Notes
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[1]
Au vu de l’expérience antérieure, le terme a dû alors être explicité. Désormais, les équipes bivalentes seraient impérativement composées d’au moins un professeur de PLM et d’un professeur de FLE exerçant, point fondamental, dans un même établissement et auprès des mêmes élèves.
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[2]
Voir les actes du congrès : « Didactique des langues maternelles et des langues étrangères : quelle intégration ? » par Jean-Louis Chiss et « Métalangage et apprentissage du FLE à l’école » par José Carlos Chaves Da Cunha, ELOS n° 2 et 3,1999.
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[3]
Les États de Pará et Amazonas ont rejoint le projet en 1998.
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[4]
Ces trois États sont : Alagoas, Sergipe et Minas Gerais.
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[5]
Compréhension de l’écrit et préparation de séquences d’écriture (M. Marquilló, novembre 1995); Lecture et grammaire textuelle (J.-L. Chiss, octobre 1996); Rôle de l’utilisation de l’image dans l’enseignement (T. Lancien et F. Lambert, avril 1997); De l’écrit à l’oral (M. Thomas, septembre 1997) ; Relations entre LM et LE dans les apprentissages (D. Moore, avril 1998); Utilisation de l’image : activités communicatives (avril 1999); Langues étrangères, langue première et communication (V. Castellotti, octobre 1999).
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[6]
Mémoires de « especialização » : – Freire Damasceno, C. 1998. Reflexões sobre o uso de documentos televisivos. Natal : UFRN/Núcleo de estudos e pesquisas em educação e comunicação/Ensino e linguagem : didática de língua materna e estrangeira (FLE). – Carvalho Bezerra, M.-A. 1998. O jornal em aula de línguas : para construir o cidadão. Natal : UFRN/Núcleo de estudos e pesquisas em educação e comunicação/Ensino e linguagem. Mémoires de « mestrado » : – Da Silva Mendonça, C. A. 1998. « Bivalência » simples e o ensino/aprendizagem de leitura em francês língua estrangeira : um estudo de caso. Rio de Janeiro : UFRJ. – Freire Damasceno, C. (en cours). Televisão e ensino de línguas : reflexões teóricas e metodológicas. Natal : UFRN. – De Freitas França, J. (en cours). Propostas curriculares de PLM e de língua estrangeira : para uma didática integrada do PLM e do FLE Natal : UFRN. – Dantas Bouth, G. (en cours). Pour un rapprochement méthodologique du PLM et du FLE dans le système scolaire. Belém : UFPA.
1. GENÈSE D’UN PROJET
1La « Bivalence » a vu le jour au Brésil en 1994, comme réponse à une double préoccupation du Conseil National des Secrétaires d’Éducation (CONSED), d’une part, et des Bureaux de Coopération Linguistique et Éducative (BCLE) de l’Ambassade de France, d’autre part, à savoir le souci des difficultés rencontrées dans l’enseignement du PLM (portugais langue maternelle) et le constat du recul de l’enseignement du FLE (français langue étrangère) dans le système scolaire brésilien. En fait, le terme était apparu en 1993, lors d’une rencontre de spécialistes à Brasilia, constituant déjà les prémisses d’un projet devenu effectif l’année suivante. Cependant, la « Bivalence » puise sa source, en amont, dans les accords de coopération bilatérale conçus et proposés, dès le début des années 90, aux autorités éducatives de plusieurs municipalités et États et qui visaient une rénovation de l’enseignement des deux langues à travers des méthodes apparues comme novatrices au Brésil. Ces accords réunis sous l’étiquette de Formation Intégrée des Langues (FIL) reposaient sur l’entraînement à la pratique d’une méthodologie axée sur le travail en groupes et l’autonomie des élèves et qui devait rendre plus efficace l’enseignement/apprentissage du PLM et du FLE.
