse, de réfléchir pour trouver des moyens de comprendre ce que je ne comprends pas, à la base. D’habitude je baisse les bras vite, mais dans certaines réponses, j’avais vraiment envie de savoir ce que l’autre disait. Ça c’est cool, et puis ça m’a fait un peu réviser mon petit niveau d’espagnol ;) [6]

83

Les posts que je lis et je comprends le plus, sont ceux écrits en espagnol, italien et catalan ! il y a peu de différences au niveau de l’écriture et du vocabulaire avec le français als à lire, c’est plutôt facile ! j’ai l’impression de lire du français mais écrit différemment dc je me sens puissante ! : D

84

« c’est cool de se confronter avec les autres cultures, et c’est une nouvelle façon d’appréhender les langues (moi qui suis nul dans les cours de langue traditionnels, ça me va). Concernant le travail linguistique, je pense que j’ai tendance à moins lire les posts en roumain […], car le roumain avec tout ses accents et cédilles bizarres m’effraie un peu je pense ! Et puis j’ai l’impression que dans le vocabulaire, c’est plus éloigné des langues que je connais déjà. Après je me suis surpris à bien comprendre le portugais que je n’avais jamais rencontré, ou encore l’espagnol et le catalan que je connaissais un tout petit peu plus. »

85 Pour la première étudiante l’intercompréhension est un moyen d’apprendre des langues qui s’oppose d’une certaine manière à l’apprentissage « académique » et « scolaire ». L’approche de l’intercompréhension la rassure et la motive car elle lui permet de chercher des moyens pour accéder au sens . Pour la deuxième le travail de lecture des posts en espagnol, italien et catalan est comme lire du français mais écrit différemment, ce qui lui fait ressentir un sentiment de puissance. Pour le troisième étudiant, qui avoue être « nul » dans le cours traditionnels, cette manière de travailler semble convenir davantage que les cours classiques et elle lui a permis de développer la compréhension de trois langues romanes. Ces posts dénotent d’une confiance qui est due au fait que la compétence de compréhension est celle dans laquelle on réussit le plus vite au début, d’où une valorisation de l’étudiant. Dans une interaction par écrit, cette seule compétence nous rend capable de dialoguer avec un natif, parfois dès le premier jour (c’est ce qui se passe sur la plateforme Galanet lors de chaque session). L’esprit de groupe qui se crée et le rôle des dynamiques socio-affectives ont déjà été mis en évidence par d’autres chercheurs (plus récemment par Araújo e Sá et al., 2014), mais nous souhaitons tout de même y revenir en citant le post et le commentaire suivants :

86

De ma part je voudrais vous remercier pour votre investissement et votre travail ! Ce fut vraiment un plaisir de travailler avec vous. Nous comptons 122 messages ! Quel dynamisme ! Et l’ambiance super ! Au début, j’avoue que je ne m’attendais pas à ça ! Mais, ce fut vraiment une expérience super ! (message posté sur le forum Galanet le 19/12/2014)

87

« Je ne m’attendais pas non plus à travailler sur du tchat mais c’est une manière comme une autre d’aborder les langues parce qu’on discute quand même avec des étudiants trans atlantiques ! » (bilan d’un étudiant du 1er semestre).

88 Ceux-ci nous semblent révélateurs de la motivation dégagée par l’activité en intercompréhension interactive, un aspect dont nous reparlerons plus amplement dans la partie qui suit.

3. 3. Motivation

89 Des études récentes sur les déterminants de la procrastination académique chez les étudiants français (Osiurak et al, 2015), montrent qu’il existe un lien entre procrastination et motivation des étudiants. Nos étudiants abandonnent les cours et ne sont pas capables de relier leurs actions et résultats. Cela car leur motivation est souvent extrinsèque : liée à une note, à une obligation familiale ou une intériorisation des sources de contrôle. Or, dans le cas du travail en intercompréhension, et notamment en interaction, la motivation développée provient de plusieurs stimuli extérieurs mais elle a des retombées au niveau intrinsèque. Cela est attesté par les commentaires des étudiants du cours d’ intercompréhension du 1er semestre, ceux que nous avons vu à la fin de la section précédente ainsi que les autres que nous observerons ci-après et qui permettent de saisir les trois déclencheurs de motivation autodeterminée : la connaissance, l’accomplissement (le fait d’être compétent) et les sensations positives (par exemple amusement et plaisir) (Vallerand et al.).

