L’économie traverse une récession prolongée
1L’économie traverse une phase prolongée de récession depuis l’éclatement de la crise mondiale à la fin de 2008. À l’effondrement du marché du logement et à la persistance de faiblesses structurelles au niveau intérieur, en particulier sur le marché du travail, est venu s’ajouter l’effet de la crise de la dette européenne. Le désendettement dans le secteur privé s’est traduit par une contraction de la demande intérieure, aggravant le chômage généralisé et débouchant sur de volumineux déficits publics (graphique 1). Les effets de rétroaction entre la confiance dans la solvabilité de l’État et la solidité du secteur bancaire, qui tiennent en partie à l’absence d’institutions adaptées au niveau de la zone euro (OCDE 2011a, 2011b), se sont traduits par des primes de risque élevées sur les taux d’intérêt de la dette publique (graphique 2). Cela a entraîné une augmentation des coûts de financement des banques et le maintien de conditions de prêt restrictives.
Évolutions macroéconomiques récentes1,2,3,4,5
Évolutions macroéconomiques récentes1,2,3,4,5
1. Contributions à la croissance, en glissement annuel. Les lignes représentent la croissance du PIB réel.2. Coûts unitaires de main-d’œuvre pour l’ensemble de l’économie. Les résultats à l’exportation sont mesurés par le rapport entre les volumes d’exportation et les marchés extérieurs pour l’ensemble des biens et services.
3. L’inflation est mesurée par la variation en glissement annuel de l’indice des prix à la consommation. L’inflation sous-jacente exclut les produits alimentaires et l’énergie.
4. Prêts corrigés des cessions et de la titrisation. On entend par « entreprises » les sociétés non financières. Le secteur des ménages englobe les institutions sans but lucratif au service des ménages.
5. Suivant la définition de Maastricht.
Évolutions récentes sur les marchés de capitaux1
Évolutions récentes sur les marchés de capitaux1
En points de base1. Contrats d’échange sur risque de défaillance (CDS, Credit Default Swaps), créances privilégiées à 5 ans, écart de taux moyen entre l’entité considérée et la courbe de référence pertinente. La courbe représentative des banques espagnoles correspond à une moyenne non pondérée des écarts observés pour les quatre principales banques du pays. La courbe représentative des banques de l’Union européenne (UE) correspond à une moyenne des écarts observés pour une soixantaine d’établissements bancaires, calculée par Datastream.
2Les mesures exceptionnelles d’apport de liquidités prises par la Banque centrale européenne (BCE) n’ont offert qu’un répit temporaire. Les sources privées de financement externes se sont taries de plus en plus, et les financements apportés aux banques par la BCE ont comblé ce vide. En conséquence, la position nette négative de la Banque d’Espagne (y compris son solde TARGET 2) vis-à-vis de l’Eurosystème a augmenté, ce qui tient essentiellement à l’utilisation par les banques espagnoles des financements à long terme de la BCE, tandis que les créances détenues par des non-résidents sur les banques et l’État espagnols ont nettement diminué. À court terme, il existe un risque substantiel que l’économie, notamment les banques, reste privée de financement extérieur. Or, cela aggraverait la récession, en particulier si les mesures adoptées au niveau européen se révèlent inefficaces en termes d’atténuation des tensions observées sur les marchés interbancaires et des dettes souveraines. Néanmoins, l’introduction rapide d’une réglementation bancaire commune et une recapitalisation des banques opérées directement au niveau de la zone euro pourraient réduire à terme les effets de rétroaction négatifs entre situation financière des banques et primes de risque souverain. Le lancement du nouvel instrument de rachat illimité d’emprunts (OMT) dans le contexte d’un programme FESF ou MES aiderait aussi à faire baisser ces primes.
3Dans ce contexte défavorable, la priorité immédiate pour les pouvoirs publics est de rétablir la confiance dans le secteur bancaire en recapitalisant rapidement les banques viables qui manquent de fonds propres, en appliquant aux banques non viables une procédure de résolution ordonnée et en isolant les actifs douteux dans une société de gestion spécialisée comme le prévoit le mémorandum d’accord conclu entre les autorités espagnoles et européennes dans le contexte de l’aide extérieure sollicitée pour la recapitalisation des établissements financiers. Pour sortir de la boucle de rétroaction négative évoquée précédemment, il faudra également une stratégie à moyen terme crédible pour ramener les finances publiques sur une trajectoire viable, ainsi que pour amener les détenteurs d’obligations à contribuer à la recapitalisation des banques et à l’absorption des pertes. Le gouvernement s’est attaqué à ces problèmes en lançant un programme de grande ampleur, incluant un effort d’assainissement budgétaire substantiel et un renforcement des règles budgétaires, ainsi que des réformes du marché du travail et du secteur bancaire. Sur la base de ces réformes ambitieuses et d’un mémorandum d’accord conclu avec l’Union européenne, le gouvernement espagnol pourra utiliser jusqu’à 100 milliards d’euros (9½ pour cent du PIB) prêtés par les États de la zone euro pour recapitaliser les banques du pays. Ces réformes sont susceptibles de déboucher sur une amélioration sensible des résultats économiques et devraient être activement mises en œuvre. Au-delà de ces besoins immédiats, de nouvelles réformes structurelles s’imposent pour rehausser l’emploi et la productivité, améliorer la compétitivité et réduire les risques de pauvreté et d’exclusion sociale, notamment chez les jeunes. Une stratégie crédible dans ce domaine renforcerait également la confiance à court terme.
4Dans cette Étude économique, nous examinons les mesures permettant de renforcer la confiance des marchés de capitaux, ainsi que les réformes structurelles nécessaires pour stimuler la croissance, réduire les déséquilibres et assainir les finances publiques. Le chapitre 1 porte sur les progrès accomplis en matière de désendettement dans le secteur privé et les mesures destinées à redresser le secteur bancaire. Vient ensuite une analyse des moyens à employer pour faciliter l’intégration des jeunes sur le marché du travail, ce qui constitue un des problèmes les plus épineux sur le front de l’emploi (chapitre 2).
5L’économie se contracte depuis le troisième trimestre de 2011, en raison du recul de l’investissement ainsi que de la consommation publique et privée (graphique 1). Cette baisse des dépenses tient à la réduction de la dette du secteur privé et à l’assainissement budgétaire, qui sont tous deux nécessaires pour éliminer les déséquilibres. Les prêts nets au secteur privé non financier sont devenus négatifs. Le taux de chômage s’est hissé à 24 %, et au-dessus de 50 % pour les jeunes. L’ajustement de la construction de biens immobiliers d’habitation est bien avancé, puisque les mises en chantier de logements ont chuté de 90 % par rapport à 2007, tandis que le nombre de logements achevés a diminué de 80 % environ. Le poids relatif de l’investissement en logements est tombé de 13 % à 6 ¼ pour cent du produit intérieur brut (PIB), atteignant des points bas historiques, même s’il reste plus élevé que dans nombre d’autres économies de l’OCDE. Les résultats à l’exportation sont relativement bons. Les coûts unitaires relatifs de main-d’œuvre reculent depuis 2009, sur fond de gains de productivité substantiels. Cette croissance de la productivité s’explique principalement par des suppressions d’emplois peu productifs, essentiellement à caractère temporaire et dans le secteur de la construction, de sorte qu’elle devra maintenant trouver de nouveaux relais pour ne pas s’essouffler. En fait, l’augmentation du coût du travail s’est accélérée en 2011, reflétant l’inertie de la détermination des salaires, liée notamment au mécanisme d’indexation sur l’inflation antérieure. Néanmoins, les contrats signés dernièrement prévoient une progression nettement plus faible des rémunérations.
6Globalement, de nouvelles pertes de production et d’emplois sont prévues en 2012 et 2013 (tableau 1). Des risques orientés à la baisse entourent cependant ces prévisions pour 2013, dans la mesure où l’accès aux financements externes privés pourrait demeurer restreint et les sorties de capitaux se poursuivre. La dette publique pourrait être différente de ce qui est prévu ici, étant donné l’incertitude concernant l’ampleur de la recapitalisation des banques par l’État. Suivant les règles actuelles, les fonds européens destinés à recapitaliser les banques sont inclus dans la dette publique, et le transfert des actifs compromis hérités du passé à une société de gestion d’actifs devrait être en grande partie financé par des émissions de dette de cette même société, avec la garantie de l’État espagnol.
Perspectives économiques à court terme1,2,3,4,5
Perspectives économiques à court terme1,2,3,4,5
1. Les comptes nationaux étant basés sur des indices chaîne officiels, il existe donc un écart statistique dans l’identité comptable entre le PIB et les composantes de la demande réelle. Voir Perspectives économiques de l’OCDE : Sources et méthodes (www.oecd.org/eco/sources-and-methods).2. Contributions aux variations du PIB en volume (en pourcentage du PIB en volume de l’année précédente), montant effectif pour la première colonne.
3. Exprimé en pourcentage du revenu disponible.
4. En pourcentage du PIB.
5. Le déficit public espagnol de 8.1 % du PIB en 2012 comprend des dépenses exceptionnelles de recapitalisation des banques à hauteur de 1 % du PIB.
Le déficit des paiements courants a nettement diminué mais le solde commercial devra s’améliorer encore
7Tant la baisse des importations que l’augmentation des exportations (graphique 3, partie B) ont nettement réduit le déficit des paiements courants (graphique 3, parties A et B) et la position extérieure nette débitrice de l’économie s’est stabilisée, quoique à un niveau élevé proche de 90 % du PIB. Cette position tient aux engagements financiers nets, tandis que le solde des stocks d’investissement direct étranger (IDE) est globalement équilibré (graphique 4). Dans une certaine mesure, l’amélioration de la balance commerciale découle de l’effet induit par l’écart de production (qui est plus ample que chez les principaux partenaires commerciaux de l’Espagne) sur le solde des échanges de biens et services. Il est donc probable que le solde commercial corrigé des variations cycliques soit actuellement déficitaire, même si le solde effectif était excédentaire au deuxième trimestre de 2012. En fait, par rapport à d’autres grandes économies de la zone euro, les exportations espagnoles ont relativement bien résisté depuis l’introduction de la monnaie commune (voir également OCDE, 2010a sur ce sujet). Ces dernières années, l’Espagne a gagné des parts de marché (ses résultats à l’exportation se sont améliorés depuis 2008, comme l’illustre le graphique 1), notamment grâce à une plus grande compétitivité en termes de coûts, les coûts unitaires de main-d’œuvre ayant baissé dans tous les secteurs d’activité, en particulier dans l’industrie manufacturière.
