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Article de revue

Germain, Victor, Martin et les autres

Morphologie urbaine et pratiques socio-ecclésiastiques à Paris auxIX-XIIe siècles et au XIXe siècle

Pages 324 à 339

Notes

  • [1]
    La distinction entre moines et chanoines n’a de sens, pour notre propos, qu’à partir du ixe siècle, lors de la réforme carolingienne qui a différencié et institué ces deux statuts ecclésiastiques plus distinctement qu’à l’époque mérovingienne : s’ils existent auparavant, ils ne forment pas une binarité, mais coexistent de manière plus ouverte et imbriquée. Les moines cénobitiques sont des religieux qui vivent ensemble hors du monde, dans une communauté dirigée par un abbé, sur le modèle apostolique. Comme ils doivent avoir une vie exemplaire, la plus proche de la perfection évangélique, ils sont considérés par les laïcs comme leurs meilleurs intercesseurs auprès de Dieu. Ils suivent une règle de vie (d’où leur qualification de « réguliers »), dont les prescriptions varient dans le détail selon les cas, mais qui sont généralement fondées sur la pauvreté, la chasteté et l’obéissance. La règle de Saint-Benoît, moine du mont Cassin au vie siècle, n’était à l’origine qu’une règle parmi d’autres : ce fut seulement à l’époque carolingienne que le code de vie bénédictin a été normalisé et imposé à toutes les communautés monastiques par Benoît d’Aniane, conseiller ecclésiastique de l’empereur Louis le Pieux. Les chanoines appartiennent quant à eux à l’Église séculière, car au contact du « siècle », c’est-à-dire des laïcs : ils sont chargés d’encadrer et de répondre aux besoins des fidèles. Constituant également des communautés, appelées « chapitre » ou « collégiale », et dirigées le plus souvent par un doyen, leur règle de vie, moins ascétique que celle des moines, n’a été mise en place qu’à la fin du viiie siècle, en prenant pour modèle la règle de Chrodegang, évêque de Metz, pour son clergé épiscopal. Il existe deux types de communautés canoniales : les chapitres cathédraux, qui assistent l’évêque dans sa direction du diocèse, et les collégiales qui desservent des tombes saintes faisant l’objet d’un culte ou d’un pèlerinage. Sans leur être réservés, les savoir-faire des chanoines sont surtout d’ordre intellectuel (chant et liturgie, production de manuscrits, écoles).
  • [2]
    Le terme de « nécrose », bien que trop organiciste, illustre l’idée fondamentale d’un blocage durable du sol urbain, ou de l’absence d’une densification.
  • [3]
    Comme figure métonymique de toutes les formes de claustration religieuse.
  • [4]
    La notion de fabrique ou fabrication urbaine ne constitue pas une entrée de son abécédaire ni de l’index de celui-ci (Chesneau, Roncayolo, 2011) et n’est citée qu’incidemment dans sa thèse (Roncayolo, 1996, p. 277 et 299). Cependant, l’idée est bien présente dans ses travaux (Chesneau, Roncayolo, 2011, p. 153-165 et p. 285-296 ; Roncayolo, 2002, p. 161-179). À partir de la matière rassemblée dans sa thèse, nous avons proposé une relecture de l’histoire de Marseille en se plaçant dans la perspective de la fabrique urbaine (Noizet, 2009).
  • [5]
    Cette documentation a été élaborée dans le cadre du projet ANR ALPAGE (cf. Costa, 2012) : http://alpage.tge-adonis.fr
  • [6]
    Première attestation de moines (monachi) en 794 (Atsma, Vezin, 1986), et non dès 703 (Poupardin, 1909, no X, p. 15), cette dernière charte ayant été refaite dans le cours du VIIIe siècle (Ueding, 1935, p. 185 n. 92).
  • [7]
    Le diplôme de Robert le Pieux de 1002-1016 (original Arch. nat., K18, no 9 ; éd. Lasteyrie, p. 109) indique que le régime ecclésiastique était, dès le début, l’ordo clericalis, soit le régime séculier et non pas régulier, contrairement à ce que soutient René Giard qui dévalorise la période séculière de Sainte-Geneviève et en étend de façon excessive la période régulière (Giard, 1904, p. 3-14).
  • [8]
    Saint-Étienne-du-Mont était directement accessible depuis l’église de Sainte-Geneviève, via une ouverture ménagée dans le mur septentrional de Sainte-Geneviève, vis-à-vis le chœur.
  • [9]
    Les chercheurs historiens, archéologues, géographes et informaticiens du projet Anr Alpage ont construit un sig historique pour la ville de Paris, en créant des couches spatiales de référence pour le début du xixe siècle (voies, îlots, parcellaire, bâti, adresses, circonscriptions administratives) et la fin du Moyen Âge (îlots, voies, circonscriptions fiscales en 1300 et 1380). Les figures du présent article ont été obtenues en faisant des sélections croisées dans ces différentes données et en les superposant.
  • [10]
    Ce document dresse la liste des contribuables devant payer l’impôt royal de la taille, dans chaque paroisse, puis par rue à l’intérieur des paroisses.

1Au-delà des facilités de langage, le concept de « ville » nous semble peu opérant quand on travaille sur des sociétés antérieures à la fin du Moyen Âge. Consciemment ou non, il projette un fonctionnement socio-politique anachronique, lié à un gouvernement municipal, dont l’institutionnalisation ne date, le plus souvent en France, que du xive siècle.

