Sortir de la crise avec une économie plus réactive et mieux préparée aux défis du vieillissement
1L’économie belge a bien résisté tout au long de la crise, puisqu’elle a connu une hausse du chômage plus faible que de nombreux autres pays de l’OCDE. Néanmoins, la reprise est atone. Le principal enjeu de la politique budgétaire est de réduire une dette publique considérable et d’assurer la viabilité budgétaire. Le vieillissement de la population s’est déjà amorcé, ce qui exerce des pressions grandissantes sur les finances publiques. La maîtrise des dépenses exigera donc, entre autres, d’endiguer la montée du coût des soins de santé, tout en permettant au système de santé de s’adapter aux évolutions de la demande de la part d’une population plus âgée, comme indiqué dans le chapitre 1. L’évolution des modes de vie et des déplacements domicile-travail (ou « navettes ») peut déboucher sur une augmentation des flux de navetteurs interrégionaux (Bisciari et van Meensel, 2012). Dans le chapitre 2, nous nous efforçons de déterminer si l’infrastructure de transport en place est à même de s’ajuster à une telle évolution, et de relever le défi plus vaste que constitue l’absorption des flux internationaux de biens et services liés à la place qu’occupe la Belgique en tant que plaque tournante du commerce international.
La reprise est hésitante
2L’économie a connu une légère contraction en 2012, due à une progression toujours faible du revenu disponible réel, à l’assainissement des finances publiques et au fléchissement de la croissance en Europe et dans le monde. Ces facteurs se sont traduits par un recul de la consommation des ménages et de l’investissement en logements, ainsi que par un ralentissement marqué des exportations (tableau 1). En revanche, lemarché immobilier a fait preuve de résistance puisque les prix des logements se sont stabilisés à un niveau relativement élevé, en termes réels, ces dernières années – contrairement à ce que l’on a pu observer dans de nombreux autres pays de l’OCDE. Globalement, un écart de production négatif aussi important qu’en 2009, d’après les estimations de l’OCDE, est apparu.
Principaux indicateurs1,2
Principaux indicateurs1,2
1. Les comptes nationaux étant fondés sur des indices chaînes officiels, il existe un écart dans l’identité comptable entre le PIB en volume et les composantes de la demande réelle. Pour en savoir plus, voir les Sources et méthodes des Perspectives économiques de l’OCDE (www.oecd.org/fr/eco/sourcesmethodesdesperspectiveseconomiquesdelocde.htm).2. Contributions aux variations du PIB en volume (en pourcentage du PIB en volume de l’année précédente).
3L’assainissement budgétaire, mesuré par la variation du solde budgétaire corrigé des variations cycliques, a représenté au total près de 2 points de produit intérieur brut (PIB) en 2012. Toutefois, l’objectif budgétaire initial a été manqué, car la recapitalisation de Dexia, enregistrée comme un transfert de capital, a creusé le déficit de 0.8 % du PIB. L’axe essentiel du budget 2013 réside dans la croissance réelle nulle de la masse salariale du secteur public et la réduction d’autres dépenses, conjuguées à des mesures d’augmentation des recettes. L’objectif de déficit pour 2013 était initialement fixé à 2.15 % du PIB. Face au fléchissement de la conjoncture, le gouvernement a décidé, début 2013, de passer à des objectifs structurels, visant alors un assainissement de 1 % du PIB en 2013 en vue de parvenir à l’équilibre structurel en 2015. En conséquence, le déficit budgétaire sera vraisemblablement de 2½ pour cent du PIB en 2013. Si l’activité économique connaît une nouvelle détérioration, il serait contreproductif d’adopter de nouvelles mesures de redressement. Il conviendrait plutôt de mettre en œuvre les mesures d’assainissement budgétaire sous-jacent et de laisser jouer les stabilisateurs automatiques si la croissance s’écarte des hypothèses sous-jacentes.
4Le fonctionnement du marché du travail a été relativement satisfaisant. Le taux de chômage a moins augmenté que dans d’autres pays européens, du fait d’une rétention de main-d’œuvre généralisée, liée en partie à un recours massif aux dispositifs de chômage partiel (dit « chômage temporaire ») (graphique 1). Compte tenu du ralentissement de l’économie en 2012, l’utilisation de ces dispositifs a augmenté de nouveau, sans atteindre toutefois le niveau observé en 2009-10, limitant la hausse du chômage. Néanmoins, la croissance demeurant atone, les employeurs pourraient se montrer plus réticents à conserver leurs effectifs, ce qui pourrait entraîner de nouvelles augmentations du chômage. En outre, des problèmes structurels déjà anciens demeurent sur le marché du travail : niveau élevé du chômage structurel, faiblesse des taux d’emploi des jeunes et des seniors ainsi que des personnes peu qualifiées et des immigrés, et ample décalage entre l’offre et la demande sur le marché du travail.
Marché du travail1
Marché du travail1
1. Les données pour 2012 sont des estimations.5La compétitivité-coût de la Belgique (mesurée par les coûts unitaires de main-d’œuvre) s’est dégradée par rapport à l’Allemagne, ce qui a contribué à des pertes régulières de parts de marché à l’exportation (graphiques 1 et 2) et à une dégradation du solde des paiements courants. La croissance réelle des salaires a été très faible en 2011-12 et le gouvernement l’a fixée à zéro pour 2013-14. La croissance nominale des salaires a été plus rapide, notamment parce que le renchérissement des produits énergétiques a renforcé la hausse des prix à la consommation, ce qui s’est traduit par une augmentation des rémunérations du fait du mécanisme d’indexation automatique des salaires. En outre, des pertes de parts de marché relativement importantes ont eu lieu sur des marchés connaissant une expansion relativement lente, reflétant la focalisation des exportations de la Belgique sur des marchés européens parvenus à maturité, malgré la croissance rapide des exportations à destination des économies émergentes d’Asie au cours des dix dernières années. Il semble que les exportations belges ne progressent pas le long de la chaîne de valeur ajoutée en raison d’un manque de produits innovants, de sorte qu’elles restent exposées à la concurrence relativement vive des économies émergentes et des nouveaux États membres de l’Union européenne (UE) (BNB, 2012a).
La Belgique a subi des pertes de parts de marché plus importantes que ses concurrents
La Belgique a subi des pertes de parts de marché plus importantes que ses concurrents
Comment lire ce graphique : Une diminution de l’indice représente une dégradation des résultats à l’exportation d’un pays, au sens où il perd des parts de marché sur ses marchés d’exportation (autrement dit, le poids relatif de ses produits dans les importations d’autres pays diminue). Ainsi, un recul de 20 % de l’indice signifie que les exportations sont inférieures de 20 % au niveau qu’elles auraient atteint si les parts de marché du pays considéré étaient demeurées constantes.6La crise économique et financière a conduit les banques à recentrer leurs activités sur le marché intérieur. Elles ont réduit leur exposition directe vis-à-vis de la périphérie de la zone euro en ramenant leurs portefeuilles de titres de dette publique de plus de 40 milliards EUR à environ 10 milliards EUR à la mi-2012. Ce modèle plus axé sur le marché intérieur présente sans doute des risques plus limités, dans la mesure où le taux de défaillance sur les prêts accordés à des agents économiques résidents reste relativement faible, même si les prêts hypothécaires accordés au cours de certaines des dernières années pourraient se révéler plus risqués, en raison de l’ampleur de ces crédits au regard des revenus des emprunteurs (BNB, 2012b). Un autre facteur stabilisateur réside dans le fait que le financement des banques repose davantage sur leurs dépôts en Belgique que dans d’autres pays de la zone euro, et qu’elles sont donc moins tributaires des marchés de capitaux, qui se caractérisent par leur volatilité (graphique 3). Des dispositions juridiques adoptées récemment autorisent les banques à émettre des obligations sécurisées, ce qui leur permet de diversifier leurs sources de financement.
Le ratio prêts/dépôts des banques est faible pour la zone euro1
Le ratio prêts/dépôts des banques est faible pour la zone euro1
Actifs détenus sous forme de crédits par le secteur bancaire, en pourcentage des liquidités et des dépôts, 20111. Groupes bancaires nationaux et banques indépendantes nationales, ainsi que les filiales et succursales sous contrôle étranger. Prêts et créances y compris les contrats de location-financement et dépôts totaux ne provenant pas d’autres établissements de crédit, exprimés dans les deux cas en pourcentage des actifs totaux.
7L’engagement des pouvoirs publics dans le secteur financier reste considérable, puisque les garanties publiques – qui concernent essentiellement Dexia – représentaient au total 16 % du PIB à la fin de 2012. D’autres banques, telles que KBC et BNP Fortis, sont en train de réduire leur dépendance à l’égard des capitaux et des garanties publiques, dans un contexte d’amélioration de la situation des marchés de capitaux. Dexia a été scindée en 2011 puis recapitalisée pour la deuxième fois. Les branches bancaires belge et française de l’établissement ont été nationalisées et la première a été rebaptisée Belfius, tandis que des filiales étrangères ont été vendues. Le reste des actifs illiquides du groupe, représentant environ 75 % du PIB belge, a été conservé par Dexia Holding, qui a par ailleurs mis un terme à ses activités commerciales. Dexia Holding a l’intention de garder des actifs considérés comme sous-évalués ou illiquides (notamment des prêts accordés à des collectivités locales et des obligations souveraines souscrites dans toute l’Europe), jusqu’à leur échéance, tout en bénéficiant de garanties publiques (de la part de la Belgique, de la France et du Luxembourg) pour refinancer sa dette. Néanmoins, Dexia Holding reste vulnérable, particulièrement si la situation économique et financière de la zone euro devait se dégrader davantage que ne le prévoit le plan de restructuration approuvé par la Commission européenne. Dans un tel cas, Dexia Holding pourrait représenter un risque budgétaire supplémentaire pour l’État.
8On s’attend à une reprise lente en 2013, la croissance du commerce mondial s’accélérant et la demande intérieure étant stimulée par la politique monétaire accommodante mise en œuvre à l’échelle de la zone euro. Toutefois, le nécessaire assainissement des finances publiques exercera un effet de freinage. Compte tenu de la faiblesse de l’expansion économique, le taux de chômage devrait augmenter jusqu’à la fin de l’année 2013. La reprise devrait s’accélérer en 2014 sur fond de raffermissement de la croissance mondiale, ce qui, conjugué aux conditions monétaires toujours favorables, devrait entraîner un redressement de la demande intérieure.
9Les risques qui entourent les perspectives économiques sont équilibrés. S’agissant des risques à la baisse, les banques pourraient réduire l’accès au crédit pour respecter les dispositions des accords de Bâle III, ce qui pourrait nuire à la reprise et déclencher une correction sur le marché du logement. De même, si les employeurs se montraient moins disposés à conserver leur main-d’œuvre, il pourrait en résulter une montée du chômage, ce qui pourrait freiner la consommation privée. S’agissant des risques à la hausse, les réformes des systèmes de retraite et d’allocations de chômage engagées par le gouvernement (voir ci-après) pourraient déboucher sur une augmentation plus rapide que prévu de l’offre effective de main-d’œuvre, contribuant au redressement de la croissance. En outre, si la résolution de la crise des dettes souveraines se poursuit dans la zone euro, cela pourrait réduire l’écart de taux d’intérêt vis-à-vis de l’Allemagne, ce qui serait bénéfique pour la demande intérieure.