Évolution de la balance des paiements
Évolution de la balance des paiements
8Pour atténuer la fragilité de l’économie, l’ampleur de la position extérieure nette débitrice devra être réduite. Si l’on pose l’hypothèse d’une croissance nominale tendancielle du PIB de 3 % (qui concorde peu ou prou avec l’estimation actuelle de la croissance potentielle établie par l’OCDE), il faudrait ramener le déficit des paiements courants en deçà de 3 % du PIB pour amorcer cette réduction. En outre, même si le rendement nominal des engagements extérieurs nets était contenu à 4½ pour cent dans les années à venir, ce qui reste supérieur au taux moyen observé en 2012, il faudrait sans doute que l’excédent commercial se maintienne au-dessus de 1 %.
Position extérieure nette et dette extérieure brute
Position extérieure nette et dette extérieure brute
La priorité la plus urgente est de rétablir l’accès des banques aux financements
9Les conditions de financement des banques sur les marchés de capitaux se sont aussi nettement dégradées, y compris pour les plus grands établissements, aux activités diversifiées sur le plan international, qui ne sont que modestement exposés au crédit intérieur et au marché du logement, mais la situation s’est un peu améliorée après l’annonce, en septembre 2012, du nouvel instrument de rachat illimité d’emprunts (OMT) dans le contexte d’un programme FESF ou MES.
10Les notations des banques dépendent dans une large mesure de celles des emprunteurs souverains. La diminution de la valeur de la garantie implicite de l’État s’est en effet traduite par une détérioration des conditions de financement pour les banques, tandis que les risques que représentent ces garanties implicites pour les finances publiques ont entraîné une dégradation des notations des emprunteurs souverains (Schich et Kim, 2012). Le financement intérieur par collecte de dépôts semble avoir globalement bien résisté jusqu’ici. La modeste baisse tendancielle des dépôts détenus par le secteur privé non financier en Espagne tient dans une certaine mesure aux placements financiers des ménages sous forme de titres de la dette publique et de billets de trésorerie, à un recul du patrimoine financier brut des ménages et aux fluctuations des dépôts des entreprises, généralement volatils. Néanmoins, comme le montre l’expérience de la Grèce et, plus récemment, de l’Italie, des réductions plus marquées des dépôts pourraient avoir lieu, et les dépôts des non-résidents ont sensiblement diminué.
11La hausse du ratio de créances douteuses (les prêts improductifs et ceux qui sont productifs mais dont les perspectives de remboursement suscitent des doutes) s’est accélérée. Ce ratio devrait continuer d’augmenter parallèlement à la poursuite de la régression de l’activité économique. Malgré le recul des prêts nets, la charge de la dette du secteur privé en proportion du PIB ne diminue que lentement depuis qu’elle a atteint un sommet en 2008, et demeure élevée en termes de comparaison internationale, notamment dans le secteur des entreprises non financières. Cela tient dans une mesure considérable à la faible croissance du PIB nominal par rapport à celle observée dans les pays où le désendettement est plus rapide. S’agissant des crédits hypothécaires accordés aux ménages, les ratios de créances douteuses sont restés modestes jusqu’ici, ce qui s’explique en partie par la mise en place de certains garde-fous réglementaires au cours de la période d’expansion, ainsi que par la prédominance des crédits hypothécaires à taux variable et le niveau élevé des patrimoines nets en proportion des revenus au regard de l’expérience passée.
12L’exposition totale des banques aux secteurs de la promotion immobilière (y compris les biens immobiliers saisis) atteignait 28½ pour cent du PIB fin 2011, sachant que la moitié des actifs étaient considérés comme « problématiques » (il s’agissait de créances douteuses, de prêts caractérisés par une dégradation plus générale de leurs perspectives de remboursement, ainsi que d’actifs saisis). Pour accélérer la comptabilisation des pertes sur les engagements liés au secteur immobilier, le gouvernement a demandé aux banques d’accumuler des réserves de fonds propres représentant environ 45 % de leur exposition totale au secteur de la promotion immobilière, qui doivent être en place d’ici à juin 2013. Ces réserves ont certes été jugées globalement suffisantes dans le cadre du récent Programme d’évaluation du secteur financier (FMI, 2012), mais l’action des pouvoirs publics n’a pas permis de stabiliser la confiance des marchés de capitaux, compte tenu des effets produits par la récession actuelle sur les actifs bancaires de manière plus générale.
13Le gouvernement a demandé que soit réalisé un test de résistance indépendant et détaillé de l’ensemble du portefeuille individuel des banques, lequel a eu lieu entre juin et septembre 2012. Selon un scénario défavorable, fondé sur des perspectives macroéconomiques nettement moins bonnes que les projections actuelles, sept groupes bancaires représentant 38 % du secteur auraient besoin de 53.84 milliards EUR (5 % du PIB) de capitaux propres supplémentaires, après prise en compte des fusions en cours (et de certains effets fiscaux), et de 59 milliards EUR sans tenir compte de ces fusions. Ce test de résistance de vaste portée a utilisé des informations détaillées sur les bilans et les portefeuilles de prêts des différentes banques examinées. Il a été conduit sous la supervision de plusieurs institutions de l’Union européenne (Commission européenne, BCE et Autorité bancaire européenne) et du Fonds monétaire international ; il fournit une évaluation fiable des besoins en fonds propres du secteur bancaire.
14Un prêt pouvant aller jusqu’à 100 milliards d’euros (équivalant à 9½ pour cent du PIB espagnol) consenti par les États de la zone euro pourra être utilisé pour combler les déficits en capitaux propres. Suivant le mémorandum d’accord adopté le 20 juillet, d’ici à fin octobre 2012, les banques devront présenter des plans destinés à satisfaire les besoins en fonds propres mis en évidence par l’analyse du bilan de chacune d’entre elles, spécifiant les injections de capitaux publics sollicitées. Ces plans devront être mis en œuvre d’ici à juin 2013. Les autorités espagnoles devraient se tenir prêtes à réagir dans l’éventualité d’une détérioration de la situation économique plus marquée que ce que laissent supposer les hypothèses prudentes du test de résistance.
Des mesures ont été prises pour accélérer la restructuration des banques et le règlement des défaillances bancaires
15Pour stabiliser le système bancaire et relancer le crédit, les autorités doivent identifier et recapitaliser les banques viables qui manquent de fonds propres, comme indiqué dans le mémorandum d’accord, tout en liquidant de façon ordonnée et sans tarder la situation des banques défaillantes (voir par exemple Bouis et al., 2012). Le fait que les banques fragilisées soient peu incitées à comptabiliser leurs pertes pourrait ralentir le redéploiement du crédit et des ressources disponibles à des usages productifs. Cela pourrait également saper la confiance dans l’ensemble du système financier, compte tenu des liens qui existent entre les banques. Rétrospectivement, il s’avère que la résolution ordonnée de plusieurs défaillances bancaires est intervenue trop tard, en 2011 seulement. De nombreuses caisses d’épargne fragilisées ont été fusionnées pour donner naissance à des établissements de grande taille, qui ont bénéficié de l’aide de l’État, et ce encore en 2012, tandis que les dispositions législatives adoptées en mai concernant la réforme des marchés de capitaux ont rétabli certaines incitations aux fusions entre banques.
16Or, ces fusions peuvent ne pas s’accompagner de gains d’efficience et donner naissance à de grands établissements fragiles, aggravant le problème des entités « trop grandes pour faire faillite ». En fait, certains établissements issus de fusions ont eux-mêmes dû être liquidés de façon ordonnée, voire nationalisés, notamment le 4e plus grand groupe bancaire, BFA, qui est passé dans le giron de l’État. Lors de la liquidation ordonnée des banques non viables, il conviendrait donc d’éviter les fusions entre établissements fragilisés. L’État devra fonder toute mesure de recapitalisation sur les évaluations indépendantes des bilans des banques et de leurs besoins, afin de garantir l’adéquation de leurs volants de fonds propres. Cela évitera de donner l’impression que les banques nationalisées partiellement ou intégralement sont soumises à de faibles contraintes budgétaires.
17Les procédures de résolution des défaillances bancaires ont été réformées en 2009, mais elles restent loin de correspondre aux attributs clés des régimes efficaces de résolution des défaillances d’établissements financiers décrits par le Conseil de stabilité financière dans le document Key Attributes of Effective Resolution Regimes for Financial Institutions. Conformément au mémorandum d’accord, les autorités ont présenté en août 2012 des dispositions législatives destinées à accélérer notablement les procédures de résolution des défaillances appliquées aux banques non viables. Ces mesures législatives sont bienvenues. Elles devraient permettre de passer outre les droits des actionnaires, par exemple, afin d’éviter que ceux-ci n’entravent les décisions des autorités quant au transfert des actifs des banques en cours de restructuration, et d’imputer les pertes aux créanciers. Toutefois, la nouvelle législation permet uniquement d’imposer des pertes aux détenteurs d’instruments de fonds propres hybrides et d’instruments de dette subordonnée, mais pas à ceux qui possèdent des titres de créance de premier rang. Le mémorandum d’accord inclut également un calendrier pour la restructuration des banques viables et la satisfaction de leurs besoins en fonds propres, tous les besoins importants à cet égard devant être satisfaits d’ici à fin 2012, ainsi que pour la résolution ordonnée des défaillances des établissements non viables. Il prévoit le transfert des actifs compromis hérités du passé à une société de gestion d’actifs et des mesures de renforcement du cadre de surveillance et de réglementation destinées à améliorer la prévention des crises dans l’avenir.