2Pour autant, il y a bien, au premier Moyen Âge, comme ailleurs dans le temps, des modes d’être qui relèvent de l’urbain, défini par Jacques Lévy comme un des modes de gestion de la distance et caractérisé par le couple densité-diversité (Lévy, 1999, 2009). En effet, au niveau de l’individu, la majorité des actes sociaux procèdent d’une gestion de la séparation, produisant ainsi de la distance, ce que résume le concept de spatialité, entendu comme l’action spatiale des opérateurs humains et non humains (Lussault, 2007 ; Lévy, Lussault, 2003, p. 866-868). Au-delà de l’interprétation classique de l’acte social urbain comme planification ou même projet, nous souhaitons défendre les deux idées suivantes : d’une part, à l’instar de ces géographes, tout le social est traversé par des questions de positionnement spatial ; d’autre part, la structure spatiale de la ville contemporaine conserve des traces des configurations sociales des périodes anciennes. C’est l’idée que les façons d’être au monde ont des implications spatiales, même lorsque les comportements des acteurs n’ont pas de finalité proprement spatiale. Cette omniprésence du spatial dans le social peut se traduire dans la matérialité urbaine, définie par le réseau viaire, le parcellaire et le bâti (Roncayolo, 1996).

3Dans les sociétés médiévales, l’Église a été l’instance de domination et de normalisation fondamentale de la société. L’Ecclesia est la matrice quasi exclusive du social à l’époque médiévale, tout particulièrement à partir de la rupture grégorienne (aux xie-xiie siècle) Cette capacité normative ne se cantonne pas au registre des représentations, mais a aussi des conséquences sur la pratique sociale (Guerreau, 2001 ; Morsel, 2004 ; Lauwers, 2005 ; Iogna-Prat, 2006 ; Mazel, 2010).

4Suivant la démarche archéogéographique, nous voulons montrer que cette capacité normative a eu des conséquences pour l’espace urbain. Après avoir rappelé les acquis de précédentes études croisant matérialité spatiale et fonctionnement social, tant du point de vue conceptuel (notion de fabrique urbaine) que pratique (analyse du tissu urbain de Tours), nous étudierons plus particulièrement le cas de Paris. Nous verrons que ce terrain confirme les relations, précédemment établies, entre la morphologie du tissu urbain et les pratiques sociales des différentes communautés ecclésiastiques : nous examinerons, d’une part, l’implantation des deux grands types d’églises – régulières et séculières – par rapport à l’enceinte de Philippe Auguste, considéré comme marqueur de l’espace urbain à la fin du xiie siècle, et, d’autre part, la caractérisation morphologique du tissu urbain du début du xixe siècle dans les espaces dominés par Saint-Germain-l’Auxerrois, Sainte-Geneviève et Saint-Victor, qui figurent parmi les plus anciennes églises de Paris.

Le concept de fabrique urbaine à partir du modèle tourangeau

5Dans quelle mesure les choix opérés entre le ixe et le xiie siècle en matière de règles de vie ecclésiastique ont-ils influencé le développement de la morphologie urbaine ? Une précédente étude concernant Tours a montré que les catégories de moines et chanoines [1], redéfinies par les réformateurs carolingiens au début du ixe siècle, pouvaient être considérées comme deux types idéaux donnant des impulsions différentes pour le processus d’urbanisation (Noizet, 2007). Concrètement, on observe des variations dans la densification et la diversification des espaces en fonction des groupes sociaux qui les ont investis. Au-delà du nombre de membres d’une communauté – qui a une incidence purement mécanique sur l’espace concerné (plus il y a de membres, plus on tend vers un espace dense et diversifié) –, le rapport au monde fondamentalement différent des communautés monastiques et canoniales induit des effets très différents sur le tissu urbain.

6On peut résumer le modèle de la manière suivante. De par leur prise en charge des besoins sacramentels et liturgiques des laïcs, la vie des chanoines se caractérise par une ouverture au monde, une participation à la vie sociale et des besoins économiques plus importants que ceux des moines. Cela se traduit surtout par un régime alimentaire plus varié et riche et un recours plus important à une main d’œuvre laïque externe que chez les moines. Ces caractéristiques du mode de vie canonial engendrent nécessairement des circuits d’approvisionnement plus complexes et une agglomération plus dense que le mode de vie monastique. En revanche, les moines, en privilégiant la clôture et un fonctionnement en grande partie autonome, accaparent un grand espace et le soustraient au développement urbain, sans susciter à leur porte des quartiers aussi denses et actifs que les chanoines. À Tours, quand on analyse la morphologie des espaces urbains autour de ces différentes communautés, en utilisant des descripteurs simples comme le nombre et la variété morphologique des rues et des places, ou encore la superficie et la densité des îlots et des parcelles, on observe effectivement que le réseau viaire et le parcellaire sont bien plus denses et diversifiés du côté canonial (Saint-Martin) que du côté monastique (Saint-Julien). Il semble donc possible d’établir un rapport entre ces manières d’être au monde et les espaces urbains hérités de ces fonctionnements sociaux : le monachisme produit une distance critique forte avec la société des laïcs, distance qui se traduit spatialement par des styles parcellaires différents de ceux du côté canonial.

7Cela ne signifie pas que, en soi, les monastères ne développent aucune structure dense, mais, comparativement aux chanoines, ils le font moins. En ville, la présence monastique a plus freiné le développement urbain que celle des chanoines. Comme l’a récemment souligné Jean Guyon à propos de la Gaule méridionale dans l’Antiquité tardive, « la construction des monastères, véritables « villes dans la ville », a conduit à une réelle déchirure du tissu urbain, qui s’est trouvé comme nécrosé à leur emplacement, et le fait que ces couvents, ne fût-ce que par les fonctions d’assistance qu’ils remplissaient, étaient aussi des centres de vie, ne remédiait que modérément à cet état de fait » [2] (Guyon, 2006, p. 103-104). Dans le rapprochement, récemment repris, entre cloître [3] et prison, tous deux entendus comme catégorie d’enfermement (Heullant-Donat et al., 2011), il a également été rappelé que le monachisme du Haut Moyen Âge constituait un mode de vie et un espace fermé, dont la pureté s’oppose, depuis le vie siècle, à l’impureté du monde extérieur. Autrement, dit, par rapport à la question de la mise à distance, qui a un volet autant social que spatial, le monachisme produit bien un écart signifiant entre certains groupes de personnes, écart qui peut se matérialiser dans le tissu urbain par des espaces peu denses. À l’instar de la conversion post-révolutionnaire des monastères en prisons (Heullant-Donat et al., 2011, p. 19-21), la convergence entre présence régulière et espace peu dense ne doit, selon nous, rien au hasard.

