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Article de revue

Chemins de civilisation ?

Le rail dans les politiques territoriales en Afrique du Sud

Pages 338 à 355

Notes

  • [1]
    Les populations non-blanches font référence aux populations noires, métisses et asiatiques, selon la catégorisation faite par le gouvernement d’apartheid.
  • [2]
    La South African Railway est la première agence de transport ferroviaire nationale créée en 1911. Elle devient en 1922 la South African Railway & Harbour lorsque le gouvernement lui délègue le contrôle des infrastructures portuaires.
  • [3]
    Ce travail a été réalisé dans le cadre d’une thèse financée par l’Erc GeoDiverCity (porteur Denise Pumain) et de l’anr Harmonie-Cités (porteur Anne Bretagnolle), au sein de l’umr 8504 Géographie-cités.
  • [4]
    De ce point de vue, l’Afrique du Sud se distingue d’autres pays africains en étant non seulement une colonie d’exploitation mais également une colonie de peuplement, donnant lieu à un semis de villes régulier, en particulier autour du Cap (Davies, 1972 ; Vacchiani-Marcuzzo, 2005).
  • [5]
    Jean-Jacques Bavoux définit le réseau ferroviaire extraverti comme une organisation circulatoire élémentaire répondant à des besoins de convoyage entre une aire de production de matière première et un port exportateur.
  • [6]
    L’indice de connexité renseigne sur la capacité d’un réseau à « mettre en relation tous les nœuds du territoire qu’ils desservent » (Pumain, Saint-Julien, 2010). Il se construit en rapportant le nombre d’arêtes au nombre de sommets qui constituent le graphe et permet de mesurer le degré d’achèvement d’un réseau ou les possibilités qui demeurent pour l’étoffer.
  • [7]
    En réalité il s’agit d’une république et d’un État : la République du Transvaal et l’État libre d’Orange.
  • [8]
    Cette appellation de « finisterre » est empruntée à Pierre Gourou (1982).
  • [9]
    La ville du Cap est appelée ville-mère, ou « mother city » car ce fut la première ville fondée par les Européens dans l’Afrique du Sud moderne, et le point de départ de la conquête du sous-continent.
  • [10]
    Le centre de gravité du réseau ferroviaire est un point qui a pour coordonnées la moyenne arithmétique des coordonnées de l’ensemble des stations composant le réseau à chaque date (Pumain, Saint-Julien, 2010).
  • [11]
    Le même phénomène s’observe dans d’autres grandes villes d’Europe ou aux États-Unis. À Paris, les premières lignes rejoignent l’ouest de la ville, notamment Saint-Germain-en-Laye où se situent les quartiers aisés.
  • [12]
    Extrait de la commission d’enquêtes Stanford, nommée par le gouvernement en 1900 pour étudier les possibilités d’un quartier ségrégé au Cap, in Houssay-Holzschuch, 1999.
  • [13]
    Les compounds étaient des dortoirs collectifs situés dans l’enceinte des complexes industriels et miniers.
  • [14]
    Jusqu’en 1985 la première classe suburbaine est uniquement accessible à la population blanche.
  • [15]
    Le braai est l’« équivalent afrikaner du barbecue dominical, prétexte à un regroupement familial et communautaire » (Guillaume, 1997).
  • [16]
    A combination of factors such as long distances between major urban centres, the accessibility of the country’s wilderness, and the highly developed state of its renowned nature reserves, had led to the immense popularity of four-wheel drive vehicles, in particular » [« une combinaison de facteurs, tels que les longues distances qui séparent les centres urbains majeurs, la bonne accessibilité des espaces naturels avec des réserves naturelles mises en valeur et réputées, explique que les véhicules à quatre-roues en particulier aient gagné une forte popularité »] (Czeglédy, 2004).
  • [17]
    En 1923 est prononcé l’Urban Act, renforcé sous l’apartheid par le Group Area Act en 1950 qui attribue des zones résidentielles en fonction des différentes races.
  • [18]
    Sur cette question, voir notamment les chansons du jazzman Hugh Masekela et les tableaux du peintre Gerard Sekoto.
  • [19]
    Cette offre différenciée explique dans quelle mesure le corridor aérien Le Cap-Johannesburg est devenu l’un des plus fréquentés du monde en termes de transport passagers, depuis que la libéralisation du transport aérien a introduit des compagnies low-cost.
  • [20]
    D’après 63 entretiens qualitatifs que nous avons menés à bord du train Le Cap-Johannesburg en 2013 et 2014.
  • [21]
    L’empowerment désigne un processus d’acquisition du « pouvoir » (pouvoir de travailler, de décider de sa vie sociale) par un individu, en vue d’exister dans la communauté sans constituer un fardeau pour celle-ci. Au lendemain de l’apartheid, les pouvoirs publics ont largement encouragé ce processus en aidant les Sud-Africains victimes de la ségrégation à développer leurs compétences, notamment à travers des politiques de discrimination positive comme le Black Economic Empowerment qui visent à créer une classe moyenne et supérieure parmi les populations ségrégées.
  • [22]
    Le terme de « transport public » inclut également les minibus. Bien qu’étant plus souvent désigné sous le terme de « transport collectif », car il s’agit d’un transport assuré par une multitude d’opérateurs privés regroupés en « association », nous avons choisi d’inclure ce mode de transport dans la catégorie des transports « publics », car ils font l’objet de politiques de régulation et assurent un service indispensable en Afrique du Sud auprès des individus non-motorisés.
  • [23]
    D’après StatsSA, « Statistics for the City of Cape Town », 2012.
  • [24]
    D’après les entretiens menés auprès de Riana Scott, Head of marketing and communication – Metrorail Western Cape, et Yolanda Meyer, Information specialist – Transnet.

1En 1982, Gordon H. Pirie, géographe sud-africain, reprend les propos de Mark Jefferson (1928), géographe et cartographe américain, pour observer qu’en Afrique du Sud les “civilizing rails” dont parlait l’auteur sont devenus “decivilizing”, en raison de l’exclusion sociale et raciale qu’a entraînée la construction des chemins de fer. Bien qu’initialement le train ait été un mode de transport au service de l’élite coloniale, il est ensuite devenu un objet de dédain pour les populations blanches motorisées, tandis que les populations non-blanches [1], notamment celles des townships, sont demeurées captives des transports publics. Le chemin de fer a ainsi connu un tournant majeur dans son usage par les différents groupes de population, engendrant des recompositions socio-spatiales à l’échelon interurbain et intra-urbain. Or se pose aujourd’hui la question du devenir de ce réseau ferroviaire, pour les autorités tant nationales que métropolitaines. Celles-ci tentent de concilier les politiques redistributives et les impératifs d’ouverture néolibérale dans leur programme de reconstruction post-apartheid, alors que la « polarisation sociale » perpétue les dynamiques héritées de la ségrégation raciale de l’apartheid (Turok, 2001).

