Couverture de EGER_273

Article de revue

Peinture et littérature autour de 1800. Le mythe de Phèdre / Hippolyte chez le Baron Pierre Narcisse Guérin, Germaine de Staël et August Wilhelm Schlegel

Pages 39 à 54

Notes

  • [*]
    Jean-Marie VALENTIN, Professeur, Sorbonne/IUF, 108 bd. Malesherbes F-75850 PARIS cedex 17 ; courriel : jmedvalentin@gmail.com
    Ce texte reproduit celui de la conférence donnée le 17 mai 2013 au Colloque « Synergies » organisé à Berlin (Max Liebermann-Haus) dans le cadre du 50e anniversaire du Traité de l’Élysée et de l’exposition « De l’Allemagne » présentée au Louvre en mai-juin de la même année.
  • [1]
    Madame de Staël : Corinne ou l’Italie. Édition de Simone Balayé, Paris : Gallimard (folio classique), 1985.
  • [2]
    Ibid., p. 225.
  • [3]
    Ibid.
  • [4]
    Aristote : Poétique. Introduction, traduction nouvelle et annotation de Michel Magnien, Paris : LGF, 1990, chapitre IV, 1449a (« leur nature propre »).
  • [5]
    Corinne ou l’Italie (note 1), p. 225.
  • [6]
    Le dernier travail en date (avec renvois bibliographiques) est celui d’Alain Muzelle : L’Arabesque. La théorie romantique de Friedrich Schlegel à l’époque de l’Athenäum, Paris : PUPS, 2006.
  • [7]
    Goethes Werke. Band IV : Romane und Novellen. Erster Band. Mit Anmerkungen versehen von Benno von Wiese (Die Wahlverwandtschaften), Hamburg : Christian Hegner Verlag, 1951, 41960, p. 385-396 (les tableaux vivants sont décrits aux pages 392-393).
  • [8]
    Corinne ou l’Italie (note 1), p. 233.
  • [9]
    Ibid., p. 234.
  • [10]
    Ibid., p. 235.
  • [11]
    Ibid.
  • [12]
    Jean Racine : Œuvres complètes. Tome I : Théâtre-Poésie. Édition présentée, établie et annotée par Georges Forestier, Paris : Gallimard (= Bibliothèque de la Pléiade), 1999, Phèdre et Hippolyte, p. 877-904.
  • [13]
    Jacques Pradon : Phèdre et Hippolyte. Tragédie, dans : Théâtre du XVIIesiècle. Tome III, p. 95-154. Textes choisis, établis, présentés et annotés par Jacques Truchet et André Blanc, Paris : Gallimard (= Bibliothèque de la Pléiade), 1992.
  • [14]
    Euripide : Hippolyte, dans : Tragiques grecs. II : Euripide. Théâtre complet, édition de Marie Delcourt-Curvers, comportant notices et notes, Paris : Gallimard (= Bibliothèque de la Pléiade), 1962, p. 199-273. Consulter aussi Euripide. Tragédies. Collection des universités de France. Tome II : Hippolyte-Andromaque-Hécube. Texte établi et traduit par Louis Méridier, Paris : Les Belles Lettres, 1927 (32003), Hippolyte, p. 7-85 ; Sénèque : Tragédies. Collection des universités de France. Tome I : Hercule furieux, Les Troyennes, Les Phéniciennes, Médée, Phèdre. Texte établi et traduit par Léon Herrmann, Paris : Les Belles Lettres, 1925 (61985), Phaedra, p. 176-226.
  • [15]
    Sénèque : Phaedra (note 14), vers 728-729.
  • [16]
    Riche et nuancé exposé de la question par Boris-Roman Gibhardt : « Von der Gelehrtenrepublik zur Weltkultur. Goethe und die Achse Paris-Weimar um 1800 », Études Germaniques 67 (2012), 4, p. 631-651.
  • [17]
    Lire à ce sujet notre article : « Oreibasia, sparagmos, omophagia. Kleist, Penthésilée et le retour du dionysiaque euripidien », Études Germaniques 67 (2012), 1, p. 7-42.
  • [18]
    Friedrich Hölderlin : Gedichte. Neue textkritische und erstmals umfassend kommentierte Edition. Hrsg. von Jochen Schmidt, Frankfurt a. M. : Deutscher Klassiker Verlag, 1992 ; Bernhard Böschenstein : « Frucht des Gewitters ». Zu Hölderlins Dionysos als Gott der Revolution, Frankfurt a. M. : Insel, 1989, p. 72-90 ; Philippe Lacoue-Labarthe : « Hölderlin et les Grecs », dans : L’Imitation des modernes, Paris : Galilée, p. 71-84 (avec renvois bibliographiques).
  • [19]
    Jean-Marie Valentin : « L’Empereur et le comédien. Histoire et théâtralité dans Napoleon oder Die hundert Tage de Ch. D. Grabbe », Études Germaniques 67 (2012), 2, p. 309-332.
  • [20]
    Bernard Franco : Le Despotisme du goût. Débats sur le modèle tragique allemand en France 1797-1814, Göttingen : Wallstein, 2006, 2 vol.
  • [21]
    François Genton : « Des beautés plus hardies… » Le théâtre allemand dans la France de l’Ancien Régime (1750-1789), Paris : Les Éditions Suger, 1999.
  • [22]
    Le Théâtre des Grecs. Édition d’Amsterdam, aux dépens de la Compagnie, MDCCXXX.
  • [23]
    Ibid., p. 279-293.
  • [24]
    Sur cette question, cf. notre article « Tragédie, tragique et destin dans le drame de tradition catholique. Le Théâtre des Grecs (1730) de Pierre Brumoy s.j. », dans Jean-Marie Valentin : L’École, la ville, la cour. Pratiques sociales enjeux poétologiques et répertoires du théâtre dans l’Empire au XVIIe siècle, Paris : Klincksieck, 2004, p. 173-191.
  • [25]
    Charles Batteux : « Observations sur l’Hippolyte d’Euripide et la Phèdre de Racine », dans L’Histoire de l’Académie Royale des Inscriptions et Belles-Lettres […], À Paris, de l’Imprimerie Royale, 1776, Tome quarante-deuxième, p. 452-472.
  • [26]
    Cité dans August Wilhelm Schlegel : Comparaison entre la ‘Phèdre’ de Racine et celle d’Euripide. Édition présentée, annotée et commentée par Jean-Marie Valentin, Arras : APU, 2013, p. 267.
  • [27]
    Ibid.
  • [28]
    1) Gotthold Ephraim Lessing : Dramaturgie de Hambourg. Traduction intégrale, introduction et commentaire par Jean-Marie Valentin, Paris : Klincksieck, 2010. 2) Traduction seule (avec introduction réduite), Paris : Les Belles Lettres (collection Bibliothèque Allemande, 2), 2011 ; 3) Introduction seule sous le titre Poétique et critique dramatique, Paris : Les Belles Lettres (collection « Essais »), 2013.
  • [29]
    À Paris, Chez Madame Masson, libraire, éditeur de pièces de théâtre, rue de l’Échelle n° 558, au coin de celle Saint-Honoré. Imprimerie de Chaigneau Aîné An XI — 1803.
  • [30]
    August Wilhelm Schlegel : Comparaison […] (note 26), p. 291-311.
  • [31]
    Ibid., p. 291.
  • [32]
    Madame de Staël : De la littérature. Édition établie par Gérard Gengembre et Jean Goldzink, Paris : GF Flammarion, 1991.
  • [33]
    Sur cette question lire la mise au point d’Ernst Behler : « Die Idee der unendlichen Perfektibilität des Menschen in der französischen und deutschen Frühromantik », dans Eckhard Heftrich, Jean-Marie Valentin (Hrsg.) : Gallo-Germanica, Wechselwirkungen und Parallelen deutscher und französischer Literatur, Nancy : Presses Universitaires de Nancy, 1986, p. 121-150. De même, Gérard Gengembre, « Littérature et nation chez Mme de Staël. Le cas de l’Allemagne », dans G. Espagne (dir.) : Histoires de littératures en France et en Allemagne autour de 1800, Paris : Kimé, 2009, p. 201-217.
  • [34]
    Madame de Staël : De la littérature (note 32), p. 107.
  • [35]
    Ibid. p. 108.
  • [36]
    Ibid., p. 109.
  • [37]
    Ibid., p. 110.
  • [38]
    Elle suit ici Winckelmann et son Histoire de l’art de l’Antiquité, Chapitre 4, 3e partie (Phidias, Praxitèle, Lysippe).
  • [39]
    Aristote : Poétique (note 4), Chapitre XIII, 1453a ; Lessing : Dramaturgie de Hambourg (note 28), 39e et 49e livraisons, p. 142 et 172.
  • [40]
    Madame de Staël : De la littérature (note 32), p. 110.
  • [41]
    Friedrich Nietzsche : Die Geburt der Tragödie aus dem Geiste der Musik, in Werke in drei Bänden, hrsg. von Karl Schlechta, München : Carl Hanser Verlag, 1. Bd., 91982, p. 9-134 (référence § 11 sq.).
  • [42]
    Parmi les nombreux travaux sur ce sujet, citons Ernst Behler : « Sokrates und die griechische Tragödie. Nietzsche und die Brüder Schlegel über den Ursprung der Moderne », Nietzsche-Studien 18 (1959), p. 141-157 ; A. Henrichs, « The Last of the Detractors : Friedrich Nietzsche’s Condemnation of Euripides », Greek, Roman and Byzantine Studies 27 (1986), p. 369-397.
  • [43]
    L’édition française la plus récente est celle de Pierre Judet de La Combe : Aristophane. Les Grenouilles, Paris : Les Belles Lettres (bilingue), 2012 (traduction, avec un commentaire remarquable de rigueur).
  • [44]
    Friedrich Wilhelm von Schelling : Philosophie der Kunst, Darmstadt : WBG, 1966. Version française par Caroline Sulzer et Alain Pernet. Présentation et notes par Caroline Sulzer, Grenoble : Jérôme Millon, 1999.
  • [45]
    Reproduction diplomatique de la princeps dans August Wilhelm Schlegel : Comparaison […] (note 26), p. 99-183.
  • [46]
    Ibid., p. 109-110.
  • [47]
    Ibid., p. 110.
  • [48]
    Ibid., p. 164.
  • [49]
    Ibid., p. 164-165.
  • [50]
    Ils sont reproduits, à l’exception d’un seul, dans notre réédition (note 26), aux pages 327-462. Lire à ce sujet l’analyse surtout informative de Chatana Nagajavarra : August Wilhelm Schlegel in Frankreich. Sein Anteil an der französischen Literaturkritik 1807-1835. Mit einer Einleitung von Kurt Wais, Tübingen : Niemeyer, 1966. Pour la question du « goût », se reporter au livre de Bernard Franco, supra (note 20).
Wolfgang Adam zum 65. Geburtstag

