Introduction
1Le Chili a réalisé de remarquables progrès dans la réduction de la pauvreté ces 20 dernières années et enregistre aujourd’hui un des taux de pauvreté les plus faibles d’Amérique latine. Les inégalités ont également reculé, quoique plus récemment et beaucoup plus modérément. Néanmoins, la pauvreté et les inégalités demeurent fortes en comparaison des autres pays de l’OCDE. Diminuer encore la pauvreté contribuerait à réduire les problèmes sociaux. Parallèlement, des mesures dans les domaines de l’éducation, du social et du marché du travail qui aident les pauvres à investir dans leur capital humain et à augmenter leur productivité contribueraient en outre à libérer le potentiel de croissance. Si le Chili connaît actuellement une forte croissance, en partie liée au prix élevé des matières premières, la grande proportion de travailleurs pauvres à faible productivité pourrait devenir rapidement un goulet d’étranglement pour l’innovation et la diversification.
2Le gouvernement chilien s’est fixé pour objectif ambitieux d’éradiquer l’extrême pauvreté d’ici à 2014, en prélude à l’élimination de la pauvreté d’ici à 2018. Il entend y parvenir notamment en introduisant Ingreso Ético Familiar, un nouveau système de transferts monétaires destinés aux pauvres. Des transferts monétaires plus importants peuvent aider les populations pauvres à épargner et à investir dans le capital physique et humain et rendraient le système de prélèvements et de prestations sociales plus progressif, en particulier s’ils sont financés en corrigeant les échappatoires fiscales régressives ou en augmentant l’impôt sur la fortune. Les autorités se sont données pour objectif de parvenir à un taux de croissance annuel moyen du PIB de 6 % et de créer un million de nouveaux emplois – soit une hausse de 15 % – d’ici à 2014. Il sera important d’offrir aux pauvres de meilleures possibilités d’emploi pour les aider à sortir de la pauvreté.
3Ce chapitre étudie comment le Chili peut utiliser la politique sociale et la politique du marché du travail pour réduire davantage la pauvreté et les inégalités. Il s’articule comme suit : la première partie donne une vue d’ensemble des récentes évolutions en matière de pauvreté, de revenu et d’inégalités salariales au Chili. La seconde partie présente les facteurs qu’il sera important pour le gouvernement chilien de prendre en considération lors de l’élaboration de son nouveau programme de transferts monétaires, Ingreso Ético Familiar, en particulier le ciblage, les conditions imposées, le montant des transferts et la qualité des services publics complémentaires. Pour aider les gens à sortir de la pauvreté ou à éviter d’y retomber, le plus important sera peut-être d’accroître leur capacité de trouver un emploi. Les femmes chefs de famille et les travailleurs peu qualifiés, dont le taux d’activité est particulièrement faible et qui ont de bas salaires et un taux de pauvreté élevé, auront besoin d’une aide importante. La troisième partie du chapitre étudie donc les mesures qui aideraient un plus grand nombre de Chiliens à trouver un emploi de qualité décente. Elle examine le rôle que des services d’intermédiation pour l’emploi, des programmes de formation, de prestations liées à l’exercice d’un emploi, de la protection de l’emploi et des politiques familiales peuvent jouer dans la création d’emplois plus nombreux et de meilleure qualité.
Pauvreté et inégalité au Chili
Évolutions récentes
4Le Chili a connu un fort déclin de la pauvreté ces 20 dernières années, le pourcentage des personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté national ayant diminué de façon spectaculaire (graphique 1.1). La pauvreté relative, mesurée par la proportion de la population vivant avec moins de 50 % du revenu médian, a elle aussi reculé. Elle est maintenant parmi les plus faibles d’Amérique latine (graphique 1.2) même si elle reste plus élevée que dans la plupart des autres pays de l’OCDE (graphique 1.3). Comme dans d’autres pays, les ménages entrent et sortent fréquemment de la pauvreté au Chili (Neilson et al., 2008).
Taux de pauvreté au Chili
Taux de pauvreté au Chili
Population ayant un revenu inférieur au seuil national de pauvreté (pauvreté absolue), en pourcentage de la populationComparaison de la pauvreté et des inégalités en Amérique latine(1), (2)
Comparaison de la pauvreté et des inégalités en Amérique latine(1), (2)
2009 ou dernière année disponible(1) Le revenu des ménages, y compris le revenu du travail et du capital ainsi que les transferts monétaires, est ajusté en fonction de la taille des ménages.
(2) Pourcentage de personnes ayant un revenu domestique inférieur à 50 % du revenu médian.
Inégalité et pauvreté dans les pays de l’OCDE(1), (2), (3)
Inégalité et pauvreté dans les pays de l’OCDE(1), (2), (3)
2009 ou dernière année disponible(1) Le revenu du ménage est corrigé en prenant la racine carrée du nombre de personnes vivant dans le ménage. Estimations préliminaires.
(2) Avant transferts seulement pour la Grèce, la Hongrie, le Mexique et la Turquie. Dans les transferts ne sont pas pris en compte les aides à l’achat d’un logement au Chili.
(3) La définition du seuil de pauvreté correspond à 50 % du revenu courant médian.
5Au Chili, les enfants sont particulièrement exposés au risque de pauvreté, alors que les seniors sont moins menacés que les personnes en âge de travailler (tableau 1.1). En fait, la présence d’un retraité dans un ménage réduit la probabilité de devenir pauvre et le risque de pauvreté s’accroît de façon régulière avec le nombre d’enfants de la famille, atteignant plus de 50 % pour les ménages ayant plus de 5 enfants (non pris en compte dans le tableau). Le faible risque de pauvreté chez les personnes en âge de percevoir une pension témoigne probablement de l’efficacité du régime chilien de pension non contributif pour les pauvres. Le taux de pauvreté est particulièrement élevé chez les ménages monoparentaux. Plus de 85 % de ces ménages ont une femme pour chef de famille, le taux de pauvreté chez les ménages dont le chef de famille est un homme étant en fait beaucoup plus faible. Le risque de pauvreté diminue de façon régulière avec le nombre de membres du ménage qui exercent un emploi, mais les ménages entièrement dépendant de travailleurs non déclarés risquent davantage de tomber dans la pauvreté que ceux comptant des travailleurs déclarés.
Taux de pauvreté dans différents groupes de la population, 2009
Taux de pauvreté dans différents groupes de la population, 2009
Pourcentage du groupe considéré ayant un revenu inférieur au seuil national de pauvreté6Les inégalités de revenu ont aussi commencé à diminuer, quoique beaucoup plus récemment et modérément que la pauvreté. Elles restent fortes même par comparaison avec les autres pays d’Amérique latine (graphique 1.2) et sont plus grandes que dans tout autre pays de l’OCDE (graphique 1.3). La raison pour laquelle les inégalités de revenu n’ont guère évolué malgré le recul impressionnant de la pauvreté est que les inégalités les plus criantes s’observent en haut de l’échelle des revenus. Le revenu moyen du décile des revenus les plus élevés est presque le triple du revenu moyen du décile qui le suit (graphique 1.4). Par contre, le revenu est distribué de façon relativement égale entre le reste de la population.
Revenu moyen des ménages, par décile de revenu
Revenu moyen des ménages, par décile de revenu
Normalisé avec le revenu médian des ménages(1)(1) 2009 pour le Chili ; dernière année disponible pour les autres pays.
7Le problème de la pauvreté se poserait peut-être de façon moins aiguë si les pauvres étaient en mesure de s’en sortir relativement facilement par leurs propres moyens. Mais la mobilité sociale intergénérationelle est comparativement faible au Chili, ce qui est caractéristique des pays où les inégalités sont fortes (Causa et Johansson, 2009). L’élasticité intergénérationelle des gains, qui mesure à quel point le revenu d’un homme est déterminé par le revenu de son père, est plus élevée au Chili que dans d’autres pays de l’OCDE (graphique 1.5). Selon des estimations récentes, elle varie de 0.57 à 0.74 (Nuñez et Miranda, 2010). Cela signifie qu’un Chilien dont le père gagne deux fois plus que le père, disons, d’un ami gagnera vraisemblablement 60-70 % plus que cet ami.
Estimation de l’élasticité intergénérationnelle des gains(1)
Estimation de l’élasticité intergénérationnelle des gains(1)
(1) La hauteur de chaque barre correspond à la meilleure estimation ponctuelle de l’élasticité intergénérationnelle des gains, calculée d’après la méta-analyse approfondie effectuée par Corak (2006). Plus les paramètres sont élevés, plus la persistance des gains d’une génération à l’autre est forte, et donc plus la mobilité intergénérationnelle des gains est faible.8Les mesures examinées dans le présent chapitre visent essentiellement à réduire la pauvreté. Elles contribueront aussi à réduire les inégalités, mais étant donné que celles-ci sont particulièrement criantes au sommet de la distribution des revenus, elles n’auront sur elles qu’une incidence limitée. Des politiques complémentaires peuvent contribuer à une plus grande équité, tout en ayant dans le même temps des effets bénéfiques sur la croissance de la productivité. Un renforcement des politiques de la concurrence, examiné au début de cette Étude, favoriserait la croissance de la productivité, tout en réduisant les rentes des entreprises en place, et améliorerait les possibilités offertes à de nouvelles entreprises, contribuant ainsi à la mobilité sociale. L’amélioration de la qualité et de l’équité de l’enseignement (OCDE, 2010) consoliderait le capital humain du pays et favoriserait la réduction des inégalités. La limitation des allégements fiscaux et des possibilités d’évasion fiscale, qui bénéficient essentiellement aux salariés à plus fort revenu, renforcerait les recettes fiscales, donnant davantage de manœuvre pour une augmentation des transferts monétaires progressifs ou une amélioration des politiques éducatives et sociales.
Quels sont les facteurs explicatifs du recul de la pauvreté et des inégalités de revenu ?
9La croissance économique, s’accompagnant d’une augmentation du revenu du travail pour tous les déciles de revenu, de politiques sociales et d’un relèvement du niveau d’instruction, explique en partie la diminution de la pauvreté et des inégalités au Chili. Le revenu du travail du premier quintile a augmenté en moyenne de 38 % en termes réels entre 1990 et 2009 (tableau 1.2). Les revenus du travail et du capital des déciles de revenu supérieurs ont progressé à un rythme encore plus soutenu, mais la progression marquée des transferts monétaires, qui a été la plus forte pour le premier décile de revenu, a compensé cette différence. Les travaux de recherche indiquent que le recul des inégalités salariales entamé en 1987 – après le fort creusement enregistré depuis le début des années 70 – peut être attribué à un net accroissement de l’offre de travailleurs ayant suivi des études supérieures (Eberhard et Engel, 2008). Toutefois, les inégalités salariales demeurent élevées au Chili en comparaison internationale (graphique 1.6).
Coefficients de Gini pour la rémunération des salariés à plein-temps
Coefficients de Gini pour la rémunération des salariés à plein-temps
15 à 64 ans, 2008(1)(1) 2005 pour Israël, 2007 pour la France, la Corée et les États-Unis et 2009 pour le Chili et le Japon.
Hausse du revenu réel par quintile de revenu des ménages et par habitant entre 1990 et 2009(1)
Hausse du revenu réel par quintile de revenu des ménages et par habitant entre 1990 et 2009(1)
En pourcentage(1) Les valeurs pour 2009 sont déflatées au moyen du déflateur du seuil de pauvreté urbaine.
10Cependant, l’effet positif sur l’égalité du régime de prélèvements et de transferts est nettement moindre que dans tout autre pays de l’OCDE, car le système fiscal est moins progressif et l’ampleur des transferts monétaires est comparativement faible (graphique 1.7). Si les inégalités de revenu marchand avant prélèvements et transferts sont, en fait, très semblables au Chili à celles observées dans plusieurs pays de l’OCDE, la prise en compte des prélèvements et des transferts fait baisser dans ces pays de 10 points en moyenne le coefficient de Gini. Ainsi, le régime de prélèvements et transferts n’a guère d’incidence sur les inégalités au Chili, comme dans beaucoup d’autres pays d’Amérique latine (voir graphique 1.3), principalement en raison de la faible ampleur des transferts redistributifs et de la part peu importante des impôts progressifs sur le revenu dans les recettes totales.
Prélèvements et transferts concernant les ménages à bas revenu et ceux à revenu élevé(1), (2)
Prélèvements et transferts concernant les ménages à bas revenu et ceux à revenu élevé(1), (2)
En pourcentage des revenus du capital et du travail avant transferts(1) Dont le chef de famille est en âge de travailler. 2009 ou dernière année disponible.
(2) Le revenu avant transfert est net d’impôt.
Les transferts monétaires, un instrument pour réduire la pauvreté
Le rôle des transferts monétaires dans l’augmentation du revenu et de la productivité des pauvres
11Si les transferts monétaires sont utilisés depuis longtemps dans les pays de l’OCDE pour réduire la pauvreté et les inégalités, leur emploi est moins courant dans les pays en développement ou émergents. Le programme conditionnel de transferts monétaires, Oportunidades, mis en place par le Mexique ayant été une réussite, de nombreux gouvernements d’Amérique latine ont introduit des programmes similaires. Le programme mexicain est conditionnel en ce sens que les bénéficiaires sont tenus d’envoyer leurs enfants à l’école et de leur faire passer des visites médicales, ainsi que de participer à des séances d’information sur la santé et d’autres questions, faute de quoi leurs prestations sont réduites ou supprimées. Il existe aussi des programmes de transferts monétaires à l’intention des pauvres dans les pays en développement et à revenu intermédiaire en Afrique et en Asie. Certains sont assortis de conditions, d’autres non.
