Notes
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[*]
Cécile-Eugénie CLOT, Professeur agrégé d’allemand, docteur en Études Germaniques (Paris-Sorbonne) ; 53, boulevard d’Anvers, F-67000 STRASBOURG ; courriel : cecile.clot@yahoo.de
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[1]
Karl Sigismund Franz Freiherr von Stein zum Altenstein fut en 1803 conseiller aux Finances et membre du Comité de Direction, il occupa de 1808 à 1810 le poste de Ministre des Finances, puis fut nommé de 1817 à 1838 Ministre de l’Éducation, du Culte et de la Santé Publique.
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[2]
Cécile-Eugénie Clot : Kleist épistolier. Le geste, l’objet, l’écriture, Bern : Peter Lang, 2008, p. 89-161.
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[3]
« – Je me penche sur votre main, et l’embrasse et pleure ! ». Lettre à Altenstein du 30 juin 1806. In : H. v. Kleist Brandenburger-Ausgabe, hrsg. von Roland Reuß und Peter Staengle, Basel : Stroemfeld/Roter Stern, 1996, Band IV/II, Briefe II (par la suite BKA II), p. 401 ; « J’embrasse avec amour, profondément ému, votre main », Lettre à Altenstein du 4 août 1806. BKA II, p. 412 ; « Je voudrais saisir votre main, mon grand, mon sublime ami, et y déposer un long et intense baiser ! », Lettre à Altenstein du 1er janvier 1809. In : Heinrich von Kleist Sämtliche Werke und Briefe, hrsg. von Klaus Müller-Salget und Stefan Ormanns, Band 4 : Briefe von und an Heinrich von Kleist, Frankfurt a.M. : Deutscher Klassiker Verlag, 1997 (par la suite DKV), p. 426.
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[4]
« Erhalten Sie mir in Ihrer Brust die Gefühle, auf die ich stolz bin, niemals wird die innigste Verehrung in Dankbarkeit in mir erlöschen, und wenn Sie jemals eines Freundes und einer That, bedürfen, so finden Sie keinen der sich mit treuerem und heißerem Bestreben für Sie hingeben wird, als mich. » [« Conservez à mon égard en votre cœur ces sentiments dont je suis fier, jamais ne s’éteindra en moi la plus profonde vénération et ma reconnaissance, et si vous avez jamais besoin d’un ami et d’un acte, vous n’en trouverez pas de plus fidèlement dévoué que moi dans l’aspiration à vous combler. »].
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[5]
« Es ist mit der innigsten Betrübniß, und nach einem Kampf voll unsäglicher Schmerzen, daß ich die Feder ergreife, um Sie zu bitten, Verehrungswürdigster ! Mich von der Verpflichtung […] wieder loszusprechen. » Lettre à Altenstein du 30 juin 1806, BKA II, p. 398 [« C’est avec la plus profonde affliction et après un combat indiciblement douloureux que je prends la plume pour vous prier, mon très honorable ami ! de me libérer de mes obligations […]. »]
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[6]
« […] dieser (wohl prekäre) Doppelwunsch [führte] in ein unlösbares Dilemma […] » in : Briefe von und an Heinrich von Kleist, hrsg. von Klaus Müller-Salget et Stefan Ormanns, Frankfurt a.M. : DKV, 1997, p. 529.
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[7]
« Durch die Gnade Sr. Excellenz des HE. Staatskanzler Freiherrn von Hardenberg, werden die zur Erhebung und Belebung des Antheils an den vaterländischen Angelegenheiten unternommenen, und mit dem Beifall des Publicums auf unerwartete Weise beehrten Berliner Abendblätter von nun an officielle Mittheilungen, über alle bedeutenden, das Gemeinwohl und die öffentliche Sicherheit betreffenden Ereignisse in dem ganzen Umfange der Monarchie enthalten. ».
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[8]
« Seule une personne mal informée peut affirmer que je n’ai pas été limité dans l’édition de cette feuille, car les mesures exceptionnelles qui m’ont contraint à modifier tout l’esprit des Feuillets ne sont que trop connues. ».
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[9]
« […] et tenais à vous indiquer qu’en cas de réponse ambiguë ou insatisfaisante de votre part, j’exigerai de vous la réparation qu’un homme d’honneur est en droit de réclamer dans de semblables circonstances […] ».
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[10]
« Votre honneur me pardonne de prendre la liberté de revenir sur une question demeurée sans réponse dans votre billet d’aujourd’hui et à laquelle je vous prie de répondre sous 48 heures par oui ou par non : « m’avez-vous fait une proposition d’argent en échange de la direction d’un journal servant les intérêts de la Chancellerie ? ».
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[11]
« Le Chancelier, par une censure d’une sévérité scandaleuse et arbitraire, m’a contraint à la nécessité de modifier tout l’esprit des Feuillets pour tout ce qui concerne les affaires publiques ; et maintenant, parce que les promesses qui m’ont été faites personnellement par l’intermédiaire d’un tiers n’ont pas été tenues, j’exige une indemnisation appropriée : et voici que l’on nie, dans un misérable tour de main diplomatique, tout ce qui a été négocié, dans la mesure où rien n’a été fixé par écrit. Que dites-vous de tels procédés, mon très cher Fouqué ? Comme si un homme d’honneur, à qui l’on donne sa parole, oui, oui, non, non, considérait l’affaire autrement lorsque celle-ci a été conclue à une table de conseillers et de secrétaires et scellée à grand renfort de cire et de cachets ? Pour ma part, avec ma façon d’être stupidement allemande, je suis allé aussi loin que seul un Carthaginois aurait pu le faire. […] ».
