Notes
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[1]
Première partie : « Apports théoriques », chap. 2.1 « L’approche communicative », 2.1.1 « Naissance », p. 10-12.
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[2]
Cf. en particulier La science en action, trad. fr. Paris, Gallimard, 1995 (1re éd. Cambridge, Massachusetts, Harvard University Press, 1987), 663 p.
-
[3]
… et poursuivre en le projetant dans la quatrième dimension, celle de l’évolution historique (en amont) et/ou celle du projet d’intervention (en aval). Je reviendrai infra sur cette autre dimension, tout aussi nécessaire dans notre discipline.
-
[4]
Sur la présentation de ce que j’ai appelé initialement « niveaux », et maintenant « perspectives », cf. mon article de 1999.
-
[5]
La première d’entre elles a été officiellement imposée en France par une instruction en date du 31 mai 1902.
-
[6]
Voir au contraire, dans ce numéro, les propositions de Françoise Berdal-Masuy, où la cohérence est de l’ordre du parcours individuel de chaque apprenant, lequel peut choisir des démarches fort « traditionnelles » au regard de l’évolution historique de la discipline.
-
[7]
N.B. Une première version de ce modèle a été publié dans Christian Puren 1998.
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[8]
« Le principe dialogique consiste à faire jouer ensemble de façon complémentaire des notions qui, prises absolument, seraient antagonistes et se rejetteraient les unes les autres » (p. 292). Edgar. Morin, De la complexité : complexus, p. 283-296, dans Françoise Fogelman Soulié (dir.), Les théories de la complexité. Autour de l’œuvre d’Henri Atlan. Colloque de Cerisy, Paris, Seuil (coll. « La couleur des idées »), 1991,464 p.
-
[9]
N.B. Une première version de cette modélisation a été publiée en 1996. La présente version est un extrait légèrement modifié de celle qui a été présentée – avec des développements plus longs – lors de la conférence d’ouverture du Colloque UNTELE « Environnements virtuels et apprentissage des langues » à l’Université de Compiègne le 23 mars 2000. On peut en consulter le texte intégral sur le site de cette Université. Je constatais à l’époque que les quelques dizaines de propositions d’intervention à ce colloque envoyées au Comité scientifique se partageaient à parts égales entre les trois premiers modèles.
-
[10]
« Cohérences associatives » dans le sens où elles s’articulent et/ou se combinent entre elles.
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[11]
« Méthodes » dans le sens d’unités minimales de cohérence méthodologique. Ces méthodes apparaissent en couples opposés : méthodes directe/indirecte, active/transmissive, déductive/ inductive, analytique/synthétique, conceptualisatrice/imitative, onomasiologique/sémasiologique, écrite/orale, compréhensive/expressive). Sur l’élaboration en temps réel d’une méthodologie d’enseignement par l’enseignant dans sa classe, voir Christian Puren, « Psychopédagogie et didactique des langues. À propos d’observation formative des pratiques de classe », Revue Française de Pédagogie, n° 108, juil.-août-sept. 1994, p. 13-24.
-
[12]
« Cohérence virtuelle » dans le sens philosophique de « en puissance », « en attente de réalisation », comme l’est l’arbre dans la graine. Les environnements numériques d’apprentissage obligent ainsi leurs concepteurs à concevoir leurs dispositifs en fonction des tâches et parcours différents que pourront y réaliser les utilisateurs au gré de leurs envies ou stratégies personnelles (qu’ils ne connaissent pas) et des résultats (qu’ils ne peuvent prévoir) des interactions entre ces utilisateurs et ces dispositifs. En d’autres termes, la virtualité numérique oblige en didactique des langues à une prise en compte des apprenants très différente de celle qu’assurait l’ancienne « programmation ». L’une des formes de mise en œuvre de la cohérence de type 3, à savoir la modularité des matériels ou des unités didactiques, annonce déjà la virtualité, mais son orientation enseignement, la taille des modules (leur « grain ») et leur temps de gestion font qu’elle est qualitativement différente de la cohérence de type 4.
-
[13]
La cohérence réticulaire est donnée par l’ensemble des liens activables entre des nœuds dans un réseau. Exemples : dans un hypertexte, on peut passer en cliquant de la forme écrite à la forme orale ou visuelle d’un mot, de sa forme en L2 à sa forme en L1, de sa forme lexicologique à sa forme encyclopédique (par un renvoi à l’entrée correspondante d’un ouvrage savant d’histoire, de géographie, de sociologie, etc.).
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[14]
Sur tous ces paradoxes caractérisant la cohérence de ce type 4, voir Pierre Lévy, Cyberculture. Rapport du Conseil de l’Europe dans le cadre du projet « Nouvelles technologies : coopération culturelle et communication », Éd. Odile Jacob/Éditions du Conseil de l’Europe, novembre 1997,313 p. Cf. en particulier, en ce qui concerne le couple « universel et local » sa définition de la cyberculture comme « un universel sans totalité » (chap. VI, p. 129 sqq.).