18La séparation des actifs hérités du passé de toutes les banques ayant besoin d’un soutien public et leur transfert à une société de gestion d’actifs créée à cet effet, comme prévu dans le programme, devraient renforcer la confiance à l’égard des banques, et permettre à leurs dirigeants de se focaliser sur les activités de prêt et de collecte de dépôts. Bien que la législation prévoie de faire participer les capitaux privés au financement de la société de gestion d’actifs, la majeure partie de ce financement sera en fait assurée via l’émission d’obligations garanties par l’État espagnol, exposant ainsi les finances publiques à des risques financiers. Il importe donc que les prix auxquels ces actifs hérités du passé seront transférés soient fixés avec prudence. Le mémorandum prévoit que les actifs hérités du passé doivent être transférés à leur « valeur économique à long terme », ce qui risque de déboucher sur un prix de transfert supérieur à leur valeur de marché actuelle. En outre, un prix de transfert relativement élevé risque de réduire l’ampleur des pertes assumées par les créanciers des banques, même si le document relatif aux attributs clés des régimes efficace de résolution des défaillances d’établissements financiers (CSF, 2011) stipule simplement que les créanciers des banques ne doivent pas obtenir davantage de fonds qu’en cas de liquidation. Les actifs hérités du passé devraient être transférés à la société de gestion d’actifs à un prix déterminé avec prudence. Une autre option consisterait à utiliser la dette bancaire destinée à absorber les pertes (voir ci-après) pour contribuer au financement du transfert d’actifs d’une banque ayant des problèmes de solvabilité à la société de gestion d’actifs.
Il faut imposer des pertes à certains créanciers lors de la résolution des défaillances de banques non viables, afin de mieux protéger les contribuables
19Pour protéger les contribuables et éviter d’aggraver les effets de rétroaction entre les finances publiques et les systèmes financiers, il faudrait contraindre certains créanciers des banques à assumer des pertes dans le cadre de la crise actuelle, comme le prévoit le mémorandum d’accord. Jusqu’ici, les pertes qui se sont fait jour lors de la résolution des défaillances de banques insolvables ont été prises en charge dans une large mesure par le fonds d’assurance des dépôts, qui est financé et géré par le secteur bancaire. Si elles étaient supportées uniquement par le fonds d’assurance des dépôts, les pertes actuelles pourraient donc représenter une lourde charge pour les banques viables qui cotisent à ce fonds. D’un autre côté, si l’État devait assumer une partie plus importante de ces pertes, cela risquerait de saper encore la confiance des marchés de capitaux, dans la mesure où cela dégraderait la situation budgétaire. En outre, dans les deux cas, le problème d’aléa moral serait aggravé. Forcer les créanciers des banques à assumer des pertes dans le contexte de la résolution des défaillances bancaires, comme prévu dans le mémorandum d’accord, serait par conséquent une mesure salutaire. Jusqu’à présent, les porteurs de capitaux propres ont généralement perdu leur mise, tandis que les détenteurs de dette subordonnée ont bénéficié d’une protection totale (Schich et Lindh, 2012), malgré leur obligation contractuelle de participer à la résorption des pertes en cas de faillite.
20Une première option serait d’imposer des pertes uniquement aux détenteurs de dette subordonnée et d’instruments hybrides de rang inférieur (ce que l’on appelle le « renflouement interne »), comme le prévoit le mémorandum d’accord, notamment dans la mesure où les normes de solvabilité énoncées dans l’accord de Bâle III renforcent le rôle des fonds propres de haute qualité, ce qui atténuera l’importance de la dette subordonnée dans l’avenir. Les encours de dette subordonnée des banques sont considérables, puisqu’ils s’élevaient à 83 milliards EUR fin 2011 (8 % du PIB). Cette formule devrait également être appliquée aux pertes des banques qui sont recapitalisées par le gouvernement, c’est-à-dire qui ne font pas l’objet d’une procédure de résolution ordonnée.
21Étant donné que de nombreuses banques ont vendu des actions préférentielles et des créances subordonnées à leur clientèle de particuliers, sans nécessairement fournir des informations transparentes sur les risques connexes, il faut que les décotes appliquées à ces investisseurs soient plus faibles, dans un souci de protection des consommateurs. Cela dit, il convient de noter que la moitié environ des titres de dette subordonnée émis par les banques espagnoles a été souscrite par des investisseurs institutionnels, auxquels cette logique de protection des consommateurs ne s’applique pas, ce qui offre d’amples possibilités de renflouement interne. Pour empêcher que de telles pratiques ne se répètent dans l’avenir, il est important de faire la lumière sur la responsabilité des dirigeants des banques en matière de violation des règles de protection des consommateurs, et de réexaminer l’efficacité de ces règles. Des mesures ont été prises pour limiter la vente d’instruments de fonds propres hybrides aux particuliers dans le cadre des dispositions législatives présentées en août 2012.
22Les banques ont récemment réduit leurs volants de fonds propres hybrides et de dette subordonnée en rachetant ces instruments ou en les transformant pour une part en dépôts, peut-être afin de préserver leurs relations avec leurs clients ou d’augmenter leurs bénéfices comptables. Il est possible que cela ait réduit les possibilités d’absorption des pertes au moyen de ces instruments, y compris lorsqu’ils sont détenus par des investisseurs institutionnels. Les autorités devraient prendre les devants et empêcher tout remboursement ou rachat de capitaux propres lorsque la capacité d’absorption des pertes est compromise. À l’inverse, la conversion de ces instruments en titres de participation est souhaitable. Les autorités devraient surveiller de près les opérations des banques réduisant leurs volants d’instruments de fonds propres hybrides et de dette subordonnée, et les interrompre si ces opérations entraînent une diminution du volume de fonds qui pourrait être nécessaire à l’absorption des pertes. L’autorité de contrôle bancaire, la Banque d’Espagne, doit être habilitée à prendre de telles mesures. En outre, les dispositions du mémorandum d’accord qui obligent la Banque d’Espagne à empêcher les banques sollicitant une aide publique à racheter ces instruments de dette au-dessus de leur prix de marché majoré de 10 % ne sont peut-être pas satisfaisantes, étant donné que la situation du marché peut être difficile à cerner, et que les prix de marché dépendent des mesures de renflouement interne annoncées. On pourrait également réduire les risques de contagion en donnant strictement la préférence aux déposants par rapport aux autres créanciers des banques. Il est approprié de financer le coût résiduel de la résolution des défaillances bancaires au moyen de contributions versées par les banques, étalées dans le temps. Ces contributions, qui devraient être distinctes des contributions versées au titre de l’assurance des dépôts, devraient être évaluées au regard du total de bilan des établissements bancaires.
23Il serait possible d’alléger encore le coût budgétaire potentiel de ces opérations en imposant des pertes aux détenteurs de créances privilégiées, et non uniquement aux porteurs de titres de dette subordonnée, pour les banques faisant l’objet de procédures de résolution ordonnée. Il faudrait qu’une telle opération de renflouement interne soit conçue avec soin (FMI, 2012b). Dans le cadre d’une restructuration bancaire de grande ampleur consistant à résoudre de façon ordonnée les défaillances de tous les établissements non viables et à recapitaliser intégralement les établissements viables à court de fonds propres, le risque de contagion pourrait être limité.
Une réforme des procédures de faillite peut accélérer la restructuration
24Des mécanismes efficaces de gestion des faillites parmi les entreprises non financières et les particuliers peuvent accélérer la comptabilisation des pertes sur les prêts que des débiteurs ne peuvent plus rembourser, et contribuer à la réaffectation des ressources à des usages productifs (FMI, 2002). Ces mécanismes semblent relativement peu développés en Espagne (voir Mora-Sanguinetti et Fuentes, 2012) et les références citées dans ce document). Les procédures de liquidation judiciaire sont beaucoup moins utilisées que dans d’autres économies à revenu élevé. Elles semblent relativement lentes et les coûts liés à ces procédures anticipés par les entrepreneurs sont exceptionnellement lourds, ce qui tient en partie à des clauses de responsabilité personnelle qui sont inhabituelles dans les autres pays, ainsi qu’à l’absence de dispositions libératoires pouvant jouer en faveur des débiteurs surendettés (offrant la possibilité d’un « nouveau départ ») dans la plupart des cas. Le taux de recouvrement des créances d’entreprises mises en faillite semble relativement bas, même si peu d’entreprises semblent éviter la liquidation et survivre en restructurant leur dette (voir Mora et Fuentes [2012] et les références citées dans ce document). Il faudrait réformer les procédures de faillite des entreprises non financières pour les rendre plus efficaces. Ainsi, des mesures pourraient être prises pour accélérer les procédures judiciaires et réduire les coûts anticipés par les dirigeants d’entreprises, en limitant la menace de sanctions et en élargissant le champ d’application des dispositions libératoires en faveur des débiteurs. Le gouvernement prévoit de réexaminer la législation sur les faillites afin de remédier aux lacunes des procédures de faillite des entreprises, ce qui est une bonne chose.
25Des règles inefficaces concernant les faillites peuvent également freiner la croissance de la productivité à plus long terme en faussant les décisions d’investissement (voir Mora-Sanguinetti et Fuentes, 2012, et les références citées dans ce document). En Espagne, les entreprises et leurs créanciers peuvent contourner le système de faillite en recourant de manière généralisée au crédit hypothécaire, qui offre une protection plus efficace aux prêteurs. Des règles inefficaces en matière de faillite sont donc susceptibles de renforcer les incitations à investir dans des actifs pouvant servir de garantie hypothécaire, notamment dans les secteurs de la construction et de l’immobilier, au détriment d’investissements dans des actifs ne pouvant jouer ce rôle, tels que le capital humain ou le savoir-faire technologique, même si de tels investissements sont rentables.
Encadré 1. Principales recommandations pour sortir de la crise bancaire
- Recapitaliser rapidement les banques viables qui manquent de fonds propres, en fonction des besoins ressortant d’évaluations indépendantes du bilan de chaque banque. Les établissements bancaires non viables devraient être liquidés de façon ordonnée dès que possible, comme prévu dans le mémorandum d’accord.
- Obliger les détenteurs de titres de dette subordonnée et d’instruments de fonds propres hybrides de rang inférieur à absorber les pertes des banques insolvables qui sont liquidées de façon ordonnée ou recapitalisées par l’État, comme prévu dans le mémorandum d’accord, et empêcher les banques d’effectuer des opérations financières qui réduisent l’encours des instruments de dette sur lesquels peuvent être imputées des pertes. En cas de préoccupations liées à la protection des consommateurs, des pertes plus limitées peuvent être imposées aux particuliers détenteurs de ces titres.