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[12]
Lettre à Wilhelm Prinz von Preußen du 20 mai 1811, DKV, p. 485-491, lettre à Friedrich Wilhelm III. von Preußen du 17 juin 1811, DKV, p. 493-495.
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[13]
Lettres à Karl August von Hardenberg, DKV, p. 478-479.
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[14]
Lettre du 20 mai 1811 à Wilhelm, Prinz von Preußen, DKV p. 485.
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[15]
Heinrich von Kleist : Über die allmähliche Verfertigung der Gedanken beim Reden, München : Hanser, 51990, p. 810-814. Cf. sur cette question Alain Muzelle : L’Écriture de Kleist comme élaboration progressive du discours. Une étude stylistique des nouvelles, Bern : Peter Lang, 1991.
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[16]
Lettre à Karl August von Hardenberg du 19 septembre 1811, DKV, p. 503.
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[17]
« Der Bogen des Gewölbes zeigt vom Anfang der Schöpfung zu ihrem Ende – ohne das Paradies zu berühren ».
1Si l’étymologie latine du mot transgression, transgredi/transgressum, est relativement neutre, puisqu’il s’agit à l’origine de l’idée d’aller au-delà, de franchir, de traverser, la connotation négative, voire répréhensible du mot est apparue indéniablement avec ce que les religions entendirent par l’idée d’aller au-delà des limites imposées – déjà dans l’Antiquité, l’hybris, proche d’une forme de transgression, était durement punie.
2Dans l’œuvre d’Heinrich von Kleist, tant dans son théâtre, que sa prose et que sa correspondance, tout est transgression. Transgression des limites imposées par le genre, transgression des règles syntaxiques et grammaticales, mais transgression également des règles de bienséance, de savoir-vivre, des lois et des codes sociaux.
3Les lettres de Kleist, et en particulier celles qu’il adressa entre 1805 et 1811 à plusieurs personnages officiels haut, voire très haut placés, jettent un éclairage particulier sur cet impératif qui fut le sien de transgresser, de franchir, d’aller au-delà de tout ce qui était permis, toléré socialement et acceptable juridiquement – jusqu’à provoquer et transgresser, à deux reprises, en cette journée de novembre 1811, l’ultime commandement « tu ne tueras point. »
4Chez Kleist, et c’est bien ce que mettent au jour les lettres officielles, même la soumission a quelque chose d’une transgression, et il n’y a conciliation que de manière transitoire, incomplète, artificielle et insatisfaisante. La conciliation ne laisse chez Kleist qu’une trace fugitive et fugace, comme si elle n’avait pas de prise, finalement, sur la réalité, et seule la dimension tragique de ce fragile et tiède compromis finit, comme dans Penthésilée, par s’avérer.
1 – La soumission et la conciliation
5Il n’y a de soumission, dans les lettres de Kleist aux divers personnages officiels de sa correspondance, qu’apparente et librement consentie. Chez le poète, la soumission ne se départit point, en outre, de sentiments véritables, de respect profond et d’attachement sincère. Ce sont en particulier les missives envoyées par Kleist à Karl von Stein zum Altenstein qui entérinent ce constat.
6Au même titre que Christoph Martin Wieland, mais dans un tout autre domaine, Karl Sigismund Franz Freiherr von Stein zum Altenstein, l’un des plus importants hauts fonctionnaires de l’État prussien de l’époque, [1] représenta pour Kleist à la fois un ami, une autorité morale, une figure paternelle et un soutien concret au sein de l’administration prussienne. Homme éclairé, influencé par Kant et Fichte dont il était l’ami, Karl von Stein zum Altenstein occupait le poste de Ministre des Finances lorsque Kleist lui fut présenté en 1805.
7Kleist plut à Altenstein, qui lui accorda sa confiance et son soutien. Avec la promesse d’un poste dans le domaine des finances, il envoya le jeune homme au début de l’année 1805 à Königsberg pour y suivre les cours de finance politique du Professeur Kraus.
8La relation de Kleist avec Altenstein fut marquée par le mélange d’un ton officiel avec une forme d’emphase et de familiarité. Le personnage semble avoir représenté pour Kleist une autorité toute paternelle, qui le prenait en considération et le soutenait, jusqu’à un certain point, dans ses décisions.
9Le ton de la correspondance avec Altenstein reflète une grande proximité affective, qui ne fit toutefois jamais abstraction du rang du haut fonctionnaire, toujours souligné avec déférence. Se trouve d’ailleurs démontrée dans cette déférence la parfaite maîtrise qui fut celle de Kleist des règles et des codes épistolaires de son temps. [2]
10Comme dans les lettres adressées à Wieland, le respect le plus profond va au-delà du simple respect des codes et s’exprime par ce geste de soumission, mis en scène non sans un certain pathos, que représente le baiser de la main :
12Dans ses lettres, Kleist réitéra à Altenstein sa reconnaissance infinie et sa fidélité indéfectible, dans des élans empreints de solennité. Il faut souligner ici, au-delà des mots, la force et la constance des sentiments ressentis par l’auteur. [4] Ce sentiment éprouvé pour Altenstein, la recherche non seulement d’un soutien concret, mais également, sur un plan affectif, indubitablement, d’une figure paternelle, explique la propension et la disposition de Kleist à se soumettre, du moins dans les formes, à son autorité.