2Nous faisons l’hypothèse qu’en Afrique du Sud, plus qu’ailleurs, les logiques et les jeux d’acteurs qui ont présidé à la construction du réseau ferroviaire inter et intra-urbain ont été orientées selon des impératifs d’extraversion économique et de séparation sociale. Le travail que nous présentons ici analyse les relations entre chemin de fer et ville à deux échelons (inter et intra-urbain) et dans le temps long (des années 1860 à nos jours). Il s’appuie sur l’exploration d’une base de données permettant de suivre l’évolution de la forme du réseau ferroviaire (Bretagnolle et al., 2011), sur l’exploitation d’archives de la South African Railway & Harbour (SAR&H) [2], sur la base de données Dysturb (Giraut, Vacchiani, 2009) et sur des entretiens menés auprès des différents opérateurs de transport en Afrique du Sud et des autorités en charge de leur régulation [3].

3À travers l’évolution du réseau ferroviaire, nous analyserons les logiques d’acteurs qui ont guidé la construction d’un réseau ferroviaire extraverti et élitiste à l’échelle interurbaine (1). Nous verrons ensuite que les objectifs de séparation des différents groupes de population ont prévalu sous le régime d’apartheid, en particulier à l’échelle intra-urbaine (2). Enfin, nous montrerons que les mobilités quotidiennes des habitants de métropoles telles que Le Cap et Johannesburg sont, encore aujourd’hui, confrontées à l’héritage de l’urbanisme d’apartheid. Face à cette ségrégation urbaine persistante, les différents acteurs en charge de la planification urbaine et de l’entretien du réseau ferroviaire oscillent entre exigence d’adaptation à l’ouverture néolibérale et volonté de dépasser la fragmentation héritée dans les métropoles post-apartheid (3).

Construire du territoire pour une nation blanche

Le train, instrument d’extraversion coloniale

4L’aventure ferroviaire commence en Afrique du Sud, comme dans d’autres colonies, dans un contexte de domination économique et politique ; le réseau se développe selon une logique d’exploitation des ressources et d’assise territoriale par l’Empire britannique qui vient de conquérir une colonie auparavant hollandaise. La première ligne de transport urbain est construite au Cap en 1860 par les Britanniques, avec la volonté non seulement de contrôler un nouveau territoire colonial et de s’adapter à la modernité, mais surtout de provoquer des retombées économiques. Celles-ci concernent essentiellement la circulation de biens et denrées entre les villes de la colonie, mais aussi l’acheminement des produits d’exportation vers les principaux ports, tels que les plumes d’autruches, la laine ou les produits agricoles.

5Durant les premières décennies, le réseau ferroviaire se développe à l’instar d’autres pays colonisés, notamment africains : des lignes pénétrantes sont déployées afin de relier les ports coloniaux vers les zones de production agricoles et de ressources diverses (Taaffe et al., 1963). Ainsi sont construites les premières lignes autour du Cap, qui rejoignent les principaux points de peuplement déjà établis dans l’arrière-pays [4]. La ville est alors le cœur économique de la jeune colonie, la marchandise étant soit exportée vers la métropole depuis le port, soit redistribuée à l’échelle régionale. C’est également le cœur politique de la colonie, à partir duquel les colons britanniques cherchent à instaurer un contrôle militaire et administratif sur l’arrière-pays (Houssay-Holzschuch, 1999). Outre Le Cap, Port Elizabeth, East London et Durban sont aussi des têtes de pont de réseaux très rudimentaires et non connectés entre eux (fig. 1). Bien que l’exploitation coloniale concerne à cette époque principalement les produits agricoles à proximité du littoral, les découvertes minières à Kimberley (1870) et Johannesburg (1886) permettent d’amorcer un nouveau stade dans la construction du réseau ferroviaire avec la mise en place des grands axes intérieurs.

Fig. 1

Le réseau ferroviaire sud-africain en 1880 et 1900

Fig. 1
Fig. 1

Le réseau ferroviaire sud-africain en 1880 et 1900

Solène Baffi, Umr 8504 Géographie-cités, 2014. ©L’Espace géographique, 2014 (awlb).

6Alors que la colonisation hollandaise n’a pas donné lieu à une « mise en territoire » de l’Afrique du Sud, les Britanniques mènent sur le sous-continent une stratégie de contrôle territorial qui repose en partie sur le chemin de fer, ce que l’on retrouve également dans les processus de conquête menés aux États-Unis, en Australie ou encore en Inde (Mackenzie, 1927). Néanmoins, malgré le prolongement des premières lignes vers l’intérieur du pays, le réseau ferroviaire de la fin du xixe siècle reste un système « extraverti » [5] (Bavoux, 2000). Le but de la Couronne n’est pas de structurer rationnellement l’espace ou de mailler le territoire. En témoigne l’évolution de l’indice de connexité [6], qui s’accroît de 1,05 à 1,07 jusqu’à la fin du xixe siècle, puis stagne à 1,05 jusqu’en 1910 avant de décroître. Ceci est contraire à l’évolution d’autres réseaux ferroviaires, comme en France où il s’accroît régulièrement, passant de 1,2 en 1870 à 1,5 en 1910 (Dancoisne, 1984 in Pumain, Saint-Julien, 2010). Le transport ferroviaire est encore largement orienté vers la circulation des biens au service de l’économie coloniale et cette logique se voit renforcée après l’essor de l’économie minière à la fin du xixe siècle, inscrivant durablement l’extraversion dans la forme du réseau ferroviaire.

Un réseau politique, catalyseur de la guerre puis de l’unité nationale

7Rapidement, l’objectif économique qui préside à la construction du réseau ferroviaire cristallise les tensions politiques et les ambitions de territorialisation qui opposent les républiques boers [7] et les colonies britanniques. En effet, jusqu’en 1910, deux républiques boers et deux provinces britanniques se partagent l’Afrique australe, chacune possédant son propre réseau ferroviaire. Celui-ci devient un enjeu politique majeur après la découverte des gisements miniers du Witwatersrand (chaîne de collines au cœur du Transvaal), pour acheminer la main-d’œuvre, contrôler les exportations et donc les bénéfices. La maîtrise du réseau ferroviaire est un des éléments déclencheurs de la guerre des Boers (1899-1902) qui oppose les deux grandes figures politiques du pays, Cecil Rhodes, gouverneur du Cap, et Paul Kruger, président de la République boer du Transvaal. Au lendemain de la guerre, les réseaux ferroviaires des différentes entités politiques passent peu à peu sous le contrôle britannique, et sont adaptés aux standards de la métropole (écartement des voies notamment).

8La mise en place d’un réseau ferroviaire national traduit une organisation centrée autour de l’État, pour lequel le réseau « solidarise le territoire politique tout en confortant l’échelle de son fonctionnement » (Volvey et al., 2005). En témoigne la création en 1910 de la South African Railways, l’agence de transport ferroviaire, l’année même de la proclamation de l’Union sud-africaine. Cet événement est d’autant plus important qu’à la fin de la guerre, le pays peut être qualifié de « state without a nation » (Beinart, 1994 in Foster, 2003), car il est composé d’un ensemble d’anciennes républiques et colonies, dont les frontières sont labiles et les populations diverses.

