Les banques allemandes ont bien résisté à la crise mais la progression du crédit interne demeure faible
1La bonne tenue du marché du travail, la compétitivité de l’économie allemande ainsi que le niveau modéré de l’endettement brut des entreprises et des ménages par rapport au PIB expliquent que les ratios de prêts improductifs des banques soient restés faibles. Le bas niveau des taux d’intérêt, qui résulte de la politique monétaire expansionniste et du statut de refuge de l’économie allemande, a aussi joué un rôle positif en réduisant la charge du service de la dette des entreprises et en diminuant le coût de financement des banques. Depuis 2010, les bénéfices bancaires sont proches des niveaux antérieurs à la crise. De 1999 à 2007, les banques allemandes avaient sensiblement augmenté leurs concours aux pays les plus touchés par la crise de la dette dans la zone euro (graphique 1.1), mais les pertes à ce titre ont été limitées, en partie parce que les pays en crise ont bénéficié de financements dans le cadre du FESF et de fortes injections de liquidités de la BCE.
Graphique 1.1. Créances des banques allemandes sur des entités étrangères1. En % du PIB allemand
Graphique 1.1. Créances des banques allemandes sur des entités étrangères1. En % du PIB allemand
1. Sur la base de l’emprunteur immédiat. Données bi-annuelles pour 1999.2. Grèce, Irlande et Portugal.
2Les crédits aux ménages et aux entreprises non financières baissent en termes réels depuis l’éclatement de la crise mondiale. Il sont restés peu dynamiques plus récemment, en 2012 et 2013 (graphique 1.2), bien qu’il y a peu d’écart entre production et potentiel. Selon les enquêtes auprès des entreprises, ce phénomène est largement imputable à la faiblesse de la demande de crédit, notamment la leur. Ainsi, selon la Chambre de commerce (DIHK) (2013), 46 % des entreprises jugaient les conditions financières bonnes et 40 % adéquates au début de 2013. À peu près un quart des entreprises non financières déclaraient ne pas avoir besoin de financements externes du fait de la solidité de leurs bilans et de l’effet favorable des bas taux d’intérêt sur leur trésorerie. Selon l’enquête SAFE de la BCE et l’enquête Ifo, les entreprises allemandes ont un accès comparativement facile aux financements. Toutefois, il ressort de l’enquête de l’Eurosystème sur la distribution du crédit bancaire que le resserrement de l’offre intervenu en 2008 et 2009 n’a pas vraiment pris fin, alors même que les normes d’octroi de crédits n’étaient pas laxistes au cours des années précédentes (German Council of Economic Experts, 2008). Ces normes pourraient devenir plus contraignantes au fur et à mesure que la reprise s’accélérera, si la demande de prêts augmente fortement et si les banques ne les assouplissent pas face à l’amélioration de la situation économique.
Graphique 1.2. Crédit interne aux entreprises non financières et aux ménages, ventilation par catégorie de banques. Pourcentages de variation en glissement annuel
Graphique 1.2. Crédit interne aux entreprises non financières et aux ménages, ventilation par catégorie de banques. Pourcentages de variation en glissement annuel
3 Pendant toute la durée de la crise financière mondiale et de la crise de la zone euro, la progression du crédit a été la plus rapide dans les banques coopératives et les caisses d’épargne, dont l’activité est orientée vers les marchés locaux ; en revanche, l’encours de crédits des grandes banques commerciales et des banques publiques régionales (Landesbanken) s’est contracté parallèlement au resserrement des conditions financières dans la zone euro. En outre, les grandes banques commerciales et les Landesbanken ont beaucoup augmenté les montants déposés sur leurs comptes à la BCE au cours de l’été 2012, période pendant laquelle les tensions au sein de la zone euro ont culminé ; cela laisse penser que ces banques pourraient être particulièrement enclines à limiter l’octroi de prêts en cas de tensions financières. Elles sont plus directement exposées à des activités internationales et plus endettées que les autres (voir ci-dessous).
La hausse des prix des logements a été à peu conforme aux données fondamentales
4De 2010 à 2013, les prix des logements ont augmenté de quelque 10 % en termes réels (graphique 1.3). Le redressement du marché du travail et la hausse des revenus réels ont stimulé la demande de services de logement tout en faisant monter les loyers. La hausse des prix a aussi résulté du bas niveau des taux d’intérêt à long terme. Malgré leur récente progression, les ratios prix/loyers et prix/revenus restent inférieurs aux moyennes historiques. Des études économétriques effectuées par la Bundesbank tendent à montrer que les prix de l’immobilier demeurent conformes aux données fondamentales à l’échelle du pays, mais que ceux des appartements situés dans les plus grands centres urbains dépasseraient de 20 % leurs déterminants fondamentaux. Par ailleurs, dans un contexte d’évolution peu dynamique du crédit, les prêts immobiliers ont très peu augmenté en termes réels en 2013 et l’endettement des ménages est de niveau modéré. Les normes d’octroi de crédit dans le secteur de l’immobilier n’ont pas été assouplies en réaction à la montée des prix (Bundesbank, 2013d). Ainsi, en Allemagne, près de la moitié des prêts à l’immobilier commercial ont un ratio montant/valeur du bien (quotité) n’excédant pas 60 %. Dans ces conditions, même si les autorités doivent rester vigilantes à l’égard des crédits hypothécaires et du marché national de l’immobilier, la situation ne justifie pas de prendre actuellement des mesures macroprudentielles pour freiner la distribution du crédit. L’évolution du marché immobilier allemand est suivi de près par le Conseil de stabilité financière dans le cadre de la supervision macroprudentielle (voir ci-dessous).
Graphique 1.3. Évolution du marché du logement
Graphique 1.3. Évolution du marché du logement
1. Rapport entre prix nominaux des logements et indice des loyers en base 2010. Le classement des pays est en ordre décroissant en fonction des ratios prix/loyers au troisième trimestre de 2013 ou lors du dernier trimestre disponible.2. Prix des logements dans 123 villes, déflatés par l’indice des prix à la consommation.
3. Prix des appartements occupés par leurs propriétaires dans 7 villes: Berlin, Düsseldorf, Francfort, Hambourg, Cologne, Munich et Stuttgart. Déflatés par l’indice des prix à la consommation.
Les risques découlent surtout des activités internationales et des bas taux d’intérêt
5La zone euro est encore vulnérable à des chocs économiques et financiers auxquels les banques allemandes sont exposées. Même si elles ont réduit ces dernières années leurs créances sur les économies de la zone euro, les liens financiers restent forts. Les créances sur les pays de la zone euro en crise ont particulièrement diminué, mais représentent encore quelque 10 % du PIB, ce qui se compare à une exposition maximum de 20 % environ en 2008. Au demeurant, les risques de défaillance des principales banques allemandes ont évolué parallèlement aux tensions sur les marchés de la zone euro, tout en restant bien en deçà de la moyenne des grandes banques du cœur de cette zone (graphique 1.4). L’annonce par la BCE au cours de l’été 2012 du Programme d’opérations monétaires en prise ferme (Outright Monetary Transactions programme – OMT) a contribué à atténuer les craintes de défaillances de banques de la zone euro, y compris de banques allemandes. En outre, les taux des contrats d’échange sur défaillance de crédit (CDS) pour les obligations d’État allemandes sont inférieurs depuis le troisième trimestre de 2012 à leur niveau des trimestres précédents. Cette évolution reflète peut-être la perception d’un moindre risque de rupture de la zone euro et de défaillance de débiteurs des pays membres en crise. Elle a donc aussi pu réduire les risques pour les intermédiaires financiers et l’État allemands.
Graphique 1.4. Taux des contrats d’échange pour couverture de défaillance des banques1 et des emprunts d’État allemands2
Graphique 1.4. Taux des contrats d’échange pour couverture de défaillance des banques1 et des emprunts d’État allemands2
1. CDS, dette « senior » à cinq ans, écarts de taux entre l’entité débitrice et la courbe de référence correspondante. Les banques allemandes sont une moyenne non pondérée des six plus grandes. Les banques des pays au cœur de la zone euro sont une moyenne pondérée de banques de la zone euro calculée par DataStream.2. CDS, dette « senior » à cinq ans, écarts de taux entre l’entité débitrice et la courbe de référence correspondante.