I

1Il est permis sans doute de donner au mot de « synergies » qui nous réunit sous son toit accueillant une signification peut-être un peu différente de celle qu’on lui prête habituellement. Derrière les notions de France et d’Allemagne se cachent des rapports entre les arts en général comme entre les arts (plastiques, picturaux, dramatiques) considérés séparément, des lignes de partage, voire de rupture dont le poids sur la longue durée ne saurait être sous-estimé. Le « Symphilosophieren » des Schlegel n’eut qu’une application brève et restreinte à l’espace de son invention.

2Commençons par le grand récit, son seul vrai roman, Corinne ou l’Italie, que Germaine de Staël fit paraître (relevons la date) en 1807. [1] À propos d’une visite à la villa qu’elle possède à Tivoli et qu’elle fait découvrir à son ami Lord Nevil, la narratrice rapporte l’opinion attribuée à ce distingué aristocrate quant aux mérites comparés de l’écriture et de la représentation figurée.

3

Lord Nevil, écrit-elle à ce propos, pensait aussi qu’on devrait de préférence représenter en tableaux les scènes de tragédie, ou les fictions poétiques les plus touchantes, afin que tous les plaisirs de l’imagination et de l’âme fussent réunis. [2]

4Cette théorie de l’effet combiné des arts n’est pas sans faire songer, même lointainement, à l’ut pictura poesis d’Horace pourtant remis en question par Lessing dans Laocoon ou Des frontières respectives de la peinture et de la poésie dès 1766. Corinne, qui concède au texte dramatique une plus grande richesse d’expression qu’au tableau, incline à partager cette opinion. Le sentiment, qui ressortit à la sensibilité romantique à cette date déjà affleurante, infléchit cependant l’ancienne et pour une large part obsolète tradition. L’action des arts, l’un sur l’autre, l’un par l’autre, est d’ordre synesthésique en ce qu’elle est en mesure ainsi de faire interagir à leur plus haut degré d’intensité la sensibilité et l’imagination.

5Voilà qui explique sans doute pourquoi Corinne, plus « moderne » que son partenaire, fait observer à celui-ci que le point de vue qu’il défend ne vaut que pour « la musique et la poésie » et ne saurait s’appliquer à ce qu’elle nomme « les arts qui parlent aux yeux ». [3] Sa conviction à elle repose plus fondamentalement sur l’idée que l’effet est propre à chaque art et que tout mélange produit de la confusion, nuit à ce que l’on rapproche de force – on s’inscrit clairement alors dans le champ conceptuel de l’ousia déjà posé en norme par Aristote au début de la Poétique. [4] Corinne traduit comme suit ce primat de l’essence : « La sculpture perd les avantages qui lui sont particuliers quand elle aspire aux groupes de la peinture ; la peinture, quand elle veut atteindre à l’expression dramatique ». [5]

6Soulignons à ce stade un paradoxe important pour notre propos. Peu d’années auparavant (le basculement se joue sur une dizaine d’années environ), les inspirateurs de Germaine de Staël, August Wilhelm Schlegel et son jeune frère Friedrich avaient englobé dans un même travail de redéfinition la poésie et la peinture, [6] selon une posture intellectuelle fortement philosophique, fondatrice d’une axiologie de la création et de l’œuvre d’art qui émerge dès avant 1800 et ne sera pas sans influencer lointainement le surréalisme d’obédience bretonienne.

