Notes
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[*]
Alexandre KOSTKA est Professeur à l’université de Strasbourg, UFR LSHA, 22, rue Descartes, F-67000 STRASBOURG ; courriel : akostka@unistra.fr
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[1]
Il existe actuellement peu d’ouvrages disponibles sur la propagande artistique française, mis à part quelques présentations ponctuelles dans la thèse d’État de Jean-Claude Montant : La Propagande extérieure de la France pendant la Première Guerre mondiale : l’exemple de quelques neutres européens, Université Paris I, 1988 (manuscrit non publié, disponible à la BDIC, Nanterre.)
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[2]
Paul Tirard : L’Art français en Rhénanie pendant l’occupation 1918-1930, Paris : Plon, 1930, p. 80.
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[3]
Cf. Nicolas Beaupré : « Occuper l’Allemagne après 1919 » in : Revue historique des armées, 254, mis en ligne 15 mars 2009, http://rha.Revues.org//index6333.html ; article consulté en août 2009.
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[4]
Toujours actuel, Rainer Hausherr : « Kunstgeographie – Aufgaben, Grenzen, Möglichkeiten », in : Rheinische Vierteljahresblätter 30 (1965), p. 351-372 et 34 (1970), p. 158-171.
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[5]
Christina Kott : Préserver l’art de l’ennemi ? Le patrimoine artistique en Belgique et en France occupée, 1914-1918, Bruxelles, Berne : P. Lang, 2006.
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[6]
Gerhard Brunn : « Französische Kulturpolitik in den Rheinlanden nach 1918 und die Wiesbadener Kunstausstellung des Jahres 1921 », in : Peter Hüttenberger, Hansgeorg Molitor (Hrsg.) : Franzosen und Deutsche am Rhein 1789-1918-1945, Essen : Klartext, 1989, p. 219-241, p. 221 ; pour le contexte intellectuel allemand, voir Magdalena Bushart : Der Geist der Gotik und die expressionistische Kunst. Kunstgeschichte und Kunsttheorie 1911-1925, München : Schreiber, 1990.
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[7]
Pierre Francastel : L’Histoire de l’art, instrument de la propagande germanique, Paris : Librairie de Médicis, 1945, qui note que la querelle du gothique fut réactivée à ce moment, voir aussi Emile Mâle (Otto Grautoff et al., Hrsg.) : Studien über die deutsche Kunst, Leipzig : Klinckhard und Biermann, 1917 ; pour le contexte allemand, voir Joes Segal : Krieg als Erlösung : die deutschen Kunstdebatten 1910-1918, München : scaneg, 1997.
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[8]
Judith Voelker : « < Unerträglich, unerfüllbar und deshalb unannehmbar > – Kollektiver Protest gegen Versailles im Rheinland in den Monaten Mai und Juni 1919 », in Jost Dülffer, Gerd Krumeich (Hrsg.) : Der verlorene Frieden. Politik und Kriegskultur nach 1918, Essen : Klartext, 2002.
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[9]
Gerhard Brunn (note 6) ; Anna-Monika Lauter : « Kultur und Propaganda : die französische Kunstausstellung in Wiesbaden im Sommer 1921 » in : Gertrude Cepl-Kaufmann (Hrsg.) : Krieg und Utopie : Kunst, Literatur und Politik im Rheinland nach dem Ersten Weltkrieg (cat. exp.), Essen : Klartext, 2006, p. 394-398.
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[10]
Voir par exemple Paul Tirard : La France sur le Rhin. Douze ans d’occupation rhénane, Paris : Plon, 1930, p. 257-311 (l’exposition de Wiesbaden n’est traitée que de manière sommaire) ; et surtout Paul Tirard : L’Art français en Rhénanie pendant l’occupation 1918-1930, Paris : Plon, 1930. Cet ouvrage, abondamment illustré, tire – évidemment – un bilan très favorable des activités en matière culturelle, et s’appesantit longuement sur les mérites de l’exposition de Wiesbaden.
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[11]
Voir Beaupré (note 3) ; Corinne Defrance : Sentinelle ou pont sur le Rhin ? Le Centre d’Études Germaniques et l’apprentissage de l’Allemagne en France 1921-2001, Paris : CNRS, 2008 ; Dieter Breuer, Gertrude Cepl-Kaufmann : « Deutscher Rhein- fremder Rosse Tränke ? ». Die Rheinlandbesetzung im Spiegel der Literatur, Essen : Klartext, 2005 ; Jost Dülffer, Gerd Krumeich (Hrsg.) : Der verlorene Frieden : Politik und Kriegskultur nach 1918, Essen : Klartext, 2002 ; Franziska Wein : Deutschlands Strom – Frankreichs Grenze. Geschichte und Propaganda am Rhein 1919-1930, Essen : Klartext, 1992.
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[12]
Ingrid Voss und Jürgen Voss : « Die Revue Rhénane als Instrument der französischen Kulturpolitik am Rhein 1920-1929 », in : Archiv für Kulturgeschichte 31(1982), p. 403-451, et l’ouvrage de Corinne Defrance (note 11).
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[13]
Voir les travaux que Martin Schieder a consacrés aux expositions françaises d’art après la Seconde Guerre mondiale, notamment : Im Blick des anderen. Die deutsch-französischen Kunstbeziehungen 1945-1959, Berlin : Akademie-Verlag, 2005.
-
[14]
Le domaine des expositions et festivals, considéré sous un aspect interdisciplinaire et dans l’optique d’une interrogation méthodologique, est au centre d’un projet de recherche lancé par Caroline Moine (Université de Versailles-Saint Quentin), Martin Schieder (Université de Leipzig) et l’auteur de cet article, avec le soutien du CIÉRA (Centre Interdisciplinaire d’Études et de Recherche sur l’Allemagne) : « Montrer, exposer, représenter en Allemagne et en France (mi-XIXe/XXe siècle). Les expositions et festivals internationaux au cœur des stratégies visuelles et des circulations culturelles européennes. Une approche croisée et interdisciplinaire. » Pour une description du projet, voir <http://www.ciera.fr/ciera/spip.php?rubrique142>, dernier accès août 2009.
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[15]
Kenneth Silver : Vers le retour à l’ordre. L’avant-garde parisienne et la Première Guerre mondiale, Paris : Flammarion, 1991 ; Nancy J. Troy : Modernism and the decorative Arts in France. Art Nouveau to Le Corbusier, New Haven, London : Yale University Press, 1991.
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[16]
Sabine Beneke : « Otto Grautoff, Frantz Jourdain und die Ausstellung Bayerischen Kunstgewerbes im ‹ Salon d’automne › von 1910 », in : Alexandre Kostka, Françoise Lucbert (dir.) : Distanz und Aneignung. Kunstvermittlung Deutschland-Frankreich 1870-1945, Berlin : Akademie-Verlag, 2004, p. 119-138 ; Bernd Nicolai : « Der Werkbund im Ersten Weltkrieg – eine Gratwanderung », in : Winfried Nerdinger (Hrsg.) : 100 Jahre Deutscher Werkbund. 1907-2007 (cat. exp.), München : Prestel, 2007, S. 70-74.
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[17]
Claire Maingon : Les Salons du Rappel à l’ordre, Paris 1914-1925 : des Artistes Français aux Artistes Indépendants, Thèse, Université Paris X, 2006.
-
[18]
Cf. par exemple Anonyme : « Une exposition d’art français en Danemark », in : Revue de l’art ancien et moderne XL (1921), p. 292-293. L’auteur prépare une étude d’ensemble des manifestations du « rayonnement artistique français » dans les années d’après-guerre.
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[19]
Une exposition consacrée à Kramá?, prévue à Paris à la suite de celle qui s’est tenue à Prague en 2000, a dû être annulée ; un recueil d’articles permet cependant de se faire une idée des principales contributions au catalogue, et contient un certain nombre d’indices : Jana Claverie, Hélène Klein, Vojte?ch Lahoda et alii, (dir.) : Vincenc Kramá?, un théoricien et collectionneur du cubisme à Prague, Paris : Réunion des musées nationaux, 2002. Voir aussi Krystina Passuth : Les Avant-gardes de l’Europe centrale, 1907-1927, Paris : Flammarion, 1988.
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[20]
La Revue Rhénane, 1 (1920), 1er juillet 1921, numéro 10, « À l’exposition d’Art Français en Rhénanie. »
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[21]
Paul Tirard (note 11).
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[22]
Exposition de l’art français à Biebrich. Catalogue des œuvres exposées, Beaux-arts, N. p. 1921, 117 p. 28 pl. h.t. ; Französische Kunst-Ausstellung Biebrich. Ausstellungskatalog. Schöne Künste, Dekoration, Buch Kunst (sic) Juni Juli August 1921, Mainz : Druckerei Walter, 1921 ; Französische Kunst-Ausstellung Wiesbaden. Ausstellungskatalog, “Antike Französische Innenkunst” (Juni-Juli-August 1921), Mainz : Druckerei Walter, 24 p. et 8 illustrations.
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[23]
Il s’agissait certainement de Marcel Horteloup, commissaire français dans diverses expositions universelles, comme celle de 1904 à Saint-Louis.
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[24]
Kenneth Silver (note 15.)
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[25]
La place centrale de Bourdelle apparaît clairement dans les publications contemporaines, par exemple Paul Viguié : L’Essor pathétique de Bourdelle, Paris : Chiberre, 1923 ; François Fosca : E.-A. Bourdelle, Paris : Éditions de la Nouvelle Revue Française, 1924 ; François Monod : L’Œuvre d’Antoine Bourdelle, Paris : Palais des beaux-arts, 1928 ; André Fontainas : Bourdelle, Paris : Rieder, 1930.
-
[26]
À maints égards, la sélection effectuée pour Wiesbaden constitue une préfiguration de l’actuel Musée Bourdelle de Paris. Ainsi, parmi les dix-neuf œuvres exposées on trouve, outre la Vierge à l’enfant dont la version définitive n’allait être achevée qu’en 1923 : Buste de Beethoven, bronze (1901), Buste d’Ingres, bronze (1908), Grande Bacchante, bronze (1907) ; Quatre bas-reliefs en bronze pour le Monument aux combattants et défenseurs du Tarn-et-Garonne (1897-1904), Buste d’Anatole France (1919.)