Le gouvernement a lancé un ample effort d’assainissement budgétaire concentré en début de période
26Le déficit des administrations publiques s’est établi à 9.4 % du PIB en 2011, dépassant de 3.4 points de pourcentage l’objectif initialement convenu avec l’UE. Ce chiffre tient compte pour ½ point de l’aide financière apportée aux banques qui peut être considérée comme une dépense exceptionnelle. Le dépassement est essentiellement imputable à des recettes plus modestes que prévu, tandis que les engagements pris en matière d’assainissement des finances publiques en 2010, qui étaient axés sur des réductions de dépenses (OCDE, 2010a), ont été tenus dans une large mesure. Les dépenses publiques hors charges d’intérêts ont sensiblement diminué (tableau 2). Cet écart par rapport à l’objectif est essentiellement dû aux administrations régionales, en partie du fait de l’impact négatif sur leurs ressources de la baisse des recettes provenant des transactions immobilières, qui leur reviennent intégralement, et à la rigidité des dépenses d’éducation et de santé, qui représentent une large part de leur budget (voir OCDE [2010a] pour un examen des questions de politique budgétaire au niveau des administrations régionales). Dans une certaine mesure, la sensibilité des recettes d’impôts à la demande intérieure s’explique par les caractéristiques de la structure fiscale, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) étant appliquée à des taux plus élevés aux biens de consommation durables, dont les ventes ont enregistré une baisse particulièrement marquée. La forte transmission des fluctuations de la production à l’emploi, qui fait l’objet d’une imposition relativement lourde (voir ci-après), pèse également dans la balance.
Recettes et dépenses des administrations publiques
Recettes et dépenses des administrations publiques
En pourcentage du PIB27Compte tenu du dépassement de l’objectif de déficit et de la dégradation des perspectives de croissance, le gouvernement a défini de nouveaux objectifs en accord avec l’Union européenne le 10 juillet 2012 (tableau 3). Le report d’un an de l’échéance prévue pour la réalisation de l’objectif de déficit de 3 % est une décision bienvenue, étant donné que toute tentative d’atteindre ce but malgré la détérioration de la situation économique aurait été vouée à l’échec. Les objectifs nationaux ont été ventilés entre les niveaux d’administration. La contribution des administrations régionales à l’assainissement des finances publiques est importante, car elles représentent environ 35 % des dépenses des administrations publiques. Par conséquent, tous les niveaux d’administration devront contribuer de manière substantielle à l’assainissement budgétaire.
Objectifs budgétaires sur 2012-14 pour les administrations publiques1
Objectifs budgétaires sur 2012-14 pour les administrations publiques1
En pourcentage du PIB1. Résultats budgétaires effectifs.
28Le respect de ces objectifs de déficit pourrait permettre de stabiliser la dette publique en pourcentage du PIB d’ici à 2014 environ. Selon des estimations de l’OCDE, la réalisation de ces objectifs passe par une réduction du solde budgétaire primaire structurel de 4 points de PIB en 2012 et de 2½ points en 2013, à supposer que l’activité économique évolue globalement comme prévu dans le tableau 1. Un effort d’assainissement budgétaire supplémentaire de 1¾ point de PIB est nécessaire en 2014, même partant de l’hypothèse que le taux de croissance du PIB correspondra à son niveau potentiel (estimé à 1.2 % par l’OCDE). Si la croissance s’avère plus faible que prévue, les besoins de consolidation pourraient être plus élevés. Les besoins d’assainissement structurel sont moindres selon les autorités espagnoles, parce qu’elles se fondent sur des hypothèses différentes concernant la croissance potentielle de l’économie. En tout état de cause, les nouveaux objectifs restent difficiles à atteindre, étant donné le contexte macroéconomique. La réalisation de l’objectif de déficit global pour 2014 exigera un ample excédent structurel d’après les estimations de l’écart de production établies par l’OCDE (qui sont supérieures à celles des autorités espagnoles). Selon les estimations du gouvernement, cet objectif de déficit global correspondrait toujours à un déficit structurel de 1.7 % du PIB.
29Les mesures budgétaires prenant effet cette année et la suivante concordent globalement avec les besoins d’assainissement des finances publiques en 2012 et 2013 estimés par l’OCDE (tableau 4). Le plan d’assainissement annoncé en juillet 2012 inclut des augmentations d’impôts significatives, notamment une hausse de 3 points de pourcentage du taux normal de TVA à 21 %, tandis que le taux de 8 % sera porté à 10 % et que le taux le plus bas restera à 4 %. Le taux de TVA appliqué à certains biens et services passe également de 8 % au taux normal. Les coupes dans les dépenses sont également substantielles, et se traduisent notamment par la suppression du 14e mois de salaire pour les salariés du secteur public en 2012 (sauf pour les travailleurs ayant une rémunération mensuelle inférieure à 962 EUR), le gel de l’emploi public, une réduction des indemnités de maladie versées aux fonctionnaires ainsi qu’une réduction du taux de remplacement des allocations de chômage à 50 % pour les nouvelles périodes de chômage à compter du 6e mois.
Amélioration du solde budgétaire des administrations publiques escomptée des mesures prenant effet en 2012 et 2013
Amélioration du solde budgétaire des administrations publiques escomptée des mesures prenant effet en 2012 et 2013
En points de PIB30En août 2012, le gouvernement a complété son programme budgétaire à l’horizon 2014 par des réductions de dépenses supplémentaires de l’ordre de 1 point de PIB. Une grande partie de ces économies sont attendues de mesures que les administrations régionales et locales devraient prendre pour respecter leurs objectifs de déficit, ainsi que d’une réforme des collectivités locales, qui n’a pas encore été votée. Plusieurs de ces mesures doivent encore être précisées. Or, un effort de cet ordre de grandeur ne compenserait qu’en partie les pertes de recettes compte tenu de l’expiration des dispositions temporaires adoptées précédemment. Ces dispositions temporaires comprennent notamment les augmentations de l’impôt sur le revenu des personnes physiques et des impôts immobiliers, dont le démantèlement progressif est programmé pour 2014. La plupart des mesures relatives à l’impôt sur les sociétés se traduisent simplement par l’encaissement anticipé de recettes et n’ont donc pas d’effet durable. La baisse de rémunération des fonctionnaires pourrait également ne pas déboucher sur des réductions durables des dépenses, dans la mesure où cette baisse sera compensée par une cotisation obligatoire à un régime de retraite par capitalisation instaurée en 2015, sous réserve que les objectifs de déficit soient atteints. En outre, les baisses de salaires dans le secteur public sont difficiles à inscrire dans la durée, car elles risquent de déboucher sur des problèmes de recrutement à long terme.
31Il existe toujours des risques que le déficit budgétaire soit supérieur à l’objectif cette année et la suivante. En 2012, ils sont essentiellement liés aux mesures de recapitalisation des banques par l’État, dont certaines pourraient être comptabilisées comme des dépenses, même s’il s’agit de charges non renouvelables. Il est en outre possible que la baisse des recettes fiscales induite par le fléchissement de la demande intérieure soit sous-estimée. Les effets budgétaires de certaines mesures sont incertains, notamment ceux de l’amnistie fiscale prévue à titre exceptionnel. D’après les estimations de l’OCDE, des initiatives supplémentaires seront nécessaires pour réaliser l’objectif de déficit global visé en 2014. Quoi qu’il en soit, il faudrait davantage de précisions sur les mesures d’assainissement prévues.
32Afin d’améliorer la confiance dans les finances publiques, les autorités devront peut-être adopter des mesures supplémentaires de réduction durable du déficit, tout en minimisant leur éventuel impact régressif, et il leur faudra de toute façon préciser les mesures déjà prévues en prenant soin de veiller à ce que le fardeau de l’assainissement budgétaire soit équitablement réparti afin de préserver le consensus social, dans la mesure où les épisodes d’assainissement des finances publiques tendent à avoir des effets régressifs (Ahrend et al., 2011). Pour renforcer la confiance à l’égard des finances publiques, il sera important de stabiliser rapidement le ratio dette publique/PIB. Néanmoins, si la croissance de la production se révèle nettement inférieure aux prévisions, il serait contreproductif de compenser ces risques, et le gouvernement devrait laisser jouer les stabilisateurs automatiques, au moins en partie.
Des règles budgétaires ambitieuses ont été mises en place
33Suivant les règles budgétaires nationales instaurées en 2012, le solde budgétaire structurel des administrations publiques, de même que celui de l’administration centrale, de chaque région, de chaque commune et du système de sécurité sociale, doit être équilibré à partir de 2020. Ces règles limitent également la croissance des dépenses publiques suivant les récentes instructions formulées au niveau de l’UE (encadré 2). Elles renforcent également la surveillance exercée par l’administration centrale sur les administrations régionales et les informations budgétaires qu’elles communiquent. Ainsi, l’obligation de communication des données budgétaires régionales selon une fréquence mensuelle, qui entrera en vigueur en octobre, permettra de détecter plus rapidement les écarts éventuels. De plus, le gouvernement a mis en place un fonds de 18 milliards EUR qui peut accorder des prêts aux administrations régionales sollicitant une aide publique pour couvrir leurs besoins de financement. Jusqu’à présent, six administrations régionales ont fait savoir qu’elles allaient demander à en bénéficier. Pour éviter tout problème d’aléa moral, les prêts du fonds sont assortis d’une conditionnalité, suivant les orientations des règles budgétaires décrites dans l’encadré 2, même si les régions seront soumises à une surveillance plus étroite de l’administration centrale et peuvent se voir imposer plus rapidement des sanctions. Il est essentiel que les nouvelles obligations prévues en matière de divulgation et de surveillance de la politique budgétaire des administrations régionales soient strictement mises en œuvre. Plus tôt dans l’année, l’administration centrale avait également offert aux administrations locales et régionales des apports de liquidité assortis d’une conditionnalité, pour les aider à financer leurs arriérés de paiement envers les fournisseurs. Les collectivités locales ont reçu 9.5 milliards EUR (0.9 % du PIB) et les régions 17.7 milliards EUR (1.7 % du PIB) dans le cadre de ce programme.
Encadré 2. Les nouvelles règles budgétaires entrées en vigueur en 2012
Si un objectif annuel n’est pas atteint, un plan destiné à corriger cet écart dans un délai d’un an doit être établi. Si ce plan n’est pas respecté, un régime de sanction s’applique. L’administration qui n’a pas atteint son objectif n’aura accès à aucun nouveau crédit et devra effectuer un dépôt équivalent à 0.2 % du PIB nominal de son territoire. L’administration concernée ne peut récupérer ces fonds qu’après avoir mis en œuvre des mesures correctives. Si elle ne l’a pas fait dans un délai de 3 mois, elle ne recevra aucun intérêt sur son dépôt, et au bout de trois mois supplémentaires, il se transformera en amende. En outre s’applique une clause de non-renflouement, suivant laquelle les niveaux d’administration supérieurs ne peuvent assumer les engagements des niveaux d’administration inférieurs.