7Cela dit, tout récit autorise la contradiction concrétisée par la structure antagoniste de la diégèse. L’affirmation de la présence du dissemblable dans le semblable lui est consubstantielle dès lors que la narration s’édifie sur des situations bien définies dans lesquelles pratiques sociales et culturelles imposent leurs références spécifiques. L’univers des « tableaux vivants » offre une variante intéressante, civile et littéraire, de ce mode d’expression particulièrement favorisé par l’aristocratie d’Ancien Régime. On en trouve un écho célèbre au chapitre 5 du livre II [7] des Affinités Électives (1809). Goethe évoque à cet endroit la reproduction de groupes inspirés du « Bélisaire » de Van Dyck (recte : Luciano Berzone), d’« Assuérus et Esther » de Poussin et de l’« Exhortation paternelle » de Terbroch.

8Ici, à l’instar de ce qui se produit dans Corinne, l’intégration des peintures à la fiction narrative constitue ces dernières en des sortes de « musées imaginaires », malruciens avant l’heure.

9Les correspondances thématiques ne manquent pas non plus entre les deux romans. Relevons par exemple que Corinne, elle aussi, conserve à Tivoli un « Bélisaire » dû au pinceau du Baron Gérard. [8] Il n’est pas précisé s’il s’agit de la première (1795) ou de la seconde (1802) version, toutes deux perdues mais arrachées à l’oubli grâce aux gravures d’Auguste Desnoyers (1806), de Charles-Paul Landon et de Lambert, reproduites dans l’Almanach des Dames sorti en 1809 des presses de Cotta à Tübingen. Y a-t-il eu lecture par Goethe du récit de Germaine de Staël ? L’hypothèse ne peut être tout à fait exclue. Mais peu importe au fond : la coïncidence est dans tous les cas troublante qui atteste la prégnance d’un motif politique et existentiel chargé, dans le registre de la représentation théâtrale aussi, d’un fort pouvoir pathétique.

10« Tableaux d’histoire, […] tableaux sur des sujets poétiques et religieux, […] paysages » : ce sont là les trois départements qui composent la collection de Tivoli. Au centre, conformément à la hiérarchie des genres picturaux dominée alors par l’histoire, la partie « littéraire » de l’ensemble réuni par Corinne comporte, à l’instar du précédent et du suivant, quatre tableaux. Le premier, « Énée dans les Champs-Élysées », est dû à Friedrich Rehberg, ancien élève de Raphael Mengs et aussi de Louis David. Germaine de Staël le connaissait depuis 1803 car il vivait à Rome où il s’était fixé en 1787. Cette œuvre ressortit fondamentalement au registre élégiaque et n’était donc pas dépourvue de rapports avec la tragédie ainsi que le suggèrent la déploration et le style thrénétique qui leur sont communs. Par là, la tonalité du tableau de Rehberg s’apparente à celle que Properce (Élégies III, 4) avait associée à Cynthia abandonnée puis morte de désespoir. Dans l’Hadès où elle résidait désormais, elle accablait de reproches l’amant qui l’avait trahie.

11Rehberg a repris cette configuration pour la transposer à Énée qui, à peine s’est-il approché de Didon, voit fuir la Reine indignée et proclamant haut et fort son bonheur de ne plus porter dans sa poitrine « le cœur qui battait encore d’amour à l’aspect du coupable ». [9]

12Germaine s’est attachée à visualiser, d’une phrase, courte mais bâtie sur un contraste frappant, la technique du peintre : le monde des Ombres baigne dans « une lumière vaporeuse » alors que la nature à l’entour se fond dans des contours évanescents et qu’Énée, guidé par la Sibylle, rayonne de vie.

13Avec la mort de Clorinde, c’est à l’un des grands maîtres de la Renaissance italienne redécouverts par les Romantiques allemands, Le Tasse, qu’une place est faite. Le tableau, tiré de la Jérusalem délivrée, représente l’épisode où Tancrède, qui vient de frapper mortellement son amante, reçoit de celle-ci son pardon. L’auteur de cette peinture n’a pas été identifié. On inclinera toutefois à penser que Germaine de Staël ne l’a pas tenu en haute estime. Elle admet certes qu’il a su faire naître de l’attendrissement chez l’observateur, mais c’est pour ajouter aussitôt qu’il s’est par trop aligné sur le texte de cette grandiose épopée chrétienne, « subordonn[ant] la peinture à la poésie » par une confusion transgressive de l’oratio et de la recherche « pittoresque » (i.e. par la peinture) « d’une beauté calme, d’une expression simple, d’une attitude noble, d’un moment enfin digne d’être indéfiniment prolongé, sans que l’art s’en lasse jamais ». [10]

14Autre redécouverte capitale de la littérature du temps : Shakespeare. Le troisième tableau commenté par Corinne – c’est selon toute vraisemblance celui peint par Joshua Reynolds – montre Macbeth face à Macduff au moment précis où se réalise l’ultime prédiction des sorcières. Macbeth est face à son ennemi qui tente de l’abattre et contre lequel il se dresse dans un ultime geste héroïque alors même qu’il sait son sort scellé. [11]

II

15Dans son Cours de littérature dramatique (Vorlesungen über dramatische Kunst, 1809), August Wilhelm Schlegel parlera à son tour de Shakespeare, faisant de lui l’inventeur d’une « tragédie philosophique » qui viendrait renouveler, sans revêtir ses oripeaux comme devaient le faire les classiques français, la tragédie attique. Les poètes du siècle de Louis XIV, à suivre le critique allemand, avaient échoué à faire renaître l’archaïque dans le moderne. Dans un tel contexte, la présence dans la galerie de peintures de « Phèdre et Hippolyte » (1802) du Baron Pierre Narcisse Guérin peut étonner. Mais l’observation d’un tableau alors très célèbre fait comprendre que, si l’appartenance de Guérin au néo-classicisme ne souffre pas le moindre doute, la position relative sur la toile des quatre acteurs principaux du conflit au moment de sa péripétie appelle d’autres remarques.

16Le titre d’abord : il renoue avec celui que Racine avait, dans un premier temps, donné à sa tragédie [12] (Pradon avait fait de même [13]) avant d’opter pour le seul nom de « Phèdre ». Ce changement était la conséquence de l’inversion à laquelle il avait procédé par rapport à l’Hippolytos d’Euripide, non sans, au demeurant, prendre modèle sur Sénèque, auteur déjà, lui, d’une Phaedra. [14] Mais contrairement à Racine, Guérin redonnait une place à Hippolyte en l’isolant du groupe formé par les trois autres acteurs. Le principe utilisé était celui des « contrastes » qui éclaire chaque composant par l’autre et, comme c’est le cas ici, valorise celui que sa solitude voue au malheur. Hippolyte tranche avec Thésée incrédule et hésitant comme avec Phèdre qui profère les imputations mensongères que lui souffle Œnone. Cette « réhellénisation » s’alimente à la restitution à Hippolyte de son apparence physique, apparence qui était la sienne chez Euripide. Il est à nouveau le jeune et beau chasseur dont nous savons qu’il s’est tout entier voué au culte de la chaste Artémis et ne nourrit que dédain pour Aphrodite.

17Cet isolement a cependant aussi une portée décisive au regard de la construction de l’intrigue. Il est clair que le Baron Guérin a voulu, à l’opposé de ce qu’avait fait Jean-Philippe Rameau dans son Hippolyte et Aricie de 1733, détacher Hippolyte de l’action « épisodique » qu’avait imaginée Racine en faisant intervenir la figure d’Aricie, rivale inattendue d’une Phèdre à qui elle servait au mieux d’aiguillon déclencheur pour la superbe scène de jalousie de la scène 6 de l’acte IV.