6Certaines banques sont très engagées dans les activités de fret maritime et ont créé des structures de cantonnement interne pour y loger ces actifs dépréciés (encadré 1.1). Ces engagements sont modestes par rapport à l’ensemble du secteur, mais concentrés dans quelques établissements (Deutsche Bundesbank, 2012). Les banques ont un grand degré de liberté pour évaluer les actifs dépréciés. Elles peuvent, par exemple, déterminer la valeur des garanties correspondantes soit en actualisant les flux de revenu attendus, soit en se référant aux prix du marché. Le recours à la méthode d’actualisation des revenus donne une très grande marge de discrétion. Plusieurs banques ont préféré l’utiliser pour évaluer leurs engagements sur le transport maritime. La comptabilisation des prêts improductifs est sujette à de longs délais et un pourcentage relativement réduit est provisionné (FMI, 2011b). Le fait de reconnaître rapidement les risques et les pertes au moyen d’une évaluation transparente et prudente des actifs permet de réaffecter les fonds prêtables à l’usage le plus productif (par exemple IMF, 2002 ; Bouis et al., 2013). En procédant de la sorte, on a aussi plus de chances de trouver de nouveaux actionnaires, car ils bénéficient d’une meilleure transparence et peuvent anticiper des rendements supérieurs (Blundell-Wignall et Atkinson, 2012). Les banques sont alors susceptibles de satisfaire à leurs obligations de fonds propres en les renforçant plutôt qu’en prêtant moins. Dans la situation actuelle de l’Allemagne, ce point pourrait être d’autant plus important que les marges bénéficiaires sont faibles en comparaison d’autres pays, en partie du fait de l’intensité de la concurrence (voir ci-dessous), ce qui limite la possibilité d’augmenter les fonds propres de précaution en mettant des bénéfices en réserve.
Encadré 1.1. Actifs « hérités » des banques allemandes
Le transport maritime représente une fraction importante des actifs hérités menacés de dépréciation. Les engagements des sept plus grandes allemandes dans ce secteur s’élèvent à 86 milliards EUR (3.5 % du PIB ; Bundesbank, 2013d) ; il sont concentrés dans les grandes banques commerciales et les Landesbanken publiques. Avant la crise économique et financière, les banques allemandes finançaient 45 % de la flotte marchande mondiale (Hellwig, 2012a). Ces dernières années, la faiblesse relative du commerce mondial a fait augmenter les créances douteuses. En raison des progrès techniques dans le transport maritime, on ne prévoit pas que les prix des générations antérieures de navires se redressent, même si le commerce mondial s’accélère. À peu près la moitié de ces prês ont un ratio montant/valeur du bien de 100 % ou davantage et beaucoup sont devenus improductifs. Plusieurs Landesbanken sont très impliquées dans cette activité. Elles appartiennent en général aux Länder côtiers où se trouvent les activités de construction navale. L’une d’entre elles est la principale source mondiale de financement des navires marchands. Peu d’entre eux ont été mis en adjudication, ce qui a peut-être ralenti la baisse des prix. On dit que ces banques refinancent leurs prêts. Il est possible que la constitution de provisions soit insuffisante si elle se réfère aux antécédents de cette catégorie particulière de prêts.
7Pendant la crise financière mondiale, le gouvernement a apporté une aide importante à un certain nombre de banques allemandes, notamment certaines des grandes banques commerciales cotées en bourse et des Landesbanken publiques (voir le chapitre sur le système bancaire dans l’Étude économique 2010 sur l’Allemagne). En 2013, l’État fédéral était encore exposé à hauteur de quelque 10 % du PIB au titre des actifs repris. Les pertes qu’il a subies depuis 2008 du fait de ces expositions et de participations dans le capital de banques représentent jusqu’à présent 22 milliards EUR (0.8 % du PIB annuel). Le coût total psupporté par les contribuables est estimé dans une fourchette de 30 à 50 milliards EUR (1.2 à 2 % du PIB).
8Un programme de réforme de grande portée a été lancé pour éviter de devoir effectuer à l’avenir des renflouements à grande échelle avec l’argent du contribuable, tant au niveau de l’Union européenne qu’en Allemagne. Néanmoins, comme on l’explique ci-après, nombre des facteurs de risque qui ont exposé les banques allemandes à la crise financière mondiale demeurent. Il s’agit d’expositions de montant élevé à des produits dérivés, d’un fort endettement des établissements d’importance systémique, de problèmes de gouvernance des banques publiques et de la perception persistante de l’existence de garanties publiques, qui augmente l’aléa de moralité et limite la perspective d’un retrait du marché des banques défaillantes. La faiblesse des taux d’intérêt, en Allemagne comme dans beaucoup d’autres pays de l’OCDE, incite à l’audace, encourageant la recherche du rendement au prix de risques supérieurs, même si jusqu’en 2013 les banques allemandes y ont été peu enclines. C’est notamment parce qu’elles étaient encore contraintes de réduire leur endettement et d’accroître leurs fonds propres de précaution (Deutsche Bundesbank, 2013d). Le bas niveau des taux d’intérêt pousse également à différer la reconnaissance des pertes. Ces incitations jouent d’autant plus que les banques sont très endettées.
Des expositions importantes aux produits dérivés augmentent les risques systémiques
9L’exposition des banques allemandes aux produits dérivés a fortement augmenté au cours des quinze dernières années (graphique 1.5). Cette période se caractérise aussi par une rapide croissance de cette activité à l’échelle mondiale. Les banques allemandes détiennent une part du marché de l’ordre de 10 %. Depuis le début de la crise financière internationale, les banques de plusieurs pays de l’OCDE ont subi de lourdes pertes inattendues sur leurs positions en produits dérivés. Ces pertes peuvent atteindre une proportion élevée de la valeur de marché des banques en cas de crise systémique (OECD, 2009). En outre, l’exposition aux produits dérivés est un facteur essentiel du risque systémique, car elle augmente l’interdépendance (encadré 1.2). Ce risque est aggravé par la concentration des positions dans des banques réputées trop grandes pour faire faillite (TGFF). Selon certains participants du marché, les banques sont en train de conclure des accords de compensation portant sur une large gamme d’opérations avec des contreparties afin de réduire leur exposition brute aux produits dérivés et donc le risque systémique découlant de l’interdépendance.
Graphique 1.5. Expositions allemandes et mondiales aux produits dérivés notionnels1
Graphique 1.5. Expositions allemandes et mondiales aux produits dérivés notionnels1
1. Selon les principes directeurs de la BRI en matière de présentation, toutes les positions doivent normalement être déclarées pour leur montant brut. La déclaration de « positions nettes » n’est autorisée que si les pratiques comptables nationales permettent la compensation de contrats d’échange multiples (par devise et par échéance) avec la même contrepartie, sous condition de couverture dans le cadre d’un accord de compensation juridiquement exécutable. Cette manière de procéder peut réduire la comparabilité internationale.2. Six banques allemandes.
3. À peu près soixante grandes banques situées dans 13 pays (onze pays avant le premier semestre de 2012).
Encadré 1.2. Risques systémiques résultant des positions des banques sur les produits dérivés
Le risque systémique susceptible de mettre la stabilité financière en péril augmente parallèlement à l’importance des positions prises sur les produits dérivés, parce que chaque participant à la chaîne de contreparties doit pouvoir honorer ses obligations pour que les autres puissent faire de même. Les pertes subies sur d’importantes positions peuvent dépasser la capacité de certains acteurs du marché à les éponger, ce qui entraîne leur défaillance. Les contrats peuvent alors perdre toute valeur pour les contreparties. En outre, les contreparties non garanties de la partie défaillante peuvent subir des pertes, leurs risques n’étant plus couverts par les produits dérivés, d’où l’éventualité d’effets en chaîne. Les opérations sur produits dérivés sont de plus en plus concentrées parmi des intermédiaires financiers d’importance systémique à l’échelle mondiale (IFISM), en partie parce que leur statut d’entités « trop grandes pour faire faillite » (TGFF) réduit la perception du risque de contrepartie, ce qui leur donne un avantage par rapport aux banques de moindre taille. Par suite, l’importance de leurs positions sur produits dérivés renforce l’importance du statut TGFF en raison du surcroît d’interdépendance. C’est pourquoi le risque de contrepartie découlant de contrats sur des produits dérivés avec des IFISM est sous-évalué. Les règles de Bâle II et de Bâle III permettent de compenser les positions en calculant le montant des fonds propres exigés. Cela incite à ne pas diversifier les contreparties. Les grandes banques sont aussi bien placées pour utiliser les produits dérivés à des fins d’arbitrage réglementaire (OCDE, 2011). Enfin, peu d’acteurs participent à la détermination des prix, ce qui peut inciter à mal évaluer le prix du risque (OCDE, 2011). Comme sur d’autres marchés de produits, la concentration croissante a gonflé les marges bénéficiaires, avec pour résultat la forte rentabilité des activités sur produits dérivés des banques TGFF.