2Déjà à cette époque, un grand nombre de professeurs de PLM, que l’on pourrait qualifier de « bivalents » puisque titulaires d’une double licence portugais/français et ayant une expérience de l’enseignement des deux langues, recouraient à des pratiques utilisées en FLE et jugées par eux efficaces et plus motivantes pour les élèves. Parallèlement, des équipes universitaires brésiliennes – à Belém, Santos et Porto Alegre notamment – développaient de manière isolée des programmes de recherche-action portant sur les formes possibles de rapprochement de l’enseignement/apprentissage du PLM et du FLE dans le système scolaire. Dans le contexte du Brésil, caractérisé par des situations d’enseignement très hétérogènes selon les États et les régions, ces recherches se centraient sur l’apprenant, sur la formation de l’enseignant, sur les contenus à enseigner ou sur la méthodologie à appliquer.
3Il n’est donc pas erroné d’affirmer que c’est la convergence d’intérêts divers, politiques certes de la part des institutions mais aussi pédagogiques de la part de professeurs animés d’un esprit rénovateur, voire innovateur, qui a permis de poser la première pierre du projet « Bivalence ».
2. PHILOSOPHIE DE LA BIVALENCE
4Très tôt la « Bivalence » a suscité des controverses nourries par les différentes interprétations d’un concept, à l’époque mal défini. La rareté des écrits en la matière ne permettait guère de lever le voile qui entourait un projet jugé par d’aucuns nébuleux et dont le nom lui-même prêtait à confusion.
5Dans l’esprit d’un Français, la « Bivalence » se serait limitée à l’enseignement de deux disciplines par le même professeur, enseignement pour lequel ce dernier aurait reçu une double formation. Au Brésil, l’examen des actions et expériences menées montre qu’elle dépasse la simple concomitance de deux enseignements et met l’accent sur une coordination des contenus à enseigner et, surtout, sur des transferts de pratiques pédagogiques, voire de toute une méthodologie, entraînant les élèves à opérer eux-mêmes des transferts de savoirs et de savoir-faire acquis dans l’apprentissage simultané du PLM et du FLE. Il s’agit en clair d’un enseignement/apprentissage à double sens basé sur le rapprochement et l’interaction des deux langues.
6Tout ce mécanisme correspond aux objectifs poursuivis et clairement exprimés, à savoir une efficacité accrue de l’enseignement de la langue maternelle et de la langue étrangère, une rénovation des méthodologies et, en conséquence, une amélioration du niveau des élèves dans les deux langues.
7L’esprit qui anime la « Bivalence », depuis ses débuts, n’est certes pas nouveau. Les idées qui la sous-tendent renvoient à l’ouvrage d’Eddy Roulet qui déjà, en 1980, visait une pédagogie intégrée des langues maternelle et étrangère et prônait, pour ce faire, le décloisonnement des enseignements et la collaboration des équipes dans le but d’aider les élèves à « saisir le fonctionnement profond du langage et des langues afin de faciliter la compréhension et l’acquisition de la langue 1 [maternelle] et de la langue 2 [étrangère] ». Il ne paraît pas inutile de rappeler ici que, dans le cas précis du portugais et du français, les bénéfices réciproques sont d’autant plus aisés à obtenir que nous sommes en présence de deux langues apparentées, toutes deux issues du latin, et de deux cultures relativement proches.
8Cette intégration est, certes, un objectif ambitieux qui se situe, par ailleurs, dans la lignée des recherches françaises dans le domaine de la didactique du français langue maternelle. Ces dernières, néanmoins, n’altèrent aucunement la philosophie d’un concept brésilien à part entière tout en permettant d’ancrer la réflexion sur des théories qui ont fait leur preuve. L’originalité de l’expérience brésilienne consiste à développer parallèlement, et conjointement, deux actions complémentaires : la formation et l’accompagnement pédagogique des équipes « bivalentes » de professeurs engagées dans le projet, d’une part, et, d’autre part, le travail de recherche d’un groupe de professeurs universitaires dont la réflexion se voit sans cesse alimentée par les expériences réalisées sur le terrain et le matériel pédagogique produit par les mêmes équipes « bivalentes ».
