Notes
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[1]
Une réduction supplémentaire de 5 points est possible dans certaines conditions, en vertu d’une disposition destinée à promouvoir le développement des marchés locaux de capitaux. Parmi ces conditions figurent la cotation d’au moins 40 % du capital sur le marché local et un actionnariat dispersé pendant un certain nombre d’années, mais peu d’entreprises semblent se prévaloir de cette disposition.
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[2]
Les taux effectifs d’imposition retenus dans Abbas et al. (2012) correspondent aux taux effectifs moyens de l’impôt sur les bénéfices des sociétés payés dans le cadre d’un investissement hypothétique financé sur fonds propres en vue d’acquérir des machines et équipements, en supposant que le rendement avant impôt est de 20 %.
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[3]
Ces informations proviennent de la base de données ORBIS publiée par le Bureau van Dijk.
1Les régimes fiscaux présentent d’importantes différences d’un pays à l’autre, et les ouvrages consacrés à la question n’établissent pas clairement ce qu’est un régime idéal. La difficulté consiste à concevoir un système qui minimise les distorsions préjudiciables au bien-être et à la croissance, tout en atteignant les objectifs fixés en termes de recettes et de redistribution. Dans ce contexte, l’expérience de pays membres et non membres de l’OCDE permet de tirer un certain nombre d’enseignements généraux. Parallèlement à l’évaluation de l’efficacité du régime fiscal indonésien, l’un des objectifs du présent chapitre est de trouver les moyens de l’améliorer, en s’inspirant de ces enseignements. Les sections suivantes examinent les progrès du régime fiscal indonésien et replacent la structure de la fiscalité du pays dans un contexte international, avant de passer en revue les impôts sur le revenu des personnes physiques et sur les bénéfices des sociétés, la taxation des ressources naturelles, les impôts sur la consommation, les taxes foncières et les taxes sur les échanges internationaux. La dernière section réfléchit aux moyens d’améliorer l’efficience de l’administration de l’impôt.
Le régime fiscal indonésien : progrès et enjeux
2L’Indonésie a réalisé beaucoup de progrès en matière fiscale au cours de la dernière décennie, tant en ce qui concerne le montant des recettes recouvrées que l’efficacité administrative. Ces efforts ont permis d’améliorer la performance de l’économie en augmentant les ressources disponibles pour des dépenses publiques urgentes et en allégeant la charge que représente pour les contribuables le respect de leurs obligations fiscales. À terme, les autorités indonésiennes ayant fixé des objectifs de développement ambitieux, notamment en vue de moderniser les infrastructures du pays et d’élargir le filet de protection sociale, les besoins de financement seront considérables. Parallèlement, l’essor rapide de la classe moyenne s’accompagnera sans doute d’une demande politique en faveur d’améliorations des programmes de protection sociale et de fourniture de biens publics. Le développement d’une économie verte entraînera aussi des dépenses. Financer les mesures nécessaires pour atteindre ces objectifs exigera un surcroît de recettes publiques et représentera l’un des principaux enjeux auxquels sera confronté le régime fiscal dans les années à venir.
3En Indonésie, la pression fiscale est faible par comparaison avec les pays voisins et l’OCDE : le ratio des recettes fiscales des administrations publiques au PIB était de 12.6 % en 2011, soit un peu moins qu’en 2008, et l’un des plus bas du G20. D’après le projet de budget de 2013, le ratio de l’impôt au PIB devrait rester stable, malgré une hausse des recettes au titre de la TVA. À titre de comparaison, plusieurs pays parmi les plus développés de l’ASEAN ont engrangé des recettes fiscales supérieures à 15 % de leur PIB en 2009, tandis que la moyenne de l’OCDE était de 33.8 % du PIB, hors recettes non fiscales (graphique 1.1). Le FMI estime qu’aux taux de prélèvement actuels, les recettes maximales que l’Indonésie pourrait collecter en élargissant l’assiette et en améliorant la discipline fiscale représentent 21.5 % du PIB (FMI, 2011a).
Recettes fiscales et PIB par habitant de l’Indonésie
Recettes fiscales et PIB par habitant de l’Indonésie
2009Note : Les recettes non fiscales ne sont pas prises en compte. Les données se rapportent à l’année 2008 pour l’Inde et concernent uniquement l’administration centrale pour la Malaisie.
4Il faudra faire des efforts considérables pour augmenter les prélèvements fiscaux, surtout dans un pays où l’économie informelle est très développée. Néanmoins, l’expérience d’un certain nombre de pays a montré que des hausses substantielles de recettes sont possibles moyennant une ferme volonté politique et une conception judicieuse du système fiscal. À titre d’exemple, le ratio des recettes fiscales au PIB est passé de 13 % à 17 % au Pérou au cours de la dernière décennie, tandis qu’il a été porté de 19 % à 24 % au Viêtnam pendant la même période.
5Mobiliser des recettes fiscales supplémentaires n’implique pas les mêmes difficultés que relever les taux d’imposition. Se contenter d’alourdir la charge qui pèse sur les contribuables actuels risque d’aggraver les distorsions et les inégalités perçues. À mesure que la pression fiscale augmente, de nouveaux gains d’efficience devront impérativement être réalisés. Cet objectif comporte trois dimensions qui seront abordées tour à tour dans les sections suivantes du présent chapitre. Premièrement, les autorités devraient faire en sorte que la structure fiscale, c’est-à-dire la répartition des recettes entre les différents instruments d’imposition, atteigne un juste équilibre. Deuxièmement, la conception de chacun des principaux instruments fiscaux ouvre des possibilités de réformes axées sur l’efficience, comme l’élargissement de l’assiette et la simplification des barèmes. Enfin, il est impératif d’examiner les performances de l’administration fiscale, car elles constituent un déterminant essentiel du décalage entre la politique fiscale et sa mise en œuvre.
6La décentralisation budgétaire constitue un important chantier depuis que l’Indonésie a renoué avec la démocratie en 1998. Toutefois, à l’exception des impôts fonciers, dont le recouvrement sera confié aux collectivités locales en 2014, la décentralisation budgétaire concerne essentiellement le volet des dépenses et s’accomplit par le biais d’un système de transferts entre administrations ; elle ne sera donc pas traitée dans le présent chapitre. À l’heure actuelle, les impôts locaux ne représentent que 0.8 % du PIB, les autres recettes fiscales étant collectées par l’administration centrale.
Établir une structure fiscale adaptée
7Les États ont à leur disposition un large choix d’impôts qui n’ont pas tous le même impact sur la distribution des revenus et sur les distorsions préjudiciables à la croissance, de par leurs répercussions sur les moteurs de croissance. Par exemple, les impôts sur le travail peuvent influer sur les décisions d’exercer une activité, notamment chez les seconds apporteurs de revenu, tandis que la fiscalité pèse sur les décisions d’investissement dans la mesure où elle modifie le rendement après impôts ; même la productivité peut être touchée (Arnold et al., 2011). En outre, les différents instruments fiscaux sont plus ou moins sensibles à l’augmentation de la mobilité de certaines catégories de capital et de travail. Au regard des évolutions actuelles sur le plan de la libéralisation des échanges, de la concurrence fiscale et de l’intégration régionale, des bases d’imposition relativement immobiles offrent un potentiel accru de recettes supplémentaires, essentiellement par le biais des impôts sur la consommation, des impôts fonciers et ceux sur le travail, bien que le segment le plus qualifié de la main-d’œuvre puisse être extrêmement mobile.
8La structure fiscale de l’Indonésie se distingue de celle des pays de l’OCDE – et, dans une moindre mesure, également de celle des pays de l’ASEAN – principalement par une forte dépendance à l’égard des recettes de l’impôt sur les sociétés et une faible part des recettes tirées de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (graphique 1.2). La prééminence des impôts sur les bénéfices des sociétés est frappante lorsqu’on les rapporte au total des impôts sur le revenu ; néanmoins, même ramenés au PIB, les impôts sur les sociétés génèrent près de deux fois plus de recettes en Indonésie que dans les pays de l’OCDE. L’abondance des ressources naturelles peut être une explication, car les rentes correspondantes permettent aux sociétés de dégager des bénéfices plus élevés qu’ailleurs. De fait, le secteur du pétrole et du gaz génère à lui seul près de 20 % des recettes de l’impôt sur les sociétés. On ne dispose pas de chiffres récents sur d’autres secteurs de ressources, mais à supposer que les industries extractives procurent environ 5 % de recettes supplémentaires au titre de l’impôt sur les sociétés, comme l’indiquent les résultats d’une enquête de 2007, la part ajustée des recettes provenant des impôts sur les bénéfices des sociétés serait proche du niveau en vigueur dans les six autres pays de l’ASEANE représentés dans le graphique 1.2 (PWC, 2008).
Structure fiscale de l’Indonésie, des pays de l’OCDE et des pays de l’ASEAN en 2010
Structure fiscale de l’Indonésie, des pays de l’OCDE et des pays de l’ASEAN en 2010
Note : ASEAN6 comprend le Cambodge, le Laos, la Malaisie, les Philippines, la Thaïlande et le Viêtnam. L’Australie, le Japon et la Pologne ne sont pas pris en compte dans la moyenne de l’OCDE faute de données pour 2010.9S’agissant des impôts et prélèvements sur le revenu des personnes physiques, d’autres pays de la région parviennent à un pourcentage du PIB trois fois supérieur à celui de l’Indonésie. L’écart considérable entre l’Indonésie et les pays de l’OCDE s’explique en partie par le rôle minime des cotisations de sécurité sociale, poste important et qui ne cesse de progresser dans les pays de l’OCDE, où elles financent de larges pans de la protection sociale, y compris les pensions de vieillesse, les systèmes de santé publics, l’indemnisation du chômage et d’autres prestations sociales. Autre différence sensible : les taxes sur les échanges, qui représentaient une fraction stable des recettes fiscales ces dernières années (4 %, soit 0.5 % du PIB) en Indonésie. Ce pourcentage est plus de quatre fois supérieur à la moyenne de l’OCDE en termes de PIB, bien qu’il soit inférieur à celui des six autres pays de l’ASEAN pour lesquels des données sont disponibles.
10L’expérience des pays de l’OCDE au cours des trois dernières décennies renseigne sur le lien entre échanges et croissance. Les données empiriques montrent que certains instruments fiscaux sont plus préjudiciables à la croissance que d’autres, ce qui permet de les classer en fonction de leur impact sur la croissance (Johansson et al., 2008 ; Arnold et al., 2011). Ces données s’appuient sur des régressions de panel effectuées au niveau de l’ensemble des économies de l’OCDE, mais sont également confirmées par l’analyse de microdonnées au niveau sectoriel et des entreprises (Arnold et al., 2011). Les résultats montrent que les impôts fonciers et ceux sur la consommation ont relativement peu d’effets sur la croissance économique, tandis qu’à l’autre bout du spectre, les impôts sur les bénéfices des sociétés sont généralement plus néfastes que ceux sur le revenu des personnes physiques. L’hétérogénéité de ces effets sur la croissance peut s’expliquer par les différences de mobilité des bases d’imposition respectives, bien que cette hypothèse ne puisse pas être testée avec les données disponibles.
Améliorer la performance des différents instruments fiscaux
11Il est certes important de choisir la structure fiscale adéquate, mais il est également crucial d’optimiser chaque impôt en fonction des objectifs poursuivis. En pratique, le mérite relatif des différents impôts dépendra dans une large mesure de la qualité de leur conception et de leur mise en œuvre ; les éléments réunis par l’OCDE sur le classement des différents impôts en fonction de leur impact sur la croissance doivent être interprétés en tenant compte de la situation moyenne dans les pays de l’OCDE. Des caractéristiques telles que le développement institutionnel d’un pays influeront sur l’efficacité concrète d’un instrument fiscal, et les responsables de la politique fiscale doivent prendre ces caractéristiques en considération. Par exemple, il est probablement plus pertinent de privilégier les impôts faciles à administrer dans le cas de l’Indonésie que pour de nombreux pays de l’OCDE. Dans cette optique, il pourrait être utile de viser à mettre en place un régime fiscal avec peu de taux et d’exemptions et de tirer parti des bases d’imposition faciles à surveiller.