8Une nouvelle expérimentation du modèle de Tours a été réalisée sur les cas de Saint-Omer et d’Arras (Mériaux, Noizet, 2012, à paraître). Ils montrent que le choix de la règle de vie ecclésiastique donne une impulsion plus ou moins décisive et durable selon les configurations locales. Autant le cas de Saint-Omer vient confirmer le modèle tourangeau – comme à Tours, le pôle urbain le plus dense est autour de l’établissement canonial et non pas monastique –, autant celui d’Arras l’infirme : le principal pôle urbain se trouve autour du monastère de Saint-Vaast, et non pas dans le quartier épiscopal autour de la cathédrale. L’écart au modèle s’explique ici par le décalage chronologique des implantations monastique et canoniale et par le jeu social local. Dès l’époque carolingienne, le monastère Saint-Vaast avait bénéficié d’un soutien appuyé du pouvoir royal, dont il relaye l’autorité dans cette région frontalière, tandis que l’évêque ne réside à Arras qu’à partir de 1094, soit bien après l’implantation védastine. Par ailleurs, une pression sociale des habitants laïcs pour le lotissement du sol urbain autour de Saint-Vaast est probable dès les xie-xiie siècle et entraîne plus précocement qu’à Tours le démembrement de l’enclos monastique. Ce cas ne nous semble pas aller à l’encontre de la validité générale du modèle. Il montre simplement que la convergence établie entre état canonial et densité urbaine n’est en aucun cas une relation automatique et que le lien entre forme sociale et morphologie urbaine ne doit pas être systématisé de manière mécanique (cf. Robert, 2012).

9Il ressort aussi de ces travaux que ces différents rapports au monde sont réactualisés dans le temps, lors de moments particuliers où les acteurs se mettent d’accord sur telle ou telle décision. À Tours, par exemple, la possibilité d’ouvrir librement des tavernes concédées aux dépendants des chanoines de Saint-Martin (en 1141), ou l’autorisation donnée à des changeurs d’installer leurs étals immédiatement au nord de la collégiale (entre 1064 et 1086), ont contribué à réifier l’espace de manière toujours plus dense et diversifiée côté canonial. Inversement, côté monastique, on a observé, une succession de situations entre le xe et le xve siècle freinant la multiplication des installations et des circulations dans l’environnement du monastère (par exemple, la fermeture d’une voie de passage à proximité du monastère en 1114). Il y a un effet d’inertie spatiale, non pas par pérennité immuable, mais au contraire par la réappropriation incessante des structures héritées des fonctionnements précédents par de nouvelles configurations sociales : ce rejeu permanent, qui n’est pas globalement pensé, produit, au final, des parcellaires et réseaux viaires plus denses et plus diversifiés à l’emplacement des anciens espaces occupés par les chanoines que par les moines.

10Nous désignons par « fabrique urbaine » ces enchaînements dialectiques de configurations socio-spatiales, déconnectées les unes de autres, mais qui produisent un effet cumulatif renforçant telle ou telle structure spatiale. Henri Galinié définit, en effet, le processus de la fabrique urbaine comme l’interaction permanente et dialectique des multiples configurations sociales, historiquement situées, avec la matérialité urbaine, composée de voies, parcelles et bâti (Galinié, 2000 ; Noizet, 2009). Il s’agit ici de faire la part des choses entre le jeu social à un instant donné et le rejeu postérieur des formes héritées, afin de mieux comprendre la construction de l’espace urbain dans la longue durée.

11Si cette notion n’est pas revendiquée par Marcel Roncayolo [4], ce type de raisonnement traverse toute son œuvre. À Marseille, il montre, par exemple, que la division sociale de la ville, de part et d’autre de l’axe Vieux-Port-Canebière, n’a jamais été pensée en tant que telle bien qu’elle soit très prégnante. Elle résulte d’un enchaînement de configurations qui ont chacune leur contexte spécifique, mais qui, toutes, tendent à renforcer cette division sociale (Noizet, 2009).

12Comme à Tours, il y a bien un rejeu des formes héritées qui ne relève pas de la seule intentionnalité des acteurs, mais provient du décalage entre les temporalités des structures matérielles de l’espace urbain (voies, parcelles, bâti) et celles de leurs usages sociaux à un instant t. Cette notion semble donc adaptée à la nature fondamentalement processuelle et socio-spatiale de la construction de l’espace urbain, bien plus que la notion de « projet urbain », qui n’est qu’un horizon d’attente et « manifeste de façon patente la crise paradigmatique des théories moderniste de la planification » (Lévy, Lussault, 2003, p. 748).

13Nous souhaitons maintenant reprendre cette question à partir du cas parisien, car une nouvelle documentation planimétrique, constituée en système d’information géographique (sig) [5], permet effectivement de manipuler la matérialité, non pas archéologique, mais morphologique de l’espace urbain, à savoir le réseau viaire, le parcellaire et même le bâti de 1810-1836 (Noizet et al., 2013, à paraître). Ce dossier parisien donnera l’occasion d’affiner le modèle chanoines/moines, tant sur le plan historique que conceptuel.

