Notes
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[1]
Jiangnan signifie « Sud du fleuve Yangzi » et désigne plus spécifiquement une aire géographique comprenant le Sud des provinces du Jiangsu et de l’Anhui et le Nord du Zhejiang et du Jiangxi.
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[2]
Wujiang avait alors rang de district (xian) avant d’acquérir le statut de municipalité (shi) en 1992 puis celui d’arrondissement (qu) relevant de Suzhou en 2012. Ces changements successifs de statut témoignent de l’urbanisation de Wujiang, puis de sa plus grande intégration à la métropole de Suzhou, qui se matérialise par l’arrivée de la ligne de métro no 4 dont le terminus se trouve à Tongli (fig. 2). Celle-ci a été inaugurée le 15 avril 2017.
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[3]
Jusqu’au début des années 1950, Tongli n’était accessible que par voie d’eau.
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[4]
Tout comme le pont Changqing, la résidence Gengle a été aménagée milieu du xve siècle sous la dynastie des Ming mais a été reconstruite (chongjian) sous la dynastie des Qing et restaurée au début des années 2000. La période de construction de certains édifices est donc à relativiser. La résidence Tuisi quant à elle a été aménagée à la fin de la dynastie des Qing.
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[5]
Il s’agit des cinq bourgs (zhen) suivants, Zhouzhuang, Luzhi, Wuzhen, Nanxun et Xitang.
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[6]
Comité national pour les réformes et le développement, ministère de la Construction, Bureau national du patrimoine, Quanguo « shiyi wu » lishi wenhua mingcheng mingzhen mingcun baohu shishi jianshi guihua (plan d’aménagement et de protection des villes, bourgs et villages historiques du 11ème plan national), novembre 2007, 17 p.
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[7]
L’étude de terrain sur laquelle s’appuie ce travail a été réalisée dans le cadre d’un doctorat soutenu en 2005, et s’est prolongée ensuite jusqu’en 2010 lors de séjours réguliers à Tongli. Nous avons effectué plus soixante-dix entretiens auprès de la population du centre ancien, des dirigeants locaux, du personnel des services en lien avec l’habitat, la préservation du patrimoine, le développement du tourisme. Le choix de notre étude s’est porté sur Tongli en raison de nos liens avec l’Observatoire de l’architecture de la Chine contemporaine qui coordonnait à l’époque un programme de coopération avec l’université de Tongji sur la préservation des petites villes du Jiangnan.
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[8]
« Ville d’eau » désigne ici ces petites villes du Jiangnan dont la trame urbaine est marquée par la présence de nombreux canaux.
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[9]
Au sujet du professeur Ruan Yisan voir Hecht, 2010.
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[10]
Les démarches de Ruan Yisan ne se limitèrent pas aux provinces du Jiangsu et Zhejiang. Ruan Yisan est également à l’origine de la préservation de Pingyao (province du Shanxi) aujourd’hui classé Patrimoine mondial : Pingyao zhizhan (La bataille de Pingyao), in Nanfang Zhoumo, 28 novembre 2002.
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[11]
Municipalité à laquelle est rattachée Zhouzhuang.
-
[12]
En 1986, une subvention est également octroyée pour l’élaboration du plan de protection de Luzhi.
-
[13]
Le plan de Tongli fut élaboré par l’équipe du professeur Zhou Jian (Institut d’urbanisme de l’université Tongli, Shanghai) dans le cadre d’un programme de coopération franco-chinois (Marinos, 2010).
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[14]
Il s’agit de l’ancienne demeure avec jardin d’un grand propriétaire foncier chassé à l’arrivée des communistes au pouvoir. Elle fut alors occupée par différents services locaux, une usine etc.
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[15]
Chen Qubing est un poète et essayiste qui prit part à la Révolution de 1911.
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[16]
Le centre historique est alors classé au même titre qu’un monument isolé (Jiangsu sheng wenwu baohu danwei).
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[17]
Entre 1949 et 1978, le tourisme était quasiment absent de Chine et perçu comme une pratique bourgeoise.
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[18]
Dans les bourgs du Jiangnan dans les années 1980-1990, le tourisme est essentiellement domestique, mais à partir des années 2000 le nombre de touristes étrangers augmente, à Tongli ils représenteraient plus de 30 % des visiteurs.
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[19]
Les statistiques officielles chinoises sont à manier avec précautions en raison de leur manque de fiabilité. Les chiffres sur le tourisme ou « voyages » intérieurs sont à relativiser en raison l’absence de distinction établie entre les motifs des déplacements comptabilisés. En effet, les voyages d’affaires, les voyages pour raison familiale et les voyages de loisir sont pris en compte de manière indistincte dans ces chiffres. Aucune différence n’est également établie concernant la durée du déplacement, touristes et excursionnistes y sont ainsi confondus (Taunay, 2010, p. 5 ; Taunay, 2011a, p. 42-45 ; Leicester, 2008).
-
[20]
Ces chiffres sont issus d’un document interne de la Société en charge du tourisme à Tongli obtenu en 2004 et de Ji Dongsheng, Tongli Lüyou fazhan licheng, Bureau des annales de Tongli (document sans date de publication).
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[21]
Le shopping tient une place importante dans la pratique touristique en Chine (Taunay, 2011, p. 105)
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[22]
Entretien réalisé auprès du secrétaire du Parti de Tongli en avril 2004.
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[23]
À la fin des années 1990, les entreprises d’État ont périclité laissant sans emploi une large part de la population.
- [24]
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[25]
Suzhou Tongli guoji lüyou kaifa youxian gongsi.
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[26]
Pour Luzhi, voir Fan et al., 2009, p. 113, pour Wuzhen, voir Svensson, 2010, p. 214, et pour Zhouzhuang, voir Zhe, 2014, p. 185.
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[27]
Pour plus de détails concernant le fonctionnement de ce type de sociétés, voir Nyíri, 2006, p. 71 ; Shepherd, Yu, 2013, p. 50-51.
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[28]
Nous désignons ici par centre ancien tout le secteur rendu accessible par l’achat d’un ticket d’entrée.
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[29]
Dans une prochaine étude, il conviendra d’appréhender l’impact de la ligne de métro reliant Tongli, Wujiang et Suzhou depuis avril 2017. Même si celle-ci se trouve à un peu plus de deux kilomètres du centre ancien elle devrait contribuer à faciliter l’arrivée des visiteurs et l’installation d’actifs travaillant en ville.
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[30]
Le pont Wujin (1811) a été déplacé de la campagne vers le centre ancien en 1998.
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[31]
Les centres anciens sont souvent très densément peuplés en raison de la réquisition, dans les années 1950 et 1960, d’une partie des résidences appartenant à de riches propriétaires. Ces résidences ont été divisées et occupées par plusieurs familles alors qu’à l’origine elles n’en abritaient qu’une seule mais élargie. Le gouvernement local de Tongli souhaiterait dédensifier le centre ancien, mais se pose la question du relogement des résidents concernés et des droits de propriétés ; conformément à la loi, certaines de ces résidences devraient être restituées à leur propriétaire d’origine (Cao, 1995).
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[32]
L’enquête de Li YaBing, Zhang Jie et Chen You Jun réalisée entre 2003 et 2006 montrait que les visiteurs restaient en moyenne sur place 3,2 heures à Tongli et 4,6 heures à Zhouzhuang.
- [33]
-
[34]
Depuis quelques années, on assiste en Chine à des « migrations environnementales » qui poussent de nombreux citadins à s’installer définitivement ou temporairement dans de petites villes, notamment dans la province du Yunnan.
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[35]
Les prix des chambres varient de 605 à 2880 yuans la nuit pour deux personnes.
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[36]
La pagode dont il est question dans la légende est une pagode miniature faite de perles.
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[37]
En français : « Souvent, dans des situations de marchandisation, les résidents locaux dont les traditions sont mises en scène et qui prennent part à cette mise en scène ne perçoivent pas nécessairement les transformations qui se sont produites. Au contraire, malgré les changements, il se peut qu’ils perçoivent un degré de continuité surprenant entre l’ancienne et la nouvelle situation ».
