Notes
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[*]
Frédéric TEINTURIER, docteur de l’université de Paris-Sorbonne, est ATER à l’université de Caen – Esplanade de la paix F-14000 CAEN ; courriel : teinturier.f@gmail.com
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[1]
Lion Feuchtwanger : Der Teufel in Frankreich, Berlin : Aufbau, 2000, p. 20 sq.
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[2]
Cf. en particulier l’étude de Doris Rothmund : Lion Feuchtwanger und Frankreich. Exilerfahrung und deutsch-jüdisches Selbstverständnis, Frankfurt am Main : Peter Lang, 1994.
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[3]
Lion Feuchtwanger : Der Teufel in Frankreich (note 1), p. 46.
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[4]
Cf. sur ce point le chapitre 3 du livre de Doris Rothmund (note 2).
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[5]
Cf. en particulier la correspondance avec Félix Bertaux (les lettres de Mann sont le plus souvent écrites en français). Voir particulièrement la lettre du 3 avril 1945 (infra, note 10). Depuis les États-Unis où il vit contraint et forcé à partir de 1940, Mann renoue contact avec son correspondant et ami, qui était sans nouvelles de lui depuis l’effondrement de la France. C’est là qu’il écrit ces lignes.
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[6]
Cf. J. Haupt, dans son étude : « Heinrich Mann, Henri Barbusse und andere. Eine deutsch-französische Freundschaft zwischen den Weltkriegen », in : Heinrich-Mann-Jahrbuch 1, Lübeck 1983. p. 59, Haupt parle de « Vermittler ».
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[7]
Heinrich Mann a, en particulier, traduit le roman d’Anatole France : Histoire comique, sous le titre : Eine Komödiantengeschichte, Roman, München : A. Langen, 1904.
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[8]
Heinrich Mann : La Haine, histoire contemporaine d’Allemagne, Paris : Gallimard, 1933.
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[9]
Bourget, Maupassant et Flaubert sont les trois grandes figures tutélaires du jeune Mann. À partir de 1905, s’ajoutent à ces auteurs Zola, Sand et Voltaire. Montaigne et Hugo font également partie de son panthéon littéraire et esthétique. Sur ces questions, cf. Klaus Schröter : Die Anfänge Heinrich Manns, Stuttgart : Metzler, 1965.
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[10]
Heinrich Mann, Félix Bertaux : Briefwechsel 1922-1948, (= Heinrich Mann : Gesammelte Werke in Einzelbänden, hrsg. von Peter Paul Schneider), Frankfurt am Main : Fischer, 2002, p. 287 [Lettre du 20 mars 1933].
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[11]
Cf. lettre du 21 janvier 1935, p. 379 sq.
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[12]
Cf. lettre du 21 février 1934, dans laquelle Mann évoque pour la première fois ses craintes : « Ce sera toujours une garantie d’être Français ou, du moins, d’être sur la voie de la naturalisation. », ibid., p. 354.
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[13]
Voir note 10.
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[14]
Lettre du 17 mars 1933 (note 10), p. 281.
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[15]
Cf. lettre du 7 octobre 1934, par exemple, ibid., p. 370-371.
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[16]
Cf. lettre du 2 mai 1933, ibid., p. 299.
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[17]
Heinrich Mann : La Haine, Paris : Gallimard, 1933.
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[18]
Lettre du 16 juin 1933 (note 10), p. 305.
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[19]
Lettre du 1er septembre 1933, ibid., p. 328.
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[20]
Lettre du 2 mai 1933, ibid., p. 299.
-
[21]
Cf. par exemple les lettres du 24 mars 1933, ibid., p. 292 : « D’abord d’écrire en français me prend le double du temps que je mets à écrire dans ma langue » et du 24 juin 1933, ibid., p. 309 : « Mes travaux sur des sujets pénibles et écrits dans une langue qu’en somme je ne possède pas, m’on (sic) fatigué plus que de juste. »
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[22]
Lettre du 30 juin 1933, ibid., p. 315.
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[23]
Lettre du 8 juillet 1933, ibid., p. 317.
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[24]
Il n’est d’ailleurs pas jusqu’à la dimension européenne et supranationale de Hugo qui ne soit reprise ici par H. Mann.
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[25]
« On continue n’est-ce pas ? », lettre du 6 mars 1933 à Pierre Bertaux, ibid., p. 279.
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[26]
Cf. sur ce point les lettres du 16 juin 1933 et du 24 juin 1933.
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[27]
Lettre du 24 juin 1933, ibid., p. 312.