18Mais rien n’est simple dans ce jeu avec les récits mythiques. On se souvient en effet qu’Euripide ne met pour sa part jamais Phèdre en présence de son beau-fils : quand celui-ci entre en scène, elle s’est déjà pendue et son corps sans vie signe nécessairement la fin de sa passion. La lettre attachée à son poignet, en chargeant Hippolyte du crime impardonnable de viol, lance au contraire le motif du soupçon sur lequel prend appui la seconde partie de la tragédie.

19La rencontre lourde d’intensité dramatique qu’imagine Guérin se rapproche davantage du schéma recomposé par Racine sans pour autant y correspondre. C’est l’instant (scène 4 de l’acte III de la pièce française) où le destin, un instant suspendu dans l’affrontement du dit et du non-dit, hésite avant de basculer, où Phèdre, surprise par le retour inopiné de Thésée triomphant et que, faisant fond sur la rumeur, elle avait cru mort, craint d’irriter son époux et s’apprête à sacrifier Hippolyte. L’épée, abandonnée par le prince, est d’ailleurs bien visible au premier plan. Tenue par Phèdre, elle est aux yeux de la reine la preuve du forfait commis par Hippolyte, à l’instar exactement de ce qui se passe dans la pièce de Sénèque. [15] La disposition stricte qui, dans le tableau de Guérin, gouverne l’architecture de la scène et le découpage de l’espace, suggère le proche déchaînement triplement meurtrier des événements qui se préparent.

III

20Picturalement, le néo-classicisme de Louis XVI, Bonaparte puis Napoléon n’est à coup sûr pas sans liens avec ce qu’il est convenu d’appeler « le classicisme de Weimar » – la formule « l’axe Weimar-Paris » est d’ailleurs régulièrement remise au goût du jour actuellement. [16] Littérairement, le mouvement en Allemagne va doublement dans ce sens, avec Winckelmann depuis le milieu du xviiie siècle et la fondation en 1798 des Propylées par Goethe, une revue aux visées explicitement programmatiques. Mais vaut aussi d’être spécialement valorisée l’intense pratique contemporaine de la traduction des textes des tragiques grecs, entreprise où se marque une prédilection pour Sophocle et, de plus en plus, Euripide. Dès 1788, Schiller donne Iphigénie en Aulide. Le Comte Friedrich von Stolberg remonte à Eschyle (Hambourg, 1802). Kleist est d’abord un lecteur assidu du Théâtre des Grecs (Zurich, 1803) du Suisse J.J. Steinbrüchel : le premier tome de cette somme contenait Électre, Philoctète, Antigone de Sophocle. Mais à Dresde le même Kleist se plonge dans Les Nuées d’Aristophane (Halle, 1798). Et surtout, il consulte les Œuvres d’Euripide traduites en allemand par Friedrich Heinrich Bothe (Berlin et Stettin, 1802). Le tome 3 rassemble Les Héraclides, Hippolyte (avec hésitation sur le titre, Hippolytus oder Fädra, preuve de la présence dans les esprits allemands du temps des pièces de Sénèque et de Racine), Les Bacchantes (pièce déterminante pour Penthésilée) et La Folie d’Heraklès. [17] Globalement, on se trouve, au-delà d’une tendance générale au ressourcement actualisant (qui inclut la recherche d’une langue pour la tragédie), face à des modèles concurrents (Œdipe, Iphigénie, Antigone, Les Bacchantes, etc.). Simultanément, la réflexion philosophique (Schelling, Hegel) conduit à un approfondissement du débat sur le grand genre et sa nature politique et existentielle dont Antigone fournit la réalisation paradigmatique – à côté de Hegel, c’est Hölderlin qui ouvre ici la voie. [18]

21En donnant l’année de sa mort (1805) une version allemande de la Phèdre de Racine, Schiller s’inscrit doublement dans le programme weimarien de modernisation de la tragédie. Par le choix des sujets, le niveau du style et la rigueur formelle, il se propose de hisser le grand théâtre de son pays au-dessus du drame et de la tragédie bourgeoise dont les surgeons ont envahi les scènes des villes et des cours. D’un autre côté, la médiation française lui permettait de renouer avec la tragédie attique. Le paradoxe est que cette incorporation de l’étranger sans soumission à sa loi (Schiller pensait faire mieux que Racine en le traduisant !) eut pour pendant de vives discussions en France sur la voie à suivre. S’y faisaient face les tenants d’une conception nationale qui trouvait son point de départ dans Corneille (depuis Horace) et venait de s’accomplir dans l’œuvre abondante et variée de Voltaire. Cette orientation avait été confortée par le Premier Consul/Empereur dont l’amitié avec l’acteur François-Joseph Talma s’était concrétisée au théâtre par le choix de Cinna comme modèle d’une pratique devenue officielle. La collaboration des deux hommes à Erfurt (en 1807 !) au moment où l’Empire était à son zénith ne visait à rien d’autre qu’à établir dans la durée une conception éminemment politique et continentale du grand genre. [19]

22À l’opposé, le courant hostile à Napoléon cherchait à surmonter la crise où se trouvait la haute tragédie en recourant à ce qui s’apparente à un « modèle allemand ». [20] Reprenant les initiatives des traducteurs du Théâtre allemand, de Lessing, Schiller ou encore Kotzebue, [21] les libéraux Benjamin Constant et Germaine de Staël prônaient pour leur part une sorte de synthèse, plutôt mal assise, des deux systèmes : le Walstein de Constant fond en un acte la trilogie de Schiller, et la Geneviève de Brabant de Germaine de Staël n’est guère autre chose qu’une plate transposition de la pièce de Ludwig Tieck sur le même sujet. Fruits bâtards assurément et cependant révélateurs d’une démarche en rupture avec le legs de l’Ancien Régime revivifié par le Consulat et l’Empire.

23Le retour de Racine fut moins fracassant et relativement peu exploité par le pouvoir. Il reste que, dans le contexte de grécophilie ambiante, il était le premier de tous les tragiques européens notoires à être revenu, depuis les Humanistes, aux Grecs bien longtemps avant que ne paraisse le manifeste de l’hellénophilie chrétienne que fut en 1730 Le Théâtre des Grecs du jésuite Pierre Brumoy. [22] Dans ce texte, Brumoy revient explicitement sur ce que l’on va dès lors désigner comme « les deux Phèdres ». Ses « Réflexions sur l’Hippolyte d’Euripide et la Phèdre de Racine » [23] visent avant tout à faire comprendre les différences insurmontables qui existent entre les deux systèmes religieux dont dépendent en dernier lieu la marche des événements et le sens de l’action des héroïnes grecque et française. Le chrétien en Brumoy s’insurge certes contre la hardiesse du sujet. Mais le lettré amateur de théâtre et admirateur des merveilles de la Fable qu’il est – tout en n’abandonnant rien de ses convictions –, admet qu’« un système faux » puisse, comme il l’écrit, produire « de si grandes beautés ». [24] Rendre à chacun son dû semble être son principal souci. Le parallèle ne conclut pas à la supériorité d’une œuvre sur l’autre : il légitime la comparaison qui reconnaît du coup la validité de la culture humaniste-catholique.