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[38]
De plus en plus de touristes chinois se montrent sensibles à l’idée de patrimoine et d’authenticité telle conçue en Occident (Taunay, 2011b, p. 146).
1Situé dans le Jiangnan (« sud du fleuve Yangzi ») [1], à 30 kilomètres de Suzhou et 80 de Shanghai, dans la province du Jiangsu, Tongli est inséré dans un vaste réseau de lacs, rivières et canaux aménagés au cours des siècles afin de maîtriser les crues, de faciliter l’irrigation agricole et la communication entre les différents centres urbains de la région, voire au-delà, comme ce fut le cas du Grand Canal reliant Hangzhou à Pékin. Ce réseau hydraulique qui favorisa les échanges constitua un élément essentiel au développement de l’activité économique et culturelle de la région (Marme, 1993). Ainsi entre le xiiie et le xvie siècles, avec l’intensification des échanges commerciaux et l’émergence de Suzhou comme centre économique et culturel le plus peuplé du Jiangnan, de nombreuses localités se sont développées par la présence de ces voies d’eau et sont alors devenues de petits centres urbains connaissant un essor remarquable. Ce fut le cas de Tongli mais aussi de Zhouzhuang, Luzhi et Wuzhen (fig. 1). Jusqu’au milieu du xxe siècle, chacune de ces villes avait une fonction propre et entretenait une relation de complémentarité (Fei, 1980, p. 12 ; Marme, 1993). Mais avec l’arrivée au pouvoir du parti communiste en 1949, Tongli et les autres petites villes de la région connurent un déclin important. C’est en 1983 que Fei Xiaotong s’intéresse à nouveau à ces petits centres urbains en conduisant une série d’enquêtes dans une douzaine de petites villes et villages relevant de Wujiang [2] (Jiangsu) d’où il était originaire. À partir des fonctions traditionnelles dominantes de chacune des unités urbaines étudiées, il établit une typologie qui distingue les petites villes spécialisées dans la collecte et la distribution de marchandises, les centres administratifs ou industriels, les nœuds de communication et enfin celles caractérisées par une fonction de consommation dont Tongli serait une illustration (Fei, 1986, p. 18-22 ; Zhu, 1998). En effet, en raison de sa situation géographique qui rendait son accès difficile [3], Tongli devint un lieu de retraite privilégié pour des lettrés, marchands et propriétaires fonciers qui y aménagèrent de somptueuses résidences avec jardin sur le modèle de ceux de Suzhou.
Carte générale
Carte générale
2Aujourd’hui, le sud du delta du Yangzi reste une des régions les plus dynamiques mais aussi les plus urbanisées de Chine (Sanjuan, 2009, p. 57-69). Ainsi, Tongli continue de bénéficier de sa position géographique à proximité immédiate de Suzhou (4 millions d’habitants) et à moins de 100 kilomètres de Shanghai (fig. 2). Cette situation constitue un atout non négligeable pour une localité qui tire une partie de ses revenus du tourisme, activité qui est, en Chine, essentiellement le fait de citadins (Leicester, 2008 ; Taunay, 2011).
La région urbaine de Suzhou
La région urbaine de Suzhou
3Du fait de la topographie particulière de la région, les petites villes du Jiangnan ont développé une forme urbaine et architecturale originale caractérisée par l’omniprésence de l’eau (fig. 3). En effet, de nombreux ponts permettent de relier les différents îlots qui composent ces villes, les rues bordant les voies d’eau font office de quais et les habitations situées le long des canaux présentent généralement un accès à l’eau par de petits embarcadères équipés de quelques marches (photo. 1 et 2). Ces villes quadrillées de voies d’eau constituent un élément important de l’identité du Jiangnan, d’autant plus que la présence de résidences remarquables avec cours successives et jardin vient compléter ce patrimoine architectural et urbain aujourd’hui mis en valeur.
Tongli : plan du centre du bourg
Tongli : plan du centre du bourg
Le centre ancien est délimité par les différentes entrées.Arrière de maisons donnant sur un canal
Arrière de maisons donnant sur un canal
Quai réaménagé après la réouverture du canal qui le borde
Quai réaménagé après la réouverture du canal qui le borde
Ce quai est aujourd’hui occupé par de petits restaurants.4L’isolement de Tongli lui permit de rester en retrait de la course effrénée vers le développement industriel dans laquelle se lancent les petites villes au début des années 1980. Ainsi, le centre du bourg et le patrimoine bâti laissé par les marchands et les anciens propriétaires terriens, malmenés durant les décennies maoïstes, sont en partie préservés. De plus, les habitants n’ayant pu profiter d’un enrichissement rapide au début des années 1980, ont été contraints de maintenir leurs maisons en l’état sans pouvoir les moderniser. Ce patrimoine resté intact motiva l’adoption d’une politique de préservation et de développement du tourisme. Selon le plan de protection de la ville, les édifices datant des dynasties Ming (1368-1644) et Qing (1644-1911) couvriraient aujourd’hui une superficie de 40 000 mètres carrés. Certains de ces édifices ont été restaurés et ouverts aux visiteurs, comme c’est le cas des résidences Gengle et Tuisi [4], mais la plupart d’entre eux restent habités.
5En 2003, Tongli et la plupart des petites villes [5] avec lesquelles elle avait présenté une demande conjointe d’inscription au Patrimoine mondial, sont ajoutées à la première Liste nationale des bourgs historiques (Zhongguo lishi wenhua mingzhen) et sont soumises depuis 2008 à la Réglementation pour la protection des villes, bourgs et villages historiques (Lishi wenhua mingcheng mingzhen mingcun baohu tiaoli). Des listes et des réglementations de ce type existaient déjà avant 2003 au niveau national pour les villes et au niveau provincial pour les bourgs et petites villes (Fresnais, 2001 ; Zhang ; 2003). Ce nouveau classement et cette nouvelle règlementation témoignent de la place accordée aux bourgs et villages dans le développement économique du pays par le biais du secteur touristique. Cette dernière fonction est inscrite dans le 11e plan quinquennal (2006-2010) [6] auquel fait suite la réglementation de 2008.
6En s’appuyant sur le cas de Tongli [7] mais en se référant aussi à d’autres localités, cet article analyse la manière dont s’opère la préservation du patrimoine dans certaines petites villes de Chine. À partir de l’idée selon laquelle le patrimoine culturel est constitué de l’ensemble des biens méritant d’être préservés comme témoin de l’histoire et de l’identité d’un groupe social et que sa préservation est avant tout une construction sociale que Robert J. Shepherd et Larry Yu (2013, p. 47) définissent de la manière suivante : « Preservation is a dynamic process that selects, shapes and reconstructs the past as much as it preserves it », nous nous interrogerons sur les acteurs, les enjeux et les conceptions propres à la Chine en la matière. Cela nous conduira à nous interroger aussi sur le développement du tourisme auquel la protection du patrimoine en Chine est intrinsèquement liée. Nous verrons que les décisions prises localement à ce sujet s’inscrivent dans des directives adoptées au niveau national.
Le lancement de la mise en patrimoine de Tongli et d’autres villes d’eau du Jiangnan [8]
7Alors que les vestiges du passé en tant que symbole de l’ancienne société ont été mis à mal durant les décennies maoïstes, l’arrivée au pouvoir de Deng Xiaoping en 1978 marque un tournant en matière de préservation du patrimoine (Sofield, Li, 1998 ; Fresnais, 2001). Même s’il n’est pas pour autant hors de danger en raison de la modernisation accélérée du pays, l’héritage matériel de la Chine ne sera plus la cible de destructions au nom d’une idéologie politique, mais constituera au contraire, par sa préservation, un outil permettant de réaffirmer l’unité nationale (Sofield, Li, 1998, p. 370 ; David, 2007).