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[28]
Lion Feuchtwanger (note 1), respectivement p. 79 et 250 « Je cherchais à m’occuper l’esprit autrement. J’organisais des jeux intérieurs avec moi-même. […] Des vers extraits de la prière du soir me vinrent à l’esprit, de cette prière que j’ai dû enfant réciter soir après soir des années durant : des vers hébraïques au puissant pouvoir évocateur. […] Je balbutiais ces vers. Ils allaient et venaient dans mon esprit et devenaient des vers allemands. »
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[29]
Lion Feuchtwanger : « Die Verjudung der abendländischen Literatur », in : Ein Buch nur für meine Freunde, Frankfurt am Main : Fischer, p. 431 « La spiritualité d’un être humain est sa langue, […] la langue compose, la langue pense, la langue force l’individu. La langue représente la spiritualité de tous les gens qui non seulement parlent cette langue en ce moment, mais aussi de ceux qui l’ont parlée un jour, qui ont contribué à la former. »
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[30]
Cf. Lion Feuchtwanger : « Der Schriftsteller im Exil », in : Ein Buch nur für meine Freunde, Frankfurt am Main : Fischer, p. 533 sq.
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[31]
Lettre du 29 septembre 1933 (note 10), p. 334-335.
1Au cours de leur exil en France, les écrivains de langue allemande indésirables dans leur pays d’origine ont adopté, vis-à-vis de leur pays d’accueil, des attitudes diverses, plus ou moins nuancées, oscillant entre l’intégration d’une part et, d’autre part, le refus marqué de se départir de leur identité allemande. Dans le large spectre des possibilités offertes entre les deux points de vue, il n’est pas toujours aisé de situer les hésitations de tel ou tel auteur, en raison de la complexité bien compréhensible des réactions psychologiques de personnalités confrontées à une crise identitaire traumatisante. Lion Feuchtwanger et Heinrich Mann semblent devoir se distinguer ici du reste de la plupart des exilés, dans la mesure où leurs positions respectives sont en apparence étonnamment claires : les affinités de H. Mann pour la France sont bien connues et l’image qu’on a communément de son exil français conduit naturellement à le compter parmi ceux qui ont accepté de s’ouvrir à la nouvelle culture en exil, alors que Feuchtwanger semble au contraire devoir être rangé du côté de ceux qui « ignorent l’autre » auquel ils se trouvent confrontés malgré eux. Les réflexions qui suivent ont pour but de nuancer ce qui pourrait revêtir les apparences d’une opposition trop tranchée.
2Revenons dans un premier temps sur l’attitude de Feuchtwanger, même si ce n’est pas lui qui peut ici faire débat. Ses écrits sur la France, produits dans les conditions que l’on sait, expriment on ne peut plus clairement son rejet des mœurs du pays hôte. Ce refus de s’intégrer en France a des prolongements à plusieurs niveaux. Il s’agit tout d’abord d’un isolement quotidien, puisque Feuchtwanger vit dans sa villa de Sanary, qu’il a choisie en fonction de sa situation sur les hauteurs, à l’écart du village proprement dit [1]. L’écrivain souligne en outre à de multiples reprises dans sa correspondance comme dans Der Teufel in Frankreich que le bonheur de vivre qui est le sien entre 1933 et 1940 est pour l’essentiel dû au climat méditerranéen, au décor dans lequel il passe sa nouvelle existence, et aux habitudes inchangées depuis Munich. Même s’il convient bien entendu de tenir compte d’une certaine propension à forcer le trait chez un auteur parfois de mauvaise foi lorsqu’il décrit son quotidien à ses correspondants, il ressort des lettres écrites à Sanary et dans le récit rétrospectif de ses années françaises dans son pamphlet Der Teufel in Frankreich, que Feuchtwanger vit son premier exil dans une situation d’isolement culturel quasi total vis-à-vis du pays hôte, son contact à la France se limitant volontairement au strict nécessaire.
3Au niveau culturel, l’absence de contact entre l’émigrant et le pays d’accueil qu’il a choisi est tout aussi évidente et ne se limite pas à la période de l’exil. En effet, il a été montré plusieurs fois [2] que Feuchtwanger a été influencé par les écrits de Sieburg sur la France. Même s’il ne peut être question de voir en lui un adepte des théories exposées dans ce best-seller polémique, il est indéniable que sa vision de la France moderne – exception faite de la littérature – n’est pas le résultat d’une étude personnelle empirique, mais qu’elle est en partie due à l’image qu’en donne Sieburg et que, par conséquent, elle est essentiellement négative. Sans entrer ici dans les détails, nous rappellerons que le livre Der Teufel in Frankreich s’articule autour de la notion du « Je m’en foutisme », terme qui définit selon l’auteur la mentalité française [3]. Au-delà de cette dépréciation à l’évidence liée à l’épilogue tragique de son séjour en France, on retiendra que cette mauvaise appréciation du pays inclut sa culture et sa littérature, dont Feuchtwanger écrit en plusieurs endroits qu’elle n’est pas à son goût [4].