24L’abbé Batteux adopte un point de vue nettement plus tranché. Son texte, prononcé le 9 février 1776 devant l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, [25] dégage trois axes d’analyse, complémentaires en ce sens que s’y trouvent mis en question certains des choix fondamentaux de Racine, celui-ci étant toutefois traité avec les ménagements que lui vaut son rang, alors encore reconnu, de premier parmi les tragiques français. Il ne fait pas de doute que c’est cette intervention qu’August Wilhelm Schlegel a lue avec le plus de soin ainsi que le montrent les angles d’attaque comme les éléments de structure et de contenu, sur lesquels il édifie son exposé. La tragédie d’Euripide, bâtie directement à partir d’un fragment du récit mythique, se distingue selon Batteux par sa simplicité. Le titre (Hippolytos) indique à suffisance que Phèdre n’y occupe, comme on l’a dit, que la première partie de l’action, que la Reine ne rencontre à aucun moment Hippolyte dont la mort procède inéluctablement de la dénonciation qu’elle lègue au monde post mortem et que la précipitation irréfléchie de Thésée appelant sur son fils la punition de Poséidon transforme en catastrophe.

25Appréciation dérivée : cette disposition de la matière dramatique contraste avec la complication qui caractérise les tragédies françaises contraintes, non plus d’épouser le développement du récit originel, mais d’imaginer une intrigue susceptible de remplir des actes que la tragédie antique, toute de flux continu, ignorait. C’est là que Batteux voit la source du système, faussement symétrique, du redoublement à ses yeux maladroit dont l’introduction du personnage d’Aricie est le pivot. Batteux relève avec pertinence qu’« il y a deux amours, l’un tragique, c’est celui de Phèdre pour Hippolyte ; l’autre ordinaire et non tragique, c’est celui d’Hippolyte pour Aricie ». [26] Et de poursuivre dans le même esprit qu’« il y a aussi deux confidences d’amour, l’une d’Hippolyte à Théramène, l’autre de Phèdre à Œnone […] ; et encore deux déclarations d’amour, l’une d’Hippolyte à Aricie, l’autre de Phèdre à Hippolyte ». [27]

26La troisième différence, effectivement de plus de conséquence, repose sur l’inversion par Racine du rapport dramatique interne. Batteux concède que Phèdre gagne par ce bouleversement l’approfondissement moderne de ses passions et l’amplification de l’intensité de leur expression, mais il fait valoir qu’Hippolyte en sort affadi : contraint de quitter la tenue du chasseur, de farouche dévôt d’Artémis qu’il était il se mue en amoureux transi, en courtisan soumis à une éthique du comportement imposé par les femmes.

27Or, cette perte est, pour Batteux, immense comme le fait mesurer la disparition de la scène ultime de la tragédie d’Euripide. Rappelons que l’on voyait s’entretenir dans cette admirable conclusion Thésée, désespéré par l’enchaînement des malentendus qui avaient abattu son fils et ruiné sa maison, Artémis qui, toute impuissante qu’elle soit à annuler les suites de son affrontement avec Aphrodite (un dieu/une déesse ne peut rien contre un(e) autre dieu/déesse), répand la paix dans l’âme de son fidèle à l’agonie, Hippolyte enfin prononçant à l’adresse de son père de tendres paroles de pardon. C’est la force conciliatrice de la tragédie qui éclate ici alors qu’elle n’affleure même pas dans la pièce française.

28La tendance à accorder la première place à Euripide soulève alors, au-delà du parallèle entre deux œuvres et, à la limite, entre deux auteurs et deux littératures/cultures, la question plus spécifique du rapport entre tragiques grecs et tragiques français et, par contrecoup, celle de la direction qu’était appelée à prendre la tragédie allemande alors sur la voie d’une autonomisation entamée avec le brio critique que l’on sait par Lessing dans sa Dramaturgie de Hambourg (1767-1769). [28]

29On ne s’arrêtera qu’un instant sur l’Hippolyte, « tragédie en trois actes, imitée d’Euripide », due à C. Palmézeaux de Cubières. Donnée pour la première fois au Théâtre du Marais en 1803, la pièce fut publiée à Paris la même année. [29] Ce choix de l’auteur en faveur d’Euripide est annoncé dès le titre : les nuances, les balancements et la pesée au trébuchet des vertus respectives des deux textes auxquels se pliait encore Batteux n’ont plus cours. Pour Palmézeaux, il faut revenir au type grec euripidien décrété insurpassable. C’est à partir de lui que pourra prendre forme le grand théâtre appelé à remplacer celui de Voltaire et que n’ont su produire ni la Révolution ni le pouvoir post-thermidorien. Le « Prologue en forme de dialogue/ Entre l’Auteur et un professeur de langues anciennes », donné en ouverture au texte, jette un pont entre la question du parallèle et l’esthétique du Baron Guérin. [30]

30Aspect de la question qui vaut d’être mis en évidence : les deux interlocuteurs, en constant désaccord dans le débat qui suit, partagent le même avis sur les choix du peintre. Comme l’Auteur le rappelle, Guérin avait connu un grand succès au Salon de 1800 où il avait exposé son « Marcus Sextus ». Toutefois, l’Auteur n’hésitait pas à placer plus haut encore « le beau tableau […] de Phèdre et d’Hippolyte », [31] ce qui revenait à postuler la supériorité d’un art néo-classique d’inspiration pathétique grecque et à écarter, avec la tradition théâtrale française continuée, la nouveauté, plus radicale, d’un Romantisme il est vrai encore mal connu.

IV

31En ce sens, les critères avancés par Germaine de Staël dans De la littérature, texte qui date de 1800, [32] surprennent par leur fidélité à l’idée de progrès qui sauvegarde sous sa plume au sein de l’opposition ancienne des Anciens et des Modernes quelque chose de la pensée des Lumières telle qu’incarnée par Condorcet et sa théorie de « la perfectibilité infinie ». [33] Germaine de Staël s’attache à replacer les Grecs dans un âge qui est comme celui de l’enfance, merveilleuse mais tout imprégnée de l’innocence de l’humanité. À la lire, « les auteurs grecs […] tenaient à la crédulité de leurs spectateurs », facilement émus. Sans prononcer le mot, elle devine chez eux un certain primitivisme, ou plutôt, pour parler avec Schiller, une « naïveté », antérieure aux modes de représentation prémodernes :

32

Leur art dramatique, précise-t-elle, ressemblait à leur peinture [NB. Le rapprochement entre arts figuratifs et fiction se poursuit donc !], où les plus vives couleurs, où tous les objets sont placés sur le même plan, sans que les lois de la perspective y soient observées. [34]

33De même, la motivation des personnages n’obéissait pas le moins du monde à ce qui s’apparenterait à « une logique des émotions », l’action se moulant sur le muthos : « il suffisait aux Grecs d’un oracle pour tout expliquer ». Et encore ceci : « Il existait un dogme religieux pour chaque sentiment ». [35] Au fond, pourrait-on dire, l’écart entre les cultures est abyssal et la psychologie, qui a pris la place des contraintes imposées de l’extérieur, a modifié l’art du tout au tout.