La croissance à long terme et l’environnement
10L’OCDE estime que le taux de croissance potentiel est aujourd’hui de l’ordre de 1½ pour cent. Néanmoins, sous réserve de réformes structurelles importantes relatives aux marchés du travail et de produits, elle pourrait atteindre à terme 2 %, d’après le scénario de croissance à long terme de l’OCDE (OCDE, 2012). Une étude empirique donne à penser qu’un ensemble de réformes structurelles visant les marchés des produits et du travail (imposition du travail, retraites, législation sur la protection de l’emploi, indemnisation du chômage et mesures d’activation) pourraient accroître le PIB potentiel de 5 points de pourcentage sur 5 ans, et de 10 points sur 10 ans (Bouis et Duval, 2011). Une croissance régulière plus forte faciliterait l’assainissement budgétaire et permettrait une réduction relativement rapide de la charge de la dette publique, qui est considérable (voir la partie consacrée à la politique budgétaire à moyen terme ci-après). En ce qui concerne la réforme des marchés de produits, il avait été souligné dans les précédentes Études économiques relatives à la Belgique qu’il était possible de déréglementer le secteur du commerce de détail et de renforcer la concurrence dans les industries de réseau. Quant aux réformes préconisées concernant le marché du travail, elles ont fait l’objet d’une analyse dans l’Étude précédente et un certain nombre de leurs principaux aspects sont abordés ci-après.
11Une augmentation régulière du PIB et, de manière plus générale, du niveau de vie passe par une amélioration des performances environnementales. S’agissant des gaz à effet de serre (GES), la Belgique est parvenue à réduire ses émissions depuis 2000 (graphique 4, partie B), mais compte tenu du redressement de l’économie, les prévisions de la Commission européenne laissent à penser que des efforts supplémentaires seront nécessaires pour atteindre l’objectif européen de réduction des émissions à l’horizon 2020. L’essentiel des émissions non couvertes par le système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre (SCEQE) provient des secteurs du logement et des transports, comme indiqué dans la précédente Étude économique consacrée à la Belgique (OCDE, 2011). Les émissions dues au secteur des transports tiennent à l’ampleur des déplacements domicile-travail (« navettes ») et à une forte proportion de véhicules à moteur diesel, qui bénéficient d’une fiscalité avantageuse (comme indiqué dans la section sur les infrastructures, ci-après). Cela entraîne également une augmentation de la pollution atmosphérique, qui a des effets négatifs sur la santé. De fait, le nombre d’années de vie perdues en raison des émissions de particules est relativement élevé en Belgique (graphique 4, partie C) et les niveaux d’exposition à l’ozone et au dioxyde d’azote (NO2) sont fréquemment supérieurs aux limites définies par l’UE et aux seuils considérés comme sans danger par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) (AEE, 2010).
Indicateurs environnementaux1,2,3
Indicateurs environnementaux1,2,3
1. Surface imperméabilisée en pourcentage de la superficie totale du pays. L’imperméabilisation désigne une modification de la nature des sols, principalement due à des travaux de construction, qui les rend imperméables.2. Émissions directes brutes, hors émissions ou absorptions imputables à l’utilisation des terres, au changement d’affectation des terres et à la foresterie (UTCF). Le Chili, la Corée, Israël et le Mexique ne sont pas inclus dans la zone OCDE.
3. En pourcentage de la population totale. Données partielles uniquement pour la Belgique.
12La qualité de l’eau est relativement médiocre, ce qui tient à une utilisation relativement forte des pesticides et des engrais azotés, ainsi qu’au système de traitement des eaux usées qui, malgré des améliorations récentes, est moins développé que dans d’autres pays (graphique 4, partie D) (OCDE, 2007 ; AEE, 2010). En outre, les surfaces imperméabilisées représentent une proportion de la superficie du pays relativement élevée en termes de comparaison internationale (graphique 4, partie A), ce qui tient à la forte densité de population et à l’étalement urbain, sachant que les surfaces affectées au transport et au logement sont considérables – autant de facteurs qui contribuent à l’augmentation du transport routier, de la pollution atmosphérique et des émissions de GES, mais également à une accentuation des risques d’inondation et à une réduction de la biodiversité.
La viabilité des finances publiques
13Le gouvernement s’est engagé à ramener le solde budgétaire à l’équilibre en 2015, en mettant l’accent de manière à peu près équivalente sur les dépenses et les recettes. Il a également lancé une réforme du système de fédéralisme budgétaire, destinée à déléguer davantage de compétences en matière de dépenses et de fiscalité aux régions et aux communautés.
14Dans les temps à venir, une stratégie d’assainissement budgétaire à moyen terme doit être élaborée afin d’assurer la viabilité des finances publiques. Trois problèmes intimement liés doivent être traités. Le rythme de réduction de la dette publique détermine dans quelle mesure les charges d’intérêts diminuent, ce qui permet de financer en partie les augmentations inévitables de dépenses liées au vieillissement démographique. Simultanément, les mesures structurelles prises pour endiguer les pressions à la hausse exercées sur les dépenses du fait du vieillissement déterminent l’ampleur des augmentations inévitables dans ce domaine. Une fois ces deux variables fixées, on peut évaluer dans quelle proportion il faudrait réduire les dépenses non liées au vieillissement pour dégager les marges de manœuvre nécessaires au financement de l’intégralité des augmentations inévitables des dépenses liées au vieillissement.
15La définition d’une stratégie budgétaire à moyen terme requiert l’implication de l’administration fédérale ainsi que des régions et communautés. Depuis la récente réforme du système de fédéralisme budgétaire (qui est décrite ci-après), les dépenses liées au vieillissement démographique relèvent encore pour l’essentiel de la compétence de l’administration fédérale. Cela signifie que la réduction de la dette pourrait nécessiter (suivant l’efficacité des mesures structurelles prises pour limiter les pressions à la hausse exercées sur les dépenses du fait du vieillissement) un accroissement des recettes de l’administration fédérale. Par ailleurs, il appartiendra principalement aux régions et aux communautés de réduire dans la mesure nécessaire les dépenses non liées au vieillissement.
Alléger la charge de la dette publique
16La dette publique représentait près de 100 % du PIB en 2012, et la réalisation de l’objectif budgétaire de 2015 pourrait la ramener à son niveau de 2011, aux alentours de 98 % du PIB, à supposer que l’accélération de la croissance se poursuive en 2015. Au-delà, les autorités devraient s’attacher à réduire régulièrement leur endettement afin de renforcer la confiance des investisseurs, d’atténuer les effets négatifs induits sur la croissance par le niveau élevé de la dette publique, et de réduire les charges d’intérêts pour dégager les marges de manœuvre budgétaires nécessaires au financement des dépenses liées au vieillissement. Si l’on pose l’hypothèse d’une croissance du PIB réel de 2 % et d’une inflation de 2 % (en moyenne), un solde budgétaire équilibré après 2015 permettrait de ramener la dette à 60 % du PIB en 2025 et à 35 % en 2040, tandis qu’un excédent budgétaire de 1 % du PIB se traduirait par une diminution nettement plus importante et réduirait les charges d’intérêts de ½ point de PIB supplémentaire en 2025 (graphique 5). En revanche, si la croissance du PIB réel était de 1½ pour cent par an, il faudrait quelques années de plus pour que le niveau de la dette par rapport au PIB retombe à 60 %.
Scénarios d’évolution de la dette publique1
Scénarios d’évolution de la dette publique1
1. Ce graphique représente la trajectoire de la dette publique et des charges d’intérêts au titre de cette dette dans trois scénarios. Dans le scénario de référence, il est supposé que le budget des administrations publiques est équilibré à partir de 2015, ce qui implique que les augmentations de dépenses liées au vieillissement démographique (notamment en matière de retraite et de santé) sont soit endiguées, soit compensées par la réduction d’autres dépenses. Le scénario « Excédent budgétaire » repose sur l’hypothèse d’un solde budgétaire positif de 1 % du PIB après 2016, avec les mêmes implications pour les dépenses liées au vieillissement. Dans le troisième scénario, il est supposé que les augmentations des dépenses liées au vieillissement ne sont ni endiguées ni compensées, mais financées par endettement. Ce scénario n’est pas censé être réaliste, compte tenu du caractère intenable de la trajectoire de la dette, mais il illustre l’ampleur du défi que représente le vieillissement de la population. Les prévisions de croissance du PIB et de taux d’intérêt proviennent de la base de données à long terme de l’OCDE. Les estimations des dépenses liées au vieillissement démographique proviennent du rapport sur le vieillissement de 2012 de la Commission européenne (disponible uniquement en anglais sous le titre The 2012 Ageing Report).17Il sera difficile de conserver un budget équilibré ou en léger excédent, étant donné que le vieillissement démographique renforce déjà les pressions à la hausse qui s’exercent sur les dépenses dans les domaines de la santé et des retraites. Les autorités belges estiment que les augmentations de dépenses liées au vieillissement représenteront un peu plus de 6 % du PIB d’ici à 2060. Les estimations plus élevées de la Commission européenne, à savoir 8½ points de PIB, reflètent en grande partie des hypothèses moins favorables concernant le marché du travail que pour la plupart des autres pays de l’UE (Commission européenne, 2012a et 2012b). Il s’agit dans les deux cas de chiffres élevés (graphique 6). Faute de mesures appropriées, les pressions du vieillissement sur les dépenses pourraient déboucher sur une montée de la dette publique et des charges d’intérêts à partir du début des années 2020. Dans ce contexte, l’enjeu est de contenir ces pressions par le biais de vastes réformes des retraites et de la santé, tout en maîtrisant les dépenses non liées au vieillissement afin de dégager des marges de financement pour les augmentations inévitables des dépenses de retraite et de santé.
Les augmentations escomptées des dépenses liées au vieillissement démographique sont relativement fortes1
Les augmentations escomptées des dépenses liées au vieillissement démographique sont relativement fortes1
Points de PIB, 2010-601. Chaque barre est la somme des trois composantes des dépenses liées au vieillissement, fondée sur l’hypothèse de politiques inchangées. En Belgique, le vieillissement de la population devrait entraîner des augmentations de dépenses publiques au titre des retraites, des soins de santé et des soins de longue durée qui, mesurées en pourcentage du PIB, devraient être de 5.1 points, 2.7 points et 0.4 point, respectivement, entre 2010 et 2060. En Estonie, en Italie, en Pologne et au Danemark, les prévisions mettent en évidence un recul des dépenses de retraite en proportion du PIB.