8En effet, l’année 1978 signe une rupture à la fois politique et économique à partir de laquelle de nouvelles orientations nationales voient le jour. Trois d’entre elles contribuent à la préservation des bourgs anciens tels que Tongli, Zhouzhuang, Lijiang (shi), Pingyao (zhen) : la nécessité d’urbaniser et de moderniser les campagnes en prenant appui sur les petites villes et bourgs afin de faciliter le transfert de population et d’activités (Wu, 1998 ; Fei, 1999 ; Lu, 2010). Un regain d’intérêt pour la protection du patrimoine culturel se matérialise par la loi de 1982 et le développement progressif du secteur touristique.
9Concernant le patrimoine, le discours de l’époque offre une nouvelle lecture des monuments historiques qui permet la préservation d’un édifice ancien indépendamment du jugement porté sur la période ou le personnage historiques auxquels il se rattache (Wei, 1978). Le patrimoine culturel devient alors un faire-valoir de la culture chinoise, tant en Chine qu’à l’extérieur. En Chine, il constitue un excellent support pour le développement d’un sentiment patriotique et une lecture de l’histoire conforme à l’idéologie du Parti. À l’extérieur, il représente une ressource jouant en faveur des investissements étrangers et du développement d’un tourisme international.
10Ainsi, dès la fin des années 1970, un appel est lancé par le Bureau national du Patrimoine afin de mobiliser les spécialistes des instituts d’architecture autour de la préservation du patrimoine (Xu, 1979). C’est à ce moment-là que débute l’aventure patrimoniale de certaines petites villes notamment de Tongli.
11En effet, répondant à cet appel au début des années 1980, le Professeur Ruan Yisan [9], alors responsable de l’équipe d’enseignement et de recherche en urbanisme de l’université Tongji à Shanghai, se rend, avec son équipe, dans différentes petites villes afin de sensibiliser les gouvernements locaux à la nécessité d’intégrer le patrimoine architectural et urbain à leurs projets d’aménagements. La Commission provinciale du Jiangsu chargée de l’aménagement (Jiangsu sheng jianshe weiyuanhui) remet même à Ruan Yisan une lettre officielle censée lui ouvrir les portes de toutes les localités de la province et lui permettre de participer à l’élaboration de leurs plans urbains [10] (Ruan, 2000).
12L’accueil qui lui fut réservé varia d’une localité à l’autre. Par exemple, dans un premier temps, les équipes dirigeantes de Zhouzhuang et de Kunshan (shi) [11] se montrèrent peu réceptives aux recommandations du professeur et préférèrent se référer au plan quinquennal qui faisait du développement des entreprises rurales une de ses priorités. Le maire de Zhouzhuang comme le secrétaire du Comité du parti du district de Kunshan estimaient que la protection du patrimoine était « d’arrière-garde », l’ancien synonyme d’arriération, et que le développement industriel constituait la seule voie d’accès à la modernité (Ruan, 2000, p. 5). À l’époque, Zhouzhuang ne fait pas exception, puisque de nombreuses petites villes du Jiangsu sont atteintes d’une fièvre modernisatrice qui emportera avec elle des édifices et des tracés urbains d’une grande valeur.
13Mais, grâce au soutien du responsable du Fonds national pour le développement des campagnes (dadi nongcun fazhan jijin), qui était lui-même architecte, une aide de 5 000 yuans fut octroyée pour la réalisation, par Ruan Yisan, du plan d’urbanisme de Zhouzhuang. Finalement, en 1986, les dirigeants de tous les échelons auxquels est rattaché Zhouzhuang (province, municipalité, district) approuvent unanimement la mise en application du schéma directeur et du plan de protection du bourg. La persévérance de l’équipe du professeur Ruan et de ses appuis finit donc par payer. Une fois le plan de protection de Zhouzhuang, puis celui de Luzhi [12] réalisés, celui de Tongli [13] suivit ainsi que ceux d’autres petites villes comme Nanxun, Wuzhen, Xitang, etc.
14Le rôle joué par les architectes et urbanistes dans la prise de conscience patrimoniale a été central, mais ils constatent souvent avec regret que celui-ci se limite à du conseil, les documents urbains produits n’étant pas ou en partie seulement respectés. De plus, le renouvellement, tous les cinq ans, du mandat des dirigeants locaux leur complique encore un peu la tâche.
15La protection du patrimoine des petites villes et des bourgs anciens de Chine a souvent été le fruit d’un long processus nécessitant la persévérance de ses instigateurs. Le cheminement de Tongli dans la voie patrimoniale diffère sensiblement de celui de Zhouzhuang. En effet, la municipalité de Wujiang et le gouvernement de Tongli ont montré assez tôt une sensibilité à ces questions. Le maire adjoint de l’époque déclarait, lors d’un entretien réalisé par nos soins en juillet 2005 : « Nous avons commencé à nous préoccuper du patrimoine en 1980, j’étais adjoint au maire de Tongli, en charge de l’aménagement. J’ai tout appris sur le terrain […], des spécialistes nous conseillaient. » Les dirigeants locaux ont occupé une place active dans la mise en œuvre des premières restaurations de résidences et dans la préservation du centre ancien.
16C’est en 1981 que démarre véritablement l’aventure patrimoniale de Tongli, lors d’une réunion des Assemblées populaires du bourg et du district (Wujiang) durant laquelle certains défendirent avec conviction la mise en valeur de la résidence Tuisi [14]. Peu après cette réunion, le Comité du parti du district encourage avec vigueur la restauration de cette résidence et de son jardin, et demande au gouvernement de Tongli de conduire une réflexion sur les possibilités d’exploitation des ressources touristiques et sur le développement de l’économie locale. (Chen, 1996)
17En juillet 1981, lors d’une visite à Tongli, le responsable du projet de mise en valeur des sites paysagers du lac Tai (Taihu fengjing qu), des spécialistes des jardins chinois et le directeur du Bureau de l’aménagement urbain de Wujiang recommandent aussi de procéder au plus vite à la restauration de la résidence Tuisi. La province s’engage alors à assumer 70 % des frais engendrés par les travaux, les 30 % restant sont laissés à la charge du Bureau d’aménagement urbain de Wujiang. Puis le secrétaire adjoint du Comité du parti de la province, le directeur de l’université de Nankin et différents spécialistes se rendent sur place, leurs avis sont unanimes : le jardin Tuisi et Tongli dans son ensemble méritent d’être protégés et valorisés.
18Une réunion des dirigeants locaux et des cadres du parti est alors organisée à Tongli afin que le secrétaire du Parti du bourg, Lin Fucai, présente de manière détaillée un projet de préservation du patrimoine et de développement de la localité. Ce projet offrirait à Tongli la garantie d’être inscrit comme site paysager du lac Tai, soit l’assurance de bonnes retombées économiques. Avec le soutien du maire adjoint de l’époque, qui avait conduit les expertises, Lin Fucai affirme que la restauration de la résidence Tuisi n’est qu’un premier pas vers l’exploitation des ressources touristiques.
19Malgré des avis divergents de la part des partisans du développement de l’industrie rurale, conformément aux objectifs définis lors du 11e Comité national du Parti, le projet est finalement adopté et mis en œuvre grâce à l’appui du secrétaire du Parti et du maire de Tongli. Le district de Wujiang a également joué un rôle actif dans ce processus ; dès 1980, le jardin Tuisi et la résidence de Chen Qubing [15] sont inscrits sur la première liste de sites protégés du district (Wujiang). En mars 1982, le centre historique et le jardin Tuisi sont classés au niveau de la province du Jiangsu [16]. Il s’agit du premier bourg de la province à obtenir ce label. Enfin, en avril 1995, Tongli est inscrit sur la première liste provinciale des petites villes historiques (Jiangsu sheng shoupi lishi wenhua mingzhen). La résidence Tuisi rejoindra, en 2001, la liste du Patrimoine mondial avec les jardins de Suzhou.