9Cette agence de transport devient très rapidement omnipotente, ses politiques influençant chaque aspect de la vie économique et sociale du pays depuis le développement agricole jusqu’au service postal, au marketing commercial du pays, à l’électrification et au développement du transport aérien. L’agence accompagne – voire impulse – les politiques du gouvernement relatives à l’emploi, à la consommation, au logement ou encore à la ségrégation, et devient dans les années 1920 l’une des premières entreprises du pays. Elle emploie plus de 7 % de la population blanche, dont un grand nombre d’Afrikaners ayant quitté les zones rurales à la suite de la crise agricole (Foster, 2008). On peut ainsi parler de la South African Railway comme du bras droit du gouvernement, voire même comme d’un « gouvernement dans le gouvernement » (Foster, 2003, 2008) en raison des accointances fortes qui existent entre les membres du gouvernement et le personnel nommé à la tête de la South African Railway.

Du « finisterre » [8] au gateway, la conquête idéologique du sous-continent

10Au tournant du xxe siècle, une nouvelle perception de l’espace sud-africain émerge peu à peu. Le « finisterre » du Cap de Bonne-Espérance était considéré comme l’un des confins de la civilisation européenne jusqu’à la fin du xviiie siècle, et Le Cap comme ultime preuve de la conquête européenne, unique « ville blanche » du continent africain (Coquéry-Vidrovitch, 1993). La position de la ville-mère [9] (Houssay-Holzschuch, 1995) change considérablement au cours du xixe siècle ; elle devient peu à peu la porte d’entrée de l’Europe en Afrique australe (Foster, 2005). La fonction de tête de pont du Cap s’affirme précisément parce qu’il y a un intérieur à découvrir qui n’est plus simplement hinterland mais devient territoire au fur et à mesure de l’avancée des différents fronts pionniers. L’ouverture du sous-continent est dynamisée par les découvertes minières, provoquant un bouleversement de la hiérarchie urbaine avec la rapide domination de Johannesburg au sein du système de villes (Vacchiani-Marcuzzo, 2005). Le développement du réseau ferroviaire connaît une évolution semblable ; le centre de gravité [10] du réseau se déplace rapidement vers l’intérieur du pays, mais stagne dès 1930 à proximité de Bloemfontein, centre géographique du pays. Cela signifie que si des ouvertures ou fermetures de lignes modifient ça et là le réseau, la forme générale n’en est pas affectée (fig. 2).

Fig. 2

Évolution du centre de gravité du réseau ferroviaire (1870-1960)

Fig. 2

Évolution du centre de gravité du réseau ferroviaire (1870-1960)

F. Delisle, S. Baffi, Umr 8504 Géographie-cités, 2014. ©L’Espace géographique, 2014 (awlb).

11La circulation à l’intérieur du pays demeure réservée à une partie restreinte de la population. À la sortie de la guerre anglo-boer, l’objectif est de créer un sentiment d’appartenance commun au sein de la population blanche encore divisée afin de maintenir la suprématie politique d’un groupe numérique inférieur à la population noire (Foster, 2003). Pour cela, l’identification au territoire des Blancs, anglophones et Boers, est primordiale, et largement orchestrée par la South African Railway (Foster, 2003). À travers le train, ce n’est pas uniquement la circulation des biens et des personnes qui est permise, c’est également l’expérience subjective de l’espace géographique. Rapidement, les trains effectuant des longues distances deviennent très populaires parmi la population blanche. Pour ceux qui ont les moyens de les utiliser, ils donnent à voir depuis le luxe de la cabine des paysages majestueux qui demeuraient jusqu’alors inconnus et sont, plus généralement, un motif de fierté pour la population blanche.

12L’appartenance à une temporalité commune renforce la continuité territoriale : les horaires des trains exigent que toutes les gares du pays adoptent la même heure, et les liaisons maritimes en provenance de Southampton déterminent le départ des trains pour Johannesburg, orchestrant ainsi la temporalité de l’Union avec celle de la Grande-Bretagne. À l’échelle nationale, les migrations bi-annuelles des parlementaires entre Johannesburg et Le Cap par le Blue Train rythment la vie politique du pays. La promotion du pays est également gérée par la South African Railway, qui crée sa propre agence de publicité en 1914, se charge d’organiser et de vendre des parcours touristiques en Afrique du Sud depuis l’étranger, et de produire des publications sur le pays afin d’encourager le tourisme et les investissements. Les touristes européens et américains viennent grossir les rangs de la population blanche, et cette entreprise de communication diffuse l’image d’un pays vide, où la modernité et la technologie de l’homme blanc viennent dominer les paysages sauvages. La synergie entre photographie, chemin de fer, industrialisation et modernité au début du xxe siècle achève de perpétuer le mythe identitaire de la suprématie de l’homme blanc et de sa mission civilisatrice envers les « sauvages » (Foster, 2008).

13Instrument de conquête du territoire et d’exploitation des ressources par le pouvoir colonial britannique, jusqu’au début du xxe siècle le réseau ferroviaire est semblable à ce que l’on observe dans d’autres pays colonisés. La spécificité du cas sud-africain tient davantage aux mécanismes rapides d’appropriation de ce mode de transport par la population blanche, qui reproduit un mode de vie européen sous le climat tempéré de l’Afrique du Sud. Ce sentiment d’appartenance de la population blanche est exacerbé par la temporalité de la construction du réseau ferroviaire, concomitante avec celle de la nation sud-africaine.

L’essor du réseau métropolitain et le dédoublement urbain

14Alors que le réseau interurbain connecte les plus grandes villes au début du xxe siècle, son maillage cesse peu à peu de croître, tandis que l’essentiel des tronçons sont par la suite construits à l’échelon intra-urbain. Notamment, pendant l’apartheid, le chemin de fer devient un instrument de séparation et de contrôle des mobilités entre la ville « blanche » et sa contrepartie, la ville où résident populations ségrégées. Ainsi, si certaines logiques ségrégatives sont déjà bien établies pendant la période coloniale, c’est au cours de l’apartheid qu’elles sont systématisées et théorisées à l’échelon de l’ensemble des villes et du pays.