La réforme du système de retraite anticipée devrait améliorer la viabilité des finances publiques
18La Belgique se caractérise par un des âges effectifs de départ en retraite les plus bas de la zone OCDE, et l’essentiel de son augmentation au cours de la dernière décennie est imputable à la hausse du taux d’activité des femmes et à un recul des départs en retraite très précoces (graphique 7). Le Pacte de solidarité entre les générations de 2005 n’a pas eu l’effet escompté sur l’âge effectif de la retraite. Le gouvernement a donc engagé une réforme du système de retraite anticipée et du régime de prépension (qui se caractérise par le cumul d’allocations de chômage et d’un complément de l’employeur, conjugué à des obligations de recherche d’emploi moins strictes), notamment en révisant à la hausse les conditions d’âge et de carrière et en réduisant les droits à prestations (Gouvernement belge, 2012). Ces réformes constituent de premières avancées importantes vers un relèvement de l’âge effectif de la retraite (encadré 1). Par ailleurs, des dispositions ont été adoptées pour améliorer les perspectives d’emploi des seniors, notamment l’obligation faite aux entreprises d’une certaine taille d’élaborer un plan pour l’emploi des travailleurs âgés.
Âge effectif moyen et âge légal de la retraite1,2,3
Âge effectif moyen et âge légal de la retraite1,2,3
2006-20111. L’âge effectif moyen de la retraite est défini comme l’âge moyen de sortie de la population active sur une période de 5 ans. Les sorties (nettes) de la population active sont estimées à partir de la différence entre le taux d’activité de chaque groupe d’âge de 5 années (à partir de 40 ans) au début de la période considérée et le taux d’activité de ce même groupe âgé de 5 années supplémentaires à la fin de cette période. L’âge légal est celui auquel un travailleur peut percevoir une pension de retraite indépendamment de la durée de sa période de cotisation au régime d’assurance vieillesse.
2. L’âge légal de la retraite indiqué est celui de 2010.
3. Les travailleurs peuvent prendre leur retraite à 60 ans avec 40 années de cotisations en Belgique et en France ; à 58 ans avec 35 années de cotisations en Grèce et à 57 ans (56 pour les travailleurs manuels) avec 35 années de cotisations en Italie.
Encadré 1. Les réformes de 2012 du système de retraite anticipée
Le système de prépension a été rebaptisé « régime de chômage avec complément d’entreprise ». Dans ce système, les allocations de chômage reçues par les bénéficiaires sont complétées par une indemnité obligatoire de l’employeur, correspondant à 50 % de la différence entre le salaire net de référence et l’allocation de chômage, à laquelle vient s’ajouter un supplément négocié dans de nombreux secteurs. Avec la réforme, l’âge d’accès au régime sera porté à 60 ans en 2015 (et la durée de carrière requise à 40 années) et à 55 ans dans les régimes spéciaux applicables aux entreprises en difficulté ou en restructuration. De plus, les compléments d’allocations seront assujettis à des cotisations patronales de sécurité sociale dont le taux sera doublé et atteindra 95-100 % pour les travailleurs de moins de 55 ans, 50 % pour les personnes âgés de 55 à 60 ans, et 25 % pour les travailleurs de plus de 60 ans. Dans le cas des entreprises en restructuration, les taux varieront entre 75 % et 20 %, tandis que les anciennes règles continueront de s’appliquer aux entreprises en difficulté.
Les droits à pension acquis pendant la période de prépension sont réduits, dans la mesure où ils ne seront pas fondés sur le salaire de l’emploi antérieur jusqu’à l’âge de 60 ans, mais sur un montant forfaitaire de l’ordre de 22 200 EUR par an. Cette mesure ne s’appliquera pas aux régimes spéciaux. En outre, tous les chômeurs, y compris les prépensionnés, se verront appliquer dès 2013 les procédures de suivi de recherche d’emploi et d’activation jusqu’à l’âge de 55 ans, et jusqu’à l’âge de 58 ans à partir de 2016.
19Ces réformes devraient réduire le nombre de retraités de 1.7 % en 2060 et rehausser le taux d’emploi des seniors (c’est-à-dire des personnes de plus de 55 ans) de 5½ points de pourcentage pour le porter à 56.3 % en 2060 – soit un niveau qui reste faible par rapport à ceux observés actuellement dans d’autres pays (Conseil supérieur des finances, 2012). Ce chiffre est nettement en deçà de l’objectif national de taux d’emploi fixé à 73.2 % pour le groupe d’âge des 20-64 ans en 2020 (sachant qu’il s’établit actuellement à 67 %), qui ne pourra être atteint qu’en renforçant encore les incitations à rester sur le marché du travail. Dans le système de retraite anticipée, on pourrait resserrer le lien entre carrière et pension en élargissant le champ d’application de la méthode forfaitaire (suivant laquelle les droits à pensions sont calculés sur la base d’une somme fixe de 22 200 EUR par an et non du salaire antérieur) à toutes les personnes faisant valoir leurs droits à une prépension. Cela devrait s’accompagner d’un nouvel allongement de la durée de carrière requise.
20Néanmoins, ces ajustements ne modifieront en rien le fait que l’accès à la retraite anticipée repose sur des règles qui ne tiennent actuellement aucun compte de l’aptitude au travail. Étant donné la nécessité d’assurer la viabilité des finances publiques, il conviendrait d’envisager de remplacer le système actuel fondé sur des règles par un mécanisme d’évaluation individuelle de l’aptitude au travail. Dans le cadre du système de prépension, la dégressivité des cotisations de sécurité sociale liée à l’âge des bénéficiaires incite les employeurs à cibler l’utilisation de ce système sur les travailleurs âgés (encadré 1). Par conséquent, il faudrait appliquer aux compléments de prestations un seul et même taux de cotisation de sécurité sociale pour tous les groupes d’âge, et veiller parallèlement à ce que les bénéficiaires soient soumis aux mêmes mesures, en matière d’incitations à la recherche d’emploi (voir ci-après), que celles qui s’appliquent aux autres chômeurs, en supprimant le régime dérogatoire appliqué aux plus de 55 ans.
La réforme du système de fédéralisme budgétaire assure une plus grande cohérence entre les compétences en matière de recettes et de dépenses des régions et communautés
21Une réforme du système de fédéralisme budgétaire (désignée sous le nom de « réforme de l’État » en Belgique) a été adoptée en 2012 et sera mise en œuvre au cours de la session parlementaire. Cette réforme attribue davantage de compétences en matière de dépenses aux régions et communautés (estimées à 4½ pour cent du PIB de 2011) notamment dans les domaines des allocations familiales, des soins de longue durée et des politiques du marché du travail. Cela laissera à l’administration fédérale environ 54 % des dépenses primaires (et la plupart des dépenses de sécurité sociale), dont un peu plus de deux tiers sont des dépenses sociales. La réforme de l’État sera complétée par une réforme du système de financement des administrations publiques qui renforcera l’autonomie fiscale des régions de manière à ce que leurs ressources couvrent approximativement les dépenses relevant actuellement de leur compétence. Les nouvelles prérogatives des régions et des communautés en matière de dépenses donnent lieu à de nouveaux transferts de l’administration fédérale (encadré 2). Ces réformes assurent une plus grande cohérence entre les compétences en matière de dépenses et de fiscalité, conformément aux recommandations formulées dans le chapitre sur le fédéralisme budgétaire de l’Étude économique de 2009 sur la Belgique (OCDE, 2009).
Encadré 2. La réforme du système de fédéralisme budgétaire (réforme de l’État)
L’autonomie fiscale accordée aux régions représente un quart de l’ensemble des recettes tirées de l’impôt des personnes physiques (IPP), ce qui entraîne une augmentation du poids relatif de leurs recettes fiscales propres, qui passent de moins de 50 à 70 %, la région flamande affichant de ce point de vue la proportion la plus élevée.
La loi révisée de financement des communautés et régions confère à ces dernières le pouvoir de fixer de manière autonome des taux d’IPP s’ajoutant aux taux de l’impôt des personnes physiques définis par l’administration fédérale. Néanmoins, ce pouvoir des régions est limité, dans la mesure où la progressivité de l’impôt ne peut être réduite de plus 1 000 EUR par contribuable. Au départ, la part des recettes d’IPP revenant aux régions (environ un quart, équivalant à près de 4 % du PIB) ne changera pas. Un des objectifs affichés de la réforme de la loi de financement des communautés et régions est d’éviter toute concurrence fiscale déloyale et de préserver la progressivité de l’imposition des revenus.
Les nouveaux transferts sont (pour l’essentiel) des dotations, qui sont partagées entre les régions sur la base de la clé de répartition de l’IPP, tandis qu’elles sont attribuées aux communautés en fonction des besoins dans divers secteurs de dépenses.
En outre, via une dotation supplémentaire représentant 0.1 % du PIB octroyée à partir de 2015, la région de Bruxelles-Capitale obtient une compensation financière légèrement meilleure pour les externalités des déplacements domicile-travail (dits « navettes ») interrégionaux et la forte présence de fonctionnaires internationaux, ainsi que des dotations au titre de la sécurité, du bilinguisme, des transports et de l’éducation.
En outre, le mécanisme de l’intervention de solidarité a été révisé de manière à réduire les effets pervers du précédent système, dans lequel une amélioration de la situation économique entraînait une diminution des transferts (Leibfritz, 2009).
La première année, la réforme de l’État a une incidence budgétaire neutre à tous les niveaux d’administration, du fait de l’application d’un mécanisme de transition suivant lequel le pouvoir fédéral verse ou reçoit des sommes forfaitaires destinées à compenser toute perte ou augmentation de ressources constatée au niveau des entités fédérées. Par la suite, le montant de ces transferts sera maintenu constant en termes nominaux pendant dix ans, avant d’être réduit progressivement et ramené à zéro au terme de la décennie suivante.
22Ces réformes pourraient déboucher sur des politiques publiques mieux ciblées et caractérisées par une plus grande efficience économique, en permettant aux régions d’adapter ces politiques à leurs besoins, même si certains problèmes de coordination risquent de se poser. Ainsi, les régions peuvent utiliser leurs nouvelles compétences en matière de subventions salariales pour cibler des groupes spécifiques au niveau régional, ce qui peut inciter les entreprises et les demandeurs d’emploi à des comportements stratégiques sur un plan géographique. À la suite des réformes, tant l’administration fédérale que les régions peuvent déterminer des taux d’imposition au titre de l’impôt des personnes physiques (IPP), et les régions peuvent réduire certaines cotisations de sécurité sociale pour favoriser l’emploi dans certaines catégories de population. À cet égard, il conviendrait de veiller à éviter toute augmentation des taux marginaux effectifs d’imposition, qui sont déjà élevés en termes de comparaison internationale, afin de ne pas aggraver les phénomènes de pièges liés au marché du travail décrits dans l’Étude économique de 2011 (OCDE, 2011).
23Le transfert de compétences en matière de dépenses et de fiscalité nécessite un renforcement du cadre budgétaire pour assurer la viabilité des finances publiques (Commission européenne, 2012c). Le dispositif de partage de la charge de l’assainissement budgétaire doit intégrer une stratégie de redressement des comptes publics àmoyen terme arrêtée d’un commun accord, dans le cadre de laquelle l’administration fédérale, les régions et les communautés déterminent le rythme de réduction de la dette et décident des mesures de réforme structurelle qui seront prises pour endiguer la montée des dépenses liées au vieillissement. L’essentiel de ces dépenses restant de la compétence de l’administration fédérale, il pourrait s’avérer nécessaire à plus long terme de rééquilibrer les flux de recettes en direction de l’administration fédérale, ou de transférer davantage de charges aux régions et communautés. Un pas a été accompli dans cette direction, puisque les régions et communautés vont progressivement prendre en charge une plus grande part du financement des retraites de leurs salariés (9 % d’ici 2030). Les autorités feraient un pas supplémentaire vers un transfert intégral de compétences dans ce domaine en faisant en sorte que les cotisations permettent de couvrir intégralement les pensions dans le cadre du système de retraite, qui est financé pour l’essentiel par répartition.
