La contribution des immigrés à la diversité sociale du Luxembourg devrait être considérée comme un atout pour la croissance économique et le bien-être de tous. Des projets comme la Charte de la diversité ont vocation à aider les organisations publiques et privées à tirer le meilleur parti de la diversité par le biais d’un processus d’intégration des exclus et de renforcement de la cohésion sociale. Pour une intégration réussie, il est indispensable que les immigrés maîtrisent les langues parlées au Luxembourg, développent leur capital social et voient reconnus les diplômes qu’ils ont obtenus à l’étranger. Dans le domaine de l’éducation, il conviendrait d’introduire des réformes d’ordre général en faveur de l’équité dès la prime enfance, mais aussi d’apporter un soutien plus spécifique aux élèves défavorisés, notamment grâce à une modernisation de l’enseignement professionnel. En outre, une plus forte présence des immigrés dans la fonction publique et dans la vie civique permettrait indubitablement une meilleure adéquation entre l’offre et la demande d’emplois et un renforcement de la cohésion sociale. Il faudrait enfin veiller à ce que les demandeurs d’asile ne soient pas contraints à de longues périodes d’inactivité.
La forte population immigrée du Luxembourg est un atout pour le pays, mais elle pourrait être mieux intégrée
1Parmi les pays de l’OCDE, le Luxembourg est celui qui compte le plus d’immigrés – au sens des résidents nés à l’étranger, toutes nationalités confondues – en proportion de sa population totale (45 % en 2015). Depuis longtemps, les flux migratoires vers le Luxembourg sont conséquents, notamment en provenance des trois pays limitrophes, ainsi que de l’Italie et du Portugal. Les ressortissants de ces cinq pays représentent approximativement les deux tiers de la population née à l’étranger (graphiques 2.1 et 2.2, partie A). La forte croissance économique et les nombreuses créations d’emplois sont deux des facteurs explicatifs de l’importance des flux migratoires nets (les arrivées moins les départs) que le pays a connus ces dernières années (graphique 2.1). En outre, la population immigrée se diversifie sous l’effet de l’augmentation des flux en provenance de pays n’appartenant pas à l’UE, même les pays d’origine traditionnels restent majoritaires dans ces mouvements de population (graphique 2.2, partie B). Cette tendance s’explique notamment par l’arrivée de demandeurs d’asile en nombre considérable (près du tiers des arrivées sur la période 2011-15).
Graphique 2.1. Du fait de flux migratoires conséquents sur une longue durée, le pays compte une forte population née à l’étranger.
Graphique 2.1. Du fait de flux migratoires conséquents sur une longue durée, le pays compte une forte population née à l’étranger.
MilliersNote : Par interpolation linéaire, les lignes en pointillés rendent compte de l’évolution des courbes entre les données des recensements décennaux.
Graphique 2.2. Les immigrés proviennent principalement d’Europe
Graphique 2.2. Les immigrés proviennent principalement d’Europe
Note : La catégorie Autres non-UE28 comprend les pays autres qu’européens ou africains.4Les immigrés sont également un pilier fondamental de la main-d’œuvre luxembourgeoise. Ils constituent, après les travailleurs transfrontaliers venus des pays limitrophes, le deuxième contingent de main-d’œuvre du pays. Il y a davantage d’immigrés que d’autochtones sur le marché du travail, non seulement parce qu’ils sont plus nombreux parmi les résidents en âge de travailler, mais aussi parce que leur taux d’emploi est plus élevé (graphique 2.3, partie A), ce qui, de prime abord, semble attester de leur bonne intégration sur le marché du travail luxembourgeois, en comparaison avec d’autres pays. Le fort taux d’emploi des immigrés constitue un déterminant clé de l’impact budgétaire très positif de l’immigration. Si l’on se fonde sur un modèle comptable statique prenant en compte les impôts et charges sociales payés dont on soustrait les transferts sociaux et l’utilisation des services publics, le Luxembourg fait partie des rares pays dont les finances publiques bénéficient davantage des ménages immigrés que des ménages autochtones (OCDE, 2013). La contribution globale positive au budget attribuable de ce fait aux immigrés a été estimée à près de 2 % du PIB, soit le chiffre le plus élevé parmi les pays de l’OCDE. En termes de valeur actualisée nette, l’impact budgétaire pourrait être moins favorable si l’on tient compte des droits à pension acquis, mais un modèle d’équilibre général dynamique permet de mettre en évidence d’autres modalités de diffusion des avantages budgétaires, par exemple les gains de productivité induits par l’immigration (Jaumotte et al., 2016).
Graphique 2.3. Le taux d’emploi global de la population immigrée est élevé.
Graphique 2.3. Le taux d’emploi global de la population immigrée est élevé.
Statut professionnel par pays d’origine et par sexe, 15-64 ans, en pourcentage, 201611. Pour des raisons d’arrondis, les sommes peuvent ne pas être égales à 100. Les taux rendent compte du nombre de personnes âgées de 15 à 64 ans relevant de chaque statut professionnel en proportion de la population totale appartenant à la même tranche d’âge.
6Les facteurs démographiques influencent fortement les résultats positifs décrits ci‐dessus. Le caractère régulier et croissant des flux migratoires entrants (graphique 2.1) explique en grande partie le fait que la pyramide des âges de la population immigrée diffère de celle de la population autochtone. La population immigrée compte en effet un nombre moins important de personnes âgées et une plus forte proportion de travailleurs d’âge très actif parmi ceux en âge de travailler (graphique 2.4). Même si les travailleurs immigrés de cette classe d’âge ont un taux d’emploi globalement comparable à celui des travailleurs autochtones de la même classe d’âge (graphique 2.5), le taux d’emploi global plus élevé de la population née à l’étranger tient au fait qu’ils ont plus de travailleurs d’âge très actif que les autochtones. Une fois ajustés pour tenir compte de la structure de la pyramide des âges et du niveau d’instruction, les taux d’emploi des immigrés et des autochtones sont virtuellement identiques (OCDE/Union européenne, 2015).
Graphique 2.4. Les travailleurs d’âge très actif sont plus nombreux parmi les immigrés.
Graphique 2.4. Les travailleurs d’âge très actif sont plus nombreux parmi les immigrés.
Part dans la population en âge de travailler (15-64 ans), 1er janvier 2016Graphique 2.5. Les immigrés d’âge très actif originaires de pays hors UE ont un taux d’emploi plus faible.
Graphique 2.5. Les immigrés d’âge très actif originaires de pays hors UE ont un taux d’emploi plus faible.
Taux d’emploi, 20169Toutefois, ces résultats agrégés positifs dissimulent des inégalités très marquées entre les différents groupes d’immigrés. Ceux qui sont originaires de pays de l’UE bénéficient généralement d’un taux d’emploi élevé et sont peu souvent inactifs, et ce bien qu’ils soient davantage exposés au chômage que la population autochtone (graphique 2.3). À l’inverse, les immigrants originaires de pays extérieurs à l’UE s’intègrent beaucoup moins bien dans le marché du travail : leur taux de chômage est plus élevé, le taux d’emploi des travailleurs d’âge très actif est plus bas (graphique 2.5) et les femmes sont très souvent inactives. Bien que minoritaire parmi les immigrés, le poids de ce segment dans la population totale – environ 10 % – est important dans le contexte européen. Parmi les immigrés en provenance de pays extérieurs à l’UE, les réfugiés sont une population particulièrement vulnérable.
