Notes
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Data from www.cdmpipeline.org.
Principaux enjeux
1Étant donné la lenteur de la croissance et l’ampleur des inégalités, le Mexique doit continuer à accroître ses investissements dans les infrastructures, l’éducation et la santé publique pour renforcer sa capacité productive, et dans les politiques sociales pour réduire la pauvreté et les inégalités. Les investissements publics dans les infrastructures et l’éducation ont augmenté ces dernières années et sont comparables en termes globaux à ceux réalisés dans les autres pays de l’OCDE, mais les dépenses par élève demeurent comparativement faibles, même après ajustement pour tenir compte du PIB par habitant. Afin d’aider les pauvres à investir dans leur éducation et leur santé, le Mexique a mis sur pied un programme novateur de transferts monétaires conditionnels baptisé Oportunidades, qui a donné d’excellents résultats, malgré une couverture encore limitée en zones urbaines. Le Mexique doit donc s’employer davantage à renforcer son système de sécurité sociale, notamment pour mieux protéger les citoyens contre des chocs de revenu, par exemple en cas de perte d’emploi. Par ailleurs, le pays ne ménage pas ses efforts pour étendre la couverture maladie de base à l’ensemble de la population, par le biais de son programme Seguro Popular, qui est largement financé par l’impôt et qui vise les citoyens sans accès à la sécurité sociale. Plusieurs États, ainsi que l’administration fédérale, ont commencé à mettre en place des piliers de retraite non contributifs pour certains groupes de pensionnés.
2Il existe aussi des problèmes de viabilité budgétaire à long terme liés au vieillissement de la population et à l’augmentation correspondante des coûts des régimes de retraite à prestations définies des États fédérés ainsi que des programmes de santé des instituts fédéraux de la sécurité sociale (Instituto Mexicano del Seguro Social, IMSS et Instituto de Seguridad y Servicios Sociales de los Trabajadores del Estado, ISSSTE). L’IMSS puise actuellement dans ses réserves financières pour couvrir les déficits d’exploitation de ses comptes de santé, alors que certains de ses dispositifs enregistrent des excédents qui pourraient compenser une partie de ces déficits. Face à ces défis, il faudra engager de profondes réformes, notamment convertir les derniers systèmes de retraite à prestations définies en systèmes à cotisations définies, donner une priorité accrue à la prévention dans le domaine de la santé et prendre des mesures pour améliorer l’efficacité des organismes de sécurité sociale. Mais une augmentation des recettes, par la hausse des impôts ou des cotisations, est nécessaire également.
3Il ne faudrait pas laisser passer les occasions qui s’offrent d’améliorer l’efficience des dépenses. Le Mexique consacre des sommes considérables aux subventions à l’énergie, mais celles-ci s’avèrent inefficaces pour atténuer la pauvreté, car elles sont en grande partie captées par les catégories à revenu élevé. En même temps, les subventions à l’énergie sont préjudiciables à l’environnement, car elles encouragent la surconsommation et accroissent les émissions de gaz à effet de serre (GES). Cela va à l’encontre des objectifs ambitieux du Mexique en matière de lutte contre le changement climatique. Les subventions à l’énergie devraient donc être supprimées. De manière très opportune, le gouvernement a réduit progressivement les subventions à l’essence et au gazole en 2010. Protéger les pauvres par des transferts monétaires ciblés, par exemple en étendant le programme Oportunidades ou en créant à terme une prestation d’aide sociale, serait beaucoup plus efficace que des subventions à l’énergie pour protéger les personnes démunies. Cette deuxième option serait très difficile à administrer et doit plutôt être envisagée pour le long terme. Un dispositif de ce type entraînerait certes des coûts, mais un moyen de les financer serait de prendre des mesures destinées à accroître l’efficacité des dépenses, par exemple avec la suppression des subventions à l’énergie, et à augmenter les recettes fiscales, notamment par l’élargissement de l’assiette de la TVA. Le système d’impôts et de transferts deviendrait aussi plus progressif si les subventions étaient remplacées par un transfert monétaire ciblé. Parmi d’autres secteurs dans lesquels le Mexique peut accroître l’efficience des dépenses publiques, il convient de citer l’agriculture, où les dépenses profitent essentiellement aux plus gros producteurs et n’ont guère d’effets positifs sur la productivité globale. Le Mexique s’emploie déjà à améliorer l’efficience des dépenses dans l’administration publique, en réduisant les doublons de structures et de programmes et en rationalisant les procédures.
4Afin de garantir un financement viable des investissements générateurs de croissance et des politiques sociales, le Mexique doit accroître ses recettes fiscales, qui sont plus faibles que dans tout autre pays de l’OCDE et que dans la plupart des pays d’Amérique latine (graphique 2.1). Plus d’un tiers de ces recettes dépendent de la production pétrolière. Le pétrole introduit de l’instabilité et sa production est sujette à des incertitudes, bien qu’elle se soit stabilisée récemment et que le Mexique ait donné plus de flexibilité à la PEMEX dans ses modalités contractuelles. Ces dernières années, le Mexique a déjà fait d’importants efforts pour augmenter les recettes fiscales et, grâce aux réformes entreprises depuis 2007, les recettes structurelles ont sans doute progressé de 2 points de pourcentage du PIB d’après les estimations officielles. Toutefois, de nouvelles améliorations s’imposent pour réduire l’instabilité du revenu et financer durablement les programmes ambitieux du Mexique visant à stimuler la croissance économique, réduire la pauvreté et assurer une couverture santé et retraite plus complète de la population.
Recettes fiscales de différentes sources dans certains pays
Recettes fiscales de différentes sources dans certains pays
20081. Au Mexique, les rentrées d’impôts sur le revenu des personnes physiques englobent le produit des impôts sur les revenus/bénéfices des sociétés.
2. Hors recettes pétrolières.
3. Les données statistiques concernant Israël sont fournies par les autorités israéliennes compétentes et sous leur responsabilité. L’utilisation de ces données par l’OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem-Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international.
5Les recettes fiscales sont faibles, essentiellement parce que le système fiscal est complexe et comporte de nombreux régimes spéciaux et des dépenses fiscales coûteuses qui érodent la base d’imposition. Cela accroît en outre les possibilités de fraude et d’évasion fiscales, qui restent importantes, en dépit d’améliorations significatives enregistrées récemment. Il sera donc important d’appliquer des mesures destinées à élargir l’assiette d’imposition en éliminant les dépenses fiscales inefficientes et les régimes spéciaux de manière à simplifier le système. Il faut aussi redoubler d’efforts pour combattre les activités informelles et la fraude fiscale. Dans le long terme, une stratégie de croissance économique à large assise s’impose pour renforcer la productivité, surtout à la partie inférieure de l’éventail des revenus. Une action dans ce sens renforcerait la capacité des travailleurs et des entreprises à faible productivité d’opérer dans le secteur formel et de réaliser des revenus suffisamment élevés pour contribuer aux recettes fiscales. Les mesures visant à stimuler la productivité sont présentées dans le chapitre 3, tandis que les politiques de lutte contre l’activité informelle sont analysées dans le chapitre 4.
6Ce chapitre s’articule comme suit. La deuxième partie étudie les moyens d’améliorer l’efficience des dépenses, notamment en remplaçant les subventions à l’énergie par des transferts monétaires mieux ciblés et en redéployant les dépenses agricoles au profit de biens publics productifs. Sont également analysées les possibilités de mettre en place un système d’échange de droits d’émission ou d’instituer des taxes carbone à large assiette après le retrait des subventions à l’énergie. La deuxième partie du chapitre passe en revue les dépenses fiscales et les régimes spéciaux afin de déterminer s’il faudrait limiter ou réduire certains de ces éléments pour élargir l’assiette d’imposition et simplifier le système. Cette section examine aussi les stratégies visant à améliorer le recouvrement de l’impôt aux niveaux inférieurs d’administration. Sont ensuite abordées les mesures de lutte contre la fraude fiscale.
Améliorer l’efficacité des dépenses
Le Mexique devrait s’efforcer de rendre le système d’impôts et de transferts plus progressif
7Bien que les inégalités de revenu aient diminué ces dernières années, le système d’impôts et de transferts a une incidence beaucoup plus faible au Mexique que dans les autres pays de l’OCDE sur la réduction de ces inégalités, qui restent relativement prononcées. Alors que les impôts réduisent considérablement les inégalités de revenu dans presque tous les pays de l’OCDE, au Mexique le coefficient de Gini est pratiquement le même avant et après impôts. Cela tient principalement à la faible proportion des impôts progressifs sur le revenu dans les recettes fiscales totales (graphique 2.1). L’activité informelle est l’un des facteurs qui contribuent à ce phénomène : en effet, quand le secteur informel est très développé il est un peu plus aisé de recouvrer des impôts indirects, car les entreprises informelles ont besoin dans certains cas d’acheter des intrants à des entreprises qui acquittent leurs impôts. En outre, les faibles revenus d’une grande partie de la population permettent difficilement d’accroître les recettes fiscales. Au Mexique, les deux déciles de revenu les plus riches acquittent presque 80 % des impôts sur le revenu, et compte tenu d’un crédit d’impôt lié à l’exercice d’un emploi, les trois premiers déciles de revenu acquittent en moyenne un impôt négatif sur le revenu. Selon certains auteurs, dans les pays caractérisés par de fortes inégalités il est presque impossible de redistribuer des revenus par le biais du système fiscal, et les objectifs redistributifs pourraient être réalisés plus efficacement par le biais de la dépense (Engel et al., 1999). Dans la plupart des économies membres de l’OCDE, l’effet des transferts monétaires sur le coefficient de Gini dépasse de plus de 10 points de pourcentage celui des impôts (graphique 2.2). Le recul des inégalités au Mexique ces dernières années tient pour beaucoup à des dépenses sociales plus élevées et mieux ciblées (Esquivel et al., 2010). Cependant, l’effet des transferts sur la distribution des revenus est bien plus faible au Mexique que dans le reste de la zone OCDE (graphique 2.2). Il est comparable à celui observé dans les autres pays d’Amérique latine, du fait en partie de leur faible capacité de prélèvement fiscal, qui n’autorise pas de transferts importants (Goñi et al., 2008).
Coefficient de Gini avant et après impôts et transferts
Coefficient de Gini avant et après impôts et transferts
Milieu des années 200011. 2008 pour le Mexique, 2003 pour la Colombie et 2004 pour le Pérou.
8Le Mexique a amélioré le ciblage des dépenses sociales, mais de nouveaux progrès sont souhaitables. Il existe certains transferts bien ciblés et très progressifs, notamment Oportunidades, le programme de santé financé par l’impôt pour les citoyens sans accès à la sécurité sociale, Seguro Popular, et le régime fédéral de pension non contributif pour les ruraux âgés, Adultos Mayores (graphique 2.3). Ce dernier programme ne doit pas être confondu avec le programme de pension non contributif de la ville de Mexico, qui porte le même nom mais n’est pas assujetti à des conditions de ressources et est donc beaucoup moins progressif que le programme fédéral pour les ruraux âgés (graphique 2.3) Cependant, l’effet des programmes plus progressifs est annulé par d’autres mesures qui sont censées aider les pauvres, mais qui se traduisent en fait par des dépenses accrues en faveur des ménages à revenu élevé. C’est le cas des programmes de sécurité sociale, qui ne couvrent que les travailleurs du secteur formel, lesquels ont en général des revenus supérieurs à ceux des travailleurs informels, particulièrement nombreux au Mexique. La part des dépenses consacrées aux individus aisés est particulièrement élevée pour les travailleurs du secteur public affiliés à l’Instituto de Seguridad y Servicios Sociales de los Trabajadores del Estado (ISSSTE) et pour les salariés de PEMEX, la société pétrolière d’État, qui ont en général des salaires relativement élevés. Grâce aux efforts déployés pour étendre la couverture santé à tous les travailleurs par le biais de Seguro Popular et pour mettre en place des piliers de retraite non contributifs, les dépenses au titre des retraites et des soins de santé ont un caractère plus progressif. Toutefois, les subventions à l’énergie, notamment en faveur du gaz de pétrole liquéfié, de l’essence et de l’électricité, qui sont censées aider les ménages à faible revenu, sont en grande partie captées par les personnes à haut revenu et se révèlent donc inefficaces pour réduire la pauvreté. Un argument similaire s’applique à certaines dépenses fiscales, en particulier celles qui relèvent du système de la TVA (graphique 2.3). Tout comme les subventions à l’énergie, les exonérations de TVA sont en fait des subventions à la consommation non ciblées, et elles dépendent donc des dépenses des ménages en produits subventionnés, dépenses qui tendent à augmenter avec le revenu. En 2008, ces subventions à la consommation représentaient près de 5 % du PIB, contre 0.7 % du PIB pour Oportunidades, Seguro Popular et la pension de vieillesse rurale (Scott, 2010). Plusieurs programmes agricoles aggravent les inégalités, y compris le soutien aux producteurs et les subventions à la commercialisation, car la part des dépenses qui revient aux groupes à haut revenu est encore plus forte que leur part du revenu avant transferts. D’autres programmes, notamment Procampo, ont un caractère progressif, mais, en valeur absolue, consacrent une part plus importante de leurs dépenses aux groupes à haut revenu qu’aux groupes à faible revenu. Une restructuration des dépenses sociales en faveur des programmes ciblés sur les pauvres contribuerait à rendre le système d’impôts et de transferts plus progressif et à réduire la pauvreté et les inégalités.
Coefficients de concentration des programmes de dépenses sociales1
Coefficients de concentration des programmes de dépenses sociales1
1. Un coefficient de concentration négatif implique qu’une plus grande part des dépenses revient aux déciles à bas revenu et non aux déciles à haut revenu, et vice versa.2. Les programmes dont le coefficient de concentration est supérieur au coefficient de Gini aggravent la distribution des revenus.
9Un moyen particulièrement simple de parvenir à ce résultat consisterait à supprimer certains des éléments de dépenses les moins efficients et à consacrer davantage de ressources aux programmes bien ciblés. Ainsi, accroître les transferts monétaires d’Oportunidades permettrait d’indemniser les ménages à bas revenu pour la suppression des subventions à la consommation telles que les subventions à l’énergie ou les dépenses fiscales au titre de la TVA. L’élargissement de la couverture d’Oportunidades est également un objectif important. En 2008, près de 40 % de la tranche de 20 % des personnes les plus pauvres de la population n’étaient pas couverts par Oportunidades, tandis que 70 % de ceux qui étaient couverts n’appartenaient pas à cette tranche de 20 % des plus démunis (Scott, 2010). La couverture des ménages à bas revenu est très incomplète, en particulier dans les zones urbaines, même si les autorités s’emploient très activement à améliorer la situation.
10À long terme, une autre solution serait de compléter Oportunidades par une prestation d’aide sociale fondée sur des contrôles annuels directs des ressources, comparables à ceux réalisés couramment dans les pays de l’OCDE, ce qui serait très complexe à mettre en œuvre du point de vue administratif. Oportunidades a été conçu comme un programme de transferts monétaires relativement restreints, soumis à des conditions d’assiduité scolaire et de contrôle de l’état de santé, l’objectif étant d’aider les pauvres à valoriser leur capital humain dans le long terme. Ce programme a été une grande réussite. La meilleure solution n’est peut-être pas de lui assigner des objectifs supplémentaires, notamment celui de fournir une assurance contre les pertes soudaines de revenu, qui serait un peu plus facile à réaliser avec une prestation de type aide sociale. Compléter Oportunidades avec une telle prestation pourrait donc être un moyen intéressant de consacrer davantage de ressources à des transferts monétaires bien ciblés, ce qui contribuerait à réduire la pauvreté, à protéger les ménages contre les chocs de revenu et à rendre le système d’impôts et de transferts plus progressif. Cette prestation pourrait être d’abord mise en place dans les zones urbaines, où la couverture d’Oportunidades est très incomplète et où elle serait plus facile à mettre en œuvre, car l’alphabétisation et l’accès aux services bancaires y sont de meilleur niveau que dans les zones rurales. En outre, il ne devrait pas être trop compliqué de mettre sur pied une infrastructure administrative permettant d’aider les personnes visées à réclamer la prestation, cette infrastructure pouvant être reliée aux centres qui fournissent une aide pour remplir les déclarations d’impôt et qui sont implantés partout dans le pays. Dans les zones urbaines, l’expansion d’Oportunidades dépend déjà du nombre de personnes demandant la prestation, car les pauvres sont beaucoup plus dispersés qu’en zones rurales. Dans ces conditions, l’introduction d’une prestation d’aide sociale pouvant être réclamée sur la base des déclarations de revenu, comme indiqué dans l’encadre 2.1, pourrait se révéler moins problématique que dans les zones rurales. Cependant, les coûts du respect des obligations fiscales augmenteraient pour la grande majorité des travailleurs dont les impôts sont maintenant retenus à la source et reversés par les employeurs, sans que les salariés aient à faire de déclarations (encadré 2.1).