24Les dispositifs à court terme utilisés jusqu’ici afin d’atteindre les objectifs budgétaires généraux risquent de ne pas être suffisants pour faire face aux besoins d’assainissement des finances publiques à long terme ou à l’évolution de la structure des dépenses. Un cadre plus solide de partage de la charge permettrait de mieux prendre en compte la stratégie d’assainissement budgétaire à moyen terme destinée à garantir le respect des règles de l’UE. Un tel cadre devrait contenir, pour tous les niveaux d’administration, des règles pluriannuelles claires et transparentes concernant les dépenses et les soldes budgétaires. Outre la trajectoire de réalisation des objectifs convenus, il devrait intégrer des règles claires applicables aux gains budgétaires exceptionnels. Un point important à traiter réside dans l’établissement de règles applicables en cas de non-respect des objectifs arrêtés – en particulier en cas de manquement aux règles de l’UE susceptible de déclencher des sanctions au niveau européen.
Encadré 3. Principales recommandations en matière de politique budgétaire
Mettre en place un cadre solide de partage de la charge de l’assainissement budgétaire, qui devrait contenir, pour tous les niveaux d’administration, des règles pluriannuelles claires et transparentes concernant les dépenses et les soldes budgétaires.
Resserrer le lien entre carrière et pension dans le cadre du système de retraite anticipée, et appliquer à tous les chômeurs âgés les procédures normales de suivi de recherche d’emploi et d’activation.
Mesures destinées à stimuler l’offre et la demande de main-d’œuvre
25Les autorités ont réformé le système d’allocations de chômage en 2012 pour inciter davantage les travailleurs sans emploi à chercher du travail. Le taux de remplacement assuré par les allocations de chômage est maintenant dégressif dans le temps, de sorte qu’après une période comprise entre 16 et 48 mois de chômage (selon la durée de la carrière), il assure un revenu tout juste supérieur à l’aide sociale (encadré 4).
Encadré 4. La réforme du système d’indemnisation du chômage
Dans le cadre du système spécial d’allocations destinées aux jeunes qui sortent du système scolaire et aux jeunes diplômés (les anciennes « allocations d’attente » rebaptisées « allocations d’insertion », dont le nombre total de bénéficiaires est proche de 100 000), la période obligatoire d’attente avant le versement des allocations a été prolongée d’une durée allant jusqu’à six mois et portée, de manière standard, à une année entière. En outre, le demandeur doit s’acquitter de nouvelles obligations de recherche active d’emploi avant d’obtenir ces allocations, puis tous les six mois. Enfin, leur durée de versement, qui était précédemment illimitée, a été généralement restreinte à trois ans.
Le suivi de la recherche d’emploi va être renforcé grâce au transfert, de l’administration fédérale aux régions, du système d’évaluations périodiques et de sanctions en matière de recherche d’emploi. Cette responsabilité relevant désormais entièrement des services publics de l’emploi (SPE) régionaux, cela devrait réduire les délais entre infractions et sanctions et, partant, améliorer l’efficacité du suivi de la recherche d’emploi. En outre, les chômeurs âgés seront soumis à la procédure normale de recherche active d’emploi jusqu’à 55 ans (et non plus 50), et jusqu’à 58 ans à partir de 2016.
Les autorités envisagent de compléter le durcissement des obligations de recherche d’emploi par une application plus précoce des mesures d’activation, qui pourraient intervenir au bout de 12 mois de chômage (au lieu de 21) et au bout de 9 mois (au lieu de 25) pour les jeunes chômeurs. Un autre élément de ce projet est d’avancer le premier contact avec le SPE en le programmant au bout de 9 mois et même le premier jour de la période de chômage pour les jeunes.
26En termes de renforcement de l’offre effective de main-d’œuvre, l’efficacité de la réforme est quelque peu amoindrie en raison du gel de la réduction des prestations à partir de 55 ans (ou plus tôt en cas de carrière longue), ce qui revient à exclure les travailleurs âgés de son champ d’application. En outre, les seniors (à partir de 55 ans aujourd’hui et de 58 ans ultérieurement) sont dispensés des obligations normales de recherche active d’emploi. Ces dérogations signifient que le nouveau cadre amélioré ne s’appliquera pas au groupe d’âge qui se caractérise par un des taux d’emploi les plus faibles en termes de comparaison internationale (graphique 8). Pour rehausser le taux d’emploi des seniors, il faut que les chômeurs âgés soient soumis aux mêmes règles que les autres en matière de prestations et d’obligations de recherche d’emploi.
Les taux d’emploi varient en fonction de l’âge en Belgique1,2
Les taux d’emploi varient en fonction de l’âge en Belgique1,2
En pourcentage de la populationComment lire ce graphique : la partie A du graphique indique quel est le pourcentage de la population de chaque tranche d’âge qui occupe un emploi. Ainsi, 18 % des Belges âgés de 60 à 64 ans occupent un emploi, alors que cette proportion est de 51.2 % pour un groupe de pays à fort taux d’emploi (défini dans la note 2) et de 41.6 % pour l’ensemble de la zone OCDE. Les parties B et C du graphique présentent les taux d’emploi de deux catégories d’âge (les 15-24 ans et les 60-64 ans) dans un certain nombre de pays.
1. Les pays de l’OCDE ont été classés par groupes en fonction de leurs taux d’emploi par tranche d’âge.
2. Pays caractérisés par les taux d’emploi les plus élevés par tranche d’âge. Moyenne simple des chiffres concernant l’Australie, le Canada, le Danemark, l’Islande, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suisse.
27De manière plus générale, les chômeurs parviennent la plupart du temps à retrouver du travail au cours des premiers mois de leur période de chômage, mais dans les autres cas, on observe une diminution des efforts de recherche et un retour à l’emploi plus difficile. Aussi, une approche plus efficace consisterait à appliquer les dispositifs d’activation au moment où les efforts de recherche d’emploi commencent à diminuer, par exemple au bout de 6 mois de chômage, afin de faciliter le retour à l’emploi.
28À la suite de la réforme, les régions sont moins incitées à veiller à l’efficacité des mesures d’activation que dans la plupart des autres pays, dans la mesure où ces régions bénéficient, certes, d’un taux d’emploi plus élevé mais pas des économies réalisées en termes d’allocations de chômage versées. On pourrait y remédier en attribuant aux régions une partie des économies réalisées au titre de l’indemnisation du chômage grâce à des mesures d’activation efficaces.
29Des mesures axées sur l’emploi sont mises en œuvre, notamment en faveur des jeunes, dans le cadre du plan de relance, qui prévoit la création de 10 000 stages de transition. L’employeur ne paie pas de charges sociales pendant la durée du stage et bénéficie ensuite d’allègements de charges sociales s’il conserve le travailleur concerné à la fin du stage. En outre, de nouvelles réductions ciblées des cotisations de sécurité sociale, notamment pour les trois premiers salariés embauchés par de nouvelles petites et moyennes entreprises (PME) et dans le secteur des hôtels et restaurants, visent à stimuler la demande de main-d’œuvre. Ces mesures devraient améliorer l’emploi pour les catégories et les secteurs ciblés, mais leur effet sur l’emploi global pourrait être limité. Néanmoins, ces mesures viennent s’ajouter à un système déjà complexe d’allègements de cotisations de sécurité sociale destinés à aider différentes catégories d’actifs (comme les seniors et les travailleurs du secteur de la recherche-développement [R-D], par exemple), dont les objectifs sont parfois contradictoires.
30Ces mesures ne correspondent cependant pas à une amélioration structurelle de la demande de main-d’œuvre nécessaire pour garantir que les réformes destinées à stimuler l’offre effective de main-d’œuvre débouchent véritablement sur une hausse de l’emploi et un recul du chômage. La demande de travailleurs jeunes et peu qualifiés est amoindrie par le niveau relativement élevé du salaire minimum légal, ainsi que par des salaires minimums sectoriels qui lui sont souvent supérieurs d’au moins 20 %, comme indiqué dans la précédente Étude économique relative à la Belgique (OCDE, 2011). De plus, le système de formation des salaires se traduit par une rigidité des salaires réels, ce qui contribue aux problèmes d’inadéquation entre l’offre et la demande sur le marché du travail et entrave la création d’emplois, en particulier à la suite de chocs extérieurs négatifs.
31Pour mieux stimuler la demande de travail peu qualifié, il faudrait davantage concentrer les réductions de cotisations de sécurité sociale sur les bas salaires, comme cela avait été recommandé dans l’Étude économique de 2011 consacrée à la Belgique (OCDE, 2011). Une telle approche contribuerait à remédier au problème des nombreux pièges liés au marché du travail qui ont été créés par les coins fiscaux les plus élevés d’Europe (graphique 9). La demande de travailleurs peu qualifiés serait également stimulée par une réduction des salaires minimums sectoriels au niveau du salaire minimum légal, et du plancher de rémunération des jeunes actifs via une application plus progressive du salaire minimum dans cette catégorie de population, comme aux Pays-Bas et aux États-Unis.
Les coins fiscaux sont élevés1,2
Les coins fiscaux sont élevés1,2
2011, en pourcentage des coûts de main-d’œuvreComment lire ce graphique : Le coin fiscal désigne les impôts sur les salaires (somme des impôts sur le revenu et des cotisations salariales et patronales de sécurité sociale) exprimés en pourcentage du salaire avant impôts (dit salaire brut). Ainsi, un travailleur célibataire belge rémunéré à hauteur de 67 % du salaire moyen se caractérise par un coin fiscal de 50 %.
1. Somme des impôts sur le revenu et des cotisations salariales et patronales de sécurité sociale, diminuée des prestations en espèces.
2. 2010 pour la Grèce.
32Le marché du travail belge se caractérise par une protection duale de l’emploi, qui risque de s’accentuer encore. En vertu d’un arrêt sur la non-discrimination rendu en 2011 par la Cour constitutionnelle, les règles de protection de l’emploi applicables aux employés et aux ouvriers devront être harmonisées d’ici juillet 2013. Pour l’heure, la protection des employés en termes de préavis et d’indemnités de licenciement est nettement plus poussée que celle des ouvriers. À titre de première mesure d’harmonisation, le délai de préavis applicable aux ouvriers ayant une ancienneté importante a été porté de 56 à 64 jours ouvrables, tandis que celui des employés ayant une rémunération élevée a été légèrement réduit. Au bout du compte, cela pourrait se traduire par une protection nettement plus forte pour les ouvriers (amenant potentiellement à des préavis de licenciement d’au moins 21 mois après 30 années passées chez le même employeur), ce qui alourdirait le coût du travail et réduirait la demande de main-d’œuvre, au détriment, plus particulièrement, des travailleurs peu qualifiés.