Depuis la fin des années 90, les produits dérivés se développent à un rythme beaucoup plus rapide que les titres primaires sous-jacents. Il est donc peu probable que cette expansion s’explique surtout par la volonté de couvrir les risques liés aux titres primaires ou à d’autres actifs (OCDE, 2011). D’autres motivations, notamment l’arbitrage réglementaire, l’arbitrage fiscal et la spéculation jouent sans doute un rôle important, dépourvu d’avantage social. Les banques se servent par exemple des produits dérivés pour réduire la pondération du risque de leurs actifs, ce qui diminue le montant de fonds propres qu’elles doivent détenir.
Pour réduire le risque de contrepartie dans les opérations sur produits dérivés, plusieurs pays sont en train d’instaurer l’obligation de compenser ces produits au sein de contreparties centralisées (CCP). Ainsi, la législation de l’UE, dont l’entrée en vigueur intégrale était prévue au troisième trimestre de 2014, prévoit l’obligation de compenser les produits dérivés standardisés au moyen d’une contrepartie centrale. Il est vrai que les CCP peuvent réduire les risques résultant d’expositions individuelles aux produits dérivés. Elles peuvent répartir les risques par la mutualisation et la mise en commun (Biais et al., 2012). Elles donnent aussi plus de transparence à la fixation des prix et renforcent la concurrence, ce qui fait baisser les écarts entre prix offerts et demandés. Toutefois, les CCP sont insuffisantes pour faire face aux risques systémiques découlant d’expositions aux produits dérivés (Blundell-Wignall et Atkinson, 2011). Les obligations de compensation comportent forcément des exemptions, sachant que les produits dérivés « sur mesure » et illiquides se prêtent moins à cette opération. Ainsi, les règles de l’UE en prévoient. Certes, les opérations exemptées doivent s’accompagner d’un échange de garanties et du recours à d’autres techniques d’atténuation du risque. Mais les grands acteurs du marché ont intrinsèquement intérêt à éviter la compensation en établissant des contrats sur mesure. Les contreparties centrales peuvent être elles-mêmes sujettes à la concurrence, d’où une réduction éventuelle de leur capitalisation (OCDE, 2011). En outre, elles peuvent devenir de dimension importante, interdépendantes, concentrer les risques sur les produits dérivés et devenir TGFF (Biais et al., 2013). L’insolvabilité d’une chambre de compensation aggraverait le risque systémique (Allen, 2012). Ces entités peuvent donc générer un aléa de moralité chez leurs partenaires contractants, surtout si elles sont TGFF.
La rentabilité diffère selon les catégories de banques
10Le système bancaire allemand se compose de plusieurs catégories de banques institutionnellement différentes (on trouvera une description dans le chapitre consacré au système bancaire de l’Étude économique de 2010). La rentabilité a varié sensiblement selon les catégories, avant comme après la crise financière et économique mondiale (tableau 1.1). Dans les deux périodes, elle a été faible dans les Landesbanken, surtout du fait d’une baisse des revenus, bien que ces établissements et les caisses d’épargne aient bénéficié de garanties publiques explicites sur leurs engagements avant leur suppression progressive à partir de 2006. Il en va de même si les revenus sont calculés en termes ajustés des risques. En revanche, les caisses d’épargne et les banques coopératives obtiennent des résultats relativement bons en termes ajustés des risques (FMI, 2011b). Les Landesbanken sont également moins rentables que les caisses régionales des banques coopératives. Tant ces caisses régionales que les Landesbanken sont prestataires de services centraux aux banques coopératives et aux caisses d’épargne tournées vers les activités locales. En fait, les Landesbanken sont peu rentables depuis leur apparition (Hellwig, 2012).
Tableau 1.1. Rentabilité des banques par catégorie
Tableau 1.1. Rentabilité des banques par catégorie |
En % des actifs |
Banques commerciales | Landesbanken | Caisses d’épargne | Caisses régionales des coopératives de crédit | Coopératives de crédit | ||
---|---|---|---|---|---|---|
Grandes banques | Banques régionales et autres banques commerciales | |||||
2003-07¹ | ||||||
Revenu d’intérêts net | 1.01 | 2.06 | 0.63 | 2.27 | 0.47 | 2.39 |
Revenu hors intérêts net | 0.52 | 0.84 | 0.12 | 0.57 | 0.15 | 0.65 |
Bénéfices ou pertes nets des opérations financières | 0.23 | -0.04 | 0.00 | 0.02 | 0.11 | 0.01 |
Frais administratifs généraux | 1.25 | 1.89 | 0.44 | 1.92 | 0.47 | 2.26 |
Bénéfice net après impôt de l’exercice financier | 0.18 | 0.23 | 0.06 | 0.23 | 0.17 | 0.35 |
2008-12¹ | ||||||
Revenu d’intérêts net | 0.87 | 1.66 | 0.69 | 2.13 | 0.49 | 2.23 |
Revenu hors intérêts net | 0.42 | 0.71 | 0.08 | 0.56 | 0.13 | 0.59 |
Bénéfices ou pertes nets des opérations financières | 0.01 | 0.01 | 0.00 | 0.00 | 0.11 | 0.00 |
Frais administratifs généraux | 1.02 | 1.65 | 0.44 | 1.77 | 0.38 | 1.92 |
Bénéfice net après impôt de l’exercice financier | -0.19 | 0.11 | -0.15 | 0.53 | 0.27 | 0.48 |
1. Moyenne non pondérée. |
Source : Deutsche Bundesbank. |
Tableau 1.1. Rentabilité des banques par catégorie
11Il ressort d’études de l’efficience technique que les caisses d’épargne sont au moins aussi efficientes que les banques commerciales (Koetter, 2006 ; German Council of Economic Experts, 2008 ; Altunbas et al., 2001). Elles pratiquent un système de garantie mutuelle partant de la base qui couvre l’intégralité de leurs engagements. Ce type de garantie est source d’aléa de moralité, mais les caisses d’épargne ont mis en place des procédures de contrôle interne pour atténuer ce risque. Pendant les quarante dernières années, peu d’entre elles ont demandé l’aide du système de garantie. En revanche, le manque d’efficience est répandu parmi les Landesbanken. Elles se singularisent aussi par une allocation moins efficace du capital et par une stabilité inférieure (German Council of Economic Experts, 2008). Enfin, les risques d’insolvabilité et les tensions ont été moindres dans les caisses d’épargne que dans les banques privées et les Landesbanken, avant et pendant la crise financière mondiale, tandis que les banques coopératives sont les meilleures sur le plan de la solvabilité (Beck et al., 2009). Au cours de la crise de 2008-09, les caisses d’épargne et les banques coopératives ont été les secteurs les plus préservés de l’aggravation du risque d’insolvabilité alors même qu’elles n’ont reçu aucune aide publique directe (Schmielewski et Wein, 2012).