Distances spatiale et sociale des églises par rapport à la centralité urbaine

14Rappelons tout d’abord que la typologie ecclésiastique chanoines-moines n’a de sens qu’à partir de la simplification carolingienne, qui impose, en 817, la règle de Saint-Benoît pour toutes les communautés monastiques et la règle d’Aix pour toutes les communautés canoniales : si les établissements examinés ci-dessous existent parfois dès avant cette époque, leur fonctionnement antérieur, de type basilical, diffère de la pratique strictement régulière normalisée à partir du début du ixe siècle (Noizet, 2001 ; Bührer-Thierry, Mériaux, 2010, p. 251-258, 360, 439). Ce binôme « chanoines-moines », qui correspond bien à la réalité des ixe-xe siècles, gagne à être reformulé en « séculiers-réguliers » car de nouveaux ordres religieux apparaissent au tournant des xie et xiie siècles, parmi lesquels les moines cisterciens (Cîteaux) et chartreux (Grande Chartreuse), ainsi que les chanoines réguliers victorins (Saint-Victor) et prémontrés (Prémontré), auxquels il faut ajouter les cas particuliers des ordres militaires (hospitaliers et templiers). Cette effervescence religieuse a d’ailleurs amené un victorin à repenser, de façon très suggestive, les états de vie religieux en fonction de leur localisation plus ou moins éloignée du monde des hommes (Verger, 1981, p. 125). S’il y a diversification et repositionnement des ordres les uns par rapport aux autres, la distinction « régulier-séculier » conserve tout son sens par rapport à la question de la mise à distance avec les autres au sein de l’espace urbain. Qu’il s’agisse des ordres bénédictins traditionnels (clunisien) ou nouveaux (cisterciens et autres), ou encore des chanoines réguliers victorins, toutes ces communautés régulières privilégient un fonctionnement claustral, qui implique une vie collective dans un enclos monastique soustrait de l’espace urbain. La vie régulière s’organise à l’intérieur de cet enclos et l’accueil des hôtes de l’extérieur est restreint à certaines personnes ou lieux à l’intérieur de l’enclos.

15À Paris, l’enceinte de Philippe Auguste, construite sur les deux rives entre 1190 et 1212, est traditionnellement considérée comme un marqueur de la centralité urbaine du xiiie siècle : les espaces à l’intérieur de cette nouvelle limite qui étaient encore ruraux, lors de sa construction, ont connu une expansion urbaine très soutenue tout au long du siècle. L’inclusion (ou non) des principaux établissements ecclésiastiques dans cet espace enclos a été récemment rappelée (Baldwin, 2006, p. 44-46) : en rive gauche, seule Sainte-Geneviève est intra muros, contrairement à Saint-Germain-des-Prés (à l’ouest) et Saint-Victor (à l’est) ; en rive droite, seul Saint-Germain-l’Auxerrois se trouve dans l’espace protégé par l’enceinte tandis que Saint-Martin-des-Champs et le Temple sont à l’extérieur, au nord.

16Mais il n’a alors pas été remarqué que, peu ou prou, toutes les communautés ecclésiastiques incluses dans l’espace enclos étaient de nature séculière, au moins jusqu’au milieu du xiie siècle, tandis que celles à l’extérieur étaient régulières (fig. 1).

Fig. 1

Fig. 1

Fig. 1

Principaux établissements réguliers et séculiers au milieu du xiie siècle

17Saint-Germain-des-Prés est attesté depuis la fin du viiie siècle comme un monastère bénédictin [6] nettement distingué et séparé de Paris (Lehoux, 1951, p. 41). Sainte-Geneviève est une collégiale depuis l’époque carolingienne [7] jusqu’à la réforme victorine de 1147-1148 (Bautier, 1981, p. 53-77). Saint-Victor est un chapitre de chanoines réguliers fondé en 1113 (Bautier, 1991). Saint-Germainl’Auxerrois, principale église paroissiale de la rive droite, est une ancienne collégiale séculière, attestée au plus tard au début du xie siècle (Massoni, 2009, p. 67-73), mais vraisemblablement antérieure. Saint-Martin-des-Champs est une collégiale fondée en 1060, et presque aussitôt transformée en prieuré clunisien, dès 1079 (Depoin, 1912-1921). Le Temple est un ordre monastique militaire implanté à Paris au plus tard en 1147 (Étienne, 1974, p. 3-5).

18Cette énumération des principales églises présentes à Paris à la fin du xiie siècle confirme que les communautés régulières sont toutes à l’extérieur de l’enceinte de Philippe Auguste, excepté le cas de Sainte-Geneviève. Mais celle-ci n’est en réalité régulière que depuis moins d’un demi-siècle et a derrière elle un passé d’église séculière d’au moins deux siècles, et sans doute plus. La relation établie entre l’état régulier et la localisation extra-muros se vérifie également dans un autre cas, bien documenté et cartographié, comme celui de Valence (Veyrenche, 2009, fig. 10) : les six églises séculières se trouvent toutes intra-muros, et sur les sept autres églises, régulières, cinq sont en périphérie plus ou moins éloignée et seulement deux intra-muros.

19Certes, Saint-Victor, Saint-Martin-des-Champs et le Temple sont de fondation plus récente que les autres, et donc, pour partie, leur localisation en périphérie du centre urbain s’explique aussi par ce décalage chronologique. Mais Saint-Germain-des-Prés date bien de l’époque mérovingienne, comme Saint-Geneviève et Saint-Germain-l’Auxerrois. Et pourtant il y a bien un écart entre Saint-Germain-des-Prés et Paris qui se maintient tout au long du Moyen Âge. Cet écart est notamment visible dans le fait que Saint-Germain a été exclu de l’enceinte de Philippe Auguste, contrairement à Sainte-Geneviève. Cette exclusion a d’autant plus de sens que l’on sait qu’une grande partie de l’espace enclos par cette enceinte en rive gauche était de nature rurale et que le projet du roi était justement d’y encourager l’urbanisation.

20De même, lors de la fondation de Saint-Victor et Saint-Martin-des-Champs à la fin du xie siècle et au début du xiie siècle, leur localisation est déjà nettement déconnectée de l’espace urbain alors densément occupé – celui-ci se limitait, peu ou prou, à l’espace enclos au xe siècle en rive droite et, en rive gauche, à la partie en bord de Seine de l’ancien espace antique (Lombard-Jourdan, 1989, p. 16-20). L’implantation choisie par ces deux nouvelles abbayes, à distance de la centralité urbaine d’alors, révèle un écart significatif avec l’agglomération parisienne, exactement comme pour Saint-Germain-des-Prés. Cette situation des établissements réguliers, déjà périphérique vers 1100, l’est toujours un siècle plus tard, lors de la construction de l’enceinte de Philippe Auguste, comme le montre leur localisation à l’extérieur de l’espace nouvellement enclos. Ainsi, les localisations régulières sont périphériques non seulement au moment de leur fondation, plus ou moins ancienne selon les cas, mais elles le sont encore vers 1200 à l’époque de Philippe Auguste. Autrement dit, il y a bien Germain (le Parisien, pas l’Auxerrois !), Victor, Martin et les autres…