1. INTRODUCTION
1Dans une thèse récente (décembre 2003) sur l’enseignement des langues, Elke Nissen – par ailleurs collaboratrice dans ce numéro des ÉLA – présente les « origines théoriques » de l’approche communicative en un chapitre d’à peine deux pages [1] où l’on trouve cités Chomsky et son opposition compétence/performance, Hymes et les ethnométhodologues nord-américains, Austin et la pragmatique, le Conseil de l’Europe et son projet politique des années 1970, Trim et Van Ek, les fonctions langagières et les notions, le CRÉDIF et les Niveaux Seuils. Cet inventaire aussi rapide qu’hétéroclite n’aurait certainement pas choqué Bruno Latour, chercheur au Centre de sociologie de l’innovation de Paris et connu pour ses recherches sur l’anthropologie des sciences, pour qui l’activité scientifique ne peut se comprendre indépendamment de l’action sociale, dans laquelle on trouve indissociablement liés de multiples éléments de natures très diverses [2]. Toute innovation n’apparaît et ne se diffuse en effet que lorsqu’un réseau étendu et donc hétérogène – constitué de nœuds aussi bien scientifiques, techniques, économiques, personnels qu’institutionnels ou idéologiques – est parvenu à mobiliser suffisamment de ressources communes pour la faire émerger puis l’imposer dans son environnement.
2C’est bien ce que semble confirmer l’histoire de notre discipline : la méthodologie audiovisuelle française, par exemple, naît et se répand historiquement grâce à l’apparition d’une « alliance » (dans le sens d’émergence d’un réseau de relations systémiques) entre des technologies (le magnétophone à bande et le projecteur de films fixes), des méthodes (empruntées en grande partie aux méthodologies directe et audio-orale), des théories (le structuro-globalisme et le béhaviorisme), une idéologie (la croyance aux effets bénéfiques de la « révolution technologique »), des enjeux politiques (la diffusion internationale du français), des hommes (Gubérina, Rivenc, Guenot, Girard, les professeurs expérimentateurs, le public d’expérimentation,…), des institutions (le Centre Audiovisuel de Saint-Cloud, le CRÉDIF, l’Université de Mons, le Ministère des Affaires Étrangères et ses relais à l’étranger,…), des stages, des éditeurs,…
3Il est toujours possible d’établir sur le papier, a posteriori et ad libitum, telle ou telle hiérarchisation, telle ou telle relation causale linéaire (les acteurs mettant bien sûr en avant leur action, les théoriciens leurs théories… et les historiens leur propre conception de l’histoire), mais – pour paraphraser le titre de l’ouvrage cité de B. Latour – la « didactique des languescultures en action » relève en réalité sur le terrain de ce que l’on appelle les « logiques émergentes », par définition aléatoires parce que surgissant spontanément d’une réalité complexe dont aucun individu ni aucune organisation ne peut maîtriser en temps réel la multiplicité des éléments et de leurs interrelations.
4Il m’apparaît évident que la période actuelle de rencontre entre la didactique des langues-cultures et les nouvelles technologies éducatives correspond à l’une de ces périodes chaotiques dont on sait bien que finiront par émerger de nouvelles cohérences, qui échappent cependant à nos actions et à nos prévisions présentes.
2. MODÉLISER LA DIDACTIQUE DES LANGUES-CULTURES « EN TROIS DIMENSIONS »
5Si l’on ne peut ni maîtriser les systèmes complexes ni en prédire l’évolution, on peut malgré tout s’efforcer de les comprendre en les modélisant simultanément sous des aspects différents, comme un objet que l’on ferait tourner entre ses doigts pour en appréhender le volume. En recourant cette fois à une métaphore informatique plus en harmonie avec le thème de ce numéro, la modélisation didactique (qui est ma version personnelle de ce que Robert Galisson appelle la « théorisation interne ») opère comme la numérisation d’un objet en trois dimensions, qui s’effectue toujours à partir d’un point unique dans l’espace mais permet ensuite de l’observer à volonté sous tous les angles en le faisant pivoter en fonction des axes x, y et z. À l’instar du calcul numérique de toutes les perspectives possibles sur un objet, qui s’effectue à partir d’un seul « point zéro », les modélisations didactiques doivent à la fois permettre toutes les variations possibles tout en étant toujours conçues à partir de la même et unique discipline d’origine du chercheur, la didactique des langues-cultures. En continuant de filer la métaphore, on pourra dire, par exemple, qu’une « problématique didactique » est à un « problème d’enseignement » ce que le volume est au point dans l’espace, ou encore qu’une recherche de qualité en didactique des langues-cultures doit commencer par modéliser son objet « en 3D » [3]. Aux trois axes dont les coordonnées numériques permettent la modélisation complexe en situant tout point d’un objet dans un espace à trois dimensions, correspondent dans notre discipline les trois perspectives méthodologique, didactique et didactologique [4].