Encadré 2.1. L’aide sociale au Mexique
Introduire une prestation d’aide sociale fondée sur les déclarations de revenu n’est pas tâche facile dans un pays où la part de l’économie informelle est importante par rapport à la situation dans les pays de l’OCDE et où l’alphabétisation est faible dans de larges segments de la population. Il s’agit donc d’un projet qui doit être développé en longue période et mis en place étape par étape, en commençant par les zones urbaines où l’économie formelle et l’alphabétisation sont d’un meilleur niveau. Il importe dans ce contexte de s’appuyer sur un ciblage par un score approchant le niveau de vie afin de veiller à ce que les prestations monétaires aillent bien aux pauvres. C’est pourquoi, Oportunidades ne devrait pas être abandonné si une prestation de type aide sociale était introduite. Dans les zones rurales, en particulier, il s’agit d’un instrument important pour s’assurer que les transferts monétaires bénéficient effectivement aux pauvres.
Toutefois, mettre en place un système d’aide sociale fondé sur les déclarations annuelles de revenu pour compléter Oportunidades serait l’occasion de disposer d’une assurance plus efficace contre les risques de revenu, couvrant aussi les individus qui deviennent pauvre suite à un choc de revenu. Si les travailleurs sont autorisés au Mexique à puiser dans leurs comptes-retraite en cas de chômage, cette possibilité est limitée car ils ne peuvent retirer que moins de 90 jours de leur dernier salaire une fois tous les cinq ans. Le système pourrait être élargi. En outre, le système de retraite doit être renforcé, pour garantir un revenu suffisant à la retraite. Nombre des travailleurs à faible revenu sortent de l’emploi formel et en sortent fréquemment et n’arrivent jamais à économiser suffisamment pour se constituer une pension minimum. Pour les travailleurs à revenu intermédiaire également, les économies sont dans nombre de cas trop faibles pour une pension minimum adéquate. Etant donné qu’une expansion du système suffisante pour assurer à la fois une pension de retraite adéquate et une assurance contre le chômage exigera d’importants financements supplémentaires, le Mexique peut aussi envisager d’autres options, comme les prestations d’aide sociale examinées ici.
Une prestation d’aide sociale contribuerait à réduire la pauvreté au Mexique et à amortir les chocs macroéconomiques, en aidant les individus à lisser leur consommation. L’aide sociale permettrait aussi d’éviter les ajustements inefficients aux chocs de revenu (par exemple, retirer les enfants de l’école), qui risquent d’avoir des répercussions à long terme négatives sur l’investissement et la productivité. Des recherches menées sur le Mexique montrent que les enfants pauvres sont susceptibles de quitter l’école en cas de chocs (chômage des parents, par exemple), et que cela peut avoir des effets durables sur leur scolarité. Il est apparu que le programme Oportunidades neutralise cet effet partiellement, voire – selon certaines estimations – presque complètement (de Janvry et al., 2006). Toutefois, les transferts Oportunidades ne sont accessibles qu’aux personnes suffisamment pauvres pour figurer dans le groupe cible avant de subir un choc de revenu. Ils ne couvrent pas, ou du moins pas assez rapidement, les individus qui tombent dans la pauvreté à cause de ce choc, de sorte qu’une prestation d’aide sociale, avec un critère de ressources fondé sur les déclarations de revenu, pourrait améliorer la situation.
La gestion de ce dispositif dans le cadre du système fiscal améliorerait la couverture par rapport à Oportunidades et ferait entrer davantage de travailleurs dans l’économie formelle, mais elle supposerait des coûts plus élevés de respect de la réglementation et de mise en œuvre. L’aide sociale pourrait alors prendre la forme d’un crédit d’impôt récupérable. De la sorte, les individus seraient davantage incités à déclarer l’impôt sur le revenu et à presser leurs employeurs de les inscrire dans le secteur formel. À l’heure actuelle, les travailleurs déclarent leurs revenus individuels, soit personnellement, soit par l’intermédiaire de leurs employeurs, mais il faudrait adopter la déclaration familiale conjointe de manière à disposer d’un critère de ressources adéquat pour la prestation. Cette réforme majeure prendrait du temps et serait administrativement complexe. Cependant, elle favoriserait probablement l’application des dispositions fiscales, notamment parce qu’elle contribuerait à élargir la Base de données sur les contribuables. Les travailleurs, dont le revenu est actuellement déclaré par l’intermédiaire de leurs employeurs, verraient leurs coûts de conformité augmenter. Mais l’obligation qui leur serait faite de déclarer leurs revenus pour eux-mêmes et leurs familles permettrait un meilleur recoupement avec les déclarations d’impôts et de sécurité sociale des employeurs fondées sur une Base de données plus large. Cela devrait renforcer le recouvrement de l’impôt, même si l’administration fiscale serait contrainte d’étoffer nettement ses effectifs et améliorer encore leur formation pour gérer une prestation d’aide sociale, combattre les abus et aider les personnes peu instruites à solliciter la prestation. Toutefois, on pourrait ainsi élargir la couverture de la population bénéficiant de prestations monétaires de façon à lutter contre la pauvreté, réduire l’ampleur du secteur informel et élargir la base d’imposition. Ces avantages justifieraient sans doute les investissements nécessaires dans les capacités de recouvrement. Pour s’assurer que le système incite fortement les travailleurs à se formaliser, il semblerait rationnel de ne leur verser les prestations qu’après plusieurs déclarations de revenu positives. En tout état de cause, une surveillance stricte devra être opérée pour éviter les sous-déclarations de revenu et la possibilité pour les travailleurs de recevoir des prestations tout en exerçant un emploi non déclaré.
Pour utiliser un crédit d’impôt sur le revenu comme prestation d’aide sociale, il faudrait le proposer aux ménages indépendamment de leur situation sur le marché du travail. Des recherches conduites aux États-Unis montrent qu’un impôt négatif indépendant de la situation au regard de l’emploi accroîtrait davantage le revenu des petits salariés qu’un crédit d’impôt lié à l’exercice d’un emploi, car ce dernier augmente l’offre de travail faiblement rémunérée et entraîne donc les salaires à la baisse (Rothstein, 2009). Un impôt sur le revenu négatif indépendant de l’emploi décourage l’activité, mais on pourrait remédier en partie à cet inconvénient en prévoyant un complément de ce crédit d’impôt pour les ménages dont les membres travaillent, de manière à renforcer les incitations à l’emploi. À l’heure actuelle, le Mexique administre un crédit d’impôt lié à l’exercice d’un emploi, le subsidio para el empleo, dont une version pourrait être utilisée comme complément. À l’instar de la réduction d’impôt sur le revenu d’activités (Earned Income Tax Credit) aux États-Unis, ce crédit d’impôt pourrait augmenter à mesure que le revenu du travail s’accroît, jusqu’à concurrence d’un certain plafond, puis être abaissé progressivement. Toutefois, étant donné qu’il sert aussi de prestation d’aide sociale, le crédit d’impôt au Mexique serait positif pour les ménages ayant un revenu zéro au titre d’un emploi formel, comme c’est le cas du Revenu de solidarité active (RSA) en France. Les compléments versés aux travailleurs à bas salaires renforceraient les incitations à rechercher un emploi formel. Toutefois, un arbitrage doit être fait entre les effets positifs sur l’emploi et les effets positifs sur le revenu des petits salariés. Si tous les travailleurs augmentent leur offre de travail en réponse à un crédit d’impôt lié à l’exercice d’un emploi et en présence d’une demande de main-d’œuvre imparfaitement élastique, les salaires baisseront toujours, dans une certaine mesure. À terme, il serait important de mettre en place un vigoureux programme d’aide à la recherche d’emploi prévoyant des mesures d’activation pour les chômeurs qui perçoivent la prestation d’aide sociale, de manière à contrecarrer l’affaiblissement des incitations à la recherche d’emploi.
11Si le système se révèle efficace, la prestation d’aide sociale pourrait être offerte ultérieurement aux travailleurs ruraux à titre de complément d’Oportunidades dans la mesure où cette prestation est plus élevée, mais son déploiement dans les zones rurales serait beaucoup plus difficile compte tenu du faible niveau d’alphabétisation et d’accès aux services bancaires. Il exigerait l’établissement d’une infrastructure administrative dotée des moyens nécessaires pour aider les personnes à demander la prestation et pour verser la prestation en espèces, le cas échéant. Il s’agirait là d’une initiative très ambitieuse et très coûteuse, dont la mise en œuvre prendrait beaucoup plus de temps. Toutefois, si elle était administrée par le biais du système fiscal, cette prestation contribuerait à élargir la base d’imposition (encadré 2.1) et inciterait les travailleurs à entrer dans le secteur formel, au prix d’un renforcement des capacités d’administration et d’application. Un contrôle annuel direct des ressources fondé sur les déclarations de revenu présenterait aussi des avantages, car il permettrait de concevoir une prestation monétaire propre à assurer une meilleure protection des ménages contre les chocs de revenu que ce n’est le cas du programme Oportunidades, qui n’a pas été conçu à cet effet – bien que des dispositifs spéciaux seraient nécessaires pour assurer la disponibilité immédiate de la prestation aux travailleurs souffrant d’une baisse brutale de revenu, par exemple après une perte d’emploi. Cependant, des contrôles stricts seraient nécessaires pour éviter que des personnes ne sous-déclarent leur revenu et ne travaillent dans le secteur informel, tout en percevant la prestation.
12Il sera coûteux d’étendre des prestations monétaires ciblées comme Oportunidades ou de créer une prestation d’aide sociale, mais les mesures proposées dans ce chapitre pour raffermir les recettes fiscales et améliorer l’efficience des dépenses devraient contribuer au financement. Le programme pourrait être mis en place progressivement, d’abord dans les zones urbaines, et il faudrait l’évaluer en profondeur au stade initial pour apporter des corrections si nécessaire. La suppression des subventions à l’énergie, des exonérations de TVA et des taux zéro (voir plus loin) devrait libérer suffisamment de ressources pour financer cette augmentation des prestations. D’après une estimation prudente, les économies totales seraient de l’ordre de 2½-3 % du PIB. Cela devrait suffire au Mexique pour financer un système d’aide sociale, puisque les pays de l’OCDE dépensent en moyenne 2 % du PIB pour les aides au revenu sous conditions de ressources, estimation qui englobe les prestations monétaires familiales et les transferts sous conditions de ressources aux chômeurs, aux personnes âgées et aux handicapés. Même si elles ont considérablement augmenté ces dernières années, les dépenses pour les programmes sociaux au Mexique restent plus faibles que dans les autres pays de l’OCDE, et il en va de même des dépenses en prestations monétaires liées au revenu (tableau 2.1). L’augmentation des prestations – qu’elles soient administrées par le biais d’Oportunidades ou d’autres systèmes – exigera que l’on mette en place une aide solide à la recherche d’emploi, accompagnée de mesures d’activation pour les chômeurs qui reçoivent ces prestations pour contrer la faiblesse des incitations au travail à laquelle elles sont associées.au ca.
Au Mexique, le crédit d’impôt lié à l’exercice de l’emploi peut compléter les transferts monétaires aux pauvres, mais il devrait être révisé
13Le subsidio para el empleo en vigueur au Mexique peut contribuer à renforcer l’emploi formel, par lui-même ou en combinaison avec la prestation d’aide sociale envisagée (encadré 2.1). Le Programa de Primer Empleo, qui vient d’être approuvé et qui accorde des allégements fiscaux supplémentaires aux entreprises embauchant des travailleurs s’enregistrant pour la première fois à la sécurité sociale, peut atteindre le même objectif. Mais l’efficacité de ces programmes devrait être évaluée. Certains de leurs éléments seront peut-être à revoir. Le subsidio para el empleo est un crédit d’impôt déductible du revenu salarié individuel. Pour les revenus les plus bas, cela se traduit par un impôt négatif. En principe, le crédit d’impôt permet d’accroître le revenu des travailleurs ou d’alléger les coûts de main-d’œuvre des employeurs en fonction de l’incidence de l’impôt. Ce dispositif est susceptible de renforcer l’emploi formel, car il deviendrait plus attractif pour les salariés, du fait de l’accroissement de leurs revenus, ou pour les employeurs, du fait de la baisse de leurs coûts de main-d’œuvre. Certes, le crédit d’impôt lié à l’exercice d’un emploi est manifestement progressif en ce qui concerne le revenu d’activités formelles (graphique 2.4), mais il n’est pas correctement ciblé sur les revenus les plus bas, car il subventionne plus de 60 % de l’éventail des revenus formels. Or, la plus grande partie des travailleurs informels se concentrent dans les tranches de revenus salariés les plus basses : plus de 60 % d’entre eux figurent dans les deux déciles inférieurs de l’éventail des revenus salariés formels. Le crédit d’impôt lié à l’exercice d’un emploi n’est pas non plus très efficace comme instrument de réduction de la pauvreté, comme en témoigne sa distribution parmi les différents déciles des revenus des ménages (graphique 2.5). Cela tient à ce que la subvention est ciblée sur les travailleurs du secteur formel, qui ont en général des salaires supérieurs à ceux de leurs homologues du secteur informel, et que l’éventail des revenus subventionnés est très large. En outre, les travailleurs du secteur formel peuvent vivre dans des familles relativement aisées, lorsque d’autres membres du ménage ont des salaires plus élevés ou d’autres sources du revenu. Au Mexique, plus de 20 % des travailleurs dont le salaire se situe dans les derniers 30 % de la distribution des salaires dans le secteur formel vivent dans des ménages qui sont parmi les 30 % les plus riches pour ce qui est du revenu des ménages par habitant.
Dépenses pour les programmes sous conditions de ressources et dépenses publiques sociales, 2007
Dépenses pour les programmes sous conditions de ressources et dépenses publiques sociales, 2007
Note : Sont incluses les dépenses suivantes sous condition de ressources : dépenses au titre des « autres imprévus – autres domaines de politique sociale », comme dans la Base de données des dépenses sociales (SOCX) de l’OCDE, dépenses sous critère de ressources pour les chômeurs (exemple : prestations de chômage en Allemagne), paiements de soutien sous condition de ressources en faveur des personnes âgées et des handicapés (exemple : Belgique et Royaume-Uni), autres paiements sous condition de ressources (prestations monétaires familiales) ; en revanche, les subventions spécifiques au logement, les dépenses en faveur des politiques actives du marché du travail ou l’aide médicale sous critères de revenus ne sont pas incluses.Subsidio para el empleo et travailleurs informels par décile de la distribution des revenus salariés formels
Subsidio para el empleo et travailleurs informels par décile de la distribution des revenus salariés formels
1. Part de chaque décile dans le total de la subvention.2. Part des travailleurs informels dont le revenu correspond à l’éventail de chaque décile de revenu salarié formel.
Distribution du Subsidio para el empleo parmi les déciles de revenu des ménages
Distribution du Subsidio para el empleo parmi les déciles de revenu des ménages
2008, en pourcentage du total14Il faudrait vérifier dans quelle mesure le crédit d’impôt lié à l’exercice d’un emploi réduit la pauvreté parmi les travailleurs et favorise l’emploi formel. Les autorités pourraient envisager de concentrer davantage ce crédit d’impôt sur les revenus les plus bas pour en renforcer l’effet positif sur l’emploi formel. Cibler cette aide sur les deux déciles inférieurs de l’éventail des salaires formels permettrait d’en doubler le montant par travailleur tout en économisant 10 % de l’aide totale.