Étalement urbain et syndrome sanitaire au Cap

15La première phase de construction du réseau ferroviaire intra-urbain de la ville du Cap est symptomatique du rôle dévolu au train dans l’extension des villes industrielles, quelques décennies après l’Europe ou les États-Unis. Au début du xxe siècle, la position stratégique de la ville pour exporter les diamants du Rand vers l’Europe renforce la centralité économique du Cap, qui se traduit par un enrichissement de la ville, la consolidation d’une population bourgeoise et une croissance démographique forte, liée en partie à l’industrialisation et à l’afflux de migrants. Ces transformations incitent le gouvernement à investir dans les transports : des lignes ferroviaires et de tram sont créées, le port est rénové et agrandi (Bickford-Smith, 2009). La première ligne de passagers ouvre en 1865 entre le centre du Cap et la commune de Wynberg (fig. 3). Cette ligne est prolongée au cours des années suivantes et atteint finalement Simon’s Town en 1889. Dès lors, cet axe ferroviaire devient la colonne vertébrale supportant l’extension urbaine vers les villages calmes et désormais accessibles des banlieues sud où s’installent majoritairement les populations aisées d’origine britannique (Baffi, 2011). Ces banlieues résidentielles se densifient peu à peu, et les grandes maisons occupées par la bourgeoisie blanche nécessitent une main-d’œuvre nombreuse, impliquant le développement de nouveaux quartiers où viennent s’installer, entre autres, les domestiques. De ce fait, les banlieues sud deviennent le creuset d’un cosmopolitisme et d’une mixité sociale spécifique à l’échelle de la ville (Western, 1996) – phénomène qui ne durera pas, et qui reste cependant relativement exceptionnel dans les villes sud-africaines. Le réseau ferroviaire assure les mobilités de loisirs des populations blanches huppées qui rejoignent le temps d’un week-end les stations balnéaires de False Bay, ou bien les infrastructures sportives de Newlands et Green Point (Worden et al., 1998). La première extension urbaine au Cap est donc guidée par la construction de lignes ferroviaires vers le sud de la péninsule, essentiellement pour servir les mobilités de la population blanche et des classes moyennes et aisées [11].

Fig. 3

Le réseau de transport intra-urbain du Cap en 1960

Fig. 3

Le réseau de transport intra-urbain du Cap en 1960

Source : Sar&h. Solène Baffi, Umr 8504 Géographie-cités, 2014. ©L’Espace géographique, 2014 (awlb).

16Toutefois, cet usage récréatif du train métropolitain évolue rapidement en lien avec les transformations socio-économiques de la ville, induisant un tournant irréversible dans l’utilisation du réseau ferroviaire. Tout d’abord, un tronçon ferroviaire parallèle au précédent est construit en 1904 pour desservir les banlieues sud où résident les classes populaires travaillant dans les quartiers huppés, afin de limiter la mixité sociale à l’intérieur du train. Par ailleurs, la croissance économique du Cap et les grands travaux qui sont lancés nécessitent une main-d’œuvre importante d’origine rurale (Houssay-Holzschuch, 1999). La réaction à cette évolution sociale est rapide ; le « syndrome sanitaire » se développe au sein de la bourgeoisie, en particulier après l’épidémie de peste de 1901. À partir de cette date, les 10 000 Africains présents au Cap sont déplacés dans le site de Ndabeni, premier township situé en périphérie du centre-ville du Cap en 1902 (Houssay-Holzschuch, 1997). Immédiatement après la construction de ce township, une ligne ferroviaire est ouverte pour relier ce quartier au centre-ville. Ce schéma est par la suite réitéré dans la planification de l’ensemble des townships sud-africains : distants du centre-ville et des opportunités urbaines, les résidants effectuent des mobilités pendulaires – essentiellement par le biais du train – pour rejoindre les zones d’emploi. La proximité des lignes ferroviaires est primordiale dans le choix de la localisation de Ndabeni dans la mesure où cette zone est « bien isolée de la population blanche et de la circulation, entourée par la ligne principale de chemin de fer au nord, la rivière Black au sud et sud-ouest et les pépinières du gouvernement à l’ouest » [12].

17Ce choix détermine l’usage repris par la suite d’utiliser les voies ferrées dans la planification d’apartheid comme outil de séparation territoriale, notamment en créant des « zones tampons ». À partir de 1948, les townships sont construits à proximité des voies ferrées, ou dans les périphéries des villes qui sont alors reliées au réseau ferroviaire. C’est le cas par exemple au Cap, avec la construction du township de Langa, ou de Guguletu en 1960.

À Johannesburg : le train, support de l’industrialisation et de la ségrégation

18La ville de Johannesburg naît de l’industrialisation dès 1887 et connaît une croissance rapide, ce qui détermine certains traits de son développement. Cette ville acquiert en quelques années une position stratégique dans le réseau ferroviaire national. En effet, d’un point de vue tant économique, politique que démographique, la croissance de Johannesburg repose en partie sur sa capacité à allier deux ressources majeures : l’or et le charbon. La South African Railway déménage ses bureaux à Johannesburg au début des années 1920, prenant acte que le Witwatersrand est devenu le cœur économique du pays, notamment grâce au chemin de fer. À la même époque, l’augmentation constante du nombre de voyageurs nécessite la construction de la gare de Park Station, bâtiment massif érigé dans le centre de Johannesburg (Foster, 2003).

19Contrairement aux villes coloniales, l’urbanisation de Johannesburg se fait très rapidement, selon le modèle de la « grille » hérité des villes nord-américaines. Les travailleurs sont rapidement assignés à des quartiers selon leur appartenance raciale. Dans un premier temps, la ville se développe le long d’un axe est-ouest qui relie le centre-ville aux zones aurifères et le long duquel se concentrent les différents réseaux de transport en commun. En 1890, la ligne du Rand Tram est ouverte pour permettre l’acheminement de charbon depuis Boksburg jusqu’à Johannesburg (fig. 4). Dans les faits, cette ligne est rapidement prisée par les voyageurs, si bien qu’un réseau de tram est inauguré en 1891 (Beavon, 2001). L’usage du tram et du train par des populations mixtes fait très vite l’objet de tensions, qui ne prennent fin qu’avec la démocratisation de l’automobile parmi la population blanche et le départ de celle-ci vers les banlieues nord, dès 1910 (Czeglédy, 2004). Dès lors, l’accès à des réseaux de transport différenciés guide l’urbanisation de Johannesburg, entraînant une séparation des groupes de population encore visible aujourd’hui (Guillaume, 1997).

20À la périphérie de la ville, un autre modèle de ségrégation se met en place à proximité des gisements miniers, les compounds[13]. Les employés y vivent dans des conditions déplorables, rejoignant leur lieu de travail par le chemin de fer. À partir de 1885, les mineurs noirs sont obligés de résider pendant la durée de leur contrat dans des dortoirs. Les migrations annuelles des migrants sont organisées par les sociétés minières qui affrètent des trains depuis les réserves noires de l’Eastern Cape et du Natal et des pays limitrophes tels que le Mozambique et le Swaziland (Pirie, 1993). Se met ainsi en place, à l’échelle du pays, un système qui articule les centres industriels et les réserves africaines, les Bantoustans. Les travailleurs deviennent doublement captifs, à la fois de leur lieu de domicile légal – la réserve – et de leur lieu de travail – le compound –, ce qui implique des mobilités inter et intra-urbaines (Fauvelle-Aymar, 2006). Les logiques ségrégatives qui naissent dans les compounds de Johannesburg sont, à l’instar du Cap, systématisées à l’ensemble de la ville à partir de 1923, puis de 1950. On constate que les townships créés pendant l’apartheid se situent à proximité des lignes ferroviaires, ou que certains tronçons sont construits pour desservir les nouveaux townships, notamment Katlehong (1945), Tsakane (années 1960), Kwa Thema (1951) ou encore Soweto (1951)(fig. 4).