6J’ai récemment (Christian Puren 2002), dans cette même revue des ÉLA, proposé ce type d’analyse complexe d’un stage de formation en Français langue étrangère du début des années 1970. C’est à la même démarche que je convie ici mes lecteurs, avec les trois modèles que je propose dans les pages suivantes :
- un modèle méthodologique (voir Modèle n° 1 en Annexe 1), « Relations complexes méthodologies d’enseignement/méthodologies d’apprentissage »;
- un modèle didactique (voir Modèle n° 2 en Annexe 2), « Relations historiques innovation technologique – innovation didactique »;
- un modèle didactologique (voir Modèle n° 3 en Annexe 3), « Types disponibles de cohérence ».
3. LE CHOIX DES TROIS MODÈLES
7Dans son ouvrage de 1977 intitulé Systèmes et modèles. Introduction critique à l’analyse de systèmes, Bernard Walliser définissait ainsi les huit fonctions qu’un modèle est susceptible d’assurer a priori :
- une fonction cognitive : le modèle sert à représenter les relations qui existent entre variables d’entrée et variables de sortie du système;
- une fonction prévisionnelle : le modèle sert à prévoir comment évolueront les variables de sortie du système, en fonction de l’évolution probable des variables externes et d’hypothèses de fixation des variables de commande;
- une fonction décisionnelle : le modèle sert à déterminer comment fixer les variables de commande pour atteindre les objectifs que l’on s’est fixés sur les variables de sortie, compte tenu de l’évolution probable des variables externes ;
- une fonction normative : le modèle sert à représenter les relations souhaitables entre variables d’entrée et variable de sortie du système;
- une fonction pédagogique : le modèle sert de support commode et simple à la représentation de phénomènes relativement complexes ;
- une fonction de recherche (dite aussi « heuristique ») : le modèle sert d’appui à une exploration systématique du domaine d’analyse;
- une fonction de concertation : le modèle sert de terrain sur lequel se confrontent des propositions d’action;
- une fonction idéologique : le modèle sert de référence plus ou moins absolue à un discours de propagande. (p. 179-180)
8Mes trois modèles sont statiques (ce sont des grilles) et ils ne peuvent par conséquent assurer aucune des quatre premières fonctions, qui nécessiteraient des représentations dynamiques de systèmes ouverts en temps réel sur leur environnement par des entrées et des sorties. Si j’écarte aussi la fonction n° 8 (j’espère que mes lecteurs en seront d’accord…), restent les fonctions n° 5 (pédagogique), n° 6 (de recherche) et n° 7 (de concertation), et ce n’est sûrement pas un hasard si elles correspondent très précisément, et respectivement, à mon propre statut d’enseignant-chercheur d’une discipline qui se veut d’intervention.
9Pas non plus un hasard si elles correspondent de plus à ma spécialité, à savoir l’histoire de notre discipline : les cases des grilles de ces trois modèles sont certes statiques, mais elles le sont à la manière des bornes qui signalent un chemin, celui de l’évolution historique (de gauche à droite dans les modèles n° 1 et 3, de haut en bas dans le modèle n° 2), de sorte qu’elles intègrent la quatrième dimension, celle du temps, que la modélisation systémique a été très justement accusée de négliger.
10Tels qu’ils sont, l’utilisation simultanée de ces trois modèles, parce qu’ils se situent chacun dans l’une des trois dimensions de la discipline en intégrant la quatrième dimension, celle de l’évolution historique, produit des effets de perspective qui peuvent être hypothétiquement prolongés sur les années à venir. C’est ce que vais tenter de montrer dans la suite de cet article.
4. QUELQUES (EFFETS DE) PERSPECTIVE(S) EN QUATRE DIMENSIONS
11On peut raisonnablement prévoir que les environnements numériques (cédéroms, sites d’apprentissage en ligne, courrier électronique, chat, tâches sur sites Internet,…) finiront par se diffuser – plus ou moins rapidement mais au bout du compte massivement – dans l’enseignement/apprentissage des langues, parce qu’ils se trouvent être à la conjonction de plusieurs facteurs lourds, en particulier :
- la diffusion rapide de ces environnements numériques dans la société elle-même, tant pour la vie courante que pour le travail;
- capacité à délocaliser l’enseignement de manière très flexible, parce qu’ils peuvent être mobilisés aussi bien pour des compléments de cours en présentiel que pour un marché international de la formation;
- leur capacité à répondre aux demandes croissantes de diversification des enseignements et des apprentissages, de par la différenciation qu’ils facilitent dans les dispositifs (présentiel, à distance, mixte; en autodidaxie complète, en autonomie guidée,…), les temps et rythmes, les méthodes et les parcours, les contenus et les documents authentiques (auxquels les apprenants peuvent désormais directement accéder sur Internet).
12Les deux premiers facteurs en sont encore au tout début de leur montée en charge et se heurteront encore longtemps à des contraintes conjoncturelles (formation des enseignants, coût des équipements et des connexions pour les particuliers, par ex.) ou à des limites structurelles (liées par ex. au maintien de la motivation des apprenants et à leur culture d’apprentissage, ou encore à la protection des systèmes éducatifs nationaux). Le troisième facteur, par contre, peut fonctionner très vite à pleine puissance, et c’est déjà le cas dans certains contextes d’enseignement.