15On pourrait aussi envisager de subordonner le crédit d’impôt au revenu familial pour mieux le cibler sur les familles de travailleurs pauvres. Cependant, cela impliquerait des tâches administratives beaucoup plus lourdes car il faudrait passer à des déclarations d’impôt sur le revenu au niveau du ménage. Des crédits d’impôt liés à l’exercice d’un emploi et déterminés en fonction du revenu familial réduisent la pauvreté dans d’autres pays de l’OCDE (Immervoll et Pearson, 2009). Toutefois, les incitations à travailler pour les seconds apporteurs de revenus s’en trouveraient affaiblies dans les familles dont le revenu atteint la tranche de réduction progressive de la prestation, mais il existe des moyens de remédier à cet inconvénient.
16Les études sur les crédits d’impôt liés à l’exercice d’un emploi dans les pays de l’OCDE ont montré que ces prestations ont visiblement accru l’emploi chez les parents isolés et les premiers apporteurs de revenu, tout en réduisant le temps de travail et – dans certains cas – les taux d’emploi des seconds apporteurs de revenu (Immervoll et Pearson, 2009). Toutefois, cet effet négatif sur l’emploi a été compensé et au-delà par l’effet positif sur d’autres groupes. Du reste, l’effet négatif sur les seconds apporteurs de revenu peut être atténué. Il est possible de relever le seuil de revenu à partir duquel la réduction de la prestation s’enclenche et de réduire le taux de réduction de la prestation pour les ménages à salaires multiples. À défaut, le crédit d’impôt complémentaire pour chaque membre du ménage ayant un emploi formel pourrait dépendre uniquement du revenu du salarié le mieux payé. Cela affaiblirait le ciblage du crédit d’impôt sur les familles les plus démunies, de sorte que le dispositif deviendrait plus coûteux, mais les incitations à travailler seraient améliorées. À l’autre extrême, le crédit d’impôt pourrait rester subordonné au revenu individuel des travailleurs, mais sans condition de ressources pour les autres éléments de revenu ou les salaires des autres membres de la famille, comme c’est le cas pour le subsidio para el empleo. Cette approche affaiblirait le ciblage sur les familles à bas revenu, mais atténuerait les contre-incitations à travailler chez les deuxièmes apporteurs de revenu.
Il faudrait restructurer les aides octroyées aux ménages à bas revenu pour leur permettre de mieux faire face aux coûts énergétiques
17Le Mexique consacre des sommes importantes aux subventions à l’énergie. Les subventions à l’électricité, à l’essence, au gazole et au gaz de pétrole liquéfié ont représenté en moyenne plus de 1½ pour cent du PIB chaque année sur la période 2005-09, selon des estimations officielles (Secretaría de Energía, 2010). Les subventions à l’électricité au Mexique sont parmi les plus élevées au monde en termes absolus, les coûts d’approvisionnement dépassant d’environ 250 % le tarif domestique moyen de l’électricité pour les ménages. Ces aides représentent plus du double du budget d’investissement fédéral pour le secteur de l’électricité (Komives et al., 2008). La subvention a augmenté au cours de ces dernières décennies car de nombreux tarifs d’été, prévoyant des subventions plus élevées pour des volumes plus importants dans les régions chaudes, ont été ajoutés à un barème déjà complexe fondé sur une tarification progressive par tranches, qui subventionne davantage les petits consommateurs. Seuls les plus gros consommateurs ne reçoivent pas de subventions, mais ce groupe s’est contracté au fil du temps avec l’instauration de tarifs d’été subventionnés dans les régions chaudes et d’une nouvelle classification des consommateurs. Le secteur agricole bénéficie aussi d’importantes subventions à l’électricité, en particulier une aide qui couvre plus des deux tiers du coût de l’électricité pour les agriculteurs qui pompent de l’eau d’irrigation. Les subventions aux combustibles fossiles sont également élevées, même si le gouvernement s’est employé récemment à les réduire. Un mécanisme de lissage des prix de l’essence et du gazole, qui ajuste les prix intérieurs avec un temps de décalage sur les fluctuations des prix internationaux, peut se traduire par de fortes subventions implicites en période de hausse des prix du pétrole. En 2008, la subvention représentait cinq fois le montant du programme Oportunidades. Des exonérations de taxes s’appliquent également au combustible marin.
18Au Mexique, le produit des écotaxes est faible, ce qui s’explique en partie par les subventions à l’essence et au gazole. En 2008, les recettes des écotaxes y ont été largement négatives, encore que ces recettes aient diminué depuis lors en termes absolus grâce en partie aux efforts faits pour mieux aligner les prix intérieurs des combustibles fossiles sur les coûts d’opportunité internationaux (graphique 2.6). La raison en est que, dans la comptabilité budgétaire mexicaine, les subventions à l’essence et au gazole apparaissent comme des taxes d’accise négatives. Les recettes d’accise pour l’essence et le gazole restent négatives, mais dans une proportion plus faible qu’en 2008, les autorités ayant relevé progressivement les prix à la consommation tout au long de 2010. Cette démarche était très opportune. Les droits d’accise sur l’essence et le gazole peuvent être positifs quand les prix internationaux des combustibles sont stables ou en baisse, mais même alors ces prélèvements restent faibles en comparaison internationale (graphique 2.7).
Recettes fiscales environnementales
Recettes fiscales environnementales
En pourcentage du PIBTaxes sur l’essence et le gazole
Taxes sur l’essence et le gazole
Euro par litre11. Taux de change de 2009.
19Les subventions à l’énergie se révèlent inefficaces pour réduire la pauvreté, car elles sont en grande partie captées par les catégories à revenu élevé. La part des deux déciles supérieurs de revenu dans le total des subventions à l’électricité dépasse nettement celle des trois déciles inférieurs, même si les petits consommateurs reçoivent des subventions plus élevées (graphique 2.8). En effet, les quantités plus importantes consommées par les consommateurs aisés compensent et au-delà le montant plus faible de la subvention par kilowatt/heure. La subvention accordée aux groupes à haut revenu augmente avec la taille de la subvention d’été, car celle-ci se traduit par des aides plus élevées pour les gros volumes (Komives et al., 2008). Un argument similaire vaut pour l’essence et le gazole : la part des déciles à haut revenu dans la consommation totale de ces carburants est bien plus élevée que celle des déciles à bas revenu (graphique 2.8). Les subventions à l’électricité agricole ont un caractère fortement régressif, puisqu’elles sont plus élevées pour les agriculteurs détenant des concessions de pompage d’eau d’irrigation, qui représentent la couche la plus prospère de la population rurale. Le coefficient de Gini pour les subventions agricoles est estimé à 0.9, valeur très proche du degré maximum d’inégalité, qui serait égal à l’unité (Guevara-Sanguinés, 2006).
La distribution des subventions à l’énergie par déciles de revenu
La distribution des subventions à l’énergie par déciles de revenu
En pourcentage du total, 200820Les subventions à l’énergie incitent à consommer davantage d’énergie et à moins investir dans l’efficacité énergétique, avec des effets préjudiciables sur l’environnement. En règle générale, les prix de marché de l’énergie ne reflètent pas les coûts sociaux de la consommation d’énergie, en particulier les émissions de gaz à effet de serre (GES) et leurs effets sur le changement climatique. Des taxes sur la consommation d’énergie ou d’autres mécanismes de tarification des émissions, notamment les systèmes d’échange de droits d’émission, seraient nécessaires pour internaliser ces effets. Les subventions à l’énergie agissent en sens opposé, avec beaucoup plus de répercussions indésirables sur l’environnement. Au Mexique, les subventions à l’électricité agricole abaissent artificiellement le coût du pompage de l’eau d’irrigation, qui représente près de 80 % de la consommation d’eau du pays. Il en est résulté une surexploitation des nappes souterraines. De fait, 100 des 282 grands aquifères mexicains sont surexploités (Comisión Nacional del Agua, 2010), d’où des pénuries d’eau qui compromettent l’approvisionnement des ménages et des agriculteurs, une hausse des coûts de fourniture, un assèchement des terres humides et des cours d’eau, suivi d’un appauvrissement de l’écosystème aquatique, et des intrusions de sels et de métaux lourds dans l’eau souterraine, avec de graves conséquences pour la production agricole et le mode de vie des agriculteurs. À cause des subventions, il n’est pas rentable d’investir dans des systèmes d’irrigation par aspersion ou goutte à goutte plus efficients. Des recherches ont montré que si les subventions étaient ramenées à un tiers seulement du coût de revient de l’électricité, les prélèvements d’eau diminueraient de 19 % (Guevara-Sanguinés, 2006 ; Muñoz et al., 2006). Bien que la demande d’eau d’irrigation soit assez inélastique, cela suffirait pour rééquilibrer certains aquifères et laisser un répit à d’autres. De même, les subventions aux prix de l’électricité domestique induisent un accroissement de la consommation d’énergie. De fait, la consommation croît avec la taille de la subvention d’été.
21Le Mexique s’emploie énergiquement à réduire ses émissions de GES et il sera important d’abaisser les subventions à l’énergie pour assurer la cohérence des politiques. Les pouvoirs publics favorisent les énergies non renouvelables et investissent dans l’efficacité énergétique des compagnies pétrolières et d’électricité contrôlées par l’État, ainsi que dans les secteurs industriels, résidentiels, commerciaux et publics. Des subventions sont également accordées aux ménages qui investissent dans les équipements et appareils à bon rendement énergétique (Programa de Sustitución de Equipos Electrodomésticos para el Ahorro de Energía), notamment les réfrigérateurs et les systèmes de climatisation. En outre, une nouveau programme visant à remplacer les ampoules à incandescence par des ampoules fluorescentes a été annoncé en décembre dernier en même temps que de nouvelles réglementations qui interdiront la vente des ampoules non écologiques les années suivantes. La promotion d’appareils et de matériels économes en énergie contribue à faire baisser le coût des subventions énergétiques en réduisant la demande. Pourtant, cette action de promotion, associée au versement de subventions au titre de la consommation énergétique, est coûteuse. Les subventions à l’énergie réduisent aussi les incitations à l’adoption d’appareils économes en énergie. D’un point de vue budgétaire, il serait moins onéreux de supprimer les subventions à l’électricité et d’instaurer une tarification du carbone. Cette solution serait aussi plus efficace, car elle pousserait les ménages à exploiter d’abord les stratégies d’atténuation les moins coûteuses. Celles-ci ne coïncident pas nécessairement avec les actions que les autorités ont choisi de subventionner, encore que les analyses coûts-avantages officielles donnent à penser que les programmes actuels ont des avantages nets importants. Cette démarche pourrait être complétée par des aides incitant les ménages pauvres à investir dans des appareils économes en énergie, si cela se révèle nécessaire pour desserrer les contraintes de crédit. Les autorités devraient redoubler d’efforts pour réduire les subventions au titre de la demande d’énergie tout en encourageant dans le même temps l’achat d’appareils économes en énergie.
22Le ciblage amélioré des subventions à l’énergie est l’un des objectifs déclarés du Mexique dans le contexte de sa stratégie énergétique ; des progrès sont accomplis, mais la mise en application continue de poser des difficultés politiques. La stratégie énergétique nationale vise notamment à adopter progressivement des barèmes de prix de l’énergie qui reflètent les coûts d’opportunité de la consommation, tout en protégeant les consommateurs pauvres au moyen de subventions mieux ciblées. Le gouvernement a mis en œuvre un nouveau programme de transferts monétaires lié à Oportunidades qui est censé aider les ménages pauvres à couvrir leurs besoins en énergie. Il faut toutefois intensifier les efforts pour mieux aligner les tarifs de l’énergie sur les coûts. De manière très opportune, les autorités ont augmenté régulièrement les prix de l’essence et du gazole au cours de l’année 2010, encore que ces prix restent inférieurs aux coûts d’opportunité. Le retrait des subventions à l’énergie est freiné en partie par les difficultés éprouvées pour obtenir un appui politique en faveur de la hausse des prix de l’énergie, comme en témoigne la tentative faite en 2002 de réduire les subventions pour les gros consommateurs. Elle a débouché sur l’instauration d’un tarif d’été encore plus subventionné et sur le reclassement de millions de consommateurs dans des tranches tarifaires plus fortement subventionnées.
23Le remplacement des subventions à l’énergie par des transferts monétaires ciblés sur les ménages pauvres, sous la forme d’une extension d’Oportunidades ou d’une prestation d’aide sociale, accroîtrait l’efficience des dépenses et aiderait le Mexique à atteindre ses ambitieux objectifs d’atténuation du changement climatique. Étant donné que les ménages à haut revenu captent actuellement la plus grande partie des subventions à l’énergie, on réaliserait des économies budgétaires en supprimant ces aides pour les remplacer par des transferts monétaires ciblés assurant une indemnisation complète des ménages pauvres. De plus, les transferts monétaires sont supérieurs aux subventions à l’énergie car ils ne faussent pas les signaux de prix. S’agissant des subventions à l’énergie, cet aspect est particulièrement important, puisque des prix maintenus à un niveau artificiellement bas stimulent la consommation, alors qu’il faut abaisser celle-ci pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. Par ses efforts d’atténuation du changement climatique, le Mexique joue un rôle de premier plan parmi les pays non inscrits à l’annexe 1, qui ne se sont pas engagés sur des objectifs explicites de réduction des émissions dans le contexte du protocole de Kyoto. En décembre 2010, le Mexique a accueilli une réunion des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et il a formulé ses propres objectifs ambitieux en matière de réduction des émissions (encadré 2.2). La réalisation de ces objectifs élevés dépend de l’aide financière et technologique des pays développés, dans le contexte de la stratégie gouvernementale contre le changement climatique. La suppression intégrale des subventions à l’énergie serait une première étape cruciale permettant au Mexique de s’affirmer comme un pays émergent chef de file pour l’atténuation du changement climatique. Selon des simulations effectuées par l’OCDE, un retrait des subventions à l’énergie dans les pays en développement contribuerait largement aux réductions mondiales des émissions de gaz à effet de serre (OCDE, 2009b).
Encadré 2.2. Les objectifs du Mexique en matière de changement climatique et les moyens de les atteindre
Il ressort d’ne étude (Johnson et al., 2009) que de nombreux projets d’atténuation, notamment une meilleure utilisation du potentiel de transport public ou la création d’activités de cogénération à PEMEX, qui aideraient le Mexique à réduire ses émissions de carbone, offrent des avantages financiers nets même sans tenir compte de la réduction des externalités environnementales. Certains de ces projets à valeur actualisée positive sont en cours d’exécution, mais d’autres n’ont pas encore démarré, notamment à cause d’obstacles administratifs et réglementaires. Ainsi, tous les projets de PEMEX caractérisés par un rendement net positif et un puissant effet de réduction des émissions ne sont pas en cours de réalisation. Cela tient à ce que l’investissement dans l’exploration offre souvent des rendements plus élevés, que les règles de contrôle interne de l’investissement restent complexes et que l’État souhaite éviter un gonflement excessif de la dette déjà lourde de PEMEX. En outre, il faudrait peut-être renforcer les capacités de gouvernance et de gestion pour permettre à PEMEX de lancer tous les projets rentables d’amélioration de l’efficacité énergétique.
D’une manière générale, les projets d’atténuation qui aideraient le Mexique à atteindre ses objectifs de réduction des émissions peuvent être subdivisés en trois grandes catégories. Une partie de la réduction de 30 % des émissions par rapport au niveau de référence qui devra être réalisée à l’horizon 2030 pour rester sur la trajectoire de réalisation des objectifs d’atténuation du changement climatique peut être obtenue en lançant des projets à valeur actualisée nette positive qui seraient réalisables si les obstacles administratifs et réglementaires étaient levés. Une autre partie pourrait être obtenue avec des projets qui conjuguent une valeur actualisée nette positive avec d’importants coûts d’investissement en amont exigeant une aide financière de la part de pays plus développés. Cette aide pourrait provenir d’un mécanisme de financement à réponse rapide actuellement élaboré dans le contexte des négociations de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. Enfin, il existe un groupe de projets qui présentent une valeur actualisée faiblement négative ou des coûts nets aux prix actuels de l’énergie. Pour que ces projets deviennent rentables, il faudrait tarifier les émissions en fonction de leur coût social par l’intermédiaire d’un marché du carbone, ce qui suppose soit des droits d’émission négociables, soit des taxes sur le carbone. Ce dernier dispositif n’a de sens que si les subventions actuelles à l’énergie sont supprimées.