90 Pour ce qui est de l’accomplissement et des sensations positives, regardons ce post d’un étudiant qui vient d’être nommé rédacteur pour le dossier de presse de Galanet :

91 A fond ! Je me sens investi d’une tâche divine, même si je ne sais pas en quoi elle consiste réellement. Pour ma part, je veux bien travailler sur les symboles païens et leurs significations originelles, si quelqu’un veut m’épauler…

92 Suivi par cet autre, où ce sont la surprise et le plaisir qui dominent :

93

« … je ne m’attendais pas du tout à ça ! C’est une très bonne surprise ! Travailler en chat avec des natifs est une très bonne idée pour apprendre à comprendre les autres langues. »

94 Le suivant est plus orienté connaissance et compétences :

95

« L’idée de “Galanet” est intéressante, puisque l’on aborde l’apprentissage des langues romanes par le plan de l’intercompréhension, […]. Et petit à petit, on apprend à reconnaitre les autres langues que l’on ne comprend pas forcément (l’espagnol, le roumain, ou le portugais par exemple). »

96 Et ces derniers sont entièrement axés sur la motivation des apprenants issue de la volonté de comprendre, et par conséquent d’élargir leurs connaissances :

97

En m’inscrivant à ce cours, je pensais qu’on aurais principalement des échanges « en vrai », entre nous, avec des intervenants… Comme n’importe quel autre cours de langue. Je voulais apprendre les bases de chaque langues pour avoir quelques repères. Je n’aime pas trop le système du site, mais il est vrai qu’en lisant des sujets sur ce site on s’habitue un peu aux constructions des phrases. Généralement en lisant des textes en autres langues, quand je bloque sur un mot je vais le chercher dans un dictionnaire ou un traducteur (par exemple en espagnol, la dernière fois j’ai bloqué sur le mot « mantequilla », maintenant je sais ce qu’il veut dire, « beurre ».

98

« Concernant les posts, j’ai tendance à plus lire ceux en français, parce que je suis français, et ceux en italien parce que je le parle et le comprends très bien. Après, pour le reste des posts, j’ai tendance à passer du temps à essayer de comprendre ceux en roumain, parce que je trouve que c’est très intéressant de vouloir comprendre une langue qui est moins proche que l’italien et l’espagnol du français, mais j’accorde moins d’importance à ceux écrits en espagnol. »

99

« Par contre la situation avec la compréhension des langues est [sic] changé un peu, j’ai commencé à différencier plusieurs langues qui sont vraiment nouveaux pour moi (le roumain, le catalan, l’italien, le portugais, même l’espagnol). Mais j’aimerais trop au futur les comprendre (et même parler), mais pas seulement différencier. »

100

« La langue avec laquelle j’ai le plus de mal, c’est le roumain (avec ses accents bizarres sous les lettres et tt et tt) et du coup, c’est un vrai “challenge” d’essayer à comprendre cette langue !
juste après vient le portugais qui est, selon moi, entre l’espagnol et le roumain, avec ses accents sur les voyelles, ses ‘nh’, ses cédilles…

101 Le déclencheur de la motivation, dans le cas de ce dernier post, c’est la sensation de « challenge », de défi, de vouloir réussir dans une tâche qui est celle de la compréhension d’une langue peu ou pas connue. Et, dans le cas du forum, la compréhension est orientée vers l’interaction avec les natifs. Du coup ce qui motive c’est le plaisir de réussir dans un dialogue écrit, en ligne, avec des pairs qui sont dans d’autres universités, dans d’autres pays. Un échange qui ne réussira pas si, en plus de la reconnaissance et valorisation de ses compétences et de sa motivation, l’étudiant ne fera pas un pas en avant, en apprenant les principales stratégies d’intercompréhension, véritable moment d’« apprentissage » permis par cette approche.