33En termes d’inadéquation de l’offre et de la demande, la situation du marché du travail est peu ou prou similaire à celle qui prévalait en 2007, avant que ne débute la crise. Les offres d’emploi sont essentiellement destinées à des travailleurs qualifiés, alors que 80 % des demandeurs d’emploi sont faiblement ou moyennement qualifiés, et qu’environ la moitié d’entre eux sont des chômeurs de longue durée (Zimmer, 2012). Cela dit, on estime que 22 % de l’ensemble des personnes en emploi sont surqualifiées par rapport aux fonctions qu’elles exercent. Cela s’explique peut-être, au moins en partie, par une structure salariale ramassée. Le processus étroitement coordonné de formation des salaires a préservé les écarts de salaires relatifs, ce qui signifie que les rémunérations ne reflètent pas les différences qui se font jour en matière de demande relative de main-d’œuvre et contribuent donc assez peu à favoriser les redéploiements d’effectifs en cours.
34Normalement, les phénomènes d’inadéquation entre l’offre et la demande de main-d’œuvre s’atténuent en cas de ralentissement économique, mais en Belgique, le recours massif aux dispositifs de chômage partiel (dit « chômage temporaire ») a empêché la montée du chômage et permis aux entreprises de conserver leurs meilleurs éléments à un faible coût, de sorte que des postes à pourvoir sont restés vacants. Cela s’explique par un processus de formation des salaires qui contraint les entreprises à réduire le nombre d’heures travaillées par leur personnel pour faire baisser leurs coûts, contrairement à la situation qui prévaut dans nombre d’autres pays européens, où la modération salariale peut également jouer un rôle à cet égard (De Mulder, J. et M. Druant, 2012). Le gouvernement a augmenté les cotisations patronales en cas d’utilisation prolongée de ces dispositifs (cette hausse entrant en vigueur au bout de 110 jours travaillés), mais cette augmentation devrait s’appliquer plus tôt afin de favoriser le redéploiement des travailleurs qualifiés (qui sont de plus en plus rares).
35Le processus de formation des salaires vise à faire en sorte que l’évolution des salaires en Belgique soit parallèle à l’évolution attendue des rémunérations dans les pays voisins, et à maintenir le niveau des salaires réels via un mécanisme d’indexation automatique (encadré 5). Les accords salariaux de 2009-10 et 2011-12 prévoyaient une très faible croissance des salaires en termes réels, mais l’indexation des salaires s’est traduite par une forte croissance nominale qui a renforcé le pouvoir d’achat des ménages et, partant, soutenu la demande intérieure (BNB, 2012a). Toutefois, c’est aussi de cette façon que les chocs négatifs de termes de l’échange, notamment le renchérissement de l’énergie, se sont transformés en hausse des salaires. Or cela s’accompagne d’effets pervers : tout choc négatif de termes de l’échange réduit en effet les revenus et le niveau de vie en Belgique, et cela doit se répercuter à un moment ou un autre sur les salaires réels. Si tel n’est pas le cas, il en résulte une dégradation de la compétitivité-coûts extérieure, ce qui va à l’encontre d’un des objectifs clés du Programme national de réforme (Gouvernement belge, 2012).
Encadré 5. Le système de formation des salaires
A priori, ce système devrait garantir une évolution parallèle des salaires en Belgique et chez ses partenaires commerciaux. En fait, il n’en est rien, dans la mesure où l’indexation automatique des salaires sur l’indice santé (défini par le gouvernement, et égal à l’indice des prix à la consommation hors carburants, tabac et alcool) se traduit par le fait que toute poussée d’inflation inattendue débouche sur une hausse des salaires.
Le mécanisme d’indexation automatique des salaires est inclus dans tous les accords salariaux sectoriels et entre en jeu lorsque l’indice santé atteint un seuil prédéterminé (généralement appliqué aux salaires dans le secteur public et dans certains pans du secteur privé) ou à intervalles fixes (dans la plupart des pans du secteur privé).
L’indexation ne s’applique pas uniquement aux salaires. Le gouvernement utilise le même indice santé pour indexer les revenus de transferts (les pensions, les allocations de chômage, les prestations de retraite anticipée, les allocations familiales et environ deux tiers des autres transferts sociaux) et les subventions (telles que les transferts destinés à la Société nationale des chemins de fer belges (SNCB) et à la Poste, ou les titres-services) ainsi que les tarifs dans le secteur des soins de santé (les droits d’admission à l’hôpital et en maison de repos, ainsi que les honoraires des médecins). En outre, de nombreuses entreprises utilisent des règles similaires pour lier leurs prix de vente aux évolutions des prix à la consommation, ce qui signifie concrètement que certains prix sont indexés en partie sur leurs propres augmentations (BNB, 2012a).
36Cela réduit également la flexibilité à la baisse des salaires réels et, partant, les possibilités d’ajuster la productivité et le nombre d’heures travaillées en cas de choc externe. Cela va probablement renforcer le risque de chômage relatif qui pèse sur les travailleurs faiblement qualifiés. L’élimination des effets négatifs de l’indexation des salaires passe, au minimum, par une rupture du lien entre le mécanisme d’indexation et les chocs sur les termes de l’échange. À cet égard, le gouvernement a adopté une réforme pour ralentir la transmission des variations des prix mondiaux de l’énergie à l’indice santé (et apporté d’autres ajustements à cet indice, afin qu’il reflète mieux l’évolution effective des prix). Cette réforme est une des mesures prises par le gouvernement dans le but d’éliminer progressivement d’ici à 2018 l’écart de salaire par rapport aux pays voisins. L’ajustement de l’indice santé pour mieux tenir compte de la consommation effective, une nouvelle réduction des cotisations de sécurité sociale à la charge des employeurs et le renforcement des politiques de la concurrence sont autant d’initiatives qui viennent s’ajouter à la décision de geler la croissance des salaires réels.
37Néanmoins, de telles mesures n’ont d’effets que sur une seule source (les prix internationaux de l’énergie) et un seul type de chocs (sur les termes de l’échange) (BNB, 2012a). D’autres sources et types de chocs continueront donc d’affecter l’économie via l’indexation des salaires. Le gouvernement en place s’est engagé à préserver l’indexation des salaires et les prochaines négociations salariales, pour 2015-16, auront lieu après les prochaines élections législatives. Néanmoins, le gouvernement devrait dès à présent encourager les partenaires sociaux à démanteler progressivement le mécanisme d’indexation automatique des salaires.
38Ce système d’indexation automatique ne s’applique pas uniquement aux rémunérations dans le secteur privé. De nombreuses entreprises utilisent l’indexation pour fixer les prix de leurs produits, ce qui signifie que certains prix sont en partie indexés sur eux-mêmes (BNB, 2012a), tandis que l’État indexe sur les prix les salaires dans le secteur public, les transferts et les subventions. Le gouvernement devrait s’autoriser à suspendre l’indexation dans une optique d’assainissement budgétaire, en cessant de l’appliquer aux salaires dans le secteur public et aux transferts. Une telle mesure constituerait un signal fort à l’intention des partenaires sociaux.
39Dans les temps à venir, le système de formation des salaires risque de déboucher sur une dégradation de la compétitivité extérieure, et ce même si l’évolution des salaires en Belgique suit celle attendue dans les pays voisins. En effet, compte tenu du rééquilibrage de la zone euro, les pays affichant des excédents des paiements courants (tels que l’Allemagne et les Pays-Bas) vont probablement connaître une période prolongée de hausse relativement forte des salaires, tandis que les pays en déficit entrent dans une phase d’inflation relativement faible pour regagner en compétitivité, ce qui signifie que les salaires belges seront liés à des rémunérations connaissant une augmentation relativement rapide. En outre, lier l’évolution des salaires en Belgique à celle escomptée dans les pays voisins équivaut de fait à la lier aux variations de la productivité dans ces mêmes pays (BNB, 2012a ; Aucremanne et al., 2012). Comme cela avait été souligné dans la dernière Étude, il serait bon pour la création d’emplois et la préservation de la compétitivité-coûts extérieure que la croissance des salaires soit uniquement liée à l’évolution de la productivité en Belgique, ce qui supposerait de revoir le processus étroitement coordonné de formation des salaires, tout en tenant compte de la nécessité de faire correspondre les salaires relatifs aux différences de demande de main-d’œuvre entre secteurs et entre entreprises.
Encadré 6. Principales recommandations destinées à compléter la réforme du marché du travail du gouvernement
Le gouvernement et les partenaires sociaux devraient envisager un nouveau processus de formation des salaires. Dans le cadre de cette réforme, il faudrait notamment encourager les partenaires sociaux à démanteler progressivement le mécanisme d’indexation automatique des salaires, afin d’éviter une pérennisation des effets des chocs externes négatifs.
Favoriser la création d’emplois et la préservation de la compétitivité-coûts extérieure en liant plus étroitement la croissance des salaires à l’évolution de la productivité en Belgique.
Les prestations de soins de santé doivent être fournies de manière plus efficiente et flexible dans une société vieillissante
40Les résultats obtenus sur le plan de la santé sont globalement satisfaisants, sachant que l’espérance de vie est légèrement plus courte en Belgique que dans la plupart des autres pays d’Europe occidentale, mais que les résultats enregistrés sont relativement bons pour un certain nombre de traitements (Joumard et al., 2010 ; Vrijens et al., 2013). Cet écart d’espérance de vie s’explique peut-être en partie par des facteurs liés au mode de vie, tels qu’un régime alimentaire relativement malsain et un manque d’activité physique. En outre, le système de santé est généralement loué pour son accessibilité, son absence de listes d’attente (sauf pour les soins de longue durée en établissement) et la liberté de choix des prestataires dont jouissent les patients. Certains éléments indiquent que les inégalités de santé entre différents groupes de revenu sont relativement faibles, même si elles s’accentuent.
41Le coût du système de santé est plus élevé que dans nombre d’autres pays de l’OCDE, même s’il est plus modeste que dans les pays européens voisins (graphique 10). Certains éléments indiquent que des économies pourraient être réalisées dans divers domaines. Le nombre de lits d’hôpitaux par millier d’habitants est un peu supérieur à la moyenne de l’OCDE, ce qui tient notamment au grand nombre de lits en établissements psychiatriques. Ces lits sont concentrés dans de grands hôpitaux généraux et leurs taux d’occupation sont relativement bas, malgré la durée importante des hospitalisations. Le nombre de consultations de médecins par habitant est plus élevé que dans d’autres pays, bien que le nombre de médecins en activité soit proche de la moyenne. De plus, la densité de pharmaciens est supérieure d’environ 50 % à la moyenne de l’OCDE. Le coût des services de santé est alourdi par les écarts d’efficience entre hôpitaux, par le système de paiement à l’acte, qui constitue le mode prédominant de rémunération des médecins et contribue à gonfler le volume des prestations, ainsi que par la forte consommation de médicaments.