34C’est à ce moment que Germaine de Staël fait intervenir Euripide et Racine sur la base à nouveau du parallèle auquel nous nous sommes attardés : « En étudiant les deux Phèdres, avance-t-elle comme si elle voulait parler du meilleur exemple possible, il est surtout facile de nous convaincre de cette vérité ». [36] Or, « la différence des siècles et des mœurs » est devenue un cliché auquel il est nécessaire de redonner un contenu en se servant de l’art. Germaine de Staël ne le cache pas : c’est l’analyse des sentiments qui est le marqueur de l’art moderne, et par-dessus tout de l’art dramatique. C’est elle qui signe, pour mieux clore le débat, la supériorité de Racine (et de son époque) sur Euripide (et son « siècle »). [37]

V

35Une certitude adossée au même modèle ascensionnel qui conduit d’Eschyle à Euripide anime Germaine de Staël lorsqu’elle évoque les trois tragiques majeurs du ve siècle qu’elle assimile aux maîtres successifs de la statuaire. [38] Avec elle Euripide mérite vraiment, comme pour Aristote qu’elle connaît naturellement, et Lessing, qu’elle a lu (comme le confirme De l’Allemagne), d’être dit « le plus tragique de tous les poètes tragiques » (tragikôtatos). [39] Faisant sien le vocabulaire des Lumières, elle note encore : « On peut remarquer un perfectionnement sensible dans les trois tragiques, Eschyle, Sophocle, Euripide », avant de compléter sa réflexion par l’ajout selon lequel « il y a même trop de distance entre Eschyle et les deux autres, pour expliquer seulement cette supériorité par la marche naturelle de l’esprit dans un si court laps de temps ». [40] Le phénomène, échappant au déterminisme qu’impliquerait possiblement une sorte de loi naturelle, s’ancre pour elle dans les institutions et relations sociales et politiques, intérieures et extérieures. Si « Eschyle n’avait vu que la prospérité d’Athènes » consécutive à la victoire sur des Perses arrêtés dans leur tyrannique expansion conquérante, « Sophocle et Euripide ont été témoins de ses revers ». La conclusion s’impose alors selon elle avec la force de l’évidence : « leur génie s’en est accru ; le malheur a aussi sa fécondité ».

36À l’inverse s’inscrit en faux, contre cette anabase, la catabase que Nietzsche va développer dans La Naissance de la tragédie en 1872. Comme on sait, il affirme là le déclin du genre tragique et fait grief à Euripide d’avoir été l’agent déterminant de ce déclin. [41] Mais pour notre propos, il est indispensable de rappeler qu’il n’a en aucun cas été le premier à défendre cette thèse même s’il l’a étayée d’arguments qui lui étaient propres : les premiers Romantiques l’ont devancé. [42] Le document textuel de base commun est d’ailleurs le même : la comédie des Grenouilles d’Aristophane, [43] où sont mises en cause pour la première fois la filiation analytique de la tragédie euripidienne, l’abandon du mythe par morcellement séquentiel, le développement indépendant des sujets et des figures majeures avec pour conséquence la primauté des passions – tous bouleversements rapportés plus ou moins directement à la supposée familiarité du dramaturge avec la pensée anaxagorienne du nous et, plus fortement souligné, avec la « sophistique » socratique dont Nietzsche décèle la résurgence dans la philosophie de son temps, celle de Schopenhauer exceptée. Dans les écrits des frères Schlegel, spécialement les cahiers de l’Athenäum parus de 1799 à 1801, Euripide est au contraire, par une inversion « épocale » de la hiérarchie ancienne, donné pour le moins tragique des tragiques.

37La nouveauté la plus frappante des attaques du groupe d’Iéna touchait à l’emploi, philosophique et non plus strictement générique, de la notion de « tragique ». Schelling, dans les leçons d’Iéna de 1801-1802, répétées à Wurzbourg en 1803-1804 et qu’il avait regroupées sous le titre, révélateur de ce changement de positionnement, Philosophie de l’Art (Philosophie der Kunst), [44] consacre l’émergence au premier plan d’une question qui va occuper Goethe aussi bien que Hegel et déborder, avec le roman des Affinités électives, le cadre générique d’origine.

38Point nodal : cette évolution allemande n’est pas prise en compte par les théoriciens français qui continuent à parler de « tragique » sous une forme adjectivale et à rattacher ce terme aux sujets, formes et effets de la tragédie. C’était au demeurant être fidèle au grec « tragikos », comme Lessing l’était quand il utilisait l’épithète de « tragisch ».

39L’idée que ce même mot pût impliquer, sous une forme substantivée, une « Weltanschauung », un « sentiment de la vie » ou « de l’existence », ne les effleurait pas. Elle ne devait s’imposer en France qu’au xxe siècle via Unamuno.

40Mais ce n’est pas tout : autour de 1800, et encore quelques décennies plus tard, les penseurs allemands ont eu tendance à mesurer les tragédies apparues dans les divers théâtres nationaux depuis le xvie siècle à l’aune de cette catégorie.

41L’esprit qui anime la Comparaison entre la ‘Phèdre’ de Racine et celle d’Euripide d’August Wilhelm Schlegel [45] repose en revanche en totalité sur ce changement de paradigme. Publié à Paris en 1807 (et en français !), ce texte d’une centaine de pages se voulait une provocation lancée à une vision française de la tragédie très majoritairement attachée à cette date encore à sa triade nationale prenant le relais de l’attique et confortée dans ce choix par une critique conservatrice bénéficiant du soutien d’une presse ralliée au pouvoir ou domestiquée par lui. Mais elle opérait aussi une série de renversements inintelligibles pour qui ne prenait pas en considération le contexte de renouvellement qui s’était installé en Allemagne à la charnière des xviiie et xixe siècles.

42Quelques rappels aideront à faire toucher du doigt ce basculement d’une absolue centralité pour les relations entre nos deux littératures. Ainsi, August Wilhelm Schlegel intègre dans un premier temps les positions de Brumoy et Batteux à son développement. Cette captation place la Comparaison […] dans un éclairage qui est encore modérément critique. Un point pourtant attire l’attention : en refusant de s’attarder aux « beautés » de la langue de Racine si généreusement louées par les Français, August Wilhelm Schlegel s’épargne une tâche singulièrement délicate. Mais surtout il fait l’impasse sur le « style » (l’elocutio de l’ancienne technè), sanctionnant aussi la rupture avec la rhétorique, rejetée par Kant, alors qu’elle continuait en France à servir de substrat à la littérature. De plus, en faisant intervenir dans la discussion la relation (qualitative) entre la pièce « imitée » et son modèle, August Wilhelm Schlegel intégrait à l’opposition entre la France et l’Allemagne la nouvelle généalogie née de la thèse de la corruption de la tragédie par le socratisme. La confluence se produit dès les premières pages de la Comparaison […] :

43

Ainsi, sachant d’un côté qu’Euripide a été le poète favori de ses contemporains, admettant de l’autre, comme nous le devons certainement, que Racine était l’auteur le plus habile et le plus exercé dans la pratique du théâtre français […] notre parallèle de l’original contiendra nécessairement un jugement indirect sur la valeur comparative du siècle d’Euripide et de celui de Racine. […] Racine est le poète tragique le plus estimé du théâtre français, il est peut-être le plus parfait. Euripide n’était ni l’un ni l’autre, par rapport à ses rivaux dans la même carrière […] [46]