10Les autres dimensions du marché du travail confirment cette moins bonne intégration. Si les salariés, immigrés ou non, bénéficient de manière générale de contrats à durée indéterminée, on observe une segmentation sectorielle très marquée en fonction du pays d’origine de la main-d’œuvre (Manço, 2014). Les autochtones sont par exemple surreprésentés dans la fonction publique ; les immigrés originaires du Portugal et des Balkans sont très présents dans le secteur du bâtiment ; et les résidents originaires de pays extérieurs à l’UE sont souvent employés dans l’hôtellerie ou la restauration. Dans le secteur privé, les écarts de salaire considérables en faveur des travailleurs autochtones s’expliquent bien davantage par des différences, sectorielles ou autres, dans les caractéristiques des emplois occupés (par exemple le fait que les autochtones travaillent souvent dans des entreprises plus grandes et qu’ils aient plus d’ancienneté) que par des différences relevant du capital humain (Van Kerm et al., 2014). Ces écarts au détriment des immigrés sont plus marqués au centre de la courbe de distribution des salaires (plutôt que dans ses extrémités), où ils peuvent être supérieurs à 30 %. Un écart d’une telle ampleur ne saurait être expliqué par les seules caractéristiques des emplois occupés. Il semble donc que d’autres facteurs interviennent, parmi lesquelsun moindre pouvoir de négociation, des discriminations ou encore une plus faible capacité des immigrés à trouver un emploi adapté à leurs compétences.
11Les immigrés originaires de pays extérieurs à l’UE perçoivent souvent des salaires inférieurs à la moyenne, ce qui exacerbe les inégalités (graphique 2.6). Le salaire médian des ressortissants de certains de ces pays ne représente que la moitié de celui des travailleurs de nationalité luxembourgeoise (Manço, 2014), si bien que leur taux de pauvreté au travail dépasse les 30 %. Le niveau du salaire moyen étant élevé et le filet de protection sociale bien développé, les cas de privation matérielle sévère sont relativement rares. Toutefois, l’ampleur des inégalités salariales entre les autochtones et les immigrés originaires de pays n’appartenant pas à l’UE illustre de façon criante les défaillances du processus d’intégration et constitue également une menace pour la cohésion sociale.
Graphique 2.6. Les immigrés originaires de pays hors UE sont très exposés au risque de pauvreté.
Graphique 2.6. Les immigrés originaires de pays hors UE sont très exposés au risque de pauvreté.
18-64 ans, 201513Dans la mesure où le niveau d’instruction est fortement dépendant du milieu socio-économique, le système éducatif joue peut-être un rôle dans la perpétuation des inégalités et de la segmentation. Les moins bons résultats des enfants d’immigrés, même nés au Luxembourg, pourraient être déterminés par différents facteurs, parmi lesquels l’orientation précoce, les redoublements fréquents, l’éducation trilingue et la répartition inéquitable des ressources entre les différentes écoles. Leur moins bonne maîtrise des langues et leurs difficultés d’accès à l’enseignement supérieur contribuent fortement à la segmentation du marché du travail, notamment parce qu’elles freinent leur accès à la fonction publique. Sachant que les élèves issus de familles immigrées représentent environ la moitié des effectifs scolaires, la faiblesse de leur niveau d’instruction pèse fortement sur les indicateurs nationaux relatifs à l’éducation.
14On trouvera exposés dans le présent chapitre de multiples volets d’action susceptibles d’améliorer le processus d’intégration des immigrés et, en conséquence, de renforcer leur contribution à l’économie et à la société. La population née à l’étranger doit se voir offrir la possibilité d’apprendre les langues parlées au Luxembourg, de développer son capital social et de faire reconnaître les qualifications obtenues à l’étranger. Renforcer la participation des immigrés à la vie politique du pays et leur présence dans la fonction publique permettra de s’attaquer à la segmentation sociale et à celle du marché du travail. Il faut également s’efforcer d’attirer les talents vers le Luxembourg et d’accélérer le processus d’accès à l’emploi des demandeurs d’asile qui ont de bonnes chances d’être autorisés à rester dans le pays. L’un des défis les plus importants à relever consistera à rendre le système éducatif plus équitable. Les politiques évoquées ci-après devraient donc grandement contribuer, en ce qui concerne les immigrés, au double objectif évoqué dans le premier chapitre de cette Étude : améliorer l’offre de compétences et faire un meilleur usage de celles qui sont disponibles.
Des politiques publiques visant à améliorer le marché du travail et l’intégration sociale
15Les politiques d’intégration sont d’importants tremplins grâce auxquels les immigrés peuvent s’adapter plus aisément à la société et au marché du travail de leur pays d’accueil. À niveau d’instruction égal, les travailleurs immigrés peuvent, dans un premier temps, être moins productifs que leurs collègues autochtones, du fait notamment d’un capital humain mal adapté au pays d’accueil et de moindres capacités d’appariement face aux offres d’emplois (Causa et Jean, 2007). Pour lutter contre ces inégalités, les immigrés doivent se voir offrir la possibilité d’apprendre les langues parlées dans leur pays d’accueil, une nécessité d’autant plus pressante que la société luxembourgeoise est multilingue, et de développer leur capital social, domaine dans lequel les interactions au niveau local et l’existence d’un environnement professionnel favorable à la diversité jouent un rôle essentiel. Il est également indispensable que les personnes nées à l’étranger puissent voir reconnus les diplômes et les compétences qu’elles ont obtenus dans d’autres pays. Cette reconnaissance constitue en effet un outil de préservation du capital humain existant et une base pour les futurs apprentissages.
16Une fois ces conditions remplies, la réduction des autres obstacles à l’entrée dans la fonction publique devrait permettre d’atténuer la segmentation du marché du travail, d’améliorer la capacité des immigrés à trouver des emplois adaptés à leurs compétences et, potentiellement, de renforcer la cohésion sociale. En s’impliquant plus activement dans la promotion et la gestion de la diversité, les entreprises peuvent elles aussi contribuer à une atténuation de la segmentation et à une meilleure adéquation entre les emplois et les compétences des travailleurs. Parallèlement, une participation plus active à la vie politique et un plus grand engagement citoyen de la part des immigrés serait bénéfique à la cohésion sociale. De leur côté, les politiques migratoires et d’asile peuvent favoriser la compétitivité et l’inclusion en faisant du Luxembourg un pays attractif pour les travailleurs talentueux, en luttant plus efficacement contre les pénuries de compétences et en évitant aux demandeurs d’asile de longues périodes d’inactivité.
Les fondements d’une intégration réussie : le capital social, les langues et la reconnaissance des compétences
17Ces dernières années, les autorités et le secteur privé ont lancé de nouveaux projets visant à une meilleure intégration, mais il est indispensable de les faire mieux connaître aux immigrés eux-mêmes et de sensibiliser les entreprises aux défis et aux perspectives offerts par la diversité de la main-d’œuvre. Pour aider les employeurs à cet égard, un groupe d’organisations privées et publiques a lancé en 2012 la Charte de la diversité Lëtzebuerg, qui vise à promouvoir l’échange et la diffusion de bonnes pratiques dans des domaines tels que le recrutement, la gestion de carrière et la formation (encadré 2.1). À ce jour, ce sont les grandes entreprises qui se sont le mieux approprié ces bonnes pratiques. Les efforts visant à élargir l’éventail de signataires de cette charte devraient être poursuivis et il conviendrait de recourir davantage à des objectifs indicatifs chiffrés, pour l’instant peu nombreux.
Encadré 2.1. La Charte de la diversité du Luxembourg
Jusqu’à présent, les dimensions de la diversité les plus fréquemment mises en avant ont été le genre et la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale. Une très forte proportion de signataires (près de 90 %) ont ainsi adopté des mesures comme la flexibilité du temps de travail ou la possibilité de travailler à temps partiel. De nombreux autres – entre la moitié et les deux tiers – ont également pris en compte des dimensions telles que l’âge, le handicap, la race ou la nationalité, autant de facteurs susceptibles de bénéficier de mesures fréquentes comme le recrutement fondé sur les compétences et le coaching des nouveaux employés. Il existe néanmoins une réelle marge de progression dans la gestion de la diversité liée aux flux migratoires, puisque 20 % seulement des organisations participantes ont fait état d’un impact sur l’emploi des immigrés.