12 Les marges bénéficiaires de l’ensemble du secteur bancaire sont faibles dans une optique de comparaison internationale, ce qui s’explique peut-être par l’intensité de la concurrence due à la présence de deux réseaux ayant un modèle d’activité d’orientation locale (les caisses d’épargne et les banques coopératives) et géographiquement étendus. Selon certains observateurs, cette rentabilité limitée résulte d’un excédent de capacité dans le secteur bancaire (Bundesbank, 2013d ; Hellwig, 2012). Les effectifs y sont relativement élevés, proches des niveaux observés dans les pays qui accueillent de grands centres financiers internationaux, par exemple le Royaume-Uni. À cause de cette rentabilité médiocre, il est difficile d’attirer des capitaux de qualité élevée provenant de sources externes ou d’augmenter les fonds propres d’origine interne par affectation de bénéfices aux réserves tout en assurant un rendement adéquat aux actionnaires (FMI, 2011b). La persistance de bas taux d’intérêt à long terme risque aussi d’amenuiser les marges d’intérêt, et donc la rentabilité, en particulier pour les banques coopératives et les caisses d’épargne qui sont relativement spécialisées dans le crédit interne à longue échéance (Deutsche Bundesbank, 2013d).
Les ratios de fonds propres sont supérieurs au niveau réglementaire mais l’endettement est élevé
13 La plupart des 42 plus grandes banques allemandes concernées par l’exercice de surveillance de Bâle III (7 établissements ayant des activités internationales et un échantillon représentatif du secteur) respectent déjà le ratio de fonds propres de base (niveau 1) que les règles de Bâle III et de l’Union européenne demandent d’atteindre d’ici 2019, y compris le supplément de précaution. Ce n’est pas encore le cas de certaines. En incluant le volant de précaution supplémentaire imposé aux banques d’importance systémique d’ici 2021 et au vu du montant actuel de leurs actifs pondérés des risques, elles devront lever 14 milliards EUR. En 2012, pour améliorer leurs ratios de fonds propres, les banques ont contracté leurs bilans pondérés des risques (Bundesbank, 2013e).
14 Le calcul des fonds propres nécessaires par rapport aux actifs pondérés des risques comporte des imperfections. On assigne à certains actifs une pondération nulle et on suppose que les pondérations sont indépendantes de la composition du portefeuille des banques. En outre, avec la méthode de notation interne des risques, le choix de la pondération des actifs permettant de calculer le montant des fonds propres requis repose sur des modèles qui laissent une grande marge de discrétion aux gestionnaires des banques. Les plus grandes peuvent investir dans les techniques de modélisation pour mettre au point des modèles internes d’évaluation des risques. Dans l’intérêt des actionnaires, les gestionnaires sont incités à réduire le plus possible la pondération assignée aux risques. On constate que la pondération des risques d’actifs comparables diffère sensiblement selon les établissements (par exemple BRI, 2013). Toutefois, les modèles de calcul des risques doivent être approuvés par l’autorité de tutelle et font l’objet d’un suivi régulier.
15 Il conviendrait de compléter les ratios de fonds propres pondérés en fonction des risques par un ratio de levier. Il est démontré que ce ratio a une certaine capacité à prévoir le risque de défaillance d’une banque (mesuré par la distance par rapport au moment de la défaillance), alors que le ratios de fonds propres précités n’ont pas cette faculté (Blundell-Wignall et Roulet, 2012). Mais cela pourrait, dans une certaine mesure, être l’effet de la « loi de Goodhart » selon laquelle, lorsqu’une mesure statistique devient une cible, sa capacité prédictive diminue. À titre de référence, le graphique 1.6 présente certains ratios de fonds propres et de levier, agrégés par pays. Sachant qu’ils ne sont pas calculés de la même façon, ils ne se prêtent pas à la comparaison. En fait, il n’y a pas unanimité sur la meilleure manière de les calculer. Des études effectuées par l’OCDE laissent penser qu’un ratio de levier dans lequel les produits dérivés ne sont pas compensés à l’actif, comme dans la partie C du graphique 1.6, est le meilleur moyen de prévoir la distance par rapport à la défaillance (Blundell-Wignall et Roulet, 2012).
Graphique 1.6. Ratios de fonds propres et ratios de levier1
Graphique 1.6. Ratios de fonds propres et ratios de levier1
1. Moyennes, pondérées en fonction du total des actifs de différentes banques.2. Le total des fonds propres réglementaires est défini conformément aux directives en vigueur en fin de période. Pour les banques européennes, ce total exclut les ajustements transitoires de fonds propres là où ils sont disponibles. Les actifs pondérés des risques sont calculés conformément aux normes comptables ou réglementaires applicables.
3. Le total des fonds propres de base (niveau 1) désigne le montant effectif du capital-actions et des réserves, tels que définis par la réglementation. Le actifs pondérés des risques sont calculés conformément aux normes comptables ou réglementaires applicables.
4. Sur la base des données du dernier trimestre de 2013 ; quand elles ne sont pas disponibles, on prend les données disponibles les plus récentes en allant jusqu’en décembre 2012. Le ratio de levier rapporte les fonds propres de base des banques (niveau 1) au total des actifs, en valeur comptable. Le total des fonds propres de base (niveau 1) désigne le montant effectif du capital-actions et des réserves, tels que définis par la réglementation. Les données relatives aux actifs ont été ajustées conformément à la norme internationale d’information financière (IFRS).
16Dans la période récente, le ratio fonds propres de base/total du bilan a été inférieur à 3 % dans certaines des plus grandes allemandes ayant des activités internationales (graphique 1.7). Les évaluations boursières disponibles de la valeur nette ont également été peu élevées. En outre, les ratios de fonds propres de base (niveau 1) publiés actuellement par les banques comprennent parfois des éléments qui ne permettent pas d’éponger des pertes, en particulier des produits fiscaux reportés et le « goodwill » résultant de fusions et acquisitions antérieures. Les reports de produits fiscaux correspondent aux déductions que les banques prévoient d’effectuer lorsqu’elles imputeront leurs pertes antérieures sur des bénéfices futurs. Le goodwill représente la valeur actuelle estimée des bénéfices futurs d’une société rachetée. Aucun de ces deux éléments ne peut permettre d’absorber les pertes si une banque devient insolvable. Dans plusieurs des plus grandes banques allemandes, la somme des produits fiscaux reportés et du goodwill représente quelque 1 % de l’actif.
17 Le faible montant de fonds propres pouvant compenser des pertes dans les grandes banques est particulièrement préoccupant, d’abord parce qu’elles sont très interdépendantes sur le plan international et sources d’importantes répercussions sur la stabilité mondiale. Le Conseil de stabilité financière classe en particulier la Deutsche Bank parmi les intermédiaires financiers ayant le plus d’importance systémique au niveau mondial. Ensuite, compte tenu de la portée internationale de leurs activités, ces banques restent peu susceptibles de devoir cesser leur activité, d’où le risque d’un renflouement par l’État et encore plus d’incitation à prendre des risques excessifs. Malgré le montant très réduit de leurs fonds propres de précaution relativement à leur actif total, ces banques versent des dividendes à leurs actionnaires ; cela a été le cas de la Deutsche Bank en 2012. Dans les caisses d’épargne et les banques coopératives, les fonds propres de base (niveau 1) dépassent 5 % de la valeur totale des actifs, mais il n’en va pas de même de leurs « organes centraux » qui appartiennent aux plus grandes banques du pays.
18Des obligations de fonds propres plus strictes font augmenter les coûts de financement des banques. Toutefois, le déclin prolongé de la part des fonds propres dans le bilan des banques au siècle dernier ne s’est pas accompagné d’une baisse marquée de l’écart entre leurs taux d’emprunt et de prêt. L’incidence d’un durcissement des exigences de fonds propres sur les coûts d’emprunt et l’activité sera donc sans doute limitée à long terme et compensée par l’avantage d’une plus grande stabilité et d’une diminution des risques pour les contribuables. L’endettement de certaines grandes banques étant élevé, on peut penser qu’elles bénéficieraient grandement de sa réduction du fait de l’imposition d’un ratio de levier. Il est probable que la hausse du coût de financement des banques résultera surtout d’une diminution des garanties publiques implicites et d’une moindre possibilité de déduire le coût du capital des bénéfices imposables (Admati et al., 2010). L’augmentation de leur coût de financement n’implique donc pas de coûts sociaux.
