« Le chemin des dames »– c’est ainsi que Menno Ter Braak, essayiste, critique et rédacteur de la revue Forum baptisa dans les années trente du xxe siècle le chemin de croix qu’il lui fallait parcourir deux fois l’an en tant que critique littéraire, au printemps et à l’automne, lorsque les maisons d’édition littéraires lançaient leurs nouveaux romans, parmi lesquels un nombre important de titres écrits par des auteurs féminins. L’expression « chemin des dames » fait bien sûr référence à la route de crête dans le département français de l’Aisne qui fut le théâtre de batailles meurtrières durant la Grande Guerre. Cette comparaison, comme d’autres choix de vocabulaire de Ter Braak, est révélatrice de son mépris pour le groupe des auteurs femmes : il parle de « déluges » de romans et d’un nombre « ahurissant » de livres écrits par des « dames ». Il ne fait aucun doute que ses comptes rendus auront fait de nombreuses victimes.
Dans l’article que nous venons de citer, il s’agissait d’auteures demeurées inconnues, comme Marie Schmitz, Josine Reuling, Eva Raedt-de Canter et Taï Aagen-Moro. Mais lorsque Ter Braak rendait compte d’auteurs femmes plus connues, son jugement était tout aussi impitoyable. En 1935, au moment de devenir rédacteur de Groot Nederland, il écrit dans une lettre à son éditeur Doeke Zijlstra : « Quelle dégradation, en venant d’une revue comme Forum, de se retrouver dans un magazine plein de bonnes femmes ! » La seule romancière qu’il admirait était Carry van Bruggen, qui avait même été une grande source d’inspiration pour lui, bien qu’il se montrât aussi critique envers ses œuvres…
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