Le développement durable est incontestablement une question d’actualité. Formée historiquement comme projet politique, cette idée du développement a également émergé dans les quinze dernières années comme projet managérial. L’atteste la naissance de pratiques gestionnaires dans les grandes entreprises (discours, communication, outils, etc.), de formes de régulation (normes volontaires et réglementaires en matière de reporting extra-financier) ou, selon l’heureuse expression de David Vogel, de « marchés de la vertu ». Ces derniers voient prospérer consultants, auditeurs, certificateurs qui évaluent la performance sociétale des entreprises, labellisent des produits « éthiques » et proposent leurs offres de conseils. A cette aune, le projet managérial du développement durable présente deux caractéristiques principales : il concerne potentiellement tous les domaines d’activités de l’entreprise – la stratégie générale, la communication, la gouvernance d’entreprise, la conception de produits, les activités productives, etc. – ; il repose sur la promesse d’un capitalisme œuvrant à sa réconciliation avec l’ensemble de la société en faisant siennes les préoccupations de cette dernière comme la responsabilité environnementale et l’équité sociale au sein du processus de développement économique.
L’émergence d’une question d’actualité suffit-elle à en faire un thème de recherche sur le plan historique ? La notion n’est-elle pas trop galvaudée, saturée de discours et d’interprétations pour permettre la prise de recul nécessaire …