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[27]
Ces jeunes sculpteurs, pratiquant volontiers la taille directe, constituaient alors l’espoir d’une tradition renouvelée, et avaient à leur actif de nombreuses commandes publiques, notamment de monuments aux morts. Joachim Costa venait de publier un ouvrage au titre programmatique : Modeleurs et tailleurs de pierre, nos traditions, Paris : Éditions Douce France, 1921.
-
[28]
Pierre Mille : « La sculpture française contemporaine », in : La Revue Rhénane 1 (1920), (1er juillet 1921), 10, p. 626-629, citation p. 628.
-
[29]
Cité d’après E. Bénézit : Dictionnaire critique et documentaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs de tous les temps et de tous les pays, Paris : Gründ, 1999, vol. 2, p. 434.
-
[30]
Albert Besnard : La Leçon de botanique, 1885, Musée d’Orsay ; L’Homme nouveau, 1885, Musée de Beauvais ; La Leçon de chimie, 1885, Musée d’Orsay ; La Maladie, 1885, Musée d’Orsay.
-
[31]
Maurice Denis : La meilleure part, ill. in La Revue Rhénane, 1 (1920) N 10 (1er juillet 1921), p. 619.
-
[32]
Roger Allard : « Dix ans de peinture française », in : La Revue Rhénane, 1 (1920) N° 10 (1er juillet 1921), p. 621 – 623.
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[33]
Ibid, p. 622.
-
[34]
Ibid.
-
[35]
Ibid.
-
[36]
Léonce Bénédite : La Grande Guerre. L’effort et l’idéal de la Grande-Bretagne, Paris : Musée du Luxembourg, 1918. Le Musée du Luxembourg contribua également au rayonnement extérieur de la culture française, en soutenant par exemple une exposition d’art français en 1925 à Vienne, voir Art et Décoration, 1925, 1, « L’Exposition d’art français du XIXe siècle à Vienne », p. 3.
-
[37]
Voir supra (note 22).
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[38]
Ernest Dumonthier (administrateur du Mobilier National) : « Le mobilier national de France à l’exposition de Wiesbaden-Biebrich », in : La Revue Rhénane, 1 (1920), 1er juillet 1921, numéro 10, p. 637.
-
[39]
Ibid, p. 644.
-
[40]
Jacques Louis David, portraits de ses filles, Laure-Emilie-Félicité David, baronne Meunier, ca 1812, h.t., auj. Fine Arts Museum of San Francisco, Roscoe and Margret Oakes collection, anciennement Palais californien de la Légion d’Honneur ; Portrait de la baronne Pauline David, baronne Jeanin, ca 1812, h.t. Museum Oskar Reinhardt, Am Römerholz, Winterthur.
-
[41]
Baron François Gérard : Napoléon 1er en costume du sacre, h.t. ca 1806 ; Musée National du Château de Fontainebleau.
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[42]
Léandre Vaillat : « Le mobilier », in : La Revue Rhénane 1 (1920), 1er juillet 1921, numéro 10, p. 653.
-
[43]
Ibid.
-
[44]
Voir Nancy Troy (note 15), ch. 2 « Responses to industrialisation and competition from Germany », p. 52-102.
-
[45]
Kenneth Silver (note 15).
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[46]
Anonyme : « Une exposition d’art français en Rhénanie », in : L’Art et les artistes 3 (1921) (mars-juillet), p. 292. Il s’agit d’une simple information.
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[47]
Il resterait cependant à explorer la presse quotidienne nationale, ce qui n’a pas été possible jusqu’à présent.
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[48]
Deutsche Allgemeine Zeitung, N° 276, 16-6-1921 « Französische Kunstausstellung in Biebrich » ; dans le même journal, N° 322, en date du 13-7-1921, « Missglückte französische Kulturpropaganda. »
-
[49]
« Ebenso hatten trotz starker Gegenwehr auch die französischen Kunstausstellungen und Modeschauen einigen Erfolg aufzuweisen », « Linksrheiner » (pseudonyme…) article « Rheinlandfragen », in Paul Herre, Kurt Jagow (Hrsg.) : Politisches Handwörterbuch, vol. 2, Leipzig : Koehler, 1923, p. 483-492, citation p. 489.
-
[50]
Berliner Lokal Anzeiger Nr 289 vom 12-6-1921 « Ein Kulturkampf von gelungenen und misslungenen Ausstellungen », in Dossier Politisches Archiv des AA, R 74272 Bd. 3 Referat Besetzte Gebiete Nr Bes Rheinland Allgemeines, Fol 163 : « Der Kampf mit den Waffen ist beendet, um so zäher ist der Kampf mit den geistigen und kulturellen Waffen entbrannt. Die Westmächte machen die größten Anstrengungen, um im Rheinland ihre Kunst und ihre kulturellen Errungenschaften im schönsten Licht erscheinen zu lassen. Dies beweist die gegen den ausdrücklichen Willen der Reichsregierung in Biebrich und jetzt im Wege der Requisition auch in Wiesbaden veranstalteten Kunstausstellung, die im großen Rahmen vor sich geht. Es erscheint unbedingt notwendig, dass bei diesem kulturellen Wettstreit, der durchaus nicht mit Hass geführt zu werden braucht, sondern mit den edelsten Waffen ausgeführt werden kann, die deutsche Kunst und die deutsche Kultur entsprechend gerüstet auf dem Plan erscheint. »
-
[51]
Deutsche Allgemeine Zeitung N° 276, 16-6-1921 « Französische Kunstausstellung in Biebrich » : « Es handelt sich also auch hier um eine jener im übrigen ergebnislosen Propagandamaßnahmen wie sie von französischer Seite immer wieder versucht werden, damit im Rheinland Sympathien für Frankreich erweckt werden. »
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[52]
« Die deutsche Wissenschaft hat zu ihrem Teil dazu beigetragen, dass gerade Frankreichs Kunst der früheren Epoche die richtige Wirkung fand. Die Deutschen brauchen also wahrlich keine Belehrung durch französische Propagandabehörden, denen die Kunst nur zur Bemäntelung politischer Absichten dient. » Ibid.
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[53]
Deutsche Allgemeine Zeitung, N° 322 vom 13-7-1921 « Missglückte französische Kulturpropaganda. Unwert und Belanglosigkeit dieser Ausstellung » […] « Desto mehr wäre zu wünschen, dass die deutschen verantwortlichen Stellen, was wie schon mehrfach angeregt haben durch eine von ihnen veranstaltete gute deutsche Ausstellung die Belanglosigkeit dieser offiziell propagierten französischen Kunst auch die Anschauung dem besetztem Gebiet und seinen ungebetenen Gästen, soweit sie etwas von Kunst verstehen, zum Bewusstsein bringen. Man soll diese gute Gelegenheit, gute deutsche Propaganda zu machen, nicht ungenützt vorüber lassen ! »
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[54]
« Die französische Kunstausstellung, die als das Hauptstück der französischen Propagandapolitik mit grossen Hoffnungen unter erheblichen Opfern ins Leben gerufen worden ist, hat zu einem auch für die Franzosen deutlich erkennbaren völligen Misserfolg geführt. Durch die beabsichtigten Vorstellungen würde ohne praktischen Nutzen in der Sache selbst an diese wunde Stelle der französischen Rheinlandpolitik in einer Weise gerührt werden, die die französische Empfindlichkeit in höchstem Masse reizen müsste. Dies kann aber im gegenwärtigen Zeitpunkt keinesfalls erwünscht sein. » Brouillon de lettre, non daté, de Gerhard von Mutius, Archives politiques du Ministère allemand des Affaires étrangères, Berlin (PAAA), R 74272, vol. 3.
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[55]
Alfred Salmony : « Düsseldorf » in : Das Kunstblatt 6 (1922) (août), p. 353-356.
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[56]
Paul Colin : « Un discours » in : Der Querschnitt 2 (1922), p. 194-196, cit., p. 194.
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[57]
« Gerade in dieser Zeit, da unser Volkstum in schwerem Kampfe um die Erhaltung des ihm einzig gebliebenen geistigen Besitzes steht, sollten sich die Künstler nicht durch kosmopolitische Phrasen in ein Artistentum hineintreiben lassen, das mit der Seele ihres Volkes nichts gemein haben kann. » Cité d’après Franz Josef Hamm : « Kunstrevolution. Politik und Kunst » in id. (Hrsg.) : Darmstädter Secession. Kontakte zum Rheinischen Expressionismus 1919-1929, Bonn : Verein August Macke Haus, 1999, p. 11-55, p. 47.
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[58]
Béatrice Joyeux-Prunel : Nul n’est prophète en son pays ? L’internationalisation de la peinture des avant-gardes parisiennes, 1855-1914, Paris : Musée d’Orsay/Nicolas Chaudun, 2009.