13La tendance à l’emphase, toutefois, qui caractérise les lettres de Kleist à Altenstein, correspond également à une forme de mise en scène du moi dans une attitude respectueuse, certes, mais dans le fond uniquement soumise de façon apparente ou provisoire. Cet aspect se trouve confirmé dans la lettre que Kleist adressa à son protecteur après une année à peine passée à Königsberg, pour le prier de le libérer, ou du moins de le suspendre provisoirement, de ses obligations. [5] Le prétexte invoqué, une maladie inexpliquée, était fallacieux. Kleist ne révéla la véritable raison de cet abandon – sa décision de se consacrer à l’écriture et d’en vivre – qu’à son ami Rühle von Lilienstern, dans une lettre du 31 août 1806 :
Du weißt, daß ich meine Carriere wieder verlassen habe. Altenstein, der nicht weiß, wie das zusammenhängt, hat mir zwar Urlaub angeboten, und ich habe ihn angenommen ; doch bloß um mich sanfter aus der Affaire zu ziehen. Ich will mich jetzt durch meine dramatischen Arbeiten ernähren.
15Envers Altenstein, qui ne fut peut-être pas dupe, Kleist adopta une attitude soumise et désolée, insistant sur l’impossibilité irrémédiable de poursuivre dans la voie qui s’était ouverte à lui par son entremise.
16Ce que Kleist chercha donc à concilier, dans ces lettres empreintes de considération et promptes à exprimer une infinie contrition, ce sont des contraires. Mû par le désir de se consacrer à ce qui constituait désormais une impérieuse nécessité (« ich dichte bloß, weil ich es nicht lassen kann », lettre à Rühle du 31 août 1806), le poète voulut obtenir, au-delà du soutien, l’assentiment de cet homme puissant qui lui était acquis et qu’il respectait, assentiment à une décision qui allait dans le sens contraire au soutien qu’Altenstein lui avait primordialement accordé.
17Les lettres témoignent de fait d’une stratégie dans laquelle la soumission apparente à la volonté de l’autre, tant sur le fond que sur la forme, joue le premier rôle, même si cette soumission s’accompagne d’un respect réel et ressenti. Une stratégie qui a pour but la résolution d’un insoluble dilemme, ou la conciliation de deux pôles ici fortement antagonistes, et que Klaus Müller-Salget met en évidence dans son commentaire à l’édition des lettres : « Geliebtwerden – und Freiseinwollen ». [6] Etre aimé d’Altenstein, conserver son estime et son soutien, tout en se libérant des obligations qui découlaient de ce soutien.
18Même dans les lettres à Altenstein, la soumission, librement consentie d’un point de vue affectif du fait d’un respect indéniable pour le personnage, n’est en réalité alors qu’apparente et dissimule mal, de fait, une forme de transgression. Une transgression qui correspond à une quête de soi (« Selbstfindung »), et qui conduit l’auteur, nécessairement, à faire voler en éclats toute forme de contrainte, et à refuser avec virulence le cadre prédéfini dans lequel son milieu social le pressait d’évoluer.
19Non que Kleist eût ressenti le désir de manipuler l’autre ; la transgression puise sa source chez lui dans un impératif intérieur immaîtrisable, qui s’accommode de fait très mal de toute forme d’obligation. Le recours aux formes et aux codes de la soumission est mis dès lors par lui au service de cet impératif transgressif, dans le but et avec la volonté néanmoins de conserver le soutien et l’affection de l’autre, et donc de concilier une fois de plus, dans un fol et vain sursaut d’espoir, les contraires.
2 – La transgression
20Il arrive souvent toutefois, et les lettres adressées aux plus hauts fonctionnaires de l’État en témoignent, que Kleist n’ait pas été en mesure d’exprimer, dans les formes et dans le respect des codes épistolaires, ne serait-ce qu’un semblant de soumission, et que la transgression ait été patente, tant dans la démarche, que dans la manière dont cette démarche fut conduite. Dans ce contexte, ce sont les lettres de Kleist au chancelier Karl August von Hardenberg et à son conseiller Friedrich von Raumer qui se révèlent les plus parlantes.
21Si le chancelier Hardenberg avait de Kleist une image mêlée à la suite de l’épisode de Königsberg, le conflit acerbe qui les opposa au début de l’année 1811 autour des Berliner Abendblätter (Feuillets berlinois du soir) acheva de la ternir. La plupart des lettres qu’échangèrent les deux hommes eurent pour objet cette polémique virulente qui mit fin à l’édition des Feuillets.