Une étude demandée par le gouvernement relève les coûts élevés de l’inaction. Dans l’un des scénarios, ces coûts atteignent 6 % du PIB actuel (sur la base d’un taux d’actualisation de 4 %), soit environ le triple des coûts d’atténuation (Galindo, 2008).
24Il ne faudrait donc pas laisser passer l’occasion de réduire progressivement les subventions à l’énergie. Dans le cas de l’essence et du gazole, le mécanisme de lissage des prix pourrait être éliminé ou du moins accéléré pour assurer une convergence rapide jusqu’aux prix de référence internationaux. En veillant à ce que les prix de détail nationaux ne soient jamais inférieurs aux prix de référence internationaux on rapprocherait les prix du carburant des coûts sociaux, même si, pour résorber totalement l’écart, il faudrait relever les taxes sur l’énergie. Les autorités ont annoncé des hausses régulières des prix de l’énergie en 20101, mais cela peut être changé à tout moment. L’instauration d’une règle sur les modalités d’ajustement des prix de détail aux prix de référence internationaux permettrait de mieux isoler ce mécanisme des pressions politiques. Il serait politiquement plus aisé d’instaurer cette règle dans une période de baisse des prix de l’énergie, mais cette mesure s’impose en tout état de cause. Elle accroîtrait la sensibilité des recettes publiques aux fluctuations des prix internationaux de l’énergie, compte tenu de la comptabilité budgétaire du Mexique, qui enregistre les subventions publiques en tant que recettes négatives. Le Mexique pourrait envisager d’accompagner un tel mécanisme d’une couverture plus large des prix du pétrole ou, dans l’idéal, d’une augmentation des sommes économisées dans le fonds de stabilisation. Quant aux subventions à l’électricité, il serait possible de les supprimer en ajustant progressivement les tarifs en fonction des coûts de production, compte tenu d’une marge bénéficiaire. L’importance des subventions à l’électricité est en partie le résultat des coûts élevés de la fourniture d’électricité. Le Mexique a accru l’efficacité du secteur électrique mais de nouveaux progrès dans ce sens seront un pas important vers la réduction des subventions dans ce secteur. Cela limitera en outre l’incidence de la diminution des subventions sur les consommateurs.
Des mesures complémentaires atténueraient l’impact de la baisse des subventions à l’énergie sur les consommateurs
25Si les subventions à l’énergie sont progressivement réduites, certaines mesures pourraient être prises pour atténuer l’impact de cette baisse sur les consommateurs et rendre ainsi la réforme plus acceptable. On pourrait notamment améliorer le réseau de transports publics ou octroyer des subventions pour aider les ménages pauvres et moyens à isoler leurs logements et à investir dans des équipements et appareils économes en énergie, conformément aux programmes qui sont déjà mis en œuvre au Mexique. Ces mesures auraient en outre une incidence bénéfique sur la réduction des émissions, tout en atténuant l’impact de la hausse des prix de l’électricité sur les ménages.
26Améliorer encore l’efficacité du secteur de l’électricité contribuerait aussi largement à atténuer l’impact de la baisse des subventions sur les ménages, en abaissant les tarifs de l’électricité. Le gouvernement a récemment fermé Luz y Fuerza del Centro (LyFC), compagnie publique d’électricité très peu performante, qui absorbait chaque année des subventions directes massives de l’administration fédérale pour couvrir des pertes d’exploitation grandissantes, notamment des engagements au titre de retraites extrêmement généreuses, à quoi s’ajoutaient les subventions aux clients. Les coupures de courant étaient fréquentes et les pertes en ligne élevées, souvent liées à des vols d’électricité. La compagnie publique restante, Comisión Federal de Electricidad (CFE), a repris la clientèle de LyFC, ce qui devrait permettre des gains d’efficience. Cette réorganisation a déjà contribué à ramener de 10 à 4 mois le délai d’attente requis pour la mise en service d’une ligne électrique (Banque mondiale, 2010). CFE est plus performante et a encore fait des progrès ces dernières années. Cette société a investi dans de nouvelles capacités de production et a amélioré son réseau de transport, tout en réformant son système de retraite auparavant trop généreux pour l’aligner sur les régimes capitalisés à cotisations définies en vigueur dans le secteur privé et dans l’administration fédérale.
27Toutefois, de nouveaux progrès sont possibles. En témoignent les prix non subventionnés de l’électricité fournie à l’industrie, qui sont plus élevés que dans la plupart des autres pays de l’OCDE, ce qui nuit à la compétitivité nationale (graphique 2.9). Si cette situation est due dans une certaine mesure au fait que le Mexique doit produire la majeure partie de son électricité à partir des hydrocarbures ou du charbon en raison de ses caractéristiques géographiques, les entreprises estiment toujours que les infrastructures énergétiques sont inadaptées (graphique 2.10). Les autorités pourraient s’efforcer d’améliorer la gouvernance et la gestion de CFE, notamment en lui fixant des objectifs en fonction d’indicateurs de performance calés sur les résultats de compagnies d’électricité internationales efficientes. Dans le long terme, le gouvernement pourrait développer la concurrence dans la production d’électricité, par exemple en appliquant la stratégie esquissée dans l’Étude de 2007, ce qui impliquerait la mise en place d’un véritable marché de gros, avec un gestionnaire de réseau indépendant n’ayant aucun intérêt dans les actifs de production, qui assurerait l’équilibre entre l’offre et la demande.
Tarifs de l’électricité pour l’industrie
Tarifs de l’électricité pour l’industrie
Dollars par kWh sur la base des PPA, 200911. 2008 pour l’Autriche, la Belgique, l’Espagne et la Nouvelle-Zélande.
Opinion des entreprises sur l’infrastructure d’électricité1
Opinion des entreprises sur l’infrastructure d’électricité1
1. « L’infrastructure énergétique est-elle adéquate et efficiente ? ». La valeur 10 dénote la perception la plus positive.Le Mexique devrait aussi envisager de créer un système d’échange de droits d’émission ou d’augmenter les écotaxes
28Une fois supprimées les subventions à l’énergie, la mise en place d’un système de droits d’émission ou de taxes à large assise sur les GES serait une bonne méthode pour commencer à aligner les prix des émissions sur leurs coûts sociaux. Dans une certaine mesure, il pourrait être plus intéressant pour le Mexique de participer à des systèmes d’échange de droits d’émission que d’augmenter les taxes carbone, car il pourrait ainsi obtenir des fonds de l’étranger pour financer des investissements dans l’efficacité énergétique. En revanche, le prélèvement de taxes est plus facile, car l’infrastructure nécessaire pour ce faire est déjà en place. Le Mexique s’associe déjà aux efforts mondiaux pour réduire les émissions par le biais du Mécanisme pour un développement propre (MDP) du protocole de Kyoto. Au Mexique, comme dans les autres pays non inscrits à l’annexe I, les émissions ne sont pas plafonnées, mais le pays peut obtenir des crédits pour des projets qui aboutissent à des réductions des émissions de GES. Ces crédits sont définis comme des réductions certifiées des émissions (RCE). Le Mexique peut ensuite revendre ses crédits à des pays qui ont des engagements de réduction des émissions. Il n’en résulte pas de réduction supplémentaire des émissions par le pays qui achète le crédit, mais ce dispositif aide les pays ayant pris des engagements de réduction à atteindre leurs objectifs en exploitant des possibilités d’atténuation moins onéreuses dans des pays non inscrits à l’annexe I. En même temps, ces derniers peuvent obtenir des financements pour participer à des réductions mondiales des émissions. Les trois quarts de tous les projets MDP sont mis en œuvre dans quatre pays : le Brésil, la Chine, l’Inde et le Mexique. Toutefois, les projets MDP au Mexique ont engendré moins de crédits qu’escompté. De nombreux gestionnaires de projets ont jugé fastidieux et difficile de démontrer que leurs projets constituent un investissement supplémentaire qui n’aurait pas eu lieu en l’absence du mécanisme. Alors que le Mexique accueille environ 4.5 % de tous les projets MDP enregistrés, sa part dans les RCE n’est que de 1.6 %. [1] L’avenir incertain du MDP et du protocole de Kyoto en général a aussi accentué le scepticisme du marché à l’égard de ce mécanisme. À terme, une autre possibilité pourrait être offerte par un système nord-américain d’échange de droits d’émission. Si la perspective d’un système national d’échange de droits d’émission aux États-Unis s’est éloignée, il y a plus de chances de voir apparaître de nouveaux systèmes régionaux de plafonnement et d’échange en Amérique du Nord.
29Si un système de droits d’émission était mis en place aux États-Unis, il pourrait être de l’intérêt du Mexique de s’y associer. En particulier, comme il dispose de possibilités de réduction des émissions moins coûteuses que celles des États-Unis, le Mexique pourrait vendre des droits d’émission à son voisin du Nord. Cela l’aiderait à financer des investissements dans les réductions d’émissions. En l’absence de politiques fédérales dans ce domaine, certaines régions des États-Unis et du Canada ont élaboré leurs propres dispositifs. Il s’agit notamment de la Western Climate Initiative, dans laquelle certains États du Nord du Mexique sont déjà présents comme observateurs. Le Mexique a acquis une certaine expérience grâce au système interne d’échange de droits d’émission mis en place à PEMEX. Celui-ci pourrait être réactivé et étendu d’abord au secteur de l’électricité puis, progressivement, à d’autres industries clés. Les autorités ont fait de la création d’un marché national du carbone en 2011 l’un des objectifs de leur programme national sur le changement climatique. Ce programme mentionne à la fois les taxes et les systèmes de droits négociables parmi les instruments à explorer. Toutefois, ces plans se heurtent à des défis. Au Mexique, les secteurs de l’électricité et du pétrole sont dominés par des monopoles étatiques, qui ont des contraintes budgétaires légères. Leurs incitations à réduire leur production en réponse à une hausse des coûts d’émission seraient plus faibles que sur un marché concurrentiel, tout comme leurs incitations à investir dans de nouvelles technologies économes en énergie. Par conséquent, la tarification du carbone devrait s’accompagner de la mise en place de normes technologiques et de réglementations, à moins que le Mexique n’autorise une plus grande concurrence dans ces secteurs. De plus, l’intervention de l’administration fédérale, des États et des communes dans l’élaboration de la politique d’environnement accentue la complexité du dispositif d’application. Il est très probable que le secteur privé s’opposera à des mesures susceptibles d’affecter la compétitivité vis-à-vis de la Chine. Enfin, l’établissement d’inventaires des émissions de GES des entreprises n’est pas chose courante dans le secteur privé, pas plus que la vérification par des tiers, même si les pouvoirs publics ont acquis une expérience en matière d’inventaires nationaux de GES.
30La taxation des émissions serait une autre solution. Il existe actuellement deux taxes sur les automobiles et les autres véhicules qui peuvent avoir une visée environnementale, encore que de meilleures options soient envisageables. L’une de ces taxes est l’Impuesto sobre Automóviles Nuevos (ISAN), l’autre l’Impuesto Sobre Tenencia o Uso de Vehículos (ISTUV). L’ISAN est une taxe sur la valeur des voitures neuves, y compris les véhicules importés. Elle est susceptible de renforcer les incitations à acquérir des véhicules d’occasion, qui risquent d’être plus polluants. Une solution serait de l’assujettir à des normes techniques, notamment les niveaux de pollution. L’ISTUV taxe à la fois les véhicules usagés et les véhicules neufs en fonction de leur valeur et, dans certains cas, de leur poids. Elle a été réduite au niveau fédéral pour les voitures neuves et sera abolie pour tous les véhicules en 2012, mais les États sont habilités à la percevoir et certains d’entre eux le font. D’autres vont sans doute adopter une législation en ce sens avant 2012. Quoi qu’il en soit, aucune de ces deux taxes ne prendrait très bien en compte les émissions, de sorte qu’il ne s’agit pas d’un mécanisme très efficace de tarification du carbone.
31Une taxe sur l’essence et le gazole modulée en fonction de la teneur en carbone et conjuguée à des normes techniques obligatoires peut être une bonne solution de rechange. Ce prélèvement peut être assimilé à une taxe sur les émissions automobiles (Goulder et Parry, 2008). Pour un niveau donné de réduction des émissions, l’imposition conjointe d’une norme technique permet d’appliquer une taxe plus faible. Cela peut se révéler souhaitable, du moins au début, étant donné que les nouveaux impôts sont toujours difficiles à mettre en place, et qu’un taux élevé au départ ne facilite pas les choses. Selon une récente étude de la Banque mondiale sur les stratégies d’atténuation à faible coût, d’importantes réductions d’émissions pourraient être obtenues au moyen de contrôles des véhicules aux frontières qui limiteraient l’importation de véhicules d’occasion dont les émissions dépassent certaines normes, à quoi s’ajouteraient une inspection des véhicules et un programme d’entretien dans les grandes agglomérations, avec notamment des restrictions sur les véhicules les plus anciens (Johnson et al., 2009).
Il y a lieu d’augmenter l’efficacité des dépenses agricoles
32Des gains d’efficacité importants peuvent être réalisés en matière de dépenses agricoles. Alors que les dépenses publiques pour l’agriculture en pourcentage du PIB agricole sont élevées au Mexique par rapport aux autres pays d’Amérique latine (Banque mondiale, 2009) et aux autres pays de l’OCDE (graphique 2.11), les taux de croissance de la productivité sont relativement bas (Avila et Evenson, 2004). Cela donne à penser que les dépenses publiques n’ont guère d’effet sur la productivité agricole. De surcroît, une grande part des dépenses agricoles n’est pas compatible avec les objectifs du Mexique en matière de changement climatique : c’est le cas notamment des subventions à l’électricité pour le pompage d’eaux souterraines et du programme Ingreso Objetivo, dispositif de soutien des prix ciblé essentiellement sur des productions végétales de faible valeur, et parfois exigeantes en eau, qui consomment des ressources hydriques limitées. Ces deux programmes faussent la structure de production, au détriment d’une utilisation rationnelle des ressources et d’une spécialisation en fonction de l’avantage comparatif (Banque mondiale, 2009). Ces programmes vont aussi à l’encontre des objectifs d’autres programmes de dépenses, notamment ceux qui visent une utilisation plus efficiente de l’eau d’irrigation. Au total, cette situation dénote l’absence d’une planification stratégique des politiques agricoles.
33La productivité médiocre des dépenses agricoles au Mexique tient probablement au faible poids des dépenses en biens publics productifs tels que les infrastructures, la formation et la recherche-développement. En témoigne la part réduite des dépenses pour les services d’intérêt général – notamment la recherche, la formation et les infrastructures – dans le soutien total au secteur agricole (graphique 2.11). Dans ces dépenses entrent aussi le soutien aux producteurs – qui est au Mexique bien inférieur à la moyenne de l’OCDE lorsqu’on l’exprime en pourcentage des recettes agricoles brutes – et le coût pour le contribuable des subventions à la consommation, minorées des droits d’importation. S’agissant des dépenses agricoles proprement dites, plus de 80 % des crédits sont consacrés à des éléments privés tels que le soutien des revenus et des prix (Banque mondiale, 2009). Il serait souhaitable de supprimer une partie des dépenses les moins efficientes consacrées à des activités productives pour les réaffecter à des biens publics, notamment l’amélioration et la gestion de l’irrigation, les infrastructures de drainage et de transport, la recherche et la formation. Des études montrent qu’une réorientation des dépenses agricoles en faveur des biens publics et au détriment des biens privés peut avoir un important effet positif sur le revenu agricole par habitant (López et Galinato, 2007).
Estimations du soutien à l’agriculture1
Estimations du soutien à l’agriculture1
Moyenne 2005-081. Représente la valeur monétaire annuelle de tous les transferts bruts liés aux politiques financés par les contribuables et les consommateurs au profit du secteur agricole, l’estimation du soutien aux services d’intérêt général et la valeur monétaire annuelle des services d’intérêt général à l’ensemble des producteurs agricoles, y compris la recherche-développement et la formation.
2. 2006-2008.