3. 4. Aisance donnée par les stratégies d’intercompréhension

102 Dans la pratique, ce qui aide les apprenants à entrer dans un texte en langue étrangère par l’approche de l’intercompréhension ce sont aussi les stratégies de compréhension. En simplifiant beaucoup, nous citerons tout d’abord l’observation du type de texte et du contexte, ensuite la recherche du sens global du texte via la recherche des mots transparents et des ressemblances avec d’autres langues connues, puis l’approximation jusqu’à la lecture-traduction linéaire, en remplaçant les mots opaques par un mot vide et en terminant par une recherche de la signification des mots opaques faisant barrage au sens. [7]

103 La potentialité de la transparence lexicale est citée par la plupart des étudiants du 1er et du 2e cours qui, dans leurs registres d’activité rédigés vers la fin du semestre, attestent qu’ils ont bien compris que l’une des stratégies importantes au moment la lecture d’un texte en langue étrangère est celle du repérage des mots transparents et des possibilités de transfert :

104

  • Pour comprendre l’italien, la langue sur laquelle je serai évaluée, je me sers beaucoup de mon espagnol et peut-être pas assez du français. Pour bien comprendre un texte je pense qu’il faut se baser sur des mots de la même racine. […]
  • Pour moi, la meilleure stratégie c’est utiliser nos connaissances dans d’autres langues romanes pour comprendre un texte écrit. Par exemple à l’aide des mots transparents. […]
  • j’ai remarqué que les langues romanes avaient beaucoup de ressemblance au niveau des mots et ça facilite énormément la compréhension. […]
  • Per me, il migliore mezzo di capire un testo in una lingua romana [sic] che non conosco è di avvistare le parole che sono le stesse nella mia lingua. […]

105 Un étudiant du cours du S2 remarque à la fin de l’activité 3, qui était axée sur la compréhension des six textes traitant différents aspects d’un sujet semblable dans 6 langues différentes (Le Petit Prince : les personnages, l’auteur, etc.) :

106

« La seule langue avec laquelle il semble difficile de faire des comparaison est le roumain.
Sinon on peut faire des associations :
Espagnol - portugais- catalan
Italien - Piemontais --> Mais la structure des phrases est très compliquée en Piémontais, on n’arrive pas trop à saisir la fonction des mots : s’ils sont articles, substantifs, verbes…
Le plus facile est l’espagnol le portugais et l’italien : je connais l’espagnol qui est presque transparent même pour la structure des phrases au portugais. En italien c’est un peu plus compliqué, il faut lire le texte et insister sur la prononciation des mots pour retrouver des analogies et dégager des parallèles -> nella forma - en la forma
Le roumain reste le plus difficile pour moi, je pense que les accents jouent un role important dans la prononciation et donc dans la compréhension des analogies »

107 Cette synthèse nous paraît intéressante car l’étudiant démontre qu’il a compris quelles stratégies mettre en pratique au moment de la compréhension des textes : utiliser l’italien pour la compréhension du piémontais et chercher les parallèles entre l’espagnol, le portugais et le catalan. Son seul problème reste le roumain, pour lequel il n’arrive sans doute pas à utiliser ses quelques compétences en italien. L’étudiante suivante, par contre, se rend compte des potentialités de son apprentissage du latin pour l’accès au sens en roumain :

108

… au niveau de la grammaire et des constructions syntaxiques le roumain serait la langue romane qui conserve le plus l’héritage du latin ! Je pratique un peu de latin (mes 2 dernières années et mon prochain EO). S’il peut me faciliter la tâche la compréhension du roumain c’est un super atout, le seul obstacle (ou au moins le premier) c’est l’alphabet.