13Une hypothèse à vérifier serait que l’intérêt des enseignants vis-à-vis des environnements numériques réside d’abord dans l’extrême labilité didactique de ceux-ci, qui leur permet d’être utilisés dans tous les positionnements possibles entre les deux extrêmes sur le continuum objet d’enseignement – sujet apprenant (cf. modèle n° 1), entre l’enseignement totalement programmé et l’apprentissage totalement autonome, entre la batterie d’exercices structuraux sur ordinateur et la libre hypernavigation sur la Toile. En d’autres termes, les environnements numériques apporteraient une légitimation moderniste aux forts besoins d’éclectisme méthodologique, traditionnellement ressentis dans la profession mais souvent accompagnés jusqu’à présent d’un sentiment d’incapacité professionnelle voire de culpabilité personnelle : en régime de méthodologie constituée dominante en effet (ce qui a été le cas pendant tout le XX e siècle, entièrement occupé par des méthodologies constituées : directe, active, audiovisuelle puis communicative [5] ), la diversification méthodologique n’est pas ressentie comme une richesse adaptative, mais comme une déviance incohérente. Si cette hypothèse est exacte, le modèle d’éclectisme (cf. modèle n° 3), orienté vers la diversification des enseignements, est promis à un aussi bel avenir que le modèle d’autonomie, orienté vers la diversification des apprentissages.
14Si tel est le cas, la formation doit être désormais conçue de manière à donner aux enseignants les moyens de dépasser le stade de l’éclectisme empirique, en orientant leur formation pratique vers les problématiques de mise en œuvre de la cohérence correspondant à ce modèle d’éclectisme, celle de type 3 (« cohérences multiples », cf. modèle n° 3). Ces problématiques sont proches de ce que certains appellent « l’ingénierie didactique », dans laquelle la fonction première de l’enseignant est d’être un concepteur de dispositifs d’apprentissage adaptés en permanence à l’ensemble complexe des paramètres de son environnement d’enseignement/apprentissage. Pour gérer ces problématiques, la « cohérence ouverte » de l’approche communicative n’est plus adéquate, qui partage avec le modèle antérieur – de « cohérence fermée » – les caractéristiques d’être unique, globale, permanente et universelle [6]. Autant dire que la formation des enseignants, particulièrement en ce qui concerne les technologies, doit urgemment opérer une véritable rupture épistémologique, en passant du paradigme de l’optimisation (on forme à des dispositifs censés être excellents si ce n’est les meilleurs dans l’absolu) au paradigme de l’adéquation (on forme au repérage des paramètres pertinents de l’environnement d’enseignement/-apprentissage, ainsi qu’aux règles à suivre dans le choix et l’assemblage des éléments nécessaires à la construction de dispositifs adaptés).
15En didactique des langues-cultures étrangères, par conséquent, les technologies n’ont plus à être différenciées entre les nouvelles et les anciennes, mais entre celles qui sont adéquates et celles qui ne le sont pas, c’est-à-dire entre celles qui sont pertinentes ou non, efficaces ou non dans tel ou tel environnement complexe où elles ne représentent jamais que l’un des multiples paramètres en jeu. La véritable « nouveauté », en didactique des langues-cultures, c’est qu’il n’y a plus et qu’on ne croit plus à la « nouveauté » avec sens ou le pouvoir qu’on lui attribuait jusqu’à présent, celui de représenter en tant que telle ou de provoquer à elle seule un progrès décisif de l’ensemble du système.
16L’éclectisme, en tant que réponse méthodologique empirique à la complexité de l’action dans l’environnement complexe d’enseignement/apprentissage, doit être dépassé par la réflexion didactique (la confrontation avec les autres modèles de relation entre innovation technologique et innovation didactique, en particulier celui d’autonomie) et la réflexion didactologique (en particulier épistémologique : les différents modèles disponibles de cohérence). Le risque est grand, sinon, de voir apparaître dans notre discipline, dans le cadre de ce qu’Edgar Morin appelle « le paradigme de simplification » (qu’il oppose au paradigme de complexité), une nouvelle forme d’applicationnisme.
17Tous les applicationnismes en effet – pour prolonger une dernière fois la métaphore de la modélisation informatique des volumes utilisée en introduction – peuvent s’interpréter historiquement comme des tentatives pour simplifier la complexité de l’objet « didactique des langues-cultures » à partir d’un point d’origine conçu non pas comme la base des calculs complexes sur l’objet lui-même dans ses différentes dimensions, mais comme un point de vue privilégié, que celui-ci soit interne ou externe, qu’il soit empirique (des pratiques de référence), théorique (une psychologie et/ou une linguistique de référence) ou plus récemment mais tout aussi limitativement idéologique (une société de référence, plurilingue et pluriculturelle).
