Des conférences « directives générales », sorte de réunions d’état-major avec ses principaux directeurs, Pierre Lefaucheux, le premier PDG de la Régie Renault, en a tenues beaucoup : plus d’une demi-douzaine par an à partir de 1950. Mais la conférence du 8 septembre 1952 ne ressemble à nulle autre. Elle se tient à un moment particulier et, à plus d’un titre, est exceptionnelle.
Moment particulier : Pierre Lefaucheux vit sans doute ses heures les plus sombres depuis qu’il a été nommé, en octobre 1944, à la tête de l’entreprise.
En ce mois de septembre 1952, « la Régie est en crise ». Celle-ci s’inscrit certes dans le contexte générale de la politique déflationniste d’Antoine Pinay et de la première récession de l’après-guerre. Mais la crise est particulièrement aiguë chez Renault. Depuis la Libération, son PDG l’a engagée dans une politique d’expansion hardie, marquée par l’introduction en France de la production de très grande série : la petite voiture 4 CV. Et pour la première fois, même ce modèle, pourtant le fer de lance de Renault, rencontre des difficultés de vente : les commandes qui dépassaient 650 par jour en février n’atteignent même plus 200. Qui peut dire alors si la récession sera passagère ou débouchera sur une crise durable ?
Pour ne rien arranger, la Régie a financé une bonne partie de son expansion sur du financement à court terme, par le biais des acomptes clients, « subterfuge » inventé par le directeur du Trésor François Bloch-Lainé, et dont l’efficacité a dépassé, pendant quatre ans, les espérances…