Impôts sur le revenu des personnes physiques
12En Indonésie, les recettes générées par l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) sont faibles, ce qui est dans une certaine mesure une caractéristique commune aux économies de marché émergentes. Néanmoins, à 1.4 % du PIB, ces recettes représentent moins d’un tiers de celles dégagées par d’autres pays de l’ASEAN, et se situent au-dessous de la moyenne de 1.9 % des pays à revenu moyen inférieur. Compte tenu de ce faible niveau, les impôts sur le revenu des personnes physiques, bien qu’en principe plus préjudiciables à la croissance que les impôts sur la consommation, se prêtent à une augmentation des recettes fiscales. Si cette augmentation peut passer par un élargissement de l’assiette fiscale, les distorsions induites par les recettes supplémentaires de l’IRPP seront réduites.
13L’Indonésie est dotée d’un régime de l’IRPP qui comporte un seuil de revenu et des taux progressifs. Une famille composée de deux adultes qui travaillent et de deux enfants n’aura pas à payer d’impôt au-dessous d’un revenu annuel d’environ 40 millions IDR (4 300 USD environ) ; pour une famille comptant un seul apporteur de revenu, ce seuil est de 26 millions IDR (environ 2 800 USD). Étant donné que le revenu marchand annuel du quintile supérieur commence à environ 3 500 USD, les impôts sur le revenu des personnes physiques concernent moins de 20 % de tous les Indonésiens (Nugraha et Lewis, 2011). Par exemple, pour un couple marié avec deux enfants et dont les gains correspondent à 100 % et 67 % du salaire moyen, cas de figure typique utilisé dans la publication de l’OCDE Les impôts sur les salaires (Gandullia et al., 2012 ; OCDE, 2012), l’impôt dû sur le revenu sera nul, bien qu’il soit soumis à des cotisations de sécurité sociale équivalentes à 2 % du salaire au titre du fonds d’assurance-vieillesse des salariés, le JAMSOSTEK. Les taux de l’IRPP débutent à seulement 5 % pour la première tranche de 50 millions IDR de revenu imposable, et augmentent progressivement pour atteindre 30 % du revenu imposable au-delà de 500 millions IDR (44 000 USD environ).
14Le barème de taux semble globalement adéquat. Le seuil assez élevé se justifie dans la mesure où il évite de consacrer de précieuses ressources administratives aux activités de contrôle visant les contribuables à bas revenu et aux capacités contributives réduites, et atténue la charge fiscale qui pèse sur les ménages dont les besoins fondamentaux ne sont pas satisfaits. Dans le même temps, après avoir été ramené à 5 %, le taux d’imposition initial est bas, ce qui évite de créer de fortes contre-incitations à rejoindre l’économie formelle et maintient la progressivité du système fiscal. À l’autre bout du spectre, le taux supérieur de 30 % est globalement conforme aux taux marginaux pratiqués dans la région (graphique 1.3). Il existe de bonnes raisons d’éviter des taux marginaux supérieurs élevés. De tels taux réduiraient les incitations à déclarer l’intégralité de son revenu. Selon des estimations empiriques fondées sur des enquêtes auprès des ménages indonésiens, le revenu déclaré des catégories de contribuables à haut revenu est plus réactif aux changements de politique fiscale que celui des contribuables à faible revenu, et une diminution des taux marginaux supérieurs peut maximiser les revenus déclarés aux autorités fiscales (Yuwono, 2009). En outre, il est largement admis que des taux marginaux supérieurs élevés freinent la prise de risque et l’entrepreneuriat.
15Les modifications apportées récemment au régime fiscal ont accru la progressivité pour les revenus imposables les plus bas et l’ont réduite en haut de l’échelle. Malgré la forte progressivité du barème, les seules données empiriques disponibles amènent à penser que le régime fiscal ne contribue que marginalement à la réduction des inégalités de revenu en Indonésie (Nugraha et Lewis, 2011). Cette situation contraste fortement avec celle observée pour les régimes fiscaux de 10 pays de l’OCDE, pour lesquels on dispose des données pertinentes et qui permettent de réduire considérablement les inégalités grâce à l’impôt. En outre, les pays de l’OCDE disposent de systèmes de transferts plus développés, qui améliorent encore la distribution du revenu disponible. Il est difficile de déterminer pourquoi l’impôt sur le revenu des personnes physiques contribue si peu à résorber les inégalités de revenu en Indonésie, malgré la progressivité du barème de taux. Cette situation peut tenir en partie aux exonérations fiscales dont bénéficient les plus aisés, comme le fait que les avantages accessoires et les prestations versés par les employeurs ne sont pas considérés comme des revenus et donc échappent à l’IRPP. Ces avantages et prestations peuvent représenter une part non négligeable de la rémunération, et leur exonération fiscale incite à en faire un usage excessif. Sachant que ce sont en général les salariés ayant les plus hauts revenus qui en bénéficient, imposer ces avantages contribuerait à renforcer l’effet redistributif des impôts sur le revenu des personnes physiques et à en élargir l’assiette. Dans le même temps, les bénéficiaires de ces avantages ayant souvent un taux marginal d’imposition supérieur au taux de l’impôt sur les sociétés de 25 %, l’imposition des avantages au niveau individuel accroîtrait les recettes fiscales globales, même si elle va de pair avec la déductibilité des avantages accessoires de l’assiette de l’impôt sur les sociétés. S’agissant de l’administration fiscale, il peut aussi y avoir des différences d’efficacité du recouvrement de l’impôt d’une catégorie de revenu à l’autre, mais aucune donnée empirique cohérente ne confirme cette hypothèse.
Comparaison régionale des taux d’imposition de l’Indonésie
Comparaison régionale des taux d’imposition de l’Indonésie
Pourcentage16L’Indonésie a mis en place un système prévoyant diverses retenues à la source, notamment sur les salaires et les revenus d’intérêt et de dividendes, ainsi que sur certains paiements interentreprises au titre des redevances, loyers et services. Les prélèvements à la source représentent un impôt prépayé pour les contribuables et viennent en déduction de l’impôt dû dans leur déclaration annuelle. Une exception s’applique aux impôts prélevés sur les revenus d’intérêt, y compris ceux générés par des obligations cotées, pour lesquels la retenue de 15 % applicable aux résidents est considérée comme étant l’impôt final. Dans les faits, cela signifie que l’Indonésie gère un système dual d’impôt sur le revenu, dans lequel les revenus d’intérêt sont taxés à taux fixe quel que soit le taux d’imposition marginal du contribuable. De tels régimes fiscaux explicitement cédulaires compliquent la mise en œuvre de la progressivité, mais se révèlent en pratique plus efficaces pour garantir les recettes fiscales et utiliser les informations de tiers, comme celles communiquées par des institutions financières (FMI, 2011).
17Compte tenu de la nécessité de simplifier les procédures administratives, le système indonésien de retenues à la source semble théoriquement pertinent. Néanmoins, le traitement différent réservé aux intérêts et dividendes perçus par les contribuables dont le taux marginal d’imposition dépasse 15 % fausse le choix de répartition des actifs entre les titres à revenu fixe et les actions, sans produire d’avantages évidents en contrepartie. Si la retenue sur les dividendes était définitive, comme elle l’est pour les revenus d’intérêt, cette différence s’en trouverait réduite, mais pas complètement supprimée en raison de la double imposition du rendement des actions au niveau de la société et au niveau de l’actionnaire. Les tâches d’administration et de discipline fiscales seraient également simplifiées. Une autre solution pour réduire les distorsions dans le choix du portefeuille serait d’exiger de porter l’intégralité des intérêts et des dividendes perçus dans la déclaration d’impôt annuelle, et de les taxer aux taux normaux de l’IRPP. Cette formule permettrait de taxer le revenu du capital des contribuables les plus aisés à des taux supérieurs, tout en supprimant les différences de traitement fiscal des revenus sous forme d’intérêts et de dividendes, par le biais de l’imputation intégrale des impôts sur les sociétés acquittés au niveau de l’actionnaire. Toutefois, cette réforme aurait pour inconvénient de rendre le système de l’IRPP beaucoup plus complexe. De plus, le relèvement de la charge fiscale sur les revenus d’intérêt pour les contribuables aisés encouragerait les résidents à transférer leurs placements à revenu fixe à l’étranger, où ils pourraient aisément échapper à toute forme d’imposition, même s’ils seraient en principe assujettis à l’impôt sur les revenus en Indonésie.
Élargir l’assiette fiscale des impôts sur le revenu des personnes physiques
18Plutôt que repenser sa politique fiscale, l’Indonésie devrait centrer ses efforts sur l’administration fiscale en vue d’accroître les recettes de l’IRPP. Le principal défi consiste à élargir l’assiette fiscale effective, objectif déclaré du gouvernement indonésien. Les données d’enquête amènent à penser que les recettes de l’IRPP ne représentaient que 43 % des recettes potentielles qui seraient perçues si les règles fiscales en vigueur étaient pleinement appliquées (Yuwono, 2009). Moins de 60 % des contribuables tenus de déposer une déclaration annuelle d’impôt sur le revenu le font, et plus de 80 % des recettes sont payées par 3 % des contribuables (Nugraha et Lewis, 2011). Pourtant, l’autorité fiscale (Direction générale des impôts, DGI) est parvenue, au cours des dernières années, à accroître le nombre de contribuables et leur ratio de dépôt de déclarations annuelles. Ils sont ainsi passés de 3.25 millions en 2006 à près de 17 millions en 2010 (graphique 1.4).
Évolution du nombre de contribuables
Évolution du nombre de contribuables
19Pour les salariés, le système de retenue à la source semble donner de bons résultats en termes de recettes recouvrées, mais est moins efficace pour ce qui est des informations communiquées à l’administration fiscale, qui reçoit souvent des paiements forfaitaires des employeurs, sans ventilation détaillée des contribuables qui font l’objet de ces retenues. L’administration fiscale pourrait être simplifiée en supprimant l’obligation de déposer une déclaration annuelle pour les salariés ayant une seule source de revenu et en se fondant uniquement sur le système de retenue pour déterminer l’impôt à leur charge. Cela réduirait à la fois la charge de conformité pour ces salariés, et la charge de travail de l’administration fiscale ; il faudrait également inciter les employeurs à remettre aux autorités fiscales des comptes détaillés.
20Les travailleurs non salariés, en revanche, ne sont pas intégrés dans le système de retenue, et aucune approche systématique n’est suivie pour calculer leur impôt. Par conséquent, un travailleur non salarié peut percevoir un revenu pendant des années sans jamais attirer l’attention de l’administration fiscale ; c’est un domaine dans lequel les possibilités d’élargissement de l’assiette fiscale sont considérables. Des efforts sont actuellement déployés en vue de soumettre ces activités à l’impôt, par le biais d’un recensement qui doit s’achever en novembre 2012, lors duquel les agents des impôts font du porte-à-porte afin de déceler les activités économiques sous-déclarées. Ces efforts semblent utiles, même si leur effet concret reste encore à mesurer. Ils devraient cependant être étayés par des mesures visant à faciliter le respect volontaire des obligations fiscales, notamment avec l’introduction d’un numéro d’identification unique des contribuables, éventuellement lié à un numéro déjà utilisé couramment : par exemple, le numéro d’identité unique (Nomor Induk Kependudukan) employé sur les cartes nationales d’identité délivrées à tous les résidents indonésiens. À l’heure actuelle, les contribuables potentiels doivent prendre l’initiative de demander un numéro d’identification fiscal, et les entrepreneurs qui ne le font pas restent en dehors du système.
21Une autre mesure utile pour inciter les non salariés à régulariser leur situation fiscale serait de réduire pendant un certain temps pour les primodéclarants les pénalités en cas de non-respect des règles fiscales par le passé. Pour l’heure, une pénalité forfaitaire de 2 % par mois s’applique au total des impôts dus. Ce taux élevé incite fortement à ne pas se déclarer, par crainte de devoir payer de lourdes pénalités sur l’arriéré d’impôt si l’administration découvre, à l’occasion de la première déclaration, que le déposant a dissimulé des activités par le passé. Pour les primodéclarants seulement, on pourrait fixer des limites explicites aux pénalités infligées en cas d’activités passées non déclarées. Parallèlement, encourager le respect volontaire des obligations fiscales ne doit pas se traduire par des mesures d’amnistie générale, à même de créer un aléa moral et d’être perçues comme injustes par les contribuables respectueux de la loi.