34Les règles budgétaires récemment mises en place peuvent améliorer sensiblement les perspectives de concrétisation de l’objectif d’équilibre budgétaire, et il est souhaitable de permettre l’acquisition d’une certaine expérience avant d’envisager des modifications substantielles. Dans l’intervalle, les autorités pourraient examiner les possibilités d’améliorations ultérieures. Il est possible d’améliorer la conception des règles budgétaires, en veillant à ce que les dépassements des objectifs de déficit soient compensés par des mesures supplémentaires d’assainissement des finances publiques les années suivantes. Selon les règles de « frein à l’endettement » en vigueur en Allemagne et en Suisse, par exemple, ces dépassements sont imputés sur un compte de compensation. Si le solde de ce compte est supérieur à un seuil prédéterminé, il doit être réduit au fil du temps. Des règles budgétaires spécifiques seraient utiles pour les administrations centrales et régionales, au niveau desquelles la maîtrise des soldes budgétaires structurels sur la durée du cycle économique est particulièrement importante.
35En complément de la mise en place de règles budgétaires, le gouvernement devrait créer un conseil budgétaire indépendant, comme prévu par les recommandations adoptées par le Conseil de l’Union européenne. Ce conseil budgétaire devrait en particulier soumettre aux autorités et au public des analyses indépendantes de l’impact de la politique budgétaire, notamment en présentant des prévisions budgétaires établies de manière indépendante pour tous les niveaux d’administration. Il pourrait également exercer des fonctions plus normatives, afin de contribuer à atténuer la pro cyclicité de la politique budgétaire et à renforcer la discipline budgétaire à tous les niveaux d’administration. Un tel organisme pourrait concourir à « dépolitiser » les décisions de sanctionner les administrations régionales n’ayant pas respecté les règles. Pour être efficace dans ce rôle, le conseil budgétaire doit être conçu comme un organisme véritablement indépendant, dont les membres ne sont pas élus mais tenus de rendre des comptes, et avoir un conseil d’administration dont le mandat ne correspond pas au cycle politique. Il doit être associé au processus d’élaboration et de suivi de la politique budgétaire, et le gouvernement doit être tenu de suivre ses recommandations ou, dans le cas contraire, de justifier publiquement sa décision (Hagemann, 2010).
La réforme des retraites a atténué l’augmentation attendue des dépenses liées au vieillissement, mais des réformes complémentaires s’imposent
36Il était initialement prévu que les dépenses de retraite augmentent pour passer de 10 % du PIB en 2010 à 16½ pour cent du produit intérieur brut à l’horizon 2060. Néanmoins, les réformes des retraites adoptées en 2011 devraient ramener la hausse escomptée des dépenses de retraite de 6½ points à 3 points de PIB par an environ, cette réduction étant due en partie au relèvement de l’âge légal de la retraite à 67 ans pour les actifs dont la durée de cotisation est inférieure à 38.5 années (voir ministère de l’Économie et des Finances [2011a] pour de plus amples informations). Cette estimation des futures dépenses de retraite repose sur l’hypothèse que les paramètres du système de retraite seront ajustés de manière à compenser les effets induits sur ces dépenses par la poursuite de l’allongement de l’espérance de vie à partir de 2027. Reste qu’aucun ajustement précis n’a encore été proposé. Or, en son absence, les dépenses de retraite devraient augmenter de 3.6 points de PIB d’ici à 2060. Un mécanisme d’indexation liant les paramètres du système de retraite à l’évolution de l’espérance de vie devrait être mis en place aussi rapidement que possible. L’augmentation attendue des dépenses de santé et de soins de longue durée, quoique entourée d’une plus grande incertitude, est estimée à 2 points de PIB. Cette hausse devrait être compensée en partie par une baisse des dépenses d’éducation et de chômage de 1.6 point de PIB. Il est possible d’alléger les dépenses futures de retraite en réformant le système des pensions de réversion à la lumière du taux d’activité élevé des jeunes femmes, en axant davantage ces prestations sur les personnes qui en ont véritablement besoin, comme cela avait été recommandé dans l’Étude économique de 2010. De telles mesures permettraient en outre de rendre le système de retraite plus équitable.
37Malgré la réforme dont il a fait l’objet en 2011, le système de retraite intègre toujours des contre-incitations au travail dans le secteur formel de l’économie dépourvues de toute utilité. Ainsi, dans le système réformé, qui s’applique à tous les actifs entrant sur le marché du travail, les prestations de retraite sont déterminées en fonction du niveau des revenus d’activité perçus au cours des 25 années précédant le départ en retraite, et les droits à pension atteignent leur maximum au bout de 37 années de cotisation. Ces paramètres ne tiennent pas suffisamment compte des carrières longues, ils pénalisent ceux qui ont eu une rémunération stable durant toute leur vie active et ils n’incitent pas à rester en activité au-delà des périodes de cotisation prévues. En outre, ils encouragent les travailleurs et leurs employeurs à ne déclarer qu’une partie des revenus d’activité avant l’entrée dans les 25 dernières années de vie active, et à ne pas déclarer le moindre revenu certaines années. Le taux d’acquisition des droits à prestations devrait être abaissé, afin que l’obtention d’une pension à taux plein à l’âge légal de la retraite soit subordonnée à une durée de cotisation plus longue. Les revenus d’activité perçus tout au long de la vie professionnelle devraient être pris en compte pour le calcul des prestations de retraite. Ces mesures contribueraient également à modérer l’accroissement prévu des dépenses de retraite.
38Par ailleurs, il est possible de réduire davantage les subventions publiques effectives en faveur de la retraite anticipée qui résultent de l’allongement de la durée de versement des allocations de chômage, même si cette mesure ne revêt qu’une priorité relativement faible dans le contexte actuel, compte tenu de la situation difficile qui prévaut sur le marché du travail, du faible coût budgétaire des prestations considérées, et du bas niveau de formation de nombre de seniors au chômage, qui limite la perte de production potentielle liée à leur privation d’emploi. En revanche, des subventions à la retraite partielle sont toujours versées à des personnes ayant un emploi qui réduisent leurs horaires de travail. Ces subventions ont un coût budgétaire non négligeable, et devraient donc être éliminées dès que possible.
L’assainissement des finances publiques devrait s’accompagner d’une réforme du système d’imposition, destinée notamment à le rendre plus propice à une croissance verte
39Depuis 2010, des mesures importantes ont été prises pour faire diminuer les dépenses publiques. Elles ont notamment pris la forme de réductions d’effectifs dans les administrations publiques, de baisses de salaires, ainsi que de diminutions des transferts et des investissements publics. Dernièrement s’y sont ajoutées des coupes dans les dépenses d’éducation et de santé. Il est possible que les marges de réduction substantielle et durable des dépenses sur une période relativement courte soient maintenant limitées, et que les gains d’efficience escomptés des réformes du secteur public soient plus longs à se concrétiser. Le niveau des dépenses publiques est relativement bas en termes de comparaison internationale (graphique 5), malgré l’importance des dépenses d’indemnisation du chômage. Les dépenses publiques de santé et d’éducation mesurées en proportion du PIB sont modestes en termes de comparaison internationale, et les indicateurs d’efficience des systèmes de santé élaborés par l’OCDE pour ses pays membres (Joumard et al., 2010) laissent entrevoir une utilisation relativement efficace des ressources publiques dans les services de santé. Le système public d’assurance maladie et les mesures destinées à favoriser l’accès à l’éducation sont des instruments essentiels pour réduire les inégalités (Joumard et al., 2012). Des réductions de la couverture de l’assurance publique peuvent se traduire par un développement des services privés d’assurance maladie sans mécanisme adéquat de péréquation, ce qui peut déboucher sur une augmentation des dépenses de santé globales et une accentuation des inégalités. La réduction des inégalités exige également que des ressources budgétaires soient dégagées pour élargir l’accès à l’éducation (voir ci-après). Dans ce contexte, les hausses d’impôts annoncées le 13 juillet pour aller plus loin dans l’assainissement des finances publiques sont bienvenues. À court terme, ces hausses vont sans doute avoir des effets moins négatifs sur l’activité que les coupes pratiquées dans les dépenses. Néanmoins, les dispositions fiscales doivent être conçues de manière à favoriser la croissance. Il est vrai que le gouvernement a judicieusement fait la part belle aux taxes sur la consommation dans son train de mesures, mais le système fiscal pourrait encore être amélioré (voir ci-après).
Dépenses publiques et recettes fiscales dans certains pays de l’OCDE1
Dépenses publiques et recettes fiscales dans certains pays de l’OCDE1
En pourcentage du PIB1. Moyennes simples. Pour l’agrégat OCDE, le chiffre de 2010 est une estimation, dans laquelle le Chili, le Japon, le Mexique et la Turquie ne sont pas pris en compte.
40Le système fiscal espagnol reste assez fortement axé sur l’imposition du travail, notamment par le biais des cotisations de sécurité sociale (tableau 5). Une réduction du taux des cotisations patronales de sécurité sociale serait bienvenue. En revanche, les recettes d’impôts indirects sont restées relativement faibles jusqu’ici. Or, l’imposition des revenus des personnes physiques et des revenus du travail est plus préjudiciable à l’activité économique et à l’emploi que les prélèvements fiscaux assis sur la consommation de biens et services. Les mesures destinées à élargir l’assiette de la TVA sont particulièrement bienvenues, étant donné que sa base d’imposition était nettement plus étroite que dans une majorité de pays de l’OCDE (graphique 6), ce qui tend à accentuer les distorsions. En 2012, plusieurs biens et services ont basculé dans le champ d’application du taux normal de TVA. Néanmoins, un certain nombre de secteurs continuent de bénéficier de taux nettement réduits, et les autorités devraient encore élargir l’assiette de la TVA, en appliquant le taux plein à la plupart des biens et services. Ainsi, les services liés au tourisme et les services de transport sont seulement assujettis au taux de 10 %, tandis que certains articles en papier ne sont taxés qu’à hauteur de 4 %.
Structure des recettes fiscales
Structure des recettes fiscales
Recettes fiscales par secteur, en pourcentage des rentrées d’impôts totales, en 20101,21. 2009 pour l’Australie, le Japon, le Mexique, les Pays-Bas, la Pologne et l’agrégat OCDE.