4L’attitude de Feuchtwanger semble donc parfaitement univoque et peut très simplement se résumer à un refus de l’intégration, à une limitation volontaire du contact et, c’est ce qu’il convient de retenir ici en premier lieu, à un rejet culturel de la France. L’écrivain ignore l’autre et, quand il évoque la France et les Français, c’est pour mettre en évidence leurs manques, leurs faiblesses et les raisons de son rejet. En d’autres termes, une rapide analyse confirme les jugements habituellement portés sur Feuchtwanger.
5Le « cas » Heinrich Mann appelle sur ce point davantage de nuances. Pour tout lecteur des œuvres de l’aîné des frères Mann, il est bien sûr évident que son attitude et son comportement lors de son premier exil, en France à partir de mars 1933, se caractérise avant tout par un fort désir de s’intégrer au pays hôte, dont il connaissait et la langue et la culture à un degré exceptionnel. Contrairement à son collègue et ami, H. Mann apprécie fortement la France, tant son histoire que sa littérature et ses mœurs. L’écrivain a lui-même écrit que son premier exil, en France, était bien moins traumatisant que le second, aux États-Unis :
Elle [sa seconde femme Nelly, qui s’est suicidée en 1944] m’a, à la lettre, aidé de ses bras lors de notre fuite à travers les Pyrénées. Plus tard elle m’a soutenu dans la vie difficile de l’exil, du vrai, car en France, ce n’en était pas un. [5]
7C’est en raison de telles formules qu’on a souvent répété que H. Mann avait cherché, à s’intégrer au pays hôte et qu’il avait pu s’adapter à la vie de ce côté du Rhin. On l’a même considéré, à juste titre, comme un intermédiaire culturel entre la France et l’Allemagne : c’est ce que fait J. Haupt dans son étude consacrée à l’amitié entre H. Barbusse et H. Mann [6].
8L’élément le plus significatif qui vient appuyer cette image de H. Mann passeur entre les deux cultures est bien entendu le fait qu’il a, contrairement à d’autres émigrés allemands, écrit en français. Il maîtrise parfaitement cette langue, qu’il lit depuis toujours, et qu’il traduit occasionnellement [7]. À partir de 1933, il franchit une étape décisive et entreprend d’écrire un livre d’essais en français – La Haine [8] – et de nombreux articles politiques, parus pour la plupart dans la Dépêche de Toulouse. À cela s’ajoute chez lui une très grande proximité culturelle et esthétique avec la France, modèle littéraire et politique depuis ses premières années [9]. Sa connaissance de la littérature, de la vie culturelle et de l’histoire de France sont telles qu’il a été possible de considérer H. Mann comme le plus français des auteurs allemands, et Félix Bertaux, germaniste et traducteur, ami de l’écrivain, ne cesse de le lui écrire dans ses lettres de l’époque. Parmi plusieurs passages exprimant la même admiration pour les qualités du français de son correspondant allemand, on retiendra plus particulièrement deux exemples. Le premier est un extrait datant de mars 1933. Dans sa lettre, Bertaux envisage pour son ami les meilleures possibilités de trouver des revenus en France et arrive à la conclusion qu’il doit, car il le peut, publier en français :
Vous avez assez fait pour la cause publique [française] et votre renommée en France est assez pure pour avoir le droit de penser à vous-même […] Vous êtes, doublement, écrivain français aussi, et j’imagine très bien non seulement votre collaboration déjà commencée à des périodiques français se généralisant, mais encore la publication d’œuvres, même littéraires, en français – beaucoup d’écrivains pourraient vous envier votre maîtrise dans cette langue. [10]
10Ces louanges ne sont pas feintes, comme le prouvent de nombreuses autres mentions admiratives de cette faculté à écrire en français. L’ensemble de la correspondance permet en outre de vérifier la réelle maîtrise linguistique de Mann, puisque les lettres sont quasi exclusivement rédigées en français. En outre, il écrira effectivement de nombreux articles en français et s’il n’ira pas jusqu’à écrire d’œuvres littéraires dans cette langue, il inclura dans son roman Die Jugend des Königs Henri IV des « moralités » conclusives à la fin de chaque chapitre. Ces textes longs d’une page sont écrits directement en français. Or la correspondance entre les deux hommes – c’est le second exemple que nous estimons devoir retenir – permet de mesurer l’impact de ces moralités sur le professeur français, qui revient à plusieurs reprises sur leur qualité littéraire et linguistique en soulignant surtout la connaissance du français classique dont l’Allemand apporte la preuve. Mann lui a confié que son intention était d’écrire ces pages dans la langue du xviiie siècle, état de perfection de la langue française. Après avoir lu les « moralités », Bertaux écrit :
Je suis emballé par les Moralités. Emballé par le son qu’elles rendent. Il n’y a pas dans Stendhal, dans Chamfort et quelques autres rien de plus pénétrant, psychologiquement de plus incisif, moralement de plus élevé au-dessus de la mission habituelle des hommes et des choses. Et ces courtes pages prouvent combien le fond, chez un artiste authentique, se crée sa forme. Voilà une prose qui fait le plus grand honneur à la langue française : elle ne reproduit pas seulement ce qu’il y a de meilleur dans le style dit « classique » – elle y ajoute. [11]
12Fort de ces constats, l’interprète est tenté de conclure à une intégration parfaite et aboutie de la part de cet écrivain francophile. À cela s’ajoute le désir de ce dernier, à partir de février 1934, d’engager des démarches en vue d’obtenir sa naturalisation française. H. Mann envisage en effet de devenir citoyen français, puisqu’il a été déchu de sa nationalité allemande dès 1933. Face aux dangers encourus par tout émigré dont les papiers d’identité arrivent à péremption, l’écrivain s’enquiert auprès de son correspondant des démarches à accomplir et il lui demande plusieurs fois conseil [12]. On le sait, ces démarches n’aboutiront pas et Mann ne sera jamais français. Après avoir reçu des autorités la réponse qu’il fallait résider sur le sol français depuis au moins trois ans, Mann réitérera ses démarches en 1936, sans plus de succès que la première fois. Mais cela prouve la réalité de son désir de s’intégrer en France. Même si ce désir est surtout dicté par un certain pragmatisme, il semble bien qu’il ait souhaité ne plus être considéré comme un exilé allemand dans le pays qui l’a accueilli et dont il se sent si proche.