3. HISTORIQUE
9Ce chapitre prétend retracer le parcours du projet « Bivalence » depuis septembre 1996, date de ma prise de fonctions au Brésil en tant qu’attachée linguistique, responsable du BCLE de Salvador et coordinatrice nationale du projet dont on m’avait chargée, par ailleurs, de faire une évaluation.
10Il serait difficile de dresser un tableau complet des réalisations antérieures du fait du manque d’informations et de la rareté de comptes rendus ou de synthèses, à l’exception des rapports de missions des universitaires français invités à des séminaires de « Bivalence » ou consultés lors de leur passage à Salvador dans un tout autre cadre. Toutefois, par souci de transparence et afin de faciliter la compréhension, il convient de signaler que plusieurs sessions de formation se sont succédées entre 1994 et 1996. Des deux dernières années, nous retiendrons les deux stages organisés par le CRÉDIF, à l’École Normale Supérieure de Saint-Cloud (ÉNS), avec la collaboration de l’Université Parix X-Nanterre, à l’intention de deux groupes de quinze professeurs-formateurs brésiliens issus des États engagés dans le projet et qui devaient assurer des sessions de formation et de recyclage.
3.1. Structuration du projet
11La « Bivalence » a amorcé un tournant avec la mission à Salvador de Jean-Louis Chiss, professeur à l’ÉNS, chargé d’animer, en octobre 1996, un séminaire sur les stratégies de lecture et la grammaire textuelle. En fait, cette rencontre de professeurs, venus de plusieurs États, a également permis de recueillir un grand nombre de récits d’expériences, de faire le point sur le projet et de clarifier le concept de la « Bivalence » renommée, à cette occasion, « Didactique intégrée du portugais langue maternelle et du français langue étrangère ». Pourtant cette nouvelle appellation, bien trop longue, n’a jamais réussi à supplanter le terme largement adopté de « Bivalence ».
12La deuxième étape importante dans cette phase de structuration a été la réunion, en mars 1997, de quatorze professeurs universitaires de neuf États – sur les douze impliqués – choisis parmi les participants aux stages du CRÉDIF. À l’issue de cette rencontre était créée la « Commission nationale de réflexion et de coordination » recevant une double mission à la fois d’impulsion et d’information et qui, au terme des travaux, était parvenue à la rédaction d’un document (auquel J.-L. Chiss a grandement contribué), le premier depuis la naissance du projet, une sorte de « charte », fixant les principes directeurs de la « Bivalence », traçant des lignes d’actions et décrivant la structure à mettre en place ainsi que les modalités de fonctionnement (cf. Annexe).
13Cette structure repose sur la constitution d’équipes pédagogiques « bivalentes » [1] et d’un réseau de professeurs-formateurs chargés d’assurer l’accompagnement des équipes par le biais de réunions périodiques destinées à faciliter la construction d’itinéraires pédagogiques « bivalents » et à aider les enseignants dans la production d’un matériel pédagogique correspondant. Dans la plupart des États, ces formateurs sont aussi membres de la Commission nationale. Très vite, dans les États où le projet était le mieux ancré, les premières équipes ont commencé à fonctionner; dans d’autres, les professeurs universitaires se sont attachés à impulser de nouvelles dynamiques afin d’expérimenter la « Bivalence » dans de nouvelles classes.
14Lors de la deuxième session de la Commission nationale, en septembre de la même année, un nouvel objectif était atteint : les équipes en place démontraient leur capacité à produire un matériel pédagogique réutilisable par leurs collègues, dossiers susceptibles de pallier le manque de manuels et/ou de se substituer à un matériel obsolète. En outre, ce matériel devait stimuler les autres équipes et celles en cours de constitution. Les dossiers, analysés par la Commission nationale et retenus en vue d’une large diffusion, ont été enrichis de fiches méthodologiques afin d’en faciliter l’utilisation par d’autres enseignants.