20Après une ouverture partielle en 1986, le jardin et la résidence Tuisi sont, en 1989, intégralement accessibles au public. Encouragés par le succès rencontré auprès des visiteurs, les dirigeants locaux s’engagent davantage dans la voie de la protection du patrimoine avec pour point de mire le développement du tourisme. Cette orientation est facilitée par le fait que les services gouvernementaux ont entre leurs mains la plupart des sites « patrimoniaux » de la localité en raison du système de propriété. Ainsi, les sites mis en valeur et ouverts au public sont des résidences réquisitionnées au moment de l’arrivée des communistes au pouvoir et dont la loi ne prévoit pas la restitution (Cao, 1995). De plus, la plupart des logements du centre ancien sont gérés par le gouvernement local par le biais du Bureau du logement, à la suite à des réquisitions et de la réforme du marché locatif privé appliquée en 1970 à Tongli. Dans certaines localités, la mainmise des autorités locales sur le centre historique peut conduire à l’expulsion des résidents.
21Lorsque sont apparus les premiers succès des politiques patrimoniales et touristiques conduites par Tongli et Zhouzhuang, des petites villes qui avaient opté pour l’aménagement d’entreprises rurales sans tenir compte de leur patrimoine, estimant que la préservation de ce dernier allait à l’encontre du développement économique, voulurent faire machine arrière, mais le mal était fait. Ce fut le cas de Jinxi (zhen, Jiangsu) dont les dirigeants ne tinrent pas compte des avis des spécialistes au début des années 1980, mais qui, dès 1995, regrettèrent leur choix en constatant que Zhouzhuang et Tongli connaissaient une certaine prospérité tout en ayant préservé leur centre ancien. Une zone touristique fut alors aménagée à Jinxi sans lien avec un quelconque patrimoine, et ce qui restait d’édifices anciens fut mis en valeur. D’autres bourgs qui se trouvaient dans une situation similaire ont fait le choix d’aménager des rues pastiches ou de restaurer dans « l’urgence » des résidences anciennes sans faire appel à des architectes.
Le développement du tourisme au niveau national et local
22À partir de 1978, le patrimoine culturel est progressivement perçu comme une ressource pouvant favoriser le développement local, son destin est dès lors irrémédiablement associé au secteur touristique. Dans un premier temps, ce secteur naissant [17] s’adresse essentiellement aux visiteurs étrangers et aucune mesure spécifique n’est adoptée à l’égard du tourisme domestique. L’intention première est alors d’attirer des devises et les investisseurs. Ainsi, entre 1980 et 1988, le nombre de déplacements touristiques internationaux, essentiellement le fait de Chinois d’outre-mer, passe de 4 à 12 millions (Tauney, 2011a, p. 31) [18]. En raison du potentiel économique évident du secteur, celui-ci est intégré au 7e plan quinquennal (1986-1990), et à partir des années des 1990, le tourisme domestique qui jusque-là n’était pas véritablement encouragé devient le principal pilier sur lequel repose le secteur. En 1993, le Conseil des Affaires de l’État demande aux gouvernements locaux de participer activement au développement du tourisme. Ainsi, selon les chiffres officiels, le tourisme domestique serait passé de 280 millions de visiteurs à 640 millions entre 1990 et 1996 [19] (Airey, Chong, 2011, p. 165 ; Taunay, 2011a, p. 41). Cette croissance décidée en plus haut lieu est soutenue par des mesures concrètes : en 1994, une à deux semaines de congés par an sont accordées aux employés ; les jours de vacances augmentent encore les années suivantes. En 1995, les jours de congés hebdomadaires passent à deux jours. À cela s’ajoute une augmentation du niveau de vie d’une couche non négligeable de la société conduisant à l’émergence d’une nouvelle classe moyenne. Les petites villes touristiques, situées à proximité de grands centres urbains, Suzhou et Shanghai pour le cas de Tongli, profitent amplement de ces mutations. Le tourisme est alors vu comme un pôle de croissance permettant de stimuler la consommation intérieure (xie plan quinquennal 2006-2010) et de lutter contre la pauvreté, notamment dans les zones rurales. En 2009, le nombre de touristes/déplacements intérieurs aurait atteint 1, 902 milliard (Airey, Chong, 2011, p. 165).
23Ces mutations ont d’importantes répercussions sur Tongli. Depuis 1994, selon les chiffres officiels, le nombre de visiteurs annuel connaît une augmentation constante : 192 000 en 1994, 441 000 en 1998, 964 000 en 2003 et plus d’un million à partir de 2008. La part du tourisme dans le PIB de la ville connaît une croissance similaire : 10 % du PIB en 1994, 30 % en 1998, 52 % en 2003. Cette dernière augmentation s’explique en partie par un système de tickets d’accès au centre ancien mis en place en 2003. Cette même année, ces tickets ont permis de dégager un revenu de 36 millions de yuan qui ne représentaient cependant que 11,6 % des revenus issus du secteur touristique [20].
24Néanmoins, la massification du tourisme exerce une forte pression sur le centre ancien de Tongli d’une superficie de 0,68 kilomètre carré pour 10 000 habitants environ. Les week-ends de grande affluence, Tongli accueillerait plus de 10 000 visiteurs par jour. Les petites boutiques destinées aux touristes prolifèrent, les articles qui y sont proposés, souvent de piètre qualité et sans véritable lien avec la culture locale, se retrouvent sur n’importe quel site touristique de la région ou même de Chine. Les propriétaires de ces boutiques sont rarement originaires de Tongli et possèdent des commerces du même type dans d’autres localités. Les cafés se multiplient, à Zhouzhuang, un Starbucks a même ouvert en juillet 2013 (Zhe, 2014, p. 190) ce qui paraît en totale contradiction avec la volonté affichée de mettre en valeur l’identité locale. Les attractions proposées, essentiellement axées sur la consommation, sont similaires d’une ville à l’autre, ce qui conduit à une uniformisation des petites villes touristiques de la région voire au-delà, et les transforment en « heritage shopping centers » (Fan et al., 2009) [21].
25La pression exercée par le tourisme est prise en compte dans le discours officiel, il est cependant difficile de percevoir les mesures adoptées pour contenir le problème tant la pression est forte. Dès le début des années 2000, le gouvernement local de Tongli, conscient qu’une trop forte fréquentation mal maîtrisée pouvait ternir l’image du bourg, entendait contrôler les flux touristiques en diversifiant les sites [22]. Cette diversification fut en partie réalisée puisque Tongli propose désormais un grand parc écologique et prévoit l’aménagement d’un parc culturel et fluvial, ce qui lui permettra aussi de distinguer son offre de celle des autres villes.
26Globalement ces dernières décennies, ces localités se sont lancées dans une fuite en avant caractérisée par une quête de profit qui passe par une augmentation du nombre de visiteurs. Malgré une volonté de créer des emplois dans le secteur tertiaire, les habitants ne sont pas forcément les premiers bénéficiaires des retombées économiques. De nombreuses études conduites en Chine ont montré que les habitants restaient bien souvent les grands perdants de la mise en tourisme de leur environnement quotidien (McKhann, 2001 ; Leicester, 2008 ; Ryan et al., 2009, p. 252 ; Svensson, 2010) et en venaient à tenir un rôle de simples « figurants » (Ged, 2010, p. 7). Dès 2003, un rapport soulignait que seuls les habitants du centre ancien de Tongli avaient une chance de voir leur situation économique s’améliorer ; pour les autres, le tourisme n’aurait aucun impact sur leur vie [23].
27L’enquête qualitative que nous avons réalisée entre 2003 et 2005 auprès de 70 habitants résidant dans le centre historique montre qu’une grande majorité d’entre eux se montraient insatisfaits de la politique touristique conduite par la localité. Ils se sentaient à la fois mis à l’écart des bénéfices générés par le secteur et exclus du développement, voire de la modernité des zones résidentielles ou industrielles extérieures au centre ancien. À l’époque, il était interdit aux habitants dont la maison donnait sur un quai de servir des repas sur le pas de leur porte, mais ils passaient outre cette interdiction. À la même époque, en 2003, le centre ancien devint une « gated old town » (Nyíri, 2006, p. 74) avec un accès payant ce qui ne fit que renforcer le sentiment de relégation chez les résidents, en particulier chez ceux qui ne tiraient aucun profit du tourisme (Bellocq, 2010) (photo. 3).