12Les études montrent que les transferts monétaires – qu’ils soient ou non conditionnels – peuvent favoriser à bien des égards le bien-être et la productivité des bénéficiaires. Ils améliorent la nutrition et la santé des enfants (Aguëro et al., 2006 ; Duflo, 2003 ; Paxson et Schady, 2007), leurs compétences linguistiques (Fernald et Hidrobo, 2011 ; Paxson et Schady, 2007) et leur niveau d’instruction (Case, Hosegood et Lund, 2005 ; pour un aperçu des ouvrages sur ce sujet, voir Hanlon et al., 2010 ; Fiszbein et Schady, 2009) – autant de facteurs importants pour qu’un enfant devienne en grandissant quelqu’un d’autonome et de productif ayant une bonne aptitude à générer un revenu. Par exemple, la nutrition des enfants, et son effet positif sur la santé, est un élément important, car un enfant en meilleure santé obtient de meilleurs résultats aux tests des capacités cognitives et gagne sensiblement plus une fois devenu adulte (Case et Paxson, 2008). Il a également été établi que ces programmes limitent le phénomène du travail des enfants (Edmonds et Schady, 2009).
13Il ressort des travaux de recherche que les programmes de transferts monétaires augmentent la capacité d’épargne et d’investissement des ménages, générant ainsi des revenus plus élevés. Gertler et al. (2006) ont constaté que le programme Oportunidades du Mexique a aidé les ménages ruraux pauvres à investir dans des microentreprises et des activités agricoles, avec un taux de rendement estimé de 17 %. En Afrique du Sud, les bénéficiaires d’une allocation pour enfant à charge sont deux fois plus à même que les non-allocataires dans une situation comparable d’avoir un compte en banque ou une certaine forme d’épargne (Delany et al., 2008). Martínez (2004) montre qu’en Bolivie la pension universelle a aidé les ménages pauvres à accroître leur consommation alimentaire de plus d’une fois et demie le montant de la prestation. Ce résultat est attribuable dans une large mesure à l’augmentation de la production, par le ménage, de viande et de légumes grâce à une utilisation plus intensive des terres lorsqu’il dispose de fonds supplémentaires pour acheter des animaux, des végétaux et des intrants agricoles. Les transferts monétaires peuvent donc aider les ménages qui n’ont pas d’accès au crédit, ou de façon limitée, à investir dans l’amélioration de leur niveau de vie.
14La santé, les compétences cognitives, le niveau d’instruction et l’aptitude des individus à investir sont d’importants facteurs d’amélioration de leur productivité et de leur bien-être. Des transferts bien conçus pourraient donc aider le Chili à réduire la pauvreté, tout en augmentant la productivité de sa main-d’œuvre, et par là même à renforcer le potentiel de croissance de son économie. Les effets sur la pauvreté seraient ainsi donc à la fois directs – via les transferts proprement dits – et indirects – via l’impact que ces transferts peuvent avoir sur la santé, le niveau d’instruction et les compétences, et, par conséquent, l’aptitude à générer un revenu. À terme, si cela contribue à renforcer la croissance économique, la pauvreté peut encore être réduite grâce aux effets d’une hausse générale des revenus à l’extrémité inférieure de la distribution.
Les transferts monétaires au Chili
15Il existe tout un éventail de transferts monétaires au Chili (encadré 1.1), qui sont ciblés à l’aide d’une procédure d’évaluation des ressources qui permet d’attribuer des scores aux familles en fonction de l’emploi, du revenu potentiel effectif et imputé, de l’état de santé et de la composition des ménages (Ficha de Protección Social, FPS). Les transferts monétaires sont actuellement d’une ampleur relativement faible et très étroitement ciblés. Ceux liés au programme Chile Solidario augmentent le revenu des ménages d’environ 10 % pour le décile des revenus les plus bas et nettement moins pour les déciles plus élevés (graphique 1.8). Seule la pension de solidarité de base non-contributive représente une part importante du revenu avant transferts, mais seulement pour le décile des revenus les plus bas. À titre de comparaison, le programme mexicain Oportunidades augmente d’en moyenne 33 % la consommation des ménages avant transferts pour les deux déciles les plus bas (Fiszbein et Schady, 2009).
Encadré 1.1. Les transferts monétaires en faveur des familles pauvres au Chili
Subsidio Único Familiar (SUF) est une allocation destinée aux familles pauvres ayant parmi leurs membres des femmes enceintes, des enfants en âge d’être scolarisés ou une personne handicapée et qui n’ont pas droit à l’allocation familiale contributive pour les salariés, parce qu’aucun membre de la famille n’est affilié à une caisse de sécurité sociale. Par conséquent, les travailleurs non déclarés et les salariés pauvres peuvent prétendre à la prestation, de même que les inactifs ou les chômeurs. L’allocation se monte à 6 776 pesos Chiliens (13.5 dollars) par mois pour les ménages dont le score selon la Ficha de Protección Social est inférieur à 11 734, ce qui correspondrait aux 40 % des revenus les plus bas. Ce transfert est subordonné à des visites médicales régulières pour les enfants de moins de 6 ans et à la fréquentation assidue de l’école pour les enfants de 6 à 18 ans.
Part des transferts dans le revenu des ménages avant transferts, par décile, 2009(1), (2)
Part des transferts dans le revenu des ménages avant transferts, par décile, 2009(1), (2)
(1) Chili Solidario, Subsidio Único Familiar et subvention pour les dépenses d’eau.(2) Allocations de chômage et allocation familiale de la sécurité sociale.
Subsidio al Pago del Consumo de Agua Potable y Servicio de Alcantarillado de Aguas Servidas (SAP) est une subvention à l’approvisionnement en eau potable, qui finance les dépenses de consommation en eau à hauteur de 15 m3 par mois pour les bénéficiaires du programme Chile Solidario qui sont connectés au réseau.
La Pension Basica Solidaria (PBS) et l’Aporte Previsional Solidario (APS) sont la pension de solidarité de base non contributive et les compléments conçus respectivement pour les travailleurs à la retraite et les travailleurs handicapés ne disposant pas d’une épargne suffisante dans le système de pension privé. Pour y avoir droit, les demandeurs doivent avoir un score FPS inférieur ou égal à 12.185.
16Les autorités ont décidé récemment d’augmenter sensiblement les transferts monétaires associés à Chile Solidario au moyen du nouveau système de transferts Ingreso Ético Familiar. Le Président a soumis le projet de loi au Congrès fin septembre 2011 ; ce projet est en cours d’examen (encadré 1.2).
Encadré 1.2. Le projet de loi sur le système de transferts Ingreso Ético Familiar
Outre le travailleur social qui aide les familles participant au programme Chile Solidario à remplir leurs obligations au titre des programmes sociaux et pour l’emploi (voir encadré 1.1), les bénéficiaires seront tenus de participer à un autre programme pour l’emploi. On pense à l’heure actuelle que cela pourrait se faire en chargeant un coach d’aider les membres adultes de la famille à trouver un emploi et à améliorer leur employabilité.
Le transfert mensuel de base sera de 13 000 pesos (environ 26 dollars) par famille plus un supplément de 6 000 pesos (environ 12 dollars), qui sera versé aux familles vivant dans l’extrême pauvreté.
De plus, un transfert conditionnel, à savoir un supplément mensuel de 8 000 pesos (16 dollars) par enfant, sera versé aux familles vivant dans l’extrême pauvreté qui respectent certaines conditions, notamment visites médicales régulières pour leurs enfants et assiduité scolaire – plus de 90 % du temps pour les enfants allant à l’école primaire et 85 % du temps pour les enfants allant à l’école secondaire.
Ces paiements seront en place pendant 24 mois.
En outre, diverses primes sont prévues pour les familles comptant parmi les 30 % les plus pauvres :
- Les familles ayant un enfant faisant partie des 15 % les meilleurs de sa classe recevront un supplément de 50 000 pesos (100 dollars) par an et celles ayant un enfant dans les 15 % suivants les meilleurs de sa classe un supplément de 30 000 pesos (60 dollars).
- Une subvention à l’emploi sera versée pour les femmes d’âge actif des familles dont les revenus font partie des 30 % les plus bas du pays (les 40 % les plus bas après 2012). Elle pourra atteindre jusqu’à 15 % du salaire dans une certaine tranche, avec une moyenne estimée de 25 000 pesos (50 dollars). Cette subvention sera mise en place et supprimée de manière progressive et sera versée à la salariée et à son employeur à parts égales. Elle est limitée à 100 000 femmes initialement.
- Les adultes qui bénéficient d’Ingreso Ético et achèvent des études secondaires peuvent recevoir une prime ponctuelle.
- Une prime ponctuelle sera versée aux bénéficiaires qui parviennent à sortir tôt du programme pour l’emploi en trouvant un emploi.
- Il y aura d’autres primes au titre de diverses réalisations dans les domaines de l’éducation, de la santé, de l’emploi et de l’épargne.
17Dans le cadre de la réflexion menée sur l’élaboration de Ingreso Ético Familiar, il importe d’évaluer le programme Chile Solidario, dont le nouveau système de transferts devrait s’inspirer. Le transfert monétaire d’un faible montant versé dans le cadre de Chile Solidario n’est pas conçu pour faire sortir à lui seul de la pauvreté les personnes concernées. En revanche, il vise à inciter les bénéficiaires à mieux utiliser les services sociaux et à bâtir une stratégie pour sortir de la pauvreté avec l’aide d’un travailleur social. L’idée maîtresse est que les pauvres n’ont ni la capacité ni l’information nécessaires pour accéder aux transferts monétaires et aux services sociaux et qu’ils ont besoin d’une assistance pour utiliser ces programmes efficacement et acquérir les compétences leur permettant de sortir de la pauvreté. Des études ont établi que Chile Solidario a un effet positif sur la perception de transferts (Galasso, 2006 ; Carneiro et al., 2009), comme le Subsidio Único Familiar (encadré 1.1). Cet effet est plus marqué dans les municipalités où les différents services sociaux sont mieux coordonnés, pour les familles pouvant faire appel à des travailleurs sociaux moins surchargés et pour celles dont le chef a un niveau d’instruction relativement faible (Carneiro et al., 2009). Ces résultats montrent le rôle de la qualité des services sociaux complémentaires dans la réussite des programmes de transferts monétaires. D’après Amior et al. (2010), la participation de voisins au programme Chile Solidario a aussi une incidence positive sur la perception de subventions par les ménages qui ne participent pas eux-mêmes à ce programme. Les auteurs présentent des éléments indiquant que cela est dû à une meilleure connaissance de l’existence des transferts monétaires et des programmes sociaux et à une réduction des coûts de transaction, peut-être parce que le programme Chile Solidario diffuse les informations sur les modalités d’accès à ces programmes aux amis et aux voisins. Des études ont également mis en évidence un effet positif sur les taux d’inscription à l’école (Galasso, 2006), sur l’accès aux programmes pour le logement et l’emploi (Perticara, 2007 ; Galasso, 2006 ; Carneiro et al., 2009) et sur les conditions de logement (Larrañaga et al., 2009 ; Carneiro et al., 2009).
18Cependant, les résultats concernant l’incidence de Chile Solidario sur l’emploi, le revenu et la pauvreté sont plus mitigés. Alors que Galasso (2006) conclut à l’absence d’effet positif sur l’emploi ou le revenu, Perticara (2007) constate en revanche un effet positif dans les zones rurales, mais non dans les zones urbaines. Larrañaga et al. (2009) observent un effet positif sur le nombre des chômeurs au sein des ménages participants. Carneiro et al. (2009) concluent à un effet positif sur l’emploi des deuxièmes apporteurs de revenu, mais à l’absence d’effet sur les chefs de famille, y compris lorsque ce sont des femmes célibataires. D’après leur étude, l’augmentation du revenu du travail par habitant et la réduction de la pauvreté, y compris de l’extrême pauvreté, se limitent aux zones rurales et aux familles dont le chef a un faible niveau d’instruction. Larrañaga et al. (2009) observent un impact négatif sur le revenu marchand des ménages urbains, mais non des ménages ruraux. La base de données utilisée par les auteurs ne leur permet pas d’évaluer l’impact sur le revenu disponible, transferts inclus. Étant donné que le programme Chile Solidario confère à ses bénéficiaires un droit d’accès préférentiel aux transferts monétaires, les auteurs avancent l’hypothèse que les participants remplaceraient le revenu marchand par des transferts dans une certaine mesure. Une théorie expliquant pourquoi le programme Chile Solidario a une plus grande incidence dans les zones rurales est qu’en l’absence de ce programme l’accès à l’information sur les transferts monétaires et les services pour l’emploi serait plus difficile dans ces zones qu’en ville où il est plus aisé d’obtenir des informations par l’intermédiaire des voisins ou d’autres réseaux. Au total, ces résultats indiquent que les bénéficiaires de transferts ont besoin d’être mieux aidés pour trouver un emploi leur permettant d’échapper à la pauvreté.