22Ce quotidien de quatre pages, qui parut pour la première fois le 1er octobre 1810, fit d’abord sensation auprès du public. L’intention de Kleist et de son ami Adam Müller était d’éditer un journal moins intemporel et plus engagé dans l’actualité que Phoebus, leur première entreprise journalistique. L’intention polémique devint néanmoins très rapidement manifeste, à la suite de la publication de l’insolente Ode an Iffland (Ode à Iffland). Il était difficile d’attaquer ainsi publiquement Iffland sans s’attirer les foudres du Chancelier Hardenberg. Fin novembre 1810, les Feuillets se virent donc interdire de publier toute critique théâtrale.
23La situation devint de plus en plus difficile à la suite de la violente controverse provoquée par l’article d’Adam Müller sur les cours du Professeur Kraus. À travers Kraus, c’était toute la politique de réformes d’Hardenberg que Müller attaquait. La censure s’intéressa alors de plus près à la publication, jusqu’à ne plus lui laisser quelque marge de manœuvre que ce fût. Deux mois après leur lancement, les Feuillets, vidés de leur contenu, ne suscitaient plus qu’un médiocre intérêt auprès de leurs lecteurs.
24Afin de relancer les ventes par la garantie d’un contenu de poids, Kleist s’adressa de nouveau à Hardenberg et le sollicita de conférer aux Feuillets un caractère officiel qui ferait d’eux une sorte de porte-parole de la politique gouvernementale. [7] Hardenberg, bien entendu, fit immédiatement connaître son refus à Kleist par l’intermédiaire de son Conseiller, Friedrich von Raumer.
25Lorsque le libraire Kuhn, arguant des mauvaises ventes, refusa au début de l’année 1811 de verser à l’auteur son dû annuel et exigea de lui une indemnisation de ses pertes, Kleist se retourna contre Hardenberg. Ce dernier, exaspéré, fit intervenir à nouveau le Conseiller Raumer.
26C’est à partir de ce moment que Kleist, oublieux du formalisme prudent et courtois qui avait jusqu’alors marqué le ton de ses lettres et des égards dus au rang de ses interlocuteurs, transgressa allégrement les codes qui régissaient de manière stricte les relations avec un supérieur hiérarchique, et a fortiori avec un homme d’État.
27Si Kleist dans l’agencement de ses lettres ne se départit point de respecter scrupuleusement la forme, continuant à placer, par exemple, la signature très en-deçà du texte de la lettre en signe de respect et de soumission, le fond, quant à lui, alla bien au-delà des limites de l’acceptable : de la mise en doute auprès d’Hardenberg des capacités du Conseiller Raumer dans une lettre du 22 février : « Nur ein Ununterrichteter kann sagen, daß ich in der Herausgabe dieses Blattes nicht beschränkt worden sei […] », [8] jusqu’à la provocation univoque en duel de ce dernier dans une autre lettre datée du même jour [9] et à l’ultimatum laconique et cinglant lancé quatre jours plus tard quant à la réponse de Raumer à une question demeurée en suspens, tout relève de la transgression la plus inouïe :
Ew. Hochwohlgebohren nehme ich mir die Freiheit, die, in Ihrem heutigen Billet, unerledigt gebliebene Frage : « ob Dieselben mir, Behufs einer den Zwecken der Staatskanzlei gemäßen Führung des Blattes, ein Geldanerbieten gemacht haben ? » noch einmal vorzulegen. Und mit der Bitte, mir dieselbe, binnen 2 mal 24 Stunden, mit : Ja, oder : Nein zu beantworten […] [10]
29Ce qui frappe dans l’ensemble des lettres à Hardenberg et à Raumer, c’est avant tout l’extraordinaire célérité avec laquelle elles s’enchaînèrent, ainsi que le caractère obsessionnel dont elles témoignent. L’animosité dont fit preuve Kleist à l’égard de ceux qu’il rendait responsables de la faillite des Feuillets n’eut d’égal que son acharnement à faire valoir et à revendiquer ce qu’il tenait pour son « droit ».
30Cette appréhension particulière du droit, comme relevant du sentiment éprouvé (« Rechtsgefühl »), ainsi que la volonté farouche et manifeste d’imposer ce dernier envers et contre tout, ne sont pas sans rappeler, bien sûr, l’attitude de personnages kleistiens, en particulier celle de Michael Kohlhaas. La colère des deux hommes est comparable, ainsi que, dans une certaine mesure, leur lutte opiniâtre au nom d’une injustice pour le rétablissement d’un juste équilibre. Serait-ce aller trop loin qu’affirmer que c’est sans doute, entre autres choses, ce sentiment bafoué du droit, ce « Rechtsgefühl », qui fit aussi de Kleist, quelques mois après cet épisode de l’année 1811, sinon un brigand, du moins un assassin ?