34Les dépenses génératrices de fortes externalités négatives, par exemple les subventions à l’électricité et le programme Ingreso Objetivo, sont élevées et devraient être progressivement supprimées (Banque mondiale, 2009). Les effets préjudiciables des subventions à l’électricité ont déjà été examinés. Ingreso Objetivo est un programme de paiements compensatoires qui offre des aides égales à la différence entre le prix du marché et un prix de référence censé assurer un juste revenu aux producteurs des produits couverts. Tandis que ces mesures de soutien des prix peuvent se justifier dans des situations d’urgence, au Mexique le dispositif est utilisé comme un système de soutien permanent couvrant dix productions végétales de base (principalement des céréales) dans certains États. Il a été démontré que le programme Ingreso Objetivo fausse considérablement la production au profit des produits subventionnés, qui ne sont pas parmi les plus rentables, tout en étant souvent très exigeants en eau. Ingreso Objetivo crée aussi des incitations à surproduire, puisque les transferts dépendent de la production, même s’ils sont soumis à certaines limites. Par conséquent, la subvention tend à abaisser la productivité et à nuire à l’environnement. Les autorités devraient envisager de supprimer le programme Ingreso Objetivo et les subventions à l’électricité et de redéployer les ressources correspondantes vers des utilisations plus productives et moins génératrices de distorsions, notamment des investissements dans les infrastructures rurales, la formation et l’éducation. En fait, de nouvelles règles opérationnelles du ministère fédéral de l’Agriculture renforceraient les dépenses à ce titre. Le ministère a aussi demandé à l’OCDE d’évaluer les instruments de transfert de technologie et de renforcement des capacités du Mexique dans le secteur agricole. Les dépenses au titre d’Ingreso Objetivo ont nettement diminué depuis 2007, mais il s’agit là de l’effet mécanique de la hausse des prix internationaux. Les gains budgétaires induits ont été largement utilisés pour financer des subventions destinées à couvrir les mêmes productions sur les marchés à terme. Il vaudrait mieux profiter de cette occasion pour réduire sensiblement le soutien des prix, au moment où les cours internationaux sont élevés, et maintenir cet allègement du soutien même lorsque les cours internationaux baissent. Pendant une période de transition, les bénéficiaires pourraient recevoir des transferts monétaires à titre de mesure compensatoire temporaire, mais il faudrait supprimer rapidement ces transferts, par exemple en définissant un barème de paiements dégressifs au fil du temps. Ces deux catégories de subventions sont pour une large part captées par les producteurs à haut revenu, puisque la tranche de 10 % des agriculteurs les plus riches perçoit 60 % des subventions à l’électricité et 90 % des aides d’une famille de programmes, Apoyos a la Comercialización, qui comprend Ingreso Objetivo (Scott, 2010). Le graphique 2.3 révèle aussi le caractère régressif des subventions agricoles, y compris Ingreso Objetivo. Il n’y a donc pas lieu d’aider les bénéficiaires avec des transferts monétaires pendant une période prolongée. L’exemple d’un autre programme de soutien agricole, PROCAMPO, démontre la nécessité de réévaluer les transferts compensatoires découplés au bout d’un certain temps.
35PROCAMPO alloue des transferts forfaitaires aux propriétaires fonciers qui avaient pratiqué certaines productions végétales avant l’entrée en vigueur de l’ALENA, pour les dédommager de la suppression des programmes de soutien direct des prix dans le contexte de l’allégement de la protection commerciale. Par la suite, ce programme a été modifié pour devenir plus aisément accessible aux paysans pauvres pratiquant une agriculture de subsistance et accroître les transferts à ce groupe de façon à améliorer la progressivité du dispositif. Les transferts forfaitaires ont suscité beaucoup d’éloges car ils sont découplés de la production et des prix et génèrent donc moins distorsions que le soutien des prix. Toutefois, si leur finalité principale est d’indemniser les agriculteurs pour l’arrêt du soutien des prix, il est peu probable qu’ils permettent de réaliser d’autres objectifs, et l’on devrait réexaminer leur raison d’être après un certain délai. PROCAMPO était initialement conçu pour une durée de quinze ans après la mise en place de l’ALENA, de manière à amortir l’impact de celui-ci, mais bien que cette période ait pris fin en 2010, il n’est actuellement pas prévu de le retirer avant 2012. Les transferts monétaires devraient normalement servir de mécanisme de réduction de la pauvreté, mais PROCAMPO n’est pas correctement ciblé à cet effet. Ce programme étant lié à la propriété foncière, il exclut un important groupe cible – les sans-terre ruraux – tout en incluant les grands exploitants commerciaux. PROCAMPO alloue des prestations aux petits agriculteurs de subsistance et a donc un caractère moins régressif que d’autres grands programmes de subventions agricoles (graphique 2.3). Néanmoins, un tiers des paiements est versé au décile rural le plus riche, et 23 % à une tranche de 2.6 % à peine des agriculteurs qui figurent dans le décile le plus aisé de l’éventail de distribution du revenu national (OCDE, 2006). En revanche, les petits agriculteurs de subsistance qui possèdent moins de deux hectares de terre n’obtiennent que 13 % des prestations. Des études plus récentes confirment qu’un faible nombre de producteurs relativement prospères s’attribuent la plus grande partie des prestations PROCAMPO (Banque mondiale, 2009). PROCAMPO était censé permettre la reconversion des terres à des activités plus rentables. Pourtant, une décennie après sa mise en place, près de la moitié des bénéficiaires, petits et gros producteurs confondus, déclaraient ignorer qu’ils pouvaient consacrer leurs terres à n’importe quelle production végétale, tandis qu’un peu plus de 5 % à peine indiquaient avoir reconverti leurs terres (OCDE, 2006). PROCAMPO ayant atteint son objectif, qui était d’amortir l’impact de l’ALENA, il est temps de réévaluer ce programme. À moins de pouvoir le réorganiser à d’autres fins, on devrait le supprimer dès maintenant et consacrer les ressources correspondantes à des utilisations plus productives.
36Au total, les dépenses agricoles sont probablement encore plus régressives que ne le suggère l’analyse de différents programmes, car les grands exploitants agricoles commerciaux cumulent sans doute des transferts et subventions au titre de différents programmes. À l’heure actuelle, on ne dispose pas d’une Base de données intégrée qui permettrait aux autorités d’analyser ces effets d’accumulation. Les autorités s’emploient à mettre en place une Base de données de ce type. Cette initiative est tout à fait opportune, car elle aiderait à mieux évaluer l’impact redistributif des dépenses agricoles et pourrait servir à limiter le montant total du soutien que peuvent recevoir les agriculteurs individuels. Dans une première étape vers le retrait des programmes les plus inefficaces, le total des subventions et transferts que peuvent recevoir des agriculteurs ou des sociétés à titre individuel pourrait être plafonné en fonction de la nouvelle Base de données. PROCAMPO limite déjà le transfert que les agriculteurs peuvent recevoir à titre individuel.
37En outre, il convient de faire une évaluation plus complète de l’impact à long terme des programmes agricoles et de leurs interactions pour assurer une meilleure planification stratégique des dépenses agricoles. Le Programa Especial Concurrente (PEC) était initialement destiné à jouer ce rôle de mécanisme de planification, mais pour l’heure il ne représente guère plus qu’une annexe au budget, où sont décrites les dépenses pour l’agriculture et le développement rural (Banque mondiale, 2009). Cela s’explique en partie par la complexité de la tâche : le PEC contient plus de 90 programmes mis en œuvre par 13 ministères différents, sans compter les administrations infranationales. Il est sans doute possible de simplifier quelque peu l’attribution des politiques agricoles à différents ministères. Un autre problème tient au fait que la commission chargée d’allouer les ressources au sein du PEC est présidée par le ministère de l’Agriculture. Pour un ministère opérationnel qui n’a aucun pouvoir sur les autres membres de cette commission, c’est là une tâche très difficile. À cet égard, il conviendrait peut-être d’attribuer la présidence de la commission à un organisme plus puissant, par exemple le Bureau de la présidence ou le ministère des Finances, qui a pour mission de vérifier l’efficacité et la qualité des dépenses publiques et qui dispose de certains pouvoirs pour obtenir l’arrêt de programmes de dépenses. Les ministères des Finances et de l’Agriculture ont réalisé des progrès méritoires en utilisant des indicateurs de budgétisation fondés sur la performance pour détecter les programmes particulièrement inefficaces ou redondants. Certains d’entre eux ont pu ainsi être supprimés. Ces efforts sont tout à fait opportuns et devraient être poursuivis. Une seconde action consisterait à rationaliser les responsabilités en matière de dépenses pour l’agriculture et le développement, de manière à réaliser des gains d’efficience et à rendre la tâche moins lourde. Les évaluations sont obligatoires, mais elles sont fréquemment conduites sur une base annuelle et se bornent le plus souvent à contrôler la cohérence et à vérifier si les crédits alloués ont touché la population cible. Il faudrait réaliser davantage d’évaluations d’impact sur des périodes plus longues, mais aussi jauger le PEC dans son ensemble, puisque les sous-programmes ont parfois des effets qui se neutralisent. Le Mexique a demandé à l’OCDE de réaliser une étude approfondie des dispositifs institutionnels applicables à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l’évaluation de la politique agricole qui débouchera sur des recommandations concernant d’autres types de dispositifs. Ceux-ci devraient conduire à une répartition plus claire des responsabilités et à une amélioration de l’efficience, de l’efficacité, de la transparence, de la cohérence et de la stabilité dans l’administration publique de la politique agricole au Mexique.
Les autorités s’emploient à réduire les dépenses de fonctionnement et de personnel de l’administration fédérale
38Les autorités ont aussi lancé un programme de réduction des dépenses de fonctionnement et de personnel de l’administration fédérale qui prévoit, entre autres mesures, la centralisation et la réduction des achats publics de biens et de services et le gel des recrutements et des salaires des agents de rang inférieur. Pour les fonctionnaires de rang supérieur, des gels de salaires sont intervenus depuis 2003 et, en 2006, une réduction des salaires de 15 % a été mise en œuvre en mêle temps que des suppressions de postes. Le gouvernement entend également dresser un inventaire des tâches et des services faisant double emploi au sein des ministères et de l’administration ainsi qu’entre toutes les structures administratives, dans la perspective d’une rationalisation. Plusieurs programmes successifs de réduction des dépenses ont permis de réaliser au total 145 milliards de pesos d’économies aux prix de 2010, soit environ 1.25 % du PIB. Un nouveau programme vise à réduire les dépenses de fonctionnement et de personnel de 40 milliards de pesos sur la période 2010-12. Un certain nombre des mesures prévues correspondent à la suppression de postes ou à des gains d’efficience dans le fonctionnement ou les achats de l’administration et sont donc permanentes. D’après le gouvernement, les ressources ainsi dégagées seront redéployées au profit d’investissements dans l’infrastructure publique et les programmes sociaux.
39Les efforts déployés pour améliorer l’efficacité de l’administration publique sont louables et doivent se poursuivre ; en même temps, le gouvernement devrait éviter les compressions de dépenses qui risquent de compromettre la qualité des services. Il ne faudrait pas laisser passer l’occasion d’éliminer les doublons de programmes, de tâches et de services, car il y a encore beaucoup de possibilités dans ce domaine. À titre d’exemple, les affaires agricoles relèvent actuellement de deux ministères : le ministère de l’Agriculture et le ministère de la Réforme agraire, et nombre d’autres ministères ont en charge des programmes de dépenses pour l’agriculture et le développement rural. Il serait certainement possible de fusionner les deux ministères de l’Agriculture et de leur confier la responsabilité de l’ensemble des politiques agricoles et rurales, ou du moins de la plupart d’entre elles, afin de réaliser des gains d’efficience. Un certain nombre de ministères plus petits, comme celui du Tourisme ou de l’Administration publique, pourraient être intégrés à d’autres ministères. Les autorités ont proposé plusieurs de ces fusions dans le cadre de la réforme fiscale de 2009, mais celles-ci n’ont pas été approuvées par le Congrès. D’autre part, les efforts d’intégration et de rationalisation des tâches et des structures administratives au sein des ministères et à l’échelle interministérielle doivent se poursuivre. Le gouvernement devrait toutefois prendre soin d’éviter les réductions de dépenses susceptibles de compromettre la qualité du personnel des administrations ou des services qu’elles assurent. Il conviendrait d’affecter les ressources économisées sur les dépenses de fonctionnement et d’administration à d’autres domaines à rendement social élevé, lesquels sont nombreux au Mexique, plutôt que de chercher à obtenir une baisse globale des dépenses.
Élargir la base d’imposition
Seules les dépenses fiscales efficaces et efficientes méritent d’être maintenues
40Les réformes fiscales récentes – hausse de la TVA, introduction d’un impôt minimum sur le revenu des entreprises (IETU) et d’un impôt sur les dépôts en espèces (IDE), augmentation temporaire du taux d’imposition des sociétés et du taux marginal de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (encadré 2.3) – ont aidé le Mexique à étoffer ses recette fiscales structurelles, d’environ 2 points de pourcentage du PIB d’après les estimations officielles. Mais le pays a des besoins de dépenses importants du fait des efforts qu’il déploie pour accroître l’investissement dans la capacité de production et maintenir ces niveaux plus élevés de dépenses au titre de l’infrastructure, tout en étoffant ses politiques sociales. Le financement des retraites et de la santé sur le long terme posera vraisemblablement problèmes. De nouvelles mesures seront donc nécessaires à moyen terme pour augmenter encore les recettes fiscales. Cela devrait aussi diminuer la dépendance budgétaire du Mexique à l’égard des recettes pétrolières, qui sont volatiles essentiellement en raison des variations de des prix et qui sujettes à des incertitudes liées aux niveaux de production à long terme, bien que moins que par le passé. La réforme fiscale devra avant tout viser à élargir la base d’imposition puisque cela devrait aussi aider à rendre le système fiscal plus efficace. Au Mexique, la plupart des taux d’imposition sont comparables à ceux observés dans les pays de l’OCDE, à l’exception du taux marginal de l’impôt sur le revenu des personnes physiques qui est plus bas que dans aucun autre de ces pays ou presque (tableau 2.2). Les autorités mexicaines pourraient donc envisager des taux plus élevés pour les tranches supérieures de revenu, mais, globalement, ce n’est pas le niveau des taux qui explique la faiblesse des recettes fiscales.
Dernières statistiques fiscales publiées par l’OCDE
Dernières statistiques fiscales publiées par l’OCDE
1. Données de 2008.41Les dépenses fiscales peuvent coûter cher non seulement à cause de la perte de recettes correspondante, mais aussi parce qu’elles favorisent l’optimisation et la fraude fiscales en incitant les contribuables à faire de fausses déclarations pour bénéficier d’allégements d’impôt. De plus, elles créent des distorsions en gonflant la demande de biens et de services faisant l’objet d’avantages fiscaux. Par conséquent, bien que ces aides fiscales puissent être des instruments utiles dans certains cas, on ne devrait y avoir recours que lorsque leur efficacité et leur efficience ont été démontrées.
42Les pertes de recettes imputables aux dépenses fiscales représenteraient près de 20 % des recettes fiscales (environ 4 % du PIB), d’après les estimations du ministère des Finances (tableau 2.3). Récemment, les autorités ont commencé à retrancher la fraude fiscale estimée de leur calcul des dépenses fiscales afin de donner une meilleure idée des recettes supplémentaires que l’on pourrait raisonnablement attendre d’un élargissement de la base d’imposition. C’est cette approche qui explique dans une large mesure la diminution le montant estimé des dépenses fiscales après 2009. Comme les entreprises paient soit l’IETU, soit l’impôt ordinaire sur le revenu, les dépenses fiscales estimées au titre de ces deux régimes sont pondérées par leur part respective dans l’ensemble des recettes tirées de l’impôt sur le revenu pour calculer le total. Il s’agit d’une mesure approximative pour prendre en considération le double comptage. Les entreprises qui acquittent l’IETU ne réalisent pas de dépenses dans les régimes réguliers d’imposition sur les entreprises et celles-ci ne doivent pas être comptabilisées. En fait, l’IETU élimine ces échappatoires dans une certaine mesure.
Barème de l’ISR (en pesos)
Barème de l’ISR (en pesos)
Encadré 2.3. Le système fiscal mexicain
Les salariés bénéficient d’un crédit d’impôt sur les revenus du travail calculé comme indiqué ci-dessous.
Barème du crédit d’impôt sur les revenus du travail (valeurs annuelles)
Barème du crédit d’impôt sur les revenus du travail (valeurs annuelles)
La compagnie pétrolière publique PEMEX est assujettie à un impôt modifié sur le revenu concernant ses activités manufacturières, comme la raffinage. En outre, elle fait l’objet de divers prélèvements associés aux activités source de rentes, comme l’extraction pétrolière et gazière, définis dans la loi fédérale sur les redevances et les droits.