Le rôle joué par le montant des transferts
19Un des objectifs du nouveau programme Ingreso Ético Familiar consiste à augmenter les transferts monétaires et, ce faisant, à aider davantage de personnes à sortir de la pauvreté. En principe, le Chili a les moyens financiers de réduire considérablement la pauvreté uniquement au moyen des transferts. Les écarts de pauvreté indiquent que le pays devrait investir moins de 1 % du PIB pour faire passer tous les citoyens au-dessus du seuil de pauvreté national ou même 10 % au-dessus de ce seuil (voir tableau 1.3), même s’il est important de noter qu’il s’agit là d’une opération comptable statique qui ne prend pas en compte les changements de comportement. Une autre façon d’aborder la question consiste à se demander quelle part de leur revenu les personnes relativement aisées devraient transférer aux pauvres pour combler l’écart de pauvreté. Par exemple, un revenu qui est supérieur à deux fois et demie le seuil de pauvreté ou qui se situe dans les quatre premiers déciles de revenu, semble suffisamment élevé pour que l’on demande aux intéressés de transférer aux pauvres une partie de leur revenu dépassant ce niveau. Une surimposition au taux marginal de 3 % de cette part de revenu « excédentaire » serait suffisante pour éradiquer la pauvreté au Chili (tableau 1.3). Une augmentation des incitations monétaires entraînant une progression des dépenses budgétaires de 1 % du PIB pourrait, toutefois, nuire aux incitations au travail. La limitation des transferts monétaires, tout en permettant de financer d’autres politiques sociales à même de contribuer à la réduction de la pauvreté, notamment les programmes d’éducation, de formation et d’emploi, pourrait donc être préférable. Néanmoins, l’écart de pauvreté est une mesure utile pour déterminer l’ampleur du problème. En Chine, par exemple, la réduction de l’écart de pauvreté avec un seuil de pauvreté de 2 dollars en parités de pouvoir d’achat, ce qui est bien inférieur au seuil national de pauvreté du Chili, exigerait de taxer les riches – c’est-à-dire ceux qui ont des gains représentant plus de deux fois et demie le seuil de pauvreté chilien – à des taux prohibitifs d’environ 100 % (Ravallion, 2009). En comparaison, la situation au Chili est plus gérable. Cependant, le montant que les autorités prévoient pour le moment de consacrer aux transferts monétaires supplémentaires équivaut à 0.07 % du PIB et est d’un ordre de grandeur inférieur à l’écart de pauvreté. En fait, l’objectif déclaré est de combler au moyen des transferts mensuels au maximum 85 % de l’écart entre le revenu des familles, y compris les aides qu’elles reçoivent déjà, et le seuil national d’extrême pauvreté – pas de pauvreté.
Taux de pauvreté et écarts de pauvreté en fonction du seuil de pauvreté, 2009(1)
Taux de pauvreté et écarts de pauvreté en fonction du seuil de pauvreté, 2009(1)
(1) Somme de tous les « déficits » de revenu par rapport au seuil de pauvreté en % du PIB.20Le nombre d’individus que l’on peut sortir de la pauvreté au moyen de transferts monétaires n’est pas le seul aspect à prendre en considération lorsque l’on décide du montant du transfert. Les recherches ont montré que le montant du transfert peut influer sur l’aptitude des bénéficiaires à investir. D’après Fernald et al. (2008), un doublement des transferts cumulés dans le cadre du programme mexicain Oportunidades a été associé à un indice taille pour âge plus élevé, à une moindre incidence des retards de croissance et à un meilleur développement moteur et linguistique. De Janvry et Sadoulet (2006) concluent que l’impact marginal des transferts sur la scolarisation est important, chaque tranche de 10 dollars faisant grimper le taux de scolarisation de 1½ point de pourcentage. Cependant, ils notent aussi que l’impact de transferts plus importants dépend fortement des caractéristiques des enfants et des familles et qu’il est plus marqué pour les enfants plus âgés et pour ceux habitant loin de l’école la plus proche. Ces chercheurs présupposant la linéarité de la relation entre le montant des transferts et la scolarisation ne peuvent prendre en compte les incidences marginales décroissantes. Todd et Wolpin (2006) estiment un modèle dynamique structurel d’Oportunidades intégrant les choix faits en matière de fécondité et de scolarisation et concluent, d’après les simulations effectuées avec ce modèle, que l’effet positif sur le nombre d’années de scolarisation augmente linéairement jusqu’au montant effectif du transfert. Après, il augmente à un rythme légèrement décroissant. Filmer et Schady (2011) constatent que les transferts monétaires octroyés de façon aléatoire pour des montants différents à différentes familles au Cambodge ont eu une incidence fortement décroissante sur la scolarisation. Le rôle joué par le montant des transferts pour ce qui est d’autres aspects, comme la santé et l’aptitude à réaliser des investissements productifs n’a toutefois pas fait l’objet d’autant de recherches.
21Il est à craindre que des transferts monétaires plus importants ne réduisent les incitations au travail, ce qui limiterait l’effet positif sur la production et la productivité. Cependant, il ressort des recherches que cette crainte serait exagérée au moins dans le cas des pays émergents où ces transferts sont généralement faibles et où les bénéficiaires ont du mal à joindre les deux bouts même lorsqu’ils ont accès à ces transferts. Des études menées sur des programmes conditionnels de transferts monétaires au Brésil, au Mexique, au Nicaragua et au Honduras indiquent que ces programmes n’ont pas ou très peu d’effets sur le taux d’activité ou le temps de travail des adultes, et que ces effets sont parfois positifs (Foguel et Paes de Barros, 2010 ; Parker et Skoufias, 2000 ; Alzúa et al., 2010). Eyal et Wollard (2010) constatent qu’en Afrique du Sud l’allocation pour enfant à charge a un effet positif sur la probabilité que les mères des enfants bénéficiaires soient sur le marché du travail ou occupent un emploi, et un effet négatif sur leur taux de chômage. L’OCDE (2011) confirme ces effets positifs sur la situation en matière d’emploi des mères bénéficiaires pauvres, tandis que, pour l’échantillon comprenant toutes les mères bénéficiaires, l’effet positif sur la participation au marché du travail s’accompagne d’une plus forte probabilité d’être au chômage.
22Les études portant sur les programmes prévoyant des transferts monétaires plus importants ont davantage tendance à conclure à un impact négatif sur le taux d’activité ou le temps de travail, même si ces résultats doivent doit être nuancés. Carvalho Filho (2008) constate que les pensions de vieillesse pour les travailleurs pauvres au Brésil, qui correspondent généralement au salaire minimum, ont réduit le nombre total d’heures de travail effectuées par les bénéficiaires et la probabilité qu’ils travaillent. Bertrand et al. (2003) observent une baisse du nombre d’heures travaillées pour les personnes d’âge mûr vivant avec un retraité en Afrique du Sud, les retraités recevant des prestations comparativement généreuses. La probabilité d’emploi des hommes d’âge mûr diminue d’après ces résultats, mais il n’en va pas de même pour les femmes. À en juger par les résultats de l’OCDE (2011), la présence d’un retraité dans le ménage a un effet négatif sur la probabilité des femmes d’exercer un emploi, même si elle n’a pas d’impact important sur leur taux d’activité. Elle a un impact négatif sur la participation des hommes au marché du travail, bien que le taux d’activité au sens large ne soit pas affecté de façon significative. Ce dernier concept inclut les personnes découragées qui répondraient favorablement à une proposition d’embauche, mais qui ont cessé de chercher activement un emploi. Cependant, ces résultats sont à nuancer. Quand les membres migrants sont pris en compte, la présence d’un retraité au sein du ménage a un léger effet positif sur l’emploi des adultes d’âge mûr (Ardington et al., 2009), ce qui indique sans doute que le ménage utilise le complément de revenu pour aider les migrants jusqu’à ce qu’ils deviennent autonomes, et que les retraités peuvent s’occuper des jeunes enfants, ce qui permet aux adultes d’âge mûr de chercher du travail ailleurs. Au total, ces résultats suggèrent qu’il faut probablement que les transferts monétaires soient très importants dans les pays à revenu intermédiaire pour affaiblir les incitations au travail.
23Cela porte à croire que, sauf si le Chili augmente les prestations bien au-dessus du niveau observé au Brésil ou au Mexique, le risque d’effets négatifs sur les incitations au travail sera vraisemblablement limité. Cependant si les transferts monétaires sont fortement augmentés, le Chili pourrait devoir vérifier si les incitations au travail sont affaiblies. Dans ce cas, une solution consisterait à imposer, et bien faire respecter, des obligations en matière de travail et de recherche d’emploi. Les bénéficiaires de Ingreso Ético Familiar seront, en fait, tenus de s’inscrire à des programmes pour l’emploi, dans le cadre desquels, au stade actuel de la réflexion, un coach pourrait être chargé d’aider les bénéficiaires à améliorer leur employabilité et à trouver un emploi.
24Une fois que la première phase de Ingreso Ético Familiar est solidement mise en œuvre, le Chili pourrait mener des expériences pilotes en procédant à différentes augmentations du montant des transferts pour étudier les conséquences sur la santé, l’éducation, les compétences et l’emploi. Cela permettrait de recueillir d’importantes informations pour décider d’éventuelles hausses futures du montant des transferts. Ingreso Ético Familiar devrait s’appuyer sur les programmes de transferts monétaires existants et devrait être progressivement mieux intégré à certains d’entre eux au moins. Son dispositif de ciblage tiendra compte des autres transferts, mais les procédures et conditions d’accès resteront différentes. Un renforcement de l’intégration permettrait de simplifier et de rendre plus transparent et plus facile à administrer le système de transferts monétaires dans son ensemble.
Le rôle du ciblage
25La procédure d’évaluation des ressources que le Chili utilise pour un large éventail de programmes sociaux a permis d’axer plusieurs de ces programmes sur les plus pauvres, mais elle est probablement très onéreuse. L’admissibilité aux programmes est déterminée au moyen d’entretiens reposant sur un questionnaire, la Ficha de Protección Social (FPS). La capacité de gains d’un ménage est évaluée par des méthodes économétriques de prévision du revenu potentiel des membres du ménage à partir d’informations concernant leur niveau d’instruction, leur statut professionnel et leurs antécédents. Les revenus du travail déclarés n’entrent que pour 10 % dans le calcul du score des revenus potentiels. Les autres variables prises en compte sont notamment la composition du ménage et l’état de santé de ses membres. Le ministère des Affaires sociales transforme les indicateurs collectés par les interviewers au niveau municipal en un score pour chaque ménage en employant une méthode qui n’est connue ni des interviewers ni des bénéficiaires potentiels. Divers programmes sociaux sont ensuite ciblés sur la base de seuils qui varient d’un programme à l’autre. Un examen récent (Comité de Expertos, 2010) a révélé un certain nombre de faiblesses, liées aux incitations engendrées par la non uniformité des seuils au-delà desquels les prestations sont supprimées abruptement, liées aussi à la vérification relativement sommaire d’informations complexes et à la légèreté des sanctions.
26Étant donné la non-uniformité des seuils appliqués pour juger de l’admissibilité, les bénéficiaires potentiels sont incités à faire de fausses déclarations sur celles de leurs caractéristiques qui, selon eux, pourraient influer fortement sur leur score, comme la composition du ménage et le niveau d’instruction et l’état d’invalidité de ses membres. Faute d’obligation de documenter systématiquement les informations fournies par les ménages, c’est aux interviewers et aux municipalités qu’il appartient de définir les modalités de vérification des informations qu’ils reçoivent, et les contrôles ou sanctions applicables aux personnes interrogées, aux interviewers ou à leurs autorités de contrôle sont faibles ou inexistants. Les ménages peuvent demander une réévaluation, mais probablement seuls ceux qui pensent pouvoir obtenir un score inférieur au précédent le feront. Sinon, il n’existe pas de mécanisme pour mettre les scores à jour systématiquement. Il y a des raisons de douter de l’exactitude des informations, car le nombre des ménages et la fréquence de l’invalidité d’après la Ficha de Protección Social sont beaucoup plus élevés qu’ils ne devraient l’être d’après les données de l’enquête auprès des ménages. Plus de 22 % se sont vu attribuer un score qui correspondrait au décile le plus bas de la distribution selon une simulation effectuée à partir des données de l’enquête auprès des ménages, soit plus du double du chiffre qui aurait dû être obtenu (Comité de Expertos, 2010). Cela indique que les déclarations sous-évaluent fortement le revenu potentiel à divers égards ou surévaluent beaucoup les besoins.
27À la suite des recommandations formulées par le comité d’experts, le gouvernement entend simplifier la Ficha de Protección Social, accorder une place plus importante aux données vérifiables, ce qui permettrait de croiser les informations communiquées par les familles avec les sources de données administratives, et lutter contre la fraude en utilisant des modèles de risque. Les scores seront caducs après deux ans et devront donc être mis à jour régulièrement. Ces initiatives sont les bienvenues.
28Supprimer les prestations de façon plus graduelle serait une importante mesure complémentaire pour réduire les incitations à faire de fausses déclarations ou à éviter de prendre un emploi. Selon des observations ponctuelles, les bénéficiaires de Chile Solidario essayent parfois d’éviter de prendre un emploi par crainte de perdre leur allocation (ClioDinamica, 2010). Ouvrir progressivement les transferts à un plus large éventail de bénéficiaires éviterait en outre que des ménages situés au-dessus du seuil ne reçoivent pas de prestations alors qu’ils sont relativement pauvres. C’est un vrai problème dans le contexte chilien, où la distribution des revenus est étroite au bas de l’échelle des salaires comme indiqué précédemment. Actuellement, le gouvernement prévoit de conserver un ciblage étroit dans le cadre de Ingreso Ético Familiar.