31Quoi qu’il en fût, Kleist ressentit l’épisode des Feuillets qui l’opposa aussi violemment aux plus hautes sphères de l’État comme une profonde et douloureuse injustice et ce fut avec opiniâtreté qu’il lutta pour le rétablissement d’une forme de justice, ainsi qu’en témoigne une lettre adressée à Friedrich de la Motte Fouqué dans laquelle l’auteur détailla avec beaucoup d’ironie, certes, mais également d’amertume, l’épisode du conflit :
Der Staatskanzler hat mich, durch eine unerhörte und willkürliche Strenge der Censur in die Nothwendigkeit gesetzt, den ganzen Geist der Abendblätter, in Bezug auf die öffentl. Angelegenheiten, umzuändern ; und jetzt, da ich, wegen Nichterfüllung aller mir deshalb persönlich und durch die dritte Hand gegebenen Versprechungen, auf eine angemessene Entschädigung dringe : jetzt läugnet man mir, mit erbärmlicher diplomatischer List, alle Verhandlungen, weil sie nicht schriftlich gemacht worden sind, ab. Was sagen Sie zu solchen Verfahren, liebster Fouqué ? Als ob ein Mann von Ehre, der ein Wort, ja, ja, nein, nein, empfängt, seinen Mann dafür eben nicht so ansähe, als ob es, vor einem ganzen Tisch von Räthen und Schreibern, mit Wachs und Pettschafft, abgefaßt worden wäre ? Auch bin ich, mit meiner dummen deutschen Art, bereits eben so weit gekommen, als nur ein Punier hätte kommen können. […] [11]
33« so weit gekommen, als nur ein Punier hätte kommen können » : l’allusion aux Carthaginois démontre, avec tout l’humour dont il était capable, la conscience qu’eut Kleist de la violence de la provocation et de la transgression, ainsi que de la pugnacité, même si elle fut vaine, dont il fit preuve à l’occasion de ce conflit.
3 – La transgression et la conscience
34Rien n’est absolument spontané dans les lettres – la mise en forme par l’écriture de la pensée laisse à l’épistolier le temps nécessaire à la réflexion. Au-delà, le geste de l’envoi, scellant la communication et l’échange, laisse au rédacteur de la lettre une marge de liberté certaine qui lui permet, au dernier moment, de refuser de dire en conservant sa missive. De ce fait, il y a dans les lettres de Kleist aux hommes d’État de son temps, au-delà du caractère éruptif de sa colère et de l’authenticité de ses sentiments, un jeu permanent et indéniablement conscient avec les limites.
35Cette conscience correspond dans certains cas à une sorte de mise en scène du moi et du vécu. Les lettres – domaine où la manière de présenter à l’autre la réalité peut s’accommoder sans mal de la subjectivité et, le cas échéant, de l’hyperbole – constituèrent sans nul doute pour Kleist, a fortiori entre 1805 et 1811, années littérairement fécondes, le terrain propice à une mise en forme narrative d’événements marquants, dont l’épisode des Feuillets ne fut pas le moindre.
36Cette remarque concernant le rôle littéraire des lettres dans la mise en forme stylistique du vécu peut sembler somme toute banale. C’est en fait le choix des interlocuteurs auxquels Kleist soumit, non sans prolixité, la narration exhaustive et ô combien subjective de l’injustice à laquelle il avait été confronté, qui apparaît pour le moins incongru, puisqu’il ne s’agit de rien moins que du Prince Wilhelm et de l’Empereur de Prusse en personne, Friedrich Wilhelm. [12]
37La réaction cinglante d’Hardenberg aux différents défis de Kleist, en particulier à la suite de la provocation de Raumer en duel, avait poussé l’auteur à faire amende honorable et à se soumettre. Du moins en apparence. Kleist fit usage dans ses lettres du printemps 1811 à Hardenberg et à Raumer d’un ton qui tranchait radicalement avec celui qu’il avait employé quelques semaines auparavant. Ramené à la raison par la froide colère d’Hardenberg, l’auteur fit montre dans ses lettres de mars et avril 1811, avec beaucoup d’emphase et à grand renfort de superlatifs, de la contrition la plus sincère et de la plus complète soumission à l’autorité, comme dans ces deux exemples des 10 mars et 4 avril 1811 :
[…] und indem ich die Versicherung anzunehmen bitte, daß diesem Wunsch keine andere Absicht zum Grunde liegt, als Rechtfertigung meiner Schritte vor den Augen Ew. Excellenz und Rückkehr in Ew. Excellenz mir über Alles theure und unschätzbare Huld und Gnade, ersterbe ich, Ew. Excellenz unterthänigster HvKleist.
[…] flößen mir das Vertrauen ein, daß Hochdieselben auf dies mein unterthänigster Gesuch einige Rücksicht nehmen werden ; und unter der gehorsamsten Versicherung, daß es mir, in diesem Fall, weder an Eifer noch an Kräften fehlen wird, mich derselben würdig zu machen ersterbe ich in der tiefsten Ehrfurcht, Ew. Excellenz unterhänigster Hv Kleist. [13]
39L’apparente docilité subite de l’auteur était dictée par un intérêt très concret : la ruine des Feuillets une fois inéluctable, c’est leur indemnisation qu’il s’acharna à arracher à la Chancellerie, exigence qui devint son nouveau cheval de bataille. Ainsi Kleist, pour plaider le bien fondé de sa demande, de se tourner – tel Kohlhaas rencontrant Luther – vers plus haut placé encore que le Chancelier pour obtenir gain de cause. C’est en mai et juin 1811 que Kleist s’adressa dès lors successivement et respectivement au Prince Wilhelm et à l’Empereur Friedrich Wilhelm à propos de cette indemnisation des Feuillets qu’il jugeait parfaitement légitime.