Graphique 1.7. Ratios de fonds propres de base des 10 plus grandes banques allemandes. en % de l’actif total, troisième trimestre 20131
Graphique 1.7. Ratios de fonds propres de base des 10 plus grandes banques allemandes. en % de l’actif total, troisième trimestre 20131
Note : Les banques sont classées en fonction du montant de leur bilan.1. Ou dernier trimestre disponible.
19L’accord de Bâle III prévoit l’imposition d’un ratio de levier, qui devrait être calculé d’ici 2017 sur la base de l’expérience acquise pendant une période d’observation. On teste actuellement un ratio de 3 % au minimum. Selon Blundell-Wignall et Atkinson (2012) ainsi que Blundell-Wignall et Roulet (2012), un ratio de levier de 5 % atténue sensiblement le risque de défaillance. Calomiris (2013) soutient qu’un chiffre de 10 % serait approprié et qu’il faudrait compléter le ratio par l’obligation d’émettre des obligations convertibles, avec déclenchement de la conversion lorsque la valeur sur le marché d’une banque tomberait en déçà d’un seuil fixé par les régulateurs. Admati et al. (2010) ont suggéré des ratios de levier s’inscrivant dans une fourchette de 20 à 30 %.
20Bien que les obligations de fonds propres fixées par l’UE n’incluent pas encore un ratio de levier, elle laissent une certaine marge aux gouvernement nationaux pour en imposer un, par exemple à l’intention des plus grandes banques. Le Danemark, la Pologne et le Royaume-Uni le font. Exiger des banques qu’elles détiennent plus de fonds propres par rapport à leurs actifs pourrait en principe freiner la progression du crédit de façon transitoire, jusqu’à ce que le ratio requis soit atteint. Toutefois, ce risque est peut-être actuellement limité par la faible demande de crédit (voir ci-dessu). En tout état de cause, les autorités pourraient demander aux banques de prendre des mesures spécifiques pour éviter cet inconvénient. Elles pourraient exiger qu’une partie des bénéfices soit mise en réserve et calculer l’obligation de fonds propres supplémentaires en valeur nominale plutôt que par rapport au bilan. De manière plus générale, afin de limiter durablement les risques émanant des intermédiaires financiers, il importe également de veiller au respect de règles déontologiques strictes dans ce secteur et d’améliorer la gouvernance d’entreprise.
21 Les banques coopératives et les caisses d’épargne bénéficient d’une exemption à la règle selon laquelle les participations dans d’autres banques doivent être déduites des fonds propres réglementaires, qui s’applique à celles qu’elles détiennent dans leurs « organes centraux ». Il n’y a pas non plus de suppléments de fonds propres au titre de la garantie qu’elles assurent à ces organes, bien qu’ils aient subi dans le passé des chocs relativement forts. Ces garanties augmentent l’interdépendance (FMI, 2011b). Il y aurait donc lieu de déduire les participations des caisses d’épargne et des banques coopératives dans leurs organes « centraux » pour aligner leur traitement sur celui des participations dans toute autre banque.
Les caisses d’épargne ont contribué à une croissance solidaire mais le secteur bancaire public devrait être réformé
22Le système bancaire allemand se singularise par la grande place des banques publiques, qui contrôlent plus de 40 % de ses actifs et de l’offre interne de crédit. Elles se composent essentiellement des caisses d’épargne locales et des Landesbanken (encadré 1.3).
Encadré 1.3. Les Sparkassen (caisses d’épargne)
Les caisses d’épargne
Ce sont des collectivités locales (communes ou associations de communes) qui ont le plus souvent fondé et géré les caisses d’épargne. Elles ont le statut d’entités publiques placées sous le contrôle d’une collectivité locale (Bülbül, 2013). Les Länder soumettent leurs activités à certaines obligations. Dans chacun d’entre eux, ces activités doivent être tournées vers la population locale en lui assurant un accès universel aux services bancaires de base et une offre de crédit. Les caisses d’épargne sont en général tenues de contribuer à la réalisation des objectifs économiques, sociaux et culturels de la collectivité locale dont elles dépendent. Elles n’ont pas vocation à maximiser leurs bénéfices, mais doivent chercher à en faire pour renforcer leurs fonds propres et pouvoir se développer. Les bénéfices restants sont affectés à des actions sociales et culturelles conformément aux règles fixées par les Länder. Les caisses d’épargne ont une organisation partant de la base, de sorte qu’elles dirigent leurs associations régionales. Elles possèdent et contrôlent les organes fédéraux supérieurs qui fournissent des services de paiement ainsi que d’autres services financiers centraux, parmi lesquels des activités de banque d’investissement et la conception de produits d’épargne. Les caisses d’épargne détiennent aussi des participations, parfois majoritaires, dans les Landesbanken.
Les Landesbanken
À l’origine, les Landesbanken avaient pour principale fonction de procurer des services centralisés aux caisses d’épargne, notamment des financements (par exemple par l’émission d’obligations), et de leur permettre des économies d’échelle dans la prestation de services normalisés (voir par exemple Noack et Schrooten, 2009). Aujourd’hui, elles sont gérées comme des banques privées et exercent des activités de marché et de proximité. Il s’agit, entre autres, de la banque d’investissement, du financement de projets, de crédits à l’immobilier et à l’agriculture ainsi que du conseil aux entreprises et en matière de placements. La plupart d’entre elles ne jouent pas le rôle de banque de développement, ce pour quoi les Länder ont créé des institutions distinctes. En général, la majorité de leur capital est détenue par les Länder, mais, dans quelques cas, il l’est par les caisses d’épargne de la région couverte par la Landesbank. Dans l’une d’entre elles, il existe une participation privée minoritaire.
Les garanties mutuelles
Les caisses d’épargne, les Landesbanken et les sociétés de financement de la construction garantissent mutuellement leurs engagements et leurs capitaux propres. Ces garanties sont déclenchées à l’initiative de l’association de caisses d’épargne concernée dès qu’un problème financier apparaît. Il y a 11 fonds de garantie mutuelle pour les associations régionales de caisses d’épargne, un fonds pour les Landesbanken et un fonds pour les sociétés de financement de la construction. Les adhérents à chaque fonds ont une obligation de solidarité. Si un fonds ne dispose pas de moyens suffisants, il peut demander l’aide d’autres fonds. Les systèmes de garantie mutuelle sont en partie capitalisés et sont supervisés par l’Agence fédérale de surveillance des services financiers (Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht, BaFin), mais les interventions ne sont pas rendues publiques. Afin de limiter l’aléa de moralité, des commissions de suivi sont attachées aux fonds de garantie. Ces commissions sont elles-mêmes supervisées par une « commission de la transparence », qui examine les normes de suivi et les contributions aux fonds ajustées en fonction des risques. L’aide des fonds de garantie est conditionnelle. Au cours des 40 dernières années, il y a eu en moyenne moins d’une intervention par an et quatre incidents ont exigé une compensation suprarégionale.
23Le contrôle des banques s’applique à elles de la même façon qu’aux banques privées, y compris pour l’exigence de compétence et d’honorabilité des membres du directoire. Les exigences de compétence concernant les membres du Conseil de surveillance, qui sont identiques pour les banques publiques et privées, ont été durcies en 2009. Les intéressés doivent notamment être aptes à comprendre les activités d’une banque et à en évaluer les risques. Cette aptitude peut être démontrée par une expérience antérieure, y compris hors du secteur bancaire, par exemple dans l’administration publique ou dans des fonctions politiques, à condition d’avoir exercé des responsabilités économiques et juridiques significatives (BaFin, 2010). On trouve souvent dans les conseils de surveillance des personnalités locales et régionales élues.
24Les caisses d’épargne, comme les banques coopératives à capitaux privés, sont diversifiées sur le plan sectoriel, mais opèrent localement. S’agissant des premières, cette situation découle de leurs obligations de service public. Malgré d’assez bons antécédents en matière de rentabilité, elles versent assez peu à leurs propriétaires et leurs dépenses sociales sont réduites, car la plus grande part des bénéfices sert à augmenter les fonds propres. En 2009, elles ont effectué des dépenses sociales et distribué des dividendes à hauteur de 0.02 % du PIB. Les subventions implicites sous forme de bonification des crédits sont également d’un montant modeste, estimé à 0.05 % du PIB (FMI, 2011b). Les sommes qu’elles distribuent sont déterminées par le montant des bénéfices et des fonds propres ainsi que par une évaluation des risques propres à chaque caisse d’épargne (FMI, 2011b).