44Le coup porté est rude, il rabaisse la tragédie classique française, à travers son exposant majeur, à un épisode secondaire de l’histoire universelle du genre tragique. La référence à Aristote, dont les Français se voulaient les plus exacts disciples, est alors utilisée comme une arme supplémentaire dans cette opération de réévaluation du théâtre des règnes de Louis XIV et de Louis XV :

45

[…] l’autorité d’Aristote [= qui a parlé d’Euripide comme du tragikôtatos] ne devrait pas nous en imposer, insiste August Wilhelm Schlegel. La persécution infatigable d’Aristophane seule peut nous convaincre que beaucoup de contemporains apercevaient dans l’objet de la faveur publique la dégénération de l’art. [47]

46Qu’est-ce à dire sinon que le choix du pathétique entraînait le passage progressif de la tragédie à la comédie, la satirique mais aussi la Nea théophrastique. À l’appui de cette hypothèse on fera valoir ce qu’August Wilhelm Schlegel expose dans la seconde partie, sensiblement plus courte, de la Comparaison […]. Il s’attache à définir dans ces pages ce qu’il nomme « l’âme et le génie de tout le genre ». [48] Il y déclare en particulier tenir pour subalternes les règles et même la nature de l’effet que la catharsis est, depuis le Stagirite, supposée exercer sur le spectateur. Le changement de cap est de poids, les gloses et contre-gloses, en Italie et en France surtout, ayant eu justement pour objet la définition de ces dits points. August Wilhelm Schlegel y substitue le principe de « la fatalité », qui était selon lui partie intégrante de « la croyance religieuse des anciens ». Il fait de cette vision du monde « la pensée fondamentale et motrice [de] la tragédie grecque », pensée qui, à son tour, butte sur la volonté humaine et se voit opposer la résistance de la « conscience pure et [du] courage invincible ». [49] C’est dans l’affrontement de ces vertus spécifiquement humaines (au sens où l’entendait Sophocle) avec la loi d’airain qui s’impose aux dieux eux-mêmes que gît le sujet essentiel du spectacle tragique dont l’horizon indépassable se révèle être in ultimo le combat de la liberté et de la nécessité.

47Toute tentative pour faire renaître la tragédie antique en lui imposant de force la camisole de l’aristotélisme moderne manque sa cible. Cette variante décrétée illégitime de la « tragédie tragique » ne satisfaisant pas aux exigences du genre ainsi redéfini est de facto exclue de son histoire. August Wilhelm Schlegel ne se borne cependant pas à plaider pour une nouvelle mythologie refondatrice car conforme à l’âge « post-antique » (« nachantik ») dans lequel nous vivons toujours. Il fait en compensation de Shakespeare et de Calderón, dont il fut et sera le génial traducteur en allemand, les maîtres de la tragédie constituée en genre à partir de la première modernité. Au plan de l’histoire du genre la substitution se trouve par là pleinement réalisée.

48Une dernière remarque qui peut valoir conclusion : les articles et comptes rendus critiques parus dans la presse parisienne en 1807-1808 – dans le Publiciste, le Mercure de France, le Journal de l’Empire pour ne citer que les plus influents – opposèrent à ce réquisitoire un abrupt et global non possumus, les nuances entre eux demeurant périphériques. Leur guide restait l’absolu du « goût » érigé par et depuis Boileau en norme suprême. [50] Il n’y eut dans ce concert unanimement négatif qu’une voix discordante. Mais c’était celle de François Guizot, très informé du cours pris par la pensée allemande depuis Hegel. Lui excepté (et dans une mesure qui resterait à préciser), nul ne saisit vraiment la portée exacte des développements d’August Wilhelm Schlegel. Le malentendu était profond et le fossé qui séparait les uns et les autres devait pour longtemps rester infranchissable.