109 Pour ce qui est du processus d’accès au sens dans un texte écrit en langue étrangère en général, il est très bien décrit par cette étudiante qui détaille toutes les étapes :

110

– après une première lecture, mettre en place une stratégie d’inférence : déduction du contexte d’énonciation selon la forme du texte (lettre, article, dédicace…), identification de la langue (aide accents graphiques, place des mots dans la phrase, identification temps d’énonciation si possible), repérage mots transparents dans une autre langue romane, mise en place calques linguistiques, lorsque l’on rencontre un mot tout à fait opaque essayer d’en déduire le sens à partir de l’étymologie et synthèse.
– parfois, il est nécessaire de passer par une phase d’oralisation du texte pour mieux comprendre (exemples : créole, patois).

111 Dans la pratique, nous avons pu observer leur activité de décryptage lorsque nous leurs avons demandé de lire les deux textes en corse (une recette de cuisine) et en occitan (un article de présentation d’un festival) (activité n2). Lors du déroulement de cette tâche les étudiants ont pris des notes sur un pad en ligne. Ne pouvant pas les citer tous, nous observerons ici les exercices de deux étudiants :

112

Texte n1 Corse
Se ressemble à l’espagnol, français et en peu à l’italien. Plusieurs mots sont compréhensibles : Forru = four, rompi = romper, metti = meter et etc. À l’aide des images on arrive à comprendre les mots qui ne se ressemblent pas au langues qu’on connaît, comme par exemple : conca.
Des mots italiens sont aussi présents : scalda = chauffer
Le seul passage que j’ai la difficulté à comprendre est celui là :
Staccia a farina è fà la falà in u latti
[…]

113

Texte n2
Langue occitane
Se ressemble plus au français et un petit peu d’espagnol.
La Baia est une manifestation de langues occitanes. PA a filme en 2007 un film documentaire que raconte cette manifestation.
Valadas= valodas (letton)
Cette langue est un mélange d’espagnol et français.

114

1er texte
langue : italien-> corse
mots : pastitzzu (2 zz) ; ovi (oeuf) ; cucitura (cucina = cuisine) ; la liaison avec "i", ; les lettres "g" dans le millieu du mot
Il s’agit d’une recette "pastizzu pisticcinu"
La recette est organisée dans 5 étapes ("tappa).
À gauche il y a les informations concernant le temps de cuisine et les ingrédients et objets nécessaires
Première étape : il faut préchaufé le four à 230°-> indice : « forru » se resemble à « four » en français après il en a déduction du sens
Étape 2 : "latti fretu" -> se ressemble avec « lapte fiert » en roumain, et il s’agit de lait bouilli -> fretu = frais
"farina"= farine (FR)
misura= mixtura (Ro) ou mélange (FR)
de manière générale, dans l’étape 2 il faut fair bouillir 3/4 de lait et de mettre la farine dans le lait bouilli

115

2e
langue : occitan, des ressemblances avec l’espagnol
nous voulons faire les époux… mais i : l faut lépouse
espos=epoux ; film=film ; projectat=projétér
… minorités linguistiques historiques
« baia » nom de l’événement, chaque 5 ans (atendon)
La Baia de Sant Preire en Val Varacha reste une de plus grands maniféstations historiques de notre terres ? occitaines. Paolo Ansaldi a réalisé ce documentair pendant la Baia de 2007. durée du film 30 min.

116 Malgré quelques erreurs en français, les deux étudiants montrent qu’ils ont bien compris le texte et surtout qu’ils ont assimilé les opérations d’accès au sens nécessaires pour entrer dans une langue inconnue et qu’ils arrivent à comprendre la plupart des informations contenues dans les deux documents originaux. Le résultat est donc atteint : la compréhension du corse et de l’occitan est possible, même sans avoir étudié ces deux langues auparavant et de manière autonome, les étudiants ayant fait le travail de compréhension individuellement.