21L’urbanisation de Johannesburg est tardive et rapide, et l’arrivée du train se fait de façon concomitante avec la mise en place de la ségrégation dans la ville minière. Les dynamiques de ségrégation, plus précoces à Johannesburg que dans l’ensemble des villes sud-africaines (Czeglédy, 2004), expliquent que le train soit d’emblée devenu le mode de transport des populations des coumpounds ou des quartiers ségrégés.

Mobilités ségrégées, modes de vie divergents

22Si l’industrialisation a fait du train un transport dédié aux populations ségrégées, l’accession à l’automobile accélère la fuite de la population blanche vers les banlieues plus lointaines, sur le modèle des villes américaines. Dès 1897, les premières automobiles circulent à Johannesburg, annonçant un changement majeur dans les pratiques de transport (Beavon, 2001 ; Czeglédy, 2004). Quelques années plus tard ce mode de transport se démocratise, et la voiture devient un élément clé de la culture blanche, ce qui se traduit par une baisse de l’utilisation du train par les passagers de première classe [14] (fig. 5). Le changement modal entraîne un usage différencié de la ville. Les navetteurs noirs dépendants des transports en commun transitent quotidiennement par la gare du centre-ville depuis les townships situés au sud (fig. 4). À l’inverse, l’usage de l’automobile témoigne du désintérêt croissant des Blancs pour le centre-ville où transitent les Noirs, alors que s’impose dans les mentalités le quatuor pavillon-jardin-piscine-braai[15] dans les banlieues aisées, révélateur du peu d’attachement de la population blanche à l’idée de centralité. Plus généralement, la culture de l’automobile chez les Blancs sud-africains est exacerbée par les grandes distances séparant les centres urbains et les réserves naturelles (Czeglédy, 2004) [16].

Fig. 4

Le réseau de transport intra-urbain à Johannesburg en 1960

Fig. 4

Le réseau de transport intra-urbain à Johannesburg en 1960

Source : Sar&h. Solène Baffi, Umr 8504 Géographie-cités, 2014. ©L’Espace géographique, 2014 (awlb).
Fig. 5

Évolution du nombre de passagers entre 1930 et 1970 sur le réseau ferroviaire inter-urbain (a) et intra-urbain (b)

Fig. 5

Évolution du nombre de passagers entre 1930 et 1970 sur le réseau ferroviaire inter-urbain (a) et intra-urbain (b)

Source : Sar&h. Solène Baffi, Umr 8504 Géographie-cités, 2014. ©L’Espace géographique, 2014 (awlb).

23Les changements socio-économiques et politiques que connaît le pays depuis les découvertes minières n’autorisent pas les populations noires et métisses à faire un choix modal. Du fait de leurs faibles revenus, ces populations n’ont pas accès à des modes de transport privés, alors que les zones résidentielles qui leur ont été attribuées en 1923 puis en 1950 continuent de les éloigner des zones d’emplois [17]. Dès lors, le transport public est vécu comme un instrument de subordination et de soumission par les populations marginalisées (Pirie, 1993) qui ne sont pas libres de s’asseoir librement dans le noyau de transport lui-même. Les conditions de transport elles-mêmes sont causes de stigmatisation. Dans la mesure où le transport public est en grande partie financé par l’État et par l’achat des titres de transport d’une clientèle nombreuse mais peu solvable, l’offre de transport reste médiocre, les conditions de voyage difficiles (Pirie, 1993). Les compagnies de transport, en situation de monopole, n’ont par ailleurs aucune incitation à améliorer leur service (McCaul, 1991). Symbole d’oppression pour les populations discriminées, le train cristallise les tensions issues des politiques ségrégationnistes puis racistes des différents gouvernements, et devient le lieu et la raison de différentes émeutes, par exemple dès 1902 à Ndabeni en réaction à la hausse du prix des transports (Houssay-Holzschuch, 1999). Le train est également l’un des seuls lieux de rassemblement, d’interaction et d’expression pour les populations ségrégées et devient donc un lieu de débat politique entre passagers, voire de révolte [18]. Ainsi, l’image négative associée au transport ferroviaire par la population provient également de la dimension politique, parfois violente, de cet espace (Czeglédy, 2004).

24À l’échelon interurbain le choix du transport aérien devient de plus en plus attractif à partir des années 1940. La population blanche se détourne massivement du train, comme en témoigne la forte baisse du nombre de passagers de première et deuxième classes (fig. 5). L’avion s’impose peu à peu comme mode de transport longue-distance à l’échelle du pays. Il offre, en effet, des temps de transport largement inférieurs à ceux du train, et la population blanche peut assumer le coût de cette rapidité [19]. Les mobilités de moyenne distance sont assurées par l’automobile, en particulier après la rénovation et la construction de nouvelles routes dans l’ensemble du pays, à partir de 1935. Conçu à l’origine comme un système complémentaire au réseau ferroviaire, le réseau routier est rapidement étendu et rénové en raison d’une affluence supérieure aux prévisions faites par la Commission des transports (Floor, 1985). En revanche, pour les populations non-blanches, le train constitue généralement le seul mode de transport pour assurer les mobilités de moyenne distance, qui sont nombreuses en raison de la déstructuration des tissus sociaux et de la dispersion géographique des familles liée aux déplacements forcés de la période d’apartheid.

25Tout au long du xxe siècle, l’exclusion orchestrée par les différents gouvernements s’appuie sur le réseau ferroviaire. En offrant un transport de masse, le chemin de fer joue un rôle crucial en isolant la population non-blanche des zones d’emplois situées dans la « ville blanche » (Pirie, 1987). Le rail participe de la sorte au dédoublement de la ville sud-africaine, en étant l’un des instruments de construction de la ville d’apartheid.

L’héritage ferroviaire dans l’Afrique du Sud post-apartheid

26Aujourd’hui, l’héritage ferroviaire constitue un double défi pour le gouvernement post-apartheid. D’une part, la forme héritée du réseau perpétue des logiques ségrégatives. D’autre part, à la sortie de l’apartheid, le gouvernement a dû adapter la gestion du réseau au contexte international, en faisant évoluer l’ancienne agence de transport en deux entités distinctes, aux objectifs et au fonctionnement différenciés, tantôt complémentaire et tantôt concurrent.