25La concentration locale des activités semble avoir été bénéfique. Elle a permis d’offrir à la population des services financiers de base et aux petites et moyennes entreprises l’accès au crédit. Cela a favorisé l’essor économique des régions relativement peu développées. En l’absence d’un tissu bancaire local, le rationnement du crédit risque d’entraîner une inégalité des possibilités de financement entre régions riches et pauvres, ces dernières étant moins bien dotées initialement, ce qui peut par exemple limiter les garanties disponibles (Hakenes et al., 2009). Les caisses d’épargne peuvent aussi augmenter le bien-être en raison grâce à une vision à long terme qui leur permet de lisser profits et pertes sur la durée (FMI, 2011b). Comparativement aux banques commerciales, une plus grande proportion de leurs crédits est à échéance longue.
26À l’instar des banques coopératives, les caisses d’épargne pratiquent un système de garantie mutuelle partant de la base qui couvre l’ensemble des engagements. Ce mode de garantie crée un aléa de moralité, bien que les banques coopératives et les caisses d’épargne aient mis en place des procédures de contrôle interne pour atténuer ce risque. Au cours des 40 dernières années, peu de caisses d’épargne ont demandé l’aide du système de garantie. La garantie mutualisée permet une certaine diversification géographique des risques, compensant le risque de concentration des engagements qui découle du principe de la compétence régionale.
La restructuration des Landesbanken a progressé mais des risques pourraient réapparaître
27 Les Landesbanken ont subi de lourdes pertes pendant la crise financière mondiale (OCDE, 2010). Depuis 2007, leur nombre est tombé à sept, du fait surtout de fusions. Une seule d’entre elles a dû cesser ses activités, sans qu’une perte soit imposée à ses créanciers. Depuis, les Landesbanken ont contracté leurs bilans de quelque 30 % et se sont efforcées de reconvertir leur modèle d’activité vers le crédit aux PME. Elles ont réduit leurs activités de marché pour compte propre et leurs opérations internationales. Cette évolution résulte des obligations de restructuration imposées par la Commission européenne en contrepartie de son approbation de l’aide des pouvoirs publics. La Commission a également réclamé des changements dans la gouvernance de ces institutions. Pourtant, elles restent moins ancrées que les caisses d’épargne dans l’économie réelle de leurs régions respectives. Les crédits au secteur privé non financier interne ne représentent que 16 % de leurs actifs (tableau 1.2). Dans certains cas, les caisses d’épargne ont pris le contrôle de la Landesbank de leur région, alors que dans d’autres le Land est l’actionnaire majoritaire.
Tableau 1.2. Total des actifs et montant des crédits des Landesbanken et des caisses d’épargne
Tableau 1.2. Total des actifs et montant des crédits des Landesbanken et des caisses d’épargne |
2012 |
Landesbanken 1 | Caisses d’épargne | ||
---|---|---|---|
Actifs (en % du PIB) | 53.1 | 41.1 | |
Crédits (en % des actifs) : | |||
Total des crédits² | 81.0 | 95.5 | |
Destination des crédits : | |||
banques | 34.6 | 22.8 | |
secteur public allemand | 12.1 | 6.6 | |
secteur privé non bancaire allemand3 : | Secteur des entreprises | 16.8 | 30.5 |
Secteur des ménages | 2.2 | 27.1 |
1. Selon les définitions de la Deutsche Bundesbank dans ses statistiques bancaires, en incluant DekaBank Deutsche Girozentrale (organe central des caisses d’épargne au niveau national). |
2. Crédits aux banques et aux entités non bancaires. |
3. Le secteur des entreprises comprend les entreprises proprement dites et les professions indépendantes ; le secteur des ménages comprend les ménages et les salariés. |
Source : Bundesbank. |
Tableau 1.2. Total des actifs et montant des crédits des Landesbanken et des caisses d’épargne
28Schmielewski et Wein (2012) attribuent les résultats médiocres et instables des Landesbanken à la faiblesse du contrôle exercé par leurs propriétaires publics, notamment les gouvernements des Länder, ainsi qu’à la pression en faveur de la rentabilité à court terme, bien que les banques cotées à large actionnariat connaissent des problèmes similaires. Cette insuffisance de contrôle s’est accentuée quand elles se sont lancées dans des activités de banque d’investissement. En revanche, le modèle d’activité plus étroit des caisses d’épargne rend plus aisé la surveillance par les propriétaires. Il limite aussi les initiatives externes des gestionnaires, facilite les sanctions en cas de mauvais choix dans la distribution du crédit et réduit ainsi les conséquences défavorables de contrôles incomplets. Si l’on met à part leur mission de service public, les Landesbanken opèrent comme des banques privées. Compte tenu du poids important du crédit au secteur public et à d’autres banques dans leur activité, on peut se demander pourquoi elles sont propriété publique.
29 Les Landesbanken ont fréquemment reçu l’aide des gouvernements des Länder avant et pendant la crise financière mondiale (German Council of Economic Experts, 2008). En 2013, le gouvernement d’un Land a octroyé des garanties à une Landesbank pour qu’elle puisse augmenter ses fonds propres réglementaires. Or, le coût des risques qui en résultent n’apparaît pas dans les budgets des Länder, ce qui affaiblit la transparence et la responsabilité. Selon certains observateurs (Hellwig, 2010), les Landesbanken financent les gouvernements des Länder de façon non transparente. Les rapports financiers entre les deux parties pourraient atténuer la perception des contraintes budgétaires, d’où l’éventualité de risques financiers importants et de résultats médiocres des banques publiques concernées.
30 Les Landesbanken ont noué d’étroits liens financiers avec les caisses d’épargne. Ces dernières sont encouragées à leur fournir des fonds par la réglementation, qui accorde un traitement privilégié à ces concours. Les prêts des caisses d’épargne aux Landesbanken ne sont pas assujettis aux plafonds normalement applicables aux engagements sur des banques et il n’y a pas de pondération des risques correspondants. En outre, les Landesbanken sont intégrées aux systèmes de garantie mutuelle des caisses d’épargne, bien qu’elles soient moins sujettes à la concentration géographique des risques. Si des problèmes financiers devaient réapparaître parmi elles, ils se répercuteraient sur les caisses d’épargne. Durant la crise financière mondiale, ce phénomène a été limité par le renflouement à grande échelle des banques par l’État fédéral et les gouvernements des Länder, lesquels ont eu tendance à dispenser leur aide à des conditions plus favorables qu’au niveau fédéral (Hellwig, 2010). Toutefois, ces renflouements sont indésirables et limités par la législation de l’UE. Les Landesbanken pourraient aussi propager un risque financier systémique du fait de leur rôle sur le marché interbancaire. Comme les caisses d’épargne ne peuvent généralement pas lever de capitaux à l’extérieur, toute perte qu’elles pourraient subir du fait de leur exposition financière aux Landesbanken serait susceptible de les amener à contracter leurs bilans pour satisfaire aux obligations de fonds propres. Alors que les caisses d’épargne sont exposées financièrement aux Landesbanken, elles exercent peu de contrôle sur elles puisque la plupart sont détenues majoritairement par des Länder (encadré 1.3). Les garanties que les caisses d’épargne assurent aux Landesbanken sont aussi de nature à aggraver les problèmes de gouvernance de celles qui sont contrôlées par les gouvernements des Länder.
31 On peut conclure de ce qui précède que les Länder devraient continuer à restructurer les Landesbanken, y compris en les privatisant. Il faudrait que des règles micro et macroprudentielles traitent les risques qui subsistent du fait des Landesbanken et les empêchent de contaminer les caisses d’épargne.