Par la suite, il conviendra d’augmenter le nombre de signataires de la charte et de procéder au chiffrage des objectifs et des indicateurs d’évaluation de l’impact de ce projet. Parce que les grandes entreprises se sont plus volontiers jointes à cette initiative (environ 30 % d’entre elles), les 170 signataires actuels représentent 15 % de la main-d’œuvre mais moins de 1 % des employeurs (Comité pour la Charte de la Diversité Lëtzebuerg et LISER, 2016). Il est indispensable que les organisations du secteur public s’impliquent davantage dans ce projet, leur participation restant pour le moment très inférieure à celle des grandes entreprises. De plus, à ce jour, seul un tiers des signataires ont procédé à une évaluation des progrès accomplis dans le cadre des politiques relatives à la diversité et 11 % seulement ont fixé des objectifs chiffrés en la matière.
18En 2011 a été lancé un important programme d’envergure nationale, le Contrat d’accueil et d’intégration (CAI). Dans ce cadre, les participants – de nouveaux arrivants comme des résidents de longue date – s’engagent, sur une période de deux ans, à prendre part à une journée d’orientation visant à les familiariser avec les services publics, à suivre un cours gratuit d’instruction civique sur l’histoire du Luxembourg et à participer à des sessions de formation à prix réduit (de une à trois) pour apprendre les langues parlées dans le pays (le français, l’allemand et le luxembourgeois). Pour leur part, les collectivités locales ont la possibilité d’adopter un Plan communal d’intégration (PCI), dont la phase pilote a été lancée en 2014, qui s’articule autour de mesures dans différents domaines, dont la participation politique, les cours de langue, l’éducation, la santé et le logement (SYVICOL et OLAI, 2016).
19Les participants au programme CAI semblent porter un regard positif sur leur expérience. Toutefois, les immigrés sont peu nombreux à s’y être engagés (seulement un millier d’entre eux chaque année). Il semble donc nécessaire d’améliorer la communication du programme et de procéder à un suivi plus systématique des participants après leur entretien d’admission (Baumann et al., 2015). Au niveau local, environ 20 municipalités sur un total de 106 se sont déjà dotées d’un PCI ou sont sur le point de le faire. Il serait souhaitable que les collectivités locales s’engagent plus résolument en faveur de l’intégration, car il semble que certaines soient réticentes à s’engager dans cette direction (Besch et al., 2012). Les possibilités de synergie entre ces deux programmes – le CAI et le PCI – devraient elles aussi être étudiées, notamment dans les domaines de l’enseignement des langues et de l’accès aux services publics.
20Pour réussir leur intégration, il est indispensable que les immigrés maîtrisent plusieurs langues et, dans l’idéal, les trois qui sont parlées au Luxembourg. Sur le marché du travail, les exigences linguistiques sont en constante augmentation depuis trente ans, et près de la moitié des offres d’emploi demandent des candidats maîtrisant au moins trois langues, le plus souvent le français, l’allemand et le luxembourgeois (Pigeron-Piroth et Fehlen, 2015). Dans les faits, les personnes qui ne maîtrisent que l’une des trois langues parlées au Luxembourg (souvent le français, étant donné l’origine de nombreux immigrés et travailleurs transfrontaliers) se voient le plus souvent cantonnées aux secteurs utilisant une main-d’œuvre peu qualifiée, parmi lesquels le bâtiment, le commerce de détail et l’hôtellerie-restauration. La connaissance pratique des langues parlées au Luxembourg contribue aussi de manière significative à l’intégration sociale et à la participation politique des immigrés.
21Depuis dix ans, l’offre publique de formations linguistiques a été fortement développée, mais reste inférieure à la demande (Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, 2016a). En outre, certains des cours proposés ne permettent pas aux participants d’acquérir une maîtrise suffisante de la langue concernée. C’est par exemple le cas des cours dispensés dans le cadre du CAI, dont l’objectif est l’acquisition du niveau le plus élémentaire de pratique de la langue (le niveau A1.1 du Cadre européen commun de référence pour les langues), ce qui correspond à environ 60 à 100 heures d’apprentissage (bien que les participants au CAI disposant de connaissances préalables puissent suivre un enseignement plus avancé). Une plus grande maîtrise des langues est nécessaire à l’obtention de la nationalité luxembourgeoise (niveau A2 pour l’expression orale et B1 pour la compréhension orale), et les pays limitrophes proposent des formations linguistiques d’une durée bien supérieure dans le cadre de leurs programmes d’intégration (par exemple jusqu’à 400 heures en France). Les autorités devraient donc continuer de développer l’offre de formations linguistiques et élever le niveau de maîtrise visé dans le cadre du CAI. Il semblerait cohérent de fixer l’objectif en fonction des exigences du processus de naturalisation. Comme le notent les participants au programme CAI, les autoritésdevraient non seulement étoffer l’offre de cours de langue, mais aussi envisager de la diversifier pour mieux satisfaire les besoins du marché du travail (Baumann et al., 2015). Malgré les possibilités de cofinancement par les pouvoirs publics, il est rare que les entreprises organisent des formations linguistiques (Observatoire de la Formation, 2016).
22Une reconnaissance rapide des qualifications acquises à l’étranger est indispensable à la préservation et à une utilisation efficace du capital humain, car cela permet de réduire à la fois la période transitoire d’inactivité le décalage entre emplois et compétences et la surqualification. Il est également essentiel de définir un point de départ satisfaisant à partir duquel pourront s’opérer l’apprentissage et le renforcement des compétences. La reconnaissance des diplômes de l’enseignement supérieur – une condition indispensable mais souvent insuffisante pour accéder à certaines professions – a été simplifiée, et il convient de s’en féliciter. Deux procédures permettent traditionnellement d’obtenir cette reconnaissance : l’inscription et l’homologation. L’inscription, la procédure la plus communément mise en œuvre, est indispensable à l’exercice de certaines professions ; elle dure habituellement entre une et quatre semaines et repose essentiellement sur le fait que le diplôme soit conforme aux normes du pays de délivrance. L’homologation, quant à elle, est requise pour certaines professions des secteurs de l’éducation (professeur ès lettres ou sciences), du droit et de la médecine (seulement pour les diplômes délivrés dans des pays extérieurs à l’UE). Cette procédure, plus longue que l’inscription (elle dure environ trois mois), est aussi plus contraignante et suppose la reconnaissancepréalable des études secondaires menées à l’étranger ainsi qu’une vérification détaillée des matières étudiées. La procédure d’homologation vient d’être abrogée par une loi récente (sauf pour les diplômes en droit), ce qui pourrait s’avérer utile aux candidats titulaires d’un diplôme délivré dans un pays extérieur à l’UE. Les faits semblent en effet montrer que leurs demandes d’homologation sont bien plus souvent rejetées (en 2015, près de 50 % des demandes de ce type ont été rejetées, contre 5 % des demandes relatives à des diplômes obtenus dans l’UE).
23Cela étant, les immigrés originaires de pays extérieurs à l’UE rencontrent toujours des difficultés considérables pour obtenir la reconnaissance de leurs études et de leurs qualifications. À titre d’exemple, les diplômes de l’enseignement secondaire délivrés dans la plupart des pays hors UE (non signataires des conventions de Paris ou de Lisbonne) ne sont reconnus qu’à condition que leur titulaire ait suivi ou achevé des études supérieures, entre autres critères. La reconnaissance des qualifications professionnelles qui ne relèvent pas de la Directive 2005/36/EC (relative essentiellement à celles obtenues par des citoyens de l’UE dans un pays de l’UE) se révèle souvent impossible. Les autorités devraient prendre les mesures nécessaires pour trouver un équilibre entre, d’une part, leur volonté compréhensible de prévenir les abus et les fraudes et, d’autre part, le risque de refuser de reconnaître des qualifications légitimes. Pour ce faire, il serait par exemple envisageable de renforcer les relations existantes avec les instances éducatives des pays extérieurs à l’UE pour améliorer la lisibilité des diplômes et rationaliser les procédures de reconnaissance. Il serait également possible de faciliter la reconnaissance des diplômes en recourant plus fréquemment à des entretiens avec des professionnels du secteur concerné (FMI, 2016), une méthode qui a déjà été appliquée pour quelques demandeurs d’asile.