21Au-delà du marqueur strictement physique de la distance par rapport à l’espace urbain dense, la distance entre ces églises et la ville se mesure aussi socialement, notamment à travers l’implication plus ou moins forte de ces établissements dans la vie paroissiale de leur secteur. En effet, la proximité avec le clergé paroissial semble d’autant plus forte que la communauté est séculière, comme le montre une rapide comparaison entre Saint-Victor, Saint-Germain-l’Auxerrois, Sainte-Geneviève. À Saint-Victor, le culte paroissial, qui s’organise à partir de 1230-1243 dans l’église Saint-Nicolas-du-Chardonnet – incluse dans l’enceinte de Philippe Auguste et située à plus de 550 m à l’ouest de Saint-Victor –, est totalement séparé de la communauté régulière, la gestion de cette paroisse restant une affaire épiscopale et non victorine (Friedmann, 1959, p. 238-243). À l’inverse, Saint-Germain-l’Auxerrois sert à la fois de collégiale pour les chanoines et d’église paroissiale, le clergé paroissial restant soumis à l’autorité canoniale (Massoni, 2009, p. 311-333). Sainte-Geneviève se trouve dans une situation intermédiaire, avec d’abord une inclusion de la structure paroissiale dans l’église canoniale (dans la chapelle Saint-Jean), puis une séparation à partir du début du xiiie siècle. À partir de 1222, la communauté, régularisée, fait construire une église dédiée spécifiquement à la vie paroissiale, Saint-Étienne-du-Mont : sa localisation, toute proche de Sainte-Geneviève [8], est révélatrice de ce faible écart entre la communauté génovéfaine et la communauté paroissiale, dont la gestion est par ailleurs restée une préoccupation des Génofévains au xiiie siècle (Giard, 1904, p. 64-66 ; Friedmann, 1959, p. 86, 100-103, 244-251). À Saint-Geneviève, la position dans l’espace urbain est totalement congruente avec le changement de statut ecclésiastique, à mi-chemin entre la fusion paroisse-communauté séculière de Saint-Germain-l’Auxerrois et le rejet paroisse-communauté régulière de Saint-Victor.

Les héritages ecclésiastiques dans la morphologie urbaine à Saint-Victor, Saint-Germain-l’Auxerrois et Sainte-Geneviève

22Il est frappant de voir que, lorsque l’on décrit finement la morphologie urbaine de ces trois secteurs au début du xixe siècle, on retrouve exactement le même gradient décroissant de densité, de Saint-Germain-l’Auxerrois à Saint-Victor, en passant par l’étape intermédiaire de Sainte-Geneviève.

23Du point de vue méthodologique, les analyses spatiales suivantes se fondent sur l’utilisation du parcellaire et bâti de 1810-1836 (le plus ancien conservé à l’échelle de tout Paris), intégrées sous forme de données Sig dans la plate-forme de webmapping d’Alpage[9]. Afin de comparer les espaces dominés à Paris par ces trois églises (fig. 2), nous avons reporté l’emprise géographique des paroisses fiscales liées à chacune d’elle, d’après le rôle de taille [10] de 1300 (Bourlet, Bethe, 2013, à paraître). Notons que si, dans le cas de Sainte-Geneviève et de Saint-Victor, l’extension paroissiale est à peu après identique à l’emprise seigneuriale de la censive, il en va différemment de Saint-Germain-l’Auxerrois, qui est située dans une partie de la ville où l’évêque détenait une grande partie du sol (Friedmann, 1959). Pour certaines limites périphériques de ces paroisses, qui ne sont pas précisément connues à l’époque médiévale, nous avons dû faire des choix afin de pouvoir extraire les caractéristiques parcellaires des espaces dominés par ces trois églises, en nous fondant notamment sur l’absence de taillables au début du xive siècle. Pour Saint-Germain-l’Auxerrois, nous avons exclu l’emprise propre au château royal du Louvre, qui constitue un hapax dans le parcellaire, et nous nous sommes arrêté à la future limite de l’enceinte de Charles V. Suivant la même logique, consistant à sélectionner la partie proprement urbaine de ces espaces ecclésiastiques pour qu’ils soient comparables entre eux, nous n’avons pas retenu des emprises totales de Sainte-Geneviève et de Saint-Victor qui s’étendent dans la campagne : nous ne sommes pas allé, à l’est, au-delà de l’îlot de Saint-Victor et, au sud, au-delà de la voie longeant l’enceinte de Philippe-Auguste. Extra-muros, la limite entre les espaces dominés par Sainte-Geneviève et Saint-Victor reprend la limite paroissiale proposée par Adrien Friedmann, concordante avec celle des censives (Friedmann, 1959).

Fig. 2

Fig. 2

Fig. 2

Parcellaire de 1810-1836 dans les espaces dominés par Saint-Victor et Sainte-Geneviève

Fig. 3

Fig. 3

Fig. 3

Parcellaire de 1810-1836 dans la paroisse de Saint-Germain-l’Auxerrois

24Dans chacun des trois espaces ainsi définis, le sig a permis de calculer automatiquement le nombre et la superficie des parcelles et des espaces bâtis ou non au début du xixe siècle.

25Si on s’en tient, dans un premier temps, à la seule structure du parcellaire de 1810-1836, les figures 2 et 3 et le tableau 1 montrent que la densité parcellaire est croissante de Saint-Victor à Saint-Germain-l’Auxerrois, en passant par Sainte-Geneviève. La comparaison des figures 2 et 3 montre que la trame des îlots et des parcelles est bien plus fragmentée à Saint-Germain-l’Auxerrois que dans les deux autres secteurs. Le nombre de parcelles est quatre fois plus élevé à Saint-Germain qu’à Saint-Victor, tandis que leur superficie y est quasiment cinq fois plus petite. Au total, la densité parcellaire grimpe ainsi de 10 parcelles par hectare pour Saint-Victor à 51 pour Saint-Germain-l’Auxerrois. Sainte-Geneviève est à égale distance des deux autres, avec une densité de 31 parcelles par ha.