1En organisant une exposition très importante d’art français à Wiesbaden, inaugurée le 11 juin 1921, le Haut Commissaire des Provinces du Rhin, Paul Tirard (1879-1945), perpétuait une guerre des esprits, qui reprenait certains traits de la propagande artistique telle qu’elle avait eu cours durant la Grande Guerre. Dans sa forme, cette manifestation reprenait la conception des « saisons françaises » organisées par les services de propagande pendant la guerre en Suisse, en Hollande et dans les pays scandinaves. [1] Répartie sur deux lieux, Wiesbaden et le petit château de Biebrich, prêté pour l’occasion par sa propriétaire la Grande Duchesse du Luxembourg, elle montrait tous les aspects de la civilisation française. Elle associait une partie consacrée à l’art français moderne, peinture et sculpture, à une importante section d’art décoratif particulièrement ambitieuse et qui avait la particularité de dresser un panorama complet depuis Louis XVI jusqu’à l’époque contemporaine. Selon Charles Duvent (1867-1940), peintre aux armées et Haut Commissaire de l’exposition, les Rhénans doivent connaître non seulement l’armée, mais « le véritable visage de la France » […] « il fallait que l’on connût aussi la diversité de son génie et que l’on montrât qu’il puise aux sources de la tradition des forces vives de renouvellement. » [2]
2Le terme « pénétration pacifique », utilisé dans un premier temps dans le contexte colonial du tournant du siècle, peut s’appliquer parfaitement à la situation très tendue qui prévaut aux lendemains de la Première Guerre mondiale. [3] Alors que l’armée française, stationnée en Rhénanie dès les derniers jours de la confrontation, exerce une violence quotidienne, de manière ouverte ou dissimulée, le langage de l’art peut être utilisé pour affirmer des légitimités non-linguistiques en vue de réclamer un territoire, voire d’élaborer une géographie artistique (Kunst-Geographie). [4] Cette pratique a été utilisée abondamment pour la Première Guerre mondiale, car la « guerre des esprits » n’a pas pris fin en même temps que les hostilités sur les champs de bataille.
3Quelle est la logique qui sous-tend ces pratiques ? Pour l’usage qui en a été fait pendant la Première Guerre mondiale, on renverra aux travaux de Christina Kott consacrés à l’activité des historiens de l’art allemand pendant la guerre. Elle montre que le fait d’exposer ses propres œuvres, ou de classer celles de l’ennemi sur le terrain de l’adversaire, constitue un acte de souveraineté symbolique. Durant la guerre, l’Allemagne avait agi de la sorte dans les territoires occupés, à Maubeuge, au Musée du Pauvre Diable (ouvert en 1917), à Saint-Quentin ou à Lille et en Belgique. [5] L’art pouvait ainsi permettre de dresser une cartographie culturelle alternative à celle de la langue – critère retenu par le Traité de Versailles, et notoirement insuffisant aux yeux de la France. Mais il s’agissait entre autres de montrer que l’expressivité artistique des provinces rhénanes répondait à une mentalité spécifique dont Maurice Barrès s’était plu à déceler les caractéristiques des années plus tôt. [6] « Françaises » quant à leur sensibilité artistique, ces terres germaniques pouvaient dès lors apparaître comme des « irredenta ». [7] Restait à en convaincre les Rhénans, dans leur grande majorité profondément hostiles à la présence étrangère – et aussi une population française qui ne partageait pas forcément les avis tranchés des généraux et de Barrès. [8]
1 – Enjeux et problématiques
4Alors que la politique d’occupation française dans les provinces rhénanes a fait l’objet d’une recherche approfondie, il est étonnant de constater que seuls deux articles sont consacrés aux aspects artistiques, et plus particulièrement à l’exposition de Wiesbaden. [9] Cela est d’autant plus surprenant que le volet culturel a été abondamment utilisé par l’administration française pour légitimer sa présence, aussi bien pendant qu’après l’occupation. [10] L’historiographie, tant française qu’allemande s’est profondément renouvelée au cours de la dernière décennie, accordant une importance accrue aux aspects culturels et symboliques de l’occupation. [11] La « pénétration pacifique » des esprits a été analysée par la recherche, notamment pour ces deux expressions majeures que sont la Revue Rhénane et le Centre d’Études Germaniques de Mayence. [12] Pourtant, l’exposition d’art, en tant que phénomène relevant d’une dimension esthétique, n’est jamais abordée dans sa spécificité. [13] L’objectif de cette contribution est de combler cette lacune, et de montrer que cette exposition relève d’une logique esthétique qui recoupe en grande partie la sphère politique, sans s’y réduire cependant tout à fait. [14] Il y a une autre dimension qui dicte la forme et le contenu de cette exposition et qui fixe aussi en définitive son rayonnement, conduisant, pour le dire tout de suite, à son échec. Il s’agit du « retour à l’ordre » qui conduit pendant la Grande Guerre (et même un peu plus tôt, vers 1910) à une redéfinition des orientations et de la conscience de soi des avant-gardes artistiques à Paris pour s’inscrire dans la continuité d’une tradition amorcée par le Grand Siècle de Louis XIV. L’historien de l’art américain Kenneth Silver a analysé ce phénomène pour l’avant-garde picturale, sa collègue Nancy Troy pour les arts décoratifs ; [15] tous deux ont souligné le rôle profondément traumatisant de la concurrence allemande, notamment lors de l’exposition des décorateurs munichois au Salon d’Automne de 1910. [16] Pourtant, ces auteurs, alors qu’ils ne cessent de souligner l’énorme pression morale et sociale émanant des élites sociales et des artistes consacrés sur les artistes de l’avant-garde, accordent beaucoup moins d’attention aux stratégies développées par ces milieux établis pour conforter leurs positions. Récemment, Claire Maingon a soutenu une thèse sur le « Rappel à l’ordre » dans les salons d’art parisiens après la Première Guerre mondiale. [17] La propagande artistique française de ces années apparaît comme l’expression d’une volonté générale de signifier au monde, mais aussi à soi-même, un retour à des traditions saines héritées d’une évolution picturale sans ruptures. L’exposition de Wiesbaden s’inscrit dans cette logique, qui ne se manifeste pas seulement en Allemagne, mais dans toute la sphère d’influence de la France : dans les pays scandinaves, [18] en Suisse, en Pologne et, surtout, en République Tchécoslovaque, grâce à l’action du collectionneur d’art Vincenc Kramá?. [19]
5Cette contribution cherche donc à combler ce que l’on peut appeler un angle mort de la recherche : elle vise premièrement à donner une vision précise de l’exposition en tant que dispositif artistique en s’interrogeant précisément sur les œuvres présentées et en insérant leurs auteurs dans le contexte idéologique. Elle cherche, deuxièmement, à compléter la perspective adoptée par Troy et Silver, en analysant ce que l’on pourrait appeler une « exposition retour à l’ordre » échafaudée sur une terre soumise par une administration d’occupation et des intellectuels proches des généraux. Considérée sous cet angle, une exposition perçue jusqu’alors comme « mineure », et qui à ce titre n’a pas encore fait l’objet d’une approche détaillée, révèle tout son intérêt sous le double prisme esthétique et civilisationniste : elle incarne pour ainsi dire à l’état « pur » les positions les plus réactionnaires du champ artistique, qui seraient difficilement concevables ailleurs que sur le terrain de l’adversaire conquis. Elle fonctionne donc comme une loupe grossissante, découvrant des aperçus inédits sur « l’Autre » de la modernité : une « réaction artistique » qui constitue trop souvent une partie négligée de la recherche.
6De fait, cette étude plaide aussi pour l’élargissement méthodologique de la germanistique en direction de l’histoire de l’art, et cherche à ouvrir des angles d’approche intégrant l’histoire politique et la sociologie de la culture.
2 – Le profil de l’Exposition des Beaux Arts de Wiesbaden
7L’étude des expositions pose des problèmes méthodologiques spécifiques, et l’exposition de Wiesbaden constitue un cas particulièrement épineux. Quelles en étaient les intentions ? Les réalisations ? Comment les œuvres étaient-elles présentées ? Quel était le parcours auquel le spectateur était invité ? Quelle était, en somme, la conception de l’histoire de l’art, de l’histoire culturelle en général ?
8Jusqu’à présent, ces questions restaient sans réponse faute de sources précises – les publications émanant des autorités d’occupation, notamment un numéro de la Revue Rhénane d’été 1921, donnent trop peu d’indications pour constituer une base solide. [20] Les publications parues en 1930 lors de la fin de la période d’occupation dressent un portrait sommaire dont la finalité d’auto-légitimation est tellement évidente qu’elle pose la question de l’exploitation de ces documents en tant que source. [21] Par ailleurs, pour des raisons sur lesquelles il conviendra de revenir, il n’y a eu quasiment pas de critique d’art à propos de cette exposition, de sorte que son impact reste difficile à mesurer.
9Pour cette analyse, il a fallu procéder à l’exploitation fine des deux catalogues qui ont accompagné l’exposition, dans sa partie « Beaux-Arts » comme dans sa partie « Ameublement ancien ». [22] Les sources présentent Charles Duvent, « peintre aux armées », comme « Haut commissaire » de l’exposition. Il paraît cependant peu probable que ce dernier ait décidé seul de tous les aspects de la manifestation, étant donné la taille et le programme de cette dernière. Cela supposerait de plus une connaissance parfaite du milieu parisien et des discussions qui s’y déroulaient. Ainsi, le grand nombre de prêts en provenance du Musée du Luxembourg (voir infra) permet de supposer que son directeur, le dynamique Léonce Bénédite (1856-1925), avait eu son mot à dire. Par ailleurs, le catalogue indique le nom de « M. Horteloup » comme commissaire de la section des Beaux Arts. [23] On peut donc supposer une pluralité d’acteurs dans le choix artistique opéré. Les seules sources iconographiques sont les reproductions des catalogues, très peu abondantes et de mauvaise qualité, et celles, plus abondantes, contenues dans le numéro thématique de la Revue Rhénane évoqué plus haut.
10Le catalogue de l’Exposition des Beaux-Arts, installée au Château de Biebrich, autorise à conclure à une exposition très ambitieuse, mélangeant les fondateurs de l’art moderne (Manet, Degas, Cézanne) aux artistes les plus contemporains (Marquet, Vlaminck, Dunoyer de Segonzac, La Fresnaye), tout en faisant une large place aux peintres consacrés par les Salons. Le catalogue mentionne cinq cent trois œuvres, ce qui est considérable, surtout si l’on tient compte des nombreuses œuvres d’art décoratif qui étaient également exposées à Biebrich. Il convient d’y ajouter un ensemble d’une centaine de peintures, de dessins et de gravures dispersé dans la section des arts décoratifs. Parmi les auteurs présents dans cette section se trouvent en effet des artistes mineurs tels que Henri Rapin ou Auguste Matisse (à ne pas confondre avec Henri Matisse…) mais aussi des gloires consacrées ou en train de le devenir tels que Maurice Denis (six œuvres) ou Raoul Dufy (deux œuvres), et des affichistes comme Henri de Toulouse-Lautrec, Théophile Steinlen et Alphonse Willette.