13Il serait toutefois abusif d’en rester là et de considérer que l’amour pour la France, bien réel chez H. Mann, est le seul sentiment qui l’ait habité entre 1933 et 1940. Et il est inexact d’affirmer que H. Mann se caractérise, pendant son exil en France, uniquement par son souhait de s’intégrer et de devenir français. Sa demande de naturalisation intervient seulement lorsque les premières menaces ou inquiétudes planent sur les émigrés sans nationalité. Il n’a pas cherché à devenir Français dès le début de son exil, et il ressort de ses lettres que ses sentiments sont mêlés. Sans rejoindre la position tranchée de Feuchtwanger, l’auteur d’Henri IV éprouve des difficultés psychologiques certaines et sa conception de la France soulève plusieurs interrogations. Un des meilleurs moyens de les mettre en lumière reste la correspondance qu’il entretient avec Félix Bertaux. Publiée récemment [13], elle permet le mieux de mesurer les changements d’état d’esprit de H. Mann, car les lettres sont fréquentes. En outre, la relation littéraire au départ, puis d’amitié vraie entre les deux hommes est le garant d’un échange riche et « authentique » d’un point de vue psychologique comme sur le plan littéraire.
14Il faut tout d’abord revenir sur la première phrase que nous avons citée, et dans laquelle Mann évoque de manière rétrospective, en 1945, les années de son premier exil, en France. Dans les lettres écrites en 1933, il n’est pas rare de lire sous sa plume des propos bien moins enthousiastes que ceux avec lesquels il revient sur cette période après coup. En fait, il ne faut pas oublier que s’il a pu écrire et répéter que l’exil en France n’en avait pas été un véritable pour lui, c’est en comparaison de celui qu’il vit aux États-Unis à partir de 1940. Il est beaucoup plus isolé en Amérique qu’il ne l’a été en France. Mais il serait déplacé d’affirmer sans nuance que la fuite précipitée hors d’Allemagne en 1933 a été synonyme pour lui du commencement d’une nouvelle vie heureuse. Cela rendrait d’autant moins justice à la réalité des faits et à son état d’esprit du moment que les lettres qu’il envoie à Bertaux à son arrivée dans le sud de la France mettent toutes en avant son « isolement ». Et la toute première lettre depuis l’exil, le 17 mars 1933, a une tonalité pessimiste [14]. Mais c’est justement sur ce point qu’il convient d’apporter des nuances. Car s’il est possible, dans l’ensemble de la correspondance, de trouver d’autres passages où l’exilé est d’humeur noire et s’épanche ainsi, on peut en trouver d’autres où, au contraire, Mann retrouve cet optimisme et cette foi en l’avenir qui caractérise souvent ses lettres. En fait, le lecteur de cette correspondance se trouve confronté à un ensemble de textes souvent contradictoires, ce qui ne saurait constituer une surprise, étant donné leur caractère privé, non « officiel ». Il est cependant possible de dégager un certain nombre de constantes, de points constants sur lesquels Mann ne revient pour ainsi dire pas. Ce sont de telles constantes qui permettent de nuancer l’image souvent trop univoque que l’on peut avoir de son exil en France.
