Terra incognita de la sociologie des professions française, selon le mot de Charles Gadea, un des rapporteurs de la thèse, la recherche de Carlos Ramirez sur les comptables comble une lacune fort ancienne. En s’intéressant à cette population, le chercheur s’affronte à une situation extrêmement complexe. Rien n’est plus segmenté que la profession comptable : d’un côté, le monde feutré des grandes multinationales d’audit et de conseil ; à l’autre extrême, de petits experts-comptables traitant les factures d’artisans et de commerçants. Une telle diversité met d’abord en évidence une hiérarchie professionnelle, des plus imposants aux plus insignifiants, mais aussi des pratiques qui ne se recouvrent pas car, d’un bord à l’autre, ce ne sont ni les mêmes clients, ni les mêmes produits, ni le même type d’organisation du travail ; entre en jeu, enfin, l’ici et l’ailleurs, car ces firmes multinationales sont aussi des cabinets « de l’étranger ».
Comment rendre compte de cette hétérogénéité ? Carlos Ramirez s’y emploie d’abord en passant en revue les différents courants de la sociologie des professions, y cherchant un mode d’interprétation convenable pour la population qu’il étudie. Soumis à la critique, les courants fonctionnalistes et les différentes versions interactionnistes ne peuvent, chacun de leur côté, répondre complètement à ce questionnement. S’inspirant alors des propositions néo-weberiennes (sur les communautés et projets professionnels) qu’il combine avec des concepts de la théorie bourdieusienne (sur les hiérarchies et champs professionnels), mais aussi avec le travail sur l’organisation par les néo-institutionnalistes, l’auteur en vient à bâtir une notion de « modèle professionnel », sorte d’idéal-type qui combine à la fois des types d’activité, des professionnels dotés d’un certain capital économique, social et culturel et des clients avec lesquels il est possible d’établir des régularités quant à la structure organisationnelle et à la puissance capitalistique…