« Afin de garantir la sécurité des touristes et de créer un environnement touristique pittoresque, satisfaisant et agréable, la circulation des véhicules motorisés est interdite. Merci de votre coopération ! »
« Afin de garantir la sécurité des touristes et de créer un environnement touristique pittoresque, satisfaisant et agréable, la circulation des véhicules motorisés est interdite. Merci de votre coopération ! »
Ce panneau résume à lui seul la place réservée aux habitants du centre ancien dans la mise en tourisme de Tongli.28Aujourd’hui, même si les boutiques sont toujours principalement entre les mains de personnes extérieures à la localité, il semble en être autrement des maisons d’hôtes. D’après nos informations, seuls les résidents de Tongli sont autorisés à ouvrir ce type d’établissements. À présent, le centre ancien en compte 188, contre 13 en 2000 et 38 en 2011 [24]. Les petits restaurants bordant les quais sont mieux acceptés et commencent à être intégrés à l’identité du bourg, et par-là, à l’« expérience touristique » au même titre que la visite des résidences mises en valeur (photo 4).
Restaurants et boutiques touristiques le long d’un canal
Restaurants et boutiques touristiques le long d’un canal
La mise en tourisme de Tongli
29Après avoir présenté la mise en place de la politique patrimoniale et touristique de Tongli et le contexte national dans lequel celle-ci s’opérait, nous allons maintenant analyser la mise en tourisme du centre ancien et les différentes stratégies employées en vue d’accroître son attractivité. À cette fin, une société en charge du développement du tourisme est mise sur pied en 1998.
La Société pour le développement du tourisme international de Tongli (Suzhou) [25]
30Ce type de sociétés, que l’on retrouve dans de nombreuses petites villes touristiques, a vu le jour avec la décentralisation. Cette dernière a eu pour effet d’accroître le pouvoir des gouvernements locaux tout en leur demandant de générer leurs propres ressources [26]. La société en charge du développement du tourisme de Tongli gère et fait la promotion des ressources touristiques locales. Par son statut, cette société dépend directement du gouvernement local dont elle doit appliquer la politique touristique. Son équipe était ainsi originellement constituée de cadres mandatés par le gouvernement local, ayant une fonction au sein de la mairie. Elle a cependant recours à des financements privés et dispose de quatre filiales laissées entre les mains d’investisseurs privés qui, bien que disposant d’une certaine liberté d’action, restent sous sa responsabilité [27].
31La société du tourisme joue un rôle central dans la mise en valeur de Tongli. C’est elle qui, par la publication de monographies, la promotion de certains produits locaux et de légendes, l’organisation d’événements culturels, la formation des guides, la communication vers l’extérieur, fait de Tongli un produit touristique attractif. C’est également cette société qui recouvre les recettes dégagées de la vente des tickets d’accès au centre ancien. Elle participe aussi à la production de sites touristiques et développe actuellement, par l’intermédiaire de l’une de ses filiales, de nouveaux sites à caractère écologique, avec pour objectif l’évolution de l’image de Tongli. En 2004, un employé du bureau du patrimoine nous a déclaré que son service gérait le patrimoine existant alors que la Société du tourisme cherchait à développer des sites disparus ! Ce fut le cas par exemple du site Zhenzhuta sur lequel nous reviendrons. Les investissements conjoints de la Société en charge du tourisme (66 %) et d’un promoteur immobilier de Suzhou (34 %) ont permis la restauration et l’exploitation de ce site qui, d’après les témoignages d’habitants âgés et un document interne, fut en grande partie détruit, durant les années 1960 et 1970, par l’installation de petites usines, un incendie mais aussi l’intervention des gardes rouges.
32D’autres dispositifs ont été mis en place pour étendre la notoriété du bourg. En 2004, le musée de l’érotisme de Shanghai a été transféré dans une ancienne école de Tongli bâtie en 1906. L’accord signé prévoyait une mise à disposition des locaux pour une durée de dix ans et le partage en parts égales des recettes de la vente de billets. L’installation de ce musée laissa les habitants perplexes, les locaux utilisés étant ceux d’une ancienne école pour jeunes filles dans la cour de laquelle se trouve une stèle commémorative labellisée « base d’éducation patriotique » ! Le coup de publicité dû à cette installation est incontestable, puisqu’il a suscité la publication d’un grand nombre d’articles dans la presse. De plus, il s’agissait d’un moyen efficace de distinguer Tongli dans la concurrence à laquelle se livrent les petites villes touristiques de la région.
Mise en scène d’une identité locale renouvelée
33Bien que les petites villes d’eau du Jiangnan présentent un certain nombre de caractéristiques communes, elles tentent de valoriser une identité propre à chacune, conformément aux préconisations des spécialistes auxquels est confiée la planification urbaine (Ruan, 2000, p. 12). Zhouzhuang fait ressortir la prospérité de la ville commerçante qu’elle était, Tongli valorise les résidences avec jardin et le raffinement de leurs propriétaires, Wuzhen l’ancienne demeure de Mao Dun, ses pavillons au bord de l’eau etc.
34Dans les brochures, monographies touristiques et documents officiels du Centre du Patrimoine mondial, Tongli est essentiellement caractérisé par ses édifices datant des dynasties Ming et Qing, ses anciennes résidences de familles riches et influentes, ses canaux et ses ponts, ses légendes et coutumes, mais aussi sa tranquillité et ses habitants qui vivraient de « manière simple comme autrefois » en harmonie avec leur environnement (Yan, 1998, p. 4). Les notions d’harmonie, de tranquillité et de simplicité se retrouvent d’ailleurs dans le nom donné aux sites à visiter. En effet, parmi les résidences mises en valeurs, on trouvera les résidences Tuisi (« se retirer pour réfléchir »), Gengletang (« cultiver sa terre pour obtenir le bonheur »), Jiayintang (« l’ombre où trouver le bonheur »). Il y a encore trente ans, les habitants désignaient ces demeures par le nom de leurs anciens propriétaires. Sous Mao, les ponts du bourg étaient baptisés Remin qiao (pont du Peuple), Hongqi qiao (pont du Drapeau rouge), mais aujourd’hui la principale rue commerçante dévolue aux touristes est nommée rue Ming Qing, du nom des deux dernières dynasties, stigmatisées comme symbole du féodalisme dans les années 1950-1960. Nous pourrions voir ici une réhabilitation symbolique d’un ordre passé autrefois condamné avec violence, mais aussi l’effacement des décennies maoïstes durant lesquelles les symboles mis en valeur aujourd’hui ont été largement pris pour cible (Bellocq, 2006). Il s’agit avant tout de construire une image pittoresque et attractive de la ville qui fait peu de cas de l’authenticité historique, en omettant notamment dans son récit la période maoïste. Alban Bensa écrit : « Lorsque sites, parcours, vestiges d’autrefois sont retrouvés, décapés, remis à neuf sous prétexte d’être rétablis dans leur gloire d’antan, une autre histoire commence, celle qu’on va fabriquer au terme d’un vaste travail de restauration qui fait le plus souvent feu de tout bois » (Bensa, 2001, p. 2). Au sujet du patrimoine ouvrier mis en valeur, en France, Henri-Pierre Jeudy (1986, p. 9) parle d’« un idéal de la mémoire “rose” » qui efface les moments difficiles.