15Revenons un court instant pour commencer sur les termes utilisés. H. Mann parle dès la lettre du 17 mars 1933 d’« exil », mais le mot est relativement rare sous sa plume avant 1939. Le plus souvent, c’est celui d’« émigré », d’« émigration » qui revient. Mais encore faut-il souligner que Mann parle le plus souvent de son « isolement » et que c’est ce terme au contenu psychologique plus marqué qui frappe à la lecture [15]. Cet isolement profond et traumatisant ne peut être adouci par la proximité culturelle de la France. Remarquons d’ailleurs au sujet de cette solitude, certes nouvelle pour l’auteur célébré de la République de Weimar, qu’elle ne constitue aucunement une nouveauté absolue. Mann rappelle deux fois à Bertaux que la situation dans laquelle il se trouve – isolé en terre étrangère – correspond exactement – du moins l’affirme-t-il – à celle qui était la sienne avant 1905, alors que, jeune écrivain connu mais pas encore célèbre, il séjournait le plus souvent en Italie. À part pendant les dernières années du xixe siècle – son frère Thomas partageait alors sa vie – H. Mann vivait seul dans un pays dont il maîtrisait certes la langue, mais qui était avant tout un environnement étranger :
[…] je reprends mon travail de toujours, en isolé, et j’essaie de me transporter, par la pensée, dans ma jeunesse quand je n’avais pas non plus beaucoup d’espoir d’être jamais connu des hommes. [16]
17À la lecture de tels passages, on voit bien que l’expérience de l’exil en France comporte aussi bien des aspects positifs que négatifs, et le rapprochement ambigu opéré par l’écrivain entre ses débuts littéraires en Italie et sa situation présente souligne combien il a de mal à se situer clairement après son départ d’Allemagne.
18On assiste en lisant ces lettres aux hésitations d’un homme confronté à une crise d’identité en partie inattendue chez lui, mais tout à fait conforme aux expériences vécues par les exilés. Dans le cas de Mann, ces difficultés psychologiques s’expriment par le jugement souvent contradictoire qu’il porte sur ses activités de « publiciste » pour la Dépêche de Toulouse et sur le livre d’essais qu’il écrit en français également, pour Gallimard en 1933 : La Haine [17]. Contrairement à ce qu’on pourrait penser en lisant les lettres de Bertaux précédemment citées, Mann est quant à lui loin d’être satisfait de ces œuvres politiques. Deux raisons l’expliquent. Tout d’abord, il s’agit, dans son esprit, de textes dont la fonction première est de faire vivre leur auteur. En outre, ces textes politiques sont souvent décrits par l’écrivain comme un travail certes essentiel, mais secondaire dans sa hiérarchie personnelle. C’est le travail littéraire proprement dit, en l’occurrence la rédaction de Die Jugend des Königs Henri IV, qui constitue pour lui la priorité, il l’écrit souvent et toujours avec une grande conviction :
J’ai dû interrompre mon Henri pour en finir au plus tôt avec les articles. Il m’en reste deux ou trois à écrire [Heinrich Mann fait ici référence à la version allemande d’articles déjà écrits en français et publiés dans la Dépêche de Toulouse, version allemande qui doit paraître dans le volume Der Haß]. [18]
20H. Mann se perçoit et se définit dans cette correspondance systématiquement comme un homme de lettres, il se veut un littéraire avant d’être un politique, c’est-à-dire un exilé. Et ce travail purement littéraire le place dans une situation délicate : par nature, la rédaction du roman nécessite un isolement volontaire, une réclusion favorable au travail. C’est ce qu’il répète souvent, à la surprise – relative – de son correspondant, auquel il avoue ne pas vouloir se mêler aux autres émigrés, à Paris ou à Sanary : H. Mann ne veut ainsi pas apparaître comme un exilé et préfère prendre ses distances, géographiques, avec l’Autre Allemagne :
22Finalement, d’une lettre à l’autre, H. Mann est forcé d’assumer une contradiction certaine. D’une part, il déplore l’isolement forcé dû à l’exil dont il évite de trop prononcer le terme. D’autre part, il se plaint régulièrement de ne pas être assez isolé pour mener à bien dans les meilleures conditions son travail nécessairement solitaire de romancier pur.