2. Les données présentées dans la première colonne se rapportent à la fois à l’impôt sur le revenu des personnes physiques et à l’impôt sur les sociétés.
Ratio des recettes de TVA1,2,3
Ratio des recettes de TVA1,2,3
20101. Le ratio des recettes de TVA (RRT) est égal au rapport entre les recettes de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) effectivement collectées et celles qui auraient théoriquement été obtenues si la TVA avait été appliquée au taux normal à l’ensemble de la consommation finale. Ce ratio offre une indication de l’efficacité du régime de TVA dans un pays donné par rapport à une norme. Il est calculé à l’aide de la formule suivante : RRT = recettes de TVA/([consommation – recettes de TVA] × taux normal de TVA). La consommation est mesurée par les dépenses de consommation finale tirées des comptes nationaux (rubrique P3).
2. 2009 pour l’Australie, la Grèce, l’Irlande, les Pays-Bas et la Pologne.
3. La Nouvelle-Zélande ayant relevé sont taux de TVA de 12.5 % à 15 % en octobre 2010, son ratio moyen est supérieur à 1.0 pour l’année 2010.
41Il est également possible de supprimer des exonérations et des déductions liées à l’impôt sur le revenu des personnes physiques. On peut notamment citer à cet égard les déductions accordées au titre des cotisations versées sur des plans individuels d’épargne-retraite qui devraient être éliminées ou sensiblement revues à la baisse. Ces déductions, qui peuvent alléger le revenu imposable jusqu’à concurrence de 10 000 euros, bénéficient essentiellement aux ménages à revenus moyens ou élevés. Les éventuels effets positifs induits par ces dégrèvements sur l’épargne des ménages ont probablement été largement compensés par la baisse de l’épargne publique, et le taux de rendement de ces plans d’épargne-retraite peut être nettement inférieur au taux d’intérêt sur la dette publique. En outre, leur élimination n’aurait pas d’incidence négative sur l’activité. Le gouvernement a décidé de supprimer la déductibilité des remboursements d’emprunts hypothécaires pour les nouveaux crédits de ce type, conformément aux recommandations adoptées par le Conseil de l’Union européenne, ce qui est une bonne chose. Il a également réduit quelque peu les subventions fiscales liées aux encours de prêts hypothécaires.
42Les écotaxes rapportent des recettes équivalentes à 1.5 % du PIB, qui sont nettement inférieures à celles collectées dans le cadre d’autres systèmes d’imposition européens, où ces recettes dépassent 4 % du PIB dans certains cas. Les taxes appliquées à l’utilisation des véhicules à moteur ne sont pas suffisantes pour internaliser dans les prix les externalités liées au carbone (OCDE, 2012b), et des avantages fiscaux sont accordés aux moteurs diesel malgré les risques qu’ils représentent pour la santé humaine. Quant à l’agriculture, elle échappe pour l’essentiel à la fiscalité environnementale. La mise en place d’une taxe carbone nationale devrait être envisagée, y compris sur les carburants. Le gouvernement prévoit de taxer ces derniers plus fortement, ce dont on ne peut que se féliciter. D’autres polluants, comme les oxydes de soufre et les oxydes d’azote, ne sont imposés que dans certaines communautés autonomes, alors que leurs externalités environnementales ne s’arrêtent pas à leurs frontières. Il faudrait donc qu’ils soient taxés au niveau national.
43La fiscalité du patrimoine, dont les taux sont bas et les recettes modestes (moins de 0.1 % du PIB) pourrait aussi être alourdie. En outre, les droits de succession constituent un outil qui permet de faire davantage contribuer les ménages aisés. En Espagne, la détermination de certains droits de succession est une compétence qui a été transférée aux régions. Étant donné que celles-ci se livrent concurrence pour attirer les ménages les plus fortunés, les taux d’impositions sont généralement bas, et il est à craindre que les taux les plus faibles soient appliqués dans les régions caractérisées par les plus fortes concentrations de ménages aisés. Il est préférable que les taux des prélèvements appliqués aux bases d’imposition relativement mobiles et assortis d’un objectif redistributif marqué soient fixés par l’administration centrale, même si, dans ce cas de figure également, il faut maintenir les taux d’imposition à un niveau suffisamment modéré pour éviter la fuite de capitaux vers l’étranger. La détermination des droits de succession devrait relever de la compétence exclusive de l’administration centrale et leurs taux devraient être relevés. L’augmentation des droits de succession pourrait également réduire les effets régressifs fréquemment induits par les mesures d’assainissement budgétaire (Ahrend et al., 2011), ce qui favoriserait l’adhésion du public à ces mesures.
44Il est également possible de réformer le système d’imposition pour le rendre plus propice à la croissance. Une partie des recettes provenant d’une réforme de la TVA de plus vaste portée, de l’élimination des déductions fiscales liées à l’impôt sur le revenu des personnes physiques et d’un renforcement de la fiscalité environnementale peut ouvrir la voie à de nouvelles réductions des cotisations de sécurité sociale, sous réserve que les objectifs d’assainissement soient atteints. Ces baisses de cotisations sociales pourraient être axées sur les bas salaires. Une telle initiative pourrait améliorer les perspectives d’emploi des travailleurs peu qualifiés, qui se sont dégradées de manière particulièrement marquée, et rehausser leurs revenus réels. Des réductions des cotisations patronales de sécurité sociale peuvent entraîner des gains de compétitivité à court terme, notamment au vue de l’inertie qui caractérise le système de négociations salariales. Cette inertie va probablement perdurer à court terme, même après les réformes adoptées cette année (voir ci-après).
45Une partie des ressources découlant des mesures de renforcement des recettes fiscales pourrait également être utilisée pour verser des allocations familiales plus élevées aux familles à bas revenu, ces prestations étant subordonnées à la poursuite d’études à plein temps lorsque les enfants atteignent l’âge de 16 ans, auquel se termine la scolarité obligatoire. Une telle mesure contribuerait à la réduction des phénomènes d’abandon précoce des études et à la lutte contre la pauvreté, qui est fortement corrélée à la présence d’enfants dans les ménages, en particulier en Espagne, où les allocations pour enfant à charge sont faibles. Elle pourrait également soutenir l’activité, étant donné que la propension marginale à consommer des ménages à bas revenu est sans doute relativement importante, en particulier au cours des épisodes de désendettement.
46Les recettes provenant de la fiscalité des biens immobiliers dépendent fortement des taxes prélevées sur les transactions de logements, qui pèsent sur la mobilité de la main-d’œuvre et, partant, nuisent au bon fonctionnement du marché du travail (OCDE, 2010a). En revanche, certains travaux ont montré que les impôts périodiques sur la propriété immobilière avaient des effets de distorsion relativement limités. Les hausses d’impôts immobiliers intervenues cette année devraient donc être pérennisées. Un déplacement de l’assiette de la fiscalité du logement vers la valeur des biens immobiliers favoriserait la mobilité des travailleurs, ce qui faciliterait l’ajustement du marché de l’emploi. En outre, l’affectation du produit des taxes sur les transactions de logements aux régions est particulièrement inadaptée, compte tenu de la volatilité de ces recettes. L’éventuel produit restant de ces taxes devrait revenir à l’administration centrale, qui, de par sa taille, est mieux à même de s’adapter à la variabilité de ce flux de recettes.
Encadré 3. Principales recommandations en vue de redonner une assise viable aux finances publiques et de rendre le système d’imposition plus propice à la croissance
- Le gouvernement devrait s’employer à réaliser ses nouveaux objectifs de déficit global, à moins que la croissance soit nettement plus faible que prévu, auquel cas il faudrait laisser jouer les stabilisateurs automatiques, au moins en partie.
- Spécifier les mesures d’assainissement budgétaire qui sont nécessaires pour atteindre l’objectif de déficit en 2014. Minimiser leurs éventuels effets régressifs, afin de favoriser l’émergence d’un consensus social autour des besoins d’assainissement des finances publiques.
- Mettre en œuvre de manière stricte les dispositions relatives à la surveillance de la politique budgétaire des administrations régionales, ainsi que les nouvelles obligations prévues en matière de divulgation de leurs résultats budgétaires.
- Augmenter les taxes sur les externalités environnementales, y compris les prélèvements sur les carburants. Appliquer le taux normal de TVA à davantage de biens et services. Envisager d’utiliser une partie des recettes supplémentaires de TVA et d’écotaxes pour abaisser encore les cotisations de sécurité sociale sur les bas salaires. Pérenniser les hausses d’impôts sur la valeur des biens immobiliers et réduire les taxes sur les transactions de logements.
La réforme du marché du travail a beaucoup progressé, mais d’importants problèmes demeurent
47Avec une croissance de la production appelée à rester peu dynamique, l’Espagne est confrontée à un très fort taux de chômage. Ce sont les segments de la population qui étaient déjà défavorisés avant la crise – jeunes, immigrants et travailleurs temporaires – qui sont touchés pour l’essentiel par l’aggravation du chômage. En avril 2012, le taux de chômage des moins de 25 ans était de 51.5 %. Le pourcentage de jeunes ni dans l’emploi, ni scolarisés, ni en formation est proche de 20 %, soit l’un des taux les plus élevés de l’OCDE. Par ailleurs, le pourcentage de chômeurs sans travail depuis plus de 12 mois atteignait 43 % à la fin de 2011. L’expérience des périodes précédentes de grave ralentissement de l’activité économique donne à penser qu’il faudra sans doute beaucoup de temps pour absorber l’important stock de chômeurs.
48Les principaux enjeux auxquels doit faire face le marché du travail sont donc la très forte sous-utilisation des ressources de main-d’œuvre et la nécessité d’empêcher le chômage de devenir permanent. Dans le même temps, l’Espagne est soumise à d’importantes pressions budgétaires, d’où l’importance de mesures efficaces par rapport aux coûts. Dans ce contexte, il est donc essentiel :
- de mettre en œuvre les réformes nécessaires pour remédier aux obstacles structurels qui empêchent toujours les entreprises de créer des emplois et d’améliorer leur compétitivité, notamment au niveau de la protection de l’emploi et des négociations salariales ;
- d’améliorer l’activation des chômeurs, en réformant les services de placement et en développant les politiques actives du marché du travail efficaces et bien ciblées, notamment pour les jeunes ;
- de renforcer les compétences requises, notamment chez les jeunes, en élargissant l’accès au deuxième cycle du secondaire.