15Les difficultés rencontrées dans les différents États ont amené la Commission nationale à déterminer cinq thèmes de réflexion qui orienteraient les travaux de recherche pour les trois années à venir : le choix des supports pédagogiques dans la progression, la pédagogie de l’oral, les interactions entre langue maternelle et langue étrangère, le traitement de la grammaire en classe de langue, le traitement des textes littéraires dans une perspective communicative. Le choix de ces thèmes révèle qu’au delà de l’intégration de la didactique des langues maternelle et étrangère existe un souci de rénovation des techniques et des pratiques pédagogiques.
3.2. Travaux de recherche
16Les cinq thèmes cités ci-dessus ont été répartis entre les membres de la Commission nationale qui ont travaillé en tandems. Trois d’entre eux – le traitement de la grammaire, le choix des supports et les interactions entre langue maternelle et langue étrangère – ont fait l’objet de communications et d’ateliers lors du XIIIe Congrès brésilien des Professeurs de français organisé à Salvador, en août 1998, en complément des deux conférences sur la problématique de l’intégration [2].
17Chaque année, entre 1997 et 1999, une équipe de chercheurs s’est rendue en France avec l’aide de l’Ambassade de France. Durant leur séjour, ils ont pu nourrir leur réflexion des séminaires auxquels ils ont pris part, des visites de classes (langue maternelle et langues étrangères : portugais, espagnol et FLE) qu’ils ont effectuées dans des établissements scolaires parisiens et des échanges consécutifs avec les enseignants rencontrés.
18C’est en août 1998, lors de la troisième réunion de la Commission nationale, à l’issue du congrès de Salvador, qu’est apparue l’idée du présent recueil comme récit d’une expérience originale. Ce nouvel objectif, tout comme l’écriture collective du texte originel l’année précédente, a donné au groupe toute sa cohésion, a consolidé l’esprit d’équipe et insufflé un nouveau dynamisme. Dès la session suivante, en octobre de la même année, la réflexion avait avancé mettant l’accent sur un axe central et une nécessité absolue, celle d’approfondir la problématique de la progression qui induirait forcément un regard sur les programmes et leurs contenus.
19L’unique réunion de 1999 a été l’occasion de dresser un bilan des réalisations qui ont servi de ferment à cet ouvrage écrit à plusieurs mains, aboutissement de trois années de labeur et de réflexion commune qui, en dépit des distances, n’a jamais subi de fléchissement. Cette première étape parcourue, ont été définis de nouveaux objectifs qui devraient se cristalliser dans une nouvelle production collective entendue comme une suite logique des recherches en didactique.
3.3. Formation des professeurs
20Les travaux de recherche visant l’intégration des didactiques et la rénovation des pratiques pédagogiques n’ont jamais occulté cette activité qui, au contraire, est apparue comme un élément complémentaire et essentiel du projet. Outre les réunions hebdomadaires (préparation de cours, production de matériel) et les réunions mensuelles (harmonisation des méthodes, échanges entre les différentes équipes régionales), ont été organisés des séminaires de formation qui, au rythme de deux par an, ont donné lieu à des rassemblements inter-régionaux propices aux échanges et à la créativité des enseignants. Les thèmes de ces séminaires, dirigés par des spécialistes français invités par le BCLE de Salvador, étaient étroitement liés aux orientations fixées par la Commission nationale, comme l’approche de la lecture, la grammaire textuelle, l’utilisation de l’image en classe de langue, l’oral et la communication, les rapports entre langue maternelle et langue étrangère dans la construction des apprentissages et la gestion de la classe.
4. CARTE DE LA BIVALENCE
21La première carte de la « Bivalence » a été établie après structuration du projet, plus précisément à l’issue de la deuxième réunion de la Commission nationale, en septembre 1997. Elle permettait de recenser les neuf États où le projet s’était développé et dont sept [3] seulement avaient, cependant, répondu à l’appel du BCLE en novembre 1996. À la même époque, trois États [4] ont manifesté la volonté d’intégrer le groupe. Dès mon arrivée au BCLE de Salvador, la « Bivalence » était donc présente sur une large part du vaste territoire brésilien, à savoir douze États. Dans le Nord, les États de Pará et Amazonas ; dans le Nord-est, ceux de Rio Grande do Norte, Alagoas, Sergipe et Bahia; dans le Sud-est, ceux de Rio de Janeiro, Minas Gerais et São Paulo; dans le Sud enfin, les États de Santa Catarina, Rio Grande do Sul et Paraná.
