Résumé
Après un bref rappel sur le développement de l’histoire de l’informatique, cet article présente les projets, études et réalisations de réseaux informatiques français dans les années 1950 et 1960, qui sont la toile de fond des témoignages publiés dans ce numéro de la revue. Dès le milieu des années cinquante, la mise au point des premiers ordinateurs en France fut l’occasion d’une collaboration entre l’informatique et les télécom, et inspira des conceptions nouvelles en télécommunications. Dans la décennie 1954-1964, les initiatives proviennent essentiellement de la Défense, pour qui sont réalisés les premiers réseaux de données. La décennie suivante voit la diffusion de ces technologies dans le secteur civil : à la demande de grandes organisations qui se dotent de systèmes de transmission de données (EDF, SNCF, Air France, assurances...), plusieurs constructeurs investissent dans la « téléinformatique » (IBM, CGE, Thomson, CSF, etc.). Exigeant une meilleure vitesse de transmission, ces utilisateurs font pression en faveur de la modernisation du réseau téléphonique PTT. À partir de 1967, le Plan Calcul apporte des crédits et un soutien politique aux entreprises françaises d’informatique. Celles-ci, ainsi que les centres de recherche, développent des compétences en matière de réseaux, de systèmes interactifs et de bases de données. Mais, derrière une concentration industrielle de façade, les divergences d’intérêts entre télécommunications et informatique relèguent au second plan la stratégie d’innovation en informatique.
First digital networks in France
Abstract
In the mid-1950s, the development of the first digital computers in France implied a close collaboration between telecom and computer engineers, and led immediately to experiments and novel concepts in telecommunications. Digital networks were set to work in the early 1960s, in defense air-warning systems (STRIDA, SENIT), then soon in civilian organizations (EDF, SNCF, Air France, insurance companies...) which created data communication systems. Several electronic equipment manufacturers (IBM, CGE, Thomson, CSF, etc.) invested in “teleprocessing” to meet these needs. As they demanded better transmission speed, these organizations put pressure in favour of a modernization of the old French telephone lines. Meanwhile the Plan Calcul, launched in 1967 by the government, brought financial and political support to the French computer industry. Companies, as well as academic research centers, fostered a certain expertise in interactive systems, networks and data banks. However, behind the official ambition of a united, national effort to cross the “technology gap”, innovation was constrained by business and political maneuvers. The Telecom (large firms and PTT) enjoyed a political weight far superior to Computing, and they tended to impose their approach in network projects.