29Étant donné que la procédure d’évaluation des ressources appliquée par le Chili est complexe et que procéder à des vérifications plus rigoureuses en augmenterait encore le coût, on peut se demander s’il n’existe pas des mécanismes de ciblage d’un meilleur rapport coût-efficacité. Madeiro et al. (2008) montrent qu’au Brésil le programme ciblé de transferts monétaires, Bolsa Familia, qui est principalement fondé sur le revenu déclaré, est presque aussi bien ciblé que les programmes mexicain et chilien dont les procédures d’évaluation des ressources sont compliquées. Le Chili pourrait donc souhaiter envisager de cibler les prestations principalement sur la base du revenu déclaré, que compléterait peut-être un ensemble restreint d’indicateurs des besoins, comme le nombre de personnes à charge dans le ménage et le nombre d’handicapés parmi elles. On pourrait aussi recourir à des indicateurs complémentaires concernant le programme social spécifique pour lequel la procédure de vérification des ressources est utilisée, par exemple les conditions de logement dans le cas de l’aide au logement. D’après les données de l’enquête auprès des ménages, il est possible de vérifier toutes les sources de revenu à l’aide de données administratives pour près de 50 % de tous les ménages dans la moitié inférieure de la distribution des revenus. En outre, des contrôles aléatoires seront nécessaires pour s’assurer que les ménages n’ont pas de revenu informel en plus de leurs revenus officiels. Certes, il faudra dans cette optique investir considérablement dans la capacité des autorités de vérifier les demandes de prestations, mais cela peut difficilement être plus onéreux que de vérifier les informations à partir de la Ficha de Protección Social et de continuer à procéder à son administration relativement compliquée. De plus, ces investissements sont souhaitables en eux-mêmes, car ils aideraient le gouvernement à lutter plus efficacement contre le travail informel et l’évasion fiscale.
30Utiliser le revenu déclaré et mettre à jour le critère de ressources régulièrement plutôt que de chercher à évaluer le revenu potentiel au moyen d’une méthodologie complexe présenteraient l’avantage supplémentaire de pouvoir faire évoluer dans le temps le transfert en une assurance contre le risque de perte de revenu. Lorsque le critère de ressources fondé sur le revenu potentiel n’est pas actualisé fréquemment, les personnes qui tombent dans la pauvreté ne rempliront pas souvent les conditions requises pour avoir droit aux transferts. Cela changerait si le critère de ressources était fondé sur le revenu effectif déclaré. Un tel critère permettrait aux autorités d’utiliser les transferts monétaires pour protéger les ménages contre les chocs affectant les revenus, renforçant ainsi les stabilisateurs automatiques de l’économie. La suppression graduelle des prestations serait en outre plus facile à réaliser avec un mécanisme de ciblage plus simple.
Conditionnalité
31Comme de nombreux autres programmes de transferts monétaires en Amérique latine, Chile Solidario et Subsidio Único Familiar exigent des bénéficiaires qu’ils remplissent certaines conditions pour recevoir les transferts. Dans le cas de Chile Solidario, ces conditions sont personnalisées et définies par la famille bénéficiaire avec l’aide de travailleurs sociaux. Elles peuvent porter sur la santé, l’éducation, l’emploi, le logement, le revenu, la vie familiale et les documents juridiques. Subsidio Único Familiar impose aux enfants de moins de 6 ans de passer régulièrement des visites médicales et aux enfants âgés de 6 à 18 ans d’être assidus à l’école. Les transferts effectués dans le cadre de Ingreso Ético Familiar seront subordonnés à des conditions similaires.
32On peut se demander si la conditionnalité est vraiment nécessaire ou efficace pour parvenir au résultat souhaité. Contrôler le respect des conditions imposées est coûteux, et remplir ses obligations prend du temps pour le ménage. Si les pauvres n’investissent pas suffisamment dans l’éducation du dans la santé parce que leurs possibilités d’emprunt sont limitées et qu’ils ne seraient pas en mesure de satisfaire leurs besoins de base s’ils investissaient, des transferts monétaires non conditionnels suffiraient à résoudre le problème. Ils seraient en outre plus efficients, car ils évitent le coût du contrôle du respect des conditions et les éventuelles distorsions, par exemple par le biais d’investissements élevés mais inefficaces dans la santé ou l’éducation.
33La conditionnalité, d’un autre côté, peut se justifier si elle suscite une plus large adhésion politique aux transferts monétaires. Un autre problème pouvant se poser est celui de la méconnaissance des parents quant aux retours sur l’investissement dans l’éducation et la santé ou de l’éventuel décalage entre leurs préférences et celles de leurs enfants. Cependant, dans ces cas, mieux informer serait plus efficace qu’imposer des conditions aux bénéficiaires. La visite de travailleurs sociaux et la participation obligatoire aux ateliers de travail pourraient jouer ce rôle en fournissant une meilleure information au Chili.
34Selon certaines études, d’autres caractéristiques que la conditionnalité sont plus importantes pour assurer le succès des transferts monétaires. Dans une méta-analyse statistique des travaux de recherche évaluant l’impact des programmes de transferts monétaires sur la nutrition des enfants, Manley et al., 2011, constatent qu’il n’y a pas de différence d’impact entre les transferts monétaires inconditionnels et ceux assortis de conditions relatives à la santé alors que les programmes assortis de conditions liées au travail et à l’épargne donnent des résultats encore pires. Fernald et al., 2008, concluent que l’élément monétaire du programme Oportunidades était associé à une taille plus grande, et à de meilleurs résultats cognitifs et linguistiques, des enfants qui bénéficiaient de cette prestation, indépendamment de l’existence de conditions ou de compléments nutritionnels. D’un autre côté, certaines observations montrent aussi qu’une conditionnalité bien conçue peut donner de meilleurs résultats. De Brouw et Hoddinott, 2010, constatent que la conditionnalité en elle-même a renforcé l’impact du programme mexicain Oportunidades sur la fréquentation de l’école. Cet impact était particulièrement fort pendant le passage dans le premier cycle du secondaire, tandis qu’il n’y avait aucun effet mesurable sur les enfants continuant d’aller à l’école primaire. D’après les résultats obtenus par Attanasio et al., 2005, cela pourrait s’expliquer par l’augmentation du coût de la scolarité avec l’âge. Par conséquent, augmenter l’allocation pour les enfants plus âgés tout en diminuant celle pour les enfants plus jeunes, au lieu d’imposer des conditions, peut accroître l’efficacité du programme.
35On pourrait en conclure qu’il est important pour le Chili d’évaluer si la conditionnalité présente des avantages supplémentaires. Ingreso Ético Familiar, dans sa conception actuelle, comporterait de nombreux éléments différents, certains sans conditions et de nombreux autres liés à diverses conditions (voir encadré 1.2). Choisir un dispositif plus simple comportant l’obligation pour les adultes de chercher un emploi et de suivre des formations, si nécessaire, pour accroître leur employabilité, faciliterait beaucoup la gestion et pourrait bien être le moyen le plus efficace d’aider les pauvres à être mieux à même d’améliorer leur niveau de vie. Contrairement aux autres pays de la région, l’incidence de la malnutrition parmi les enfants est faible au Chili (où elle est comparable à celle observée dans les pays riches de l’OCDE), et la scolarité est obligatoire et généralement élevée, bien que, dans le groupe cible, près de 60 % des enfants sont absents de plus de 5 % de leurs cours. Par conséquent, les conditions concernant les examens médicaux et une présence plus régulière à l’école sont dans une certaine mesure redondantes, même si elles peuvent inciter davantage les familles pauvres à respecter la loi. Cependant, elles devraient s’appliquer à tous les enfants, pas seulement aux enfants pauvres.
36Certaines des conditions auxquelles les autorités prévoient de subordonner l’octroi des prestations pourraient même avoir des retombées préjudiciables. Un exemple est le transfert que les familles, dont le revenu se situe dans le tiers inférieur de la distribution du revenu, peuvent recevoir si le classement des enfants à l’école est satisfaisant (encadré 1.2). En particulier, relier une grande partie des prestations au classement des enfants dans les écoles est une disposition qui devrait être revue, car elle peut être source de clivages. Elle fait en effet peser une lourde pression sur les enseignants notant les enfants en question et décourage les parents d’envoyer leurs enfants dans les meilleures écoles.
37Pour simplifier le modèle, les autorités pourraient lancer un débat politique sur ce que doit être le revenu de base qu’un ménage devrait recevoir lorsqu’il ne peut temporairement générer un revenu. Ce transfert pourrait être lié à des obligations de formation et de recherche d’emploi, s’accompagnant d’une aide, et il serait supprimé de manière progressive. Ce dispositif s’apparenterait au revenu de solidarité active (RSA) en vigueur en France. Le transfert devra être évalué pour déterminer quels éléments contribuent le plus efficacement à renforcer la capacité des ménages pauvres à sortir définitivement de la pauvreté.
La qualité des services sociaux complémentaires
38Lorsque l’on cherche à accroître l’investissement des pauvres dans le capital humain et leur aptitude à générer un revenu, il ne suffit pas d’imposer des conditions en termes d’emploi, d’éducation ou de santé aux bénéficiaires des prestations. Si, dans les quartiers pauvres, les écoles ou les services sanitaires sont de qualité médiocre ou s’il n’y en a pas du tout, ni les transferts ni les conditions dont ils sont assortis ne peuvent être très efficaces. Au Chili, le taux de scolarisation est élevé, mais les autorités doivent faire plus pour combler l’écart entre les résultats scolaires des enfants de familles riches et ceux de famille pauvres (OCDE, 2010). Elles investissent actuellement beaucoup dans la scolarisation des enfants défavorisés. Aussi longtemps que les résultats sont évalués pour modifier au besoin le dispositif et s’assurer que les fonds supplémentaires sont bien employés, cet effort peut contribuer considérablement à améliorer l’accès des enfants défavorisés à un enseignement de haute qualité. Le Chili devrait poursuivre ses efforts pour investir davantage dans l’enseignement des élèves issus de familles pauvres.
39D’après plusieurs études, il existe du côté de l’offre des contraintes susceptibles de limiter l’efficacité de Chile Solidario (OCDE, 2009). La charge de travail des travailleurs sociaux est lourde dans de nombreux cas, et la rotation des effectifs est élevée car les salaires sont relativement bas (Grupo de Politica Social, 2010). Une étude a indiqué que les programmes pour l’emploi mis en œuvre dans le cadre de Chile Solidario n’étaient pas très bien adaptés aux besoins des participants ou aux spécificités des bassins d’emploi locaux. Ces programmes sont souvent mal coordonnés avec le secteur des entreprises (Sur Profesionales Consultores, 2005). D’après les résultats d’une enquête réalisée auprès des ménages seulement 2 % des bénéficiaires de Chile Solidario ont déclaré avoir trouvé un emploi par l’intermédiaire des agences locales pour l’emploi, et 4.5 % grâce à Chile Solidario ou au travailleur social qui les aide.
40Les municipalités diffèrent beaucoup pour ce qui est des ressources dont elles disposent et de la capacité de leur personnel d’administrer les programmes éducatifs et sociaux. Les taxes foncières sont la principale source de recettes propres des municipalités, mais elles sont assorties de seuils d’exonération relativement élevés, de sorte que les recettes des municipalités pauvres où la valeur d’une grande partie des logements est faible sont très maigres. Il y a dans une certaine mesure redistribution des recettes foncières via le Fondo Común Municipal et l’administration centrale procède à des transferts pour financer diverses tâches incombant aux municipalités. Cependant, le degré de péréquation qui en résulte est très faible par rapport à d’autres pays de l’OCDE (tableau 1.4). Les recettes moyennes par habitant du décile des municipalités les plus riches sont plus du double de celles du décile des municipalités les plus pauvres, même après péréquation fiscale. Dans la région métropolitaine de Santiago, les trois municipalités les plus riches ont cinq fois plus de ressources que les trois plus pauvres. Le coefficient de Gini pour les recettes fiscales moyennes par habitant par décile montre également qu’il existe d’importantes disparités budgétaires entre les municipalités au Chili et que la péréquation fiscale n’y remédie guère.
Disparités budgétaires avant et après péréquation(1), (2)
Disparités budgétaires avant et après péréquation(1), (2)
(1) 2005 pour l’Allemagne, 2010 pour le Chili, 2004 pour tous les autres pays ; les données montrent les recettes effectives pour le Chili et la capacité à générer des recettes pour tous les autres pays.(2) Rapport entre la capacité budgétaire maximale et la capacité budgétaire minimale des administrations infranationales avant et après péréquation. Pour les États fédéraux/pays régionalisés, les indicateurs sont calculés au niveau de l’État/la région. Pour les pays unitaires, les recettes par habitant sont une moyenne par décile. Dans ces cas, le tableau donne les recettes par habitant du décile le plus riche divisées par les recettes par habitant du décile le plus pauvre.
41L’État central envisage actuellement d’augmenter les transferts en faveur des municipalités ayant de faibles recettes fiscales et de mettre en place un dispositif visant à accroître les compétences du personnel chargé d’administrer les municipalités. C’est une bonne chose. Les municipalités pauvres ont besoin de plus de ressources pour fournir à leurs administrés les services de haute qualité qui les aident à sortir de la pauvreté. À moyen terme, le gouvernement devrait envisager de développer davantage la péréquation fiscale en reversant une part plus importante des recettes fiscales des municipalités ou de l’administration centrale au fonds de redistribution ou en augmentant les transferts de l’administration centrale réservés aux communautés pauvres, comme dans le cas du chèque-éducation majoré pour les enfants pauvres. Augmenter les recettes foncières selon les modalités suggérées ci-dessus permettrait aux municipalités de disposer de ressources supplémentaires vitales. Si les municipalités participaient davantage à la réévaluation des logements et avaient le pouvoir de décider des taux d’imposition dans des limites fixées par l’administration centrale, cela renforcerait en plus la responsabilisation. Comme le montre l’exemple de plusieurs pays de l’OCDE, dont la Suisse et la Suède, il est possible d’avoir un haut degré de péréquation fiscale tout en maintenant l’incitation pour les administrations infranationales à collecter plus de recettes à la marge.