Tabl. 1

Styles parcellaires

Tabl. 1
Types de parcelles Nombre de parcelles Aire moyenne (m2) Aire totale (ha) Densité parcellaire (nombre de parcelles/ha) Héritées de l’enclos de Sainte-Geneviève 3 11 634 3,49 0,9 Héritées de l’enclos de Saint-Victor 18 4 325 7,78 2,3 Comprises dans l’espace de Saint-Victor (hors enclos) 250 971 24,27 10,3 Comprises dans l’espace de Sainte-Geneviève (hors enclos) 842 317 26,69 31,5 Comprises dans l’espace de Saint-Germain-l’Auxerrois en 1300 1 018 197 20,01 50,9

Styles parcellaires

26Du point de vue de la structure parcellaire, l’espace de Saint-Germain-l’Auxerrois est un des seuls de toute la ville où l’on ne trouve pas d’îlot à double trame c’est-à-dire avec un cœur d’îlot peu densifié, enclavé derrière un rideau de parcelles laniérées en bordure de voie. Comme à Châteauneuf de Tours, secteur dense lié au chapitre de Saint-Martin (Noizet, 2007), les îlots sont de petite taille et toutes les parcelles ont un accès direct à la rue, sans avoir besoin de passages, en forme de long couloir desservant le cœur d’îlot. Il n’y a donc pas de décalage entre la desserte viaire et la desserte parcellaire, comme si le parcellaire s’était construit de manière relativement synchrone avec le réseau viaire, au contraire des espaces réguliers peu denses, comme à Saint-Julien de Tours.

27L’héritage des enclos réguliers (fig. 2) est encore lourd au début du xixe siècle comme le montre l’écart entre la superficie des parcelles héritées des enclos et celles du reste des espaces de Sainte-Geneviève et de Saint-Victor. Les parcelles sont environ quatre fois plus grandes dans la partie héritée de l’enclos de Saint-Victor que dans le reste du quartier victorin, et 37 fois plus grandes dans la partie héritée de l’enclos de Sainte-Geneviève que dans le reste du quartier génovéfain. On a ici l’héritage d’un usage extensif du sol dû à un auto-fonctionnement régulier dans un enclos regroupant toutes les structures et installations nécessaires à la vie de la communauté monastique. On observe donc le gel d’une partie du sol urbain, comme dans les villes méridionales évoquées par Jean Guyon (2006). À cet égard, la régularisation victorine de Sainte-Geneviève en 1147 s’est bien traduite spatialement par un blocage durable de la densification, contrairement à la partie génovéfaine occupée par les populations laïques depuis le Moyen Âge central, qui n’a cessé, elle, de se densifier au cours du temps : d’où le hiatus extrêmement fort entre les superficies parcellaires au début du xixe siècle entre les parties héritées de l’enclos et les autres. La confiscation des biens du clergé lors de la Révolution et leur reconversion à des usages laïcisés du sol n’ont pas modifié durablement la structure parcellaire au début du xixe siècle. Certes, les espaces sont en voie de lotissement, mais cela ne concerne encore que des parties périphériques des anciens enclos réguliers. La faible densité dans ces espaces existe encore aujourd’hui, qu’il y ait patrimonialisation architecturale (enclos de Sainte-Geneviève transformé en Panthéon et lycée Henri iv) ou non (Saint-Victor transformé en halle au vin, puis en campus universitaire, Jussieu).

28Si on examine dans un second temps, la part respective des espaces bâtis et non bâtis, on obtient des résultats intéressants et assez convergents avec l’analyse du seul parcellaire. On considère ici que la part majoritaire du bâti sur une parcelle traduit une densification de l’espace : plus une parcelle est bâtie, plus elle est densément occupée. Or on retrouve exactement le même gradient de densité que pour le parcellaire : il croît avec le statut séculier. Entre Sainte-Geneviève et Saint-Victor, la part du non bâti apparaît largement dominante côté victorin (fig. 4), et la carte de synthèse des trois espaces ecclésiastiques (fig. 5) montre que le bâti (en noir) décroît de Saint-Germain-l’Auxerrois à Saint-Victor. À Saint-Germain-l’Auxerrois, le rapport est environ de ¾ bâti-¼ non bâti (tabl. 2). À Sainte-Geneviève, il est de moitié-moitié. Inversement, il est de ¼ bâti-¾ non bâti à Saint-Victor. L’inverse symétrie des chiffres pour Saint-Germain-l’Auxerrois et Saint-Victor est frappante, de même que la position intermédiaire de Sainte-Geneviève.

29Le tissu urbain hérité de ces secteurs occupés dès l’époque médiévale est donc très dense du côté séculier, et inversement peu dense côté régulier. Le cas intermédiaire de Sainte-Geneviève atteste la résilience des structures spatiales héritées du Moyen Âge central, et montre que les effets ne peuvent se mesurer au nombre des années jusqu’au début du xixe siècle, époque à laquelle a été mesurée le parcellaire, la quantité de temps correspondant à une occupation séculière à Sainte-Geneviève (deux à trois siècles) est bien inférieure à celle de l’occupation régulière à partir de la réforme de 1147 (six siècles et demi). Il ne s’agit pas de dire que le temps du Moyen Âge compte plus en matière de structuration spatiale que la période suivante. Mais, à Paris, comme à Tours ou à Saint-Omer, les configurations sociales postérieures ont certainement fait rejouer l’écart des densités. Dans le cas de Saint-Victor, l’implantation cistercienne des Bernardins à partir du milieu du xiiie siècle (Dautrey, 2001) a réactivé la faible densité du parcellaire et du bâti dans le secteur victorin. Ce collège forme un vaste enclos situé entre Saint-Nicolas-du-Chardonnet et Saint-Victor, dans un secteur urbain qui était encore très peu dense d’après le parcellaire de 1810-1836. Cette installation régulière, postérieure d’environ 130 ans à celle des Victorins, a donc son propre contexte social, indépendant de la fondation victorine. Cependant, la pré-existence de Saint-Victor dans ce secteur, qui s’était traduit par un espace peu dense, a pu être un élément qui est entré en ligne de compte lorsque l’ordre cistercien a choisi de s’y installer à partir des années 1240. Au-delà des opportunités foncières, qui jouent évidemment un rôle majeur, l’environnement a pu être considéré comme propice à la pratique de vie cistercienne. On retrouve là un de ces enchaînements dialectiques évoqués ci-dessus. Même s’il n’y a aucun rapport direct entre les deux implantations régulières, victorine puis cistercienne, l’attirance de la seconde près de la première a sans doute été favorisée par la médiation spatiale : le fait que l’espace environnant présentait suffisamment d’aménités au regard des exigences du désert monastique n’a pu que jouer en faveur de cette attraction.