11On est donc amené à croire dans un premier temps qu’il s’agit d’une sorte de réédition – élargie aux artistes les plus récents – des deux manifestations (Exposition centennale, Exposition décennale) qui avaient permis de constituer, lors de l’Exposition Universelle de 1900, un « canon » de la peinture française. En inscrivant les impressionnistes dans une continuité de l’art français, le mouvement s’était vu définitivement consacré, et ses artistes reconnus à l’instar d’Ingres, Delacroix ou Courbet. La forte présence de Degas, mort en 1917, contribue à cette impression. Il avait droit à une salle particulière, où était exposé un ensemble de vingt-deux œuvres en provenance du Musée du Luxembourg.
12Vue de près, cette image se brouille cependant, car les deux « extrêmes » sont intégrés à une disposition qui fait la part belle aux artistes des Salons, donc à un « juste milieu » qui avait régné sur le monde des arts grâce à un « système des Beaux-Arts » qui permettait à un ensemble de critiques d’art, de décideurs politiques et de directeurs de musées, de maintenir un statu quo étouffant. Alors que la Centennale, dont le choix avait été confié à Antonin Proust, proche de Clemenceau et ami de Manet, avait pour but de montrer que la France avait réussi à dépasser la peinture du Salon, le message était ici comme inversé : la peinture du Salon était toujours là, et c’était elle qui constituait le « centre », numériquement et de par le prestige dont elle jouissait. Il n’est nul besoin de souligner ce que ce message pouvait avoir d’anachronique au début des années 1920, alors que les impressionnistes et les fauves eux-mêmes commençaient à faire vieux jeu face aux surréalistes français, et aux expressionnistes et réalistes allemands.
13Le choix est un savant dosage entre des positions conservatrices, voire ouvertement réactionnaires (Bonnat, Besnard), et une prudente ouverture aux tendances « modernes », incluant des fauvistes et même des cubistes revenus de leurs audaces (Marquet, Vlaminck). On peut donc dire qu’il s’agit d’une incarnation pure de ce que Kenneth Silver a qualifié de « retour à l’ordre » pendant la Première Guerre mondiale, moment caractérisé par un culte de la tradition française sous toutes ses formes face à la pression de la « Kultur » germanique. [24] « Gardienne de la tradition », la culture de France aurait réussi à obtenir la victoire sur son ennemi grâce à son enracinement dans une chaîne ininterrompue de création, et aussi grâce à une dimension spirituelle qui lui aurait permis de résister à la modernité dénuée d’âme censée caractériser l’Allemagne.
14L’exposition formulait ce message dès la grande pièce centrale du petit château de Biebrich où dominait un grand plâtre de la Vierge à l’enfant (version définitive 1923) d’Emile Antoine Bourdelle (1861-1929). Ancien praticien de Rodin, Bourdelle, qui se définissait comme son « plus fidèle antidisciple », fut au début des années 1920 au cœur de toutes les discussions autour d’un art monumental renouvelé par les expériences de la guerre. [25] Les 19 œuvres exposées constituaient un résumé d’une carrière lancée à la fin des années 1880, souvent en étroite collaboration avec Rodin qui venait de disparaître en 1920. [26] L’ancien disciple incarnait pour ainsi dire l’héritier naturel de l’artiste national. Bourdelle qui avait, dès avant la guerre, posé les jalons d’un nouvel art décoratif et architectural avec la frise du Théâtre des Champs-Élysées (1910), paraissait aussi le champion d’une continuité qui puisait sa force dans un passé lointain : prenant volontiers ses modèles dans l’art grec ancien ou l’art médiéval, Bourdelle était également admiré par une génération plus jeune de créateurs, captivés par son aptitude à atteindre une simplification des formes qui faisait penser aux recherches des cubistes que la pression morale de la guerre avait ramenés au bercail rassurant de la tradition. Rodin occupe, aux côtés de Bourdelle, une place éminente dans l’exposition (4 œuvres, dont le Portrait de Jules Dalou et le Buste de Falguière.) Il est possible, voire très probable d’ailleurs, que les concepteurs de l’exposition aient été au courant de l’extrême considération dont Rodin jouissait en Allemagne (Rilke, Simmel…) Le tandem Rodin/Bourdelle est donc un facteur de continuité, auquel l’Allemagne n’a rien à opposer (les sculpteurs consacrés, Adolf von Hildebrand, August Gaul – disparus tous deux en 1921 – pouvaient difficilement prétendre pouvoir rivaliser avec Rodin.) Quant à Max Klinger, mort en 1920, il était connu de ses contemporains comme le « Rodin allemand ». Là où la France pouvait pavoiser avec une suite ininterrompue de sculpteurs versant dans un style volontiers monumentaliste, l’Allemagne apparaissait comme une terre devenue stérile (les œuvres de Wilhelm Lehmbruck, annonçant un profond renouvellement stylistique, étaient alors inconnues du grand public – et l’artiste s’était suicidé en 1919.)
15De nombreux autres sculpteurs étaient présents pour compléter cette impression de suprématie absolue : Jules Dalou (1838-1902, 5 œuvres), Joseph Bernard (1866-1931, 3) Henri Bouchard (1875-1960, 1) ainsi que Paul Landowski (1875-1961, 1). [27] Cette sélection, mêlant habilement la génération rodinienne et la génération plus classicisante influencée par Maillol, a donné lieu à un commentaire dans un article de la Revue Rhénane. L’écrivain Pierre Mille (1864-1941), qui avait déjà préfacé le catalogue de l’exposition d’art français de Zurich en 1913, y affirmait que l’art français voulait « retourner à une sorte d’équilibre et de gravité classiques. » Seize illustrations prétendaient donner un panorama de la création contemporaine (Bourdelle, Real del Sarte, Gaston Contesse, Joseph Bernard…), dont le point culminant était précisément – Bourdelle : « avec un grand et perpétuel souci de l’architecture monumentale et de la statique de la forme, c’est un lyrique. » [28]
16Si Bourdelle fut pour ainsi dire une « figure d’intégration » permettant de concilier « anciens » et « modernes », les autres artistes étaient assez nettement divisés en un camp salonnard et officiel – qui étaient clairement en majorité – et quelques artistes qui constituaient un « geste de bonne volonté » en direction des générations nouvelles.
17Parmi les artistes consacrés on trouvait notamment une forte proportion de membres de l’Institut, dont la figure tutélaire de celui qui avait régné sans partage sur l’École des Beaux-Arts et qui avait encadré maintes carrières au Salon : Léon Bonnat (1884-1922). Un Autoportrait (1916, aujourd’hui au Musée d’Orsay) se trouve aussi dans le catalogue, illustré avec la plus grande parcimonie… Bonnat avait alors obtenu les plus grands honneurs que pouvait convoiter un artiste. Médaillé au Salon de 1869, il avait été élu membre de l’Institut en 1881. Plus de deux cent portraits attestent de son intégration à la bonne société de la Belle Époque, ce qui incitait le critique Gustave Cocquiot (préfacier du catalogue de la première exposition de Picasso en 1901) à l’accuser d’avoir peint « sur des fonds abominablement saturés au jus de chique, toutes les faces et tous les profils de l’élite du classement social. » [29] Tout aussi célèbre dans le champ de l’art consacré fut alors son confrère Paul Albert Besnard (1849-1934), peintre et graveur, et qui allait obtenir la direction de l’École des Beaux-Arts à la mort de Bonnat. Avec sept œuvres exposées, il se classe honorablement dans le peloton de tête. Prix de Rome en 1874, directeur de la Villa Médicis en 1913, Besnard avait été comblé par la République de commandes prestigieuses pour de nombreux monuments, dont l’École de pharmacie. Quatre esquisses pour le vestibule (aujourd’hui au Musée d’Orsay) permettaient de juger de cet art décoratif à la française. [30]
18Parmi ces gloires consacrées ne pouvait manquer Maurice Denis dont un tableau clé, La meilleure part (tiré de la rencontre de Jésus avec Marthe et Marie), rappelait opportunément le message chrétien. [31] Parmi les artistes de Wiesbaden, on trouvait également Jean-François Raffaëlli, ancien compagnon de route des impressionnistes, et Henri Martin, qui appliquait la recette néo-impressionniste à la peinture décorative. Tous deux n’étaient guère aimés par les avant-gardes, qui les soupçonnaient d’opportunisme.
19Si la sélection des artistes consacrés n’offre guère de surprise, au point de constituer à maints égards un retour aux « valeurs sûres » que le public parisien était habitué à trouver au Salon des Artistes français, au Salon d’Automne ainsi qu’au Salon des Tuileries qui venait d’être fondé en 1920 par Bourdelle, le fait d’inclure des artistes « modernes » paraît révélateur des tentatives faites pour intégrer les trublions des années d’avant-guerre et dans le récit d’une évolution continue de l’art français.
20À cet égard, l’article du critique d’art Roger Allard, « Dix ans de peinture française », publié dans le numéro thématique de la Revue Rhénane, donne des éclaircissements sur la façon dont la France pouvait paraître « unie » face au virus de la modernité. [32] Partant de la constatation (en soi courageuse… ou tout simplement incontournable) qu’il était « impossible d’envisager l’évolution de la peinture française, en ces dix dernières années, sans étudier tout d’abord l’origine et la nature véritable du mouvement qui garde le nom de cubisme », il essaie de dresser un tableau équitable entre bienfaits et dangers. Si le « jansénisme de la couleur » (Allard fait évidemment allusion à la domination du gris dans les toiles du cubisme synthétique) a permis de mettre fin, parfois, à la « manie de l’originalité à tout prix » et a rapidement exercé une influence bienfaisante sur les arts appliqués, il ne faut cependant pas s’abuser sur sa nature, qui risque de se muer en une simple « formule » aux mains de suiveurs sans scrupule.