L’impôt sur les dépôts en espèces (impuesto a depósitos en efectivo, IDE) est entré en vigueur le 1er juillet 2008. Il grève au taux de 3 % les dépôts d’un montant supérieur à 15 000 pesos et vient en déduction de l’impôt sur le revenu.
Une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 16 % est prélevée sur la vente et sur l’importation de biens et services. Les exportations, les denrées alimentaires, les médicaments et quelques autres produits sont imposés au taux de 0 %. Certaines activités spécifiques, notamment la prestation de services médicaux et de services éducatifs, sont exonérées de TVA.
Des droits d’accise (impuesto especial sobre producción y servicios, IEPS) frappent certains biens et services particuliers. Ils sont prélevés selon un système de valeur ajoutée jusqu’au niveau de la vente en gros. Les ventes au consommateur final ne sont en principe pas taxées. Les cigarettes, l’essence et le gazole ne sont taxés qu’au niveau du producteur ou de l’importateur. L’IEPS sur l’essence et le gazole se décomposent en deux éléments : une taxe forfaitaire par litre prélevée par les États et une taxe correspondant à la différence entre les prix de détail au niveau national, lesquels sont fixés par l’État fédéral, et le prix international de référence. Cette seconde composante peut être négative lorsque le prix international de référence évolue très vite, plus vite que l’ajustement des prix de détail au niveau national.
Un droit d’accise spécial (impuesto sobre automóviles nuevos, ISAN) frappe les véhicules automobiles neufs. Pour les véhicules comptant jusqu’à 15 places, le taux est progressif et s’échelonne, selon le prix moyen de transfert, entre 2 % et 17 %. Pour les camions jusqu’à 4 250 kg, les remorques et les semi-remorques sont imposables au taux de 5 %.
Les États et le district fédéral prélèvent un impôt sur les salaires, généralement au taux forfaitaire de 2 % sur la masse salariale brute. Dans certains États, ce taux est compris entre 1 et 2.5 %, et il peut y avoir des exonérations destinés à promouvoir la création d’emplois dans des régions sous-développées.
Les employeurs et les salariés cotisent obligatoirement tous les deux mois au régime de sécurité sociale géré par l’Instituto Mexicano del Seguro Social (IMSS) pour le secteur privé et par l’Instituto de Seguridad y Servicios Sociales de los Trabajadores del Estado (ISSSTE) pour le secteur public. Outre le paiement de leurs propres cotisations, les employeurs assurent le prélèvement et le versement de celles dues par leurs salariés. Ces cotisations sont assises sur le salaire. Les employeurs doivent également verser l’équivalent de 5 % des gains journaliers de leurs salariés au Fonds national d’aide au logement (Instituto del Fondo Nacional de la Vivienda para los Trabajadores, INFONAVIT) pour financer la construction de logements sociaux. Employeurs et salariés cotisent en outre à un régime de retraite par capitalisation à cotisations définies géré par des prestataires privés. Globalement, les charges sociales et les contributions obligatoires à l’assurance privée se montent à environ 20 % du salaire brut. À cela vient s’ajouter une cotisation forfaitaire de base à l’assurance maladie représentant 20 % du salaire minimum.
Il existe un impôt foncier municipal annuel dont le taux varie entre 0.05 % et 1.2 %.L’acquisition d’un bien immobilier est également soumise à un impôt municipal, à des taux généralement compris entre 1 % et 5 %.
43Prévoir un budget pour les dépenses fiscales est une bonne chose, mais le gouvernement mexicain pourrait aller un peu plus loin en procédant chaque année à une évaluation rigoureuse de l’efficacité et de l’efficience de quelques-unes de ces mesures. Le législateur et le public seraient ainsi mieux à même de déterminer quelles sont les dépenses utiles et justifiées par rapport à leur coût et celles qui pourraient être limitées ou remplacées par des instruments plus efficients et plus transparents, par exemple des transferts directs, pour atteindre les mêmes objectifs. En réalité, certaines niches fiscales, comme les taux zéro et les exonérations de TVA, ont déjà fait l’objet de nombreuses analyses, mais pour d’autres, notamment les régimes spéciaux dont bénéficient certain secteurs ou certaines entreprises en raison de leur taille, le crédit d’impôt sur les salaires versés ou l’application du taux réduit et du taux nul sur les avantages annexes, aucune évaluation sérieuse n’est encore disponible.
Pertes de recettes imputables aux dépenses fiscales
Pertes de recettes imputables aux dépenses fiscales
En % du PIB sauf indication contraireLes régimes spéciaux devraient être réexaminés
44Il existe au Mexique un grand nombre de régimes spéciaux qui accordent un traitement fiscal préférentiel aux usines d’assemblage travaillant pour l’exportation (maquilas), aux entreprises agricoles et de transport ainsi qu’aux petites et moyennes entreprises (encadré 2.4). Même si le manque à gagner résultant de ces régimes spéciaux n’est pas excessif par rapport au budget des dépenses fiscales (environ ½ point de pourcentage du PIB en 2009), leur coût est en fait bien plus lourd. Premièrement, le budget des dépenses fiscales ne tient pas compte de l’intégralité des pertes de recettes engendrées par le dispositif, surtout en ce qui concerne le régime dont bénéficient les maquilas. Deuxièmement, les régimes spéciaux et les niches fiscales compliquent la législation fiscale et favorisent de ce fait les stratégies d’optimisation fiscale, voire la fraude pure et simple, en incitant les entreprises à sous-évaluer leur revenu ou à faire de fausses déclarations, ce qui aggrave le manque à gagner. Ils peuvent aussi aboutir à des distorsions en canalisant un volume trop important de ressources vers les secteurs fiscalement avantagés. Étant donné les inconvénients que représente la dépendance du Mexique à l’égard du secteur extrêmement instable des activités d’assemblage destinées à l’exportation (voir chapitre 1), on peut se demander s’il est justifié de subventionner les maquiladoras en leur faisant payer moins d’impôt. Il faudrait procéder à une évaluation coûts-avantages approfondie de tous les régimes spéciaux et ne conserver finalement que ceux dont l’efficacité est démontrée.
45Un régime fiscal particulier peut se justifier pour les petites entreprises non productives, surtout dans les pays où l’économie informelle est très développée, car le coût de la discipline fiscale, fixe pour l’essentiel, est pour elles plus difficile à supporter (OCDE, 2009a). C’est pourquoi il existe, par exemple, des régimes de déclaration simplifiée pour les petites entreprises, avec imposition forfaitaire du revenu et obligations comptables allégées. Étant donné la faible productivité des petites entreprises du secteur informel, certains régimes simplifiés prévoient aussi des dégrèvements d’impôt pour leur permettre de survivre une fois leurs activités régularisées. Cette situation concerne sans doute le Mexique, où un grand nombre de petites entreprises non déclarées sont beaucoup moins productives que leurs homologues du secteur formel, en particulier celles de plus grande taille, comme on le verra au chapitre 4. La mise en place d’un régime simplifié assorti d’allégements fiscaux pourrait donc être utile pour amener ces entreprises à se soumettre à l’impôt, ce qu’elles ne feraient sans doute pas sans cela, car le poids de la fiscalité ne leur permettrait pas de survivre. D’un autre côté, il y a aussi des raisons de limiter la durée des réductions d’impôt, dans la mesure où un soutien prolongé à des entreprises non productives qui sont incapables d’améliorer leurs performances risque de fausser l’allocation des ressources, de freiner la productivité globale et par conséquent de réduire les recettes fiscales. Cela dit, dans un pays comme le Mexique où de nombreux travailleurs peu qualifiés ne sont peut-être tout simplement pas en mesure de devenir assez productifs pour trouver un emploi dans le secteur formel, il y a un juste milieu à trouver. Dans cette perspective, si l’on force les entreprises à sortir des régimes simplifiés au bout de quelques années, il faudrait que cela aille de pair avec une certaine forme d’accompagnement technique pour que la mise en conformité avec la réglementation du travail et la réglementation fiscale n’ait pas un coût trop élevé en termes de perte de chiffre d’affaires et d’emploi. Les allégements d’impôt consentis par les régimes spéciaux doivent être bien calculés pour que ce qui est gagné d’un côté grâce à la régularisation d’un certain nombre de petites entreprises ne soit pas perdu de l’autre à cause de taux réduits ou de procédures simplifiées. Un effort est également nécessaire en matière de recouvrement pour faire en sorte que l’impôt, même réduit, soit effectivement collecté.
46Il n’est pas sûr que le régime spécial d’imposition des petites entreprises (REPECO, Régimen para pequeños contribuyentes) en vigueur au Mexique soit efficace pour lutter contre la fraude ; de plus, ce régime est coûteux. Le REPECO est assez généreux en matière de seuils et de taux d’imposition (encadré 2.4), mais les entreprises qui en bénéficient arrivent quand même à se soustraire à 95 % de leurs obligations (Fuentes et al., 2010), ce qui montre que ce régime n’est pas très efficace contre la fraude.
Encadré 2.4. Les régimes spéciaux d’imposition au Mexique
Il existe un régime intermédiaire pour les entreprises non constituées en sociétés dont le chiffre d’affaires est supérieur au seuil susmentionné mais ne dépasse pas 4 millions de pesos (environ 300 000 USD). Ces entreprises voient leur revenu imposé sur la base de la comptabilité de caisse, c’est-à-dire après déduction des dépenses d’équipement immédiatement passées en charges. Pour certaines entreprises agricoles et de transport, la déduction immédiate des dépenses d’équipement n’est autorisée qu’à partir d’un seuil assez élevé (10 millions de pesos).
Les entrepreneurs individuels et les entreprises non constituées en sociétés peuvent déclarer leur revenu sur la base des encaissements-décaissements, mais ils doivent appliquer les mêmes règles d’amortissement que les sociétés soumises à la comptabilité d’exercice.
Les entreprises agricoles et du secteur des transports ainsi que les usines d’assemblage travaillant pour l’exportation (maquiladoras) bénéficient aussi d’un régime fiscal préférentiel. Les entreprises agricoles ont droit à la déduction immédiate ou accélérée des dépenses d’investissement, y compris pour l’achat de terres, ainsi qu’à un abattement spécial à hauteur de 20 fois le salaire minimum pour chacun des associés de la société, sous réserve d’un plafond, et à une réduction de plus de 30 % de l’impôt à payer. Certaines entreprises de transport non constituées en sociétés bénéficient d’un abattement de 10 à 15 % sur leur revenu imposable. Les maquiladoras payent des impôts sur une partie de leur actif ou de leurs charges d’exploitation et autres charges, plutôt que sur leurs bénéfices. De plus, il y a deux ans, une exonération a encore réduit leur base d’imposition, et la TVA leur est appliquée au taux zéro.
47Les allégements d’impôt accordés aux petites entreprises peuvent néanmoins être avantageux s’ils favorisent la régularisation d’activités informelles. En Espagne, l’administration fiscale a mis en place avec un certain succès un service dédié au régime spécial des petites entreprises, qui effectue les contrôles fiscaux et apporte un soutien technique aux contribuables pour les aider à se conformer à la législation fiscale. Des institutions financières, des associations professionnelles et des administrations infranationales offrent aussi leur assistance dans ce domaine (Junquera et Pérez, 2001 ; IADB, 2005). Parallèlement à des efforts accrus en matière de recouvrement, notamment avec la création d’une cellule et de tribunaux spécialisés pour lutter contre la fraude fiscale (encadré 2.5), ces mesures ont permis à l’Espagne d’accroître de plus de 70 % les contributions fiscales des petites entreprises (Farrell, 2004 ; Capp et al., 2005). Comme les revenus de cette catégorie de contribuables sont parfois difficiles à vérifier, certains pays, dont l’Espagne, ont recours à des critères physiques, par exemple le nombre de salariés ou la consommation d’énergie, pour déterminer le montant de l’impôt à payer (OCDE, 2009a ; Farrell, 2004).
Encadré 2.5. Une vaste réforme pour accroître les recettes fiscales en Espagne
Avant de s’engager sur la voie des réformes en 1977, l’Espagne avait un système fiscal fragmenté, caractérisé par une multitude de régimes et traitements spéciaux et par la faible part de l’impôt sur le revenu dans le total des recettes. En fait, 1 % seulement de la population payait l’impôt sur le revenu dit « général », alors que s’appliquait un système cédulaire en vertu duquel différentes catégories de revenu étaient imposées à des taux différents. La part des prélèvements sociaux était élevée, en revanche, représentant environ 10 % du PIB. Les possibilités d’échapper à l’impôt étaient très nombreuses, en particulier pour les hauts revenus, et la fraude ne présentait guère de risque puisqu’elle n’était pas une infraction pénale, que les amendes étaient modestes et que l’administration fiscale centralisée disposait d’effectifs limités par comparaison avec celles des autres pays. Compte tenu de la fraude fiscale massive touchant les hauts revenus, le système fiscal espagnol était sans doute globalement régressif (Onrubia, 2006 ; Martínez-Vazquez et Torgler, 2005).
Dans les années 80, l’Espagne a entrepris de vastes réformes, parmi lesquelles notamment l’instauration d’une TVA et d’un impôt sur le revenu à large assiette, respectant les critères d’équité verticale et de progressivité, et d’un impôt sur les sociétés débarrassé des régimes et traitements spéciaux qui caractérisaient le système précédent.
Un vaste effort de modernisation de l’administration fiscale entrepris dans la foulée de ces réformes a ensuite débouché sur la décentralisation des services, un accroissement substantiel des effectifs, une revalorisation des carrières des agents des impôts, l’informatisation des procédures et un meilleur service d’assistance aux contribuables. C’est ainsi que le nombre de contribuables a été multiplié par près de 40 entre 1977 et 2003, passant de 400 000 à 15.5 millions (Onrubia, 2006). Par la suite, l’administration fiscale a été transformée en un organisme semi-autonome bénéficiant d’une indépendance accrue en matière de gestion, la fraude fiscale est devenue une infraction pénale et des tribunaux spécialisés dans ce domaine ont été créés.
Un vaste effort de modernisation de l’administration fiscale entrepris dans la foulée de ces réformes a ensuite débouché sur la décentralisation des services, un accroissement substantiel des effectifs, une revalorisation des carrières des agents des impôts, l’informatisation des procédures et un meilleur service d’assistance aux contribuables. C’est ainsi que le nombre de contribuables a été multiplié par près de 40 entre 1977 et 2003, passant de 400 000 à 15.5 millions (Onrubia, 2006). Par la suite, l’administration fiscale a été transformée en un organisme semi-autonome bénéficiant d’une indépendance accrue en matière de gestion, la fraude fiscale est devenue une infraction pénale et des tribunaux spécialisés dans ce domaine ont été créés.
Parallèlement, le système de santé a été entièrement restructuré. Au milieu des années 80, l’Espagne a transformé son système d’assurance maladie, jusque-là financé par des prélèvements sociaux et réservé aux cotisants, en un système national de type universel. Du coup, le nombre de personnes assurées a considérablement augmenté et le financement des prestations a été peu à peu transféré des cotisations sociales à l’impôt. Certaines données montrent que cette extension de la couverture de l’assurance maladie a eu un effet positif sur le consentement des contribuables à payer des impôts.
Pendant la réforme, c’est-à-dire grosso modo entre 1980 et 1995, la discipline fiscale s’est en effet considérablement améliorée, la proportion de personnes déclarant que la fraude fiscale n’est « jamais justifiée » passant alors de 50 à 70 % (Martínez-Vaquez et Torgler, 2009), pour retomber ensuite à 65 % in 2007. Des services sociaux de meilleure qualité, notamment un système de protection sociale moins fragmenté, une couverture plus large et le sentiment d’une plus grande justice fiscale ont peut-être contribué à cette amélioration. D’après des données d’enquêtes et de laboratoire, l’efficacité de l’administration, la qualité des services publics et une fiscalité perçue comme étant équitable seraient en effet des facteurs qui influent positivement sur le consentement à payer l’impôt et le respect des obligations fiscales (Cummings et al., 2007).