Dépenses de santé et espérance de vie1,2,3
Dépenses de santé et espérance de vie1,2,3
1. 2009 pour l’Australie, le Chili, Israël, le Japon, le Luxembourg et le Mexique.2. Aucune décomposition disponible pour le Royaume-Uni, où les dépenses publiques incluent les dépenses privées.
3. Ou dernière année disponible (2006-10).
42Dans les temps à venir, un objectif essentiel est de préserver les éléments positifs du système, tout en améliorant son efficience économique pour contribuer à la maîtrise des dépenses alors que le vieillissement démographique s’accélère. L’organisation complexe du système et le rôle important qu’y jouent à la fois les négociations entre les différents acteurs et la réglementation publique conduisent également à se demander s’il est suffisamment flexible pour s’adapter à d’amples variations de la demande liées au vieillissement. L’un des risques possibles, si la maîtrise des dépenses est fondée sur le rationnement de l’offre, est l’apparition de listes d’attente et l’insuffisance des soins. La recherche d’une plus grande efficience économique passe nécessairement par une amélioration du cadre institutionnel et l’adoption de mesures structurelles au niveau des prestataires, afin d’améliorer les mécanismes d’incitation et la circulation des informations. Une fois que des progrès suffisants auront été accomplis, les autorités pourraient rendre le système plus réactif aux nouvelles demandes en faisant davantage jouer la fonction indicatrice des prix et en introduisant une plus grande flexibilité dans la fourniture des services de santé.
Mettre en œuvre une réforme institutionnelle pour améliorer les mécanismes d’incitation
43D’un point de vue historique, l’évolution du financement des soins de santé s’est traduite par le passage d’un système d’assurance liée à l’emploi à un régime public d’assurance universelle. Celle-ci relève de caisses d’assurance maladie, les « mutualités », dont les trois principales – la Mutualité chrétienne, la Mutualité socialiste et la Mutualité libre – contrôlent l’essentiel du marché. Les hôpitaux sont des organismes à but non lucratif traditionnellement liés à des ordres religieux, des universités ou des administrations locales. Le principal instrument de maîtrise des dépenses de santé réside dans le contrôle exercé par les pouvoirs publics sur le financement, la planification et la réglementation des soins. L’État et les caisses d’assurance maladie doivent notamment veiller à ce que les dépenses ne dépassent pas un plafond fédéral, si nécessaire en négociant conjointement des modifications des tarifs avec les prestataires de soins.
44Depuis le milieu des années 2000, ce plafond budgétaire a augmenté de 4½ pour cent par an en termes réels, ce qui représente une forte hausse en termes de comparaison internationale. En pratique, les augmentations de dépenses se sont révélées nettement inférieures à ce plafond, ce qui signifie que ce dernier n’a exercé aucune pression en faveur d’une amélioration de l’efficience économique du système. Les autorités se sont attaquées à ce problème en abaissant le niveau de ce plafond en 2012 et en autorisant une croissance réelle de 2 % en 2013 et de 3 % en 2014. Or il est possible que le durcissement de ces plafonds budgétaires renforce la tentation de les contourner, notamment en exploitant la possibilité qu’offrent les dépenses exceptionnelles, ou en en créant de nouvelles. Pour assurer la maîtrise des dépenses, le gouvernement devra veiller à ce que ces mécanismes soient uniquement utilisés en cas d’événements imprévus importants. La transparence budgétaire serait également renforcée par le passage à un système de budgétisation à moyen terme.
45La plupart des compétences en matière de santé relèvent de l’administration fédérale, mais certaines prérogatives ont été transférées aux régions en matière d’investissements hospitaliers, et aux communautés dans le domaine des soins préventifs et de longue durée. La répartition des tâches est complexe, ce qui engendre des coûts d’administration et de coordination. Parfois, cela se traduit également par des incitations contradictoires, même s’il existe des procédures destinées à encourager la coordination entre les différents niveaux d’administration. Ainsi, dans la mesure où les dépenses de fonctionnement des hôpitaux sont financées par l’administration fédérale, les régions sont incitées à subventionner les investissements hospitaliers. À l’inverse, les communautés ne sont guère incitées à investir dans les soins préventifs, puisque si elles le font, c’est à l’administration fédérale que reviendront les économies ainsi réalisées.
46La réforme de l’État confère aux communautés l’entière responsabilité de la prévention et un rôle considérable dans l’organisation des soins aux personnes âgées, ce qui pourrait réduire la dispersion des compétences dans ces domaines. Néanmoins, cette réforme risque aussi d’aggraver le problème des incitations contradictoires, dans la mesure où l’administration fédérale continue de financer une partie des dépenses de soins (notamment les soins infirmiers à domicile). D’où la nécessité d’une coordination accrue de l’action des pouvoirs publics. Pour faciliter cette coordination et éviter les transferts de coûts, il est possible d’améliorer la cohérence du système d’incitations en intéressant financièrement les communautés au respect du budget fédéral de la santé, de manière qu’elles internalisent plus largement les répercussions de leurs décisions. Ainsi, les communautés pourraient être tenues d’assumer financièrement la responsabilité d’une partie de l’écart entre dépenses fédérales de soins effectives dans leur communauté et dépenses budgétées. Une autre possibilité serait de concentrer toutes les compétences à un seul et même niveau d’administration.
Les caisses d’assurance maladie devraient contribuer plus activement à la promotion de l’efficience économique
47Les plafonds de dépenses constituent des instruments rudimentaires pour réaliser des gains d’efficience économique. Dans d’autres pays, notamment en Allemagne et aux Pays-Bas, ce rôle est confié aux caisses d’assurance maladie. Or, celles-ci ont des fonctions essentiellement administratives en Belgique. Leur financement s’inscrit intégralement dans le cadre du budget de l’administration fédérale et leur rôle vis-à-vis des prestataires de soins est centré sur le remboursement de services. Les caisses doivent assumer à hauteur d’un quart la responsabilité des écarts éventuels entre leurs dépenses effectives et budgétées suivant un système de bonus-malus. Néanmoins, leur seul instrument de maîtrise des dépenses, en dehors de la lutte contre les comportements de fraude et autres abus et la réduction de leurs propres dépenses de fonctionnement, réside dans la négociation collective de tarifs avec les prestataires de soins.
48On pourrait faire jouer un rôle plus actif aux caisses d’assurance maladie pour promouvoir l’efficience économique, mais il faudrait aussi qu’elles disposent de davantage d’instruments et d’informations pour influencer le comportement des prestataires de soins. Un premier moyen consisterait à leur permettre d’évaluer et de comparer les performances des hôpitaux et des établissements de soins de longue durée afin de repérer les résultats insuffisants et de prendre des mesures correctives. En outre, les caisses d’assurance maladie devraient être autorisées à expérimenter à petite échelle la passation de contrats sélectifs avec les prestataires de soins (en particulier pour les maladies chroniques). Cela leur permettrait de sélectionner des prestataires économiquement efficients, vers lesquels ils pourraient orienter leurs adhérents par le biais d’une réduction de la part du coût des soins restant à la charge des patients (ticket modérateur). De même, les caisses d’assurance maladie pourraient expérimenter une intégration verticale avec certains prestataires, sur le modèle des réseaux de soins coordonnés (HMO, Health Management Organisations) mis en place aux États-Unis, qui semblent avoir entraîné une diminution des coûts. Le succès d’une telle réforme exigerait un suivi rigoureux, de manière à se fonder sur l’expérience pour garantir le succès des étapes suivantes. En sus de ces nouveaux instruments, il faudrait renforcer les propres incitations des caisses d’assurance maladie à maîtriser les dépenses, par exemple en complétant le dispositif existant de péréquation des risques afin qu’il s’applique à la totalité de leur budget, qui est pour l’heure établi en partie sur la base des dépenses passées.
49Dans une perspective beaucoup plus éloignée, une option à étudier consisterait à poursuivre ces réformes en réalisant de nouvelles avancées vers une situation de « concurrence régulée » entre caisses d’assurance maladie, sur le modèle de celle récemment instaurée aux Pays-Bas et en Suisse. Pour cela, il faudrait généraliser les contrats sélectifs avec les prestataires de soins et, éventuellement, mettre en concurrence les caisses d’assurance maladie sur le prix d’une assurance de base. Dans la mesure où les assureurs sont en concurrence sur plusieurs paramètres, notamment la couverture et la qualité des soins, une telle réforme devrait permettre, sous réserve que certaines conditions préalables soient réunies, d’améliorer la qualité de l’offre de soins de santé et de la rendre plus réactive aux évolutions de la demande. Néanmoins, elle pourrait aussi déboucher sur une hausse des coûts. Les exemples néerlandais et suisse devraient être observés de ce point de vue. Une telle configuration présente toutefois un inconvénient en Belgique, où la concurrence risque de se révéler trop faible, dans la mesure où le pays ne compte que trois caisses d’assurance maladie importantes. L’idéal serait que de nouveaux acteurs entrent sur ce marché, mais si tel n’était pas le cas, une régulation forte serait nécessaire pour limiter les comportements oligopolistiques.
Améliorer les mécanismes d’information et d’incitation pour renforcer l’efficience économique
50Le système de soins de santé belge, comme ceux d’autres pays, pâtit de la variabilité du niveau d’efficience et d’une demande induite par l’offre, qui trouvent leurs origines dans les asymétries d’information entre les prestataires de soins, d’une part, et les patients et les caisses d’assurance maladie, d’autre part. Il n’est pas facile de mesurer la demande induite par l’offre. Une étude conclut à l’absence d’une telle demande (Léonard et al., 2009), mais deux autres débouchent sur le constat inverse (Roberfroid et al., 2008 ; Schaumans, 2007) et le nombre élevé de consultations de médecins constitue une autre indication en ce sens. Une plus grande centralisation et une meilleure coordination de la gestion fragmentée des données (qu’illustrait l’existence de 131 bases de données relatives à la santé en 2009) au sein d’une seule et même plate-forme pourrait aider à repérer les différences de coûts injustifiées et les cas de surtraitement ou de surprescription de médicaments. À cet égard, la plate-forme de données commune mise sur pied par les caisses d’assurance maladie constitue un pas bienvenu dans la bonne direction.
51Une amélioration des incitations financières contribuerait également à remédier à ces problèmes. Le passage d’un système de remboursement par prestation à un système de remboursement par pathologie devrait être mené à terme pour les hôpitaux, et il faudrait que leur financement soit plus intégré et transparent. Cela inciterait les hôpitaux à réduire les actes médicaux injustifiés. Néanmoins, un problème de surévaluation des pathologies pourrait se poser, ce qui exigerait qu’une surveillance étroite soit exercée par les caisses d’assurance maladie. De même, le système de rémunération des généralistes, fondé de manière prédominante sur le paiement à l’acte, risque d’engendrer une demande induite par l’offre et ne tient pas suffisamment compte des soins préventifs, entre autres et devrait donc faire une plus large place au paiement à la capitation. Cela devrait s’accompagner de mesures destinées à favoriser un exercice plus efficient de la médecine de groupe, notamment en facilitant la délégation des tâches routinières à du personnel infirmier qualifié.