Stimuler la participation des immigrés à la vie civique et à la fonction publique
24L’intégration des immigrés peut être grandement facilitée par une meilleure insertion dans la fonction publique et une plus forte participation à la vie politique. Ces deux leviers permettent à cette population d’être plus visible dans la vie quotidienne et aux services publics de mieux prendre en compte ses besoins. Ils sont également facteurs d’une meilleure cohésion sociale puisqu’ils évitent qu’une grande partie de la population ne soit exclue du débat public ainsi que des décisions politiques et de leur mise en œuvre (Chambre de Commerce, 2012 ; Manço et al., 2015). L’accès des immigrés à la fonction publique et leur participation à la vie politique pourrait être améliorées si l’obtention de la citoyenneté était facilitée, mais aussi par le biais de nombreuses autres réformes.
25Au Luxembourg comme dans d’autres pays européens, les immigrés sont sous-représentés dans la fonction publique : en effet, moins d’un sixième des personnes nées à l’étranger y trouvent un emploi dans le secteur des services publics, alors que cette proportion est supérieure à 50 % pour les autochtones (graphique 2.7). Les ressortissants des pays n’appartenant pas à l’UE sont généralement exclus de ce secteur, sauf dans le cas très rare d’emplois spécifiques ne pouvant pas être occupés par des candidats luxembourgeois ou issus d’un pays de l’UE (par exemple les postes d’enseignant dans certaines langues étrangères). Les immigrés originaires de pays de l’UE ne sont pas non plus autorisés à occuper des postes supposant l’exercice de la puissance publique ou la sauvegarde de l’intérêt général. Ces emplois, réservés aux citoyens luxembourgeois, relèvent souvent d’une définition très large (Chambre de Commerce, 2012) : au sein de l’administration fiscale et du Trésor par exemple, ils vont bien au-delà des fonctions de direction. En outre, la maîtrise des trois langues officielles du pays (le français, l’allemand et le luxembourgeois) est généralement requise, et les candidats n’ayant pas réussi l’examen sanctionnant la fin des études secondaires au Luxembourg doivent se soumettre à des tests linguistiques, bienque le personnel hautement spécialisé puisse être dispensé de la connaissance d’une ou plusieurs langues. Ces obstacles renforcent la segmentation du marché du travail et donnent aux travailleurs autochtones qualifiés plus de chances d’obtenir un emploi dans la fonction publique, au détriment du secteur privé et de l’entrepreneuriat.
Graphique 2.7. Les immigrants sont fortement sous-représentés dans la fonction publique.
Graphique 2.7. Les immigrants sont fortement sous-représentés dans la fonction publique.
Part dans les emplois du secteur public, 15-64 ans, 2012-1327Les autorités devraient encourager les immigrés à entrer dans la fonction publique. Pour ce faire, l’une des possibilités pourrait consister à resserrer le champ des emplois de la fonction publique pour lesquels la citoyenneté luxembourgeoise est obligatoire et d’élargir considérablement le nombre des fonctions ouvertes aux citoyens de pays non membres de l’UE. En outre, puisque les immigrés naturalisés sont eux aussi sous-représentés (OCDE, 2010), des mesures plus volontaristes sont souhaitables pour accroître la diversité au sein de la fonction publique. On pourrait par exemple fixer des objectifs indicatifs pour l’emploi ou le recrutement d’immigrés dans la fonction publique, comme l’a fait le gouvernement flamand en Belgique, pays voisin (OCDE, 2015a). Cette initiative supposerait notamment de recueillir des données sur l’origine ethnique du personnel, en s’entourant des garanties nécessaires en matière de confidentialité des données. Élargir ce recueil des données aux candidats à l’entrée dans la fonction publique permettrait de savoir si cette sous-représentation est due pour l’essentiel au petit nombre de candidats nés à l’étranger, ou à un faible taux de réussite au cours du processus de recrutement. En ce qui concerne les compétences linguistiques, le critère du trilinguisme devrait être assoupli pour les postes qui ne supposent que des interactions limitées avec le public. De plus, les immigrés naturalisés qui ont déjà passé le test de luxembourgeois pour obtenir la citoyenneté (voirci-après) ne devraient pas se voir imposer de nouveaux tests quand ils se portent candidats à des postes de fonctionnaires, à quelques exceptions près qui devront être soigneusement définies.
28La participation des immigrés à la vie politique reste faible. En 2015, la population a rejeté par référendum la possibilité de donner aux résidents étrangers le droit de vote aux élections législatives. Les citoyens originaires de pays de l’UE peuvent voter aux élections européennes depuis 1994, et les conditions associées à ce droit se sont graduellement assouplies (par exemple la durée de résidence). Le taux d’inscription sur les listes électorales augmente progressivement, mais il n’était que de 12 % en 2014 (Manço et al., 2015). Sous condition de résidence, les citoyens des pays de l’UE et ceux des autres pays du monde se sont vu accorder le droit de vote aux élections locales respectivement en 1999 et en 2005. En 2011, le taux d’inscription sur les listes électorales était de 17 % au total et 18 % pour les ressortissants de l’UE. Ces taux ne diffèrent pas fondamentalement de ceux que connaissent les autres pays de l’UE dans lesquels l’inscription des résidents sur les listes électorales n’est pas automatique (Commission Européenne, 2012). Les restrictions relatives au droit de se porter candidat aux élections locales ont été progressivement levées. En 2015, la population a rejeté par référendum la possibilité de donner aux résidents étrangers le droit de vote aux élections législatives.
29Étant donnée l’importance des politiques et institutions locales dans la réussite de l’intégration des immigrés, il semble particulièrement pertinent de favoriser la participation des étrangers à la vie politique municipale. Pour atteindre cet objectif, le levier le plus efficace consiste souvent à mener un travail de sensibilisation suivi auprès des résidents immigrés, notamment si les modalités de transmission des informations et le débat politique tiennent compte la diversité linguistique (Manço et al., 2015). À cet égard, il est important que les documents et débats municipaux soient traduits dans les trois langues officielles (Chambre de Commerce, 2012), au moins dans les municipalités de grande et moyenne taille. À l’échelle nationale, les autorités ont récemment organisé des cours visant à former 100 « multiplicateurs », des personnes chargées de persuader les immigrés de s’inscrire sur les listes électorales et de voter à l’occasion des prochaines élections municipales en 2017. Ces mesures doivent être accompagnées d’initiatives locales visant notamment à ce que les plans d’intégration municipaux mettent l’accent sur la promotion de la participation sociale et politique. En outre, renforcer la conscience citoyenne des immigrés et leur sentiment d’appartenance à une communauté locale permet souvent de faire progresser leur participation politique aux plans régional et national (Bevelander et Pendakur, 2009).