48L’administration fiscale des entreprises soumises au régime REPECO ayant été récemment transférée au niveau des États, c’est là qu’il importe maintenant de renforcer les moyens des services fiscaux. En fait, depuis qu’il incombe aux États d’administrer ce régime, les sommes collectées au titre du REPECO ont légèrement augmenté, mais la fraude fiscale reste importante. Pour les inciter à plus de rigueur, il a été décidé que les États auraient le droit de conserver une partie des recettes supplémentaires récupérées grâce aux contrôles fiscaux réalisés dans le cadre du REPECO, et cette initiative a connu jusqu’à présent un certain succès. Le Mexique devra quand même prendre de nouvelles mesures pour renforcer les capacités de recouvrement de l’impôt à l’échelon des États, par exemple en organisant pour le personnel des services fédéraux et des services décentralisés des formations communes aux techniques de contrôle. If faudra aussi que les différentes administrations et les organismes de sécurité sociale poursuivent leurs efforts pour la mise en commun et le recoupement des données, car c’est en confrontant systématiquement les informations provenant de sources diverses, par exemple des registres de la sécurité sociale, des déclarations de revenu et des banques, que l’on fera mieux respecter la loi. Le Servicio de Administración Tributaria (SAT), c’est-à-dire l’administration fiscale fédérale, a déjà recours à des techniques de recoupement des données, mais elles gagneraient à être étoffées. Quant aux services fiscaux des États, ils auront sans doute besoin de nouvelles formations pour que leur personnel apprenne à se servir efficacement de ces outils.
49Plusieurs arguments plaident en faveur d’une restructuration de la taxation des petites entreprises. Du fait de l’abattement relativement élevé dont ils bénéficient, les petits entrepreneurs du régime REPECO sont incités à sous-déclarer leurs salariés parce qu’ils ne peuvent pas déduire les cotisations sociales de leur base imposable, alors que ces charges représentent près de 40 % des revenus du travail pour les salaires les plus bas. Pour la même raison, ils sont aussi plus enclins à faire appel aux services de travailleurs indépendants ou non déclarés. De leur côté, les travailleurs sont tentés de rester à leur compte ou de travailler comme comisionistas dans la mesure où ils n’apprécient pas toujours pleinement les avantages d’une couverture sociale, ce qui risque d’ailleurs de poser un certain nombre de problèmes au Mexique, comme on le verra au chapitre 4. Par conséquent, il y aurait peut-être lieu de se demander si l’on ne pourrait pas transférer une partie du financement de la sécurité sociale des revenus du travail vers d’autres bases, qui incluraient au moins dans une certaine mesure les revenus des propriétaires de petites entreprises. Depuis 2008, les contribuables relevant du régime REPECO sont aussi assujettis à l’IETU (encadré 2.3), ce qui signifie que leur charge fiscale a déjà probablement augmenté, dans la plupart des cas, puisque cet impôt a un taux plus élevé et qu’il ne donne droit à aucun abattement à la base. Il y a donc là une bonne occasion d’évaluer jusqu’à quel point il est nécessaire d’alléger les impôts des petites entreprises pour les amener à régulariser leurs activités non déclarées.
50Une révision approfondie de certaines dispositions du régime REPECO est par conséquent souhaitable. Il faudrait en particulier se demander si les allégements d’impôt accordés aux petites entreprises ne sont pas plus généreux qu’il ne faut et comment mettre en place un dispositif efficace pour les amener progressivement à s’en passer. À titre d’exemple, le Mexique pourrait instaurer un système de vérification périodique obligatoire de l’admissibilité, tous les cinq ou dix ans, ou même limiter d’emblée la période d’éligibilité. Il pourrait aussi envisager de supprimer le régime intermédiaire (encadré 2.4), car un seul régime spécial bien conçu, accompagné d’un dispositif efficace de sortie progressive et d’accompagnement devrait en principe suffire pour les petites entreprises. On ne voit pas très bien, du reste, ce qui pourrait justifier l’application de plusieurs régimes spéciaux en fonction de la taille des entreprises. Enfin, l’instauration, dans le cadre du régime ordinaire, de crédits d’impôt ou d’abattements suffisamment élevés pour tenir compte de la situation des petites entreprises peu productives, parallèlement à la suppression des régimes spéciaux, serait une autre piste à explorer.
Il faudrait élargir l’assiette de la TVA et prévoir des compensations pour les ménages à faible revenu
51Les dépenses fiscales imputables au régime de la TVA comprennent le taux zéro dont bénéficient certains produits, les exonérations et les taux réduits appliqués dans les régions frontalières. D’après les estimations des autorités mexicaines, il en résulterait un manque à gagner de l’ordre de 2 % du PIB (tableau 2.6), ou de 1.5 % lorsque l’on tient compte de la fraude fiscale. Pour Dalsgaard (2000), la TVA à taux zéro sur les produits alimentaires représenterait à elle seule une perte de recettes évaluée à 1.8 % du PIB, soit ½ point de plus que l’estimation du ministère des finances. Les chiffres avancés par Fuentes et al. (2010) sont encore plus élevés : 2.2 % du PIB de moins-value pour l’alimentation et 5.4 % pour l’ensemble du régime. Ces calculs ne reposent pas sur des microdonnées, mais ont été réalisés à partir des comptes nationaux. Toutefois, ils ne prennent pas en considération les ajustements au titre de la consommation non taxée, comme la production domestique, certaines parties de la consommation publique et la fraude fiscale. La prise en compte de ces éléments réduirait les chiffres estimés et les rapprocherait de ceux des autorités. Le taux de productivité de la TVA, qui mesure les recettes effectives de la taxe en pourcentage des recettes que générerait l’application du taux normal à l’ensemble des ventes finales de biens et de services, se situe autour de 30 % au Mexique, soit un niveau plus bas que dans aucun autre pays de l’OCDE (graphique 2.12). Ce ratio reflète le cumul des dépenses et de la fraude fiscales. Il suggère implicitement que celles-ci représentent, ensemble, quelque 7 % du PIB.
Productivité de la taxe sur la valeur ajoutée1
Productivité de la taxe sur la valeur ajoutée1
200521. La productivité de la TVA se mesure par le ratio entre les recettes de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) effectivement collectées et les recettes qui seraient théoriquement perçues si la TVA s’appliquait au taux normal à l’ensemble des dépenses de consommation finale. Il donne une indication de la productivité de la TVA dans un pays par rapport à une norme. Pour le Canada, le calcul porte uniquement sur la TVA fédérale. L’agrégat OCDE est une moyenne non pondérée des résultats obtenus pour tous les pays indiqués.
2. 2009 pour le Mexique et 2007 pour la Slovénie.
52Les taux réduits de TVA qui s’appliquent aux régions frontalières, bien que moins coûteux pour le budget – avec un manque à gagner estimé à 0.13 % du PIB – n’en sont pas moins une source potentielle de graves distorsions. À l’origine, ces taux réduits avaient pour but de dissuader les achats aux États-Unis, où les taxes sur les ventes au détail sont plus faibles que la TVA mexicaine. Ils s’appliquaient dans une bande de vingt kilomètres de large longeant la frontière. Avec le temps, cependant, cette zone fiscale préférentielle a été étendue à l’intégralité du territoire des États concernés. Selon quelques données présentées dans une étude récente, on observerait un surcroît de valeur ajoutée de 12-15 % dans les zones initialement favorisées par cet avantage fiscal, ce qui donne à penser qu’il a peut-être influé sur la répartition de l’activité économique à l’intérieur du pays (Davis, 2010). Il pourrait être souhaitable pour le Mexique d’envisager un réexamen de la TVA à taux réduit dans les régions frontalières.
53En matière de TVA, le but des exonérations et des taux zéro est d’atténuer le caractère régressif de la taxe. En fait, la part de la dépense fiscale correspondante dans le revenu des ménages est plus élevée pour les ménages modestes que pour les autres, même si la différence est moins marquée dans le cas de l’exonération que dans celui du taux zéro (tableau 2.6).
Incidence des dépenses fiscales au titre de la TVA
Incidence des dépenses fiscales au titre de la TVA
54Quoi qu’il en soit, le taux zéro et les exonérations de TVA ne sont pas des instruments utiles pour lutter contre la pauvreté. En effet, bien qu’ils aient un caractère progressif dans la mesure où ils profitent davantage, proportionnellement, aux revenus modestes, ce sont les ménages à revenu élevé qui captent la plus large part de ces aides fiscales en valeur absolue (tableau 2.7). Comme les subventions à l’énergie, elles sont donc mal ciblées. C’est pourquoi il serait souhaitable de remplacer le taux zéro et les exonérations de TVA par des transferts monétaires spécifiquement destinés aux ménages pauvres, comme la prestation d’aide sociale proposée plus haut. Dalsgaard (2000) calcule qu’en taxant les denrées alimentaires au taux normal de TVA, le Mexique pourrait dégager des recettes supplémentaires représentant 1.8 % du PIB, tandis que les aides consenties pour compenser intégralement l’impact de cette mesure sur les ménages des deux déciles inférieurs ne coûteraient que ¼ de point de PIB. En revanche, si le Mexique voulait obtenir 1.5 % de PIB de recettes de TVA supplémentaires par une hausse du taux normal sans élargissement de l’assiette, tout en compensant l’effet de la mesure sur les deux premiers déciles de revenu, il faudrait relever le taux de la TVA de près de 8 points de pourcentage (Banque mondiale, 2007).
55Malgré les avantages évidents d’une telle mesure, jusqu’à présent, toutes les tentatives d’élargissement de l’assiette de la TVA avec compensation pour les ménages pauvres ont échoué, et la voie du succès en la matière ne paraît guère assurée. En 2009, le gouvernement a proposé une réforme prévoyant l’instauration d’une taxe de 2 % sur toutes les ventes, y compris celles de produits alimentaires et de médicaments, et la revalorisation des prestations d’Oportunidades. Après le rejet de cette proposition par le Parlement, il a décidé d’augmenter d’un point le taux de la TVA, qui est ainsi passé de 15 % à 16 %, sans toucher aux exonérations ni au taux zéro. Les transferts d’Oportunidades ont été accrus pour compenser les pauvres des effets du changement, notamment une expansion de la couverture aux zones urbaines. L’application du taux normal de TVA à l’alimentation, exception faite d’un certain nombre de produits essentiels composant une large part du panier de consommation des ménages modestes, est une possibilité qui est parfois évoquée. Cette mesure permettrait d’atténuer l’effet régressif d’une extension du champ d’application de la TVA. Cependant, le choix des produits à exonérer serait sans doute difficile à négocier et la définition d’un tel panier ferait l’objet de contestations importantes devant les tribunaux. L’élargissement de l’assiette de la TVA, compensée par des prestations en faveur des ménages pauvres, serait moins susceptible de marchandages politiques. À titre transitoire, il pourrait être judicieux de taxer d’abord à taux réduit les produits actuellement soumis au taux zéro ou exonérés. L’expérience montre qu’une telle réforme n’est pas facile à appliquer, mais ses avantages sont tels que de nouveaux efforts mériteraient d’être faits. La seule stratégie capable de mener finalement au succès réside sans doute dans la persévérance : expliquer inlassablement l’intérêt d’une TVA élargie et redoubler d’efforts pour lancer de nouvelles réformes dans la perspective d’une élimination progressive de la TVA à taux zéro et des exonérations.
Les autorités devraient envisager de taxer les éléments de salaire encore non soumis à l’impôt
56L’imposition au même taux de tous les éléments du salaire serait un pas important dans le sens d’un élargissement des bases de l’impôt sur le revenu, d’une simplification du système fiscal et de l’équité horizontale. Un grand nombre d’éléments du salaire et d’avantages annexes sont totalement ou partiellement exonérés, en particulier la rémunération des heures supplémentaires, les primes, les sommes perçues dans le cadre des plans d’épargne d’entreprise ainsi que les indemnités pour frais d’études, les coupons alimentaires, la garde d’enfants, les activités culturelles et sportives financés par l’employeur et le remboursement des frais médicaux. D’après les estimations officielles, cela représenterait un manque à gagner d’environ ½ pour cent du PIB uniquement pour l’impôt sur le revenu frappant les salaires, c’est-à-dire sans compter les moins-values fiscales additionnelles engendrées par le fait que les entreprises sont elles aussi autorisées à déduire ces divers éléments de leur base imposable. Les indemnités partiellement ou intégralement exonérées d’impôt peuvent représenter jusqu’à 30 % du salaire moyen (Alvarez Estrada, 2010). Ces réductions et exemptions sont difficilement justifiables et offrent de nombreuses possibilités d’optimisation fiscale. En même temps, elles posent un problème d’équité horizontale car les petites entreprises ne sont souvent pas en mesure de proposer des conditions de rémunération aussi intéressantes, en termes d’indemnités non imposables, que les grandes. Elles mettent aussi à mal l’équité verticale dans la mesure où seuls en bénéficient les contribuables assez aisés pour payer des impôts. Le Mexique pourrait légitimement envisager de taxer un plus grand nombre de ces indemnités au même titre que les éléments de salaire « ordinaires » afin de limiter l’optimisation fiscale. Une solution intermédiaire consisterait à taxer ces avantages annexes au niveau de l’employeur, comme en Australie, ou bien à interdire leur déduction des bénéfices de l’entreprise, comme en Hongrie (Webb, 2001). Le Mexique a opté pour une formule analogue dans le cadre de son régime d’impôt minimum sur le revenu des entreprises, décrit dans la section suivante. Dans les cas où une subvention pourrait sembler opportune, par exemple pour la garde des enfants, les autorités devraient plutôt envisager une aide directe, plus transparente.
Le choix du futur modèle de fiscalité des sociétés requiert un examen approfondi de l’impôt à taux unique sur les entreprises
57En 2008, le gouvernement a instauré un impôt minimum à taux unique (l’Impuesto Empresarial a Tasa Unica, IETU) pour limiter les pertes de recettes liées aux possibilités de planification fiscale offertes par le régime de fiscalité des sociétés (voir encadré 2.3). L’IETU n’est applicable que si son montant dépasse celui exigible au titre de l’impôt sur le revenu des personnes physiques et des sociétés. Il s’accompagne d’un crédit d’impôt pour les cotisations de sécurité sociale et les salaires, qui restent donc effectivement non imposables, mais pas pour les éléments de salaire exonérés d’impôt, ce qui limite considérablement les possibilités d’optimisation fiscale. La création de cet impôt à taux unique sur les entreprises tient en partie à l’impossible suppression des niches fiscales pour des raisons politiques.
58Étant donné que l’IETU a été introduit peu avant la crise, il est trop tôt pour évaluer pleinement son potentiel. En tout état de cause, cet impôt a contribué à limiter les pertes de recettes liées aux niches fiscales, ce qui est bienvenu. L’IETU devrait donc être maintenu pour le moment. En outre, le Mexique devrait tirer parti de l’évaluation demandée par le Congrès pour la mi-2011 pour développer davantage les instruments dont il dispose pour élargir la base d’imposition et simplifier le système. L’inconvénient du système actuel oblige les entreprises et les entrepreneurs individuels à faire au même moment des déclarations pour deux impôts différents. Néanmoins, à long terme, il serait idéal de simplifier le régime d’imposition des sociétés. Mais l’IETU n’en viendrait à faire double emploi que si le Mexique parvenait à élargir sensiblement la base de son système fiscal normal d’imposition des sociétés. Autrement, l’IETU devait continuer à jouer un rôle important dans la lutte contre les niches fiscales. Ne garder que l’IETU est une autre option que le Mexique pourrait envisager, mais il ne faudrait pas que cela conduise à des moinsvalues sur recettes, qui pourraient exiger un relèvement du taux. Il faut aussi prendre en compte les coûts de transition compliqués qu’implique le passage à la déduction immédiate des dépenses d’investissement, comme dans le cas de l’IETU, alors que la reconnaissance de cet impôt dans les conventions de double imposition serait indispensable, mais ce n’est pas garanti. Maintenir les deux systèmes est une autre solution, mais il faudrait peser ses avantages par rapport à la complexité que représente pour les contribuables le fait d’avoir à se soumettre à deux régimes différents d’imposition des entreprises. Les autorités estiment que l’intérêt de l’IETU, pour remédier aux lacunes de la législation fiscale, réside précisément dans sa coexistence avec le régime traditionnel, car la plupart des mesures d’optimisation n’ont d’attrait que dans un seul des deux régimes, et pas dans l’autre, ce qui limite d’autant les possibilités d’évasion.