42Il faudrait en outre que le gouvernement évalue régulièrement Ingreso Ético Familiar, et les programmes sociaux qui y sont liés, en termes d’impact sur l’emploi, les salaires, les conditions de logement ou autres résultats escomptés, comme cela est d’ailleurs prévu. Cela permettra d’en modifier au besoin les modalités. Lors de l’introduction de nouvelles composantes de Ingreso Ético Familiar, comme un programme pour l’emploi ou un programme de formation, il serait utile de mener des études pilotes et de tester l’impact des programmes avant de les étendre à tout le pays.
Encadré 1.3. Recommandations pour améliorer les mesures de lutte contre la pauvreté
? Réduire progressivement le nombre de programmes de transferts monétaires, en les intégrant dans le nouveau programme Ingreso Ético Familiar.
? Faire en sorte que le nouveau transfert monétaire soit d’une conception simple et en limiter les conditions, peut-être à des obligations de recherche d’emploi et de formation. N’imposer d’autres conditions que si leur efficacité est démontrée.
? Simplifier le ciblage en s’appuyant principalement sur le revenu des ménages. Étendre progressivement les prestations à un plus grand éventail de bénéficiaires, y compris en ne supprimant les prestations que graduellement à mesure que le revenu s’accroît. Poursuivre avec plus d’efficacité les efforts de lutte contre la fraude.
? Une fois les fondations de Ingreso Ético bien établies, évaluer, comme prévu, dans quelle mesure le transfert et ses différentes caractéristiques, comme son ampleur et les conditions dont il est assorti, sont efficaces pour augmenter la capacité des ménages de sortir de la pauvreté. Adapter le dispositif en conséquence.
? Renforcer la péréquation fiscale de manière à ce que les municipalités pauvres disposent de ressources suffisantes pour fournir à leurs administrés des services de haute qualité, et poursuivre les efforts déployés pour améliorer ces services.
Améliorer la situation sur le marché du travail des travailleurs exposés au risque de pauvreté
Les femmes, les jeunes et les pauvres ont besoin d’aide pour améliorer leur situation sur le marché du travail
43Un moyen essentiel d’aider les bénéficiaires de transferts à sortir de la pauvreté de façon autonome est de les soutenir dans la recherche d’un emploi et de développer leurs compétences. Le chômage, l’inactivité et le travail informel sont particulièrement répandus chez les ménages les plus pauvres (graphique 1.9 et 1.10). Les travailleurs peu qualifiés ont nettement plus tendance que les travailleurs plus qualifiés à osciller entre les secteurs formel et informel et l’inactivité ou le chômage. Cela aura un effet négatif sur le montant de leur retraite plus tard, mais aussi sur le développement de leurs compétences via la formation en entreprise et l’expérience. C’est pourquoi des mesures de soutien sont nécessaires pour que les travailleurs pauvres et peu qualifiés puissent développer pleinement leur potentiel sur le marché du travail et obtenir un emploi.
Inactivité et chômage, par quintile de revenue
Inactivité et chômage, par quintile de revenue
En pourcentage du totalTravail informel et qualité de l’emploi, par quintile de revenu
Travail informel et qualité de l’emploi, par quintile de revenu
En pourcentage du total du quintile44Dans l’ensemble, le marché du travail au Chili a enregistré de bons résultats récemment. Le chômage est tombé de plus de 10 % début 2009 à 7 %. Plus de 950 000 nouveaux emplois ont été créés depuis janvier 2009. Si les activités faiblement rémunérées – travailleurs indépendants sans salariés, services aux ménages et membres de la famille non rémunérés – représentent 55 % de ces créations d’emplois, la qualité des emplois salariés s’est améliorée dans une certaine mesure. Le nombre d’emplois précaires et d’emplois sans aucune protection sociale ou contrat de travail s’est réduit tandis que le nombre d’emplois à durée indéterminée et d’emplois assortis d’un contrat de travail et d’une assurance retraite, maladie et chômage a augmenté, faisant progresser leur part dans le total des emplois salariés.
45Toutefois, globalement le marché du travail chilien donne clairement des signes de dualité, car la part du travail temporaire (28 %) et la part des emplois sans protection sociale (plus de 20 %) demeurent élevées, avec des conséquences négatives sur l’incitation des employeurs et des employés à investir dans le capital humain, en particulier lorsqu’il est propre à l’entreprise. Le travail intérimaire a presque quintuplé depuis début 2010 et les emplois chez les sous-traitants ont progressé de 15 %, tandis que les emplois ayant une relation directe avec l’employeur se sont contractés. Les emplois de sous-traitance et le travail intérimaire, qui représentent maintenant 17 % des emplois salariés, sont généralement moins bien rémunérés que les emplois ayant une relation directe avec l’employeur, les salaires étant en moyenne inférieurs de plus de 20 % à ceux des emplois réguliers. En outre, l’incitation à investir dans le capital humain risque de s’affaiblir lorsque la relation de travail n’est pas directe.
46En dépit des récentes améliorations, le chômage au Chili est supérieur à la moyenne de l’OCDE, bien que la situation ait quelque peu évolué après la récente récession car l’emploi s’y est redressé plus rapidement que dans un certain nombre d’autres pays de l’OCDE. Le taux de chômage total au Chili est maintenant du même ordre de grandeur que la moyenne de l’OCDE. En revanche, le taux de chômage des femmes et celui des jeunes demeurent bien supérieurs à la moyenne de l’OCDE, bien que l’écart par rapport à la moyenne, auparavant important, se soit resserré au cours de la dernière décennie (graphique 1.11). Le taux d’activité, quant à lui, reste bien inférieur à la moyenne de l’OCDE, principalement parce que le taux d’activité féminin est particulièrement faible – l’un des plus faibles de la zone de l’OCDE.
Situation des jeunes et des femmes sur le marché du travail
Situation des jeunes et des femmes sur le marché du travail
Moyenne 2000-200947Les femmes gagnent nettement moins que les hommes : leur salaire représente 85 % de celui des hommes et 70 % lorsque les travailleurs indépendants sont pris en compte. Ces vingt dernières années, seul l’écart de salaire entre les hommes et les femmes ayant fait plus de 13 ans d’études s’est réduit, le salaire des femmes grimpant de 55 % à 67 % du salaire des hommes. Cela est attribuable en partie à des caractéristiques observées et non observées, comme l’éducation et l’expérience professionnelle, mais l’existence d’une discrimination pure et simple est cohérente avec les données et modèles disponibles (Bravo et al, 2008). La discrimination entre les hommes et les femmes est contraire à la constitution chilienne. Pour y remédier, les autorités ont adopté en 2009 une loi qui interdit expressément les différences de rémunération entre les hommes et les femmes exerçant les mêmes tâches.
La formation et les services de placement dans l’emploi
Renforcer les capacités des agences locales pour l’emploi
48Pour aider les travailleurs peu qualifiés, les femmes et les jeunes à améliorer leurs perspectives sur le marché du travail, il importe de disposer d’un service de conseil efficace en matière d’emploi, qui les oriente vers des formations et qui leur procure des emplois en adéquation avec leurs compétences. Dans ces domaines, le Chili peut encore réaliser des progrès.
49Les agences chiliennes locales pour l’emploi (Oficinas Municipales de Intermediación Laboral, OMIL) sont relativement peu développées. Il existe de grandes différences entre elles en termes d’équipement technique et de personnel qualifié. Leur capacité d’assurer efficacement un service de conseil professionnel est insuffisante, en particulier dans les zones rurales. Une étude sur le programme public de renforcement des capacités des agences pour l’emploi montre que certaines petites agences rurales sont tellement dépourvues du matériel de base qu’elles ont utilisé la prime d’incitation au placement qu’elles avaient reçue du ministère du Travail pour acquérir du matériel de base, tandis que les agences plus grandes et mieux équipées étaient en mesure d’investir cet argent dans du personnel chargé de faire la liaison avec les entreprises (ClioDinamica, 2010). D’après les résultats d’une enquête menée auprès des ménages, seulement un peu plus de 1 % des salariés estimaient qu’une OMIL les avait aidés à trouver un emploi.
50Souvent, les réseaux tissés par les agences locales pour l’emploi avec les entreprises locales ne sont pas suffisamment développés, d’où la difficulté accrue pour les conseillers en emploi de faire se rencontrer efficacement l’offre et la demande. Dans un certain nombre de cas, le personnel chargé du placement ne dispose pas des compétences nécessaires pour faire son travail efficacement. Recruter et former du personnel compétent seront deux actions particulièrement importantes pour aider les travailleurs peu qualifiés, les orienter vers des formations et leur obtenir un emploi salarié formel ou les aider à créer leur propre entreprise. Les agences pour l’emploi sont souvent mal préparées à conseiller les travailleurs peu qualifiés, comme les participants au programme Chile Solidario. Le fait que seulement 3 % des bénéficiaires de Chile Solidario sont inscrits à une OMIL pourrait bien indiquer qu’ils sont peu convaincus de l’utilité des services des agences en question. Ces travailleurs peu qualifiés, habitués aux emplois informels non salariés sans expérience pour la plupart d’un emploi formel et salarié, exigent des conseillers en emploi expérimentés et bien préparés à travailler avec ce type de clientèle.
51Les autorités s’efforcent d’améliorer le fonctionnement des services d’intermédiation pour l’emploi, en triplant les ressources allouées aux agences locales pour l’emploi en 2011 (actuellement 2.4 milliards de pesos, soit 0.002 % du PIB). Le programme comprend des transferts uniformes et un système de rémunération incitative pour les placements dans l’emploi réussis ainsi que des dispositifs de formation pour le personnel des agences locales pour l’emploi. On peut se demander s’il est judicieux étant donné la situation actuelle (en ce sens que les capacités diffèrent tellement d’une OMIL à l’autre) d’octroyer des primes de performance. Il conviendrait peut-être dans la première phase du processus de renforcement des capacités, de s’attacher en priorité à remettre à niveau les capacités de base des OMIL qui sont particulièrement démunies. Dans la seconde phase, quand la capacité des différentes OMIL sera plus homogène, l’administration centrale pourrait alors commencer d’attribuer des primes de performance.
52Récemment, les autorités ont lancé un programme de formation pour les salariés des OMIL. Ces séminaires visent essentiellement l’acquisition des compétences nécessaires à la fois pour adapter les services d’intermédiation aux clients individuels et aux conditions du marché du travail local et pour établir des réseaux avec les entreprises locales. L’objectif est de mettre en place pour le personnel des OMIL un programme de formation permanent, assuré par une université.
53Le Chili devrait poursuivre ces importants efforts. En particulier, le gouvernement devrait déterminer quelles sont les mesures à prendre pour doter les agences locales pour l’emploi de capacités comparables dans tout le pays. Cela pourrait nécessiter d’accroître l’efficacité du dispositif de péréquation fiscale, comme exposé plus haut. Les municipalités à faibles recettes qui comptent de nombreux habitants peu qualifiés et ayant des difficultés à trouver un emploi de qualité décente, ont particulièrement besoin de disposer de services de l’emploi de haute qualité, aussi il ne faudrait pas que leurs maigres ressources soient un obstacle.
54Il y a de bonnes raisons d’améliorer la qualité des services d’intermédiation pour l’emploi au Chili. L’expérience des pays de l’OCDE montre que les programmes d’intermédiation pour l’emploi réussissent particulièrement bien à réduire la durée du chômage tout en augmentant les taux d’emploi et les salaires (Kluve, 2010 ; Card et al., 2010), et que les programmes de formation théorique et en entreprise n’ont que de faibles effets à court terme, mais des effets plus importants à long terme. Dans le cas des pays en développement, Betcherman et al., 2004, confirment que les services de placement dans l’emploi sont relativement efficaces et comparativement bon marché, encore qu’ils soient en eux-mêmes d’une utilité limitée quand le chômage structurel est élevé et que la demande de travail est faible. Le Chili prévoit d’intégrer les services privés et publics d’intermédiation avec les programmes de formation financés par l’État et cette mesure sera la bienvenue.