Le réseau ferroviaire actuel

27Le réseau ferroviaire national actuel a relativement peu évolué depuis 1960 : quelques tronçons ont été construits, principalement pour transporter des minerais, dans le nord-ouest du pays. En outre, un certain nombre de lignes ont été fermées, principalement celles qui ne desservent pas directement une ville importante du pays – 3 783 kilomètres de voies au total – (fig. 6), et l’essentiel du réseau interurbain est désormais orienté vers le transport de fret. Le trafic de voyageurs interurbain, assuré pour l’essentiel par la compagnie ferroviaire Shosholoza, se limite aux axes le Cap-Johannesburg, Johannesburg-Durban, Johannesburg-Port Elizabeth, Johannesburg-Bloemfontein et Le Cap-Queenstown. Depuis une vingtaine d’années, la baisse de fréquence des trains de voyageurs et de la qualité du service à bord font l’objet de plaintes de la part des usagers, car la demande reste importante sur ces axes, en particulier pour les populations résidantes des villes moyennes [20]. Le manque d’entretien du réseau et la concurrence avec le transport de fret expliquent qu’encore aujourd’hui, le trajet Le Cap-Johannesburg s’effectue en 26 heures, pour parcourir 1 400 kilomètres. Sur cette ligne, les passagers se répartissent en deux catégories ; d’une part, les usagers de la compagnie ferroviaire Shosholoza, qui décrivent un spectre large de la population sud-africaine, intégrant notamment des personnes retraitées et des familles modestes. D’autre part, les usagers de la compagnie ferroviaire historique Blue Train, qui sont quant à eux issus des milieux les plus privilégiés d’Afrique du Sud, d’Europe et d’Amérique du Nord. Deux autres compagnies assurent un service ferroviaire de luxe en Afrique du Sud : Premier Classe, également placé sous la tutelle de Prasa, et Rovos Rail, une compagnie privée existant depuis 1989. Le service de passager est donc marginal en ce qui concerne l’exploitation du réseau ferroviaire et reste très fragmenté.

Fig. 6

Le réseau ferroviaire en 2014 et la trame urbaine en 2001

Fig. 6

Le réseau ferroviaire en 2014 et la trame urbaine en 2001

Source : Base de données ferroviaires ; Sar&h ; Transnet ; base de données Dysturb à partir du recensement de 2001. Solène Baffi, Umr 8504 Géographie-cités, 2014. ©L’Espace géographique, 2014 (awlb).

28À l’intérieur des grandes villes, le report des Blancs vers l’automobile explique la part importante et en constante augmentation de ce mode de transport dans les mobilités quotidiennes – qui avoisine 50 % des navettes quotidiennes au Cap en 1991 (Behrens, Wilkinson, 2003). Aujourd’hui, la motorisation accrue témoigne de l’empowerment[21] d’une partie de la population autrefois dépendante des transports publics [22] et qui cherche à affirmer son nouveau statut social à travers la voiture. En 2011, les usagers des transports privés représentent 49,2 % des navetteurs. Pour le reste, 8 % utilisent le bus, 16 % les minibus collectifs, 14,8 % le train, 0,7 % un deux-roues (motorisé ou non), et enfin 7,8 % marchent jusqu’à leur lieu de travail [23]. Le nombre total de passagers du train est de 530 millions en 2011, ce qui dépasse le chiffre obtenu pour chacun des pays européens, hormis la France, l’Allemagne, et la Grande Bretagne (Heyns et al., 2013). Dans les deux métropoles le transport ferroviaire constitue l’épine dorsale des mobilités du fait de son tarif, plus bas que celui des bus et des minibus, et donc privilégié par les foyers les plus pauvres. Financée en partie par le gouvernement, Metrorail, la compagnie nationale de transport ferroviaire métropolitain créée suite à l’éclatement de la South African Railway & Harbour (fig. 7), a connu une baisse sévère des subventions publiques depuis les années 1980, entraînant une dégradation de la qualité du service (retards, non renouvellement du matériel, entretien et maintenance négligés causant des perturbations fortes et fréquentes sur le réseau, sécurité à bord des véhicules) et une réduction du nombre de trajets (Clark, Crous, 2002). Le problème de la criminalité à bord du train et la médiocre qualité du service justifient le fait que le train demeure le transport public le plus utilisé mais également le plus décrié ; il constitue encore un marqueur social stigmatisant. Les mauvaises conditions de transport expliquent l’augmentation constante du nombre de passagers utilisant les minibus. Ce mode de transport auto-organisé et opéré par une multitude d’entrepreneurs est hérité de l’époque d’apartheid pendant laquelle il n’existait pas de transports publics dans les townships, et ce secteur est aujourd’hui en voie de régulation (Wilkinson, 2008, Walters, 2013). Les minibus – véhicules de seize places – opèrent sur des routes fixes et s’arrêtent à la demande des usagers, mais le parcours n’est souvent connu que par les usagers. Les conditions de sécurité à l’intérieur des véhicules laissent à désirer, et ils sont souvent opérés par des conducteurs imprévisibles qualifiés de « pirates » (Baffi, 2010). La majorité des itinéraires desservis par ces véhicules collectifs correspond en partie au tracé du réseau ferroviaire, car ils assurent les mobilités d’une majorité de passagers résidant dans les townships. Leur forte fréquentation s’explique à la fois par la desserte fine qu’ils opèrent à l’intérieur des quartiers et par les insuffisances du transport ferroviaire.

L’adaptation des opérateurs à l’économie néolibérale

29La faible qualité du service offert par Metrorail s’explique en grande partie par le tournant opéré par l’agence de transport South African Transport Company, ancienne South African Railway & Harbour, depuis les années 1980. Le gouvernement d’apartheid réduit considérablement les financements accordés à la maintenance et au développement du réseau ferroviaire, entraînant une dégradation du réseau et du service. De plus, l’État décide de modifier le statut de l’agence de transport, qui d’une « state-owned corporation » devient une entreprise privée au sein de laquelle l’État est actionnaire. Cette évolution dans le statut de l’agence de transport traduit la volonté de s’adapter au contexte international de libéralisation économique. Cette dynamique est renforcée dans les années 1990, lorsque le gouvernement post-apartheid cherche à promouvoir les investissements et l’arrivée de capitaux étrangers jusque-là freinés par le régime d’apartheid. La fragmentation de l’agence de transport est alors consacrée (fig. 7), et la direction est confiée à des gestionnaires ayant fait carrière dans le secteur privé, qui ré-orientent les politiques de la compagnie [24].

Fig. 7

Recomposition de l’agence de transport ferroviaire en Afrique du Sud, vers une fragmentation du service

Fig. 7

Recomposition de l’agence de transport ferroviaire en Afrique du Sud, vers une fragmentation du service

Solène Baffi, umr 8504 Géographie-cités, 2014. ©L’Espace géographique, 2014 (awlb).