21Allard distingue donc entre « bons » et « mauvais » cubistes. Dans la première catégorie se trouvent les « inventeurs » qui, tels Bracque, Picasso, Léger et la Fresnaye après avoir « senti le besoin de se révolter, ont déjà compris leur erreur, et sont rentrés dans le chemin d’une tradition renouvelée, à laquelle ils apportent leurs forces. » [33] En face, les « incorrigibles » qui, comme Metzinger, Gris, Herbin, « persistent dans les mêmes formules alors que les cubistes de la première heure ont senti le besoin de s’en évader. » [34]
22La sélection de l’Exposition de Wiesbaden formule en toute netteté le nouveau canon qui est en train de s’établir à Paris, et qui revient à un « dessin précis, serré, à une ligne expressive » qui trouverait son inspiration chez Ingres. [35]
23Les peintres choisis pour l’illustration de l’article d’Allard sont aussi à l’honneur sur les cimaises du Château de Biebrich : ainsi Albert Marquet (1875-1947), avec Quai de Paris à Rouen (aujourd’hui Musée d’Orsay). Marquet avait fait ses études chez le symboliste Gustave Moreau, y avait rencontré Rouault et Matisse, avec lesquels il avait lancé le fauvisme au Salon des Indépendants de 1904. Depuis, il était « rentré dans le rang », peignant des tableaux puissamment charpentés, aux contours nets, qui s’inséraient dans la conception « constructive » que l’on se faisait désormais des Beaux-Arts. Roger La Fresnaye (1885-1925) avait le double avantage d’avoir fait partie de la première génération des cubistes (membre de la « Section d’Or », il avait exposé dès 1908 des tableaux dont les contours restaient cependant clairement discernables), et d’avoir combattu au front, ses blessures devant d’ailleurs causer sa mort précoce. Il fut, au risque de comparer ce qui n’est pas comparable, un Franz Marc français : de même que le peintre expressionniste, en mourant en 1916, avait contribué à faire accepter ce courant de l’art moderne dans sa patrie, de même La Fresnaye, par son sacrifice, était en mesure de contredire la légende du cubisme conçu comme « art boche ».
24Pour qu’une exposition de cette taille puisse avoir lieu, il a fallu convaincre un grand nombre de prêteurs, dont l’identité est indiquée par le catalogue de l’exposition. Parmi les prêteurs institutionnels, on trouve notamment le Musée du Luxembourg, qui abritait la collection d’art moderne et fut le précurseur du Musée d’Orsay actuel, et qui avait déjà joué un rôle crucial pendant les années de guerre, consentant notamment à donner des œuvres pour l’exposition universelle de San Francisco en 1915. Le Luxembourg fut également le théâtre, durant ces années, d’un certain nombre d’expositions de propagande visant, soit à montrer l’effort de guerre des puissances alliées, soit à donner une existence visuelle au « cordon sanitaire » que la France avait constitué avec les débris de l’Empire austro-hongrois dont elle avait obtenu le démantèlement. [36] Avec un total de 48 œuvres dont la provenance est clairement marquée, il s’agit quasiment d’une exposition de propagande française à l’étranger, dans le droit fil de celles entreprises pendant la guerre. Parmi les prêts de toute première importance se trouve, outre une sélection de vingt-deux œuvres de Degas, un tableau majeur de Manet (Angelina, actuellement au Musée d’Orsay.)
25Avec dix-sept œuvres, un troisième prêteur apparaît de manière significative : il s’agit d’Olivier de Sainsère (1852-1923), avocat natif de Bar-le-Duc, donc de la même région « héroïque » de Lorraine que Poincaré qui, après avoir été maire de sa ville natale, était devenu préfet, puis conseiller d’État, et avait occupé de nombreuses positions importantes au sein de divers ministères. Il occupait entre 1913 et 1920 le poste éminemment stratégique de secrétaire général de la Présidence française. Il fut l’ami de nombreux artistes, entre autres de Picasso… dont les tableaux ne figurent pourtant pas dans l’exposition. Homme de confiance de Poincaré, sa présence avait dû convaincre d’autres prêteurs de l’importance de l’événement, et donc de l’intérêt à y participer.
26On note également la présence d’autres prêteurs renommés, faisant partie des élites économiques, comme les frères Henry (1870-1958) et Marcel Kapferer (1872-1966). Il s’agissait des petits fils du fondateur de l’aéronautique française Henry Deutsch de la Meurthe, respectivement ingénieurs du corps des Mines et dirigeant de Shell France, et célèbres aviateurs eux-mêmes. Leur collection comprenant des peintures nabi sert pour ainsi dire de contrepoint au profil très consensuel du Musée du Luxembourg. Contribuant à l’exposition par le prêt d’un chef-d’œuvre, Le Jas de Bouffan, de Cézanne, et d’un tableau de Bonnard et de Redon, leur présence permet de remédier quelque peu à l’absence d’une peinture plus moderne.
3 – L’Exposition des Arts décoratifs : relever le défi des artistes-décorateurs munichois
27Le trait le plus saillant de l’exposition de Wiesbaden, et qui a retenu aussi l’attention des rares commentateurs, fut l’importance de la section des Arts décoratifs. [37] Cette section était si importante qu’elle fut montrée en deux lieux séparés : la partie ancienne en plein centre-ville, dans le Paulinenschlösschen près du Kurhaus, et la partie moderne dans le château de Biebrich.
28Magnifiquement mis en valeur dans les grands salons de cet édifice du milieu du xixe siècle, la section d’art décoratif était constituée d’une suite de quatre pièces au premier étage montrant « l’évolution du mobilier français de la fin du xviiie siècle au plein milieu de l’Empire. » [38]
29Pour des raisons politiques évidentes, il eût été maladroit de faire commencer la période avec Louis XIV dont la politique rhénane avait plongé les régions jusqu’à Coblence et au-delà dans la terreur, ce que la propagande anti-française n’aurait pas manqué d’exploiter. Mais on peut supposer qu’il y avait des raisons proprement esthétiques parallèles aux considérations politiques : la froideur et la rigidité du mobilier de Louis XIV n’aurait peut-être pas permis de faire la démonstration qu’un même élan créateur avait habité les créateurs français, sans discontinuer du xviiie siècle au présent :
la France est une race trop vibrante, parcourue en toutes ses veines et jusqu’au cœur par un sang trop riche et généreux pour se contenter ainsi d’un passé artistique, si glorieux soit-il ; aussi, dans une autre de ses parties, l’Exposition montre-t-elle l’effort des générations actuelles pour maintenir le sceptre d’élégance et de bon goût que leurs aînés ont si magnifiquement conquis. [39]
31Dans cette section, on avait tenté de présenter – certainement sans se douter qu’il s’agissait d’une « invention » que l’Allemagne s’était attribuée et qui avait fait ses preuves dans l’aménagement du Kaiser Friedrich Museum par Wilhelm von Bode, directeur des Musées de Prusse – le mobilier dans un ensemble associant peintures et autres objets d’époque afin de créer un sentiment d’ensemble (ce que l’on désigne en anglais par « period room. ») Des œuvres de maîtres tels les portraits de ses filles de Jacques Louis David [40] et Napoléon en costume du sacre du baron Gérard, [41] ainsi que des tapisseries de premier choix de la Savonnerie (provenant du Garde meuble national) n’étaient pas des simples faire-valoir : ils montraient que l’art français formait une totalité vivante, dont chaque élément concourait à un but commun : le raffinement de la vie.
32Pour montrer que le « sceptre de l’élégance » était toujours détenu par la France, les organisateurs n’avaient pas non plus lésiné sur les moyens, et avaient similairement assemblé des meubles et des objets d’arts de tout genre.
33Le catalogue fait mention de cent dix-sept artistes et d’un ensemble de plus de huit cents objets, dont trente-sept meubles, cent dix-sept peintures, dessins ou affiches, huit sculptures, trois cent huit pièces de porcelaine, quatre-vingt-treize œuvres d’argenterie, deux cent deux tapisseries ou papiers peints, et trente-neuf autres objets tels que costumes ou tapis.
34Parmi les créateurs modernes, on trouve tous ceux qui, avant et après la guerre, avaient pris position en faveur d’un « nouveau goût » français en matière de décoration : les ébénistes Maurice Dufrêne, Paul Follot (3 œuvres), André Groult (1), Léon Jallot (7), Francis Jourdain (4), Emile Jacques Ruhlmann (3), Tony Selmersheim (5), Paul Suë et André Mare (1), le décorateur Paul Vera (5), le ferronnier Edgar Brand (12). Seul le nom de Louis Majorelle (3 œuvres) rappelait l’époque de l’Art Nouveau – et encore faudrait-il ajouter que c’était sans doute par devoir « patriotique », car Majorelle avait fait de la faune et de la flore de sa Lorraine natale, dévastée par la guerre, le motif principal de son art.
35On trouve donc formulé clairement sur les bords du Rhin un message que l’Exposition internationale des Arts décoratifs de 1925 (qui a donné son nom au mouvement) a porté à la connaissance du monde : l’Art Nouveau est mort, vive l’Art Déco !
36C’est aussi la teneur d’un article du critique d’art Léandre Vaillat, publié par la Revue Rhénane dans son cahier thématique, et dans lequel celui-ci souligne l’impossibilité de revenir aux créations de l’Art Nouveau dont « la forme manque complètement d’architecture, d’équilibre apparent, de stabilité paisible. » [42] Il n’est donc pas étonnant que ces créateurs aient succombé au « virus munichois »… La potion miracle, qui a permis à une nouvelle génération de créateurs de guérir, est le retour à la tradition. Tel serait le secret du succès de Marie et Suë : « à savoir que s’il faut en revenir à une tradition, assurer ses pas sur ceux des devanciers des siècles passés, ce ne doit pas être à un point mort comme la Restauration, mais à un moment riche, exubérant, fécond de cette lignée et ils pensent au Louis quatorzième. » [43]
37Les raisons de cet investissement extravagant de la France (le seul transport des œuvres – et qui pour les plus anciennes n’était pas sans risques – avait dû coûter une fortune) est à chercher dans un traumatisme causé par la visite des architectes et décorateurs munichois à Paris en 1910. [44] La confrontation avec les ensembles de Richard Riemerschmid, Bruno Paul, Paul Ludwig Troost, Theodor Weil, Richard Seidl et d’autres, avait causé une forte impression, incitant un certain nombre de décorateurs parisiens, comme le plus célèbre d’entre eux, Paul Poiret, à s’en inspirer. Dans un contexte déjà marqué par la tension entourant les crises marocaines, cette « attaque contre le bon goût » avait soulevé le cœur de nombreux esthètes patriotes et donné lieu à une intense campagne de presse. [45]
38On est donc amené à penser qu’il s’agit en l’occurrence d’un véritable « dialogue hostile », qui se devait d’être d’autant plus fort qu’il était porté en terre allemande – mais était-on disposé à Paris à recevoir le message ?