55L’État a par ailleurs commencé à recourir à des prestataires privés de services d’intermédiation pour l’emploi, par le biais du dispositif Bono de Intermediación Laboral, qui rémunère les agences d’intermédiation pour l’emploi pour qu’elles placent les demandeurs d’emploi. L’expérience dans les pays de l’OCDE montre que l’externalisation partielle de services d’intermédiation pour l’emploi peut être d’un bon rapport coût efficacité. Cependant, l’agence publique doit être prête à contrôler la performance des agences privées dans la fourniture de services d’intermédiation et de formation, à la comparer à la sienne et à lutter contre la fraude. Ce sera particulièrement important au Chili, où le rôle des agences de placement privées est actuellement limité, puisque seulement ½ pour cent des salariés ont déclaré avoir trouvé un emploi grâce à une agence privée. Le ministère du Travail devra réaliser ces évaluations, car les agences municipales pour l’emploi ne disposeront pas des capacités nécessaires pour le faire. La rémunération des agences privées doit être conçue de manière à rétribuer les placements dans l’emploi durables ainsi qu’à réduire au minimum la fraude et le risque que les agences privées filtrent les candidats pour ne choisir que ceux les plus employables. Le Chili prévoit une rémunération plus élevée pour le placement des candidats difficiles à placer, ce qui est une démarche logique, mais les agences peuvent choisir librement parmi un vivier de candidats ouvert à toutes les agences privées. À moins que la rémunération prévue pour le placement des candidats difficiles à placer ne soit suffisamment élevée, les agences risquent de préférer concentrer leurs efforts sur les candidats qui sont plus faciles à placer. Laisser les agences soumissionner pour des viviers prédéfinis de candidats, qui sont divers en termes d’expérience professionnelle et de qualifications, empêcherait les agences d’écrémer et permettrait à l’administration publique de comparer leurs performances si chacune d’entre elles a un vivier de composition similaire. Les agences pourraient être rémunérées en fonction du pourcentage des candidats qu’elles placent et recevoir une prime lorsqu’elles décrochent un emploi aux candidats difficiles à placer. Le gouvernement projette de ne verser l’intégralité de la rémunération aux agences qu’après une période de trois mois effectuée par le candidat dans son nouvel emploi. Un autre moyen d’inciter les agences à chercher des emplois de longue durée consisterait à retenir une partie de la rémunération jusqu’à ce que le candidat ait occupé son nouvel emploi pendant un an.
56L’État a en outre créé une plate-forme électronique pour la recherche d’emploi, Bolsa Nacional de Empleo. Cet outil peut aider les conseillers en emploi au placement de leurs clients et permet aussi aux demandeurs d’emploi d’y accéder directement. En 2009, seulement 1 % des salariés avaient déclaré avoir trouvé leur emploi par ce moyen. Mais cet outil n’était offert qu’aux demandeurs d’emploi se rendant dans une OMIL. Depuis lors, les autorités ont fait en sorte qu’il soit accessible par l’Internet, ce qui a accru son utilisation et, potentiellement, son efficacité.
57Il est encore difficile de savoir comment les programmes pour l’emploi envisagés pour Ingreso Ético Familiar s’intégreront à la structure des agences municipales pour l’emploi, des services de placement privés et des services de formation financés par l’Etat. Au stade actuel de la réflexion, un coach serait chargé d’accompagner les familles bénéficiaires dans leur recherche d’emploi afin de les aider à accroître leur employabilité et à trouver un travail. Le Chili devrait évaluer les différents efforts qu’il déploie pour améliorer les services d’intermédiation pour l’emploi et veiller à ce qu’ils soient bien coordonnés ou intégrés. À terme, il ne devrait conserver que ce qui fonctionne le mieux dans les différents programmes. S’attacher à former, dans les agences municipales pour l’emploi, du personnel tout particulièrement compétent pour orienter les travailleurs peu qualifiés vers des formations et un emploi pourrait bien se révéler plus efficace que conserver une mosaïque de structures différentes qui pourraient être difficiles à administrer et à contrôler.
Formation, programmes publics pour l’emploi et subventions salariales au Chili
58Les programmes de formation et autres programmes actifs du marché du travail peuvent servir à augmenter la capacité des demandeurs d’emploi à générer un revenu. Toutefois, au Chili les programmes financés sur fonds publics ne ciblent pas suffisamment ceux qui ont le plus besoin de suivre une formation pour surmonter les obstacles à l’emploi. Environ 80 % des ressources que l’agence gère sont consacrées au programme Bono de Franquicia Tributaria para la Capacitación, qui offre des avantages fiscaux aux employeurs qui décident d’envoyer leurs salariés suivre une formation dispensée par un organisme agréé. Ce programme bénéficie de façon disproportionnée aux salariés qui ont des revenus élevés et un haut niveau d’instruction et qui travaillent dans de grandes entreprises ayant une gestion élaborée des ressources humaines. Moins de 5 % des ressources du programme vont aux travailleurs ayant un niveau d’instruction de base ou un niveau inférieur (Castro et Viñaspre, 2011 ; Larrañaga et al., 2011). En outre, selon des études récentes réalisées à la demande du gouvernement, ce programme n’a pas sur le long terme d’effet mesurable sur les salaires ou l’emploi (Larrañaga et al., 2011). Cela pourrait être lié à des problèmes institutionnels. Par exemple, plus de 70 % des programmes de formation financés par Franquicia Tributaria (exemption fiscale) avaient une durée inférieure à 18 heures.
59On peut aussi douter de l’efficacité d’autres programmes de formation, par exemple du programme Bonificación a la contratación de mano obra, qui associe subventions salariales pendant quatre mois et subventions à la formation pour les entreprises qui ont embauché un ancien chômeur. Ce programme comprend un volet spécial pour les bénéficiaires de Chile Solidario, avec des subventions plus importantes pour les jeunes travailleurs. Une étude a conclu qu’il n’avait pas d’effet significatif sur la probabilité que les bénéficiaires restent dans la vie active ou perçoivent des salaires plus élevés (Agrouc, 2009).
60En revanche, plusieurs programmes visant des travailleurs faiblement qualifiés semblent avoir des incidences très positives sur l’emploi et les salaires, surtout lorsqu’ils sont à long terme et lorsqu’ils associent la formation classique à l’expérience du travail pratique et des services de placement (Larrañaga et al., 2011).
61L’administration centrale a mis sur pied une commission qui a évalué les mesures de formation existantes. Sur la base des résultats, elle prévoit de plus que tripler le nombre de places dans les programmes de formation efficaces en 2012 et souhaite réduire les allégements fiscaux dont bénéficie la Franquicia Tributaria. C’est une bonne chose. L’État devrait de fait saisir cette occasion pour, à terme, supprimer ou réformer les programmes qui n’ont guère ou pas d’incidence sur le salaire ou l’employabilité des bénéficiaires, comme la Franquicia Tributaria, étendre ceux qui se sont révélés utiles et mettre en place des programmes plus efficaces pour aider les groupes ayant des difficultés à trouver un emploi, comme les personnes peu qualifiées et les femmes. Les programmes de ce type sont actuellement réalisés à petite échelle et sont dispersés entre de nombreuses institutions différentes. Pour aider les pauvres à améliorer leur niveau de vie, il sera important de rationaliser et de développer les programmes de formation de manière à ce qu’ils soient efficients. Le Chili devrait envisager de regrouper les programmes de formation et pour l’emploi au sein d’une seule institution, par exemple SENCE, pour faciliter la réalisation d’évaluations rigoureuses et la planification stratégique. Mieux intégrer SENCE au réseau des agences locales pour l’emploi et des conseillers professionnels en formation pourrait favoriser la circulation des informations entre les institutions et faciliter la mise au point de programmes adaptés aux besoins des demandeurs d’emploi (OCDE, 2009). Le plan d’intégration des services de placement et des programmes de formation sera utile à cet égard. Les autorités envisagent aussi de créer une commission permanente qui reverrait régulièrement les programmes de formation, de placement et d’autres programmes du marché du travail ainsi que les politiques menées par SENCE.
Protéger efficacement les travailleurs contre les effets du chômage
Faut-il étendre davantage les allocations de chômage ?
62Au Chili, le système d’indemnisation du chômage, créé en 2002, repose largement sur des comptes d’épargne individuels, complétés dans une faible mesure par une caisse d’assurance, le Fondo Solidario. Au départ, les indemnités versées ont été faibles, ce qui a permis aux autorités de commencer par évaluer la viabilité du système. Jusqu’à la réforme de 2009, les conditions d’accès à la caisse d’assurance étaient très restrictives. C’est pourquoi la caisse n’était impliquée que dans environ 6 % des cas de versement de prestations. Le solde du compte de nombreux travailleurs était d’un montant trop faible pour qu’ils bénéficient de prestations leur assurant une protection adéquate. En particulier, les salariés sous contrat à durée déterminée et les salariés peu rémunérés, qui risquent le plus de se retrouver au chômage, cotisent moins régulièrement, en raison de leurs fréquentes entrées et sorties du marché du travail formel, et pour des sommes relativement maigres en moyenne. À ce jour, pour une minorité importante de salariés un montant inférieur à un mois de salaire minimum, a été accumulé sur leur compte. Seulement environ 10 % des salariés ont sur leur compte plus de cinq mois de salaire minimum. Le taux de remplacement des allocations de chômage et leur durée de versement sont faibles. En fait, le Chili a le plus faible taux de remplacement moyen sur 60 mois de la zone de l’OCDE, même après la récente réforme qui a étendu le bénéfice des prestations pour de nombreux travailleurs (graphique 1.12). Environ 85 % des travailleurs sont affiliés à ce régime, mais seulement la moitié d’entre eux environ alimentent leur compte tous les mois. Environ 20 % des salariés du secteur privé, qui sont légalement tenus de cotiser à ce régime, ne le font pas.
Moyenne pour quatre familles types et deux niveaux d’activité(1), (2)
Moyenne pour quatre familles types et deux niveaux d’activité(1), (2)
(1) Moyennes non pondérées (personne seule, couple à un apporteur de revenu et sans enfants et parent isolé et couple marié à un apporteur de revenu et avec deux enfants), et deux revenus d’activité : 67 % et 100 % du salaire moyen, sans aide sociale.(2) Phase initiale de chômage, mais après un délai de carence.
63En 2009, une réforme a assoupli les conditions d’accès à la caisse d’assurance, permettant ainsi aux salariés sous contrat à durée indéterminée de compléter plus facilement leur propre épargne de manière à bénéficier de cinq versements mensuels en cas de licenciement, avec un taux de remplacement abaissé de 50 % à 35 %. Le gouvernement a également assoupli les conditions d’accès à la caisse d’assurance pour les salariés sous contrat à durée déterminée, lesquels peuvent désormais recevoir deux versements mensuels avec un taux de remplacement de 35 % et 30 %. Les versements en faveur des bénéficiaires du Fondo Solidario peuvent être prolongés de deux mois avec un taux de remplacement de 25 % chacun quand le taux de chômage est supérieur de plus d’un point de pourcentage à la moyenne des quatre années précédentes. Les travailleurs qui bénéficient du Fondo Solidario sont tenus de chercher activement du travail et ne peuvent refuser une offre d’emploi. Après le tremblement de terre de 2010, l’accès aux indemnités de chômage a été temporairement assoupli pour les travailleurs qui se sont retrouvés sans emploi ou pour ceux dont les lieux de travail avaient été gravement endommagés par les catastrophes naturelles.
64Cependant, alors que la grande majorité des salariés ont le droit de recevoir des allocations de la caisse d’assurance, environ 85 %, n’y ont jamais recours, ce qui donne à penser qu’une meilleure information serait nécessaire. Cela pourrait également tenir à ce que le coût de l’obligation d’aller à l’agence locale pour l’emploi chaque mois pendant la période de versement des prestations n’est pas compensé par les avantages que présenterait une aide efficace à la recherche d’emploi (Comisión de Usuarios del Seguro de Cesantía, 2010). Dans certains cas, les travailleurs peuvent être dissuadés par la disposition selon laquelle ils ne peuvent faire appel à l’assurance-chômage que deux fois en cinq ans, ou alors ils s’attendent à ce que leur période de chômage soit de courte durée. L’État devrait mener une enquête pour déterminer quel est le problème. Il a lancé une campagne d’information sur l’indemnisation du chômage et les retraites en décembre 2011 et exigera de l’administrateur privé des caisses d’assurance-chômage qu’il fournisse à leurs affiliés davantage d’informations. Il s’agit là d’une initiative bienvenue.
65Malgré les récentes réformes qui ont étendu l’accès aux allocations de chômage et prolongé la durée de versement des prestations, les fonds accumulés dans les comptes d’épargne individuels et le Fondo Solidario continuent de croître (graphique 1.13). Cela porte à croire que les cotisations de chômage pourraient être réduites. Cependant, le coin fiscal sur les revenus du travail est très faible au Chili, aussi réduire les cotisations présenterait probablement des avantages limités en termes d’amélioration de l’emploi (graphique 1.14). Une autre possibilité consisterait à étendre le bénéfice des prestations, en augmentant le montant et la durée des allocations ou en utilisant une partie des fonds pour financer des mesures plus efficaces en matière d’aide à la recherche d’emploi et de formation.
Évolution du volume des ressources du système d’indemnisation du chômage(1)
Évolution du volume des ressources du système d’indemnisation du chômage(1)
(1) Avant novembre 2009, cela correspond à la somme des fonds déposés sur les comptes d’épargne individuels et à la caisse d’assurance.Coin moyen de prélèvements obligatoires et coin fiscal moyen(1), (2)
Coin moyen de prélèvements obligatoires et coin fiscal moyen(1), (2)
En pourcentage des coûts totaux de main-d’œuvre majorés, 2010(1) Pour une personne seule et sans enfants percevant une rémunération égale à 100 % du salaire moyen.
(2) Comprend l’impôt sur le revenu, les cotisations de sécurité sociale et les cotisations obligatoires aux régimes de sécurité sociale privés, comme les cotisations de retraite, d’assurance-maladie et de chômage.
