La première recherche de François Denord portait sur la préhistoire du néolibéralisme et son évolution/implantation dans les sphères dirigeantes depuis les années 1930 jusqu’aux années 1980. Il ne s’agissait pas de faire de l’histoire généalogique des idées mais de comprendre à quelle conjoncture correspondait cette nouvelle variante du libéralisme, quelles forces intellectuelles et politiques elle avait d’abord mobilisées, comment elle s’était reconfigurée et diversifiées dans les nouveaux contextes de la guerre froide puis avait peu à peu trouvé un écho favorable, après des échecs, au sein de certaines fractions du champ du pouvoir économique, notamment en Grande-Bretagne, aux États-Unis puis en Europe de l’Ouest face à ce qu’on appelle toujours improprement « la crise », à la fin des années 1970.
Ce type d’enquête s’est peu à peu transformé en partant non plus des groupes intellectuels et patronaux porteurs de ces idées et de leurs alliances, pour aborder globalement et de manière de plus en plus large l’histoire et la sociologie des élites qui participent au champ du pouvoir. F. Denord ne se limite pas à certaines catégories comme le font les travaux de science politique qui se cantonnent en général au patronat, à la haute administration, aux faiseurs d’opinion ou au personnel politique, mais il reprend le projet bourdieusien d’une coupe transversale à plusieurs époques pour retrouver les dynamiques socio-culturelles d’ensemble et la concurrence/coopération entre les diverses élites…