30Aujourd’hui, les difficultés d’amélioration du service et de maintien du réseau sont en grande partie dues à la partition du réseau entre l’agence de transport de passagers, Prasa, et celle de fret, Transnet. Le réseau inter et intra-urbain est en effet segmenté entre les deux opérateurs, qui du fait de leur mode de financement différencié, sont plus souvent en situation de concurrence que de complémentarité. L’agence de transport de passagers dépend du ministère des Transports et bénéficie chaque année de subventions gouvernementales (1,2 milliards de Rands en 2013) et de la recette des ventes de titres de transport, néanmoins peu importante du fait de la clientèle majoritairement non solvable qui emprunte régulièrement le train. L’entreprise parapublique de fret est quant à elle affiliée au ministère des Entreprises publiques, et ses financements reposent uniquement sur les contrats auprès de ses clients. Cette distinction s’explique par l’incapacité du gouvernement à financer une agence de fret, alors que le secteur du fret routier a été dérégularisé dans les années 1990 et se trouve donc en concurrence directe avec Transnet. Néanmoins, ni Prasa, ni Transnet ne s’estiment responsables de la dégradation du réseau, et aucune des deux agences n’entend investir dans un but d’amélioration ou de maintenance. Un tournant majeur semble cependant s’être dessiné en 2012, avec la décision du ministère des Transports d’investir plus de trois milliards de Rands dans le réseau ferroviaire sud-africain. Cette décision répond aussi bien à la nécessité de moderniser le réseau de passagers que d’améliorer les conditions de transport de fret alors que la condition des routes se dégrade, dans un contexte de souci environnemental.

Les projets ferroviaires dans les politiques publiques métropolitaines

31À l’échelon intra-urbain, la nécessité d’investir dans le réseau ferroviaire est d’autant plus importante que les transports, en particulier le train, semblent être l’une des clés identifiées par les différents gouvernements pour dépasser la distinction persistante entre « ville blanche » et townships. En effet, l’inscription spatiale des politiques d’apartheid caractérise encore la morphologie des villes, et transparaît très fortement dans la structure des réseaux de transport. Les politiques publiques s’attachent à recréer des espaces partagés dans les villes sud-africaines depuis 1994 par la création d’espaces publics, la déségrégation résidentielle, des politiques d’emploi et de discrimination positive, et les transports publics font l’objet d’une attention toute particulière des pouvoirs publics dans la mesure où ils constituent un outil majeur pour lutter contre la fragmentation urbaine et la polarisation socio-spatiale (Turok, Watson, 2001 ; Lemanski, 2007). L’enjeu majeur auquel sont confrontées les villes est de faire aujourd’hui des différents réseaux un véritable système de transport intégré (Musil et al., 2014). Cette injonction a été facilitée par la création, depuis 2001, de 6 – aujourd’hui 9 – gouvernements métropolitains (dont Le Cap et Johannesburg), qui bénéficient de financements propres et d’une grande capacité d’action à travers des outils de planification et d’aménagement constituant une véritable ingénierie spatiale (Dubresson, Jaglin, 2008). Parmi les différents projets métropolitains concernant le transport ferroviaire, deux en particulier semblent cristalliser les paradoxes qui animent les politiques publiques.

32Le premier est le Gautrain, reliant l’aéroport de Johannesburg à Pretoria. Ce train à grande vitesse, opérationnel depuis 2012, offre un service à un coût trop élevé pour la majorité de la population. Cette offre de transport ne semble pas appropriée à la demande des populations captives des transports publics, de la même façon que le corridor d’usage mixte planifié par les aménageurs le long des voies ne répond pas, a priori, aux localisations privilégiées par les populations reléguées en périphérie, mais apparaît au contraire comme une incitation à la suburbanisation des classes moyennes, alors que les villes sud-africaines tentent d’endiguer l’« urban sprawl » (Donaldson, 2006). Ce projet traduit la tendance des différents gouvernements à créer des espaces « vitrines » dans la métropole aux dépens d’autres, avec l’ambition de voir apparaître en Afrique du Sud des « villes globales » (Bénit, Gervais-Lambony, 2003). Finalement, de la même façon que le transport ferroviaire s’était imposé comme un symbole de la modernité auprès d’une minorité de la population au xixe siècle, le Gautrain véhicule également les aspirations mondialisées d’une élite économique.

33Le deuxième projet se situe au Cap, où la dernière version de l’Integration Transport Plan (2013-2018) rédigée par la municipalité signale la construction d’une nouvelle ligne ferroviaire. La construction de cette ligne entre Nolungile et Kuilsriver (fig. 8) pallierait l’absence de lien entre ces deux quartiers, espaces de faibles et moyens revenus où résident en majorité des usagers dépendants des transports publics. Un programme de planification et de densification devrait renforcer l’attractivité de ces quartiers. À terme, cette ligne permettrait également de faire de Bellville la gare centrale de la métropole, déplaçant le centre de gravité des réseaux de transport au nord-est, vers des zones plus défavorisées et aujourd’hui peu accessibles. De nombreux obstacles rendent ce projet difficilement réalisable (manque de financements, problèmes de planification liés aux différentes sphères de gouvernement et dialogue avec les opérateurs de transport) mais on peut voir à travers cette proposition le dépassement, voire la ré-invention de l’héritage ferroviaire construit pendant la période d’apartheid. Plus encore, ce projet manifeste l’orientation récente des politiques métropolitaines qui cherchent désormais à faire du réseau ferroviaire un système de transport intégré. Ainsi, malgré la vétusté des infrastructures et les moyens requis pour rénover ce réseau ferroviaire, ce dernier ne constitue plus seulement un fardeau mais aussi un véritable atout de reconstruction métropolitaine.

Fig. 8

Le projet de construction d’une ligne ferroviaire dans la métropole du Cap

Fig. 8

Le projet de construction d’une ligne ferroviaire dans la métropole du Cap

Source : Integrated Transport Plan 2013-2018. Solène Baffi, Umr 8504 Géographie-cités, 2014. ©L’Espace géographique, 2014 (awlb).

Conclusion

34Malgré la fin du régime d’apartheid, les propos de Gordon H. Pirie demeurent encore aujourd’hui d’actualité ; le réseau ferroviaire n’a pas retrouvé son rang dans la culture et les pratiques des transports en Afrique du Sud. En effet, les usagers des transports publics, en particulier du train, demeurent en très grande majorité les populations résidantes des townships, et le tournant modal, amorcé dans les années 1940, continue de stigmatiser ses usagers. Cela tient d’une part, à l’inertie du tracé ferroviaire, qui a imprimé durablement la ségrégation dans l’espace urbain, en particulier durant le régime d’apartheid. D’autre part, les logiques d’acteurs qui président à l’exploitation actuelle du réseau ferroviaire de passager ne permettent pas de réaliser les investissements susceptibles d’améliorer ce service. Enfin, les politiques publiques mises en place depuis la fin des années 1990 aboutissent finalement souvent à renforcer les inégalités et la polarisation socio-économique plutôt qu’à résoudre les problèmes structurels des villes sud-africaines, comme en témoigne la réalisation de projets tels que le Gautrain. Pourtant, même s’il a été le support de la ségrégation, le transport ferroviaire intra-urbain peut représenter un atout considérable pour recréer intégration et urbanité, à l’heure de l’étalement urbain et de l’explosion des mobilités, comme en témoigne le tournant récent adopté par la municipalité du Cap à travers le projet Nolungile-Kuilsriver.