22Le propos, alors, n’était pas de démontrer une généralisation du projet sur l’ensemble du pays. Bien au contraire, en cette phase de structuration, il était préférable de consolider les équipes existantes et de réduire les expériences à quelques projets pilotes. Et effectivement, dans chaque État, une voire deux villes étaient impliquées ; le plus souvent, un ou plusieurs établissements scolaires, donc quelques professeurs « bivalents ». Dans tous, cependant, la participation de l’université était manifeste. Autrement dit, les résultats escomptés ne devaient pas être évalués en termes de quantité (d’écoles, collèges, enseignants ou élèves) mais plutôt sur des bases de qualité et d’efficacité. Il convenait donc de juger des réalisations effectives dans le but de montrer la viabilité du projet et son bien fondé. Selon les États et en fonction des ressources humaines locales, les efforts se sont portés sur la formation continue et le suivi pédagogique des équipes « bivalentes » ou sur la recherche universitaire et l’introduction de la problématique de la « Bivalence » dans la formation initiale au sein des départements de méthodologie ou des sciences de l’éducation. Dans certains cas – comme dans le Paraná, le Rio Grande do Norte, Santa Catarina et Rio –, le travail s’est opéré sur les deux fronts. Comme cela pouvait être prévisible, c’est dans les États où l’intervention sur les deux niveaux a été possible que le projet semble aujourd’hui le mieux ancré. Cet ancrage dépend également du degré d’investissement des autorités éducatives, de l’État ou de la municipalité, sans oublier la forte motivation et le dynamisme sans cesse renouvelé des membres de la Commission nationale dans leurs États respectifs.
4.1. Réalisations en terrain scolaire
23Un des volets importants du projet « Bivalence », il n’est pas inutile de le répéter, est celui de la formation simultanée des professeurs de portugais et de français. Les différents séminaires [5] organisés ont favorisé à la fois un approfondissement théorique et la prise de conscience de la nécessité d’un changement d’attitude en vue d’adopter des méthodes communicatives. Les enquêtes réalisées auprès des enseignants concernés mettent l’accent sur les conséquences positives : recours à une méthodologie mieux adaptée aux besoins, définition plus claire des différents objectifs (linguistiques, culturels et cognitifs) du cours de langue, préparation soignée des cours, découverte de pratiques innovantes. Les témoignages sont unanimes et soulignent l’efficacité accrue de l’enseignement prodigué et ses répercussions sur la motivation des élèves qui ont vu leurs compétences orales et écrites améliorées dans les deux disciplines. Les évaluations auxquelles a procédé le Liceu Pasteur de São Paulo, associé au projet, révèlent d’énormes progrès réalisés en lecture et en expression orale et écrite. D’une manière générale, les enseignants eux-mêmes se sont sentis dynamisés faisant appel à leur créativité afin de varier pratiques et supports pédagogiques.
24Les séminaires ont trouvé leur complément dans les réunions périodiques de suivi – hebdomadaires pour la préparation des cours, mensuelles en vue de la coordination du travail des équipes –, toujours riches d’échanges propices à une réflexion approfondie et au regard critique de chacun sur ses propres pratiques. Ces réunions ont permis de rompre l’isolement de l’enseignant cantonné dans sa classe. En outre, elles ont fait naître le concept d’équipe pédagogique bi/interdisciplinaire et mis en relief les ressources offertes par le travail en interdisciplinarité. Les élèves, à leur tour, ont perçu, grâce au décloisonnement, l’intérêt de l’apprentissage des différentes disciplines qui leur sont imposées dans le cursus scolaire.