22Les salariés du secteur informel représentent une autre catégorie de titulaires de revenu que le système fiscal appréhende avec difficulté. Étant donné que leurs employeurs déclarent rarement leur revenu à l’administration fiscale, aucune retenue à la source n’est possible. Il est difficile d’estimer l’ampleur des pertes de recettes qui se rattachent à ces travailleurs, mais le seuil élevé d’imposition sur le revenu en Indonésie a pour effet que seuls les travailleurs informels qui gagnent beaucoup plus que le salaire moyen seraient des contribuables si leur situation au regard de l’emploi était régularisée. L’économie informelle est un problème de longue date en Indonésie, mais les principaux obstacles à la régularisation ne semblent pas tenir au système fiscal. Comme on l’a vu dans l’Étude économique 2010, des indemnités de licenciement généreuses, les tracasseries administratives que rencontrent les entreprises qui souhaitent congédier du personnel et le salaire minimum élevé sont les principaux facteurs qui dissuadent d’embaucher en bonne et due forme. Les coins fiscaux jouent un rôle relativement minime dans ce contexte. Équivalents à 8.2 % pour un ménage de quatre personnes dont la rémunération est égale au salaire moyen en 2009, ils se composent uniquement de cotisations de sécurité sociale et soutiennent avantageusement la comparaison avec la moyenne de près de 30 % dans les économies de l’OCDE (Gandullia et al., 2012).
23L’élargissement de l’assiette de l’IRPP implique non seulement une augmentation du nombre de contribuables, mais aussi une progression des recettes recouvrées auprès des contribuables actuels. D’après les données disponibles, le revenu imposable est largement sous-déclaré, et les contribuables à incriminer sont probablement ceux à revenu intermédiaire à élevé. Par conséquent, réduire l’ampleur de la fraude et de l’évasion fiscales de la part des contribuables aisés doit être une priorité pour améliorer l’administration de l’IRPP. L’incivisme fiscal des élites peut non seulement entraîner d’importantes pertes de recettes, mais sape également la légitimité du système fiscal. Dans ce contexte, les autorités fiscales devraient envisager d’utiliser davantage les renseignements provenant de tiers et d’employer des méthodes indirectes pour calculer l’impôt dû. Le recours à des renseignements de tiers peut englober l’utilisation de données sur des avoirs provenant des marchés de valeurs mobilières, de l’administration des douanes, de la banque centrale ou d’institutions de lutte contre le blanchiment de capitaux. Les informations sur des avoirs importants ou des biens de consommation de grande valeur doivent au minimum servir de signaux d’alerte susceptibles de déclencher un contrôle fiscal, même pour des personnes qui ne sont pas des contribuables enregistrés. Les autorités fiscales ont récemment été autorisées à utiliser de telles informations, bien que cette mesure n’ait pas encore été mise en œuvre. La dissuasion a également un rôle à jouer, et la médiatisation de quelques dossiers emblématiques assortis de lourdes sanctions peut adresser un signal très clair. Les autorités fiscales indonésiennes ont récemment décidé de dénoncer publiquement les fraudeurs fiscaux en communiquant leurs noms aux médias, tout en leur infligeant des sanctions telles que l’interdiction de voyager ou des peines d’emprisonnement. Compte tenu de l’importance des contribuables à haut revenu à la fois pour les recettes et pour la perception de justice du système fiscal, il est judicieux de mettre en place des cellules ad hoc au sein de l’administration fiscale ; c’est ce qu’a fait l’Indonésie en créant une unité des individus très fortunés, avec l’assistance technique de l’administration fiscale australienne. Il faudrait envisager de multiplier de telles unités en dehors de Jakarta.
Impôts sur les bénéfices des sociétés
24En Indonésie, 45 % des recettes fiscales sont actuellement générées par l’impôt sur les bénéfices des sociétés (IS). À supposer que l’on puisse généraliser à une économie comme l’Indonésie les résultats empiriques relatifs à l’impact sur la croissance de différents instruments fiscaux, on peut s’inquiéter à juste titre de la place relativement importante occupée par l’IS. De fait, l’IS peut entraver l’investissement et la productivité des entreprises en réduisant la rentabilité après impôts de projets d’investissement et en diminuant la prise de risque par les entrepreneurs (Schwellnus et Arnold, 2010). C’est pourquoi certains l’ont qualifié « d’impôt sur la réussite » (Gentry et Hubbard, 2006).
25Dans le même temps, deux éléments doivent être pris en compte pour nuancer l’importance des recettes générées par l’impôt sur les sociétés. Premièrement, la définition des recettes de l’IS en Indonésie englobe une fraction considérable de recettes issues des secteurs des ressources naturelles, dont les effets sur la croissance sont très différents de ceux des impôts sur d’autres bénéfices des entreprises, comme on le verra dans la section suivante. Deuxièmement, développer d’autres sources de recettes, y compris de l’IRPP, est probablement plus difficile en Indonésie que dans un pays moyen de l’OCDE doté d’une administration fiscale plus moderne. De fait, la relative simplicité administrative de l’imposition des sociétés plaide vigoureusement en faveur du maintien des recettes de l’IS à leur niveau actuel, tant que des progrès n’auront pas été accomplis concernant d’autres instruments fiscaux. Même dans ces conditions, il pourrait s’avérer inutile d’aller au-delà des deux réductions récentes du taux légal de 30 % en 2008 à 25 % actuellement [1].
Attirer l’investissement direct étranger
26L’Indonésie doit éviter d’imposer les entreprises plus lourdement que dans d’autres pays de la région si elle veut être compétitive et attirer les entrées d’investissement direct étranger (IDE), qui peuvent avoir des effets positifs sur la productivité et les salaires dans l’économie nationale (Arnold et Javorcik, 2009 ; Sjöholm et Lipsey, 2006). Néanmoins, il ne semble pas que la charge fiscale sur les entreprises soit très différente en Indonésie de ce qu’elle est dans d’autres pays de la région. Son taux légal de 25 % est comparable à celui des pays voisins, bien que le taux moyen effectif d’imposition soit plus bas en Thaïlande et en Malaisie (graphique 1.5). Le calcul du taux effectif d’imposition tient compte des différences de taux, d’assiettes (y compris les déductions d’amortissement) et des régimes spéciaux [2].
Comparaison régionale des taux de l’impôt sur les sociétés
Comparaison régionale des taux de l’impôt sur les sociétés
Taux légaux et taux moyens effectifs, 2012Note : Les données relatives au taux moyen effectif d’imposition au Cambodge ne sont pas disponibles.
27Les entrées d’IDE en Indonésie, qui représentent près de 2 % du PIB, sont environ deux fois moins élevées que dans les six autres pays de l’ASEAN figurant dans le graphique 1.5. Pourtant, leur augmentation entre 2006 et 2011 place l’Indonésie en tête de ce groupe, juste derrière le Viêtnam. Cela donne à penser que l’Indonésie rattrape son retard en termes d’attractivité pour l’IDE. En 2011, l’Indonésie a attiré près de 19 milliards USD d’entrées d’IDE, qui se répartissent entre divers secteurs (graphique 1.6).
Entrées nettes d’IDE par secteur
Entrées nettes d’IDE par secteur
201028Les taux d’impôt ne sont qu’un paramètre dans les décisions d’implantation des investisseurs étrangers. Lipsey et Sjöholm (2011) citent les difficultés liées à l’environnement économique, aux institutions publiques, aux compétences et aux infrastructures comme principaux obstacles à l’augmentation des entrées d’IDE en Indonésie ; d’après des données empiriques, les investissements sont généralement moins élastiques par rapport aux impôts dans les pays en développement que dans les économies développées (Klemm et van Parys, 2009). Mais surtout, il ne faut pas imaginer qu’une baisse des impôts est un moyen d’indemniser les investisseurs étrangers mobiles pour des carences dans d’autres domaines, au risque d’affaiblir les pressions politiques en faveur des réformes nécessaires dans ces domaines, tout en réduisant les recettes fiscales.
Incitations fiscales en faveur de l’investissement
29À la suite de consultations avec un certain nombre de secteurs, le gouvernement indonésien a récemment approuvé la mise en place d’incitations fiscales afin de soutenir des « grappes d’entreprises » considérées comme jouant un rôle stratégique pour l’économie nationale et de promouvoir le développement local. Ces incitations sont en principe octroyées dans 16 secteurs, mais les projets ne peuvent en bénéficier qu’après avoir été validés par le président de l’agence de coordination des investissements, la BKPM (PWC, 2011). En outre, le gouvernement a annoncé une nouvelle série d’exonérations fiscales temporaires au titre de l’impôt sur les sociétés, pour une durée de trois ans, en faveur des nouvelles entreprises qui investissent au moins 1 milliard IDR (105 millions USD) dans les « industries pionnières », notamment les métaux de base, le raffinage du pétrole, les machines textiles, les énergies de substitution et les équipements de télécommunications.
30Ces mesures érodent les recettes de l’impôt sur les sociétés, faussent l’imposition des sociétés et ouvrent des possibilités d’influence sur la prise de décisions. Pour garantir la transparence de la politique fiscale, il faudrait mettre en place une procédure systématique de communication publique des estimations de dépenses fiscales, complétée par des évaluations périodiques des mesures spécifiques. En outre, il faudrait si possible éviter que les responsables publics puissent prendre des décisions discrétionnaires au cas par cas concernant des projets spécifiques, car cela induit des risques de captation politique et met les capacités institutionnelles à l’épreuve. Si les autorités jugent nécessaire de soutenir l’investissement au moyen d’incitations fiscales, mieux vaut le faire par le biais de crédits d’impôt qu’en exonérant les bénéfices, et opter pour une large base de façon à rattacher fermement les dépenses fiscales à l’objectif d’augmentation de l’investissement. Toute activité commerciale exercée dans l’une ou l’autre des 25 zones de développement économique désignées (Kawasan Pengembangan Ekonomi Terpadu, KAPET) peut actuellement prétendre à des crédits d’impôt à l’investissement. En revanche, les exonérations fiscales directes sont généralement considérées comme la pire forme d’incitation, car elles risquent d’ancrer la corruption au sein de l’administration fiscale et peuvent rendre difficile l’évaluation par les autorités fiscales des moins-values sur recettes (FMI, 2011). C’est pourquoi le gouvernement indonésien devrait réexaminer l’ensemble récent d’incitations et d’exonérations fiscales pour certains secteurs et projets d’investissement.
Un régime fiscal spécifique pour les petites et moyennes entreprises
31Les autorités indonésiennes envisagent de mettre en place un régime fiscal simplifié pour les petites et moyennes entreprises (PME). À l’heure actuelle, la plupart des PME ne sont pas déclarées et ne paient aucun impôt. Beaucoup n’ont pas de comptabilité officielle. Imposer aux PME le respect de leurs obligations fiscales risque de faire peser une lourde charge sur les autorités fiscales locales, sans générer beaucoup de recettes. Néanmoins, les petites entreprises grandissent souvent au fil des années, et dans une perspective à plus long terme, il peut être judicieux de les intégrer très tôt dans un système fiscal simplifié et ciblé. Compte tenu de la nécessité de faire un usage optimum des ressources limitées en matière de recouvrement de l’impôt, la discipline volontaire devra être le principal pilier de cette stratégie, d’où la nécessité d’alléger la charge de conformité qui pèse sur les PME, en adoptant des procédures et des barèmes simplifiés. De nombreux pays ont conçu des régimes fiscaux simplifiés pour les PME ; le régime Simples Nacional brésilien en est un exemple (encadré 1.1). Soulignons toutefois que les régimes fiscaux simplifiés pour les PME ont tendance à induire des distorsions supplémentaires dans la mesure où ils sont souvent basés sur le chiffre d’affaires ou sur une évaluation forfaitaire des bénéfices, ce qui dissuade d’utiliser des intrants intermédiaires, et ils découragent les entreprises de se développer au-delà du seuil d’entrée dans le régime fiscal normal.
Encadré 1.1. Le régime fiscal Simples Nacional au Brésil
Le régime Simples Nacional regroupe une série d’impôts dans un prélèvement mensuel unique. Les impôts concernés sont les principales taxes et cotisations fédérales. Les microentreprises désignent des personnes physiques ou morales dont les recettes brutes sont inférieures ou égales à 240 000 BRL (120 000 USD) par année civile. Entre 240 000 BRL et 2.4 millions BRL de recettes, l’entreprise est considérée comme petite. Les entreprises doivent également respecter certaines conditions concernant la propriété d’autres sociétés et les activités qu’elles exercent. La participation au système est facultative, et les entreprises doivent s’inscrire en ligne. Tous les États et toutes les communes du pays doivent proposer ce régime. Toutefois, les petits États peuvent opter pour un seuil d’inscription différent pour le recouvrement des taxes locales. Les communes doivent adopter le même seuil que l’État auquel elles appartiennent.