35En replaçant cette étude sur le temps long, on peut rappeler les propos des deux auteurs mentionnés en introduction. Loin de voir le train comme une nouvelle technologie porteuse de développement à l’instar de Mark Jefferson, les récents projets de transport ferroviaire intra-urbains permettent de penser – et d’espérer – que les propos de G.H. Pirie ne seront bientôt plus totalement pertinents. Aujourd’hui, il s’agirait de faire du train un mode de transport civil – dans son acception première d’un objet qui « concerne les citoyens ». La prise en compte de cet objectif dans les projets publics ferait du chemin de fer un vecteur de cohésion au sein de la société post-apartheid, créateur d’espaces partagés dans des métropoles en pleine reconstruction, devenant ainsi des « re-civilizing rails ».

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Mots-clés éditeurs : réseau intra-urbain, chemin de fer, Afrique du Sud, ségrégation, réseau interurbain

Date de mise en ligne : 16/03/2015

https://doi.org/10.3917/eg.434.0338

Notes

  • [1]
    Les populations non-blanches font référence aux populations noires, métisses et asiatiques, selon la catégorisation faite par le gouvernement d’apartheid.
  • [2]
    La South African Railway est la première agence de transport ferroviaire nationale créée en 1911. Elle devient en 1922 la South African Railway & Harbour lorsque le gouvernement lui délègue le contrôle des infrastructures portuaires.
  • [3]
    Ce travail a été réalisé dans le cadre d’une thèse financée par l’Erc GeoDiverCity (porteur Denise Pumain) et de l’anr Harmonie-Cités (porteur Anne Bretagnolle), au sein de l’umr 8504 Géographie-cités.
  • [4]
    De ce point de vue, l’Afrique du Sud se distingue d’autres pays africains en étant non seulement une colonie d’exploitation mais également une colonie de peuplement, donnant lieu à un semis de villes régulier, en particulier autour du Cap (Davies, 1972 ; Vacchiani-Marcuzzo, 2005).
  • [5]
    Jean-Jacques Bavoux définit le réseau ferroviaire extraverti comme une organisation circulatoire élémentaire répondant à des besoins de convoyage entre une aire de production de matière première et un port exportateur.
  • [6]
    L’indice de connexité renseigne sur la capacité d’un réseau à « mettre en relation tous les nœuds du territoire qu’ils desservent » (Pumain, Saint-Julien, 2010). Il se construit en rapportant le nombre d’arêtes au nombre de sommets qui constituent le graphe et permet de mesurer le degré d’achèvement d’un réseau ou les possibilités qui demeurent pour l’étoffer.
  • [7]
    En réalité il s’agit d’une république et d’un État : la République du Transvaal et l’État libre d’Orange.
  • [8]
    Cette appellation de « finisterre » est empruntée à Pierre Gourou (1982).
  • [9]
    La ville du Cap est appelée ville-mère, ou « mother city » car ce fut la première ville fondée par les Européens dans l’Afrique du Sud moderne, et le point de départ de la conquête du sous-continent.
  • [10]
    Le centre de gravité du réseau ferroviaire est un point qui a pour coordonnées la moyenne arithmétique des coordonnées de l’ensemble des stations composant le réseau à chaque date (Pumain, Saint-Julien, 2010).
  • [11]
    Le même phénomène s’observe dans d’autres grandes villes d’Europe ou aux États-Unis. À Paris, les premières lignes rejoignent l’ouest de la ville, notamment Saint-Germain-en-Laye où se situent les quartiers aisés.
  • [12]
    Extrait de la commission d’enquêtes Stanford, nommée par le gouvernement en 1900 pour étudier les possibilités d’un quartier ségrégé au Cap, in Houssay-Holzschuch, 1999.
  • [13]
    Les compounds étaient des dortoirs collectifs situés dans l’enceinte des complexes industriels et miniers.
  • [14]
    Jusqu’en 1985 la première classe suburbaine est uniquement accessible à la population blanche.
  • [15]
    Le braai est l’« équivalent afrikaner du barbecue dominical, prétexte à un regroupement familial et communautaire » (Guillaume, 1997).
  • [16]
    A combination of factors such as long distances between major urban centres, the accessibility of the country’s wilderness, and the highly developed state of its renowned nature reserves, had led to the immense popularity of four-wheel drive vehicles, in particular » [« une combinaison de facteurs, tels que les longues distances qui séparent les centres urbains majeurs, la bonne accessibilité des espaces naturels avec des réserves naturelles mises en valeur et réputées, explique que les véhicules à quatre-roues en particulier aient gagné une forte popularité »] (Czeglédy, 2004).
  • [17]
    En 1923 est prononcé l’Urban Act, renforcé sous l’apartheid par le Group Area Act en 1950 qui attribue des zones résidentielles en fonction des différentes races.
  • [18]
    Sur cette question, voir notamment les chansons du jazzman Hugh Masekela et les tableaux du peintre Gerard Sekoto.
  • [19]
    Cette offre différenciée explique dans quelle mesure le corridor aérien Le Cap-Johannesburg est devenu l’un des plus fréquentés du monde en termes de transport passagers, depuis que la libéralisation du transport aérien a introduit des compagnies low-cost.
  • [20]
    D’après 63 entretiens qualitatifs que nous avons menés à bord du train Le Cap-Johannesburg en 2013 et 2014.
  • [21]
    L’empowerment désigne un processus d’acquisition du « pouvoir » (pouvoir de travailler, de décider de sa vie sociale) par un individu, en vue d’exister dans la communauté sans constituer un fardeau pour celle-ci. Au lendemain de l’apartheid, les pouvoirs publics ont largement encouragé ce processus en aidant les Sud-Africains victimes de la ségrégation à développer leurs compétences, notamment à travers des politiques de discrimination positive comme le Black Economic Empowerment qui visent à créer une classe moyenne et supérieure parmi les populations ségrégées.
  • [22]
    Le terme de « transport public » inclut également les minibus. Bien qu’étant plus souvent désigné sous le terme de « transport collectif », car il s’agit d’un transport assuré par une multitude d’opérateurs privés regroupés en « association », nous avons choisi d’inclure ce mode de transport dans la catégorie des transports « publics », car ils font l’objet de politiques de régulation et assurent un service indispensable en Afrique du Sud auprès des individus non-motorisés.
  • [23]
    D’après StatsSA, « Statistics for the City of Cape Town », 2012.
  • [24]
    D’après les entretiens menés auprès de Riana Scott, Head of marketing and communication – Metrorail Western Cape, et Yolanda Meyer, Information specialist – Transnet.

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