25Le matériel pédagogique produit par les équipes, largement diffusé auprès des collègues, constitue un vivier où chacun peut puiser à son heure et en fonction de ses objectifs. Ces dossiers, composés de documents accompagnés des fiches méthodologiques correspondantes qui en facilitent l’utilisation, loin d’être figés, sont propres à éveiller et à renouveler la créativité des nouveaux utilisateurs.
4.2. Insertion dans les universités brésiliennes
26La plupart des membres de la Commission nationale sont des professeurs universitaires qui interviennent dans la formation initiale des futurs enseignants de français ou de langue maternelle. Dans leurs départements respectifs de Lettres ou de Langues étrangères – à l’UFRGS (Porto Alegre, Rio Grande do Sul), l’UEPG (Ponta Grossa, Paraná), l’UFPA (Belém, Pará), l’UFRJ (Rio de Janeiro) – ou bien dans leurs Facultés d’éducation – à l’UFSC (Florianópolis, Santa Catarina), l’UEM (Maringá, Paraná), l’UFMG (Belo Horizonte, Minas Gerais), l’UFRN (Natal, Rio Grande do Norte) – ils infléchissent la réflexion des étudiants et provoquent des débats sur la problématique de la « Bivalence » : analyse des processus d’acquisition/apprentissage des connaissances, interactions et articulation entre langue maternelle et langue étrangère, transferts de compétences, rapprochement des méthodologies, etc. à partir de textes scientifiques et/ou de documents pédagogiques produits par les équipes « bivalentes ». Cette démarche vise l’entraînement, dès la formation initiale, aux approches méthodologiques intégrées totalement novatrices au Brésil.
27Dans certaines universités – l’UFRJ à Rio, l’UFPA à Belém et l’UFRN à Natal – cette réflexion a permis d’introduire une ligne de recherche et a déjà donné lieu à l’élaboration de plusieurs mémoires de « especialização » (maîtrise) et de « mestrado » (DEA) [6]. Par ailleurs, la double certification délivrée en partenariat par l’UFPA et l’UAG (Université des Antilles et de la Guyane), qui accorde une large part à des disciplines ayant un lien direct avec la thématique de la « Bivalence », laisse présager de l’intégration de nouveaux adeptes et chercheurs dans ce domaine de la didactique intégrée.
28Dans tous les États où la « Bivalence » s’est développée, l’université est partie prenante dans la formation continue des professeurs. Pour ne citer que quelques exemples, l’on peut mentionner l’UFSC à Florianópolis et l’UFRGS à Porto Alegre qui ont inclus la « Bivalence » dans un projet plus ample de formation pédagogique destiné aux professeurs en exercice.
4.3. Répercussions au niveau institutionnel
29Dans certains cas, l’institutionnalisation du projet a été rendue effective. Elle s’avère pourtant toujours nécessaire pour la pérennité et la viabilité des actions entreprises. En effet, le soutien du BCLE et de l’ambassade ne suffit pas ; il convient dans tous les cas d’obtenir l’appui des Secrétariats à l’éducation, municipaux ou d’État, selon les situations. La signature d’accords avec les autorités éducatives locales a permis la réalisation des séminaires, parfois leur financement comme à Salvador (Bahia) ou à Maceió (Alagoas), le déplacement et la libération des professeurs afin de participer aux sessions de formation et aux réunions de coordination.
30À Porto Alegre, la reconnaissance de la « Bivalence » s’est récemment vue confirmée par la constitution d’une équipe pédagogique « bivalente » servant de référence dans le cadre de l’extension du projet dans le réseau municipal.
31Si dans les premiers temps les directeurs d’écoles et de collèges sensibilisés ont accepté d’ouvrir de nouvelles classes de français ou de réintroduire son enseignement dans plusieurs établissements (Salvador et Itabuna dans la Bahia, Porto Alegre dans le Rio Grande do Sul), ce processus est aujourd’hui freiné par des circonstances particulières, notamment la progression de la demande de l’espagnol, autre langue du Mercosul. Toutefois, si l’on ne peut parler d’extension, les expériences menées et les résultats positifs obtenus ont assuré le maintien de la langue française aux côtés des autres langues étrangères proposées (l’anglais et l’espagnol).
