La question de la stabilité de la RDA est appréhendée dans le cadre de cet article à travers l’analyse des entreprises d’État. Depuis la fondation du régime de dictature socialiste en 1949, ces dernières ont joué un rôle central non seulement dans le champ économique mais également dans la vie quotidienne des citoyens est-allemands. L’analyse du mode de fonctionnement de cette zone-frontière entre l’État et la société permet de mieux comprendre comment ces entreprises ont contribué à façonner durant quatre décennies l’identité socio-professionnelle des Allemands de l’Est. L’approche micro-historique de l’article, qui s’appuie sur le cas de l’entreprise publique Zekiwa de Zeitz (en Saxe), spécialisée dans la production de poussettes et de landaus, permet de mieux saisir la complexité du « communisme au quotidien ». Inscrite dans un régime politique dénué de toute forme de légitimation démocratique, la société est-allemande était en effet centrée sur l’entreprise : celle-ci n’était pas seulement une unité de production soumise à l’économie de pénurie, mais un lieu multifonctionnel de redistribution de ressources sociales, de mobilisation politico-idéologique et d’encadrement des loisirs. Dans une entreprise comme Zekiwa, composée majoritairement d’ouvrières supervisées par des cadres intermédiaires et supérieurs masculins, la classe ouvrière était capable de s’arranger avec les attentes politiques et idéologiques du régime. Le recours au quant à soi était ainsi un élément clé permettant d’expliquer la stabilité de la RDA.