Outre le régime Simples Nacional, un programme spécial encourage les entrepreneurs individuels (EI) à régulariser leur situation. Les EI doivent en premier lieu s’enregistrer au régime Simples Nacional. Ils ne peuvent pas gagner plus de 36 000 BRL (18 000 USD) par an, doivent travailler seuls et employer un seul salarié, et ne peuvent pas posséder ou gérer une autre entreprise, ou être associés dans cette autre entreprise. Ils peuvent travailler dans la plupart des secteurs, y compris le commerce, l’industrie et un éventail de services. La régularisation offre un certain nombre d’avantages. Les EI sont inscrits au Registre national des personnes morales, ce qui facilite l’ouverture d’un compte bancaire, l’octroi de prêts et l’émission de factures. Les EI bénéficient d’un système fiscal simplifié. Ils sont exonérés des impôts fédéraux et acquittent uniquement un forfait mensuel. Les seuils de revenu sont révisés chaque année en fonction des modifications du salaire minimum. En contrepartie, les EI ont accès aux prestations telles que la pension de retraite, le congé maladie et maternité et la couverture d’assurance en cas d’accident du travail.
Depuis sa création, le nombre de participants au régime Simples Nacional est en constante progression. Le seuil d’affiliation étant relativement élevé, environ 70 % de toutes les entreprises paient leurs impôts sous ce régime. Les impôts recouvrés par le régime simplifié ont eux aussi augmenté, hormis pendant la crise financière mondiale.
On estime que le régime Simples Nacional a contribué au recul observé de l’économie informelle. Selon les données officielles, le marché du travail informel ne représentait plus que 49 % de l’emploi total en 2010, contre 52 % en 2006, soit une baisse sensible. Toutefois, il est difficile de faire la distinction entre l’effet de ce régime et le dynamisme de l’activité économique. Des éléments montrent aussi que le programme pour les EI incite des travailleurs non déclarés à créer leur entreprise.
32D’après les plans actuels, l’État prévoit d’imposer une taxe sur les ventes annuelles de 2 % aux entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires compris entre 300 millions IDR et 4.8 milliards IDR, parallèlement à l’instauration d’une taxe de 0.5 % sur celles dont le chiffre d’affaires mensuel est inférieur à 300 millions IDR. En matière de recouvrement, ces plans s’appuieront sur le recensement fiscal en cours. Ensemble, le bas niveau du taux d’imposition, les procédures simplifiées et les mesures résolues visant à faire respecter la législation fiscale apparaissent comme autant d’avancées positives, même si les difficultés de mise en œuvre restent sans doute substantielles.
Taxes sur les ressources naturelles et redevances
33L’Indonésie se caractérise par l’abondance de ses ressources naturelles, et les rentes associées à l’extraction de ressources épuisables constituent une base d’imposition évidente. Les taxes sur l’extraction de ressources naturelles se distinguent de tous les autres instruments fiscaux pour diverses raisons (encadré 1.2). En Indonésie, le secteur du pétrole, du gaz et des minerais génère environ 30 % des recettes publiques, de nature fiscale et non fiscale, soit un montant très élevé, mais qui place l’Indonésie très loin dans le classement mondial (graphique 1.7).
Encadré 1.2. L’imposition de l’extraction de ressources naturelles
L’imposition des ressources naturelles s’appuie sur deux grandes approches, à savoir les instruments fiscaux assis sur la production comme les redevances, et les impôts sur les bénéfices au titre de la rente de ressources. Ils se distinguent principalement par le fait que les taxes sur la rente tiennent compte des coûts subis par les compagnies extractives, contrairement aux redevances. Étant donné qu’une fraction importante du risque entraîné par l’extraction de ressources est liée aux coûts, une taxe sur la rente signifie que l’État accepte d’assumer une fraction plus élevée du risque, en contrepartie de recettes potentiellement plus importantes. Les redevances sont généralement perçues sur les recettes de production (dans le système indonésien) ou sur les quantités produites. Les redevances ne tiennent habituellement pas compte des coûts d’exploration et peuvent donc décourager les investissements dans la prospection et la mise en valeur de nouveaux gisements de minerais. Par rapport aux taxes sur la rente, les redevances auront probablement plus d’influence sur la décision de produire ou non, parce qu’elles sont insensibles (ou moins sensibles) aux coûts. Par conséquent, les redevances ont tendance à dissuader l’investissement dans des projets marginaux et à encourager l’abandon précoce de ceux qui se trouvent à la fin de leur vie productive. Les redevances sont également critiquées pour leur caractère régressif : elles surtaxent les projets aux coûts élevés et donc peu rentables.
En revanche, une taxe sur la rente s’efforce d’établir une base d’imposition qui soit aussi proche que possible de la rente générée par les ressources. Selon le concept théorique dit de la taxe Brown, cela aurait pour effet de faire de l’État un commanditaire dans le projet (Brown, 1948). L’État alimenterait la trésorerie de l’entreprise privée les années de pertes et percevrait des recettes les années de bénéfices. L’idée que l’État soutienne la trésorerie de l’entreprise au cours des premières années d’exploitation, lorsque les bénéfices escomptés sont évidemment négatifs, a été mal accueillie dans la plupart des pays (à l’exception de la Norvège). C’est pourquoi une version modifiée de la taxe sur la rente supprime le versement de liquidités par l’État les premières années, en contrepartie du prélèvement des recettes fiscales uniquement à partir du moment où le seuil de rentabilité est atteint. Le régime récemment mis en place par Israël pour le gaz offshore intègre ce mécanisme (OCDE, 2011b). En Australie, le seuil de rentabilité pour la taxe sur la rente tirée des ressources pétrolières correspond au taux de rendement sans risque, majoré d’une prime de risque. Cette approche tend à établir une séparation justifiée entre les bénéfices générés par le capital et par le risque entrepreneurial « normal », qui devraient être taxés à des taux proches du taux standard de l’impôt sur les sociétés, et la rente économique qui devrait être taxée à des taux supérieurs.
Les taxes sur la rente emportent de plus en plus la préférence sur les redevances, généralement considérées comme des recettes non fiscales dans les comptes nationaux. L’Alaska, l’Algérie et la Chine ont mis en place des taxes assises sur les bénéfices ces dernières années (van Meurs, 2009 ; Johnston, 2008). En Australie, la nouvelle taxe sur la rente minérale (MRRT) qui grève les activités dans le domaine du charbon et du minerai de fer, ainsi que l’extension de la taxe sur la rente pétrolière, sont d’autres exemples.
Recettes du pétrole et des minerais
Recettes du pétrole et des minerais
En pourcentage des recettes publiques (moyenne 2000-07)34L’Indonésie est l’un des rares pays où le pétrole/gaz et le secteur minier apportent une contribution importante au PIB. L’importance relative de chacun de ces secteurs pour l’économie nationale représente un peu plus de 5 % du PIB. La tendance qui se dessine au cours de la dernière décennie révèle que le pétrole et le gaz perdent du terrain, alors que les industries extractives en gagnent (graphique 1.8). Des régimes fiscaux bien distincts s’appliquent à ces deux grands secteurs. En outre, au sein même de ces secteurs, le traitement fiscal de différents projets est très variable.
Valeur ajoutée créée par les secteurs du pétrole/gaz et par celui des industries extractives
Valeur ajoutée créée par les secteurs du pétrole/gaz et par celui des industries extractives
En pourcentage du PIBSecteur du pétrole et du gaz
35Dans le secteur du pétrole et du gaz, le régime fiscal est largement basé sur des contrats de partage de la production (CPP). Ces contrats répartissent le pétrole extrait entre l’État et l’entrepreneur, en fonction d’un pourcentage après impôts, généralement de l’ordre de 85/15 ou 65/35 pour les champs pétroliers marginaux. Les CPP dans le secteur du gaz prévoient en général une répartition 70/30 mais sont pour le reste analogues aux CPP pétroliers. Avec ce type d’accord, l’entrepreneur supporte l’intégralité des risques d’exploration et de mise en valeur, sans possibilité de récupérer les dépenses engagées si le projet échoue. Pendant les années de production, l’entrepreneur peut demander le remboursement de certaines dépenses d’exploitation pour l’année en cours, l’amortissement des biens d’équipement et le report des pertes, bien que certains contrats limitent le recouvrement des coûts. En 2008 et 2009, le gouvernement a fixé un plafond global supplémentaire au recouvrement des coûts pour tous les projets dans le budget national, mesure à laquelle ont été largement imputés les mauvais résultats lors des cycles d’adjudications de 2008 et 2009, avant d’être abandonnée. Toutefois, un certain nombre de dépenses ont été explicitement désignées comme non récupérables dans un règlement de 2010, et les coûts engagés au titre de l’exploration et de la mise en valeur avant le démarrage de la production restent intégralement non récupérables. Des crédits d’impôt à l’investissement sont prévus pour inciter à exploiter les champs marginaux dont le rendement est inférieur à 15 %.
36Il n’est pas facile de déterminer la répartition exacte des bénéfices qui résulte de régimes fiscaux différents et complexes dans le secteur du pétrole et du gaz. Les estimations disponibles de la part des recettes revenant à l’État visée par les CPP indonésiens varient et ne sont pas toutes dans le domaine public. Johnston (2008) estime cette part à 72 % pour le secteur pétrolier, tout en observant qu’elle a baissé de plus de 10 points entre 1998 et 2007. Cela place l’Indonésie au 26e rang du palmarès des 45 régimes fiscaux pétroliers examinés dans son étude, classés par ordre croissant de la part de l’État (graphique 1.9). La part moyenne de l’État dans le secteur indonésien du gaz est estimée à 82 % environ (Agalliu, 2011). Étant donné que cette part est plus élevée dans certains pays, il pourrait être possible de l’accroître, bien que d’importantes incertitudes entourent ces comparaisons.
Pourcentage moyen des prélèvements de l’État dans les secteur du pétrole et du gaz
Pourcentage moyen des prélèvements de l’État dans les secteur du pétrole et du gaz
Part des bénéfices revenant à l’État37On peut s’interroger sur la capacité du gouvernement indonésien d’accroître ses prélèvements sans mieux prendre en compte les coûts induits par les activités d’exploration et de mise en valeur. L’Algérie et la Libye, deux pays qui se classent systématiquement mieux que l’Indonésie en termes de recettes pétrolières et gazières revenant à l’État, ont pris des mesures visant à réduire les risques pour le secteur privé en introduisant une taxe sur la rente (encadré 1.2). Compte tenu de la baisse tendancielle de la production pétrolière en Indonésie, l’exploitation de champs marginaux devrait gagner de l’importance à l’avenir, et ces champs impliquent plus de risques que ceux déjà exploités.
38Lorsque le mécanisme actuel de CPP a été mis en place, la réticence de l’État à prendre en compte les coûts d’exploration et de mise en valeur pouvait s’expliquer par le souhait de lisser les recettes face aux contraintes de financement. Mais aujourd’hui, l’économie indonésienne solide et diversifiée, conjuguée à l’amélioration constante de l’accès aux marchés internationaux de capitaux, sont probablement des raisons suffisantes pour repenser certains de ces choix. L’Indonésie est mieux armée pour supporter le risque budgétaire que par le passé, et la variété de ses projets dans le domaine de l’exploitation des ressources naturelles offre la possibilité de diversifier ces risques. Les marchés de capitaux offrent un autre moyen de lisser les flux de recettes. Le coût correspondant est très probablement inférieur au manque à gagner fiscal que le pays subit actuellement du fait de sa réticence à prendre en compte les coûts et les risques d’exploration et de mise en valeur. Le gouvernement indonésien devrait envisager d’autoriser la déduction des coûts d’exploration et de mise en œuvre dans les CPP futurs, et une déduction partielle même en cas de forages infructueux. Tout en conservant le cadre CPP actuel, cette mesure rapprocherait le régime fiscal de l’imposition des rentes tout en renforçant les incitations à engager des activités d’exploration et de mise en valeur, conformément à la volonté déclarée des pouvoirs publics de réviser à la hausse les objectifs d’extraction de pétrole et de gaz naturel. Les risques supportés par les entrepreneurs pourraient être réduits si le gouvernement commanditait et publiait une étude géologique et sismique de base sur les nouveaux champs avant d’en adjudiquer l’exploitation (Collier, 2009).
39Les CPP en place prévoient également des primes exceptionnelles payables au moment de la signature, du démarrage de la production ou au-delà de certains seuils de production cumulée. Ces clauses contractuelles reviennent à emprunter sur les ressources futures et s’accompagnent généralement de conditions d’emprunt peu favorables (Collier, 2009), de sorte qu’il y a de bonnes raisons de ne pas les inclure dans les CPP futurs.