30La naturalisation est un autre moyen d’améliorer l’accès des immigrés à la fonction publique (mais aussi, plus généralement, au marché du travail) ainsi que leur participation à la vie politique (OCDE, 2010 ; Bevelander et Pendakur, 2011). Or, le Luxembourg se caractérise un taux de naturalisation particulièrement bas (graphique 2.8). La réforme de la loi luxembourgeoise de 2008 sur la nationalité a consacré le principe de la double nationalité et doté le pays de dispositions générales relativement libérales en matière de naturalisation ordinaire fondée sur la résidence (graphique 2.9, partie A). Toutefois, certains aspects des dispositions en la matière, dont les critères linguistiques, restent comparativement restrictifs (Eudo Citizenship Observatory, 2016), tout comme les conditions d’obtention de certaines catégories spécifiques de naturalisation, notamment celles fondées sur les liens familiaux (graphique 2.9, partie B). Auparavant très bas, le taux annuel de naturalisation a considérablement augmenté depuis la réforme de 2008, mais il demeure modeste en comparaison internationale (OCDE/Union Européenne, 2015). Cette faiblesse s’explique par les réglementations restrictives mentionnées précédemment, mais aussi par la prédominance desimmigrés originaires de pays de l’UE pour lesquels les incitations à la naturalisation sont moindres (OCDE, 2010).
Graphique 2.8. Les immigrés sont très peu nombreux à prendre la nationalité luxembourgeoise.
Graphique 2.8. Les immigrés sont très peu nombreux à prendre la nationalité luxembourgeoise.
Part des nationaux dans la population née à l’étranger âgée de 15 à 64 ans, 2014Graphique 2.9. Indicateurs relatifs à la citoyenneté, 2016
Graphique 2.9. Indicateurs relatifs à la citoyenneté, 2016
1. L’indicateur ANATORD mesure le degré de simplicité de la procédure de naturalisation ordinaire fondée sur la résidence. Il varie entre 0 et 1, du moins au plus simple. Il s’agit d’une moyenne pondérée d’indicateurs relatifs à la résidence, à la renonciation à la nationalité d’origine, aux compétences linguistiques, aux connaissances civiques, au casier judiciaire et aux ressources économiques.2. L’indicateur ANASPEC mesure le degré de simplicité des procédures spéciales de naturalisation. Il varie entre 0 et 1, du moins au plus simple. Il s’agit d’une moyenne pondérée de divers indicateurs relatifs aux naturalisations fondées sur les liens familiaux et aux autres procédures spéciales de naturalisation, parmi lesquels les affinités culturelles, le statut de réfugié et les mérites exceptionnels.
33L’entrée en vigueur, en 2017, d’une nouvelle réforme qui facilitera quelque peu l’obtention de la nationalité luxembourgeoise doit être saluée. Parmi les changements introduits, on peut mentionner l’abaissement de 7 à 5 ans du nombre d’années de résidence requis (sans interruption durant l’année qui précède la candidature) et, pour l’évaluation obligatoire du niveau de maîtrise orale du luxembourgeois, la possibilité que de moins bons résultats en expression puissent être compensés par ceux obtenus en compréhension (le niveau global requis restant inchangé). Les enfants étrangers nés au Luxembourg obtiendront automatiquement la nationalité luxembourgeoise à leur 18e anniversaire (sous réserve de certaines conditions de résidence les concernant ou concernant l’un de leurs parents pour les enfants nés après le 1er juillet 2013). En outre, la nouvelle loi réintroduit la possibilité de devenir luxembourgeois par option. Cette procédure simplifiée, qui avait été abrogée par la réforme de 2008, permettra notamment de faciliter certains processus de naturalisation fondés sur les liens familiaux. Par exemple, un étranger marié à un ressortissant luxembourgeois pourra se voir dispensé du respect des critères de résidence (même s’il sera probablement nécessaire que les personnes concernées soient mariéesdepuis un certain temps).
Les politiques relatives aux migrations et à l’asile : attirer les talents et lever les obstacles à l’emploi
34Il faudrait que les politiques migratoires contribuent davantage au renforcement du rôle des immigrés dans la réponse aux besoins du marché du travail. Les citoyens de l’UE peuvent accéder librement au marché du travail luxembourgeois, mais les immigrés originaires de pays tiers sont généralement contraints de demander une autorisation de séjour et de travail, ce qui donne lieu à des démarches plus fastidieuses que dans d’autres pays. En 2015, les autorités, conscientes de l’importance des immigrés dans la lutte contre les pénuries de compétences, ont assoupli les critères d’entrée des immigrés susceptibles de travailler dans l’informatique, domaine dans lequel une pénurie de main-d’œuvre qualifiée avait été identifiée. Des réformes plus exhaustives seraient toutefois souhaitables. Le commerce des services pourrait lui aussi tirer profit d’un assouplissement des restrictions imposées aux déplacements des citoyens originaires de pays extérieurs à l’UE, et cette mesure permettrait par ailleurs de renforcer le cadre réglementaire du pays dans ce domaine (OCDE, 2015b).
35Le processus d’obtention d’une autorisation de séjour et de travail peut être long, ce qui dessert les candidats mais aussi les entreprises désireuses de les recruter, et il conviendrait par conséquent de le raccourcir. La procédure se déroule en deux temps : les candidats doivent d’abord obtenir une autorisation de séjour temporaire avant d’entrer dans le pays et un fois installés, demander une autorisation de séjour (qui inclut l’autorisation de travail) et se plier à un certain nombre d’autres formalités. Pour les travailleurs très qualifiés (catégorie définie selon certains critères, par exemple une offre de salaire équivalent à une fois et demie le salaire moyen), la première étape peut durer jusqu’à trois mois, un temps d’attente très long en comparaison internationale (graphique 2.10). Cette durée est parfois plus longue (4 mois) pour d’autres travailleurs, qui doivent en outre attendre que soit effectué un test préliminaire du marché de l’emploi (visant à vérifier que l’emploi offert ne pourrait pas être occupé par un candidat local). La procédure en deux temps s’applique également aux travailleurs originaires de pays hors UE détachés au Luxembourg pour plus de trois mois depuis une succursale située en dehors de l’Union Européenne. Dans le cas où la succursale est située dans un autre pays de l’UE, la récente transposition de la Directive 2014/66/EUde l’UE dans le droit luxembourgeois a non seulement simplifié mais aussi accéléré la procédure.
Graphique 2.10. La procédure d’immigration de travailleurs hautement qualifiés est longue.
Graphique 2.10. La procédure d’immigration de travailleurs hautement qualifiés est longue.
Durée en semaines37Il est également indispensable de faciliter l’accès au marché du travail des demandeurs d’asile, d’autant que leur nombre. Contrairement aux autres ressortissants de pays tiers, les demandeurs d’asile jouissent d’un accès illimité aux emplois du secteur privé dès que la protection internationale leur est accordée. Toutefois, ils sont souvent contraints à une longue période d’inactivité, ce qui détériore le capital humain et ajoute aux difficultés futures pour trouver un emploi. Depuis quelques années, le temps moyen de réponse aux demandes de protection internationale est plus élevé au Luxembourg que dans de nombreux autres pays (OCDE, 2016a) – 10.5 mois en 2015 et presque 17 mois en 2016 –, mais le fait que certains demandeurs soient en fuite contribue grandement à l’allongement de ces délais. Dans d’autres pays de l’OCDE, les faits montrent que les immigrés ont de meilleures perspectives d’intégration à long terme s’ils peuvent entrer rapidement sur le marché du travail (OCDE, 2016a et OCDE, 2017). Il est certes nécessaire d’améliorer les dispositifs transitoires (il en sera question ci-après), mais une accélération des procédures est indispensable pour donner plus de prévisibilité aux demandeurs d’asile et à leurs employeurs potentiels, et viendrait compléter les efforts considérables déployés par les autorités pour loger les demandeurs d’asile, leur donner accès à descours de langue et scolariser leurs enfants (FMI, 2016).