40Ces lettres sont sans nul doute le produit d’un mouvement paradoxalement à la fois réfléchi et spontané, et dans sa spontanéité comme dans son caractère réfléchi, follement transgressif. C’est ici non seulement l’incongruité de la démarche – comment imaginer que le Prince ou l’Empeureur désavoue, sur un sujet aussi anodin, le Chancelier Hardenberg ! – mais également le décalage entre la narration elle-même et le personnage à laquelle elle s’adresse qui est ici particulièrement édifiant. Le lecteur ne pourra se départir, à la lecture de la lettre prolixe qu’adressa Kleist le 20 mai 1811 au Prince, du sentiment d’être plongé dans une atmosphère narrative proche de celle des Nouvelles ou des Anecdotes. Dès le captatio benevolentiae, le ton semble donné :
Durchlauchtigster Fürst,
Gnädigster Prinz und Herr !
Ew. Königlichen Hoheit nehme ich mir, im herzlichen und ehrfurchtsvollen Vertrauen auf die mir, seit früher Jugend, bei manchen Gelegenheiten erwiesene, höchste Huld und Gnade, die Freiheit, folgenden sonderbaren und für mich bedenklichen Vorfall, der kürzlich zwischen Sr. Exzellenz, dem Hr. Staatskanzler, Frh. v. Hardenberg und mir statt gefunden hat, vorzutragen. Der Wunsch, gnädigster Fürst und Herr, den ich willens bin, dem Schluß meines gehorsamsten Berichts anzuhängen, wird nichts Unedelmütiges und Unbescheidenes enthalten ; meine Sache ist ganz in der Ordnung, und vielleicht bedarf es nichts, als einer Wahrnehmung des Staatskanzlers, daß Ew. Königliche Hoheit von dem ganzen Zusammenhang der Sache unterrichtet sind, um mir eine, meiner gerechten Forderung völlig angemessene, Entscheidung bei ihm auszuwirken. Der Fall, in welchem ich Ew. Königliche Hoheit um Ihre gnädigste Protektion bitte, ist dieser […] [14]
42Au-delà de la simple tentative de s’attirer les bonnes grâces de Sa Majesté, il s’agit d’une entrée en matière que l’on peut qualifier de programmatique. Ce n’est pas alors dans une lettre officielle, à un Prince de surcroît que Kleist transporte son lecteur, mais bien dans un récit ou une nouvelle et la tension narrative créée est d’une indéniable qualité.
4 – La transgression ou l’état de grâce
43Ce n’est pas seulement d’un point de vue narratif que la richesse des lettres de l’année 1811 s’avère, mais également d’un point de vue stylistique. Dans ces lettres plus que dans toute autre du corpus épistolaire, violence fut faite à la linéarité de la syntaxe à grand renfort d’incises, de parataxes, d’hyperhypotaxes, de polysyndètes. Comme Mirabeau transcendé par l’émotion, Kleist, en proie à la plus vive colère, semble retranscrire plus que jamais dans ses textes la progression, les soubresauts et les à-coups de sa pensée, et distord par là-même toute forme de linéarité syntaxique. Or c’est précisément dans cette distorsion faite à la linéarité que se révèlent la force, la puissance et la portée du style narratif kleistien. [15]
44Dans les quelques lettres qui accompagnèrent et exacerbèrent le conflit des Feuillets plus encore que dans tous les autres textes épistolaires, l’auteur, dans son acte de transgression, se transcende en quelque sorte lui-même et affirme son style. C’est dès lors l’acte transgressif qui fait de ces lettres des objets littéraires à part entière, dont la valeur stylistique et narrative est patente.
45S’ajoute dès lors chez Kleist à l’idée de transgression celle, fondamentale, de dépassement. C’est dans la transgression, bien davantage que dans la conciliation, que l’homme kleistien va au-delà de lui-même et de sa maîtrise, et que, ce faisant, il se révèle à lui-même, à son talent ou à sa réalité profonde, même si cette dernière, tant l’œuvre que la vie du poète le confirment, se dévoile souvent dans une violence inouïe.
46La transgression – quels qu’en fussent les dommages – fut inhérente à la nature de Kleist, à sa quête et à son œuvre parce qu’elle est passage et dépassement. Elle est ce qui révèle l’homme kleistien à sa réalité – pensons à Penthésilée qui transgresse la loi des Amazones, à Kohlhaas qui transgresse les lois de son temps, à Piachi qui transgresse les lois du salut, et au poète lui-même qui transgresse les lois épistolaires de respect et de bienséance : tous vont aller jusqu’au bout d’eux-mêmes et de leur détermination. La conciliation, elle, qui suppose la douceur et qui désarmorce la violence, est chez Kleist sytématiquement refusée ou rendue impossible ; elle n’est pas féconde, ou, si elle doit l’être, elle est du domaine du conte de fées.
47La seule forme de conciliation que Kleist toléra tout au long de sa vie et dans son œuvre, ce fut le paradoxe, figure appréciable dans la mesure où elle lui permit de faire cohabiter des contraires, ou de concilier l’inconciliable. Mais là encore, il y eut toujours tentative de transgression, afin de parvenir à dépasser le paradoxe en l’exprimant, afin de résoudre l’énigme. Et Kleist dut souffrir tout au long de sa vie de ne pas parvenir à résoudre l’insoluble autrement que dans l’acceptation paradoxale de l’insolubilité, de ne pas résoudre l’indicible autrement que par le mot, de ne pas vaincre l’inextricable autrement que par le constat de l’inextricabilité.