66En théorie, les allocations de chômage peuvent avoir des effets négatifs ou positifs sur l’employabilité future des salariés. Elles peuvent aider les travailleurs ne disposant pas d’une épargne ou d’un accès au crédit à décrocher à un emploi correspondant mieux à leurs compétences, augmentant ainsi leur productivité dans leur prochain emploi (Acemoglu et Shimer, 2000), leur salaire et leur durée d’emploi. La prolongation des allocations de chômage peut aussi présenter d’importants avantages pour les bénéficiaires parce qu’elle facilite le lissage de la consommation (Gruber, 1997). D’un autre côté, les allocations de chômage versées sur une longue période et s’accompagnant de taux de remplacement élevés risquent d’affaiblir les incitations à la recherche d’un emploi. Si cela contribue à un chômage de longue durée, cela pourrait nuire irrémédiablement aux perspectives d’emploi, si les compétences deviennent obsolètes en raison d’un changement structurel ou si le chômeur a perdu de ses compétences, lorsque le chômeur n’a pas exercé son métier depuis longtemps. Il y a aussi le risque que les employeurs estiment qu’un chômage de longue durée est le signe de piètres compétences ou de faible motivation, ce qui rendra plus difficile pour le chômeur de trouver du travail à mesure que le temps passe.
67Les observations macroéconomiques faites à partir d’un échantillon de pays de l’OCDE indiquent que des taux de remplacement des prestations plus élevés et une durée de versement des prestations plus longue sont associés à des taux de chômage moyens plus élevés (OCDE, 2006). Cependant, les récents résultats obtenus à partir de données individuelles et de techniques micro-économétriques donnent un tableau plus nuancé. Les résultats pour les États-Unis et l’Allemagne indiquent que l’allongement de la durée de versement des prestations n’a eu que de modestes effets sur les efforts de recherche d’emploi et sur la durée du chômage (Card et Levine, 2000 ; Schmieder et al., 2009). La situation pourrait être différente en ce qui concerne le montant des allocations. D’après de récentes études s’appuyant sur des données enregistrant l’utilisation que les individus font de leur temps, l’incidence du taux de remplacement des allocations de chômage sur les efforts de recherche d’emploi est suffisamment forte pour expliquer la différence de taux de chômage entre les États-Unis et l’Europe (Krueger et Müller, 2010). Par contre, une étude utilisant les données issues de contrôles administratifs des efforts de recherche d’emploi constate que 95 % des chômeurs restaient actifs dans leur recherche d’emploi et que les allocations d’un montant plus élevé aboutissaient en fait à une intensification des efforts de recherche (Young, 2010).
68Même si une augmentation du montant des allocations de chômage ou de leur durée de versement avait un impact sur la durée du chômage, cela pourrait être positif si c’est parce que les allocations permettent aux chômeurs de décrocher un meilleur emploi. De fait, selon des données récentes, l’impact des allocations de chômage sur la durée du chômage est attribuable en majeure partie aux problèmes de liquidité que rencontrent les ménages limités dans leurs possibilités d’emprunt et non à des effets d’aléa moral (Chetty, 2008). Cependant, à en juger par les résultats obtenus par l’OCDE pour le Brésil, il pourrait y avoir une certaine forme d’aléa moral, car certains ménages cumulent apparemment allocations et travail informel (OCDE, 2011). En revanche, d’autres auteurs concluent que la durée de versement des allocations de chômage au Brésil n’a pas d’impact (Cunningham, 2000), et d’autres encore constatent que la garantie de revenu diminue la probabilité de se tourner vers le secteur informel et augmente la probabilité de revenir dans le secteur formel (Margolis, 2008). Ce dernier résultat indiquerait que les allocations de chômage contribuent à un meilleur appariement des travailleurs licenciés et des postes vacants. Au total, les observations quant à ces effets dans différents pays sont contrastées. Card et al., 2007, et Van Ours et Vodopivec, 2008, concluent à l’absence d’effets, alors que Caliendo et al., 2009, pour l’Allemagne et Tatsiramos, 2009, pour un certain nombre de pays européens trouvent des effets positifs. D’après les résultats de Gangl (2004, 2006), les systèmes d’allocations de chômage plus généreux augmenteraient la durée du chômage, mais aussi la rémunération perçue au titre du nouvel emploi, encore que cette conclusion ne soit pas confirmée par Schmieder et al., 2009. Centeno, 2004, observe que des allocations de chômage plus importantes aboutissent à une plus longue ancienneté dans l’emploi.
69Les éléments dont on dispose sur les effets des taux de remplacement des prestations plus élevés et sur les effets d’une plus longue durée de versement ne permettent pas d’établir clairement si ce sont les effets positifs ou négatifs qui dominent, mais cela dépend sans doute aussi du point de départ. Les taux de remplacement des prestations et la durée de versement des allocations de chômage sont nettement plus élevés dans la plupart des pays de l’OCDE qu’au Chili, aussi les effets de contre-incitation au travail sont-ils vraisemblablement moins importants au Chili.
70On peut donc penser que le Chili devrait envisager d’augmenter le montant et la durée de ses allocations de chômage, mais qu’il devrait soigneusement en évaluer les effets. Le Chili pourrait procéder à ces augmentations de façon progressive, tout en collectant les données nécessaires pour évaluer par la suite leur incidence sur les efforts de recherche d’un emploi, la durée de la période de chômage et la qualité de l’appariement emploi-salarié. Le gouvernement doit prendre en considération l’éventualité que l’évaluation de la viabilité du système change radicalement du fait que plus de salariés sont informés de la possibilité de bénéficier d’allocations de chômage.
71Le Chili devrait envisager de permettre aux salariés qui, en période de crise, ont un temps de travail temporairement réduit d’accéder aux comptes d’épargne chômage. Cela a contribué à atténuer les conséquences de la récente récession sur le chômage dans un certain nombre pays de l’OCDE et cela pourrait être plus efficace que le programme permettant aux salariés de suivre des formations financées par les allocations de chômage.
72De façon plus générale, le Chili gagnerait à adopter une approche plus souple en matière de temps de travail. La période de référence pour le temps de travail est la semaine. Le travail à temps partiel est autorisé, mais il est limité à 30 heures par semaine. En ce qui concerne les travailleurs à temps plein, la durée journalière du travail ne peut excéder 10 heures, la durée hebdomadaire ne peut dépasser 45 heures et ils ne peuvent pas travailler moins de cinq jours ou plus de six jours. Un moyen d’assouplir le système consisterait à autoriser les partenaires sociaux à négocier un temps de travail mensuel ou annuel pouvant être librement réparti sur la période de référence, et la loi pourrait imposer un temps de travail hebdomadaire moyen maximal ou journalier maximal à ne pas dépasser. Le gouvernement a récemment soumis un projet de loi au Congrès qui permettra aux partenaires sociaux du secteur agricole de négocier, dans le cadre des négociations collectives, une augmentation du nombre d’heures supplémentaires autorisées au cours d’une période de référence mensuelle.
Faut-il réduire les indemnités de licenciement ?
73Une fois la protection renforcée grâce aux allocations de chômage, le Chili pourrait réexaminer sa législation sur la protection de l’emploi. Au Chili, le degré de protection de l’emploi des salariés sous contrats à durée déterminée est proche de la moyenne selon l’indicateur de l’OCDE sur la législation sur la protection de l’emploi (EPL) (graphique 1.15), mais les nouveaux emplois récemment créés sont dans une large mesure informels ou à courte durée en raison du recours à la sous-traitance et aux agences d’intérim, comme exposé plus haut. Cela indique que les employeurs rechignent à créer des relations de travail de longue durée. Cela pourrait s’expliquer notamment par le fait que la protection de l’emploi des salariés à contrat à durée indéterminée est plus forte au Chili que dans la plupart des autres pays, principalement en raison d’indemnités de licenciement relativement élevées qui augmentent avec l’ancienneté. Il s’agit du principal pilier de la protection des travailleurs contre le chômage au Chili comme dans beaucoup d’autres pays de la région.
Échelle de 0 (la moins restrictive) à 6 (la plus restrictive)
Échelle de 0 (la moins restrictive) à 6 (la plus restrictive)
74L’expérience acquise dans les pays de l’OCDE montre que la conjonction d’un coût élevé de licenciement des salariés permanents et d’une réglementation libérale en matière de contrats temporaires peut donner naissance à un marché du travail dual (Blanchard et Landier, 2002 ; Dolado et al., 2002 ; OCDE, 2004) dans lequel une partie de la main-d’œuvre peut se retrouver enfermée dans des relations de travail instables assorties de moindres opportunités de formation et de progression de carrière et d’un plus fort risque de faire les frais des crises. La rotation annuelle de la main-d’œuvre concerne à hauteur de 60 % les salariés à contrat à durée déterminée (Dirección del Trabajo, 2007), alors qu’environ 70 % des emplois salariés sont à durée déterminée. Cela indique que les employeurs réagissent vivement à la question des indemnités de licenciement en mettant fin aux relations de travail, de préférence aux relations avec les salariés n’ayant pas le droit à de telles indemnités. Seuls les salariés ayant plus de 12 mois d’ancienneté ont le droit à des indemnités de licenciement, et cette catégorie ne représente que 6 % de tous les travailleurs formels et informels qui perdent leur emploi. En outre, une proportion importante des salariés licenciés qui ont bien droit à des indemnités de licenciement semblent n’en recevoir aucune ou toucher un montant inférieur à ce à quoi ils ont droit. De nombreuses entreprises qui font faillite n’ont pas provisionné les indemnités de licenciement, car elles n’y sont pas obligées, et ne peuvent donc pas payer (Cowan et Micco, 2005). En ce sens, les indemnités de licenciement ne constituent pas une protection très efficace pour les salariés licenciés.
75Certaines données tangibles montrent que l’augmentation de l’indemnité de licenciement en fonction de l’ancienneté a des effets négatifs sur les taux d’emploi et d’activité de la main-d’œuvre jeune au Chili, tout en favorisant les travailleurs d’âge mûr, mais sans exercer d’effets significatifs sur l’emploi total et le taux d’activité global (Pagés et Montenegro, 2009). L’étude constate que l’effet négatif sur l’emploi des jeunes résulte essentiellement du lien entre l’indemnisation des licenciements et l’ancienneté dans l’emploi. Caballero et al., 2006, montrent que dans les pays où la sécurité de l’emploi est plus strictement réglementée l’ajustement de l’emploi à son niveau optimal après un choc est plus lent, et que cela réduit aussi la croissance de la production et de la productivité. Micco et Pagés, 2006, arrivent à la conclusion que la législation relative à la sécurité de l’emploi réduit celui-ci et la production dans les secteurs très instables, surtout par l’intermédiaire d’une baisse des entrées nettes.
76Étant donné que les indemnités de licenciement n’assurent une protection qu’à une faible proportion des salariés, et contribuent probablement à la dualité du marché du travail, le Chili devrait réexaminer son système de protection de l’emploi. Une solution envisageable consisterait à limiter les indemnités de licenciement, en les rendant uniformes au lieu de les augmenter avec l’ancienneté. Le gouvernement devrait ouvrir le système des indemnités de licenciement à tous les travailleurs, en augmentant le montant des cotisations versées par l’employeur sur les comptes d’épargne individuels ou à la caisse d’assurance. Ainsi, le système deviendrait plus neutre.
77Les travailleurs considèrent l’indemnité de licenciement comme un droit acquis et les réformes sont donc politiquement difficiles à mettre en œuvre. Un programme de réformes qui étend les allocations de chômage tout en limitant l’indemnité de licenciement devrait être jugé plus acceptable par les travailleurs, améliorer leur protection et leur donner des chances plus égales de trouver un emploi de grande qualité. Si les travailleurs remplissant les conditions requises commencent à solliciter davantage le système, il faudra peut-être à un moment donné relever les cotisations pour pouvoir augmenter les allocations tout en préservant la viabilité financière du système. Mais l’efficacité n’en souffrira pas nécessairement. D’après l’étude de García, Gonzalez et Navarro, 2009, diminuer les indemnités de licenciement tout en augmentant les taxes sur les salaires pour assurer le financement d’une meilleure protection de l’emploi pour les travailleurs licenciés aurait un impact positif sur le bien-être au Chili.
Quel rôle pour les prestations liées à l’exercice d’un emploi au Chili ?
78En 2009, le Chili a mis en place un système de prestations liées à l’exercice d’un emploi (subsidio al empleo joven) pour les travailleurs peu rémunérés, âgés de moins de 25 ans et dont la famille compte parmi les 40 % les plus pauvres du pays selon leur score figurant dans la Ficha de Proteccion Social (FPS). La subvention peut atteindre jusqu’à 20 % du revenu du travail des salariés ayant les salaires les plus faibles. Elle diminue progressivement avec l’augmentation du salaire et va pour un tiers à l’employeur et pour deux tiers au salarié.
79On ne dispose pas d’une évaluation approfondie du système chilien, mais à en juger par les résultats obtenus dans les pays de l’OCDE en matière de prestations liées à l’exercice d’un emploi, celles-ci ont une incidence positive, quoique faible, sur l’emploi. Lorsqu’elles sont ciblées sur le revenu familial, comme au Chili, elles peuvent en outre être un moyen d’un bon rapport coût-efficacité pour réduire les inégalités de revenu, en particulier quand la distribution des revenus est large (Immervoll et Pearson, 2009). Les prestations liées à l’exercice d’un emploi peuvent avoir un effet négatif sur les incitations des seconds apporteurs de revenu lorsqu’elles sont ciblées sur le revenu familial. Au Chili, il est possible que ce phénomène joue dans une certaine mesure, car la prestation est ciblée sur le taux de rémunération du jeune travailleur, d’une part, et sur le score obtenu par sa famille sur la Ficha de Proteccion Social (FPS), d’autre part. Si la subvention est retirée progressivement, à mesure de l’augmentation du salaire, par contre son retrait est abrupte en ce qui concerne le score figurant sur la Ficha de Protección Social. Cela risque de limiter l’effet positif que la prestation liée au travail est censée avoir sur l’incitation au travail des jeunes pour ceux qui sont membres d’une famille dont le score FPS est proche de la limite. Cela pourrait même dissuader d’autres membres de la famille d’accepter un emploi par crainte de perdre la subvention salariale.