Le gouvernement a amélioré la réglementation du secteur bancaire
32Ces dernières années, les autorités allemandes ont pris des mesures significatives pour améliorer la réglementation bancaire, notamment l’instauration de règles macroprudentielles, la séparation en 2013 des activités de banque d’investissement et de proximité ainsi que l’adoption en 2011 d’une loi sur la résolution des établissements non viables. Ces points sont évoqués ci-dessous. Les grandes banques commerciales et les Landesbanken sont placées sous la supervision directe de la Banque centrale européenne depuis la mise en place du Mécanisme européen de supervision unique à l’automne 2014. Toutefois, la plupart des banques coopératives et des caisses d’épargne continuent à relever de l’Autorité fédérale de surveillance financière (Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht, BaFin) et de la Bundesbank.
33 Le gouvernement a aussi fait adopter une législation qui durcit les règles régissant la responsabilité des gestionnaires des intermédiaires financiers. Des normes minimales de gestion des risques ont été formulées. En outre, on a rendu plus strictes les règles applicables aux rémunérations pour dissuader les dirigeants des plus grandes banques de prendre des risques inconsidérés. Par exemple, elles prévoient désormais d’étaler sur plusieurs années le paiement de primes. Celles versées aux personnels des unités de contrôle ne doivent pas entrer en opposition avec leurs fonctions. Toutefois, après un premier examen des modes de rémunération en vigueur dans les principales banques allemandes, BaFin a déclaré qu’elles n’appliquaient pas les règles de façon satisfaisante. Le gouvernement envisage de les réexaminer. Mais les constatations faites laissent penser qu’il faut remédier aux causes profondes qui incitent les banques à prendre des risques exagérés. L’adoption d’un ratio de levier plus élevé que la norme et de mesures destinées à réduire l’impression qu’il existe des garanties implicites (on reviendra plus loin sur ce point) peuvent être utiles à cet égard.
34 L’Allemagne envisage, avec 10 autres pays de l’Union européenne, d’introduire une taxe assise sur la totalité des transactions financières. Certains estiment que c’est un instrument trop grossier pour permettre de réduire les risques sur les marchés financiers et que son efficacité est conditionnée par une coordination internationale (Schich et Kim, 2011). Les opinions diffèrent sur la capacité de ce type de prélèvement à réduire la volatilité des marchés financiers (voir par exemple ul Haqet al., 1996). En Allemagne, la taxe est considérée comme un moyen de faire contribuer le secteur financier au coût de la crise plutôt que comme un instrument réglementaire.
Le nouveau cadre de réglementation macroprudentielle arrive au moment opportun
35En 2013, un nouveau cadre institutionnel de supervision et de réglementation macroprudentielles a été mis en place ; il fait intervenir BaFin, la Bundesbank et le ministère fédéral des Finances. On a créé un nouveau Comité de stabilité financière, composé de 3 représentants de chacune des institutions précitées et de représentants sans droit de vote de l’Agence fédérale de stabilisation des marchés financiers, qui est chargée d’écouler les actifs transférés des banques à l’État. Ce comité peut adresser des recommandations à toute entité administrative s’il estime qu’une action est nécessaire pour sauvegarder la stabilité financière. En général, les décisions sont prises à l’unanimité. En cas de désaccord, celles d’avertir et de recommander ne peuvent être prises si la Bundesbank s’y oppose (Deutsche Bundesbank, 2013a). Les travaux du nouveau comité s’appuient sur la surveillance macroprudentielle exercée constamment par la Bundesbank, qui étudie l’évolution des marchés financiers et doit chercher à détecter les risques. Quand cela se produit, elle propose au comité d’adresser des avertissements et des recommandations. Le comité a accès à toutes les données dont dispose BaFin et peut en réclamer d’autres aux intermédiaires financiers. Lorsqu’une recommandation a été faite, le destinataire doit soit s’y conformer, soit expliquer pourquoi il ne le fait pas. Le comité adresse chaque année un rapport au Parlement.
36 Le nouveau cadre macroprudentiel est bienvenu. La situation conjoncturelle de l’économie allemande étant meilleure que celle du reste de la zone euro, la persistance de bas taux d’intérêt pourrait entraîner un excès de crédit et la formation de bulles de prix sur le marché immobilier. Les États conservent des compétences macroprudentielles importantes après le lancement du « Mécanisme de supervision unique » en novembre 2014. Ainsi, les autorités nationales fixent les obligations de fonds propres de précaution à caractère cyclique et peuvent modifier la pondération sectorielle des risques pour le calcul des obligations de fonds propres (Bundesbank, 2013b). Elles peuvent aussi demander la constitution de fonds propres supplémentaires, dans des limites spécifiées, pour atténuer les risques pesant sur le système.
L’impression qu’il existe des garanties publiques subsiste malgré la réforme de la législation sur la résolution des banques
37La loi de restructuration bancaire adoptée en 2011 habilite les autorités compétentes à faciliter une résolution efficace et opérée avant que les banques concernées ne respectent plus les obligations de liquidité ou de solvabilité, à condition qu’elles soient jugées d’importance systémique. Les autorités peuvent notamment transférer certains éléments d’actif et de passif d’une banque défaillante (IMF, 2011a) à une autre entité, par exemple une banque relais, afin de protéger ses fonctions d’importance systémique. La décision d’effectuer ce transfert est discrétionnaire et peut être prise quand on prévoit que les fonds propres réglementaires ou la liquidité vont tomber à 90 % du niveau minimum, quand il en résulte un risque pour le système financier et quand il n’est pas possible d’utiliser d’autres mécanismes pour stabiliser la banque concernée. Une autre loi, adoptée en 2013, fait obligation aux grandes banques de formuler des plans de redressement contingents pour assurer leur survie en situation de tension financière, sans qu’il en coûte aux contribuables. BaFin peut leur ordonner d’appliquer les dispositions prévues par ces plans. Il lui a aussi été demandé d’établir des plans de résolution à l’intention des mêmes banques.
38 En outre, la loi de restructuration bancaire a institué un fonds de restructuration, l’objectif étant qu’il dispose de 70 milliards EUR, avec des recettes annuelles pouvant atteindre 1.3 milliard EUR. Comme il s’agit d’un mécanisme de financement d’urgence, des versements spéciaux peuvent être imposés aux banques et l’État peut accorder des aides supérieures qu’il récupérera ensuite au moyen des cotisations. Sous réserve d’un plafonnement global relatif aux bénéfices (calculés sur plusieurs années), la cotisation augmente proportionnellement aux engagements d’une banque (à l’exclusion des dépôts), allant de 0.02 % s’ils sont supérieurs à 300 millions EUR à 0.06 % s’ils sont supérieurs à 300 milliards EUR. Un taux forfaitaire inférieur s’applique aux produits dérivés. Il est prévu d’intégrer ce fonds de restructuration au fonds de résolution de la zone euro après la mise en place du Mécanisme de résolution unique de l’UE.
39 Ce cadre crée un mécanisme qui permet de faire supporter les pertes d’une banque à ses créanciers du fait du transfert d’une partie de l’actif et du passif à une banque relais. La directive de l’UE sur le redressement et la résolution des défaillances bancaires prévoit un mode de renflouement interne plus souple à partir de 2016. L’Allemagne est l’un des rares pays dans lequel les autorités chargées de la résolution ont le droit de déroger, si c’est nécessaire, au principe général d’égalité de traitement d’une même catégorie de créanciers. La législation allemande assure certes la protection des droits des créanciers, caractéristique fondamentale des marchés financiers. Toutefois, certains experts regrettent que la priorité est accordée à l’objectif de stabilité financière par rapport à la protection de ces droits seulement sous certaines conditions lorsque la loi de restructuration bancaire est appliquée (Hellwig, 2012b). Selon un expert financier réputé, cela crée un risque de non application de la législation sur la résolution des banques (Hellwig, 2012b). Elle ne l’a jamais été en pratique, bien qu’il y ait eu une occasion de le faire en 2012. Le texte stipule que le fonds de restructuration des banques supporte en définitive tout coût lié à la résolution qui ne peut l’être par les actionnaires et les créanciers. Or, ce fonds n’aura pas les moyens de faire face en cas de crise systémique touchant une grande partie du secteur bancaire (Hellwig, 2012a, b).