40La Libye – qui a également recours aux CPP – a une expérience positive des « enchères descendantes », un processus d’adjudication dans lequel les entreprises soumettent des offres sous pli scellé, indiquant la part de production la plus basse qu’elles sont prêtes à accepter. La part des recettes revenant à l’État a ainsi atteint près de 95 % (Johnston, 2008). Les enchères sont particulièrement utiles pour atténuer la forte asymétrie de l’information, et peuvent réduire les pratiques de corruption qui caractérisent les transactions négociées (Collier, 2009). L’Indonésie devrait envisager de recourir aux « enchères descendantes » comme mécanisme d’attribution pour les futurs CPP afin d’augmenter les prélèvements de l’État.
Industries extractives
41Le régime fiscal qui s’applique aux industries extractives est principalement régi par les dispositions contenues dans les contrats et licences qui prévalent sur la législation en vigueur, bien qu’une nouvelle loi sur l’extraction minière ait été mise en œuvre en 2009 en vue d’améliorer la transparence des règles dans ce secteur. Selon la pratique actuelle, les détenteurs de licences minières (IUP) sont généralement tenus des payer des redevances ad valorem, dont les taux varient entre 2 % et 7 % des recettes, en fonction du minerai produit. À cela s’ajoutent des taxes foncières calculées sur la base de la superficie exploitée. Les redevances et les taxes foncières sont déductibles du bénéfice imposable soumis à l’impôt standard sur les bénéfices des sociétés de 25 %. Pour les licences dans les zones réservées de l’État (IUPK), une taxe supplémentaire de 10 %, qui n’est pas déductible du revenu imposable, est prélevée sur le bénéfice net. Les dépenses d’exploitation peuvent être déduites du revenu imposable, avec la possibilité de reporter les pertes sur cinq ans, alors que les dépenses de prospection et de développement minier peuvent être capitalisées et amorties.
42Étant donné que les redevances et les taxes foncières viennent en déduction des impôts dus, la charge fiscale effective est déterminée soit par le taux de l’impôt sur les sociétés de 25 %, soit par les redevances assises sur le chiffre d’affaires, le montant le plus élevé des deux étant retenu. Les sociétés minières doivent en outre acquitter des droits, taxes locales et impôts indirects supplémentaires. En 2010, le taux de prélèvement effectif sur les bénéfices de 25 grandes sociétés minières dont les comptes annuels étaient publiés ne dépassait pas 40 % [3]. Cette même année, le secteur minier a contribué pour environ 6 % au total des recettes fiscales, soit à peine plus que sa part du PIB. Si l’on ajoute les recettes non fiscales, le pourcentage passe à 6.3 %. En d’autres termes, la charge fiscale qui pèse sur ce secteur n’est guère différente de la charge moyenne supportée par tous les autres secteurs, ce qui semble insuffisant compte tenu des rentes de ressources qui y sont perçues. Néanmoins, faute de données comparables à l’échelle internationale sur la part des recettes minières revenant à l’État, il est difficile de placer la charge fiscale sur les activités extractives indonésiennes dans une perspective internationale.
43Durant les premières années d’un projet, lorsque les bénéfices sont négatifs ou que la règle du report des pertes sur cinq ans s’applique, des redevances sont dues malgré l’absence de rente positive. Comme les primes dans le secteur du pétrole et du gaz, ces redevances précoces s’apparentent à un emprunt public sur des bénéfices futurs, et l’intérêt implicite facturé sur ces transactions est probablement plus élevé que les conditions en vigueur sur les marchés de capitaux. Pour passer à la taxation des rentes, les redevances fondées sur le chiffre d’affaires doivent être réduites ou abandonnées. Une fois que la base de l’impôt sur les sociétés devient positive et que des rentes sont réalisées, ces rentes devraient être taxées à un taux supérieur au taux standard de l’impôt sur les sociétés (encadré 1.2). Une façon simple d’y parvenir serait d’étendre l’impôt non déductible de 10 % sur les bénéfices nets grevant les activités minières accomplies dans les zones réservées de l’État (IUPK) aux licences minières standard (IUP), avec une généralisation du report des pertes afin de comptabiliser toutes les dépenses de prospection et de développement. Ce taux pourrait être relevé par la suite, si nécessaire.
44Il existe différents moyens de s’acheminer vers un régime fiscal fondé sur l’imposition des rentes de ressources dans les industries extractives. La transformation la plus radicale consisterait à supprimer purement et simplement le système actuel de redevances, et à le remplacer par l’imposition des bénéfices à un taux élevé, éventuellement lorsqu’un certain seuil de bénéfices cumulés est atteint. Les incitations seraient préservées en garantissant la prise en compte intégrale des coûts, y compris ceux de prospection et de développement. Une telle réforme peut entraîner des difficultés, comme l’a montré l’expérience récente de l’Australie, mais ces difficultés sont plus grandes pour les petites entreprises que pour les grandes compagnies minières qui représentent l’essentiel des recettes publiques tirées du secteur. Si l’abandon des redevances est jugé difficile à mettre en œuvre, il reste possible d’améliorer le système en place et en particulier d’accroître la part des recettes minières qui revient à l’État. À titre d’exemple, Israël a choisi de conserver un système de redevances en le complétant par une taxe sur les rentes assujettie à un seuil, pour laquelle tous les coûts du projet sont pris en compte. Dans un tel système, des redevances continueraient de s’appliquer tant que les rentes sont négatives (mécanisme de l’emprunt), une solution qui n’est peut-être pas idéale mais qui présente l’avantage d’imposer les rentes une fois celles-ci réalisées. Les paiements de redevances doivent être pris en compte pour calculer le seuil de rentabilité cumulée, de sorte que les taxes ex post payées dépendront entièrement du montant de la rente.
45Les pressions politiques qui s’exercent pour que la population en général tire davantage profit de la manne de ressources du pays sont visiblement de plus en plus fortes. Les débats parlementaire relatifs aux mécanismes redistributifs se sont intensifiés l’année dernière, au cours d’une grève de trois mois menée dans une grande mine d’or et de cuivre à capitaux étrangers, qui s’est soldée par une augmentation de salaire de 37 % pour les travailleurs. Ces pressions politiques sont compréhensibles et justifiées, compte tenu de la faiblesse de la charge fiscale effective qui pèse sur les activités minières en Indonésie, mais l’instrument utilisé pour mieux partager les avantages doit être choisi avec soin. Taxer la rente économique à des taux plus élevés qu’aujourd’hui serait le moyen le plus efficient d’y parvenir, car les redevances fondées sur le chiffre d’affaires et les taxes à l’exportation empêchent une attribution efficiente des ressources et pénalisent la croissance de la productivité à long terme (voir la section consacrée aux taxes sur les échanges internationaux). L’interdiction d’exporter un certain nombre de matières premières, entrée en vigueur en mai 2012, à l’exception des compagnies minières qui s’engagent à construire des installations de transformation locales, s’apparente sur le plan économique à une taxe à l’exportation élevée et permanente, et n’est pas souhaitable. Le débat récent sur les taxes et les interdictions d’exportation met en lumière l’importance de l’incertitude réglementaire, qui ne contribue pas à augmenter les rentrées fiscales générées par les compagnies minières en continuant d’attirer les investisseurs et le savoir-faire étrangers. Le grand public aurait probablement tout à gagner d’un régime fiscal efficient dans le secteur des ressources, qui permette à l’État de percevoir l’essentiel des revenus générés par les activités extractives, en limitant le plus possible les distorsions des activités fondées sur les ressources. L’adoption de taxes axées sur les rentes injecterait suffisamment de flexibilité dans le système fiscal pour éviter de devoir le remanier en cas d’augmentation imprévue des bénéfices.
Taxes sur les échanges internationaux
46Par comparaison avec les économies de l’OCDE, les recettes procurées par les taxes sur les transactions commerciales internationales, qui s’élèvent à 0.5 % du PIB en Indonésie, sont très élevées, même si elles sont plus faibles que dans beaucoup de pays de la région. Traditionnellement, les économies en développement sont plus tributaires des taxes sur les échanges internationaux que les économies développées, en partie parce que les flux transfrontaliers sont assez simples à taxer. Le mouvement global de libéralisation des échanges a donc pesé sur les finances publiques de nombreux pays en développement, car les recettes provenant des droits de douane ont dû être remplacées par d’autres sources. À cet égard, l’Indonésie et d’autres pays de l’ANASE sont allés plus loin que les économies en développement d’autres régions du monde. Pour une économie en développement moyenne, les taxes sur les échanges généraient toujours environ 16 % des recettes fiscales entre 2005 et 2009, contre 4 % pour l’Indonésie. Les taux des droits à l’importation ont baissé en Indonésie, procurant des avantages aux consommateurs comme aux entreprises tributaires de produits intermédiaires importés. Amiti et Konings (2007) estiment qu’une baisse de 10 points des droits de douane sur les intrants s’est traduite par une hausse de 12 % de la productivité des entreprises indonésiennes qui utilisent des intrants importés.
47Dans le même temps, près de la moitié des taxes sur les échanges prélevées par l’Indonésie grèvent les exportations. Le gouvernement envisage de développer l’usage des taxes à l’exportation, comme en témoignent la décision récente de taxer à 20 % les exportations de certains minerais, et l’introduction de taxes à l’exportation sur l’huile de palme brute et le cacao. Les taxes à l’exportation de produits de base poursuivent plusieurs objectifs, comme la stabilisation des prix, la sécurité alimentaire et le soutien au développement des industries de transformation en aval. S’agissant des industries extractives, elles peuvent également servir à ralentir le rythme d’épuisement des ressources non renouvelables et des activités polluantes. Bien que compatibles avec les accords commerciaux multilatéraux, les taxes à l’exportation ont en général pour effet de réorienter les échanges et ont donc été interdites par de nombreux accords commerciaux régionaux (Piermartini, 2004). En revanche, du point de vue d’un pays qui détient un pouvoir de marché sur un bien d’exportation donné, comme pour l’huile de palme indonésienne, les taxes à l’exportation peuvent améliorer les termes de l’échange, et donc les revenus réels, au détriment des acheteurs étrangers.
48Les taxes à l’exportation confèrent un avantage concurrentiel aux activités de transformation nationales en maintenant le prix intérieur du bien taxé au-dessous du prix mondial. Cet avantage se fait aux dépens des producteurs du produit de base en amont, qui sont moins bien rémunérés. Par conséquent, les industries de transformation en aval peuvent se développer même si leurs coûts sont supérieurs à ceux pratiqués dans d’autres pays. En déplaçant la production des pays à moindre coût, les taxes à l’exportation réduisent l’efficience économique globale à un moment précis. D’un point de vue dynamique, cette situation peut évoluer si des effets d’apprentissage se produisent, de sorte que l’activité en aval atteint un niveau de productivité compétitif après un certain temps. Dans l’hypothèse que de tels effets d’apprentissage se manifestent, les taxes à l’exportation peuvent renforcer l’efficience économique si elles sont appliquées de façon temporaire.
49Un certain nombre de pays poursuivent des stratégies de développement qui reposent sur l’argument économique de l’industrie naissante. Ces stratégies ont échoué dans certains pays, et réussi dans d’autres. Dans ce dernier cas, les conditions générales de base pour les industries concernées étaient généralement favorables – qualité des infrastructures, accès à d’autres intrants tels qu’une offre énergétique fiable, une main-d’œuvre qualifiée ou une gouvernance publique de qualité. Néanmoins, certaines de ces caractéristiques peuvent expliquer pourquoi les industries transformatrices ne sont pas implantées en Indonésie, et remédier à ces carences est une condition préalable au développement d’une industrie transformatrice performante et efficiente, avec ou sans taxe à l’exportation. Les initiatives qui visent à améliorer ces conditions structurelles ont des retombées positives considérables, mais une stratégie basée sur l’octroi d’un avantage de coût temporaire est risquée – et pourrait bien échouer si les faiblesses structurelles plus profondes ne sont pas corrigées. Lever des taxes à l’exportation comporte le risque de créer une industrie de transformation inefficiente, dont la survie dépend du caractère permanent de ces taxes, ce qui favorise la recherche de rentes et est évidemment préjudiciable à l’efficience économique.