18Le mécanisme interne du modèle d’éclectisme, qui consiste en l’établissement d’une liaison directe entre les différentes potentialités prêtées aux nouvelles technologies et ses effets attendus sur l’apprentissage, est susceptible si l’on n’y prend garde de produire une nouvelle forme d’applicationnisme, que l’on pourrait appeler un applicationnisme technologique. Dans les années 1960, déjà, certains promoteurs de la méthodologie audiovisuelle assuraient que le magnétophone entraînait nécessairement une modification radicale de la relation pédagogique, par le seul fait que son utilisation en classe privait mécaniquement le professeur de sa fonction de référent pour la langue cible, les modèles linguistiques oraux n’étant plus donnés désormais par la voix de l’enseignant mais par les enregistrements magnétiques des dialogues de base et des exercices structuraux. La complexité des logiques émergentes se sont chargées de démentir ce bel optimisme : une modification radicale s’est effectivement produite, mais pas du tout celle que l’on attendait, puisque l’on est passé d’une centration sur l’enseignant à une centration sur le matériel didactique…
19À un empirisme dans la conception première de la diversification des enseignements (l’éclectisme) a correspondu historiquement, en français langue étrangère, un empirisme dans la conception première de la diversification des apprentissages : un « autonomisme » – si l’on me permet de risquer ce néologisme –, à savoir l’illusion qu’il suffisait, en particulier au moyen des nouvelles technologies numériques, de proposer des environnements d’apprentissage diversifiés pour que les apprenants s’en emparent spontanément en y faisant leur choix et en y construisant leurs parcours. Les enseignants intervenant dans les centres de ressources sont revenus de cette illusion initiale, pour une conception plus complexe des relations que les apprenants souhaitent ou sont capables d’établir à un moment ou à un autre entre le processus d’apprentissage et le processus d’enseignement, telles que celles présentées dans le modèle n° 1. Resterait à voir comment croiser ces multiples relations avec les différentes configurations des modèles 2 et 3, et comment inscrire l’ensemble dans la quatrième dimension, qui devrait être désormais non pas seulement celle de l’évolution collective de la discipline, mais aussi celle du temps et rythme des projets personnels d’apprentissage.
20De toute évidence, de tels croisements ne peuvent relever, dans l’état actuel de nos connaissances et compétences disciplinaires, que du suivi individuel (en enseignement) et de l’étude de cas (en formation et en recherche). On peut d’ores et déjà prévoir, dans les années à venir, l’explosion du nombre d’articles de ce type traitant de ces thématiques.
5. CONCLUSION
21Dans son ouvrage déjà cité de 1977, Bernard Walliser présentait ainsi les différents scénarios d’évolution d’un système selon leur probabilité :
- un scénario tendanciel décrit l’évolution la plus probable du système, compte tenu d’hypothèses moyennes sur les variables d’entrée;
- un scénario exploratoire décrit une évolution possible du système pour des hypothèses voisines des précédentes ;
- un scénario contrasté décrit une évolution extrême du système avec des hypothèses à la limite du possible;
- un scénario utopique décrit une évolution impossible du système à partir d’hypothèses de probabilité quasi-nulle. (p. 186)
22Chacun de mes lecteurs choisira ses propres scénarios personnels quant à l’évolution de ce système assurément nouveau que constitue une didactique des langues-cultures dans laquelle de multiples « alliances » (cf. supra mon introduction) sont possibles avec les nouvelles technologies. Pour ma part :
- Mon scénario tendanciel pour les deux ou trois décennies à venir est celui d’une appropriation par les enseignants de ces différentes technologies au service de pratiques diversifiées d’enseignement/apprentissage (mode du continuum en modèle 1, modèle d’éclectisme en modèle 2 et cohérences multiples en modèle 3).
- Mon scénario exploratoire est celui d’une prise en compte simultanée de plusieurs configurations dans ces trois modèles, et l’établissement entre elles de relations multiples.
- Mon scénario contrasté est celui d’une généralisation du modèle d’autonomie et de la cohérence virtuelle.
- Mon scénario utopique, enfin, est celui qui prévoirait la reconstitution, sur la base des nouvelles technologies, d’une nouvelle cohérence de type 1 ou 2
- en même temps globale, permanente et universelle).
23On aura compris que le degré d’improbabilité n’est pas proportionnel, dans cette projection personnelle, à l’intensité de mes préférences : l’« u-topie », étymologiquement, c’est ce qui n’est situé nulle part, alors que, pour sortir de notre XXe siècle tout entièrement rempli de constructions méthodologiques universalistes, ce que notre discipline se doit désormais de proposer aux enseignants, ce sont au contraire les matériaux, les outils et les règles de conception nécessaires pour qu’ils soient capables de construire, déconstruire et reconstruire eux-mêmes en permanence les dispositifs didactiques les plus adéquats, c’est-à-dire les mieux situés à la fois dans leur temps et dans leur espace. Il ne me semble pas que ce projet disciplinaire pour les quelques décennies à venir soit d’une ambition moindre, ni moins respectables les valeurs dont il peut se réclamer.