35La mise en tourisme de Tongli s’accompagne aussi d’une reconfiguration du centre ancien. En effet, dans les années 2000, les commerces de proximité ont quitté le secteur historique [28] pour s’installer dans des rues nouvellement aménagées à l’extérieur de celui-ci et de préférence à proximité du marché qui a été aussi déplacé (fig. 3). Les différents services publics qui étaient présents dans le secteur historique (école, commissariat, mairie, etc.) ont connu un destin similaire et se trouvent désormais dans les nouveaux quartiers. Progressivement, les fonctions du centre ancien se sont tournées exclusivement vers le tourisme et de nombreux aménagements ont été réalisés dans ce sens : création de trois parkings à proximité de la zone touristique [29], enfouissement des lignes électriques, construction de ponts en arc pastiche de l’ancien [30], réouverture en 1997 de deux canaux qui avaient été comblés dans les années 1970, investissement des quais par les terrasses de petits restaurants, ouverture aux touristes, après restauration, voire reconstitution, des résidences qui abritaient autrefois des services publics, uniformisation des normes esthétiques « traditionnelles ». L’adoption de ces dernières dépasse le périmètre du centre ancien et se retrouve dans les rues permettant l’accès à celui-ci. Elles sont bordées de bâtiments récents reprenant des éléments de l’architecture vernaculaire, c’est notamment le cas de la rue Zhongchuan qui a été percée en 1986, afin de relier le centre ancien à l’axe routier assurant la liaison avec Wujiang et Suzhou. Par ailleurs, certains ilots datant des années 1950-1960-1970 ont été détruits, des zones commerçantes touristiques y ont été aménagées avec un bâti s’inspirant des formes traditionnelles. Dans la lignée de cette surenchère « traditionnelle », les principaux axes conduisant au centre historique sont marqués, à leur entrée, par un portique de style ancien. Cependant, ces aménagements semblent peu concerner les habitants du centre ancien. En effet, lors d’observations réalisées en 2004 et 2010, nous avons constaté que ces derniers ne fréquentaient pas les commerces nouvellement ouverts à proximité de chez eux et préféraient faire leurs courses dans les quartiers récents. Leurs parcours d’habitués montraient aussi une tendance à éviter les axes empruntés par les touristes, quitte à favoriser un trajet moins direct.
36La monoactivité du centre ancien se matérialise par le périmètre marqué par le droit d’entrée auquel sont soumis les visiteurs. À l’intérieur de celui-ci, l’atmosphère peut paraître quelque peu artificielle : tenues « traditionnelles » imposées aux employés des musées et aux bateliers par la Société du tourisme, amarrage d’une embarcation avec un cormoran et des filets de pêche, palanquin dans lequel il est possible de se faire photographier, canaux réservés à l’usage d’embarcations touristiques, etc. (photo. 5). La fabrication de cet objet patrimonial, de ce produit touristique peut aller plus loin encore, avec la construction d’édifices pastiches comme c’est le cas du temple sur l’île Luoxing (Becker, 2004), de la résidence Zhenzhuta ou encore de certains ponts et quartiers. Il arrive que les gouvernements locaux franchissent un pas supplémentaire en décidant de vider partiellement (Zhouzhuang) ou en totalité (Wuzhen) de leurs habitants les secteurs historiques. Les édifices laissés vacants sont alors transformés en restaurants, boutiques, musées, ateliers de forgerons, de tissage, etc. [31]
Embarcation touristique sur un canal du centre ancien rouvert en 1997
Embarcation touristique sur un canal du centre ancien rouvert en 1997
Au premier plan, le pont Wujin qui a été déplacé de la campagne pour être remonté dans le centre ancien.37Plusieurs enquêtes réalisées auprès de touristes de passage à Tongli ou Zhouzhuang (Fan et al., 2009, p. 106 ; Zhe, 2014, p. 252 ; Lei, Zhang, 2016, p. 943) font état d’un niveau de satisfaction assez faible quant à l’expérience touristique dans ces deux localités. Ce sentiment d’insatisfaction provient essentiellement d’une mise en tourisme excessive de ces deux centres historiques, et d’une fréquentation touristique qui semble hors contrôle. Autre critique, les bourgs du Jiangnan ne se distingueraient pas suffisamment les uns des autres, ce qui génèrerait une lassitude chez les visiteurs. Les municipalités, conscientes des effets négatifs sur leur image, tentent de trouver la parade. Afin de se distinguer et ainsi de mieux résister à la concurrence à laquelle se livrent les petites villes de la région, Tongli tente de diversifier ses sites touristiques et d’organiser des événements culturels. En 2010, lors d’un entretien accordé à un journaliste, Fan Jianlong, le Secrétaire du Comité du Parti de Tongli, présentait le tournant que s’apprêtait à prendre le développement du tourisme de sa ville. Deux plans ont été élaborés et l’orientation prise est celle d’un tourisme de villégiature haut de gamme et/ou international plutôt que d’excursion et de masse [32]. Afin d’attirer ces visiteurs d’un nouveau genre, un tourisme « vert » et rural est appelé à voir le jour. Cette orientation reste en accord avec l’idée d’harmonie, de tranquillité et de simplicité qui caractériseraient Tongli. Des aménagements dans ce sens ont été prévus à l’extérieur de la vieille ville, notamment des parcs d’envergure mêlant « culture agricole et écologie » [33]. Les autorités locales souhaitent désormais s’adresser à une classe urbaine aisée soucieuse des questions environnementales [34]. L’offre hôtelière évolue progressivement vers ce type de clientèle en proposant des prestations au design soigné mêlant des éléments occidentaux et asiatiques. Le musée de l’érotisme installé dans l’ancienne école de jeunes filles a laissé place à un hôtel de la chaîne Blossom Hill [35], également présente à Lijiang et à Shangrila (Yunnan), destinations prisées des citadins en quête d’air pur et de tranquillité.
38L’industrie touristique à Tongli opère donc un tournant. Avec six lacs à proximité, Tongli semble disposer de certains atouts pour mener à bien cette transition. Mais avec l’arrivée du métro à Tongli en avril 2017, il risque d’être difficile de contrôler les flux touristiques.
Patrimoine, tourisme et authenticité
39Par ailleurs, en Chine, les références culturelles prévalent bien souvent sur l’historicité d’un édifice ou les caractéristiques scientifiques d’un parc naturel (Fung, Sofield, 2009). En effet, à travers les siècles, s’est constitué un corpus de sites rendus célèbres (mingsheng) par les écrits et les représentations de lettrés, de poètes et de peintres. Lorsque d’autres lettrés voyageurs se rendaient sur l’un de ces sites, ils aspiraient avant tout à retrouver ce qu’ils connaissaient déjà par les peintures ou les poèmes, et pouvaient à leur tour user de leur talent pour décrire l’émotion ressentie sur le site (Nyíri, 2006, p. 9-14 ; Leicester, 2008, p. 226-227 ; Taunay, 2011a, p. 55-59 ; Sherpherd, Yu, 2013, p. 6). Pál Nyíri parle « d’une grammaire culturelle partagée » (Nyíri, 2006, p.12) pour définir ces références communes, c’est-à-dire ces poèmes, textes, légendes et peintures associés aux sites célèbres. Au début des années 1980, cet imaginaire des voyages lettrés a été repris par l’industrie touristique, si bien qu’un cadre de références répertoriant les sites célèbres a été mis sur pied, puis actualisé en 1990, afin de répondre au développement rapide du tourisme. Aux sites nouvellement ajoutés, sont alors associées des références culturelles et des coutumes bien souvent inventées et les sites, plutôt que d’être présentés par le biais de leur histoire, le sont par ces références communes (Nyíri, 2006, p. 36 ; Yang, Chen, 2009). Ainsi la nature, un paysage, un lieu s’apprécient au moyen d’un imaginaire collectif comprenant des références picturales, littéraires ou légendaires et ce que l’on voit passe au second plan, l’essentiel étant de retrouver le paysage décrit ou représenté dans un écrit ou une peinture. Ainsi, un tableau de Chen Yifei, peint en 1984, qui représente deux ponts de Zhouzhuang a permis à la localité de gagner en notoriété lorsque celui-ci a été offert à Deng Xiaoping, alors en visite aux États-Unis. Dans le cas de Tongli, la renommée initiale du bourg doit beaucoup aux films qui y ont été tournés à partir de 1983.