50Étant donné que les taxes à l’exportation grèvent les recettes à l’exportation, elles faussent également les décisions de production dans les secteurs des produits de base concernés, comme le font les redevances fondées sur les recettes dans les secteurs des ressources naturelles. Pour les industries extractives, une solution de rechange à l’utilisation de taxes à l’exportation serait de minimiser les distorsions induites par les décisions des pouvoirs publics et d’opter plutôt pour une taxe sur les rentes de ressources d’un montant élevé. Les avantages d’une telle stratégie l’emportent probablement sur les retombées dynamiques incertaines d’une taxe à l’exportation. Pour d’autres produits de base comme le cacao et l’huile de palme brute, il convient de mettre en balance les avantages possibles en aval d’une taxe à l’exportation et les pertes de recettes escomptées pour ces deux secteurs. Il n’est pas sûr qu’en définitive, le résultat net soit positif. Se contenter d’observer une augmentation de la production dans les industries transformatrices ne suffit pas à juger du succès de la stratégie d’ensemble. Néanmoins, il faudra probablement du temps pour que les transformations des politiques structurelles nécessaires de toute urgence se concrétisent, et les autorités considèrent donc les taxes à l’exportation comme une solution de remplacement. Elles ne sont toutefois qu’un pis-aller, et il faudra étudier attentivement leurs effets macroéconomiques, et notamment leurs conséquences sur les échanges internationaux.
Impôts sur la consommation
51Les impôts sur la consommation, et notamment une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) intelligemment mise en œuvre, provoquent généralement beaucoup moins de distorsions que les taxes sur les facteurs de production, comme l’IRPP et l’IS. En règle générale, la consommation est une base d’imposition moins mobile que le travail et le capital, et les impôts sur la consommation sont neutres pour l’épargne si leurs taux sont supposés rester constants dans la durée. De nombreux pays en développement qui, par le passé, on fortement misé sur les taxes à l’importation, les ont remplacées par des impôts sur la consommation au cours des dernières décennies. Ces impôts ont souvent été critiqués pour leurs effets régressifs sur la distribution des revenus, mais le débat sur cette question n’est pas catégoriquement tranché. Zolt et Bird (2005) font observer que, dans les pays en développement, « les données montrent… que la TVA est, dans l’ensemble, probablement moins régressive que les taxes sur les échanges et les droits d’accise qu’elle remplace », résultat corroboré par Gemmell et Morrissey (2003). Dans le même temps, l’effet régressif de la TVA disparaît en grande partie si l’on adopte une vision sur l’ensemble du cycle de vie, au lieu d’examiner un instantané de la distribution des revenus (Caspersen et Metcalf, 1994). Compte tenu du potentiel considérable de génération de recettes de la TVA, il convient d’évaluer son impact sur la distribution conjointement avec le volet des dépenses, car conjugués à des dépenses sociales plus élevées, les effets redistributifs des hausses de dépenses financées par la TVA peuvent être progressifs.
52Il existe deux types d’impôt sur la consommation en Indonésie : une TVA générale qui génère environ 80 % des recettes des impôts sur la consommation ; et un certain nombre de droits d’accise spécifiques sur des biens de consommation considérés comme de luxe. Les recettes de la TVA rapportées au PIB ont été assez stables au cours de la dernière décennie et s’élevaient à environ 3.4 % du PIB en 2010. C’est plus qu’en Malaisie et aux Philippines, et comparable à la situation en Thaïlande ; le Viêtnam et la Chine tirent des recettes beaucoup plus importantes de la TVA (respectivement 5.8 et 7.1 % du PIB).
Taxes sur la valeur ajoutée
53En Indonésie, la TVA semble généralement bien conçue et combine un certain nombre de caractéristiques positives. Elle est prélevée au taux unique de 10 % sur la valeur créée dans le pays et sur les importations. À la différence d’une taxe sur les ventes, taxer la valeur ajoutée est en principe neutre pour l’organisation de la chaîne de valeur, car seule la valeur supplémentaire créée à chaque étape est imposée. Un taux unique facilite l’administration et évite de fausser les décisions d’achat individuelles. De nombreux pays de l’OCDE appliquent des taux inférieurs aux biens de consommation considérés comme essentiels et donc plus susceptibles d’être achetés par les ménages à bas revenu, mais ces ratios différenciés s’avèrent en général de piètres outils de redistribution, parce que les biens faiblement taxés sont souvent massivement consommés aussi par les ménages à haut revenu, ce qui génère d’importantes déperditions.
54L’Indonésie applique des seuils d’exonération assez élevés pour les PME (600 millions IDR par an, soit l’équivalent de 65 000 USD), ce qui peut se justifier en raison des coûts de mise en conformité qu’elles encourent et parce qu’ils permettent à l’administration fiscale de concentrer ses efforts sur les contribuables qui présentent un fort potentiel de recettes. Des seuils élevés constituent également un moyen efficace d’accroître la progressivité de la TVA parce qu’ils confèrent un avantage concurrentiel aux petits détaillants et à leurs clients, qui sont généralement moins bien lotis. En outre, ils réduisent les incitations pour les PME à rester dans l’économie informelle. Cependant, l’enregistrement volontaire doit rester simple pour les PME à fort contenu d’intrants intermédiaires qui souhaitent rejoindre le système de TVA. En effet, les échanges de biens intermédiaires peuvent créer des cercles vertueux si les clients d’un vendeur sont enregistrés à la TVA, de sorte qu’il est avantageux pour le vendeur de s’enregistrer aussi (de Paula et Scheinkman, 2006).
55L’efficience concrète de la TVA dépend essentiellement de la taille de la base d’imposition, qui pour être large doit inclure tous les types de consommation, et de l’efficacité de l’administration. Les assiettes de la TVA sont souvent réduites par des exonérations, qui provoquent des ruptures dans la chaîne de crédit parce que les producteurs de biens et services exonérés de la TVA – et, par conséquent, toutes les activités en aval – ne peuvent pas réclamer le remboursement de la TVA acquittée à des stades de production antérieurs. Les exonérations vont à l’encontre de l’esprit du système de TVA en taxant les transactions intermédiaires et pas uniquement la valeur ajoutée, et entraînent des distorsions qui peuvent aller bien au-delà des secteurs exemptés proprement dits. Elles suppriment l’intérêt qu’a chaque partie à une transaction à s’assurer du paiement de la TVA par l’autre partie, ce qui réduit encore les incitations au respect des obligations en la matière. L’Indonésie a exonéré un grand nombre d’activités, notamment de nombreux produits alimentaires et agricoles, aliments pour animaux, charbon et autres minerais, ainsi que l’électricité à concurrence des volumes habituellement consommés par les clients résidentiels. Les hôtels, restaurants et services récréatifs échappent également à la TVA mais sont soumis à certaines taxes locales sur les ventes, qui sont souvent plus élevées que les taux de TVA. En outre, l’Indonésie exonère intégralement de la TVA un certain nombre de secteurs, comme de nombreux autres pays, au motif qu’une taxe serait difficile à administrer (services financiers) ou qu’ils relèvent de l’intérêt général (éducation, santé et services culturels). Les services postaux, la publicité radiophonique, les transports publics, les services d’emploi et de formation sont également exonérés, et en juin 2012, le gouvernement a fait de même pour les services de transport public. Dans le secteur pétrolier, les entrepreneurs peuvent généralement acquérir des biens d’équipement agréés en franchise de TVA, et ne peuvent pas percevoir le remboursement de laTVA acquittée sur les intrants (PWC, 2011). Ce régime favorise l’utilisation d’intrants intermédiaires importés qui échappent à la TVA dans le pays exportateur, et entrave l’intégration du secteur pétrolier dans l’économie nationale. Il en va de même pour les activités extractives (dont la production est exonérée de TVA), à l’exception des biens d’équipement lorsque les contrats spécifiques à l’entreprise prévoient des exemptions qui prévalent sur le droit fiscal général. Enfin, toutes les activités économiques menées sur l’île de Batam sont exonérées de TVA. Cette île qui compte un million d’habitants sert de centre de production offshore pour Singapour, distante de seulement 20 kilomètres. On a souvent déploré le fait que cette exonération est difficile à administrer et provoque des déperditions, dont l’ampleur est toutefois difficile à évaluer (Brondolo et al., 2008).
56Comme dans la plupart des autres pays qui appliquent une TVA, les exportations sont soumises à un taux zéro, mais les exportateurs peuvent demander le remboursement de la TVA payés aux stades antérieurs de production. C’est en cela qu’un taux zéro est fondamentalement différent d’une exonération. Le taux zéro est conforme au principe de destination, selon lequel la TVA s’applique aux biens et services en fonction du barème en vigueur dans le pays de destination.
57Le ratio des recettes de TVA ou ratio d’efficience à la consommation est une mesure permettant d’évaluer l’efficacité de la TVA ; il compare les recettes de la TVA effectivement collectées à celles qui seraient obtenues si le taux normal était appliqué à l’ensemble de la consommation intérieure. Cet indicateur n’est certes pas parfaitement corrélé à la qualité de mise en œuvre d’une TVA – il augmente si les remboursements aux exportateurs sont incomplets, par exemple –, mais il n’en constitue pas moins un moyen simple de comparer les systèmes de TVA à l’échelon international. Cette comparaison révèle que l’Indonésie se situe dans la fourchette moyenne-haute des pays de l’OCDE (graphique 1.10). Ce résultat rejoint la constatation du FMI (2010), selon laquelle les ratios des recettes de TVA ne sont pas systématiquement beaucoup plus élevés dans les économies développées, bien que les raisons de cette faible efficience diffèrent généralement entre ces catégories de pays. De faibles ratios des recettes de TVA traduisent en général le non-respect des obligations fiscales dans les économies de marché émergentes, alors qu’ils reflètent une mauvaise conception du système, notamment l’existence de taux différents, dans les pays développés (FMI, 2010).
Ratios des recettes de TVA, 20101,2
Ratios des recettes de TVA, 20101,2
1. Les données concernent 2009.2. La Nouvelle-Zélande a relevé son taux de TVA de 12.5 % à 15 % le 1 er octobre 2010, ce qui fait passer son ratio au-dessus de 1.
58En Indonésie, le principal moyen d’accroître le ratio des recettes de TVA serait de réduire le nombre d’exonérations et d’améliorer la discipline fiscale ; ce sont des actions à mener en priorité pour exploiter au mieux le potentiel de génération de recettes de la TVA. Selon les estimations du FMI, si le ratio des recettes de TVA de l’Indonésie était égal à celui de la Thaïlande, les recettes issues de la TVA augmenteraient de 1.8 % du PIB, sans relèvement du taux (FMI, 2011a). Le succès des efforts déployés par le Viêtnam pour augmenter ses recettes fiscales au cours de la dernière décennie s’explique en partie par une diminution du nombre d’exonérations de la TVA. L’amélioration de la discipline fiscale nécessite de renforcer les incitations en faveur du respect volontaire de la législation, parallèlement à des contrôles plus sévères en cas d’infraction présumée. La discipline volontaire pourrait être accrue en simplifiant un certain nombre de procédures, notamment supprimer l’obligation de produire la facture originale pour chaque transaction, accélérer le traitement des demandes de remboursement et réduire le nombre de contrôles de la TVA. À l’heure actuelle, chaque demande de remboursement de laTVA, aussi minime soit-elle, déclenche automatiquement un contrôle, ce qui rend la participation au système de TVA fastidieuse et pèse lourdement sur les ressources limitées de l’administration fiscale.
Droits d’accise et taxes sur le carbone
59Le système de droits d’accise spécifiques en vigueur en Indonésie est moins neutre que la TVA, car il fausse les décisions de consommation en dissuadant d’acheter les produits soumis à ces droits. Bien entendu, des raisons valables peuvent justifier d’accepter ou même de rechercher de tels transferts. De nombreux pays prélèvent des droits d’accise spécifiques sur les biens qui induisent des externalités négatives, comme l’alcool, le tabac et le carburant automobile. Néanmoins, même en l’absence d’externalités, des taxes spécifiques sur les articles de luxe peuvent être utiles parce qu’elles sont simples à administrer et influent sur la distribution des revenus. Compte tenu de l’asymétrie de la distribution des revenus en Indonésie, il est probablement beaucoup plus facile de repérer les biens principalement achetés par des consommateurs aisés que dans des sociétés plus égalitaires. En janvier 2012, les autorités ont relevé le droit d’accise sur le tabac de 12.6 % à 15 % et envisagent de nouvelles hausses. En mai 2012, le gouvernement a décidé d’abaisser la taxe sur les ventes de produits de luxe pour les petites voitures moins polluantes, bien que certains détails restent à régler. Une telle mesure peut être utile pour réduire l’intensité d’émission du transport par automobile en Indonésie, encore qu’elle n’ait pas nécessairement d’effet sur les émissions totales. Néanmoins, conditionner l’incitation à la quantité d’intrants d’origine locale, comme cela a été envisagé, ajoute une dimension protectionniste au système et doit être évité.