Fig. 4

Fig. 4

Fig. 4

Répartition du bâti du début du xixe siècle à Saint-Victor et à Sainte-Geneviève

Fig. 5

Fig. 5

Fig. 5

Répartition du bâti et du non bâti en 1810-1836 à Saint-Germain-l’Auxerrois, Sainte-Geneviève, Saint-Victor

30On peut imaginer que si Saint-Germain-des-Prés et Saint-Victor n’avaient pas été des établissements réguliers mais séculiers, la face urbaine de Paris en aurait été changée : la différence, très perceptible, dans le développement urbain des deux rives – la rive droite, qualifiée de « Ville », étant la plus densément occupée (Bove 2004 ; Robert et al., 2013, à paraître) –, ne se serait probablement pas manifestée aussi fortement.

Tabl. 2

Densité du bâti par espace social

Tabl. 2
Types d’unité d’occupation Aire moyenne d’un espace bâti en m2 Aire totale de l’espace bâti en m2 Rapport à l’aire totale du secteur en % A. Saint-Germain-l’Auxerrois Bâti 137 151 333 76 Non bâti 46 48 840 24 Indéterminé 0 0 0 Secteur entier 200 173 100 B. Sainte-Geneviève Bâti 154 149 599 50 Non bâti 152 132224 44 Indéterminé 305 18 922 6 Secteur entier 300 745 100 C. Saint-Victor Bâti 219 68 248 21 Non bâti 832 213 908 67 Indéterminé 1020 36 709 12 Secteur entier 318 865 100

Densité du bâti par espace social

Conclusion

31Plusieurs apports du cas parisien peuvent donc être soulignés. Au-delà de la validité globale du raisonnement initié à Tours, montrant une convergence entre état séculier et densité urbaine, il permet d’affiner les termes du modèle. Du point de vue historique, le binôme séculier-régulier paraît plus utile que la distinction chanoine-moine, car il permet de remettre à sa juste place les chanoines réguliers apparus à la fin du xie siècle. Du point de vue conceptuel, dans le processus de fabrique urbaine, l’interaction apparaît finalement moins entre espace et société, ou entre forme et fonction, comme formulés précédemment par nous ou par d’autres, qu’entre espace et spatialité. Nous avons montré que tout fonctionnement social contient du spatial et que toute structure spatiale porte la marque de fonctionnements sociaux antérieurs. Lorsqu’on parle d’« espace », ou de structure spatiale, il s’agit donc d’espace hérité, déjà de multiples fois reconfiguré, et intégrant les héritages des pratiques sociales antérieures, et non pas un espace naturel, prétendument immuable. Il correspond à la fois à l’espace hybridé de l’archéogéographie (Chouquer, 2003) et à cet « espace-déjà-là » qui peut être repris ou non dans une configuration ultérieure (Lévy, Lussault, 2003, p. 867). C’est l’idée que les manières d’être, de se comporter, de se déployer – autrement dit la spatialité définie par Michel Lussault comme mode de relation au monde – ont des conséquences spatiales, y compris quand elles n’ont pas de finalités spatiales. La spatialité n’est pas le discours spatial affiché, mais bien les pratiques sociales concrètes, aux effets d’autant plus réels que les acteurs sont nombreux. Ainsi, « l’espace déjà-là (i.e. à la fois les formes des configurations spatiales et les idéologies et valeurs afférentes à l’espace), antérieur à une action ou une série d’actions spatiales d’un opérateur, constitue un matériau possible pour une nouvelle occurrence de la spatialité. Symétriquement, chaque action qui procède de la spatialité est productrice d’espace (sous la forme d’un agencement nouveau), qui s’inscrit et enrichit une configuration spatiale préexistante, accroît en quelque sorte la quantité d’espace dans une société donnée » (Lévy, Lussault, 2003, p. 867). Comment ne pas reconnaître dans ces phrases le processus de fabrique urbaine présenté dans cet article ? Elles conviennent parfaitement à l’exemple de l’implantation des Bernardins près de Saint-Victor, qui correspond à la réactivation cistercienne de la faible densité spatiale héritée de la présence victorine.

32Ainsi, les spatialités participent à produire des espaces, et réciproquement, tout particulièrement lorsque cette relation dialectique est fréquemment réactualisée. Au bout du compte, plusieurs études de cas (Tours, Saint-Omer, Paris…) convergent pour distinguer une spatialité régulière d’une spatialité séculière : chacune d’elle se caractérise par un type de rapport au monde, fermé pour la première et ouvert pour la seconde, qui produit des effets spatiaux bien réels, même si impensés en tant que tels.