40En s’inscrivant dans cette même logique, le gouvernement local de Tongli via la Société du tourisme s’est attaché à construire une représentation du bourg transmise par les monographies touristiques, la signalétique de certains musées, mais aussi par des traditions et des légendes, remises au goût du jour ou parfois inventées (Bellocq, 2006). Prenons l’exemple de la légende Zhenzhuta (La Pagode de perles) régulièrement représentée sous forme d’opéra et dont le message est, comme aiment à le rappeler les habitants, qu’« ils ne faut « jamais mépriser les pauvres, un pauvre peut devenir riche ». Cette histoire a été « exploitée » à partir de 2003 au moment de l’ouverture au public, après restauration mais surtout reconstitution, de la résidence dans laquelle elle se serait déroulée et qui porte désormais son nom. Rien n’atteste de l’authenticité du lieu, bien au contraire. En 1986, Fei Xiaotong (Fei, 1986, p. 24) écrit que, « selon ce qui se dit », la légende de la Pagode de perles se serait déroulée dans la résidence Tuisi. En revanche, dans la monographie de Yan Pinghua, parue en 1998, Zhenzhuta est également mentionnée, mais localisée sur un autre site de Tongli. Avant 1999, sur les plans touristiques, le site actuel de Zhenzhuta apparaissait sous le nom, « Bibliothèque de Chen Cai’e ». Tous ces tâtonnements, avant de parvenir à fixer la légende dans la résidence de Chen Cai’e, témoignent d’une détermination à ancrer cette histoire à Tongli. Selon d’autres sources, l’action de cette légende se serait déroulée dans les provinces du Hunan et du Hubei. Cette pratique consistant en la mise en valeur ou en l’aménagement d’une résidence sur la base d’un récit fictif ou historique est courante. En effet, P. Nyíri relève que le Pavillon des Orchidées, qui fait référence à un recueil de poèmes du ive siècle, a été reconstitué dans la province du Zhejiang sans certitude quant à l’authenticité de l’emplacement (Nyíri, 2006, p. 12). Le récit est alors prééminent et présente plus d’intérêt et de valeur que l’authenticité architecturale et la réalité du lieu. Associer Tongli à des légendes, et de préférence, des légendes jouissant d’une certaine popularité vise à attirer des visiteurs par le biais d’une référence culturelle partagée. Les divergences de conception entre la Chine et l’Occident à ce propos peuvent se retrouver dans les commentaires laissés sur le site TripAdvisor au sujet de Zhenzhuta : pensant visiter une pagode [36], les touristes occidentaux se sentent floués et font part de leur déception ; en revanche aucun commentaire similaire n’apparaît de la part de touristes chinois, la légende Zhenzhuta appartenant à leur « grammaire » pour reprendre l’expression de Pál Nyíri.
41Les différentes légendes et coutumes associées à Tongli viennent ainsi compléter le produit touristique et s’inscrivent dans une conception du « voyage » spécifique à la Chine. Mais il faut souligner que lors de notre étude nous avons constaté que les résidents locaux étaient plus à même de s’approprier ce patrimoine immatériel, inventé ou réinventé, qu’ils ne manquaient pas d’évoquer au moment de nos entretiens, que le bâti mis en valeur. Comme l’indique Erik Cohen (1988, p. 374) en s’appuyant sur les travaux de Dean MacCannell (1973), l’authenticité, plutôt que d’être une notion figée, est une notion négociable, construite socialement (Sofield, Li, 1998). D’une part, le niveau d’authenticité recherché varie selon les catégories de touristes, et d’autres part les produits touristiques peuvent acquérir une signification auprès des résidents et devenir alors un élément de l’identité locale. E. Cohen (1988, p. 382) écrit : « In many situations of commoditization, the performers themselves do not necessarily perceive that such a transformation had in fact occured. Rather, despite the changed context, they may perceive an often astonishing degree of continuity between the old and the new situation [37] ». C’est ce que Tim Oakes (1998) a également pu observer dans des villages Miao et Dong de la province du Guizhou, villages convertis au tourisme sous l’impulsion des pouvoirs public.
42Nous pouvons étendre au bâti cette réflexion sur une authenticité malléable et construite socialement. En effet, l’authenticité relative des édifices anciens, reconstruits ou reconstitués, ne semble pas poser de problèmes aux touristes chinois (Leicester, 2008 ; Taunay, 2011a) [38]. Ces reconstructions ou reconstitutions semblent au contraire perçues comme un moyen d’assurer une forme de continuité, cela est notamment le cas pour les temples (Arlt, Xu, 2009, p.172-173 ; Shepherd, Yu, 2013, p. 36). À ce propos, à partir de l’exemple des temples japonais reconstruits périodiquement, Henri-Pierre Jeudy (2003, p. 24), s’interroge sur la notion d’authenticité telle qu’elle est conçue en Europe, il écrit : « […] faire croire qu’en restaurant un bâtiment, on le conserve tel qu’il a été alors qu’on pratique l’opération contraire puisque l’on le dénature en idéalisant son immuabilité temporelle. […] ce qu’on conserve alors n’est qu’un ensemble ayant subi une restauration précédente. Processus sans fin, la restauration ne conserve que ce qui a déjà été restauré ». De ce point de vue, les édifices protégés en Europe ne présentent pas davantage d’authenticité que les édifices reconstruits périodiquement au Japon, ou même, reconstitués en Chine.
Conclusion
43Tongli incarne un des modèles répandus de préservation du patrimoine et de développement du tourisme dans les petites villes de Chine, modèle dans lequel les gouvernements locaux, qui répondent à des orientations nationales, jouent un rôle prédominant facilité par le système de propriété des biens immobiliers. La préservation du patrimoine s’adresse ici, en premier lieu, à un regard extérieur, celui du touriste, perçu avant tout comme un acteur de la consommation intérieure. Le bâti mis en valeur devient alors un produit de consommation comme un autre, qu’il convient de promouvoir notamment au travers de rites, histoires et légendes destinés aux visiteurs. Les habitants se trouvent relégués au second plan, les sélection, mises en forme et reconstructions nécessaires à la préservation du patrimoine (Shepherd, Yu, 2013, p. 47), opérées ici par les autorités locales, étant quasi-exclusivement au service du développement du tourisme. Depuis quelques années, ce modèle semble faire face à ses limites en raison de la mise en péril des centres anciens soumis à une pression touristique excessive. De plus, la surexploitation et l’uniformisation auxquelles il conduit tendent à lasser les visiteurs. Se posent alors deux questions : peut-on véritablement parler de protection du patrimoine, lorsque celui-ci est considéré comme une ressource et destiné à devenir un produit de consommation ? Peut-on préserver des spécificités patrimoniales lorsque le développement du tourisme conduit à une uniformisation ?
44Tongli cherche à renouveler son modèle de développement et à anticiper ce revers en ciblant désormais un tourisme haut de gamme, une classe aisée internationale soucieuse des questions environnementales. Cette nouvelle orientation ne v-a-telle pas permettre à Tongli de renouer encore un peu plus avec son passé en devenant de nouveau un lieu de retraite privilégié d’une classe urbaine aisée désireuse de fuir l’agitation et la pollution des mégapoles ? Mais en intégrant davantage Tongli à la métropole de Suzhou, l’arrivée du métro ne risque-t-elle de compromettre ce dessein ?
Remerciements
À Anne-Marie Meyer pour la réalisation des cartes.Références
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Mots-clés éditeurs : Chine, patrimoine, gouvernement local, tourisme
Date de mise en ligne : 22/01/2018
https://doi.org/10.3917/eg.464.0346Notes
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[1]
Jiangnan signifie « Sud du fleuve Yangzi » et désigne plus spécifiquement une aire géographique comprenant le Sud des provinces du Jiangsu et de l’Anhui et le Nord du Zhejiang et du Jiangxi.