60La taxation du carbone est un exemple d’impôt qui peut se justifier pour des raisons tenant aux externalités. La demande d’énergie en Indonésie augmente d’environ 7 %par an, et les externalités provoquées par les émissions de carbone qui en résultent ne sont pas répercutées dans les prix courants du marché, qui intègrent les subventions aux combustibles et à l’électricité, de sorte que la consommation énergétique dépasse les niveaux optimums. De fait, l’Indonésie est l’un des plus grands émetteurs de CO2 au monde, bien que la plupart de ses émissions proviennent de la déforestation plutôt que de la combustion d’énergie (graphique 1.11). L’électricité est de plus en plus produite à partir du charbon en vue de réduire la dépendance à l’égard des importations de pétrole, alors que si les externalités économiques de la combustion de charbon étaient correctement prises en compte, ce combustible apparaîtrait moins avantageux que ne l’indiquent les signaux des prix courants.
Intensité d’émissions de CO2 par pays, 2008
Intensité d’émissions de CO2 par pays, 2008
Millions de tonnes d’équivalent CO2 par PIB en PPA (milliards USD de 2000)61Bien qu’envisagées, les taxes sur le carbone n’existent pas encore en Indonésie ; dans le même temps, les subventions en faveur des combustibles et de l’électricité s’apparentent à des taxes à taux négatifs. Augmenter le prix des émissions de carbone aurait pour effet de renchérir le coût des activités qui émettent beaucoup de carbone par rapport aux options moins polluantes, et une taxe sur le carbone serait un instrument efficace d’internalisation des coûts environnementaux, qui contribuerait à rééquilibrer la croissance en faveur d’une moindre intensité en carbone. Un livre vert publié par le ministère des Finances suggérait « d’œuvrer à l’introduction d’une taxe carbone sur la combustion de combustibles fossiles, parallèlement à l’élimination progressive des subventions énergétiques » (ministère des Finances, 2009). Cette stratégie est une voie d’avenir et doit être appliquée. La baisse des subventions aux combustibles fossiles contribuerait grandement à réduire l’empreinte carbone de l’économie, mais elle ne doit pas être considérée comme un préalable à l’introduction d’une taxe sur le carbone. Les subventions aux combustibles fossiles influent sur les choix du consommateur final de combustibles, mais l’introduction d’une taxe sur le carbone enverrait un signal de prix immédiat en faveur de la réduction de l’intensité d’émission des producteurs d’électricité et des industriels, notamment en ce qui concerne leurs décisions d’investissement futur. Opter dans un premier temps pour une taxe d’un niveau relativement modeste pourrait contribuer à atténuer la résistance politique à de tels impôts.
Impôts fonciers
62On considère généralement que les impôts fonciers, en particulier les taxes périodiques sur les biens immobiliers, ont des effets plus favorables à la croissance que d’autres instruments fiscaux (Arnold et al., 2011). Même si leur incidence n’est pas parfaitement comprise (Sennoga et al., 2008), la corrélation positive entre les valeurs immobilières et le patrimoine ou les revenus de leurs propriétaires laisse penser que cet impôt sera essentiellement supporté par les contribuables aisés, surtout lorsqu’il est prélevé à taux progressifs, comme c’est le cas en Indonésie. Étant donné que la valeur d’un bien immobilier est souvent accrue par les dépenses publiques d’infrastructures effectuées dans la zone environnante, les impôts fonciers peuvent également servir à récupérer une partie des coûts encourus à cette occasion (Trinh et McCluskey, 2012). Même d’un point de vue administratif, les impôts fonciers présentent des avantages, car les biens immobiliers se prêtent à une observation facile. Pour toutes ces raisons, les impôts fonciers peuvent être un instrument fiscal attractif qui doit être intégré à toute stratégie visant à accroître les rentrées fiscales, bien que les recettes qui peuvent être générées par ces impôts, aussi bien conçus et administrés soient-ils, soient limitées. En Indonésie, les impôts fonciers représentaient moins d’un demi pour cent du PIB en 2011. Parmi les pays de l’ANASE, les impôts fonciers génèrent habituellement une très petite fraction des recettes totales. En moyenne, dans la zone OCDE, ces impôts génèrent environ 1.8 % du PIB, bien que ce pourcentage dépasse 3 % du PIB dans certains pays de l’OCDE. Dans certains pays, ces chiffres incluent des taxes sur les avoirs financiers, qui n’existent pas en Indonésie. Ces taxes peuvent grever lourdement les rendements du capital, et l’hypothèse selon laquelle le patrimoine financier est plus facile à observer que le revenu qu’il produit est loin d’être avérée.
63Les terrains et constructions sont actuellement taxés au taux de 0.5 % de leur valeur marchande imposable, celle-ci étant fixée à 20 % de la valeur de revente estimée pour les biens d’une valeur inférieure à 1 milliard IDR, ou à 40 % dans les autres cas. Par conséquent, le taux effectif de l’impôt foncier est progressif, à 0.1 % ou 0.2 % des valeurs de revente retenues. La principale difficulté posée par la conception des impôts fonciers consiste à évaluer les valeurs de revente, notamment pour les biens qui ont été conservés de longues années par leurs propriétaires. C’est pourquoi de nombreux pays appliquent des impôts fonciers en se fondant sur des valeurs périmées inférieures aux valeurs réelles sur le marché, problème qui n’épargne pas l’Indonésie. Selon certaines estimations, 40 % seulement des recettes potentielles sont collectées du fait de la sous-évaluation des biens. Pour augmenter les recettes des impôts fonciers, il faudrait actualiser les valeurs de revente et les réévaluer régulièrement. Si ces actualisations périodiques s’avèrent difficiles dans le contexte actuel, les autorités fiscales devraient envisager d’opter pour une formule de calcul plus simple de l’assiette des impôts fonciers.
64Les valeurs immobilières dépendent de la taille et de l’emplacement du terrain et des bâtiments qui s’y trouvent. Confronté à des contraintes administratives, le Viêtnam, par exemple, a introduit avec succès un impôt foncier simple en retenant uniquement le critère de taille pour calculer la valeur des biens. L’emplacement en zone urbaine est valorisé en appliquant un coefficient d’ajustement qui tient compte du type de zone urbaine et de la qualité générale de la rue qui jouxte le terrain. Ces calculs basés sur la superficie sont régulièrement utilisés pour évaluer la valeur d’un bien en l’absence de marché immobilier mature dans les économies en développement (Rao, 2008). En outre, certains pays évaluent également la valeur d’un bien en fonction de la surface bâtie des bâtiments qui s’y trouvent. Sous cette forme simple, l’administration des impôts fonciers implique essentiellement de mesurer la superficie et évite de devoir procéder à une collecte et une analyse coûteuses de données détaillées sur le marché (Bing et al., 2009). Plusieurs pays d’Europe centrale et orientale (Hongrie, Pologne, République slovaque, République tchèque) ont mis en place des régimes de fiscalité foncière basés sur la superficie, avec apparemment de bons résultats dans ces économies en transition (McCluskey et Plimmer, 2011). Conserver le taux effectif d’imposition progressive en vigueur en Indonésie serait compatible avec la détermination des valeurs immobilières selon cette méthode simplifiée. Étant donné que l’Indonésie a décidé de déléguer l’administration des impôts fonciers aux autorités locales, dont les capacités administratives sont vraisemblablement plus limitées, une méthode simplifiée d’évaluation des valeurs immobilières qui peuvent être facilement révisées peut représenter une première étape vers l’augmentation des recettes immobilières.
65Les impôts fonciers incluent également les taxes sur les transactions, telles que les droits de timbre ou droits de mutation. Les distorsions induites par ces taxes non périodiques sont beaucoup plus importantes que celles provoquées par les taxes immobilières périodiques, parce qu’elles réduisent la liquidité des marchés immobiliers. La mobilité géographique des ménages peut s’en trouver restreinte, ce qui entrave l’ajustement du marché du travail aux chocs au niveau local, et alourdit les coûts d’enregistrement des biens commerciaux pour les entreprises. En Indonésie, les droits de timbre sont fixés par les autorités provinciales. Selon la Banque mondiale (2012), le coût moyen d’enregistrement avoisine 11 % de la valeur du bien, soit près de trois fois le coût moyen constaté dans les pays voisins de la région. Alléger la charge fiscale qui pèse sur les transactions immobilières et la transférer sur les taxes foncières périodiques réduirait le coût de l’activité économique et atténuerait les distorsions sur les marchés immobiliers, sans conséquence budgétaire.
Améliorer l’efficience de l’administration fiscale
66L’Indonésie s’est lancée dans une refonte complète de sa Direction générale des impôts (DGI) en 2002, avec le soutien de donateurs internationaux dont la Banque mondiale. Parmi les principaux défis que la réforme entendait relever figuraient la faiblesse des structures organisationnelles, les lacunes dans la formation des agents des impôts, d’importants problèmes d’intégrité et le non-respect généralisé des obligations fiscales. La réforme s’articulait autour de quatre principaux piliers. Premièrement, la réorganisation des bureaux des impôts a permis à la DGI de passer d’une approche impôt par impôt, redondante et étroitement ciblée, à des structures fonctionnelles et à une segmentation des contribuables selon des critères de taille. Cela a abouti à la création de bureaux dédiés aux gros contribuables. Des cellules ont été mises en place au siège afin de piloter ces nouvelles structures fonctionnelles. Deuxièmement, la gestion des ressources humaines a été modernisée, notamment en réexaminant la politique de rémunération. Troisièmement, une utilisation plus intensive de la technologie de l’information a permis de moderniser les processus administratifs, avec l’enregistrement et le dépôt des déclarations en ligne, ainsi que l’analyse des risques. Quatrièmement, les efforts consacrés à l’amélioration de la gouvernance et de l’intégrité par l’adoption de codes de déontologie, la mise en place d’unités de contrôle interne et la protection des dénonciateurs ont amélioré la réputation des autorités fiscales. La DGI a également commencé à publier un large éventail de documents d’information et lancé divers programmes actifs d’éducation fiscale. Ces efforts substantiels ont porté leurs fruits, et on estime à 1.2 % du PIB les recettes supplémentaires générées par l’amélioration du recouvrement de l’impôt, ce qui devrait inciter à poursuivre dans cette voie (FMI, 2011b). De fait, l’administration fiscale reste confrontée à un certain nombre de défis, comme en témoigne avant tout le faible niveau de ponction fiscale en Indonésie, malgré une politique fiscale relativement bien conçue, qui n’est pas aussi éloignée des meilleures pratiques internationales que les maigres recettes pourraient le suggérer.
67La réussite de la réforme de l’administration fiscale indonésienne à ce jour repose en grande partie sur la mise en place d’unités chargées des gros contribuables, grâce auxquelles l’administration peut consacrer plus d’attention et de ressources aux contribuables qui présentent le plus fort potentiel d’augmentation des recettes publiques. Néanmoins, avec seulement quatre unités de ce type pour tout le pays, il faudrait aller plus loin et créer d’autres unités, tout en veillant à ce qu’elles mettent en œuvre de façon cohérente une stratégie d’ensemble solide. Outre la gestion des 700 plus grandes entreprises pour les questions relatives à l’impôt sur la société et à la TVA, ces unités devraient consacrer plus de ressources aux individus les plus riches en termes de patrimoine et de revenu, d’autant que plusieurs affaires d’évasion fiscale impliquant des membres de l’élite du pays ont fait grand bruit et ont érodé la confiance du public dans la légitimité du système fiscal. L’étape logique suivante consiste à consacrer plus d’attention aux contribuables de taille moyenne, ce que l’Indonésie a commencé à faire en créant 28 bureaux ad hoc. Les quelque 300 bureaux chargés des petits contribuables – qui résultent de la fusion des anciens bureaux de district de l’impôt, bureaux de contrôle fiscal et bureaux de fiscalité immobilière – devraient s’employer avant tout à mettre pleinement en œuvre le recensement fiscal engagé par le gouvernement en vue d’augmenter le nombre de contribuables au niveau local. À l’occasion de la délégation du recouvrement des impôts fonciers aux autorités communales, ces bureaux locaux seront officiellement responsables de l’administration des impôts fonciers à partir de 2014. Consciente du fait qu’ils n’ont pas les mêmes capacités que d’autres services de l’administration fiscale, l’administration centrale de la DGI a jugé nécessaire de leur apporter un soutien permanent pour administrer ces impôts. Une simplification de la détermination de l’assiette des impôts fonciers, comme le préconise la section précédente, pourrait également contribuer à alléger la charge qui pèse sur ces bureaux locaux.