52Au-delà des dispositions déjà adoptées face à l’ampleur des dépenses de médicaments – telles que l’instauration de quotas de prescription de médicaments peu onéreux – il faudrait prendre de nouvelles mesures pour remédier à ce problème, en renforçant les procédures statistiques qui permettent de s’attaquer aux pratiques de prescriptions injustifiées, en veillant à ce que les lignes directrices applicables en matière de prescription soient à jour, et en révisant régulièrement les règles de remboursement afin qu’elles correspondent à l’efficacité relative des médicaments. Lorsque qu’il existe pour un médicament donné un équivalent à bas coût, son taux de remboursement devrait être systématiquement fondé sur le prix du second, ce qui n’est actuellement pas le cas (Vrijens et al., 2010). En outre, le nombre de pharmacies est élevé dans une perspective internationale, et l’échelle de leurs activités est souvent trop modeste pour qu’elles soient efficientes. Afin de permettre l’émergence de pharmacies plus grandes et plus efficientes, il faudrait supprimer progressivement le moratoire sur la création de nouvelles pharmacies instauré voilà vingt ans, de manière à permettre une restructuration du secteur. Les autorités pourraient étayer ce processus en laissant les pharmacies se faire concurrence sur leur marge commerciale – actuellement réglementée – tout en conservant comme plafond la marge réglementée actuelle. Par ailleurs, les pouvoirs publics renforceraient la concurrence en permettant à d’autres distributeurs de commercialiser des médicaments sans ordonnance, comme l’aspirine.
53Du côté de la demande, les dépenses laissées à la charge des patients sont élevées par rapport aux moyennes internationales et il n’est guère possible de les alourdir encore. Néanmoins, il faudrait davantage d’incitations financières pour éviter les consultations directes de spécialistes et permettre aux médecins généralistes de jouer effectivement leur rôle de filtrage de l’accès aux soins, en première ligne.
Il faut flexibiliser l’offre, en particulier en matière de soins de longue durée
54Une fois que seront en place des mécanismes d’incitation financière adéquats pour améliorer l’efficience économique du système de santé, le gouvernement pourrait faire jouer un moindre rôle au rationnement de l’offre et s’appuyer davantage sur la fonction indicatrice des prix pour répartir les ressources dans le domaine des soins de santé. Cela permettrait au système d’être plus réactif à l’évolution des besoins. Ainsi, les moratoires concernant les lits d’hôpitaux (un moratoire sur les lits de soins de longue durée a été remplacé par des contraintes budgétaires), de même que les règles extrêmement précises applicables aux hôpitaux – telles que l’obligation de disposer d’au moins 150 lits et d’avoir un caractère général – peuvent faciliter la maîtrise des coûts et résoudre les problèmes de qualité, mais elles peuvent aussi limiter les possibilités d’adaptation des prestataires de soins. De même, la réglementation des tarifs d’hébergement pratiqués par les établissements de soins de longue durée pourrait être moins stricte, ce qui leur permettrait de diversifier leur offre. La création d’hôpitaux à but lucratif, qui n’est pas autorisée pour le moment, pourrait également améliorer la flexibilité du système, même s’il faudrait mettre en balance cet avantage avec le risque qu’ils « sélectionnent » leurs patients, pour laisser aux établissements sans but lucratif les personnes nécessitant les traitements les plus coûteux. En vue de remédier aux pénuries potentielles de généralistes (notamment dans les zones à faible densité médicale) et de certaines catégories de spécialistes, il faudrait réviser leurs rémunérations plus fréquemment, afin qu’elles correspondent à la situation de l’offre.
55Le coût élevé des soins de longue durée, qui tient notamment à l’importance des soins en établissement, est particulièrement préoccupant au regard du vieillissement de la population. Donner aux patients une plus grande autonomie pour organiser leurs soins, éventuellement par le biais d’un système de chèques, comme dans les pays nordiques, inciterait les prestataires privés de soins à mettre en place des services intégrés de soins infirmiers et d’aide ménagère, sources de gains d’efficience. Il est fréquent que les besoins des patients soient évalués par leurs futurs prestataires de soins, ce qui est une source de conflits d’intérêts et débouche souvent sur des révisions à la baisse en cas de deuxième évaluation indépendante. Pour remédier à ce problème, il faudrait appliquer des sanctions plus dissuasives en cas de surévaluation systématique des besoins. Il faudrait améliorer encore l’efficacité de la procédure d’évaluation gériatrique en harmonisant les différentes échelles utilisées pour déterminer les besoins de soins, et en actualisant la nomenclature obsolète qui fixe les tarifs des prestations de soins infirmiers, afin qu’elle corresponde à leur coût effectif.
Encadré 7. Principales recommandations destinées à améliorer l’efficience économique et la réactivité du système de santé
Améliorer les incitations offertes aux prestataires de soins et la circulation des informations en centralisant davantage et en coordonnant mieux la gestion des données sur une plate-forme unique, en menant à terme le passage à un système de financement par pathologie pour les hôpitaux, et en faisant une plus large place au paiement à la capitation dans le système de rémunération des médecins.
S’attaquer au problème des dépenses de médicaments en renforçant les procédures destinées à rationaliser les prescriptions et à empêcher les surprescriptions, en révisant régulièrement les règles de remboursement des médicaments et en libéralisant le marché des pharmacies.
Une fois que seront en place des mécanismes d’incitation adéquats pour maîtriser les coûts, flexibiliser l’offre de soins de santé en supprimant progressivement les règles excessivement prescriptives applicables aux hôpitaux.
Donner aux patients en soins de longue durée de l’autonomie pour organiser leurs soins à domicile. Déterminer les besoins de soins sur la base d’une évaluation gériatrique unique et instaurer des sanctions dissuasives pour éviter toute surévaluation de ces besoins.
Rationaliser l’utilisation des infrastructures de transport pour réduire la congestion
56Un enjeu essentiel en matière d’infrastructures est d’assurer un redéploiement fluide des ressources en main-d’œuvre dans le pays. Le fonctionnement du marché du travail est très contrasté entre les régions et en leur sein, ce qui se traduit par la plus forte dispersion géographique des taux d’emploi et de chômage de l’Union européenne (UE) (graphique 11). En outre, le vieillissement de la population est plus rapide dans le nord du pays, ce qui pourrait accentuer au fil du temps l’éloignement géographique entre lieux de travail et domiciles. Conjugué à la poursuite de l’urbanisation, ce phénomène risque d’accentuer les pressions qui s’exercent sur les infrastructures de transport afin qu’elles s’adaptent à l’évolution des déplacements domicile-travail (ou « navettes ») et de l’activité économique.
Les taux d’emploi et de chômage se caractérisent par de fortes disparités géographiques
Les taux d’emploi et de chômage se caractérisent par de fortes disparités géographiques
Variation entre 2006 et 201157L’infrastructure est bien développée pour intégrer les flux prédominants de navetteurs de la Région wallonne (132 000 navetteurs) et de la Région flamande (239 000 navetteurs) vers Bruxelles. Néanmoins, Bruxelles, de même qu’Anvers, est une des villes les plus embouteillées d’Europe (graphique 12, partie B). À Bruxelles, ces encombrements sont essentiellement imputables au trafic des navetteurs, tandis qu’à Anvers s’y ajoute le transport de marchandises lié au port et le trafic international de transit en provenance du port néerlandais de Rotterdam. Dans les deux cas, cela se traduit par des pertes de temps et une mauvaise qualité de l’air en centre-ville, qui a des effets nocifs pour la santé humaine (graphique 12, partie A). De manière plus générale, les émissions de CO2 imputables aux transports tendent à s’accroître, ce qui se traduit par une augmentation de leur poids relatif dans les émissions totales. Les pressions qui s’exercent sur la capacité routière s’accentuent, dans la mesure où il est prévu que le trafic routier augmente d’au moins 30 % d’ici à 2030, ce qui pourrait entraîner une baisse d’un tiers de la vitesse moyenne en période de pointe (BFP, 2012).
Les perspectives en matière de circulation ne sont guère encourageantes
Les perspectives en matière de circulation ne sont guère encourageantes
Comment lire ce graphique : la partie B du graphique présente une mesure des encombrements routiers dans les dix zones métropolitaines les plus embouteillées du monde. Pour Bruxelles, la valeur de l’indice INRIX est 33, ce qui signifie que le temps de trajet moyen à l’heure de pointe est supérieur de 33 % à ce qu’il serait en l’absence d’embouteillages.58Une extension du réseau routier, qui est déjà dense, serait coûteuse et constituerait une source de pollution supplémentaire, sans pour autant remédier nécessairement au problème des embouteillages. Les autorités ont donc préféré encourager les déplacements en train pour les personnes et l’utilisation des voies navigables intérieures pour le transport de marchandises, tout en continuant à subventionner fortement les déplacements routiers des navetteurs. Cette stratégie est coûteuse en termes de subventions, – 0.6 % du PIB par an rien que pour le train, par exemple. Des signaux de prix plus importants pourraient garantir une meilleure utilisation des infrastructures, à condition toutefois de bien calibrer toute réforme en ce sens afin d’éviter les transferts non voulus vers d’autres modes de transport.
59Une vision à long terme de l’évolution de l’activité économique et des déplacements domicile-travail est indispensable pour bien planifier les infrastructures de transport et les adapter aux nouvelles tendances. Un des obstacles à cette planification réside dans la dispersion des compétences entre niveaux d’administration, le pouvoir fédéral étant responsable des chemins de fer et du principal aéroport, tandis que les régions sont chargées des routes, des voies navigables, des transports locaux et des aéroports secondaires. Cette situation exige une coordination étroite entre les différentes parties prenantes, qui n’existe pas toujours. Ainsi, les progrès accomplis ont été des plus limités concernant la mise en place d’un système de tarification du périphérique autoroutier de Bruxelles, qui passe par les trois régions du pays. En outre, pour remédier aux problèmes d’encombrement soulevés par un mode de transport, il faut prendre des mesures pour les autres modes. Ainsi, la mise en place d’une tarification routière exigera que des mesures soient adoptées en matière de transports publics pour absorber le trafic supplémentaire. Un plan intégré d’infrastructures à long terme ayant l’appui de l’État et des régions et couvrant tous les types de transport sera nécessaire pour assurer l’efficience du développement et de la croissance.
60L’utilisation des analyses coûts-avantages est inégale, ce qui entrave une planification efficace. Ainsi, les régions n’ont pas souvent recours à de telles analyses et ne disposent pas de cadre commun pour sélectionner les nouveaux projets d’infrastructure routière ou de transport local, alors que ces pratiques ont fait leurs preuves au niveau international, notamment aux Pays-Bas. S’agissant des infrastructures de transport, il est crucial que l’analyse coûts-avantages tienne compte des externalités ainsi que des effets du projet sur les modes de vie et les autres modes de transport, et la décision de construction doit en dernière analyse tenir compte également de facteurs socio-économiques plus généraux ainsi que des besoins en matière de services publics. Cela faciliterait la prise de décisions et renforcerait la transparence des choix publics. Afin que ces analyses satisfassent les conditions nécessaires en termes de compétences et de normalisation, un institut pourrait être chargé de leur réalisation et fournir une évaluation extérieure effectuée par d’autres acteurs, comme aux Pays-Bas.