32Enfin, les membres de la Commission nationale de deux États, Bahia et Santa Catarina, ont été invités à rejoindre les commissions locales de révision des programmes et, ainsi, à participer à l’élaboration de ces derniers. Ces acquis sont un gage de la crédibilité du projet « Bivalence » perçu comme susceptible de bénéficier aux deux parties : les acteurs de la coopération française et les enseignants de français dans leur souci de maintien et d’élargissement du FLE, les autorités éducatives brésiliennes dans leur volonté d’améliorer l’enseignement du PLM.
4.4. Limitations au projet
33La plus grande difficulté rencontrée depuis 1996 a résidé dans la mise en place des séminaires nationaux de formation. La réduction des crédits alloués, associée à l’étendue du territoire brésilien, n’a pas toujours permis de garantir la participation de tous les professeurs engagés dans le projet. En outre, l’extension de ce dernier aurait nécessité la nomination d’un coordinateur national travaillant à temps plein et exclusivement sur ce dossier qui requiert de nombreux déplacements afin d’effectuer un travail de proximité. Le relais assuré par un collègue ayant une connaissance partielle de la problématique et de ses enjeux s’avère souvent insuffisant. Enfin, dans certains États ou certaines villes, l’absence de professeurs formateurs a empêché de garantir le suivi et le conseil des équipes « bivalentes » qui se sont, peu à peu, découragées et dissoutes. Tous ces facteurs expliquent que la « Bivalence » n’ait pas aujourd’hui dépassé le stade d’un projet pilote.
5. PERSPECTIVES
34Le présent recueil clôture la première phase d’un projet de coopération bilatérale entre la France et le Brésil. Pourtant, au-delà d’un simple bilan, il prétend apporter une contribution aux recherches effectuées en Europe, et notamment en France, dans le domaine de la didactique des langues. Son écriture collective a consolidé la cohésion d’un groupe d’enseignantschercheurs convaincus des enjeux de la « didactique intégrée des langues maternelle et étrangère ».
35Sa traduction en portugais devrait permettre de porter à la connaissance d’un large public au Brésil une expérience extrêmement enrichissante pour tous ceux qui l’ont vécue et que nous souhaitons telle aux futurs lecteurs, chevronnés ou néophytes, tous issus du monde enseignant. Puisse-t-elle aussi être une réponse aux critiques anciennes qui laissaient entendre que la « Bivalence » n’était autre qu’un prétexte pour copier le modèle français.
36À l’heure où ce recueil est mis sous presse, nous avons déjà fixé les nouveaux objectifs qui guideront les travaux de recherche pour une nouvelle période de trois ans. À la partie théorique doit logiquement succéder la partie pratique. Celle-ci prendra corps sous la forme d’un guide pédagogique à l’usage des enseignants de FLE et de PLM, à qui il sera proposé un recueil de supports de classe accompagnés des activités et fiches d’utilisation correspondantes. Dans cette perspective, il s’agit de poursuivre les travaux de réflexion déjà entamés sur la progression et de produire, désormais, un matériel pédagogique conçu dans la continuité et l’articulation tout en tenant compte des contraintes des programmes officiels. Dans un premier temps, les membres de la Commission nationale sont chargés d’élaborer, en collaboration avec leurs équipes « bivalentes » respectives, une ou plusieurs progressions pour un niveau d’enseignement donné. Ces propositions analysées, discutées et éventuellement remaniées donneront lieu, par la suite, à une sorte de manuel, pour le moins un recueil de suggestions pédagogiques mis à la disposition des professeurs soucieux de tirer profit des interactions entre langue maternelle et langue étrangère.