23La situation d’H. Mann, c’est-à-dire ici la façon dont il se situe dans le paysage de l’exil en 1933, est par conséquent bien plus complexe qu’on pourrait le penser. Le jugement qu’il porte sur ses écrits en français et sur son activité littéraire dans cette langue reflète également dans sa contradiction le problème identitaire qui est alors le sien. D’un côté, l’écrivain allemand est bien entendu peu à l’aise face à cette tâche, même si ses compétences linguistiques sont largement à la hauteur de la tâche. Durant tout l’exil en France, il ne cessera de revenir sur ce point et de demander de l’aide et des conseils auprès de Bertaux, car il estime son niveau de langue insuffisant [21]. Et le besoin de relecture n’est pas seulement, à l’en croire, une question linguistique. Au-delà de cet aspect purement syntaxique, il désire savoir si son texte correspond ou non au point de vue français, H. Mann ne s’estimant pas assez « français » pour cela. Au moment de la relecture des épreuves de son livre La Haine, il écrit à Bertaux :
J’aurais grand besoin de vous communiquer le texte complet avant de le donner à l’éditeur, pour que vous y fassiez les corrections indispensables. Vous devriez vraiment me dire ce qu’il faut changer ou ajouter, en vue du lecteur français. Je veux savoir, en effet, où je m’écarte de l’optique française. D’autre part, vous comprenez que c’est ma tâche d’éclaircir et de rectifier les opinions d’ici, plutôt que de m’y adapter. Naturellement il m’importe d’abord que je sois bien compris. [22]
25Bertaux n’aura cependant jamais d’autres corrections à apporter que la reprise d’une maladresse syntaxique. D’un autre côté cependant, et malgré ses fréquentes dénégations, Mann est en réalité parfaitement conscient de la valeur de ses travaux en français, et il n’est pas rare de remarquer, en filigrane, sa fierté d’écrire un français aussi limpide et « classique ». Parmi les quelques passages où l’écrivain laisse pointer sa satisfaction, on en retiendra plus particulièrement un où il compare La haine aux Châtiments de Victor Hugo :
Tout ce qui arrive est justifié du fait que la vie continue. Cela ne signifie pas que ce soit légitimé devant la raison et à l’égard de l’humanité. Or c’est de cela qu’il s’agit, quand on veut faire de la polémique. Victor Hugo s’est peu inquiété du droit à la vie qu’avait tout de même l’Empire, lorsqu’il écrivait Napoléon le Petit. Je n’ai pas des prétentions aussi complètes. [23]
27On notera au passage que même si Mann semble souvent éviter le terme d’exil ou d’exilé, il le remplace ici par la figure même de l’exilé littéraire qu’est le Hugo des Châtiments, allusion qui, du coup, prend un tout autre relief. En plus d’être un exilé, H. Mann se présente ici dans la posture de l’illustre écrivain qui prétend faire jaillir la vérité et révéler la véritable nature de l’ennemi. Et c’est bien cette attitude qui semble définir au mieux Mann durant toute la période de son exil en France : il est celui qui avertit, la conscience de l’Allemagne rationnelle et démocratique [24]. Et comme il l’affirme dans une des premières lettres, il ne fait que continuer à jouer dans l’exil le rôle qui est le sien depuis 1914 en Allemagne [25].
28Finalement, H. Mann occupe une position paradoxale entre 1933 et 1940 et que l’on pourrait résumer par la contradiction suivante : il est un émigré qui refuse l’exil, il revendique à la fois d’être un Allemand hors d’Allemagne mais refuse d’être traité ou considéré comme un exilé. En d’autres termes, il reconnaît être « extérieur » par nécessité et par nature – car tout écrivain, tout homme de lettres est nécessairement en marge de la société qu’il observe et corrige – mais il refuse d’apparaître aux yeux des Français comme tel. Affirmer sa différence quasi ontologique et nier son altérité culturelle. Cette situation contradictoire trouve un écho dans certaines lettres à Bertaux. Mann y fait appel à son ami français pour lui demander de jouer le rôle d’intermédiaire avec les autorités et les maisons d’éditions françaises, et ce sans doute plus que de raison : son niveau linguistique et son degré de notoriété lui permettraient de faire un certain nombre de démarches seul. Mais il préfère rester dans l’ombre, dans un isolement en quelque sorte prophylactique, favorable à son travail purement littéraire [26]. En revanche, sa plus grande crainte est d’être considéré comme un émigré allemand par les Français. Dès qu’il est question de ses textes en français, ses textes non uniquement littéraires, à l’exception des Moralités d’Henri IV, Mann cherche à ne pas apparaître comme trop différent. À propos de La haine, il écrit en effet :
Mais j’ai peur qu’on ne traite mon livre en littérature d’émigré, nullement faite pour un public français. Je n’accepte pas ce point de vue. [27]
30Dès lors qu’on prend conscience de la complexité du cas H. Mann en France, on s’aperçoit que sa position toute en nuance n’est pas si éloignée qu’il paraît de celle de Feuchtwanger. La seule différence – qui est certes de taille – réside finalement dans le jugement que chacun des deux écrivains porte sur la France, les Français et la culture française. L’un est enthousiaste et très proche d’une certaine image de la France, alors que l’autre exprime un profond rejet tant culturel que personnel de ce pays et de ses habitants. Toutefois, tous deux se comportent durant leur exil en France de manière identique et comparable : la France est avant tout pour eux un objet littéraire. Leur contact avec le pays hôte se résume pour l’essentiel à une approche esthétique et, plus largement, culturelle. Tous deux refusent de trop affronter la réalité quotidienne ou – ce qui correspond davantage à la réalité dans le cas de Mann – de trop en parler.