Graphique 1.8. Perception des garanties publiques accordées aux grandes banques dans différents pays
Graphique 1.8. Perception des garanties publiques accordées aux grandes banques dans différents pays
Note : Amélioration moyenne de la cote de crédit, calculée comme l’écart en centièmes de point de pourcentage entre la cote globale et la cote individuelle ajustée, qui prend déjà en compte le soutien de la société mère et de la collectivité ; la différence reflète donc uniquement le soutien des collectivités régionales et de l’État. L’échantillon est composé de 123 grandes banques européennes.40 Malgré la nouvelle loi de restructuration bancaire, l’impression qu’il existe des garanties publiques reste forte, plus que dans certains autres pays européens dont la dette publique est bien notée (graphique 1.8). À cause de ce phénomène, la pression est moindre sur les banques ayant des résultats médiocres pour qu’elles se restructurent ou sortent du marché.
41L’Union européenne prévoit d’introduire une directive pour le redressement et la résolution des défaillances bancaires fixant aux législations des États membres des obligations minimales relatives à la résolution, ce qui renforcera la crédibilité du régime de résolution allemand. Ainsi, quand une banque devra être recapitalisée, il faudra solliciter les actionnaires et les créanciers. On prévoit actuellement que la directive entre en vigueur à partir de 2016. Les autorités devraient viser une large inclusion de la dette émise par les banques dans le mécanisme de renflouement interne exigé par la législation de l’UE.
La séparation entre opérations des banques pour compte propre et collecte des dépôts peut contribuer à réduire les risques
42Le Parlement a approuvé une législation qui fait obligation aux banques, à partir de juillet 2016, de séparer certaines activités de marché des activités relatives à la collecte de dépôts, si leur bilan est supérieur à 90 milliards EUR (soit 3.5 % du PIB actuel) pendant trois années consécutives ou si d’autres seuils sont dépassés. Ces banques devront transférer à des entités juridiquement distinctes les opérations sur certains titres et autres instruments financiers effectuées avec leurs fonds propres. Les prêts et les garanties accordés à des fonds alternatifs ou à d’autres entités fortement endettées ainsi que les transactions à haute fréquence sont en général aussi couvertes par l’obligation de séparation. L’entité distincte doit être financée en externe, l’apport de fonds à la holding en provenance de la banque collectant des dépôts n’étant autorisé qu’à faible dose. L’obligation de séparation s’applique également si le montant des actifs visés dépasse 20 % du bilan ou 100 milliards EUR. Les deux plus grandes banques commerciales et les Landesbanken les plus importantes devraient tomber sous le coup de cette législation.
43Il y a certaines exemptions. Les opérations pour compte de tiers sont exclues de la limite. Ainsi, les activités de teneur de marché ne sont en général pas visées, bien que BaFin puisse exiger leur séparation si elles représentent une menace pour la solvabilité d’une institution, par exemple du fait de leur importance ou du profil du risque. Comme le dit le Rapport Liikanen (2012), il est difficile de les distinguer des autres activités de marché. Le fait de faire appel au jugement des superviseurs, au lieu d’appliquer une obligation générale de séparation, risque d’affaiblir l’efficacité du dispositif.
44La séparation entre activités pour compte propre et activités bancaires de proximité est de nature à atténuer les problèmes posés par le concept TGFF. Elle permet de dissocier les activités pouvant générer d’importants risques systémiques de celles devant être préservées lors d’une crise bancaire, notamment la collecte de dépôts et la distribution de crédits, facilitant donc la fermeture d’une banque défaillante. L’interdépendance des activités de proximité et de marché diminue, parce que les banques de proximité vont réduire les opérations pour compte propre (par exemple sur les produits dérivés, qui augmentent particulièrement l’interdépendance) et parce que l’exposition à d’autres banques sera restreinte par les importantes limitations en vigueur. En outre, la séparation est de nature à diminuer la pratique des subventions croisées, qui résulte de la garantie implicite liée à l’appartenance à une grande banque bénéficiant de l’assurance des dépôts et ayant accès aux concours de la Banque centrale (Liikanen et al., 2012 ; Blundell-Wignall et Atkinson, 2011). Elle a l’avantage d’offrir plus de transparence aux investisseurs et aux régulateurs. Comme les activités de marché sont sans doute moins transparentes aux yeux des investisseurs extérieurs, elles peuvent aussi faire obstacle à la recapitalisation externe d’une banque si elles ne sont pas séparées. Enfin, les régulateurs sont en mesure d’intervenir de façon plus ciblée, et donc plus rapide, à l’égard des activités de marché risquées en étant moins préoccupés des conséquences sur la distribution de crédits et la collecte de dépôts (OCDE, 2009). La conjonction de ce fait et de la possibilité que les banques d’investissement séparées deviennent plus petites (et donc de moindre importance systémique) pourrait contribuer à modifier la relation stratégique entre les autorités de supervision et les banques: les premières pourraient ressentir moins de pression pour soutenir une banque d’importance systémique en cas de difficultés. Ce type de comportement a souvent retardé le traitement des problèmes du secteur bancaire.
45En logeant certaines activités de marché dans des filiales distinctes et bien circonscrites, mais en les conservant au sein d’un groupe bancaire, on préserve dans une large mesure les avantages du modèle de banque universelle et on réduit au minimum les pertes d’économies d’échelle et d’envergure qui résultent par exemple, dans les institutions financières, du partage de plateformes technologiques (OCDE, 2009). En tout cas, l’introduction aux États-Unis de limitations aux activités de banque d’investissement des banques de dépôts (notamment en 1956 et à la fin des années 1980) n’a pas été suivie d’un affaiblissement de la croissance économique mais d’une période de plus grande stabilité des intermédiaires financiers (OCDE, 2009).
46La séparation décidée par le législateur ne fait pas de distinction entre les titres primaires détenus aux fins de négociation et les positions sur produits dérivés. Les premiers financent l’activité économique de la même manière que les crédits bancaires. En fait, de récentes études empiriques de l’OCDE laissent penser que ces actifs rendent les banques plus sûres, alors que d’importantes positions sur produits dérivés augmentent le risque de défaillance (Blundell-Wignall et Roulet, 2012 ainsi qu’encadré 1.2 ci-dessus). En outre, les titres primaires permettent aux banques de satisfaire aux règles de liquidité. Centrer les seuils de séparation sur les produits dérivés contribuerait aussi à renforcer les contraintes de liquidité imposées aux banques. Dans cette optique, les produits dérivés devraient jouer un rôle important pour déterminer les obligations de séparation.
Recommandations relatives au renforcement de la résilience du secteur financier
- Veiller à ce que les banques soient correctement capitalisées. Introduire un ratio de levier obligatoire en complément des ratios de fonds propres, conformément aux accords internationaux. Envisager d’établir avant 2018 un ratio de levier pour les banques d’importance systémique.
- Accélérer la reconnaissance des pertes sur les actifs dépréciés. À cette fin, envisager d’exiger une évaluation des créances douteuses correspondant aux prix de marché des garanties correspondantes et appliquer le même régime aux obligations, y compris celles qui ne sont pas détenues dans le portefeuille négociable.
- La réglementation micro et macroprudentielle devrait tenter de remédier aux risques émanant encore des Landesbanken. Les Länder devraient poursuivre la restructuration des Landesbanken, y compris par des privatisations.
- Lors de la transposition dans la législation allemande de la directive de l’Union européenne sur le redressement et la résolution des défaillances bancaires, faire en sorte que les autorités puissent inclure aussi complètement que possible la dette bancaire dans le futur instrument de renflouement interne. Donner clairement la priorité à l’objectif de stabilité financière par rapport aux droits des créanciers lorsque la législation sur la résolution sera appliquée.
- Améliorer la gouvernance des Landesbanken et des caisses d’épargne, par exemple en exigeant que les membres de leurs conseils soient plus indépendants des gouvernements régionaux et des collectivités locales.
- Rechercher les moyens de rendre plus efficace l’obligation de séparation entre activités de banque d’investissement et de proximité. Envisager, par exemple, d’y inclure les titres détenuçs dans le cadre d’opérations de tenue de marché et de la focaliser sur l’exposition aux produits dérivés.
Bibliographie
Bibliographie
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Date de mise en ligne : 01/03/2017.