Notes

  • [*]
    Jean-Marie VALENTIN, Professeur, Sorbonne/IUF, 108 bd. Malesherbes F-75850 PARIS cedex 17 ; courriel : jmedvalentin@gmail.com
    Ce texte reproduit celui de la conférence donnée le 17 mai 2013 au Colloque « Synergies » organisé à Berlin (Max Liebermann-Haus) dans le cadre du 50e anniversaire du Traité de l’Élysée et de l’exposition « De l’Allemagne » présentée au Louvre en mai-juin de la même année.
  • [1]
    Madame de Staël : Corinne ou l’Italie. Édition de Simone Balayé, Paris : Gallimard (folio classique), 1985.
  • [2]
    Ibid., p. 225.
  • [3]
    Ibid.
  • [4]
    Aristote : Poétique. Introduction, traduction nouvelle et annotation de Michel Magnien, Paris : LGF, 1990, chapitre IV, 1449a (« leur nature propre »).
  • [5]
    Corinne ou l’Italie (note 1), p. 225.
  • [6]
    Le dernier travail en date (avec renvois bibliographiques) est celui d’Alain Muzelle : L’Arabesque. La théorie romantique de Friedrich Schlegel à l’époque de l’Athenäum, Paris : PUPS, 2006.
  • [7]
    Goethes Werke. Band IV : Romane und Novellen. Erster Band. Mit Anmerkungen versehen von Benno von Wiese (Die Wahlverwandtschaften), Hamburg : Christian Hegner Verlag, 1951, 41960, p. 385-396 (les tableaux vivants sont décrits aux pages 392-393).
  • [8]
    Corinne ou l’Italie (note 1), p. 233.
  • [9]
    Ibid., p. 234.
  • [10]
    Ibid., p. 235.
  • [11]
    Ibid.
  • [12]
    Jean Racine : Œuvres complètes. Tome I : Théâtre-Poésie. Édition présentée, établie et annotée par Georges Forestier, Paris : Gallimard (= Bibliothèque de la Pléiade), 1999, Phèdre et Hippolyte, p. 877-904.
  • [13]
    Jacques Pradon : Phèdre et Hippolyte. Tragédie, dans : Théâtre du XVIIesiècle. Tome III, p. 95-154. Textes choisis, établis, présentés et annotés par Jacques Truchet et André Blanc, Paris : Gallimard (= Bibliothèque de la Pléiade), 1992.
  • [14]
    Euripide : Hippolyte, dans : Tragiques grecs. II : Euripide. Théâtre complet, édition de Marie Delcourt-Curvers, comportant notices et notes, Paris : Gallimard (= Bibliothèque de la Pléiade), 1962, p. 199-273. Consulter aussi Euripide. Tragédies. Collection des universités de France. Tome II : Hippolyte-Andromaque-Hécube. Texte établi et traduit par Louis Méridier, Paris : Les Belles Lettres, 1927 (32003), Hippolyte, p. 7-85 ; Sénèque : Tragédies. Collection des universités de France. Tome I : Hercule furieux, Les Troyennes, Les Phéniciennes, Médée, Phèdre. Texte établi et traduit par Léon Herrmann, Paris : Les Belles Lettres, 1925 (61985), Phaedra, p. 176-226.
  • [15]
    Sénèque : Phaedra (note 14), vers 728-729.
  • [16]
    Riche et nuancé exposé de la question par Boris-Roman Gibhardt : « Von der Gelehrtenrepublik zur Weltkultur. Goethe und die Achse Paris-Weimar um 1800 », Études Germaniques 67 (2012), 4, p. 631-651.
  • [17]
    Lire à ce sujet notre article : « Oreibasia, sparagmos, omophagia. Kleist, Penthésilée et le retour du dionysiaque euripidien », Études Germaniques 67 (2012), 1, p. 7-42.
  • [18]
    Friedrich Hölderlin : Gedichte. Neue textkritische und erstmals umfassend kommentierte Edition. Hrsg. von Jochen Schmidt, Frankfurt a. M. : Deutscher Klassiker Verlag, 1992 ; Bernhard Böschenstein : « Frucht des Gewitters ». Zu Hölderlins Dionysos als Gott der Revolution, Frankfurt a. M. : Insel, 1989, p. 72-90 ; Philippe Lacoue-Labarthe : « Hölderlin et les Grecs », dans : L’Imitation des modernes, Paris : Galilée, p. 71-84 (avec renvois bibliographiques).
  • [19]
    Jean-Marie Valentin : « L’Empereur et le comédien. Histoire et théâtralité dans Napoleon oder Die hundert Tage de Ch. D. Grabbe », Études Germaniques 67 (2012), 2, p. 309-332.
  • [20]
    Bernard Franco : Le Despotisme du goût. Débats sur le modèle tragique allemand en France 1797-1814, Göttingen : Wallstein, 2006, 2 vol.
  • [21]
    François Genton : « Des beautés plus hardies… » Le théâtre allemand dans la France de l’Ancien Régime (1750-1789), Paris : Les Éditions Suger, 1999.
  • [22]
    Le Théâtre des Grecs. Édition d’Amsterdam, aux dépens de la Compagnie, MDCCXXX.
  • [23]
    Ibid., p. 279-293.
  • [24]
    Sur cette question, cf. notre article « Tragédie, tragique et destin dans le drame de tradition catholique. Le Théâtre des Grecs (1730) de Pierre Brumoy s.j. », dans Jean-Marie Valentin : L’École, la ville, la cour. Pratiques sociales enjeux poétologiques et répertoires du théâtre dans l’Empire au XVIIe siècle, Paris : Klincksieck, 2004, p. 173-191.
  • [25]
    Charles Batteux : « Observations sur l’Hippolyte d’Euripide et la Phèdre de Racine », dans L’Histoire de l’Académie Royale des Inscriptions et Belles-Lettres […], À Paris, de l’Imprimerie Royale, 1776, Tome quarante-deuxième, p. 452-472.
  • [26]
    Cité dans August Wilhelm Schlegel : Comparaison entre la ‘Phèdre’ de Racine et celle d’Euripide. Édition présentée, annotée et commentée par Jean-Marie Valentin, Arras : APU, 2013, p. 267.
  • [27]
    Ibid.
  • [28]
    1) Gotthold Ephraim Lessing : Dramaturgie de Hambourg. Traduction intégrale, introduction et commentaire par Jean-Marie Valentin, Paris : Klincksieck, 2010. 2) Traduction seule (avec introduction réduite), Paris : Les Belles Lettres (collection Bibliothèque Allemande, 2), 2011 ; 3) Introduction seule sous le titre Poétique et critique dramatique, Paris : Les Belles Lettres (collection « Essais »), 2013.
  • [29]
    À Paris, Chez Madame Masson, libraire, éditeur de pièces de théâtre, rue de l’Échelle n° 558, au coin de celle Saint-Honoré. Imprimerie de Chaigneau Aîné An XI — 1803.
  • [30]
    August Wilhelm Schlegel : Comparaison […] (note 26), p. 291-311.
  • [31]
    Ibid., p. 291.
  • [32]
    Madame de Staël : De la littérature. Édition établie par Gérard Gengembre et Jean Goldzink, Paris : GF Flammarion, 1991.
  • [33]
    Sur cette question lire la mise au point d’Ernst Behler : « Die Idee der unendlichen Perfektibilität des Menschen in der französischen und deutschen Frühromantik », dans Eckhard Heftrich, Jean-Marie Valentin (Hrsg.) : Gallo-Germanica, Wechselwirkungen und Parallelen deutscher und französischer Literatur, Nancy : Presses Universitaires de Nancy, 1986, p. 121-150. De même, Gérard Gengembre, « Littérature et nation chez Mme de Staël. Le cas de l’Allemagne », dans G. Espagne (dir.) : Histoires de littératures en France et en Allemagne autour de 1800, Paris : Kimé, 2009, p. 201-217.
  • [34]
    Madame de Staël : De la littérature (note 32), p. 107.
  • [35]
    Ibid. p. 108.
  • [36]
    Ibid., p. 109.
  • [37]
    Ibid., p. 110.
  • [38]
    Elle suit ici Winckelmann et son Histoire de l’art de l’Antiquité, Chapitre 4, 3e partie (Phidias, Praxitèle, Lysippe).
  • [39]
    Aristote : Poétique (note 4), Chapitre XIII, 1453a ; Lessing : Dramaturgie de Hambourg (note 28), 39e et 49e livraisons, p. 142 et 172.
  • [40]
    Madame de Staël : De la littérature (note 32), p. 110.
  • [41]
    Friedrich Nietzsche : Die Geburt der Tragödie aus dem Geiste der Musik, in Werke in drei Bänden, hrsg. von Karl Schlechta, München : Carl Hanser Verlag, 1. Bd., 91982, p. 9-134 (référence § 11 sq.).
  • [42]
    Parmi les nombreux travaux sur ce sujet, citons Ernst Behler : « Sokrates und die griechische Tragödie. Nietzsche und die Brüder Schlegel über den Ursprung der Moderne », Nietzsche-Studien 18 (1959), p. 141-157 ; A. Henrichs, « The Last of the Detractors : Friedrich Nietzsche’s Condemnation of Euripides », Greek, Roman and Byzantine Studies 27 (1986), p. 369-397.
  • [43]
    L’édition française la plus récente est celle de Pierre Judet de La Combe : Aristophane. Les Grenouilles, Paris : Les Belles Lettres (bilingue), 2012 (traduction, avec un commentaire remarquable de rigueur).
  • [44]
    Friedrich Wilhelm von Schelling : Philosophie der Kunst, Darmstadt : WBG, 1966. Version française par Caroline Sulzer et Alain Pernet. Présentation et notes par Caroline Sulzer, Grenoble : Jérôme Millon, 1999.
  • [45]
    Reproduction diplomatique de la princeps dans August Wilhelm Schlegel : Comparaison […] (note 26), p. 99-183.
  • [46]
    Ibid., p. 109-110.
  • [47]
    Ibid., p. 110.
  • [48]
    Ibid., p. 164.
  • [49]
    Ibid., p. 164-165.
  • [50]
    Ils sont reproduits, à l’exception d’un seul, dans notre réédition (note 26), aux pages 327-462. Lire à ce sujet l’analyse surtout informative de Chatana Nagajavarra : August Wilhelm Schlegel in Frankreich. Sein Anteil an der französischen Literaturkritik 1807-1835. Mit einer Einleitung von Kurt Wais, Tübingen : Niemeyer, 1966. Pour la question du « goût », se reporter au livre de Bernard Franco, supra (note 20).
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