48Dans la lettre d’Heinrich von Kleist au Chancelier Hardenberg du 19 septembre 1811, Kleist formule une ultime tentative de conciliation, réclamant, avec beaucoup de circonspection et en en appelant aux sentiments patriotiques du Chancelier, une sorte de crédit : « so wage ich, im Vertrauen auf Ew. Excellenz vielfach erprobten Patriotismus, Höchstdieselben um einen Vorschuß von 20 Louid’or »… [16] D’un point de vue téléologique se trouve conférée à cette lettre une dimension terrifiante : on ne peut s’empêcher de voir les conséquences de cette situation perpétuellement requérante dans le suicide de Kleist quelques semaines plus tard.
49Ce suicide fut présenté dans les ultimes lettres du mois de novembre (adressées à Marie von Kleist) comme une forme transcendentale de bonheur et d’harmonie, ou de conciliation et de réconciliation avec la vie. Mais une réconciliation qui correspondit à une transgression ultime et définitive ; car n’y a-t-il pas un paradoxe extrême à se réconcilier dans la mort avec la vie ? Chez Kleist, même la conciliation la plus – encore une fois paradoxalement – radicale ramène donc immanquablement à la transgression ; et la douleur de la nécessaire soumission au caractère inextricable du monde se résout dans la mort.
50La ligne passant par les formes de soumission et de conciliation ramène donc l’homme kleistien, et le poète lui-même, irrémédiablement à la transgression, dans un axe concave qui, semblable à une voûte, relie et soude les contraires. La voûte, l’arc de cercle, ou figure parfaite du mouvement créateur kleistien, dont le pouvoir est de relier les contraires sans toutefois les concilier, et de montrer, comme le souligne László Földényi « la création depuis ses débuts jusqu’à sa fin – sans effleurer le paradis. » [17]
51Mieux que tout autre tracé, le concave de la voûte illustre à la fois la genèse, le processus et l’aboutissement ; lui est conféré le don de visualiser le parcours entre les pôles, ou concrètement, de représenter le voyage effectué autour du monde – afin de voir tout de même si une arrière-porte du paradis ne serait pas restée ouverte.
52L’axe ou la voûte de la transgression ramena finalement Kleist, au terme d’un parcours souvent douloureux dont témoignent ses lettres, à une sorte de plénitude dans laquelle il put enfin pleinement « être » – mais cette plénitude ne fut pas, comme dans le conte, du domaine de l’harmonie, elle fut violence et se solda par la mort.
53La transgression n’est pas chez Kleist du domaine de l’entendement, ni du domaine de la conscience. Elle correspond alors à une forme tierce de conscience mue par un impératif inconscient ; elle serait à rapprocher d’un état intermédiaire entre la conscience imparfaite de l’homme et celle, parfaite, de Dieu – ou peut-être, d’un autre point de vue, entre la conscience imparfaite de l’homme et l’inconscience, parfaite, de la marionnette. Car cet axe autour duquel Kleist se meut, de manière paradoxalement consciente et inconsciente – puisqu’il ne pouvait en être autrement –, fut sans cesse à même de faire naître, tel l’axe autour duquel se meut la marionnette, la grâce. Les lettres des années 1805-1811 en témoignent : ce fut bien le dépassement de soi dans la transgression et jamais l’harmonie qui fut à même de créer un état de grâce, qui ramena sans cesse le poète à sa force intrinsèque, c’est-à-dire à la singularité de son écriture.
Notes
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[*]
Cécile-Eugénie CLOT, Professeur agrégé d’allemand, docteur en Études Germaniques (Paris-Sorbonne) ; 53, boulevard d’Anvers, F-67000 STRASBOURG ; courriel : cecile.clot@yahoo.de
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[1]
Karl Sigismund Franz Freiherr von Stein zum Altenstein fut en 1803 conseiller aux Finances et membre du Comité de Direction, il occupa de 1808 à 1810 le poste de Ministre des Finances, puis fut nommé de 1817 à 1838 Ministre de l’Éducation, du Culte et de la Santé Publique.
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[2]
Cécile-Eugénie Clot : Kleist épistolier. Le geste, l’objet, l’écriture, Bern : Peter Lang, 2008, p. 89-161.
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[3]
« – Je me penche sur votre main, et l’embrasse et pleure ! ». Lettre à Altenstein du 30 juin 1806. In : H. v. Kleist Brandenburger-Ausgabe, hrsg. von Roland Reuß und Peter Staengle, Basel : Stroemfeld/Roter Stern, 1996, Band IV/II, Briefe II (par la suite BKA II), p. 401 ; « J’embrasse avec amour, profondément ému, votre main », Lettre à Altenstein du 4 août 1806. BKA II, p. 412 ; « Je voudrais saisir votre main, mon grand, mon sublime ami, et y déposer un long et intense baiser ! », Lettre à Altenstein du 1er janvier 1809. In : Heinrich von Kleist Sämtliche Werke und Briefe, hrsg. von Klaus Müller-Salget und Stefan Ormanns, Band 4 : Briefe von und an Heinrich von Kleist, Frankfurt a.M. : Deutscher Klassiker Verlag, 1997 (par la suite DKV), p. 426.