31Si Feuchtwanger rejette toute relation approfondie avec la France et les Français dans Der Teufel in Frankreich, le fait d’importance dans ce livre au ton très dur réside bien davantage dans la réflexion qu’il y mène sur sa propre identité. Les pires moments de la maladie et des brimades pendant l’internement sont pour lui l’occasion de se remémorer des vers hébraïques et de les traduire en allemand, de retrouver et de réaffirmer son identité de philologue et d’écrivain juif allemand :
Ich versuchte mich abzulenken. Ich veranstaltete in meinem Innern Spiele mit mir selber. […]
Verse aus dem Nachtgebet kamen mir, das ich als Junge viele Jahre hindurch Abend für Abend hatte plappern müssen, beschwörende, hebräische Verse. […] Ich plapperte die Verse vor mich hin. Sie kamen und gingen und wurden deutsche Verse. [28]
33C’est donc bien la langue et le lien maintenu et renouvelé à la langue allemande qui reste chez l’écrivain le garant de l’identité du moi mis en danger par l’exil. Et dans Ein Buch nur für meine Freunde, il poursuit cette réflexion, cette fois plus directement, en affirmant à de nombreuses reprises la primauté dans son univers esthétique et culturel de la langue allemande, seul lieu identitaire à ses yeux.
Die Geistigkeit eines Menschen ist seine Sprache. […] die Sprache dichtet, die Sprache denkt, die Sprache vergewaltigt den einzelnen. Die Sprache, das ist die Geistigkeit all derer, nicht nur, die diese Sprache jetzt sprechen, sondern aller, die sie durch die Jahrhunderte gesprochen, an ihr gewirkt haben. [29]
35Et d’ajouter que l’une des difficultés auxquelles l’écrivain exilé est confronté est la peur de perdre la maîtrise de sa langue maternelle [30]. C’est pour cette raison qu’il lui est impossible, tout comme H. Mann, d’écrire une œuvre littéraire dans une autre langue que l’allemand.
36Cette valeur donnée à la langue allemande en exil, qui figure l’ultime refuge de l’écrivain et constitue sa vraie patrie, ne représente pas en soi une idée bien originale. L’attention du lecteur est cependant requise dans les cas de Feuchtwanger et de H. Mann par l’insistance et la répétition des allusions à cette fonction linguistique première. Les deux écrivains reviennent en fait constamment sur leur qualité essentielle de philologue, et c’est en philologue qu’ils réagissent au monde qui les entoure. Dès lors qu’on est conscient de cette posture, la contradiction inhérente à leurs discours respectifs est, sinon levée, du moins expliquée. Mann et Feuchtwanger exilés en France ont une attitude très différente à l’égard du pays hôte mais ils adoptent la même, qu’on peut qualifier d’utopique, au sens plein du terme : le lieu d’où ils écrivent, le pays qui est le leur, n’existe pas, il est abstrait et imaginaire. C’est un lieu de repli, qui leur permet d’exercer leur métier d’écrivain, d’homme de lettres. Il n’est d’ailleurs pas innocent que dans une lettre à Bertaux, Mann annonce son désir – bien surprenant, de prime abord, pour qui connaît l’engagement politique de cet auteur – de rejoindre avec Feuchtwanger, le désert tunisien, pour une oasis :
Après j’en finirai, autant que possible, avec les revues et me remettrai à mon roman. Ce sera à Pau ou même plus loin. Nous avons fait des projets, avec Feuchtwanger, de nous retrouver en Tunisie. Qu’est-ce que vous en pensez ? […] J’espère de tout cœur que mon frère n’éprouve pas de déceptions à Zürich. C’est plus près des mauvaises rencontres que Sanary s/Mer, sans parler de l’oasis rêvé (sic). [31]
38Le projet n’aboutira pas, il est vraisemblable qu’il n’ait jamais été envisagé concrètement, mais l’envie d’exil et d’isolement au sein de l’exil, dans le but de se retrouver, est exemplaire. H. Mann et Feuchtwanger sont écrivains et leur conception de la littérature les place dans un univers en marge, leur patrie est spirituelle.
Notes
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Frédéric TEINTURIER, docteur de l’université de Paris-Sorbonne, est ATER à l’université de Caen – Esplanade de la paix F-14000 CAEN ; courriel : teinturier.f@gmail.com
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[1]
Lion Feuchtwanger : Der Teufel in Frankreich, Berlin : Aufbau, 2000, p. 20 sq.
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[2]
Cf. en particulier l’étude de Doris Rothmund : Lion Feuchtwanger und Frankreich. Exilerfahrung und deutsch-jüdisches Selbstverständnis, Frankfurt am Main : Peter Lang, 1994.
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[3]
Lion Feuchtwanger : Der Teufel in Frankreich (note 1), p. 46.
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[4]
Cf. sur ce point le chapitre 3 du livre de Doris Rothmund (note 2).