Faire en sorte que la protection de l’emploi ne soit pas un obstacle à l’embauche
49La réforme de la législation de protection de l’emploi est indispensable pour réduire les contre-incitations à l’embauche par les entreprises de travailleurs sur contrats de durée indéterminée (CDI). Du fait des coûts élevés de licenciement des travailleurs en CDI par rapport à ceux sous contrats temporaires (CDD), les entreprises sont réticentes à convertir les CDD en CDI, ce qui crée un marché du travail dual (OCDE, 2010a). La protection élevée dont bénéficient les travailleurs en CDI pèse aussi sur la réactivité des salaires aux conditions du marché du travail et rend l’intégration des jeunes sur le marché plus difficile. Enfin, elle nuit à la productivité du travail en réduisant la mobilité professionnelle des travailleurs permanents et les incitations des individus et des entreprises à investir dans la formation dans le cas d’emplois temporaires (Mora-Sanguinetti et Fuentes, 2012).
50Les réformes du marché du travail de 2012 visent à réduire la dualité. En cas de licenciement jugé injustifié, l’indemnité maximale est ramenée à 33 jours de salaire par année d’ancienneté (jusqu’à un maximum de 24 mois), contre 45 jours (et un maximum de 42 mois) auparavant. Ces règles s’appliquent à tous les nouveaux contrats ainsi qu’aux futures années de service sur les contrats existants. Dans le cas d’un licenciement justifié, l’indemnité est de seulement 20 jours par année d’ancienneté. Une partie potentiellement importante de la réforme consistera à préciser ce qu’est un licenciement justifié, car le dispositif sera ainsi plus facile à utiliser. Cela devrait aider à ramener la référence à 20 jours par année d’ancienneté. Les entreprises n’ont plus à verser des salaires provisoires tant que les procédures judiciaires sont en cours et les licenciements collectifs sont facilités par la suppression de l’obligation d’approbation préalable par une administration régionale ou l’administration centrale. Globalement, les salariés sont moins incités à aller devant les tribunaux pour contester le caractère justifié du licenciement.
51En vertu de la nouvelle loi, le licenciement peut être considéré comme justifié pour des raisons économiques si l’entreprise est confrontée pendant trois trimestres consécutifs à une baisse de ses recettes par rapport à l’année précédente. La possibilité de réduire les effectifs lorsque la situation se dégrade devrait inciter les entreprises à recourir plus largement aux CDI et devrait améliorer la flexibilité des salaires. En période d’amélioration de la conjoncture, la réforme devrait aussi favoriser les restructurations et la flexibilité, mais il reste à voir combien de licenciements seront jugés justifiés par les tribunaux. En tout état de cause, l’indemnité pour licenciement injustifié devrait être encore réduite, car à 33 jours de salaire par année d’ancienneté, les coûts de licenciement restent élevés par rapport aux autres pays. En particulier, la différence avec les coûts de licenciement des travailleurs en CDD reste importante. Si la réforme ne parvient pas à réduire sensiblement la dualité, ne garder qu’un seul contrat assorti d’indemnités de licenciement initialement faibles et augmentant graduellement pourrait être un moyen plus efficace de resserrer l’écart entre les coûts de licenciement des travailleurs temporaires et des travailleurs permanents.
52Les réformes de 2012 rétablissent la durée maximale de 24 mois pour les contrats de durée déterminée, mais cette limite a eu peu d’effet par le passé. Elle peut être contournée en redéfinissant le poste et en réembauchant les mêmes travailleurs sur un autre contrat temporaire après une période de chômage. À moyen terme, faire en sorte que les cotisations des employeurs à la caisse d’assurance-chômage dépendent de leurs antécédents en matière de licenciement – comme c’est le cas aux États-Unis – pourrait contribuer à réduire ce risque et à remédier à la dualité. Cela impliquerait, toutefois, un renforcement de facto de la protection de l’emploi, d’où la nécessité de revoir la politique dans ce domaine.
Promotion de la création d’emplois grâce à un ajustement plus flexible des salaires
53La réforme des négociations collectives est particulièrement importante pour encourager la création d’emplois en offrant la possibilité d’un ajustement plus flexible des salaires et de la durée du travail, de façon à améliorer la compétitivité. En Espagne, les entreprises ont eu jusqu’ici peu de marge de man œuvre pour ajuster les conditions de travail à la situation extérieure ou intérieure, comme en témoigne le fait que les salaires négociés collectivement ont continué d’augmenter alors même que le chômage atteignait des sommets (graphique 7). Cette situation s’explique par un système complexe de négociations collectives, essentiellement aux niveaux sectoriel ou régional, et à l’extension légale de ces négociations à toutes les entreprises du même secteur ou de la même région, même celles non représentées dans les négociations.
Coûts salariaux1
Coûts salariaux1
Croissance en pourcentage1. Les données pour 2010 et 2011 sont provisoires.
54Les réformes du marché du travail de 2012 permettent la négociation d’accords collectifs d’entreprise, supprimant les restrictions que les négociations sectorielles pouvaient imposer à ces accords. Les entreprises peuvent plus facilement choisir de ne pas participer aux accords collectifs si les employeurs et les salariés ne s’entendent pas ; dans ce cas, la réforme a introduit un arbitrage obligatoire. Les entreprises peuvent modifier unilatéralement les contrats d’emploi. Enfin, la réforme limite à une année la période maximale durant laquelle les conditions d’un accord collectif restent en vigueur au-delà de la durée initialement prévue.
55Ces mesures améliorent sensiblement la flexibilité des conditions de travail au niveau des entreprises, ce qui est bienvenu. Néanmoins, certaines conventions salariales collectives peuvent encore s’appliquer jusqu’à quatre ans, car elles sont négociées pour trois ans et peuvent rester en vigueur pendant encore une année après la date limite initialement envisagée. Dans ces conditions, les salaires seront vraisemblablement moins réactifs aux conditions économiques, même si les mesures décrites plus haut améliorent la flexibilité et si le taux de croissance des salaires nominaux est tombé à 0 % au deuxième trimestre. Pour les entreprises qui ne parviennent pas à conclure un accord à leur niveau, le principe de l’extension légale exige qu’elles appliquent les accords négociés à un niveau plus élevé. Les résultats des nouveaux accords d’entreprise resteront vraisemblablement conditionnés par les accords sectoriels, car, dans la plupart des cas, ces derniers constituent l’option par défaut si un accord d’entreprise n’est pas conclu. Cependant, sous l’effet des réformes, il se peut que les accords négociés à un plus haut niveau deviennent eux aussi plus souples face aux évolutions économiques. Par ailleurs, les entreprises ne peuvent pas décider individuellement si elles souhaitent participer ou non aux négociations sectorielles. Une autre option pour éviter ces inconvénients consisterait à supprimer l’extension légale ou à la remplacer par un système d’adhésion volontaire, par lequel les employeurs décident d’être ou non représentés dans les négociations salariales sectorielles.
Renforcer l’activation
56Améliorer l’aide à la recherche d’un emploi pour les jeunes ayant du mal à s’intégrer sur le marché du travail s’est révélé efficace dans d’autres pays et est particulièrement nécessaire en Espagne, eu égard à la forte proportion de jeunes qui ne sont ni dans l’emploi, ni scolarisés, ni en formation (OCDE, 2010b). En outre, en période de récession, le plus faible coût d’opportunité du temps passé en formation rend particulièrement indiquée une amélioration dans ce domaine. La possibilité d’acquérir une formation aiderait aussi le chômeur à diversifier ses compétences et à se préparer ainsi à exercer un emploi en dehors de son domaine d’activité antérieur, ce qui est particulièrement important pour l’Espagne, où la reprise économique passe par des changements structurels massifs. Les autorités sont en train de mettre au point des mesures pour s’attaquer à ces problèmes.
57Si l’assurance-chômage a contribué jusqu’ici à limiter les coûts sociaux de la crise économique et financière, l’aggravation du chômage de longue durée a diminué la couverture de l’assurance-chômage du fait de l’arrivée à terme de la période d’indemnisation. En conséquence, des services de placement et d’activation efficaces des chômeurs sont indispensables pour faire reculer le chômage et éviter qu’il ne s’enracine. La réforme de 2012 autorise les agences d’intérim à servir d’agences de placement. C’est là une évolution bienvenue. Cependant, les obligations faites aux allocataires de rechercher activement un emploi doivent être mieux mises en œuvre, même si certaines mesures ont été prises pour améliorer la situation dans ce domaine. Le partage des responsabilités peut rendre les bureaux régionaux de l’emploi moins enclins à contribuer au placement car les régions ne bénéficient pas des avantages fiscaux d’une réduction du chômage. Un suivi et une évaluation d’ensemble des services de placement et de la mise en œuvre des politiques actives du marché du travail au niveau régional, sur la base d’indicateurs quantitatifs de production, pourraient aider à renforcer les incitations offertes aux services régionaux de l’emploi (OCDE 2008, 2010a). Certaines mesures ont été prises dans cette perspective.
58Bien qu’un grand nombre de subventions à l’embauche aient été supprimées en 2012, de nouvelles aides ont fait leur apparition en faveur de groupes vulnérables, notamment les jeunes, pour les entreprises de moins de 50 salariés. La réforme de 2012 prévoit un accroissement de l’aide aux entreprises embauchant des travailleurs sur des contrats permanents. L’expérience des ralentissements précédents de l’activité a montré que, dans des conditions de très faible demande de main-d’œuvre, les incitations de ce type peuvent servir de tremplin à la création d’emplois, en particulier si elles sont ciblées sur les groupes vulnérables (OCDE, 2010c). Cependant, elles ne devraient être utilisées que comme un instrument temporaire, lorsque l’activité est peu dynamique, et ne devraient s’appliquer qu’aux jeunes les plus défavorisés. Les subventions à l’emploi dans le secteur privé comportent autrement d’importantes pertes sèches et effets de substitution, à même de s’amplifier en période de reprise (De Serres et al., 2010). En effet, à mesure que le marché du travail se tend, la plupart des dispositifs n’ont en fin de compte que peu de retombées positives en termes de gains nets d’emploi, mais sont coûteux du point de vue des finances publiques. L’Espagne en a d’ailleurs fait l’expérience durant les phases d’expansion économique (OCDE, 2010a).