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[4]
« Erhalten Sie mir in Ihrer Brust die Gefühle, auf die ich stolz bin, niemals wird die innigste Verehrung in Dankbarkeit in mir erlöschen, und wenn Sie jemals eines Freundes und einer That, bedürfen, so finden Sie keinen der sich mit treuerem und heißerem Bestreben für Sie hingeben wird, als mich. » [« Conservez à mon égard en votre cœur ces sentiments dont je suis fier, jamais ne s’éteindra en moi la plus profonde vénération et ma reconnaissance, et si vous avez jamais besoin d’un ami et d’un acte, vous n’en trouverez pas de plus fidèlement dévoué que moi dans l’aspiration à vous combler. »].
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[5]
« Es ist mit der innigsten Betrübniß, und nach einem Kampf voll unsäglicher Schmerzen, daß ich die Feder ergreife, um Sie zu bitten, Verehrungswürdigster ! Mich von der Verpflichtung […] wieder loszusprechen. » Lettre à Altenstein du 30 juin 1806, BKA II, p. 398 [« C’est avec la plus profonde affliction et après un combat indiciblement douloureux que je prends la plume pour vous prier, mon très honorable ami ! de me libérer de mes obligations […]. »]
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[6]
« […] dieser (wohl prekäre) Doppelwunsch [führte] in ein unlösbares Dilemma […] » in : Briefe von und an Heinrich von Kleist, hrsg. von Klaus Müller-Salget et Stefan Ormanns, Frankfurt a.M. : DKV, 1997, p. 529.
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[7]
« Durch die Gnade Sr. Excellenz des HE. Staatskanzler Freiherrn von Hardenberg, werden die zur Erhebung und Belebung des Antheils an den vaterländischen Angelegenheiten unternommenen, und mit dem Beifall des Publicums auf unerwartete Weise beehrten Berliner Abendblätter von nun an officielle Mittheilungen, über alle bedeutenden, das Gemeinwohl und die öffentliche Sicherheit betreffenden Ereignisse in dem ganzen Umfange der Monarchie enthalten. ».
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[8]
« Seule une personne mal informée peut affirmer que je n’ai pas été limité dans l’édition de cette feuille, car les mesures exceptionnelles qui m’ont contraint à modifier tout l’esprit des Feuillets ne sont que trop connues. ».
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[9]
« […] et tenais à vous indiquer qu’en cas de réponse ambiguë ou insatisfaisante de votre part, j’exigerai de vous la réparation qu’un homme d’honneur est en droit de réclamer dans de semblables circonstances […] ».
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[10]
« Votre honneur me pardonne de prendre la liberté de revenir sur une question demeurée sans réponse dans votre billet d’aujourd’hui et à laquelle je vous prie de répondre sous 48 heures par oui ou par non : « m’avez-vous fait une proposition d’argent en échange de la direction d’un journal servant les intérêts de la Chancellerie ? ».
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[11]
« Le Chancelier, par une censure d’une sévérité scandaleuse et arbitraire, m’a contraint à la nécessité de modifier tout l’esprit des Feuillets pour tout ce qui concerne les affaires publiques ; et maintenant, parce que les promesses qui m’ont été faites personnellement par l’intermédiaire d’un tiers n’ont pas été tenues, j’exige une indemnisation appropriée : et voici que l’on nie, dans un misérable tour de main diplomatique, tout ce qui a été négocié, dans la mesure où rien n’a été fixé par écrit. Que dites-vous de tels procédés, mon très cher Fouqué ? Comme si un homme d’honneur, à qui l’on donne sa parole, oui, oui, non, non, considérait l’affaire autrement lorsque celle-ci a été conclue à une table de conseillers et de secrétaires et scellée à grand renfort de cire et de cachets ? Pour ma part, avec ma façon d’être stupidement allemande, je suis allé aussi loin que seul un Carthaginois aurait pu le faire. […] ».
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[12]
Lettre à Wilhelm Prinz von Preußen du 20 mai 1811, DKV, p. 485-491, lettre à Friedrich Wilhelm III. von Preußen du 17 juin 1811, DKV, p. 493-495.
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[13]
Lettres à Karl August von Hardenberg, DKV, p. 478-479.
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[14]
Lettre du 20 mai 1811 à Wilhelm, Prinz von Preußen, DKV p. 485.
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[15]
Heinrich von Kleist : Über die allmähliche Verfertigung der Gedanken beim Reden, München : Hanser, 51990, p. 810-814. Cf. sur cette question Alain Muzelle : L’Écriture de Kleist comme élaboration progressive du discours. Une étude stylistique des nouvelles, Bern : Peter Lang, 1991.
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[16]
Lettre à Karl August von Hardenberg du 19 septembre 1811, DKV, p. 503.
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[17]
« Der Bogen des Gewölbes zeigt vom Anfang der Schöpfung zu ihrem Ende – ohne das Paradies zu berühren ».