38Les dispositifs transitoires applicables dans l’attente d’une décision doivent eux aussi être améliorés. Depuis janvier 2016, les demandeurs d’asile ne sont pas autorisés à travailler durant les six mois qui suivent le dépôt de leur demande de protection, ce qui constitue un progrès par rapport aux neuf mois d’inactivité qui leur étaient auparavant imposés, mais cette période reste plus longue que dans plusieurs autres pays de l’OCDE (OCDE, 2015c). Si aucune décision n’a été prise au bout de six mois, les demandeurs d’asile peuvent demander une autorisation d’occupation temporaire (AOT). Cependant, celle-ci est particulièrement restrictive (validité de 6 mois, pour un seul employeur et une seule profession), rarement demandée et encore plus rarement accordée (en 2015, 3 autorisations et 4 renouvellements). Cette situation s’explique par la réticence des entreprises à recruter une personne qui pourrait ne pas être autorisée à rester dans le pays, par le manque de soutien à la recherche d’emploi de la part du service public de l’emploi (qui n’intervient qu’une fois la protection internationale accordée) et par l’obligation de test préliminaire du marché de l’emploi (qui donne souvent des résultats négatifs).
39Les autorités devraient encourager l’accès transitoire au marché du travail des demandeurs d’asile qui seront très probablement autorisés à rester dans le pays (par exemple ceux dont les pays d’origine jouissent d’un taux de reconnaissance élevé du statut de réfugié). Il conviendrait de continuer à réduire la période durant laquelle les demandeurs d’asile ne sont pas autorisés à travailler. En outre, compte tenu de la vulnérabilité des candidats à l’asile pendant cette période et la nécessité d’éviter qu’ils n’acceptent des emplois informels, il faudrait faciliter l’obtention de l’autorisation de travail en supprimant l’obligation de test préliminaire du marché de l’emploi (recherche de candidats locaux compétents) et en ouvrant l’accès à des mesures d’activation du marché du travail, comme l’aide à la recherche d’emploi et des formations adaptées. À des fins de sélection et d’établissement du profil des personnes concernées, le service public de l’emploi devrait pouvoir accéder aux données relatives aux demandeurs d’asile recueillies par l’Office luxembourgeois de l’accueil et de l’intégration (OLAI).
Améliorer les résultats scolaires des enfants issus de l’immigration
40Comme c’est fréquent au sein des pays de l’OCDE, les enfants d’immigrés ont souvent des résultats scolaires nettement moins bons que les autres élèves (graphique 2.11, partie A), et ce même si cet écart tend à se résorber depuis 2006. Cet écart de performance est beaucoup plus marqué (60 points au lieu de 41) si l’on ne prend en considération que les établissements qui suivent les programmes nationaux, en excluant les écoles internationales dans lesquelles les enfants immigrés viennent souvent de milieux plus favorisés. En outre, à la différence de ce qui se passe dans de nombreux autres pays, les élèves nés au Luxembourg de parents nés à l’étranger ne réussissent pas mieux que les élèves nés à l’étranger (graphique 2.11, partie B). Les enfants issus de l’immigration représentant une proportion très importante des élèves scolarisés au Luxembourg (52 % des participants aux tests PISA en 2015, contre une moyenne de 12,5 % dans les pays de l’OCDE), améliorer leurs résultats scolaires est indispensable au relèvement des performances du système éducatif à l’échelle nationale.
Graphique 2.11. Les résultats des enfants issus de l’immigration sont largement inférieurs à ceux de leurs pairs autochtones.
Graphique 2.11. Les résultats des enfants issus de l’immigration sont largement inférieurs à ceux de leurs pairs autochtones.
Différence de score (en points) en sciences au test PISA en fonction de l’origine des élèves11. PISA : Programme international pour le suivi des acquis des élèves. Les élèves issus de l’immigration sont ceux dont les parents sont nés dans un pays/une économie autre que le pays/l’économie étudié(e).
42Le caractère peu équitable du système éducatif explique en grande partie les moins bons résultats des élèves issus de l’immigration. La situation économique et sociale des familles des élèves a des conséquences sur leurs résultats scolaires et détermine une part importante de l’écart très important qui sépare les résultats des élèves privilégiés de ceux des élèves défavorisés (graphique 2.12). Le fait de parler le luxembourgeois à la maison constitue le deuxième facteur de bonne performance scolaire, loin derrière le milieu socio-économique, mais devant le statut migratoire en lui-même (Ministère de l’éducation nationale, de l’enfance et de la jeunesse et Université du Luxembourg, 2016). Les élèves dits résilients – les enfants de milieux modestes qui ont d’excellents résultats scolaires – sont relativement peu nombreux parmi les autochtones comme parmi les allochtones (OCDE, 2016b). Si l’on tient compte de la situation économique et sociale, l’écart de performance aux tests PISA en défaveur des enfants d’immigrés diminue des deux tiers dans le cas luxembourgeois (contre une diminution d’un quart environ pour la zone OCDE). Sachant que l’impact du milieu familial sur les résultats scolaires des élèves n’a que très peu évolué depuis 10 ans, la réduction de l’écart de performance entre élèves immigrés et autochtones sur la même période est très probablement due à l’augmentation du nombre d’élèves immigrés dont les parents sont instruits (OCDE, 2016b).
Graphique 2.12. La situation économique et sociale influence grandement les résultats scolaires.
Graphique 2.12. La situation économique et sociale influence grandement les résultats scolaires.
Résultats en sciences, PISA 20151. Pourcentage de variance des résultats scolaires en sciences expliqué par le SECS, c’est-à-dire le statut économique, culturel et social tel que défini par PISA.
2. Écarts dans les notes obtenues en sciences entre les élèves du quartile supérieur et ceux du quartile inférieur du SECS.
44Pour améliorer les résultats scolaires des enfants de milieux défavorisés, dont beaucoup sont issus de l’immigration, l’action gouvernementale doit s’organiser autour de deux axes connexes. Il est en premier lieu nécessaire de mettre en œuvre des réformes générales visant à rendre le système éducatif plus équitable, notamment en améliorant la qualité et la fréquentation des services d’éducation et d’accueil des jeunes enfants, et en luttant contre l’orientation précoce et les redoublements trop fréquents. En second lieu, les autorités devraient mener des actions plus ciblées pour augmenter la quantité et la qualité des ressources allouées aux écoles défavorisées, apporter un soutien aux élèves en difficulté et revaloriser les filières dans lesquelles les élèves défavorisés sont les plus nombreux, notamment l’enseignement professionnel.
Le point de départ : améliorer et développer l’éducation et l’accueil des jeunes enfants
45Des services d’éducation et d’accueil des jeunes enfants (EAJE) de bonne qualité permettent de jeter les bases d’une meilleure réussite scolaire par la suite (OCDE, 2011). Ils contribuent également à rendre le système éducatif plus équitable, puisqu’ils donnent aux enfants issus de milieux défavorisés, et donc souvent de l’immigration, de meilleures chances de réussite pour l’avenir. En outre, développer l’offre de structures d’éducation et d’accueil des jeunes enfants et la rendre financièrement plus accessible permettront d’accroître le taux d’activité des mères. Au Luxembourg, l’enseignement obligatoire commence à l’âge de 4 ans, mais les enfants peuvent, au préalable, suivre une année dite d’éducation précoce. Le taux de fréquentation de cette année optionnelle (à 3 ans) était de 69 % en 2014, un chiffre proche de la moyenne des pays de l’OCDE (OCDE, 2016c). Les jeunes enfants ont aussi la possibilité de fréquenter des structure éducatives non formelles (par exemple des jardins d’enfants et des garderies privées) ; les places disponibles, en forte diminution depuis 10 ans, sont essentiellement proposés par des centres à visées commerciales (Ministère de l’éducation nationale, de l’enfance et de la jeunesse, 2016a). Bien que l’on ne dispose pas de données systématiques pour attester de cette réalité, les enfants issusde l’immigration donnent l’impression d’être sous-représentés dans les structures d’éducation et d’accueil des jeunes enfants, notamment pour des raisons financières.