68Améliorer les capacités institutionnelles de l’administration fiscale suppose également de mieux former les agents des impôts. Les contribuables signalent fréquemment d’importantes disparités en termes de capacités d’une région à l’autre, voire au sein du même bureau des impôts. À l’heure actuelle, plus de la moitié des agents de la DGI n’ont pas fait d’études au-delà du secondaire, tandis que 16 % n’ont même pas suivi d’enseignement secondaire (DGI, 2011). Améliorer les politiques de rémunération et les programmes de formation interne visant à augmenter le pourcentage d’agents très qualifiés se traduirait probablement par une augmentation des recettes fiscales collectées. Accroître la flexibilité des contrats de travail permettrait à la DGI de se séparer plus facilement des agents peu efficaces et d’embaucher des nouvelles recrues mieux formées. Le personnel dont dispose la DGI pour ses activités est très stable depuis quelques années, ce qui est inhabituel pour une institution qui connaît des transformations radicales. Dans ce domaine, la DGI est tenue de respecter des réglementations publiques qui s’appliquent à tous les organismes publics et qui peuvent entraver l’adoption de pratiques modernes de gestion des ressources humaines, lesquelles inciteraient les agents des impôts à accroître leurs performances et à adopter un comportement intègre, ainsi qu’à développer leurs compétences et leur professionnalisme.
69Le système de recours est un domaine dans lequel les autorités fiscales pourraient envisager d’améliorer leurs capacités. Lorsqu’un litige fiscal est porté devant les tribunaux, les particuliers peuvent souvent dépenser plus que les autorités pour obtenir des conseils juridiques, aboutissant à une situation déséquilibrée. En 2010, plus de 70 % des demandeurs en appel ont eu totalement ou partiellement gain de cause. Permettre aux autorités fiscales de se prévaloir de conseils juridiques extérieurs dans les dossiers d’appel dans lesquels des recettes publiques considérables sont en jeu peut être un moyen efficace de pallier des capacités internes limitées. Les règlements négociés peuvent aussi contribuer à réduire les dépens, et les autorités fiscales devraient y avoir accès. À l’heure actuelle, tous les appels en matière fiscale doivent être examinés par un seul tribunal fiscal situé dans la capitale. Pour accélérer les procédures d’appel, le plan visant à établir cinq tribunaux fiscaux supplémentaires hors de Jakarta est une initiative bienvenue. En outre, il serait utile de renforcer encore l’aptitude des autorités à éviter que les entreprises multinationales ne recourent à des pratiques comme la délocalisation des bénéfices et les prix de transfert.
70L’intégrité est aussi un élément essentiel d’une bonne performance institutionnelle. Malgré les efforts consentis dans ce domaine, des améliorations semblent possibles, notamment au regard des événements survenus en 2010 et 2012, lorsque plusieurs affaires de nature fiscale impliquant des agents de la DGI ont sapé la confiance du public. Ces affaires ont conduit certains à remettre en question le déploiement d’une réforme de l’administration qui avait été largement acceptée initialement. Un renforcement des systèmes de contrôle interne et des actions disciplinaires peut y concourir. La transparence des décisions administratives est un facteur d’intégrité aux yeux des contribuables. Cette intégrité pourrait être renforcée en facilitant l’accès des contribuables à leur dossier fiscal et en établissant des jugements créant un précédent qui soient publiquement accessibles et contraignants pour les décisions futures dans des affaires comparables. Dans le même ordre d’idées, le public devrait pouvoir consulter aisément tous les décrets et textes d’application en matière fiscale. Le Viêtnam s’y est employé, et toutes les procédures administratives ont été réunies en une seule loi en 2006.
71Faciliter les procédures fiscales – domaine dans lequel l’Indonésie fait moins bien que beaucoup d’autres pays – renforcerait les incitations en faveur du respect des obligations fiscales et d’une autoévaluation correcte des revenus déclarés. Selon l’indicateur Paiements des impôts établi par la Banque mondiale, l’Indonésie arrive en 131e position sur 183 pays en ce qui concerne la facilité de paiement des impôts, bien qu’elle ait gagné trois places depuis l’année dernière (Banque mondiale, 2012).
72L’utilisation de l’Internet pour faciliter les communications entre contribuables et autorités fiscales offre un potentiel considérable d’amélioration des procédures fiscales aux stades de l’enregistrement, du dépôt des déclarations et du paiement des impôts. En autorisant le dépôt électronique des déclarations, la DGI a réduit de plus de moitié le temps nécessaire pour payer l’impôt – de 560 heures en 2006 à 266 heures en 2011 (Banque mondiale, 2012). Toutefois, malgré la multiplication par cinq du nombre de déclarations déposées en ligne, elles représentent toujours moins de 1 % du total. Dans le cadre d’un programme pilote, la DGI a dans un premier temps facilité le dépôt électronique pour les habitants de Jakarta et de Bandung, le déploiement à l’échelle du pays étant prévu d’ici fin 2012. Parmi les objectifs de la DGI figurent aussi l’offre de plusieurs canaux de paiement, notamment les services bancaires via Internet et les distributeurs automatiques. Ce sont des initiatives qui vont dans la bonne direction et qui doivent être poursuivies. Une meilleure utilisation des technologies de l’information passe également par l’uniformisation des logiciels informatiques utilisés par l’administration fiscale et celle des douanes, et la possibilité de se connecter aux bases de données utilisées par d’autres organismes publics.
73Même si les contrôles fiscaux ne sont pas le seul outil disponible pour améliorer la discipline fiscale, ils n’en constituent pas moins un élément essentiel de tout système fiscal basé sur l’autodéclaration. Les ressources dont dispose l’administration fiscale pour mener des contrôles étant limitées, ils doivent être décidés de manière à optimiser les recettes recouvrées. Cela nécessite de mettre en place une procédure de contrôle fondée sur les risques, qui épargne les contribuables ayant de bons antécédents pour se concentrer sur ceux qui sont manifestement en infraction, sur la foi de leur comportement passé ou de sources de données externes. Bien que les contrôles fiscaux soient davantage axés sur les risques, la DGI alloue toujours d’importants moyens aux contrôles automatiques visant des contribuables à faible risque. Par exemple, toute déclaration d’impôt qui fait état d’un trop-payé d’impôt et qui demande un remboursement est automatiquement contrôlée. Étant donné que ce cas de figure survient le plus souvent avec la TVA, trop d’agents sont affectés au contrôle des déclarations de TVA, alors que les impôts sur le revenu offrent de meilleures perspectives d’augmentation des recettes. À l’avenir, il faudrait supprimer les contrôles automatiques et accentuer l’orientation sur les risques. Le fait que les 65 000 contrôles effectués en 2010 ont généré en moyenne des recettes supplémentaires 16 fois plus importantes que les coûts de ces contrôles plaide en faveur de l’augmentation du nombre de contrôleurs. Cela réduirait également le délai de réalisation d’un contrôle fiscal lorsqu’il conditionne l’obtention d’un remboursement, et accélérerait le remboursement des trop-perçus d’impôts.
74Enfin, la réforme de l’administration fiscale devrait s’accompagner de réformes dans d’autres secteurs, notamment celui de l’application de la loi. En mars 2012, la DGI a signé un accord avec la Police nationale en vue d’intensifier la surveillance pour empêcher la fraude fiscale. Cet accord prévoit la protection et l’encadrement des agents des impôts dans l’exercice de leurs fonctions, et une aide pour localiser des personnes disparues et des actifs volés, à la suite d’un certain nombre d’affaires de corruption très médiatisées impliquant des agents des impôts. Cette coopération entre organismes publics semble prometteuse.
Encadré 1.3. Résumé des recommandations : réforme fiscale
Impôts sur le revenu des personnes physiques
- Poursuivre les efforts visant à augmenter le nombre de contribuables, notamment parmi les travailleurs non salariés. Adopter un numéro d’identification unique pour les personnes physiques, et supprimer la nécessité d’en faire la demande, par exemple en utilisant le numéro de la carte nationale d’identité. Envisager de supprimer l’obligation de déposer une déclaration d’impôt pour les salariés ayant une seule source de revenu. Réduire temporairement les sanctions pour les irrégularités commises par le passé pour les primodéclarants seulement.
- Soumettre les avantages accessoires et les indemnités versés par l’employeur à l’impôt sur le revenu des personnes physiques, et s’acheminer vers l’égalité de traitement fiscal des intérêts et des dividendes perçus, par exemple en considérant la retenue d’impôt sur les dividendes comme définitive, comme c’est le cas pour les intérêts.
- Réexaminer les incitations fiscales et en particulier les exonérations temporaires pour certains secteurs ou projets d’investissement. Si des aides à l’investissement sont octroyées, elles doivent l’être de façon large et bénéficier à toutes les entreprises, en privilégiant les crédits d’impôt au lieu des exonérations fiscales.
- Publier régulièrement des estimations des dépenses fiscales, et notamment des aides à l’investissement, afin d’améliorer leur transparence, et mener des évaluations périodiques de l’ensemble de ces dépenses et aides.
- Réduire la charge de mise en conformité pour les petites entreprises en introduisant un système fiscal spécifique, qui conjugue des procédures simplifiées, un taux d’imposition faible et des mesures rigoureuses pour faire respecter les obligations fiscales, comme le prévoit le gouvernement.
- Prendre en compte les risques de prospection et de développement en autorisant la déduction intégrale des coûts correspondants des recettes d’exploitation.
- Renoncer aux redevances fondées sur les recettes et donner plus de poids à l’imposition des rentes économiques, à des taux plus élevés qu’actuellement.
- Réexaminer les obligations de transformation et de propriété locales dans les industries extractives et s’employer plutôt à accroître la part des prélèvements fiscaux de l’État.
- Réexaminer les taxes à l’exportation en tenant compte de leurs répercussions sur l’ensemble de l’économie, y compris sur les échanges internationaux.
- Réduire au strict minimum le nombre d’activités exemptées de la TVA.
- Introduire une taxe sur le carbone à taux faible dans un premier temps.
- Actualiser le registre des valeurs cadastrales en vue d’augmenter les recettes fiscales issues des taxes périodiques sur les biens immobiliers. Envisager de s’acheminer vers un calcul simplifié, fondé sur la superficie, des impôts dus.
- Procéder à une évaluation plus systématique des risques avant de décider d’engager un contrôle fiscal, et supprimer les contrôles automatiques. Augmenter le nombre de contrôleurs.
- Utiliser davantage les informations de tiers et les méthodes indirectes pour déterminer l’impôt à payer, par exemple les informations sur les avoirs ou biens de consommation pour déclencher des contrôles fiscaux, même pour les individus non enregistrés en tant que contribuables.
- Mettre en œuvre le recensement fiscal prévu afin d’intégrer de nouveaux contribuables dans la base d’imposition, et créer de nouveaux bureaux des impôts spécialisés dans les ménages aisés en dehors de Jakarta.
- Poursuivre les efforts en vue d’améliorer la gestion des ressources humaines des autorités fiscales en réduisant les disparités de formation entre bureaux des impôts et agents. Accroître les capacités en justice de l’administration fiscale, en lui permettant de faire appel à des conseils juridiques extérieurs dans les dossiers en appel à fort enjeu, et concrétiser le projet d’instaurer des tribunaux fiscaux en dehors de Jakarta.
- Renforcer les systèmes de contrôle interne et les actions disciplinaires au sein de l’administration fiscale. Améliorer la transparence des décisions administratives en permettant aux contribuables de consulter leur dossier fiscal, en publiant tous les décrets et textes d’application et en rendant publics les jugements qui établissent des précédents.
Bibliographie
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Date de mise en ligne : 17/04/2013
Notes
-
[1]
Une réduction supplémentaire de 5 points est possible dans certaines conditions, en vertu d’une disposition destinée à promouvoir le développement des marchés locaux de capitaux. Parmi ces conditions figurent la cotation d’au moins 40 % du capital sur le marché local et un actionnariat dispersé pendant un certain nombre d’années, mais peu d’entreprises semblent se prévaloir de cette disposition.
-
[2]
Les taux effectifs d’imposition retenus dans Abbas et al. (2012) correspondent aux taux effectifs moyens de l’impôt sur les bénéfices des sociétés payés dans le cadre d’un investissement hypothétique financé sur fonds propres en vue d’acquérir des machines et équipements, en supposant que le rendement avant impôt est de 20 %.
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[3]
Ces informations proviennent de la base de données ORBIS publiée par le Bureau van Dijk.