4 – La réaction en Allemagne et en France : entre silence gêné, repli sur la tradition et fuite en avant
39L’exposition de Wiesbaden rencontre peu d’échos en Allemagne, et il en va de même en France. Les retombées médiatiques sont nulles ou presque : à un moment où on dénonce à Paris le « bourrage des crânes » (Albert Londres) comme principal responsable de la tragédie passée, on n’ose accorder trop de place à des expositions qui paraissent constituer un prolongement de l’état de guerre psychologique. Aussi seules des revues, réputées plutôt conservatrices, telles que L’Amour de l’art ou L’Art et les artistes, en informent leurs lecteurs. [46] Aucune revue d’art ne publie un véritable compte rendu. [47]
40Les journaux allemands, quant à eux, observent un silence gêné – il ne pouvait évidemment pas être question pour eux de saluer la vivacité de la culture française alors que les troupes d’occupation étaient présentes sur le Rhin, dont la Prusse devait être la sentinelle. À deux reprises, la Deutsche Allgemeine Zeitung rapporte l’événement, la première pour en signaler l’inauguration, la deuxième, un mois plus tard, pour revenir plus longuement sur ce qu’elle désigne comme « l’échec » de la propagande culturelle française. [48]
41La politique culturelle française en Rhénanie occupée prend place jusque dans le Politisches Handwörterbuch, paru en 1923, où on souligne la « vigoureuse opposition » (« starke Gegenwehr ») de la part des Rhénans. [49]
42En Allemagne, on ne reste pas inactif ; les services de propagande artistique de la Wilhelmstrasse ne sont pas démobilisés et se tournent vers l’intérieur pour faire échec aux initiatives françaises. À Berlin, on suit les agissements français avec inquiétude, et on y voit une expression de la volonté de saper la culture allemande, au besoin en recourant à la force. Dans sa rubrique intitulée « Ein Kulturkampf. Von gelungenen und misslungenen Ausstellungen », le Berliner Lokal Anzeiger cite, sans la nommer, une « personnalité » que l’on imagine proche des services officiels allemands, car cet article est conservé par la section culturelle de la Wilhelmstrasse. [50] On y souligne qu’il convient de voir dans ces expositions une « poursuite du combat avec des armes de l’esprit et de la culture », à laquelle l’Allemagne doit opposer une « riposte vigoureuse. » On se plaint notamment de la faible subvention accordée par le Reich à une exposition d’art romantique allemand présentée au Musée de Wiesbaden. La Deutsche Allgemeine Zeitung estime quant à elle que l’exposition fait partie de ces « mesures de propagande demeurées d’ailleurs sans résultat comme la France tente d’en faire pour susciter la sympathie de la Rhénanie. » [51] Cette utilisation de la culture par les services d’occupation paraît, ajoute-t-on, d’autant plus scandaleuse que le rayonnement de l’art français a été « favorisé dans le passé par la science allemande » qui n’aurait nullement besoin de conseils. [52] Lorsque, en juillet, face à l’apparent insuccès de l’exposition, la visite est rendue gratuite, la Deutsche Allgemeine Zeitung revient à la charge pour en dénoncer « l’inanité et la médiocrité » et pour inciter les responsables allemands à passer à la contre-offensive, en organisant une exposition d’art allemand : « Il ne faut pas laisser passer l’occasion de faire de la bonne propagande allemande. » [53] Les archives attestent effectivement de consultations entre responsables locaux à Wiesbaden et les services centraux à Berlin pour mettre sur pied une contre-exposition d’art allemand. L’initiative semble avoir émané des fonctionnaires prussiens de Wiesbaden, ulcérés de voir leur ville utilisée comme lieu de propagande française.
43Pour des raisons d’opportunité politique et sans doute aussi de financement, cette exposition allemande n’aura cependant pas lieu. De manière générale, les instances allemandes cherchent à ne pas irriter l’occupant français, et au sein de la Wilhelmstrasse on estime que le manque de succès risque de rendre les interlocuteurs particulièrement susceptibles. Dans une note non datée, adressée au secrétaire d’État à l’intérieur et au commissaire pour les territoires allemands occupés, le conseiller légataire Gerhard von Mutius, ancien ambassadeur à Oslo et président de la commission allemande pour les négociations de paix, estime qu’il vaut mieux s’abstenir d’envoyer une note de protestation et se contenter de constater l’échec de la propagande artistique française. [54]
44Il ne faut cependant pas déduire de l’exposition de Wiesbaden que l’art était seulement un instrument aux mains d’une propagande ouverte ou larvée aux mains des États. Il y eut aussi une réactions des artistes, visiblement soucieux de transcender les clivages politiques et les ressentiments nationalistes afin de renouer avec l’idée d’un « art au-dessus des nations » qui avait caractérisé la période de l’avant-guerre. En témoigne notamment la Première exposition internationale de Düsseldorf (I. Internationale Kunstausstellung) organisée à l’été 1922 par le groupe expressionniste Das Junge Rheinland. S’inscrivant en faux contre les orientations rétrogrades de l’Académie responsable de la Grosse Kunstausstellung, le groupe autour de l’écrivain et critique d’art Kasimir Edschmid (1890-1966) et du peintre Gert Heinrich Wollheim (1894-1974), proche du courant expressionniste, invitait non seulement les artistes de toute l’Allemagne mais aussi de l’étranger. Privé de l’appui des autorités officielles, les artistes devaient se contenter du quatrième étage du grand magasin « Tietz » pour accrocher leurs quelque 800 œuvres, dont la majorité provenait de France et de Russie. Dans le groupe français dominaient les œuvres futuristes et cubistes, et notamment celles d’Albert Gleizes (1880-1953) et de Louis Marcoussis (1878-1941). [55] Parmi les sympathisants du manifeste se trouvait aussi le marchand d’art Alfred Flechtheim, alors encore à Dusseldorf. S’exprimant au nom de la « minorité d’une minorité », le critique d’origine belge Paul Colin (1890-1943) apportait, en qualité de représentant du groupe Clarté dirigé par Romain Rolland, son soutien à ceux qui « mènent un combat désespéré pour prouver la persistance européenne ». [56] Les admonestations du quotidien Düsseldorfer Nachrichten permettent cependant de prendre la mesure des tensions nationalistes qui entouraient l’orientation cosmopolite du projet :
Les artistes ne devraient pas se laisser entraîner par une phraséologie cosmopolite à adopter une attitude bohème, contraire à l’âme du peuple dont ils sont issus – surtout lorsque celui-ci est engagé dans une bataille difficile pour conserver son patrimoine culturel, qui est la seule chose dont il n’ait pas encore été dépossédé. [57]
46La lutte pour l’hégémonie culturelle et pour la capacité de conserver la maîtrise du territoire constituait donc bien un enjeu majeur. Mais après l’échec de Wiesbaden, les Français ne cherchèrent pas à renouveler l’exploit – il fut néanmoins poursuivi, mais à Paris, lors de l’Exposition universelle des arts décoratifs en 1925.
5 – Un porte-à-faux quasi parfait ?
47Que reste-t-il de l’exposition de Wiesbaden ? En apparence fort peu de chose : seule une exposition de tapisserie française à Mayence en 1922 montre une volonté de poursuivre la présence artistique en territoire occupé. Les rodomontades de Paul Tirard dans l’ouvrage de 1930, où il cherche à présenter l’exposition comme un prélude à la détente des années Stresemann-Briand et comme amorce d’un dialogue entre artistes français et allemands, ne peuvent faire illusion. Si l’exposition de Wiesbaden fut effectivement un instrument diplomatique, elle le fut dans un sens très particulier.
48Une étude attentive permet de conclure que l’exposition de Wiesbaden fut conçue d’emblée comme un « lieu de mémoire » dans un double sens : elle se concevait comme un rappel d’une tradition qui n’aurait jamais été interrompue, et dont les crises n’auraient, in fine, que renforcé le pouvoir de création. Pour les concepteurs de l’exposition, elle devait être un témoignage de la capacité de renouvellement à partir du « centre » que serait le grand art de la fin du xviiie siècle.
49Nous sommes donc bien au cœur du « retour à l’ordre », qui s’exprime à Wiesbaden avec une netteté impensable en métropole. Nous avons bien affaire à un profil inversé de la plupart des expositions d’art français qui avaient eu lieu jusqu’alors à l’étranger. Au nom d’une logique du « nul n’est prophète en son pays », les artistes de l’avant-garde se sont exprimés de préférence hors des frontières, en misant sur la reconnaissance de leurs positions parmi des confrères qui n’étaient pas soumis aux lois du champ de l’art ; [58] dès lors, des expositions telles que le Erster deutscher Herbstsalon organisé par Herwarth Walden à Berlin ou l’Exposition du Sonderbund à Cologne, avaient été bien plus novatrices que celle de Wiesbaden. S’il y avait une « innovation » pour un connaisseur de l’art français, ce n’était pas par des œuvres de cubistes modérés tels que Segonzac ou Marquet, mais par des toiles académiques de Cottet ou Bonnet, peintres qui n’avaient jamais réussi à franchir le Rhin.