46En 2016, une réforme ambitieuse a été votée dans le but de faciliter l’accès à l’EAJE et d’en améliorer la qualité, notamment du point de vue de l’apprentissage des langues. Depuis septembre 2016, tous les prestataires de services d’EAJE doivent se conformer à un cadre de référence national, qui prévoit notamment des obligations de formation du personnel et un suivi systématique. En outre, à partir de septembre 2017, tous les jardins d’enfants devront familiariser les enfants âgés de 1 à 4 ans aux langues luxembourgeoise et française pour pouvoir bénéficier d’un cofinancement public (voir ci-après), et chaque enfant de cette tranche d’âge aura droit à 20 heures gratuites d’éducation et d’accueil dans une structure éligible. En plus de ces 20 heures, le dispositif de cofinancement public (le chèque-service accueil) a été amendé pour permettre aux familles à faible revenu de se voir offrir davantage d’heures de garderie gratuites et étendu aux enfants de travailleurs transfrontaliers. L’augmentation de l’offre gratuite d’EAJE et la priorité donnée au bilinguisme sont des mesures appropriées, tout comme le rehaussement des normes de qualité (OCDE, 2015d) et les autorités devraient donc s’employer à mettre ces mesures en œuvre. Le contact précoce avec plusieurs langues contribuera probablement à améliorer les résultats scolaires ultérieursdans le système d’enseignement trilingue, où les exigences linguistiques peuvent être difficiles à remplir pour des élèves issus de milieux défavorisés (Carey et Ernst, 2006).
47Il serait également nécessaire d’améliorer le recueil des données relatives à la fréquentation des structures d’EAJE, notamment d’y inclure des informations sur le statut migratoire des enfants (ou au moins sur leur nationalité) pour identifier les groupes présentant une moindre représentation. La mise en œuvre de ces propositions nécessitera sans doute une plus forte implication des parents et des communautés. À cet égard, les autorités ont déjà utilement mis en place des médiateurs interculturels offrant une assistance gratuite aux parents et pouvant proposer des services de traduction ainsi que, plus généralement, des conseils en matière scolaire.
Lutter contre l’orientation précoce et le redoublement
48Depuis longtemps, l’orientation précoce et le redoublement constituent les réponses généralement inefficaces du système éducatif à la grande hétérogénéité des effectifs scolaires (Ministère de l’éducation nationale, de l’enfance et de la jeunesse et Université du Luxembourg, 2016). À la fin de l’école primaire (à l’âge de 12 ans), les enfants sont orientés vers différentes sections de l’enseignement secondaire : l’enseignement secondaire (ES) général, l’enseignement secondaire technique (EST) et le régime préparatoire (PREP), ce dernier étant une variante de l’enseignement technique destinée aux élèves en grande difficulté. À la fin du premier cycle de l’enseignement secondaire (à l’âge de 15 ans), les élèves des filières non générales sont orientés vers différentes formations techniques et professionnelles. Les écarts de performance varient considérablement en fonction des filières (graphique 2.13, partie A) et ils persistent dans le temps (Alieva et al., 2015).
Graphique 2.13. Les résultats et l’origine des élèves varient selon les filières de l’enseignement secondaire
Graphique 2.13. Les résultats et l’origine des élèves varient selon les filières de l’enseignement secondaire
Note : À la fin de l’école primaire, les enfants sont orientés vers différentes sections de l’enseignement secondaire : l’enseignement secondaire (ES) général, l’enseignement secondaire technique (EST) et le régime préparatoire (PREP).50L’orientation précoce des élèves amplifie le caractère inéquitable du système éducatif et défavorise généralement le plus les élèves issus de l’immigration (OCDE, 2016b). Au Luxembourg, l’orientation des élèves, à 12 comme à 15 ans, repose essentiellement sur des tests de mathématiques et de langues, et pour ces derniers, les enfants d’immigrés sont bien évidemment désavantagés. Logiquement, les élèves issus de l’immigration, notamment ceux qui sont originaires du Portugal, de l’ex-Yougoslavie et de pays hors UE, sont surreprésentés dans les filières techniques et préparatoires (graphique 2.13, partie B et Alieva et al., 2015). À certains stades, les élèves peuvent être assignés à des classes de niveau, mais si un élève est affecté à un niveau moins exigeant dans une matière spécifique (par exemple en allemand), il est contraint de suivre tous les cours (par exemple les mathématiques) à ce niveau inférieur et ce, même si ses résultats étaient bons dans cette matière. En outre, certaines données semblent indiquer qu’au Luxembourg, toutes choses étant égales par ailleurs, les décisions relatives à l’orientation des élèves sont en général moins favorables aux élèves issus de l’immigration (Glock et al., 2013).
51Les redoublements fréquents viennent s’ajouter à l’orientation précoce pour aggraver les inégalités. Au Luxembourg, la pratique du redoublement est fréquente en comparaison internationale, et concerne plus souvent les enfants d’immigrés que les enfants autochtones (graphique 2.14). Dans les filières non générales, les élèves sont bien plus susceptibles d’avoir déjà redoublé une classe (Ministère de l’éducation nationale, de l’enfance et de la jeunesse et Université du Luxembourg, 2016), un état de fait qui découle souvent d’une faiblesse dans le domaine des langues et influence les décisions d’orientation. Les redoublements sont coûteux pour le système éducatif et, le plus souvent, ne permettent pas d’améliorer les résultats scolaires des élèves (OCDE, 2012a) mais, pour des raisons culturelles, ils sont souvent considérés comme le symbole d’une éducation de qualité et d’une certaine exigence scolaire.
Graphique 2.14. Les redoublements sont fréquents, notamment parmi les élèves issus de l’immigration.
Graphique 2.14. Les redoublements sont fréquents, notamment parmi les élèves issus de l’immigration.
Pourcentage des élèves ayant redoublé une classe, 201553Les réformes récentes ou prévues pourraient contribuer à l’amélioration des décisions relatives à l’orientation des élèves, à condition qu’elles soient soigneusement mises en application. La procédure d’orientation vers les différentes filières de l’enseignement secondaire se déroulait jusqu’à présent au cours de la dernière année d’école primaire, la décision étant prise dans tous les cas par un comité composé d’enseignants où les parents n’étaient pas représentés (même s’il leur était possible d’exprimer leur opinion). À compter de l’année scolaire 2016-17, une nouvelle procédure a été mise en place. Le processus d’orientation, qui commencera désormais une année plus tôt, reposera sur davantage d’informations préalables et une proposition d’orientation provisoire, et lors de la dernière année, les parents et les professeurs prendront une décision d’orientation en commun. En cas de désaccord, un comité au sein duquel lequel les parents seront représentés (bien que minoritaires) prendra la décision finale. Ces changements sont les bienvenus, mais il conviendrait également de renforcer simultanément l’aide apportée aux parents les moins instruits, notamment s’ils se heurtent à la barrière de la langue. En outre, les décisions prises par ces comités devront être étroitement surveillées pour éviterles biais en défaveur de certains groupes d’élèves dont les parents pourraient par exemple se trouver systématiquement mis en minorité. À plus long terme, les autorités devraient envisager une réforme de plus grande ampleur visant à repousser l’âge de l’orientation.
54Une réforme de l’orientation à la fin du premier cycle de l’enseignement secondaire technique est également à l’étude. Les propositions comprennent, entre autres, la possibilité pour les élèves de suivre des cours de niveaux différents en fonction des matières (par exemple niveau élémentaire en français et niveau avancé en mathématiques) et d’être informés et conseillés plus tôt et plus systématiquement à propos de la décision qui sera prise à la fin du cycle (Ministère de l’éducation nationale, de l’enfance et de la jeunesse, 2016b) qui débouche sur l’enseignement et la formation professionnels (voir le chapitre 1). Comme cela a été mentionné précédemment, ces mesures positives devraient être mises en œuvre et doublées d’un soutien aux parents. En outre, les réformes envisagées vont amener chaque établissement d’enseignement secondaire à élaborer sa propre approche de l’orientation dans le cadre de son plan de développement (voir ci-après). Dans l’enseignement primaire comme dans l’enseignement secondaire, ces plans devront aussi définir une stratégie pour lutter contre les redoublements.