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[2]
Wujiang avait alors rang de district (xian) avant d’acquérir le statut de municipalité (shi) en 1992 puis celui d’arrondissement (qu) relevant de Suzhou en 2012. Ces changements successifs de statut témoignent de l’urbanisation de Wujiang, puis de sa plus grande intégration à la métropole de Suzhou, qui se matérialise par l’arrivée de la ligne de métro no 4 dont le terminus se trouve à Tongli (fig. 2). Celle-ci a été inaugurée le 15 avril 2017.
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[3]
Jusqu’au début des années 1950, Tongli n’était accessible que par voie d’eau.
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[4]
Tout comme le pont Changqing, la résidence Gengle a été aménagée milieu du xve siècle sous la dynastie des Ming mais a été reconstruite (chongjian) sous la dynastie des Qing et restaurée au début des années 2000. La période de construction de certains édifices est donc à relativiser. La résidence Tuisi quant à elle a été aménagée à la fin de la dynastie des Qing.
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[5]
Il s’agit des cinq bourgs (zhen) suivants, Zhouzhuang, Luzhi, Wuzhen, Nanxun et Xitang.
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[6]
Comité national pour les réformes et le développement, ministère de la Construction, Bureau national du patrimoine, Quanguo « shiyi wu » lishi wenhua mingcheng mingzhen mingcun baohu shishi jianshi guihua (plan d’aménagement et de protection des villes, bourgs et villages historiques du 11ème plan national), novembre 2007, 17 p.
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[7]
L’étude de terrain sur laquelle s’appuie ce travail a été réalisée dans le cadre d’un doctorat soutenu en 2005, et s’est prolongée ensuite jusqu’en 2010 lors de séjours réguliers à Tongli. Nous avons effectué plus soixante-dix entretiens auprès de la population du centre ancien, des dirigeants locaux, du personnel des services en lien avec l’habitat, la préservation du patrimoine, le développement du tourisme. Le choix de notre étude s’est porté sur Tongli en raison de nos liens avec l’Observatoire de l’architecture de la Chine contemporaine qui coordonnait à l’époque un programme de coopération avec l’université de Tongji sur la préservation des petites villes du Jiangnan.
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[8]
« Ville d’eau » désigne ici ces petites villes du Jiangnan dont la trame urbaine est marquée par la présence de nombreux canaux.
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[9]
Au sujet du professeur Ruan Yisan voir Hecht, 2010.
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[10]
Les démarches de Ruan Yisan ne se limitèrent pas aux provinces du Jiangsu et Zhejiang. Ruan Yisan est également à l’origine de la préservation de Pingyao (province du Shanxi) aujourd’hui classé Patrimoine mondial : Pingyao zhizhan (La bataille de Pingyao), in Nanfang Zhoumo, 28 novembre 2002.
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[11]
Municipalité à laquelle est rattachée Zhouzhuang.
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[12]
En 1986, une subvention est également octroyée pour l’élaboration du plan de protection de Luzhi.
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[13]
Le plan de Tongli fut élaboré par l’équipe du professeur Zhou Jian (Institut d’urbanisme de l’université Tongli, Shanghai) dans le cadre d’un programme de coopération franco-chinois (Marinos, 2010).
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[14]
Il s’agit de l’ancienne demeure avec jardin d’un grand propriétaire foncier chassé à l’arrivée des communistes au pouvoir. Elle fut alors occupée par différents services locaux, une usine etc.
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[15]
Chen Qubing est un poète et essayiste qui prit part à la Révolution de 1911.
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[16]
Le centre historique est alors classé au même titre qu’un monument isolé (Jiangsu sheng wenwu baohu danwei).
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[17]
Entre 1949 et 1978, le tourisme était quasiment absent de Chine et perçu comme une pratique bourgeoise.
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[18]
Dans les bourgs du Jiangnan dans les années 1980-1990, le tourisme est essentiellement domestique, mais à partir des années 2000 le nombre de touristes étrangers augmente, à Tongli ils représenteraient plus de 30 % des visiteurs.
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[19]
Les statistiques officielles chinoises sont à manier avec précautions en raison de leur manque de fiabilité. Les chiffres sur le tourisme ou « voyages » intérieurs sont à relativiser en raison l’absence de distinction établie entre les motifs des déplacements comptabilisés. En effet, les voyages d’affaires, les voyages pour raison familiale et les voyages de loisir sont pris en compte de manière indistincte dans ces chiffres. Aucune différence n’est également établie concernant la durée du déplacement, touristes et excursionnistes y sont ainsi confondus (Taunay, 2010, p. 5 ; Taunay, 2011a, p. 42-45 ; Leicester, 2008).
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[20]
Ces chiffres sont issus d’un document interne de la Société en charge du tourisme à Tongli obtenu en 2004 et de Ji Dongsheng, Tongli Lüyou fazhan licheng, Bureau des annales de Tongli (document sans date de publication).
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[21]
Le shopping tient une place importante dans la pratique touristique en Chine (Taunay, 2011, p. 105)
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[22]
Entretien réalisé auprès du secrétaire du Parti de Tongli en avril 2004.
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[23]
À la fin des années 1990, les entreprises d’État ont périclité laissant sans emploi une large part de la population.
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[25]
Suzhou Tongli guoji lüyou kaifa youxian gongsi.
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[26]
Pour Luzhi, voir Fan et al., 2009, p. 113, pour Wuzhen, voir Svensson, 2010, p. 214, et pour Zhouzhuang, voir Zhe, 2014, p. 185.
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[27]
Pour plus de détails concernant le fonctionnement de ce type de sociétés, voir Nyíri, 2006, p. 71 ; Shepherd, Yu, 2013, p. 50-51.
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[28]
Nous désignons ici par centre ancien tout le secteur rendu accessible par l’achat d’un ticket d’entrée.
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[29]
Dans une prochaine étude, il conviendra d’appréhender l’impact de la ligne de métro reliant Tongli, Wujiang et Suzhou depuis avril 2017. Même si celle-ci se trouve à un peu plus de deux kilomètres du centre ancien elle devrait contribuer à faciliter l’arrivée des visiteurs et l’installation d’actifs travaillant en ville.
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[30]
Le pont Wujin (1811) a été déplacé de la campagne vers le centre ancien en 1998.
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[31]
Les centres anciens sont souvent très densément peuplés en raison de la réquisition, dans les années 1950 et 1960, d’une partie des résidences appartenant à de riches propriétaires. Ces résidences ont été divisées et occupées par plusieurs familles alors qu’à l’origine elles n’en abritaient qu’une seule mais élargie. Le gouvernement local de Tongli souhaiterait dédensifier le centre ancien, mais se pose la question du relogement des résidents concernés et des droits de propriétés ; conformément à la loi, certaines de ces résidences devraient être restituées à leur propriétaire d’origine (Cao, 1995).
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[32]
L’enquête de Li YaBing, Zhang Jie et Chen You Jun réalisée entre 2003 et 2006 montrait que les visiteurs restaient en moyenne sur place 3,2 heures à Tongli et 4,6 heures à Zhouzhuang.
- [33]
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[34]
Depuis quelques années, on assiste en Chine à des « migrations environnementales » qui poussent de nombreux citadins à s’installer définitivement ou temporairement dans de petites villes, notamment dans la province du Yunnan.
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[35]
Les prix des chambres varient de 605 à 2880 yuans la nuit pour deux personnes.
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[36]
La pagode dont il est question dans la légende est une pagode miniature faite de perles.
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[37]
En français : « Souvent, dans des situations de marchandisation, les résidents locaux dont les traditions sont mises en scène et qui prennent part à cette mise en scène ne perçoivent pas nécessairement les transformations qui se sont produites. Au contraire, malgré les changements, il se peut qu’ils perçoivent un degré de continuité surprenant entre l’ancienne et la nouvelle situation ».
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[38]
De plus en plus de touristes chinois se montrent sensibles à l’idée de patrimoine et d’authenticité telle conçue en Occident (Taunay, 2011b, p. 146).