50La France se présentait en 1921 telle que ses détracteurs modernistes en Allemagne la concevaient – comme un pays dont la contribution à l’art contemporain s’était tarie, qui était retournée à une tradition du juste-milieu mettant ainsi fin à l’esprit révolutionnaire qui l’avait caractérisée lors des bouleversements impressionniste et cubiste. À un moment où, de manière appuyée, les artistes « de gauche » allaient se détourner de la France au profit des innovations introduites en Union Soviétique par les constructivistes, aux Pays-Bas par le mouvement « de Stijl », la France, soucieuse de faire sa publicité, se heurtait à un double front du refus : sur sa gauche, à celle des dadaïstes et des premiers tenants de la Neue Sachlichkeit et, sur sa droite, à une pensée allemande conservatrice et nationaliste qui, tout en se félicitant du fait que certains cubistes étaient « rentrés dans le rang », continuait à refuser l’art français pour des raisons politiques insurmontables.
Notes
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[*]
Alexandre KOSTKA est Professeur à l’université de Strasbourg, UFR LSHA, 22, rue Descartes, F-67000 STRASBOURG ; courriel : akostka@unistra.fr
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[1]
Il existe actuellement peu d’ouvrages disponibles sur la propagande artistique française, mis à part quelques présentations ponctuelles dans la thèse d’État de Jean-Claude Montant : La Propagande extérieure de la France pendant la Première Guerre mondiale : l’exemple de quelques neutres européens, Université Paris I, 1988 (manuscrit non publié, disponible à la BDIC, Nanterre.)
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[2]
Paul Tirard : L’Art français en Rhénanie pendant l’occupation 1918-1930, Paris : Plon, 1930, p. 80.
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[3]
Cf. Nicolas Beaupré : « Occuper l’Allemagne après 1919 » in : Revue historique des armées, 254, mis en ligne 15 mars 2009, http://rha.Revues.org//index6333.html ; article consulté en août 2009.
-
[4]
Toujours actuel, Rainer Hausherr : « Kunstgeographie – Aufgaben, Grenzen, Möglichkeiten », in : Rheinische Vierteljahresblätter 30 (1965), p. 351-372 et 34 (1970), p. 158-171.
-
[5]
Christina Kott : Préserver l’art de l’ennemi ? Le patrimoine artistique en Belgique et en France occupée, 1914-1918, Bruxelles, Berne : P. Lang, 2006.
-
[6]
Gerhard Brunn : « Französische Kulturpolitik in den Rheinlanden nach 1918 und die Wiesbadener Kunstausstellung des Jahres 1921 », in : Peter Hüttenberger, Hansgeorg Molitor (Hrsg.) : Franzosen und Deutsche am Rhein 1789-1918-1945, Essen : Klartext, 1989, p. 219-241, p. 221 ; pour le contexte intellectuel allemand, voir Magdalena Bushart : Der Geist der Gotik und die expressionistische Kunst. Kunstgeschichte und Kunsttheorie 1911-1925, München : Schreiber, 1990.
-
[7]
Pierre Francastel : L’Histoire de l’art, instrument de la propagande germanique, Paris : Librairie de Médicis, 1945, qui note que la querelle du gothique fut réactivée à ce moment, voir aussi Emile Mâle (Otto Grautoff et al., Hrsg.) : Studien über die deutsche Kunst, Leipzig : Klinckhard und Biermann, 1917 ; pour le contexte allemand, voir Joes Segal : Krieg als Erlösung : die deutschen Kunstdebatten 1910-1918, München : scaneg, 1997.
-
[8]
Judith Voelker : « < Unerträglich, unerfüllbar und deshalb unannehmbar > – Kollektiver Protest gegen Versailles im Rheinland in den Monaten Mai und Juni 1919 », in Jost Dülffer, Gerd Krumeich (Hrsg.) : Der verlorene Frieden. Politik und Kriegskultur nach 1918, Essen : Klartext, 2002.
-
[9]
Gerhard Brunn (note 6) ; Anna-Monika Lauter : « Kultur und Propaganda : die französische Kunstausstellung in Wiesbaden im Sommer 1921 » in : Gertrude Cepl-Kaufmann (Hrsg.) : Krieg und Utopie : Kunst, Literatur und Politik im Rheinland nach dem Ersten Weltkrieg (cat. exp.), Essen : Klartext, 2006, p. 394-398.
-
[10]
Voir par exemple Paul Tirard : La France sur le Rhin. Douze ans d’occupation rhénane, Paris : Plon, 1930, p. 257-311 (l’exposition de Wiesbaden n’est traitée que de manière sommaire) ; et surtout Paul Tirard : L’Art français en Rhénanie pendant l’occupation 1918-1930, Paris : Plon, 1930. Cet ouvrage, abondamment illustré, tire – évidemment – un bilan très favorable des activités en matière culturelle, et s’appesantit longuement sur les mérites de l’exposition de Wiesbaden.
-
[11]
Voir Beaupré (note 3) ; Corinne Defrance : Sentinelle ou pont sur le Rhin ? Le Centre d’Études Germaniques et l’apprentissage de l’Allemagne en France 1921-2001, Paris : CNRS, 2008 ; Dieter Breuer, Gertrude Cepl-Kaufmann : « Deutscher Rhein- fremder Rosse Tränke ? ». Die Rheinlandbesetzung im Spiegel der Literatur, Essen : Klartext, 2005 ; Jost Dülffer, Gerd Krumeich (Hrsg.) : Der verlorene Frieden : Politik und Kriegskultur nach 1918, Essen : Klartext, 2002 ; Franziska Wein : Deutschlands Strom – Frankreichs Grenze. Geschichte und Propaganda am Rhein 1919-1930, Essen : Klartext, 1992.
-
[12]
Ingrid Voss und Jürgen Voss : « Die Revue Rhénane als Instrument der französischen Kulturpolitik am Rhein 1920-1929 », in : Archiv für Kulturgeschichte 31(1982), p. 403-451, et l’ouvrage de Corinne Defrance (note 11).
-
[13]
Voir les travaux que Martin Schieder a consacrés aux expositions françaises d’art après la Seconde Guerre mondiale, notamment : Im Blick des anderen. Die deutsch-französischen Kunstbeziehungen 1945-1959, Berlin : Akademie-Verlag, 2005.
-
[14]
Le domaine des expositions et festivals, considéré sous un aspect interdisciplinaire et dans l’optique d’une interrogation méthodologique, est au centre d’un projet de recherche lancé par Caroline Moine (Université de Versailles-Saint Quentin), Martin Schieder (Université de Leipzig) et l’auteur de cet article, avec le soutien du CIÉRA (Centre Interdisciplinaire d’Études et de Recherche sur l’Allemagne) : « Montrer, exposer, représenter en Allemagne et en France (mi-XIXe/XXe siècle). Les expositions et festivals internationaux au cœur des stratégies visuelles et des circulations culturelles européennes. Une approche croisée et interdisciplinaire. » Pour une description du projet, voir <http://www.ciera.fr/ciera/spip.php?rubrique142>, dernier accès août 2009.
-
[15]
Kenneth Silver : Vers le retour à l’ordre. L’avant-garde parisienne et la Première Guerre mondiale, Paris : Flammarion, 1991 ; Nancy J. Troy : Modernism and the decorative Arts in France. Art Nouveau to Le Corbusier, New Haven, London : Yale University Press, 1991.
-
[16]
Sabine Beneke : « Otto Grautoff, Frantz Jourdain und die Ausstellung Bayerischen Kunstgewerbes im ‹ Salon d’automne › von 1910 », in : Alexandre Kostka, Françoise Lucbert (dir.) : Distanz und Aneignung. Kunstvermittlung Deutschland-Frankreich 1870-1945, Berlin : Akademie-Verlag, 2004, p. 119-138 ; Bernd Nicolai : « Der Werkbund im Ersten Weltkrieg – eine Gratwanderung », in : Winfried Nerdinger (Hrsg.) : 100 Jahre Deutscher Werkbund. 1907-2007 (cat. exp.), München : Prestel, 2007, S. 70-74.
-
[17]
Claire Maingon : Les Salons du Rappel à l’ordre, Paris 1914-1925 : des Artistes Français aux Artistes Indépendants, Thèse, Université Paris X, 2006.
-
[18]
Cf. par exemple Anonyme : « Une exposition d’art français en Danemark », in : Revue de l’art ancien et moderne XL (1921), p. 292-293. L’auteur prépare une étude d’ensemble des manifestations du « rayonnement artistique français » dans les années d’après-guerre.
-
[19]
Une exposition consacrée à Kramá?, prévue à Paris à la suite de celle qui s’est tenue à Prague en 2000, a dû être annulée ; un recueil d’articles permet cependant de se faire une idée des principales contributions au catalogue, et contient un certain nombre d’indices : Jana Claverie, Hélène Klein, Vojte?ch Lahoda et alii, (dir.) : Vincenc Kramá?, un théoricien et collectionneur du cubisme à Prague, Paris : Réunion des musées nationaux, 2002. Voir aussi Krystina Passuth : Les Avant-gardes de l’Europe centrale, 1907-1927, Paris : Flammarion, 1988.
-
[20]
La Revue Rhénane, 1 (1920), 1er juillet 1921, numéro 10, « À l’exposition d’Art Français en Rhénanie. »
-
[21]
Paul Tirard (note 11).
-
[22]
Exposition de l’art français à Biebrich. Catalogue des œuvres exposées, Beaux-arts, N. p. 1921, 117 p. 28 pl. h.t. ; Französische Kunst-Ausstellung Biebrich. Ausstellungskatalog. Schöne Künste, Dekoration, Buch Kunst (sic) Juni Juli August 1921, Mainz : Druckerei Walter, 1921 ; Französische Kunst-Ausstellung Wiesbaden. Ausstellungskatalog, “Antike Französische Innenkunst” (Juni-Juli-August 1921), Mainz : Druckerei Walter, 24 p. et 8 illustrations.
-
[23]
Il s’agissait certainement de Marcel Horteloup, commissaire français dans diverses expositions universelles, comme celle de 1904 à Saint-Louis.