ANNEXE 1 Modèle n° 1 méthodologique [7] Relations complexes méthodologies d’enseignement/méthodologies d’apprentissage
24Les deux éléments opposés (l’enseignant et l’apprenant) doivent être simultanément pensés comme pouvant/devant être mis en relation sur l’un des sept modes suivants :
251. Le continuum : x y
26L’enseignant doit maîtriser chacun de ces 5 positionnements (entre autres) parce qu’il peut en avoir besoin : les apprenants débutants et/ou les plus dépendants peuvent avoir besoin d’un enseignement directif et structuré; par contre, le mieux qu’un enseignant aura à faire à certains moments sera de laisser les apprenants apprendre comme ils en ont envie.
272. L’opposition : x y
28Les méthodologies d’enseignement peuvent gêner la mise en œuvre ou l’élaboration par les apprenants de leurs propres méthodologies d’apprentissage… et vice versa.
293. L’évolution : x y
30Le projet de tout enseignant est d’enseigner à apprendre, de rendre ses apprenants de plus en plus autonomes, c’est-à-dire de faire en sorte que ses méthodologies d’enseignement soient progressivement relevées par les méthodologies individuelles d’apprentissage.
314. Le contact : x [–] y
32Le contact entre les méthodologies d’enseignement et les méthodologies d’apprentissage produit un effet « interméthodologique » comparable à l’effet « interculturel » (provoqué par le contact entre la culture de l’apprenant et la culture étrangère) et à l’effet « interlangue » (généré par le contact chez l’apprenant entre sa langue maternelle et la langue étrangère) : l’apprenant conserve certains éléments de sa méthodologie personnelle d’apprentissage, emprunte des éléments de la méthodologie d’enseignement, articule, combine et « métisse » des éléments de l’une et de l’autre.
34La méthodologie d’enseignement a un effet sur les méthodologies d’apprentissage, lesquelles à leur tour sont prises en compte par l’enseignant pour modifier sa méthodologie d’enseignement, et ainsi de suite (logique « récursive »). Il en est de même des méthodologies d’apprentissage.
356. L’instrumentalisation : x ]- y
36L’apprenant utilise consciemment des éléments de sa méthodologie personnelle, ou au contraire des éléments directement importés de la méthodologie d’enseignement, suivant ses convenances. Par exemple, lorsqu’il aborde un nouveau texte à distance, il en cherche aussitôt dans le dictionnaire tous les mots inconnus ; dans la même situation en présentiel, il s’efforce de faire des hypothèses à partir de sa compréhension partielle d’un nouveau dialogue parce qu’il sait que c’est ce qu’attend l’enseignant.
377. L’encadrement : x [y]
38L’enseignant donne une marge de liberté aux méthodologies d’apprentissage à l’intérieur d’un cadre qu’il a préalablement fixé lui-même en fonction de sa propre méthodologie d’enseignement, ou, à l’inverse, les apprenants demandent un cadre méthodologique à l’enseignant.
ANNEXE 2 Modèle n° 2 didactique [9] Relations historiques innovation technologique – innovation didactique
391. Le modèle de complémentarité
40C’est ce modèle qui domine dans notre discipline depuis les années 1900-1910 jusqu’aux années 1960, c’est-à-dire pendant toute la période des méthodologies officielles directe et active. La première instruction ministérielle à recommander officiellement l’utilisation des technologies modernes est celle du 2 septembre 1925, et elle le fait en ces termes : « Le phonographe pourra s’employer avec fruit pendant les séances de travail dirigé, et nous ne saurions trop encourager l’installation de postes récepteurs de T.S.F. : l’audition de radios étrangères serait pour les premiers en composition une récompense et une incitation de premier ordre. »
41L.A. Fouret explicite plus clairement encore cette complémentarité en 1931, dans son intervention au IIIe Congrès International des Professeurs de Langues vivantes de Paris (« Le phonographe, auxiliaire de l’enseignement », Les Langues modernes, n° 1-2, janv.-févr. 1936, p. 66-81), lorsqu’il déclare ne concevoir la machine parlante « que comme un moyen auxiliaire qui ne devrait pas modifier les principes et la pratique de notre pédagogie » (p. 66). On retrouve encore le même type de projet trente ans plus tard, chez l’inspecteur général Henri ÉVRARD, qui conclut ainsi son « Exposé introductif » aux Journées d’Études de Sèvres des 10-11 janv. 1963 (Les Langues modernes, n° 2, mars-avr. 1963, p. 21-25) consacrées aux « auxiliaires audiovisuels dans l’enseignement des langues vivantes » :
Le recours raisonné au matériel audiovisuel n’implique nullement l’abandon d’une pédagogie ambitieuse d’éveiller les énergies et de former les esprits. Il doit seulement mettre aux mains des professeurs un outil nouveau, au service des méthodes actives d’enseignement, dont il devrait souligner à la fois l’efficacité immédiate et la haute valeur éducative. (p. 23)
43Ce passage donne clairement la « philosophie » de ce modèle, où c’est l’enseignant qui est responsable dans sa pratique d’une utilisation des technologies qui n’est définie que de manière très générale, comme devant respecter les finalités éducatives et les principes généraux définis par l’Institution scolaire (on parle maintenant de « centration sur l’enseignant »).