80Les autorités prévoient d’introduire dans le cadre de Ingreso Ético Familiar une subvention salariale similaire pour les femmes ayant de faibles revenus. Toutefois, avant d’étendre la prestation à d’autres groupes, le gouvernement devrait évaluer soigneusement l’impact de la subvention sur l’emploi des jeunes et sur la distribution des revenus. Un moyen d’éviter les éventuels effets de contre-incitation au travail associés à une suppression abrupte de la prestation consisterait à opter pour une suppression progressive à mesure de l’augmentation du score FPS du travailleur. Les choses seraient facilitées si le score FPS dépendait principalement du revenu familial, comme suggéré plus haut. Les incitations au travail des jeunes et des autres membres de leur famille seraient encore plus fortes si la prestation liée à l’exercice d’un emploi ne ciblait que la rémunération des jeunes sans prendre en compte le revenu de leur famille.
81En comparaison internationale, le salaire minimum au Chili est relativement élevé en pourcentage du salaire médian, mais cela tient en partie à ce que la distribution des salaires est très étroite en bas de l’échelle. Le tableau est différent lorsque l’on exprime le salaire minimum en pourcentage du PIB par habitant (graphique 1.16). Comme les prestations liées à l’exercice d’un emploi, les salaires minimums peuvent accroître l’offre de main-d’œuvre, car ils augmentent le salaire net des travailleurs. Les salaires minimums peuvent aussi contribuer à réduire les inégalités salariales (Koeniger et al., 2007 et Checchi et García-Peñalosa, 2010), encore qu’ils soient moins efficaces que des mesures plus ciblées, car un travailleur percevant le salaire minimum peut être membre d’une famille à hauts revenus. D’un autre côté, les salaires minimums évitent certains des problèmes d’efficience associés aux mesures plus ciblées, comme les contre-incitations au travail dans la tranche concernée par la suppression des prestations dans le cas des prestations liées à l’exercice d’un emploi. Combinés avec les prestations liées à l’exercice d’un emploi, ils peuvent s’avérer particulièrement utiles, parce que le montant des prestations nécessaire pour atteindre un niveau de revenu donné est inférieur avec un salaire minimum. Le salaire minimum permet également d’empêcher l’employeur d’abaisser le salaire en dessous du salaire minimum en réponse au versement de prestations liées à l’exercice d’un emploi, ce qui garantit qu’une plus grande part des prestations va au salarié.
Le salaire minimum dans les pays de l’OCDE
Le salaire minimum dans les pays de l’OCDE
200982En revanche, un salaire minimum qui est supérieur à la productivité de nombreux salariés peut réduire la demande de main-d’œuvre et, par conséquent, l’emploi. Alors qu’il est impossible de conclure définitivement quant à l’effet du salaire minimum sur l’emploi – selon de nombreuses études il n’y a pas d’impact sur l’emploi ni sur le chômage, y compris au Chili (voir OCDE, 2006 ; Martínez et al., 2001) – plusieurs études indiquent que le salaire minimum pourrait avoir un effet négatif sur les perspectives d’emploi de certains groupes, comme les travailleurs peu qualifiés ou jeunes (pour un panorama de la littérature voir Neumark et Wascher, 2007). C’est pourquoi l’OCDE recommande d’instaurer des salaires minimums différenciés, comportant un taux inférieur pour les jeunes travailleurs. Au Chili, la part de la prestation liée à l’exercice d’un emploi qui va à l’employeur abaisse les coûts de main-d’œuvre afférents aux jeunes travailleurs et, par conséquent, constitue dans une certaine mesure un substitut à un taux de rémunération minimum inférieur pour les jeunes travailleurs, à ceci près qu’elle génère des coûts budgétaires. Il existe au Chili un salaire minimum réduit pour les travailleurs âgés de moins de 18 ans, mais non pour les jeunes travailleurs ayant dépassé cet âge.
83Si l’impact négatif sur l’emploi dominait, les salaires minimums pourraient en fait avoir un impact négatif sur les inégalités de revenu bien qu’ils resserreraient la distribution des revenus. Parmi les quelques études qui ont exploré cet aspect, certaines ont constaté que c’est effectivement le cas (Checchi et García-Peñalosa, 2008), tandis qu’une récente étude de l’OCDE a conclu à l’absence d’effets significatifs sur l’emploi lorsque l’impact positif des salaires minimums sur la distribution des revenus domine (Koske et al., 2012).
La participation des femmes au marché du travail
84La situation relativement difficile des femmes sur le marché chilien du travail est probablement liée à un certain nombre d’obstacles à l’emploi qu’elles rencontrent, en particulier dans le cas des mères célibataires et à faibles revenus. Le Chili a déployé beaucoup d’efforts pour augmenter le nombre de places dans les crèches et les garderies, mais le taux de couverture reste faible en comparaison internationale (graphique 1.17). En outre, la ségrégation résidentielle aggrave probablement le problème, car les mères qui doivent effectuer quotidiennement plusieurs heures de trajet entre leur domicile et leur lieu de travail auront besoin, pour pouvoir accepter un emploi à temps complet, de faire garder leurs enfants beaucoup plus longtemps que ce qui est proposé. D’après des données d’enquêtes sur les ménages, 10 % des femmes inactives citent la difficulté à faire garder leurs enfants comme raison. Le gouvernement fait des efforts considérables pour augmenter le taux de couverture en matière de garde d’enfants, lequel a grimpé de 33 % à 40 % pour les enfants jusqu’à l’âge de 7 ans. Il entend augmenter de 3 % d’ici 2014 l’inscription des enfants âgés de moins de 4 ans et assurer une couverture universelle pour les enfants âgés de 4 et 5 ans dont la famille se situe dans les deux déciles de revenus les plus bas. Il faudrait poursuivre ces importants efforts.
Proportion d’enfants bénéficiant des programmes préscolaires formels d’éducation ou d’accueil, 2008
Proportion d’enfants bénéficiant des programmes préscolaires formels d’éducation ou d’accueil, 2008
85Certaines réglementations du travail conçues pour favoriser les femmes risquent en fait de se retourner contre elles. Par exemple, les entreprises employant plus de 19 femmes sont tenues de fournir une place en garderie pendant les deux premières années. Étant donné qu’un enfant a à la fois un père et une mère, la raison de cette réglementation est difficile à saisir. En outre, cette réglementation peut dissuader les entreprises d’employer plus de 19 femmes. Le Chili devrait envisager de supprimer cette réglementation ou, au minimum, de faire en sorte qu’elle concerne indifféremment les hommes et les femmes en obligeant les entreprises employant un certain nombre de personnes à fournir des services de garde des enfants ou à apporter un soutien financier lorsqu’il est recouru à un autre prestataire. Cependant, avoir pour objectif de fournir gratuitement des services de garde d’enfants aux, disons, 40 % des familles les plus pauvres, tout en demandant une co-contribution aux familles les plus riches devrait être un moyen plus efficace d’aider les familles à réconcilier vie professionnelle et vie familiale.
86Les autorités ont allongé de 12 à 24 semaines le congé de maternité financé par l’État. Son plafond est fixé sur la base d’un salaire mensuel hors cotisations sociales d’environ 2 800 dollars. Le congé est plus long dans le cas d’enfants rencontrant des problèmes de santé et lorsqu’il y a déjà d’autres enfants au foyer. Les douze semaines supplémentaires peuvent être portées à 18 semaines si la mère et son employeur conviennent d’un temps partiel ; dans ce cas, la mère peut opter pour 50 % de la prestation correspondante. La mère peut transférer au père six à douze semaines de son droit à congé, si les parents prennent celui-ci sur la base d’un temps partiel. Parallèlement, des mesures plus strictes ont été prises pour lutter contre la pratique courante consistant à prolonger le congé de maternité en fournissant des certificats de maladie sans fondement médical rédigés par certains médecins. Les autorités ont aussi facilité l’accès au congé maternité rémunéré pour les travailleurs temporaires ayant à leur actif un montant minimum de cotisations sociales, qu’ils soient ou non pourvus d’un emploi au moment de la naissance.
87Des études ont montré que le congé parental peut atténuer l’effet négatif de la maternité sur la rémunération des femmes en raccourcissant la période d’absence de la mère après la naissance (Burgess et al., 2008 ; Berger and Waldfogel, 2004) et en augmentant la probabilité qu’elle soit réintégrée au poste qu’elle occupait avant la naissance de son enfant, lui permettant ainsi de tirer parti des avantages associés au nombre d’années passées au service de son employeur, comme l’ancienneté, la formation et l’accès aux marchés du travail internes (Baker et Milligan, 2008). Cependant, ce n’est vrai que pour les périodes de congé relativement courtes : les périodes de congé d’une durée supérieure à un an peuvent entraîner une perte substantielle de capital humain et une baisse de salaire (Ruhm, 1999). Bassanini et Venn (2008) présentent des éléments montrant qu’un allongement des congés de maternité peut accroître la productivité, et que l’effet est plus prononcé lorsque le congé est rémunéré que lorsqu’il ne l’est pas. Les projets visant les congés de maternité rémunérés après la naissance sont donc les bienvenus.
Les relations de travail
88Le taux de syndicalisation et le taux de couverture conventionnelle sont relativement faibles au Chili (graphique 1.18) et très concentrés dans le secteur public. La législation chilienne n’autorise les grèves et les négociations salariales qu’au niveau de l’entreprise, sauf si les entreprises et les syndicats en conviennent autrement. La pratique courante chez les entreprises consistant à obtenir un numéro d’identification fiscale (RUT) pour chacune de leurs filiales, après quoi ces dernières sont considérées comme étant des entités séparées, aboutit en fait à des négociations salariales au niveau de l’usine.
Densité syndicale et couverture des conventions collectives(1), (2)
Densité syndicale et couverture des conventions collectives(1), (2)
(1) Le taux de syndicalisation est le rapport entre le nombre de salariés membres d’un syndicat et le nombre total des salariés. Le taux est calculé à partir des données d’enquête, chaque fois que cela est possible, et, sinon, à partir des données administratives corrigées des adhérents non actifs ou travaillant à leur compte. 2010 ou dernière année disponible.(2) Le taux de couverture est le pourcentage des salariés qui sont couverts par une convention collective.
89Il n’y a guère d’éléments prouvant que des négociations salariales au niveau de l’entreprise ont un effet négatif sur la situation de l’emploi. Parallèlement, il a été constaté que la présence de syndicats plus puissants a des effets positifs sur l’égalité salariale. Il ressort d’études empiriques fondées sur des macro-données (Koske et al., 2012) que, en moyenne dans les pays, un plus fort taux de syndicalisation ou de couverture conventionnelle est associé à de plus faibles inégalités salariales. Calderón et Chong (2009) ont étudié la relation entre syndicalisation et coefficient de Gini, rendant compte ainsi des effets sur les salaires et des effets sur l’emploi. Ils ont constaté que les syndicats réduisent les inégalités.
90Les autorités devraient s’attacher au moins à faire cesser la pratique consistant à scinder une entreprise en plusieurs entités distinctes aux fins des négociations salariales, de façon à instaurer un climat de confiance dans les relations de travail. Il serait ainsi davantage possible de fixer les modalités précises des formes de travail dans le cadre de ces négociations, ce qui pourrait aboutir à une plus grande flexibilité du travail et encourager les partenaires sociaux à coopérer plus étroitement à l’élaboration des programmes de formation. En fait, la pratique en question est illégale et les tribunaux du travail ou la Direction du travail peuvent infliger une amende aux entreprises qui y ont recours. Le gouvernement a soumis au Congrès une loi qui obligerait les entreprises produisant le même bien et ayant une organisation centralisée à participer conjointement à des négociations salariales collectives. Cette initiative va dans le bon sens.
Encadré 1.4. Recommandations pour améliorer le fonctionnement du marché du travail
? Évaluer les programmes de formation, les rationaliser en fonction des résultats et les axer davantage sur les travailleurs peu qualifiés et les femmes. Mieux intégrer SENCE aux agences locales pour l’emploi.
? Prolonger encore les allocations de chômage et limiter l’indemnité de licenciement, tout en augmentant les cotisations patronales aux comptes d’épargne individuels ou à la caisse d’assurance chômage. Évaluer les effets d’une augmentation de la durée de versement et/ ou du montant des allocations de chômage pour améliorer le dispositif si nécessaire.
? Évaluer la prestation liée à l’exercice d’un emploi destinée aux jeunes travailleurs pauvres et – si elle est jugée efficace – envisager de l’étendre à d’autres groupes. Envisager de la faire dépendre uniquement du revenu du salarié ou la supprimer de façon plus progressive compte tenu du revenu familial.
? Poursuivre les efforts entrepris pour augmenter le nombre de places disponibles à un coût abordable dans des crèches et jardins d’enfants de haute qualité et supprimer l’obligation pour les entreprises de proposer des places dans les jardins d’enfants dès qu’elles emploient plus de 19 femmes.
? Œuvrer à améliorer les relations de travail, notamment en renforçant le pouvoir de négociation des syndicats, en obligeant au moins les entreprises à abandonner la pratique consistant à obtenir de multiples numéros d’identification fiscale pour scinder artificiellement leurs activités aux fins des négociations salariales.
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Date de mise en ligne : 27/12/2012