4. CONCLUSIONS ET BILAN

117 À la fin de ce parcours qui nous a amenée à nous questionner sur l’entrée en langue étrangère par l’approche de l’intercompréhension, nous sommes encore plus de l’avis que les étudiants tirent un énorme bénéfice de cette approche et ce à plusieurs niveau. Premièrement au niveau de l’accès au sens : la compréhension devient aisée au moment où on sait comment s’y prendre et on a fait un peu de pratique. Deuxièmement au niveau de l’exercice gymnastique mental permettant de développer des habilités de compréhension autrement présentes mais en sommeil. Troisièmement au niveau de la motivation, dégagée d’une part par les activités d’intercompréhension réceptive - qui permettent d’accéder assez vite à des langues inconnues et qui donnent à l’étudiant un fort sentiment de valorisation et sécurisation - et d’autre part par celle des activités d’intercompréhension interactive qui, elles, permettent de dialoguer très vite avec des personnes parlant des langues différentes et sur des sujets très variés.

118 À partir de cette recherche nous pourrions un jour nous aventurer sur le terrain de la production, en essayant de voir à quel moment les étudiants qui ne connaissent pas du tout une langue et qui commencent à la connaître par la méthode de l’intercompréhension, se « lancent » vers l’activité de production. Nous pourrions encore essayer de voir si les stratégies apprises en intercompréhension sont réutilisées au niveau de l’activité de compréhension de langues qu’ils connaissent déjà et donc si ces stratégies leur permettent d’aller plus vite dans leurs activités de compréhension. Nous pourrions enfin travailler avec les étudiants dans leurs spécialités et voir à quel point les stratégies de l’intercompréhension sont utiles pour la compréhension de textes dans des langues totalement inconnues mais fondamentaux pour leurs recherches.

119 Pour le moment, il nous semble important de remercier tout le public qui a participé à cette enquête, notamment tous ces étudiants et collègues qui nous ont permis d’apprendre que l’intercompréhension est une aventure motivante et précieuse, en particulier et surtout parce que, dans cette société liquide et individualiste (Bauman, 2006), elle nous réunit et nous aide à mieux nous comprendre.

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Date de mise en ligne : 11/04/2016

https://doi.org/10.3917/ela.179.0289

Notes

  • [1]
    Comme nous pourrons le voir plus loin, l’attitude de l’enseignant de langue décrit par Balboni ressemble beaucoup à celle de l’enseignant d’intercompréhension qui aide ses étudiants à lire et interpréter des textes écrits dans différentes langues sans pour autant les maîtriser entièrement, mais en permettant à ses formés d’avoir accès au sens pour pouvoir ensuite communiquer, interagir ou utiliser les textes en langue étrangère pour leurs recherches.
  • [2]
    Plateforme pour l’apprentissage collaboratif par tâches de l’intercompréhension (www.galanet.eu). Pour plus d’informations cf. Quintin, Masperi, 2006 ; Degache, Tea, 2003 : 75-76 ; Carrasco, Degache, Pishva, 2008 : 4, Garbarino, 2011 : 75.
  • [3]
    Pour plus de renseignements sur cette méthode, cf. Fiorenza & Bonvino 2011.
  • [4]
    « Lorsque nous avons introduit l’idée d’un apprentissage partiel, les professeurs de langue ont pour la plupart été épouvantés » (Conti et Grin, 2008 : 34, cités par Escudé et Janin, 2010 : 48).
  • [5]
    Nous avons raccourci toutes les parties car elles ont une valeur d’exemple.
  • [6]
    C’est nous qui soulignons en gras, ici et dans tous les extraits suivants.
  • [7]
    Pour plus de précisions sur les stratégies d’intercompréhension, cf., entre autres, Escudé & Janin, 2010 ; Martin, 2004 ; Degache, 2000 ; Masperi, 2000 ; Malheiros-Poulet, 1998 ; Degache, 1996 ; Dabène et Degache, 1996. Pour plus de précisions sur les compétences de lecture, cf. Bertocchi ; 2010.

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