442. Le modèle d’intégration
45À ce second modèle correspond un projet de constitution d’une nouvelle méthodologie à partir de la mise en œuvre conjointe des nouvelles technologies disponibles. Ce fut le cas pour la méthodologie audio-orale américaine des années 1950-1960 (avec le magnétophone et le laboratoire de langues) et pour la méthodologie audiovisuelle française des années 1960-70 (avec le magnétophone et le film fixe). Le statut de la technologie n’est plus ici dépendant, mais central, parce qu’elle fait partie du « noyau dur » autour duquel les méthodologues ont élaboré une nouvelle cohérence globale d’enseignement qu’ils ont demandé ensuite aux enseignants d’appliquer dans leurs pratiques : si l’on se situe dans la perspective de ces derniers, il y a donc centration sur la méthodologie constituée.
46Jean Guenot, au moment où il expérimente Lend me your ears au Centre de langues de Saint-Cloud, explicite clairement ce passage à un modèle différent dans la conclusion d’un long article de 1959 intitulé « Les moyens audiovisuels de l’enseignement des langues vivantes » (Les Langues modernes, n° 5, nov., p. 71-91) :
Les moyens visuels et les moyens sonores peuvent venir utilement au secours du maître. Ce sont des auxiliaires. Les moyens coordonnant les perceptions visuelles et les perceptions auditives tendent, au contraire, à modifier le schéma traditionnel de la classe de langues ». (p. 91)
48Le « tout numérique », avec la forte intégration qu’il autorise entre les différents types de supports (image fixe, image animée, sons et textes), a récemment réactivé ce second modèle « d’intégration », partagé actuellement de manière implicite, sinon inconsciente, par beaucoup d’auteurs de « cours multimédia de langues ». On le retrouve, par exemple, dans ce prospectus pour un cours multimédia d’anglais sur cédérom, dont les auteurs avancent comme premier argument publicitaire « la multiplicité des supports, garantie d’une efficacité pédagogique maximum [sic] ».
493. Le modèle d’« éclectisme »
50Il s’agit au contraire, dans ce modèle, utiliser les potentialités de telle ou telle technologie nouvelle pour produire des effets en termes de diversification des activités et démarches d’enseignement et d’apprentissage (on peut parler en ce sens de centration sur la technologie), les cohérences méthodologiques correspondantes apparaissant de manière partielle et juxtaposée, en dehors de tout projet d’insertion dans une cohérence globale préexistante (ce qui le distingue du modèle 1), ou d’élaboration d’une nouvelle cohérence globale (ce qui le distingue du modèle 2).
514. Le modèle d’autonomie
52Ce dernier modèle est le seul qui soit par nature « centré sur l’apprenant », et c’est par exemple celui qui est mis en œuvre dans les centres de ressources. C’est en réalité un « méta-modèle » puisqu’il fonctionne comme un modèle de production de modèles individuels : un apprenant peut en principe, dans le cadre de ce type de dispositif d’apprentissage, n’utiliser qu’un seul des modèles antérieurs, passer successivement de l’un à l’autre, ou encore articuler ou combiner les uns et les autres de multiples manières.
ANNEXE 3 Modèle n° 3 didactologique Types disponibles de cohérence
Bibliographie
BIBLIOGRAPHIE
- MORIN, Edgar. 1990. Introduction à la pensée complexe. Paris : ESF éditeur, 1990,160 p.
- NISSEN, Elke. 2003. Apprendre une langue en ligne dans une perspective actionnelle. Effets de l’interaction sociale. 12 décembre, Université Strasbourg 1-Louis Pasteur, thèse en Sciences de l’Éducation, direction Michèle Kirch, 311 p., dactyl., 321 p. + annexes.
- PUREN, Christian. 1994. « Quelques remarques sur l’évolution des conceptions formatives en FLE de 1925 à 1975 », ÉLA, n° 95, juil-sept., p. 13-23.
- —. 1996. « La didactique des langues face à l’innovation technologique », Clés à venir, n° 10, janv., p. 25-31. Nancy, CRDP de Lorraine.
- —. 1999. « La didactique des langues-cultures étrangères entre méthodologie et didactologie ». Les Langues modernes n° 3,1999, p. 26-41.
- —. 2002. « De la méthodologie audiovisuelle première génération à la didactique complexe des langues-cultures ». ÉLA, n° 126, juil.-sept., p. 321-337.
- WALLISER, Bernard. 1977. Systèmes et modèles. Introduction critique à l’analyse de systèmes. Essai. Paris : Seuil, 256 p.