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[5]
Cf. en particulier la correspondance avec Félix Bertaux (les lettres de Mann sont le plus souvent écrites en français). Voir particulièrement la lettre du 3 avril 1945 (infra, note 10). Depuis les États-Unis où il vit contraint et forcé à partir de 1940, Mann renoue contact avec son correspondant et ami, qui était sans nouvelles de lui depuis l’effondrement de la France. C’est là qu’il écrit ces lignes.
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[6]
Cf. J. Haupt, dans son étude : « Heinrich Mann, Henri Barbusse und andere. Eine deutsch-französische Freundschaft zwischen den Weltkriegen », in : Heinrich-Mann-Jahrbuch 1, Lübeck 1983. p. 59, Haupt parle de « Vermittler ».
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[7]
Heinrich Mann a, en particulier, traduit le roman d’Anatole France : Histoire comique, sous le titre : Eine Komödiantengeschichte, Roman, München : A. Langen, 1904.
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[8]
Heinrich Mann : La Haine, histoire contemporaine d’Allemagne, Paris : Gallimard, 1933.
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[9]
Bourget, Maupassant et Flaubert sont les trois grandes figures tutélaires du jeune Mann. À partir de 1905, s’ajoutent à ces auteurs Zola, Sand et Voltaire. Montaigne et Hugo font également partie de son panthéon littéraire et esthétique. Sur ces questions, cf. Klaus Schröter : Die Anfänge Heinrich Manns, Stuttgart : Metzler, 1965.
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[10]
Heinrich Mann, Félix Bertaux : Briefwechsel 1922-1948, (= Heinrich Mann : Gesammelte Werke in Einzelbänden, hrsg. von Peter Paul Schneider), Frankfurt am Main : Fischer, 2002, p. 287 [Lettre du 20 mars 1933].
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[11]
Cf. lettre du 21 janvier 1935, p. 379 sq.
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[12]
Cf. lettre du 21 février 1934, dans laquelle Mann évoque pour la première fois ses craintes : « Ce sera toujours une garantie d’être Français ou, du moins, d’être sur la voie de la naturalisation. », ibid., p. 354.
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[13]
Voir note 10.
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[14]
Lettre du 17 mars 1933 (note 10), p. 281.
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[15]
Cf. lettre du 7 octobre 1934, par exemple, ibid., p. 370-371.
-
[16]
Cf. lettre du 2 mai 1933, ibid., p. 299.
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[17]
Heinrich Mann : La Haine, Paris : Gallimard, 1933.
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[18]
Lettre du 16 juin 1933 (note 10), p. 305.
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[19]
Lettre du 1er septembre 1933, ibid., p. 328.
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[20]
Lettre du 2 mai 1933, ibid., p. 299.
-
[21]
Cf. par exemple les lettres du 24 mars 1933, ibid., p. 292 : « D’abord d’écrire en français me prend le double du temps que je mets à écrire dans ma langue » et du 24 juin 1933, ibid., p. 309 : « Mes travaux sur des sujets pénibles et écrits dans une langue qu’en somme je ne possède pas, m’on (sic) fatigué plus que de juste. »
-
[22]
Lettre du 30 juin 1933, ibid., p. 315.
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[23]
Lettre du 8 juillet 1933, ibid., p. 317.
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[24]
Il n’est d’ailleurs pas jusqu’à la dimension européenne et supranationale de Hugo qui ne soit reprise ici par H. Mann.
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[25]
« On continue n’est-ce pas ? », lettre du 6 mars 1933 à Pierre Bertaux, ibid., p. 279.
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[26]
Cf. sur ce point les lettres du 16 juin 1933 et du 24 juin 1933.
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[27]
Lettre du 24 juin 1933, ibid., p. 312.
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[28]
Lion Feuchtwanger (note 1), respectivement p. 79 et 250 « Je cherchais à m’occuper l’esprit autrement. J’organisais des jeux intérieurs avec moi-même. […] Des vers extraits de la prière du soir me vinrent à l’esprit, de cette prière que j’ai dû enfant réciter soir après soir des années durant : des vers hébraïques au puissant pouvoir évocateur. […] Je balbutiais ces vers. Ils allaient et venaient dans mon esprit et devenaient des vers allemands. »
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[29]
Lion Feuchtwanger : « Die Verjudung der abendländischen Literatur », in : Ein Buch nur für meine Freunde, Frankfurt am Main : Fischer, p. 431 « La spiritualité d’un être humain est sa langue, […] la langue compose, la langue pense, la langue force l’individu. La langue représente la spiritualité de tous les gens qui non seulement parlent cette langue en ce moment, mais aussi de ceux qui l’ont parlée un jour, qui ont contribué à la former. »
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[30]
Cf. Lion Feuchtwanger : « Der Schriftsteller im Exil », in : Ein Buch nur für meine Freunde, Frankfurt am Main : Fischer, p. 533 sq.
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[31]
Lettre du 29 septembre 1933 (note 10), p. 334-335.