Réduire le coût des encombrements routiers
61Réduire les subventions qui contribuent à l’augmentation du trafic et, partant, aux phénomènes d’embouteillage constitue clairement la première mesure à prendre. Les indemnités de déplacement routier domicile-travail versées par les employeurs sont déductibles des impôts tant pour les employeurs que pour les salariés, et sont proportionnelles à la distance du lieu de travail, ce qui réduit les incitations à s’installer plus près de celui-ci. En outre, malgré un durcissement récent des dispositions applicables en la matière, le régime d’imposition des voitures de société reste généreux et ces véhicules sont beaucoup plus répandus en Belgique que dans d’autres pays.
62Le gazole est fiscalement subventionné par rapport à l’essence, et représente environ trois quarts du parc automobile belge, soit la proportion la plus élevée de la zone OCDE. Dans la mesure où les voitures à moteur diesel sont plus économes en carburant que les véhicules à essence, cela contribue à réduire les émissions de CO2, mais à un coût beaucoup plus élevé – proche de 900 EUR par tonne de CO2 – que celui d’autres possibilités de réduction de ces émissions. En outre, les véhicules à moteur diesel émettent des particules, ce qui contribue à la mauvaise qualité de l’air dans les villes belges. Bien que la différence de prix se soit atténuée depuis quelques années, ce qui a aidé à réduire la part des véhicules diesel dans les immatriculations, les autorités devraient supprimer progressivement les avantages fiscaux relatifs au gazole afin de rendre celui-ci relativement plus coûteux que l’essence. De même, les subventions accordées précédemment pour les voitures hybrides et électriques (qui pouvaient aller jusqu’à 9 000 EUR par véhicule) étaient un moyen très onéreux de réduire les émissions de CO2.
63Les autorités se sont engagées à instaurer un prélèvement kilométrique uniforme pour les poids lourds, conformément aux règles de l’UE, ce qui constitue une avancée vers l’application aux camions de taxes correspondant à leurs externalités négatives en matière de pollution, d’usure et de congestion routière. Néanmoins, un prélèvement kilométrique uniforme constitue un instrument rudimentaire pour lutter contre les embouteillages, dans la mesure où il réduit le trafic à la fois aux heures de pointe et en dehors de ces périodes. Les avantages retirés du système de tarification routière seraient nettement plus importants si les prix étaient plus ciblés, tant sur le plan géographique que temporel, et si leur champ d’application était élargi aux voitures. Ainsi, des redevances d’utilisation plus élevées aux heures de pointe et dans les zones embouteillées inciteraient les usagers de la route à adapter leurs horaires, ce qui étalerait les pics de demande sur la journée, assurerait un transfert vers des types de transport durables et favoriserait une utilisation efficiente de la capacité routière. Il en résulterait une diminution des embouteillages et, partant, de leur coût pour l’activité économique.
64Pour commencer, les autorités pourraient instaurer cette tarification routière pour s’attaquer aux problèmes urgents d’embouteillage qui se posent autour des grandes villes, en mettant en place des péages au niveau des principaux goulets d’étranglement ou des compteurs dans toutes les voitures. Dans l’idéal, ces redevances d’utilisation devraient être finement ajustées pour correspondre aux goulets d’étranglement potentiels. D’autres mesures, telles que des subventions au covoiturage, une limitation des places de stationnement ou une augmentation des droits de stationnement, peuvent apporter leur pierre à l’édifice, mais il leur manque le ciblage inhérent à un système de tarification routière. S’agissant de l’économie politique d’une telle mesure, les dispositifs de tarification routière se heurtent souvent à une forte opposition avant leur mise en place, mais ils suscitent une adhésion croissante à mesure que les navetteurs constatent que l’augmentation du coût d’usage de la route va de pair avec une réduction de leur temps de trajet.
Promouvoir une meilleure utilisation des infrastructures ferroviaires
65Le réseau ferroviaire est dense. Le nombre de voyageurs a augmenté de 40 % au cours des dix dernières années, soit nettement plus que dans les pays voisins, ce qui témoigne de la réussite du réseau. Néanmoins, cette hausse du trafic ferroviaire de voyageurs tient également à l’ampleur des subventions publiques connexes. Les voyages en train sont gratuits, ou presque, pour les fonctionnaires ainsi que pour les élèves et étudiants, même aux heures de pointe, tandis que les retraités bénéficient de tarifs réduits en dehors de ces périodes. En outre, l’État prend en charge 20 % de l’abonnement des travailleurs du secteur privé si leur entreprise paie le reste, ce qui est une pratique courante compte tenu des avantages fiscaux qui y sont attachés. Autour de Bruxelles, le réseau est maintenant proche de la saturation aux heures de pointe.
66Pour remédier à l’engorgement du système ferroviaire, les autorités ont accru sa capacité en mettant en place des rames à deux étages ainsi que des trains plus longs, et sont en train de développer un nouveau Réseau express régional de trains de banlieue autour de Bruxelles. Débattu de longue date, le projet de doublement du tunnel Nord-Sud qui traverse Bruxelles a été reporté d’au moins cinq ans pour des raisons de budget et d’urbanisme ; une solution de contournement est à l’étude.
67Au-delà de l’augmentation des capacités, l’infrastructure existante pourrait être utilisée de manière plus efficiente si l’on différenciait les tarifs en fonction de critères temporels et spatiaux. Il conviendrait notamment d’appliquer des prix plus élevés aux heures de pointe sur les lignes de chemin de fer très engorgées, ce qui favoriserait une répartition plus fluide de la demande sur la journée. Au Royaume-Uni, par exemple, les tarifs pratiqués aux heures de pointe peuvent être quatre fois plus élevés qu’en dehors de ces périodes, mais il existe aussi des structures tarifaires similaires pour le transport international de voyageurs (par exemple sur la liaison Thalys entre Paris et Bruxelles), en France, aux Pays-Bas et aux États-Unis. En outre, les abonnements payés par les employeurs sont actuellement exonérés d’impôt. Pour qu’une structure de prix différenciée produise l’effet escompté, il faudrait que ces abonnements soient imposés comme tout autre revenu d’activité. De plus, la structure tarifaire intégrée dans ces abonnements devrait correspondre à la politique de différenciation temporelle et spatiale des tarifs. L’effet bénéfique de ces réformes serait amplifié par une souplesse suffisante pour moduler les horaires de travail et encourager le télétravail.
68Le marché ferroviaire a été ouvert à la concurrence. En 2005, le monopole national a été scindé en un gestionnaire de l’infrastructure et un opérateur ferroviaire, détenus par une société holding. Cette dernière disparaîtra en 2013 et le gestionnaire de l’infrastructure ainsi que l’opérateur ferroviaire deviendront totalement indépendants l’un de l’autre – une configuration qui devrait garantir un accès non discriminatoire au réseau et, partant, promouvoir la concurrence dans ce secteur. Jusqu’ici, la concurrence s’est matérialisée sur le segment du fret (où la part de marché des nouveaux entrants n’est que de 12 %) et sur celui du transport international de voyageurs. Par conséquent, la Belgique n’a pas encore pleinement tiré parti de cette ouverture à la concurrence en termes de gains d’efficience économique.
69Les obligations de service public (OSP) comprennent notamment la desserte des lignes de chemin de fer peu fréquentées. De tels services sont exigés par les administrations locales et fournis par l’opérateur ferroviaire fédéral. Il conviendrait d’étudier la possibilité de satisfaire ces OSP par des moyens moins coûteux, comme des cars. Pour encourager de telles initiatives, il faudrait que le coût de ces obligations de service public soit explicite, et non dissimulé derrière les subventions croisées qui existent aujourd’hui au sein du système ferroviaire national, et les fournisseurs de services de transport qui s’acquittent de ces OSP devraient recevoir une compensation financière à ce titre. Sur un marché ferroviaire concurrentiel, il est possible de réduire le coût des OSP en les attribuant par adjudication publique.
Améliorer la coordination de l’action publique
70En matière de transports publics locaux, les autorités locales veulent s’assurer que leur collectivité bénéficie de la plus haute qualité de service, notamment en développant le tramway en lieu et place du bus, mais les coûts connexes sont essentiellement assumés par les régions. À ce problème d’incohérence viennent s’ajouter l’absence d’analyses coûts-avantages et des obligations de service public disproportionnées – l’une d’entre elles, par exemple, veut que la plupart des résidents flamands soient à moins de 500 ou 750 mètres d’un transport public, suivant la zone considérée. Cela contribue aux faibles taux de couverture des dépenses par les recettes. La solution réside dans une participation accrue des administrations locales au financement des investissements dans les transports locaux et de leurs coûts d’exploitation, ainsi que dans une augmentation des redevances d’utilisation, qui couvrent aujourd’hui moins de 15 % des coûts en Flandres et moins de 30 % en Wallonie. Dans les zones à faible densité de population, des analyses coûts-avantages devraient être réalisées afin de déterminer le coût des OSP, et les prestataires qui assument ces obligations devraient bénéficier d’une compensation explicite à ce titre.
71Dans les transports aériens et par eau, les subventions publiques ont eu des résultats mitigés. Dans le transport aérien, les subventions régionales et les règles plus flexibles appliquées aux vols de nuit ont entraîné un transfert de trafic de l’aéroport de Bruxelles vers les aéroports plus modestes de Charleroi (pour les passagers) et de Liège (pour les marchandises). Cela s’est traduit par une réduction des nuisances sonores autour de l’aéroport de Bruxelles. Dans le transport par eau, les résultats ont été moins positifs. Pour réduire le trafic de poids lourds, les autorités flamandes et européennes subventionnent fortement (jusqu’à hauteur de 80 %) les quais et autres infrastructures intérieures des entreprises situées le long de canaux. C’est en partie en conséquence de ces subventions qu’une quantité considérable de marchandises est transportée sur les canaux en Belgique, mais si l’on exclut les subventions de l’équation, il se peut que les avantages découlant de la réduction du trafic routier ne compensent pas les coûts du transfert des marchandises vers le camion au terme du trajet fluvial. Du point de vue des embouteillages, il est donc possible que cette politique soit moins efficace qu’un système ciblé de tarification routière.
Encadré 8. Principales recommandations concernant les infrastructures de transport
Faire en sorte que le coût des obligations de service public (OSP) soit explicite et accorder une compensation aux prestataires de services qui s’acquittent de ces obligations.
Supprimer le régime d’imposition favorable appliqué aux voitures de société, ainsi que les avantages fiscaux dont bénéficient les voitures à moteur diesel et le gazole en tant que carburant.
Mettre en place un système de tarification routière et des prix différenciés dans les transports publics, afin de réduire les encombrements. En matière de tarification routière, commencer par instaurer des péages de congestion dans les grandes villes avant d’envisager un dispositif national. Ces mesures doivent être soigneusement calibrées pour éviter tout transfert non voulu vers d’autres modes de transport.
Progrès des principales réformes structurelles
72Ce tableau passe en revue les actions prises à la suite des recommandations formulées dans les Études précédentes. Les nouvelles recommandations figurent à la fin des chapitres de la présente Étude.
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