Notes
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[1]
Première partie : « Apports théoriques », chap. 2.1 « L’approche communicative », 2.1.1 « Naissance », p. 10-12.
-
[2]
Cf. en particulier La science en action, trad. fr. Paris, Gallimard, 1995 (1re éd. Cambridge, Massachusetts, Harvard University Press, 1987), 663 p.
-
[3]
… et poursuivre en le projetant dans la quatrième dimension, celle de l’évolution historique (en amont) et/ou celle du projet d’intervention (en aval). Je reviendrai infra sur cette autre dimension, tout aussi nécessaire dans notre discipline.
-
[4]
Sur la présentation de ce que j’ai appelé initialement « niveaux », et maintenant « perspectives », cf. mon article de 1999.
-
[5]
La première d’entre elles a été officiellement imposée en France par une instruction en date du 31 mai 1902.
-
[6]
Voir au contraire, dans ce numéro, les propositions de Françoise Berdal-Masuy, où la cohérence est de l’ordre du parcours individuel de chaque apprenant, lequel peut choisir des démarches fort « traditionnelles » au regard de l’évolution historique de la discipline.
-
[7]
N.B. Une première version de ce modèle a été publié dans Christian Puren 1998.
-
[8]
« Le principe dialogique consiste à faire jouer ensemble de façon complémentaire des notions qui, prises absolument, seraient antagonistes et se rejetteraient les unes les autres » (p. 292). Edgar. Morin, De la complexité : complexus, p. 283-296, dans Françoise Fogelman Soulié (dir.), Les théories de la complexité. Autour de l’œuvre d’Henri Atlan. Colloque de Cerisy, Paris, Seuil (coll. « La couleur des idées »), 1991,464 p.
-
[9]
N.B. Une première version de cette modélisation a été publiée en 1996. La présente version est un extrait légèrement modifié de celle qui a été présentée – avec des développements plus longs – lors de la conférence d’ouverture du Colloque UNTELE « Environnements virtuels et apprentissage des langues » à l’Université de Compiègne le 23 mars 2000. On peut en consulter le texte intégral sur le site de cette Université. Je constatais à l’époque que les quelques dizaines de propositions d’intervention à ce colloque envoyées au Comité scientifique se partageaient à parts égales entre les trois premiers modèles.
-
[10]
« Cohérences associatives » dans le sens où elles s’articulent et/ou se combinent entre elles.
-
[11]
« Méthodes » dans le sens d’unités minimales de cohérence méthodologique. Ces méthodes apparaissent en couples opposés : méthodes directe/indirecte, active/transmissive, déductive/ inductive, analytique/synthétique, conceptualisatrice/imitative, onomasiologique/sémasiologique, écrite/orale, compréhensive/expressive). Sur l’élaboration en temps réel d’une méthodologie d’enseignement par l’enseignant dans sa classe, voir Christian Puren, « Psychopédagogie et didactique des langues. À propos d’observation formative des pratiques de classe », Revue Française de Pédagogie, n° 108, juil.-août-sept. 1994, p. 13-24.
-
[12]
« Cohérence virtuelle » dans le sens philosophique de « en puissance », « en attente de réalisation », comme l’est l’arbre dans la graine. Les environnements numériques d’apprentissage obligent ainsi leurs concepteurs à concevoir leurs dispositifs en fonction des tâches et parcours différents que pourront y réaliser les utilisateurs au gré de leurs envies ou stratégies personnelles (qu’ils ne connaissent pas) et des résultats (qu’ils ne peuvent prévoir) des interactions entre ces utilisateurs et ces dispositifs. En d’autres termes, la virtualité numérique oblige en didactique des langues à une prise en compte des apprenants très différente de celle qu’assurait l’ancienne « programmation ». L’une des formes de mise en œuvre de la cohérence de type 3, à savoir la modularité des matériels ou des unités didactiques, annonce déjà la virtualité, mais son orientation enseignement, la taille des modules (leur « grain ») et leur temps de gestion font qu’elle est qualitativement différente de la cohérence de type 4.
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[13]
La cohérence réticulaire est donnée par l’ensemble des liens activables entre des nœuds dans un réseau. Exemples : dans un hypertexte, on peut passer en cliquant de la forme écrite à la forme orale ou visuelle d’un mot, de sa forme en L2 à sa forme en L1, de sa forme lexicologique à sa forme encyclopédique (par un renvoi à l’entrée correspondante d’un ouvrage savant d’histoire, de géographie, de sociologie, etc.).
-
[14]
Sur tous ces paradoxes caractérisant la cohérence de ce type 4, voir Pierre Lévy, Cyberculture. Rapport du Conseil de l’Europe dans le cadre du projet « Nouvelles technologies : coopération culturelle et communication », Éd. Odile Jacob/Éditions du Conseil de l’Europe, novembre 1997,313 p. Cf. en particulier, en ce qui concerne le couple « universel et local » sa définition de la cyberculture comme « un universel sans totalité » (chap. VI, p. 129 sqq.).