Faire en sorte que les jeunes acquièrent les compétences nécessaires au marché du travail
59La part des travailleurs faiblement qualifiés dans l’ensemble des jeunes au chômage est particulièrement élevée en Espagne par rapport aux autres pays et s’est fortement accrue depuis 2007, en raison des faiblesses du système d’éducation et de la difficile transition de l’école au travail. Les décideurs devraient encourager les jeunes à rester dans l’enseignement formel ou professionnel pour renforcer leurs compétences et leur employabilité à long terme. Deux priorités apparaissent à l’évidence : réduire le fort taux de décrochage et améliorer l’enseignement professionnel.
60Le taux d’obtention du certificat d’éducation secondaire est très faible et ne s’est guère accru durant la crise, atteignant seulement 75 % en 2010. Les règles relativement strictes applicables à l’évaluation des élèves dans le premier cycle (obligatoire) du secondaire ont contribué à de nombreux redoublements et, finalement, à un fort pourcentage d’abandons à ce niveau. Outre les effets négatifs sur l’employabilité, le redoublement comporte des coûts importants pour la société dans son ensemble. Les autorités devraient revoir les critères d’évaluation pour le passage des élèves dans les classes supérieures et faciliter ainsi l’accès au deuxième cycle de l’enseignement secondaire, en privilégiant les compétences de base indispensables pour suivre toute filière à ce niveau. Dans le même temps, les efforts doivent se poursuivre pour améliorer les résultats scolaires.
61L’amélioration de l’enseignement professionnel est indispensable pour assurer aux jeunes risquant de décrocher des compétences utiles sur le marché du travail et également pour leur offrir la possibilité de passer dans le deuxième cycle de l’enseignement secondaire. En Espagne, les jeunes n’ont guère été incités à choisir les filières professionnelles, comme en témoignent les taux relativement faibles de diplômés dans les filières professionnelles. Par ailleurs, les compétences acquises ne correspondent pas à celles requises par le marché du travail (OCDE, 2008), du fait de la participation limitée des entreprises aux programmes des établissements d’enseignement. L’autre option offerte pour acquérir des compétences pratiques, le contrat de formation, s’est révélée également peu attrayante. Les compétences acquises par le biais de ces contrats n’ont pas été formellement reconnues, d’où la réticence des jeunes à accepter les emplois en question (OCDE, 2007). Les contrats ont aussi généralement été de trop courte durée pour que les entreprises puissent tirer un rendement net de l’investissement dans ce type de formation.
62Les autorités envisagent d’améliorer l’enseignement professionnel institutionnalisé et les contrats de formation. Ces deux éléments devraient être associés au sein d’un seul dispositif, la période sur laquelle portent les contrats de formation devrait être prolongée et une formation pratique devrait être assurée grâce à l’alternance entre contrats de formation et cours dans les établissements spécialisés. Ces réformes rendraient plus attrayant l’enseignement professionnel à la fois pour les jeunes et pour les entreprises : les étudiants se verraient verser un salaire et les contenus de la formation en milieu de travail et en milieu scolaire seraient étroitement liés. En versant des salaires, les entreprises participeraient au financement du système et elles devraient se montrer disposées à le faire compte tenu des avantages qu’elles peuvent en tirer en termes d’accès à une main-d’œuvre de meilleure qualité. Les autorités devraient viser essentiellement à assurer la partie de la formation dispensée dans les établissements, en s’employant à améliorer l’efficacité des dépenses.
Encadré 4. Principales recommandations concernant la réforme du marché du travail
- Réduire encore l’indemnisation en cas de licenciement injustifié. Si la réforme ne parvient pas à réduire sensiblement la dualité, ne conserver qu’un seul contrat prévoyant des indemnités de licenciement faibles au départ mais augmentant progressivement pourrait aider à resserrer l’écart encore important entre les coûts de licenciement des travailleurs temporaires et des travailleurs permanents, ce qui réduirait la dualité de façon efficace.
- Une option pour améliorer la souplesse de réaction aux conditions économiques consisterait à supprimer l’extension légale des conventions collectives conclues à un échelon plus élevé ou à la remplacer par un système d’adhésion volontaire, en vertu duquel les employeurs peuvent décider d’être ou non représentés dans les négociations salariales sectorielles.
- Élargir l’accès des jeunes chômeurs à la formation et à l’aide à la recherche d’un emploi. Mettre en place un dispositif complet de suivi et d’analyse comparative des services de placement et de mise en œuvre des politiques actives du marché du travail au niveau régional.
- Élargir l’accès au deuxième cycle de l’enseignement secondaire en ne gardant comme critères d’évaluation pour accorder le passage en classe supérieure dans le premier cycle la seule acquisition des compétences de base. Associer le système d’enseignement professionnel institutionnalisé et les contrats de formation en un seul dispositif.
Les réformes visant à accroître la productivité peuvent renforcer la compétitivité
63D’après les estimations structurelles fondées sur les indicateurs sectoriels de 2008 de la réglementation des marchés de produits, l’alignement de la réglementation dans les secteurs des réseaux et des services avec les meilleures pratiques internationales pourrait accroître le niveau de la productivité du travail en Espagne de pas moins de 7 % sur dix ans (Arnold et al., 2009). Si l’Espagne adopte une réglementation fondée sur les meilleures pratiques dans les secteurs qui sont d’importants prestataires d’intrants intermédiaires à l’économie, la croissance annuelle moyenne de la productivité totale des facteurs pourrait être d’environ 1.6 point de pourcentage plus élevée pour le secteur manufacturier et de 1.08 point de pourcentage plus élevée pour l’ensemble de l’économie sur une période de cinq ans (Bourlès et al., 2011), ces deux résultats partant de l’hypothèse que les meilleures pratiques sont adoptées dans chaque secteur et mises en place rapidement.
64La progression de la productivité du travail a été beaucoup plus faible en Espagne que dans les autres pays de l’OCDE depuis le milieu des années 90. Elle s’est accélérée ces dernières années, mais ce redressement est vraisemblablement imputable à des facteurs conjoncturels et à d’autres facteurs temporaires liés à la destruction d’emplois temporaires à faible productivité, notamment dans le secteur de la construction (Mora-Sanguinetti et Fuentes, 2012). La croissance de la productivité totale des facteurs a été faible dans un large éventail de secteurs (Mora-Sanguinetti et Fuentes, 2012), ce qui donne à penser qu’une action à grande échelle est requise pour renforcer la performance. Les réformes du marché du travail doivent jouer un rôle important dans l’amélioration des résultats de la productivité.
65Il ressort des données empiriques que la médiocrité des résultats en matière de productivité est liée pour partie à la relativement faible rotation de la main-d’œuvre dans les entreprises et à la taille importante du secteur des petites entreprises où la productivité est assez basse (Mora-Sanguinetti et Fuentes, 2012). Les données en question montrent que les obstacles à l’entrée et à la croissance des entreprises freinent les progrès de la productivité. La stricte réglementation des relations professionnelles peut accroître le coût de l’emploi, par rapport au travail indépendant, et risque donc de créer des obstacles à la croissance des entreprises performantes, qui est pourtant indispensable à la progression de la production et de la productivité (voir Wong et Autio, 2005, et les références qui y figurent).
66Les indicateurs de la réglementation des marchés des produits établis par l’OCDE font apparaître le niveau assez élevé des dépenses administratives liées à la création d’une entreprise. Par ailleurs, les autorisations auxquelles sont soumises les grandes surfaces de vente restent très lourdes. Certains obstacles à l’entrée dans les services professionnels semblent aussi inutiles, car les critères de qualification sont beaucoup plus stricts que dans les autres pays de l’UE. Les obstacles à l’entrée dans le transport routier pourraient aussi être encore réduits (annexe A1). Si les réformes récentes ont fait baisser les coûts de la création d’une entreprise, le nombre de procédures d’enregistrement requises est encore relativement élevé par rapport aux autres pays. Les autorités ont allongé la durée minimale hebdomadaire d’ouverture des magasins de détail que les administrations régionales doivent autoriser (les régions sont libres d’autoriser un allongement de la durée d’ouverture, mais pas de la réduire). Ce seuil, qui est actuellement assez faible, devrait être augmenté sensiblement au-delà de ce qui est actuellement prévu. Par ailleurs, il faudrait aussi éliminer les restrictions en matière de ventes au rabais. Les autorités visent à restreindre l’éventail des activités qui sont réservées à des groupes professionnels spécifiques et à éliminer les obstacles injustifiés à l’entrée et à l’exercice dans le secteur des services professionnels. Toutes ces mesures sont bienvenues. En outre, les coûts de la création d’entreprises devraient être réduits et les obstacles sectoriels à l’entrée devraient être éliminés, y compris pour les services professionnels ainsi que pour le transport routier.
67Les politiques destinées à assurer une utilisation durable et efficace des ressources naturelles sont indispensables à une expansion durable de l’activité. Les politiques relatives à l’eau sont particulièrement importantes en Espagne, car les pénuries sont prononcées et les ressources hydriques sont intensivement utilisées. Comme recommandé dans la précédente Étude économique de l’Espagne, les tarifs de l’eau devront être encore relevés de façon à refléter pleinement les coûts. La hausse des recettes provenant d’une amélioration de la récupération des coûts générerait des financements privés pour l’investissement, assurant des incitations économiques à court terme. D’autres mesures doivent être prises pour stopper les prélèvements souterrains excessifs. Les risques de contournement des règles des organismes de réglementation par les gros consommateurs d’eau devraient être réduits en élargissant l’approche participative à plus de parties prenantes, comme les scientifiques ou les représentants des institutions protégeant les écosystèmes locaux. Une réglementation de référence pour les compagnies des eaux contribuerait à une plus grande efficacité des services d’approvisionnement et de traitement.
Encadré 5. Principales recommandations concernant la réforme des marchés de produits
- Réduire encore les coûts et les procédures inhérents à la création d’entreprises et éliminer les obstacles sectoriels à l’entrée, y compris pour les services professionnels ainsi que pour le transport ferroviaire et routier.
- Il faudrait réduire les obstacles à l’entrée qui sont imposées aux grandes surfaces par les administrations régionales et libéraliser les heures d’ouverture des magasins dans les régions où des restrictions demeurent. Augmenter le nombre minimal d’heures d’ouverture que les administrations régionales doivent autoriser.
Progrès des principales réformes structurelles
68Cette annexe passe en revue les actions prises à la suite des recommandations formulées dans les Études précédentes. Les nouvelles recommandations figurent à la fin des chapitres de la présente Étude.
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