Améliorer les résultats scolaires des établissements et des élèves défavorisés
55Les ressources consacrées à l’éducation sont abondantes, mais elles pourraient être allouées de manière plus équitable. Les dépenses par élève du Luxembourg sont les plus élevées de celles des pays de l’OCDE, tout comme les salaires des enseignants (OCDE, 2016c). Toutefois, comme pendant la dernière décennie (OCDE, 2012b), les écoles défavorisées continuent de manquer, plus que les autres établissements, du personnel éducatif, des infrastructures et de l’équipement nécessaires à leurs activités, et ce au plan quantitatif comme au plan qualitatif (graphique 2.15). Il semble donc que les mécanismes mis en place en 2004 pour allouer plus équitablement les ressources entre les établissements de l’enseignement secondaire soient inefficaces, ou pour le moins insuffisants. C’est notamment le cas du facteur correcteur censé tenir compte du milieu socio-économique des élèves dans la dotation des heures de cours (et des ressources connexes) par établissement. Les autorités devraient profiter de la réforme à venir de l’enseignement secondaire pour rendre plus équitable la répartition des ressources. Dans le même ordre d’idée, elles devraient évaluer l’impact, en termes d’équité, de la formule utilisée pour allouer les heures de cours aux différentes écoles primaires, dont la généralisation, commencée en 2010, s’achèvera en 2019.
Graphique 2.15. Les établissements défavorisés souffrent davantage d’un manque de ressources pédagogiques.
Graphique 2.15. Les établissements défavorisés souffrent davantage d’un manque de ressources pédagogiques.
Écarts entre les établissements des quartiles supérieur et inférieur du profil socio-économique, PISA 2015Note : Les valeurs les plus hautes indiquent un manque plus sévère de ressources pédagogiques. Le profil socioéconomique est mesuré par l’indice PISA de statut économique, social et culturel.
57Dans le système éducatif, l’équité tient également à la qualité des ressources pédagogiques, et tout particulièrement à la présence d’enseignants qualifiés et expérimentés. Les formations initiale et continue des enseignements ont récemment été renforcées. Depuis 2016, les nouveaux enseignants doivent tous effectuer un stage d’insertion professionnelle d’une durée de 3 ans, que ce soit dans l’enseignement primaire (où ce stage n’existait pas) ou dans le secondaire (où l’ancienne formule du stage de 2 ans a été réorganisée). En outre, les heures de formation continue ont récemment été doublées pour les enseignants des deux niveaux et portées à 48 heures de formation tous les 3 ans. Les enseignants sont notamment formés à enseigner dans des classes multilingues et multiculturelles. Cependant, les enseignants qui exercent leurs fonctions dans des conditions plus difficiles ne sont pas rémunérés davantage (OCDE, 2016c), et les plus expérimentés d’entre eux travaillent le plus souvent dans des établissements privilégiés. Les autorités devraient inciter les enseignants qualifiés et expérimentés à exercer leur métier dans les environnements scolaires les moins favorisés, par exemple en leur offrant des salaires plus élevés ou une évolution de carrière plus rapide.
58Au-delà des ressources, promouvoir l’équité exige que des stratégies de moyen terme visant à encourager la réussite scolaire de tous les élèves soient élaborées et mises en œuvre dans chaque établissement. Depuis 2009, les écoles primaires ont l’obligation d’adopter un plan de réussite scolaire, récemment rebaptisé plan de développement scolaire. On envisage actuellement d’imposer cette même obligation aux établissements de l’enseignement secondaire, et certains d’entre eux ont déjà choisi d’adopter ce type de plan. La généralisation de ces plans est la bienvenue, tout comme la volonté des autorités de renforcer l’autonomie des établissements. Parallèlement, il est important de s’assurer que l’efficacité de ces plans sera systématiquement évaluée et que les progrès accomplis par les écoles seront mesurés et, dans la mesure du possible, comparés. La création d’un observatoire national indépendant de la qualité des établissements scolaires, qui figure d’ailleurs dans un projet de loi récent, pourrait se révéler utile dans ce domaine. Les résultats des épreuves standardisées annuelles (ÉpStan) qui, depuis 2008, marquent différents moments de la scolarité primaire et secondaire des élèves, ainsi que les réponses de ces derniers et de leurs parents au questionnaire connexe, sont une source d’informations précieuses pour l’élaborationet l’évaluation des plans de développement scolaires (Dierendonck et al., 2015).
Recommandations pour une meilleure intégration des immigrés
Principales recommandations
- Faciliter l’accès des immigrés aux emplois de la fonction publique.
- Continuer à étoffer l’offre publique de cours de langues. Diversifier ces formations pour mieux tenir compte des besoins des employeurs.
- Accélérer le processus décisionnel relatif aux demandes d’asile. Dans l’attente de la décision, faciliter l’accès provisoire au marché du travail des demandeurs d’asile qui ont de fortes chances d’être autorisés à rester au Luxembourg.
- Mieux sensibiliser les entreprises aux avantages d’une main-d’œuvre diversifiée et leur apporter un soutien pour une gestion efficiente de la diversité.
- Améliorer la communication relative au Contrat d’accueil et d’intégration ainsi que le niveau des formations linguistiques proposées dans ce cadre.
- Encourager l’intégration sociale et la participation des immigrés à la vie politique en mettant en place des actions suivies de sensibilisation au niveau local et en tenant compte de la diversité linguistique.
- Faire en sorte que les décisions relatives à la reconnaissance des qualifications académiques et professionnelles obtenues dans des pays n’appartenant pas à l’UE soient fondées sur des informations pertinentes. Dans cette perspective, favoriser les contacts avec les autorités de ces pays et envisager de recourir plus fréquemment à des entretiens avec des professionnels du secteur concerné.
- Envisager la création d’objectifs indicatifs relatifs à la présence et au recrutement des immigrés dans la fonction publique.
- Pour attirer les talents et mieux lutter contre les pénuries de compétences, réduire le temps nécessaire à l’obtention de l’autorisation de séjour et de travail pour les citoyens originaires de pays hors UE.
Principales recommandations
- Étoffer l’offre et améliorer l’accessibilité financière des services d’éducation et accueil des jeunes enfants, et familiariser les enfants âgés de 1 à 4 ans avec les langues luxembourgeoise et française, comme prévu. Faire en sorte que tous les prestataires de services se conforment à des normes de qualité.
- Répartir les ressources plus équitablement entre les différents établissements scolaires et inciter les enseignants les plus qualifiés et les plus expérimentés à exercer leur métier dans les établissements défavorisés.
- Accompagner les parents dans le processus d’orientation de leurs enfants à la fin de l’école primaire. En cas de désaccord entre parents et enseignants, garantir la neutralité de la prise de décision finale. À plus long terme, envisager de repousser l’âge de l’orientation.
- Donner la priorité aux stratégies en faveur de l’équité dans les plans de développement scolaires, par exemple en offrant un soutien aux élèves en difficulté pour limiter les redoublements. Procéder à une évaluation systématique de l’efficacité de ces plans.
- Améliorer le processus d’orientation à la fin du premier cycle de l’enseignement secondaire technique en apportant des informations et des conseils plus détaillées et plus précoces aux élèves et aux parents, et faire en sorte que cette orientation ne repose pas démesurément sur les tests de mathématiques et de langue.
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Mise en ligne 31/10/2017