-
[24]
Kenneth Silver (note 15.)
-
[25]
La place centrale de Bourdelle apparaît clairement dans les publications contemporaines, par exemple Paul Viguié : L’Essor pathétique de Bourdelle, Paris : Chiberre, 1923 ; François Fosca : E.-A. Bourdelle, Paris : Éditions de la Nouvelle Revue Française, 1924 ; François Monod : L’Œuvre d’Antoine Bourdelle, Paris : Palais des beaux-arts, 1928 ; André Fontainas : Bourdelle, Paris : Rieder, 1930.
-
[26]
À maints égards, la sélection effectuée pour Wiesbaden constitue une préfiguration de l’actuel Musée Bourdelle de Paris. Ainsi, parmi les dix-neuf œuvres exposées on trouve, outre la Vierge à l’enfant dont la version définitive n’allait être achevée qu’en 1923 : Buste de Beethoven, bronze (1901), Buste d’Ingres, bronze (1908), Grande Bacchante, bronze (1907) ; Quatre bas-reliefs en bronze pour le Monument aux combattants et défenseurs du Tarn-et-Garonne (1897-1904), Buste d’Anatole France (1919.)
-
[27]
Ces jeunes sculpteurs, pratiquant volontiers la taille directe, constituaient alors l’espoir d’une tradition renouvelée, et avaient à leur actif de nombreuses commandes publiques, notamment de monuments aux morts. Joachim Costa venait de publier un ouvrage au titre programmatique : Modeleurs et tailleurs de pierre, nos traditions, Paris : Éditions Douce France, 1921.
-
[28]
Pierre Mille : « La sculpture française contemporaine », in : La Revue Rhénane 1 (1920), (1er juillet 1921), 10, p. 626-629, citation p. 628.
-
[29]
Cité d’après E. Bénézit : Dictionnaire critique et documentaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs de tous les temps et de tous les pays, Paris : Gründ, 1999, vol. 2, p. 434.
-
[30]
Albert Besnard : La Leçon de botanique, 1885, Musée d’Orsay ; L’Homme nouveau, 1885, Musée de Beauvais ; La Leçon de chimie, 1885, Musée d’Orsay ; La Maladie, 1885, Musée d’Orsay.
-
[31]
Maurice Denis : La meilleure part, ill. in La Revue Rhénane, 1 (1920) N 10 (1er juillet 1921), p. 619.
-
[32]
Roger Allard : « Dix ans de peinture française », in : La Revue Rhénane, 1 (1920) N° 10 (1er juillet 1921), p. 621 – 623.
-
[33]
Ibid, p. 622.
-
[34]
Ibid.
-
[35]
Ibid.
-
[36]
Léonce Bénédite : La Grande Guerre. L’effort et l’idéal de la Grande-Bretagne, Paris : Musée du Luxembourg, 1918. Le Musée du Luxembourg contribua également au rayonnement extérieur de la culture française, en soutenant par exemple une exposition d’art français en 1925 à Vienne, voir Art et Décoration, 1925, 1, « L’Exposition d’art français du XIXe siècle à Vienne », p. 3.
-
[37]
Voir supra (note 22).
-
[38]
Ernest Dumonthier (administrateur du Mobilier National) : « Le mobilier national de France à l’exposition de Wiesbaden-Biebrich », in : La Revue Rhénane, 1 (1920), 1er juillet 1921, numéro 10, p. 637.
-
[39]
Ibid, p. 644.
-
[40]
Jacques Louis David, portraits de ses filles, Laure-Emilie-Félicité David, baronne Meunier, ca 1812, h.t., auj. Fine Arts Museum of San Francisco, Roscoe and Margret Oakes collection, anciennement Palais californien de la Légion d’Honneur ; Portrait de la baronne Pauline David, baronne Jeanin, ca 1812, h.t. Museum Oskar Reinhardt, Am Römerholz, Winterthur.
-
[41]
Baron François Gérard : Napoléon 1er en costume du sacre, h.t. ca 1806 ; Musée National du Château de Fontainebleau.
-
[42]
Léandre Vaillat : « Le mobilier », in : La Revue Rhénane 1 (1920), 1er juillet 1921, numéro 10, p. 653.
-
[43]
Ibid.
-
[44]
Voir Nancy Troy (note 15), ch. 2 « Responses to industrialisation and competition from Germany », p. 52-102.
-
[45]
Kenneth Silver (note 15).
-
[46]
Anonyme : « Une exposition d’art français en Rhénanie », in : L’Art et les artistes 3 (1921) (mars-juillet), p. 292. Il s’agit d’une simple information.
-
[47]
Il resterait cependant à explorer la presse quotidienne nationale, ce qui n’a pas été possible jusqu’à présent.
-
[48]
Deutsche Allgemeine Zeitung, N° 276, 16-6-1921 « Französische Kunstausstellung in Biebrich » ; dans le même journal, N° 322, en date du 13-7-1921, « Missglückte französische Kulturpropaganda. »
-
[49]
« Ebenso hatten trotz starker Gegenwehr auch die französischen Kunstausstellungen und Modeschauen einigen Erfolg aufzuweisen », « Linksrheiner » (pseudonyme…) article « Rheinlandfragen », in Paul Herre, Kurt Jagow (Hrsg.) : Politisches Handwörterbuch, vol. 2, Leipzig : Koehler, 1923, p. 483-492, citation p. 489.
-
[50]
Berliner Lokal Anzeiger Nr 289 vom 12-6-1921 « Ein Kulturkampf von gelungenen und misslungenen Ausstellungen », in Dossier Politisches Archiv des AA, R 74272 Bd. 3 Referat Besetzte Gebiete Nr Bes Rheinland Allgemeines, Fol 163 : « Der Kampf mit den Waffen ist beendet, um so zäher ist der Kampf mit den geistigen und kulturellen Waffen entbrannt. Die Westmächte machen die größten Anstrengungen, um im Rheinland ihre Kunst und ihre kulturellen Errungenschaften im schönsten Licht erscheinen zu lassen. Dies beweist die gegen den ausdrücklichen Willen der Reichsregierung in Biebrich und jetzt im Wege der Requisition auch in Wiesbaden veranstalteten Kunstausstellung, die im großen Rahmen vor sich geht. Es erscheint unbedingt notwendig, dass bei diesem kulturellen Wettstreit, der durchaus nicht mit Hass geführt zu werden braucht, sondern mit den edelsten Waffen ausgeführt werden kann, die deutsche Kunst und die deutsche Kultur entsprechend gerüstet auf dem Plan erscheint. »
-
[51]
Deutsche Allgemeine Zeitung N° 276, 16-6-1921 « Französische Kunstausstellung in Biebrich » : « Es handelt sich also auch hier um eine jener im übrigen ergebnislosen Propagandamaßnahmen wie sie von französischer Seite immer wieder versucht werden, damit im Rheinland Sympathien für Frankreich erweckt werden. »
-
[52]
« Die deutsche Wissenschaft hat zu ihrem Teil dazu beigetragen, dass gerade Frankreichs Kunst der früheren Epoche die richtige Wirkung fand. Die Deutschen brauchen also wahrlich keine Belehrung durch französische Propagandabehörden, denen die Kunst nur zur Bemäntelung politischer Absichten dient. » Ibid.
-
[53]
Deutsche Allgemeine Zeitung, N° 322 vom 13-7-1921 « Missglückte französische Kulturpropaganda. Unwert und Belanglosigkeit dieser Ausstellung » […] « Desto mehr wäre zu wünschen, dass die deutschen verantwortlichen Stellen, was wie schon mehrfach angeregt haben durch eine von ihnen veranstaltete gute deutsche Ausstellung die Belanglosigkeit dieser offiziell propagierten französischen Kunst auch die Anschauung dem besetztem Gebiet und seinen ungebetenen Gästen, soweit sie etwas von Kunst verstehen, zum Bewusstsein bringen. Man soll diese gute Gelegenheit, gute deutsche Propaganda zu machen, nicht ungenützt vorüber lassen ! »
-
[54]
« Die französische Kunstausstellung, die als das Hauptstück der französischen Propagandapolitik mit grossen Hoffnungen unter erheblichen Opfern ins Leben gerufen worden ist, hat zu einem auch für die Franzosen deutlich erkennbaren völligen Misserfolg geführt. Durch die beabsichtigten Vorstellungen würde ohne praktischen Nutzen in der Sache selbst an diese wunde Stelle der französischen Rheinlandpolitik in einer Weise gerührt werden, die die französische Empfindlichkeit in höchstem Masse reizen müsste. Dies kann aber im gegenwärtigen Zeitpunkt keinesfalls erwünscht sein. » Brouillon de lettre, non daté, de Gerhard von Mutius, Archives politiques du Ministère allemand des Affaires étrangères, Berlin (PAAA), R 74272, vol. 3.
-
[55]
Alfred Salmony : « Düsseldorf » in : Das Kunstblatt 6 (1922) (août), p. 353-356.
-
[56]
Paul Colin : « Un discours » in : Der Querschnitt 2 (1922), p. 194-196, cit., p. 194.
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[57]
« Gerade in dieser Zeit, da unser Volkstum in schwerem Kampfe um die Erhaltung des ihm einzig gebliebenen geistigen Besitzes steht, sollten sich die Künstler nicht durch kosmopolitische Phrasen in ein Artistentum hineintreiben lassen, das mit der Seele ihres Volkes nichts gemein haben kann. » Cité d’après Franz Josef Hamm : « Kunstrevolution. Politik und Kunst » in id. (Hrsg.) : Darmstädter Secession. Kontakte zum Rheinischen Expressionismus 1919-1929, Bonn : Verein August Macke Haus, 1999, p. 11-55, p. 47.
-
[58]
Béatrice Joyeux-Prunel : Nul n’est prophète en son pays ? L’internationalisation de la peinture des avant-gardes parisiennes, 1855-1914, Paris : Musée d’Orsay/Nicolas Chaudun, 2009.