33Ce type de raisonnement, toujours sur le fil du rasoir, où l’on risque de tomber d’un côté dans le spatialisme-vitalisme, et de l’autre dans l’évacuation de la dimension spatiale du social, pose aussi la question suivante : quelle place et quel sens historique donner à ces objets archéogéographiques, objectivés par le document planimétrique du début du xixe siècle ? Avec ces formes planimétriques, on n’est pas au niveau de la matérialité archéologique (il ne s’agit pas d’analyser le bâti médiéval ou moderne de manière régressive à partir du début du xixe siècle, même s’il est probable qu’il y en ait dans les secteurs concernés). On mesure ici le lien avec les pratiques sociales à différents moments. La médiation, inévitable, du document planimétrique crée une ambiguïté (mais cela est vrai de tout document historique, qui n’est pas seulement le produit d’une société à un instant t, mais aussi le produit de sa transmission entre l’instant t et aujourd’hui), car elle est à la fois le moyen d’accéder à des espaces et à des spatialités. Ces formes planimétriques sont ainsi interprétées comme une signature de pratiques antérieures, mais en même temps elles participent à la production de spatialités nouvelles : la localisation à Saint-Victor d’infrastructures très consommatrices de place aux xixe-xxe siècles n’est ainsi pas fortuite, même si le sens social diffère complètement de la période médiévale ou moderne. Il faut donc réintégrer ces formes matérielles dans le groupe des opérateurs non humains de spatialité, sans trop en faire, mais sans les écarter totalement non plus.

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Mots-clés éditeurs : bâti, moyen âge, parcellaire, église, fabrique urbaine

Date de mise en ligne : 23/01/2013

https://doi.org/10.3917/eg.414.0324

Notes

  • [1]
    La distinction entre moines et chanoines n’a de sens, pour notre propos, qu’à partir du ixe siècle, lors de la réforme carolingienne qui a différencié et institué ces deux statuts ecclésiastiques plus distinctement qu’à l’époque mérovingienne : s’ils existent auparavant, ils ne forment pas une binarité, mais coexistent de manière plus ouverte et imbriquée. Les moines cénobitiques sont des religieux qui vivent ensemble hors du monde, dans une communauté dirigée par un abbé, sur le modèle apostolique. Comme ils doivent avoir une vie exemplaire, la plus proche de la perfection évangélique, ils sont considérés par les laïcs comme leurs meilleurs intercesseurs auprès de Dieu. Ils suivent une règle de vie (d’où leur qualification de « réguliers »), dont les prescriptions varient dans le détail selon les cas, mais qui sont généralement fondées sur la pauvreté, la chasteté et l’obéissance. La règle de Saint-Benoît, moine du mont Cassin au vie siècle, n’était à l’origine qu’une règle parmi d’autres : ce fut seulement à l’époque carolingienne que le code de vie bénédictin a été normalisé et imposé à toutes les communautés monastiques par Benoît d’Aniane, conseiller ecclésiastique de l’empereur Louis le Pieux. Les chanoines appartiennent quant à eux à l’Église séculière, car au contact du « siècle », c’est-à-dire des laïcs : ils sont chargés d’encadrer et de répondre aux besoins des fidèles. Constituant également des communautés, appelées « chapitre » ou « collégiale », et dirigées le plus souvent par un doyen, leur règle de vie, moins ascétique que celle des moines, n’a été mise en place qu’à la fin du viiie siècle, en prenant pour modèle la règle de Chrodegang, évêque de Metz, pour son clergé épiscopal. Il existe deux types de communautés canoniales : les chapitres cathédraux, qui assistent l’évêque dans sa direction du diocèse, et les collégiales qui desservent des tombes saintes faisant l’objet d’un culte ou d’un pèlerinage. Sans leur être réservés, les savoir-faire des chanoines sont surtout d’ordre intellectuel (chant et liturgie, production de manuscrits, écoles).
  • [2]
    Le terme de « nécrose », bien que trop organiciste, illustre l’idée fondamentale d’un blocage durable du sol urbain, ou de l’absence d’une densification.
  • [3]
    Comme figure métonymique de toutes les formes de claustration religieuse.
  • [4]
    La notion de fabrique ou fabrication urbaine ne constitue pas une entrée de son abécédaire ni de l’index de celui-ci (Chesneau, Roncayolo, 2011) et n’est citée qu’incidemment dans sa thèse (Roncayolo, 1996, p. 277 et 299). Cependant, l’idée est bien présente dans ses travaux (Chesneau, Roncayolo, 2011, p. 153-165 et p. 285-296 ; Roncayolo, 2002, p. 161-179). À partir de la matière rassemblée dans sa thèse, nous avons proposé une relecture de l’histoire de Marseille en se plaçant dans la perspective de la fabrique urbaine (Noizet, 2009).
  • [5]
    Cette documentation a été élaborée dans le cadre du projet ANR ALPAGE (cf. Costa, 2012) : http://alpage.tge-adonis.fr
  • [6]
    Première attestation de moines (monachi) en 794 (Atsma, Vezin, 1986), et non dès 703 (Poupardin, 1909, no X, p. 15), cette dernière charte ayant été refaite dans le cours du VIIIe siècle (Ueding, 1935, p. 185 n. 92).
  • [7]
    Le diplôme de Robert le Pieux de 1002-1016 (original Arch. nat., K18, no 9 ; éd. Lasteyrie, p. 109) indique que le régime ecclésiastique était, dès le début, l’ordo clericalis, soit le régime séculier et non pas régulier, contrairement à ce que soutient René Giard qui dévalorise la période séculière de Sainte-Geneviève et en étend de façon excessive la période régulière (Giard, 1904, p. 3-14).
  • [8]
    Saint-Étienne-du-Mont était directement accessible depuis l’église de Sainte-Geneviève, via une ouverture ménagée dans le mur septentrional de Sainte-Geneviève, vis-à-vis le chœur.
  • [9]
    Les chercheurs historiens, archéologues, géographes et informaticiens du projet Anr Alpage ont construit un sig historique pour la ville de Paris, en créant des couches spatiales de référence pour le début du xixe siècle (voies, îlots, parcellaire, bâti, adresses, circonscriptions administratives) et la fin du Moyen Âge (îlots, voies, circonscriptions fiscales en 1300 et 1380). Les figures du présent article ont été obtenues en faisant des sélections croisées dans ces différentes données et en les superposant.
  • [10]
    Ce document dresse la liste des contribuables devant payer l’impôt royal de la taille, dans chaque paroisse, puis par rue à l’intérieur des paroisses.

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