37Ces nouvelles orientations permettront de conserver le volet essentiel du projet que constitue la formation des enseignants. Celle-ci donnera lieu à l’organisation de séminaires et à la poursuite des réunions de suivi pédagogique. Dans le but de toujours améliorer les pratiques de classe, a également été évoquée la réalisation d’une cassette vidéo proposant des activités diverses comme point de départ à une réflexion sur des problèmes de didactique et outil d’initiation à l’observation de classe. Cette entreprise ferait l’objet d’une nouvelle étape.
6. CONCLUSION
38Pour terminer, j’insisterai sur l’esprit de coopération et d’union qui, malgré les divergences initiales, a animé le groupe de la « Bivalence » durant ces trois années. Au-delà des liens noués et renforcés entre collègues, le projet a permis un décloisonnement et un réel travail collectif entre enseignants de collège et professeurs universitaires. Les premiers se sont souvent sentis rassurés et soutenus dans leur lourde tâche d’enseignement. Ils participent volontiers aux sessions de formation dont ils sont aussi les acteurs. Le travail en équipe les guide sur le chemin d’une plus grande autonomie dans la construction du cours ou l’établissement d’une progression et les prépare à de nouvelles pratiques et de nouvelles configurations de classe. Les seconds ont trouvé en leurs collègues de collège matière à leur réflexion et recherche.
39J’ajouterai que la « Bivalence » est le seul projet qui, au Brésil, réunit régulièrement des professeurs de l’ensemble du pays qui réfléchissent sur l’enseignement du français et des langues en général et sur leur intégration. Ce qui, j’espère, devrait assurer la continuité de ce travail.
Notes
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Au vu de l’expérience antérieure, le terme a dû alors être explicité. Désormais, les équipes bivalentes seraient impérativement composées d’au moins un professeur de PLM et d’un professeur de FLE exerçant, point fondamental, dans un même établissement et auprès des mêmes élèves.
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Voir les actes du congrès : « Didactique des langues maternelles et des langues étrangères : quelle intégration ? » par Jean-Louis Chiss et « Métalangage et apprentissage du FLE à l’école » par José Carlos Chaves Da Cunha, ELOS n° 2 et 3,1999.
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[3]
Les États de Pará et Amazonas ont rejoint le projet en 1998.
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[4]
Ces trois États sont : Alagoas, Sergipe et Minas Gerais.
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[5]
Compréhension de l’écrit et préparation de séquences d’écriture (M. Marquilló, novembre 1995); Lecture et grammaire textuelle (J.-L. Chiss, octobre 1996); Rôle de l’utilisation de l’image dans l’enseignement (T. Lancien et F. Lambert, avril 1997); De l’écrit à l’oral (M. Thomas, septembre 1997) ; Relations entre LM et LE dans les apprentissages (D. Moore, avril 1998); Utilisation de l’image : activités communicatives (avril 1999); Langues étrangères, langue première et communication (V. Castellotti, octobre 1999).
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[6]
Mémoires de « especialização » : – Freire Damasceno, C. 1998. Reflexões sobre o uso de documentos televisivos. Natal : UFRN/Núcleo de estudos e pesquisas em educação e comunicação/Ensino e linguagem : didática de língua materna e estrangeira (FLE). – Carvalho Bezerra, M.-A. 1998. O jornal em aula de línguas : para construir o cidadão. Natal : UFRN/Núcleo de estudos e pesquisas em educação e comunicação/Ensino e linguagem. Mémoires de « mestrado » : – Da Silva Mendonça, C. A. 1998. « Bivalência » simples e o ensino/aprendizagem de leitura em francês língua estrangeira : um estudo de caso. Rio de Janeiro : UFRJ. – Freire Damasceno, C. (en cours). Televisão e ensino de línguas : reflexões teóricas e metodológicas. Natal : UFRN. – De Freitas França, J. (en cours). Propostas curriculares de PLM e de língua estrangeira : para uma didática integrada do PLM e do FLE Natal : UFRN. – Dantas Bouth, G. (en cours). Pour un rapprochement méthodologique du PLM et du FLE dans le système scolaire. Belém : UFPA.