Étoffer les recettes fiscales des administrations infranationales au Mexique
59Au Mexique, les administrations infranationales ont un pouvoir d’imposition limité, qu’elles n’ont pas pleinement exploité, en raison pour partie du manque d’incitations et de moyens à leur disposition pour ce faire. Leurs ressources fiscales sont donc faibles. Un problème tient au fait qu’il est plus facile aux États de chercher à obtenir une augmentation des transferts de l’administration fédérale que de supporter le coût d’une augmentation par eux-mêmes des impôts. En 2007, les États et les communes ne représentaient respectivement que 2 % et 1 % de l’ensemble des recettes fiscales (graphique 2.13). De plus, les recettes ne couvrent qu’une petite partie des dépenses des administrations infranationales, le reste étant financé par des subventions fédérales administrées dans le cadre de divers fonds. Les taxes sur les salaires constituent la majeure partie des ressources propres des États. Faciles à collecter, elles ne sont toutefois pas idéales, notamment parce qu’elles alourdissent le coût de la main-d’œuvre déclarée (OCDE, 2005). Les tentatives faites dans le passé pour autoriser les États à prélever une taxe sur les ventes ou une surtaxe sur les revenus ont été abandonnées faute d’avoir été mises à profit. Cela s’explique sans doute par une capacité fiscale limitée et par un manque d’incitations, car il est plus facile pour les États de s’adresser à l’administration fédérale pour obtenir des aides plus importantes que d’intensifier leurs efforts en matière de prélèvements. Tout dernièrement, un droit d’accise sur l’essence a été mis en place au niveau des États et ceux-ci ont été autorisés à taxer les ventes de biens déjà soumis à des droits d’accise fédéraux. Cependant, à l’exception de l’impôt sur les salaires, ces prélèvements reposent sur des bases assez étroites et, en outre, la plupart des États n’en tirent pas pleinement parti.
Recettes des administrations infranationales
Recettes des administrations infranationales
En pourcentage du PIB, 200811. 2007 pour l’Australie, le Chili, la Grèce, le Japon, le Mexique, les Pays-Bas et la Pologne.
2. Y compris les impôts supranationaux.
60Les communes collectent des impôts fonciers, mais leur produit est on ne peut plus faible, même par rapport aux autres pays d’Amérique latine (graphique 2.14). Le caractère obsolète des registres fonciers, qui se traduit par une sous-évaluation des biens, est un premier problème. Un autre tient au manque de rigueur dans l’administration fiscale et le recouvrement des impôts au niveau local. Dans les deux cas, la faiblesse des capacités est en cause, mais les incitations à collecter des impôts fonciers plus élevés sont également limitées. Au Mexique, les maires ne peuvent se présenter que pour un seul mandat de trois ans et cela n’est pas assez long pour recueillir les fruits d’une mesure impopulaire comme la hausse des taxes foncières. L’administration fédérale a récemment présenté une réforme politique qui permettrait la réélection des maires, ce qui contribuerait beaucoup à renforcer ces incitations.
Impôts fonciers
Impôts fonciers
200761Pour rendre les impôts fonciers plus productifs, les communes pourraient participer à la mise à jour des registres fonciers dans le cadre de programmes mis en place à l’initiative des États. Certaines communes mexicaines sont extrêmement petites et n’ont pas de personnel bien formé. Il serait sans plus facile pour les États de recruter et de former du personnel et de fournir l’infrastructure requise pour actualiser les registres fonciers. De même, il serait plus facile pour les maires de prendre des mesures impopulaires comme la hausse des impôts si celle-ci s’inscrivait dans un programme à l’échelle de l’État. Allonger le mandat des maires au-delà des trois ans prévus actuellement, comme le propose l’administration fédérale, ou supprimer la clause limitant à un seul mandat la durée de leurs fonctions pourraient aussi faire évoluer les choses, mais cela ne résoudrait pas pour autant le problème que pose la faible capacité de nombreuses communes. Augmenter les impôts immobiliers serait aussi une option relativement efficace car, en principe, ce sont des taxes auxquelles il est difficile d’échapper. De plus, en fixant un seuil d’exonération suffisamment élevé, les autorités pourraient mettre en place une structure progressive et imposer ainsi les ménages à haut revenu, ce qui est important dans un pays caractérisé par de fortes inégalités.
62L’administration centrale a pris certaines mesures pour renforcer les incitations offertes aux États et leur capacité de collecter leurs propres impôts, mais les dispositifs mis en place sont relativement complexes et, pour certains d’entre eux, non dénués de risques. jusqu’ici, les efforts ont porté dans trois directions : encadrement plus strict des emprunts des administrations infranationales, suppression des transferts extraordinaires aux États et diffusion d’informations sur les projets d’investissement fédéraux, notamment ceux qui ont un fort impact local. Cependant, les transferts fédéraux ont continué d’augmenter au fil du temps, ce qui n’encourage pas les États à user de leur pouvoir fiscal pour financer eux-mêmes une plus grande partie de leurs dépenses. D’autre part, les formules d’attribution des diverses dotations fédérales libres d’emploi versées aux États tiennent compte désormais à la fois du niveau et de la progression de la collecte fiscale des administrations infranationales. Cela afin de récompenser les efforts des États pour lever des impôts. L’un des fonds, par exemple, subordonne le versement des subventions aux rentrées fiscales du régime REPECO et à la valeur des marchandises confisquées à la frontière. La possibilité donnée aux États de pratiquer des contrôles fiscaux sur les impôts fédéraux et de conserver la majeure partie des recettes qui en résultent a aussi connu un certain succès. En outre, l’administration fédérale a pris des dispositions pour inciter les maires à prélever plus d’impôts, par exemple en leur offrant la possibilité de titriser leurs recettes fiscales futures par le biais d’une banque de développement. Cependant, appliquer des incitations diverses par l’intermédiaire de fonds différents est un exercice compliqué et qui manque de transparence, même s’il est plus facile à réaliser qu’une réforme beaucoup plus vaste du fédéralisme budgétaire. En outre, autoriser les États à titriser par anticipation leurs rentrées fiscales risque de conduire à de mauvaises surprises, en termes de stabilité des finances publiques, si les recettes futures n’évoluent pas comme prévu.
63À long terme, on pourrait envisager une vaste réforme du fédéralisme budgétaire associant un système de péréquation des ressources et des incitations efficaces mais simples. Dans cette perspective, il faudrait limiter encore les transferts de l’administration fédérale afin d’inciter les États à accroître leurs recettes propres. Sans doute feraient-ils ainsi un meilleur usage des possibilités qui leurs sont offertes pour élargir leurs bases d’imposition, par exemple au moyen de taxes se surajoutant à l’impôt sur le revenu ou à la TVA. Il faudrait aussi, en parallèle, mettre au point un mécanisme de péréquation efficace et transparent afin d’assurer aux États défavorisés les ressources nécessaires pour renforcer leur potentiel de croissance et combler leur retard. En même temps, permettre aux États d’accroître leurs ressources à la marge grâce à leur propre effort fiscal serait un bon moyen de les inciter à améliorer leur potentiel de croissance et le recouvrement de l’impôt. Il y aurait ainsi une distinction entre redistribution des ressources et incitations à l’efficience qui s’est avérée fructueuse dans d’autres pays de l’OCDE (Bloechliger et al., 2007), comme le Canada, la Suisse et l’Espagne, et qui fonctionnerait probablement mieux que le recours aux diverses formules d’attribution des dotations utilisées pour créer les mêmes incitations.
Intensifier la lutte contre la fraude fiscale
64De nets progrès ont été faits ces dernières années en matière de recouvrement de l’impôt, ce qui devrait contribuer, si les efforts en ce sens se poursuivent, à augmenter les recettes fiscales du pays. D’après les données présentées au tableau 2.7, la fraude fiscale globale, exprimée en pourcentage des recettes potentielles, est tombée de près de 40 % à un peu plus de 20 %. Les campagnes d’enregistrement menées par le Servicio de Administración Tributaria (SAT), l’administration fiscale fédérale, conjointement avec les administrations des États, l’utilisation de modèles de risques pour détecter les fraudeurs potentiels et les efforts déployés pour réduire le coût de la discipline fiscale et lutter contre la corruption au sein de l’administration sont autant de facteurs qui ont contribué à cette amélioration récente. Cela dit, des progrès sont encore possibles car le manque à gagner imputable à la fraude représente encore plus de 20 % des recettes potentielles. Malgré le peu d’éléments sur le sujet, et la difficulté qui en résulte pour les comparaisons internationales, une étude datant des années 90 (Nam et al., 2001) montre qu’à l’époque la fraude à la TVA était plus faible dans la plupart des pays européens qu’elle ne l’est aujourd’hui au Mexique : en pourcentage des recettes potentielles, la fraude était inférieure à 5 % dans cinq pays sur dix et seule l’Italie (35 %) affichait alors un taux plus élevé que celui du Mexique aujourd’hui, tandis que l’Espagne, la Belgique et la Grèce, avec des taux autour de 20 %, se situaient à peu près au niveau mexicain. D’autre part, il ressort de données d’enquêtes que la fraude fiscale demeure un phénomène beaucoup plus marqué au Mexique que dans la plupart des autres pays de l’OCDE (graphique 2.15).
Estimations de la fraude fiscale au Mexique
Estimations de la fraude fiscale au Mexique
La fraude fiscale dans une perspective internationale1
La fraude fiscale dans une perspective internationale1
Pourcentage d’entreprises répondant qu’en général une entreprise sous-déclare ses ventes à l’administration fiscale65L’administration fiscale fédérale (SAT) a pris un certain nombre de mesures pour renforcer l’efficacité de ses activités de contrôle, notamment grâce à des modèles lui permettant d’identifier les contribuables à risque, et ces efforts méritent d’être poursuivis. En 2010, les recettes encaissées ont couvert 47 % des coûts de gestion des contrôles, contre 26 % en 2004, et leur volume a pratiquement doublé. En supposant qu’une plus grande efficacité des contrôles conduise à une amélioration du recouvrement, la rentabilité globale est encore plus élevée. Cependant, les données de l’OCDE sur l’administration de l’impôt montrent que le risque pour un fraudeur mexicain d’être soumis à une procédure de vérification est faible par rapport aux autres pays et que les sanctions sont également réduites. Le pourcentage de contribuables dont les déclarations sont vérifiées chaque année paraît assez limité (graphique 2.16), mais il convient d’interpréter les comparaisons internationales avec prudence étant donné que la notion de vérification peut varier selon les pays. D’autre part, le nombre d’actifs par agent des impôts semble assez important au Mexique, encore que sur le graphique 2.16, seuls sont pris en compte les effectifs fédéraux. À 75 % du montant de l’impôt non payé, le plafond des amendes administratives est bas comparativement à ce que l’on observe dans nombre d’autres pays de l’OCDE où il est souvent plus élevé, parfois même de beaucoup (OCDE 2008). Le Mexique devrait envisager d’augmenter les effectifs du contrôle fiscal et les amendes. Le plus important, toutefois, sera de perfectionner et de généraliser l’utilisation des modèles d’analyse de risques, de renforcer la formation, en particulier aux méthodes de contrôle, et de continuer à mettre en place des conditions de rémunération et des perspectives de carrière attrayantes pour le personnel qualifié des services fiscaux. Quant aux États, où les progrès réalisés en termes de renforcement des capacités des administrations fiscales sont très inégaux, ils devront s’engager sur la même voie. Il faudrait que le Mexique organise des formations communes pour les agents des impôts au niveau fédéral et dans les États, étant donné qu’ils auront souvent à travailler ensemble. L’exemple de l’Espagne (voir encadré 2.5) montre qu’une administration fiscale décentralisée et compétente peut jouer un rôle déterminant pour accroître l’efficacité de la collecte fiscale.
Le recouvrement de l’impôt dans divers pays
Le recouvrement de l’impôt dans divers pays
200766Le SAT et les autorités fiscales des États mènent ensemble des campagnes d’enregistrement destinées à étendre le fichier des contribuables, le but étant d’amener les travailleurs et entrepreneurs du secteur informel à se faire enregistrer et de mettre à jour les données relatives aux travailleurs déclarés. Depuis 2003, le nombre de contribuables officiellement enregistrés a plus que triplé : il correspondait à 62 % de la population active en 2009. La majeure partie de cette hausse est imputable aux travailleurs salariés qui ont été enregistrés depuis 2004, mais le nombre d’entrepreneurs individuels a également augmenté, de plus de 30 %. Un fichier de contribuables aussi large que possible et à jour, incluant les travailleurs salariés, aide à lutter contre l’activité informelle et facilite les recoupements avec d’autres sources de données, par exemple les registres des organismes de sécurité sociale IMSS et ISSSTE. Ces efforts importants doivent se poursuivre.
67La taxe sur les dépôts en espèces (Impuesto a Depositos Efectivos, IDE), d’adoption récente au Mexique, a aidé à mettre à jour le fichier des contribuables et favorisé les contrôles. L’IDE est un impôt prélevé à la source sur les dépôts en espèces – dont le taux est passé de 2 % à 3 % en 2010 –, intégralement déductible des autres impôts fédéraux et donnant même lieu à remboursement si son montant dépasse celui des autres obligations fiscales du contribuable. Le principal intérêt de cette taxe est de faciliter les contrôles fiscaux, car l’absence de déduction au titre de l’IDE est souvent un indice de fraude. L’IDE incite aussi à s’enregistrer dans le fichier des contribuables ou à rectifier les données obsolètes qui peuvent y figurer pour pouvoir bénéficier du crédit d’impôt auquel elle ouvre droit. De fait, près de 400 000 personnes ont déjà fait corriger les informations les concernant dans le fichier des contribuables enregistrés. Cependant, les autorités devraient suivre attentivement la situation pour déterminer si l’IDE favorise un phénomène d’évasion fiscale, les contribuables privilégiant les paiements en espèces et les dépôts en espèces hors banques. Elles devraient aussi veiller à réduire le plus possible les perturbations qui peuvent en résulter pour l’économie formelle en poursuivant leurs efforts pour assurer avec promptitude les remboursements.
68Le coût de la discipline fiscale est jugé trop élevé depuis longtemps, mais le pays progresse rapidement dans ce domaine. Le Mexique a considérablement réduit le nombre de paiements d’impôt que les sociétés doivent acquitter chaque année (graphique 2.17) et a facilité les formalités à accomplir grâce aux services de déclaration électronique mis en place pour les taxes sur les salaires, les impôts fonciers et les prélèvements sociaux, qui ont été récemment restructurés et simplifiés. En 2009, 92 % des déclarations fiscales annuelles ont été transmises au fisc par voie électronique, contre 9 % en 2003. Cependant, d’après des données très récentes de la Banque mondiale, le temps consacré aux obligations fiscales est encore assez long (graphique 2.17). Cette situation tient en partie au nouvel impôt minimum sur le revenu des entreprises, qui nécessite en fait une double déclaration au titre de deux impôts différents. Récemment, le Mexique a pris plusieurs nouvelles mesures importantes pour faciliter la discipline fiscale. S’agissant de l’IETU, la déclaration mensuelle a été remplacée par une déclaration annuelle et, dans le cas de la TVA, la déclaration annuelle complémentaire des déclarations mensuelles a été supprimée. D’autre part, les bilans des entreprises n’auront plus besoin d’être approuvés par un expert-comptable aux fins de l’impôt sur le revenu ou du prélèvement des cotisations sociales, et le visa de l’expert-comptable ne sera plus non plus nécessaire pour obtenir les remboursements au titre de l’IDE. Dorénavant, le système reposera donc beaucoup plus qu’auparavant sur le principe de l’autoliquidation. D’après les indicateurs Doing Business de la Banque mondiale, c’est ainsi que le nombre moyen d’heures consacrées chaque année aux impôts par les entreprises mexicaines est tombé de 517 à 404. Ces efforts sont particulièrement méritoires.
Nombre de paiements fiscaux et temps consacré aux obligations fiscales
Nombre de paiements fiscaux et temps consacré aux obligations fiscales
69Le Mexique a aussi des progrès à faire pour dépenser avec efficience ses ressources fiscales, conformément au souhait de ses citoyens qui voudraient voir les contribuables payer plus volontiers leurs impôts, étant donné le degré de discipline fiscale plutôt faible dont ils font preuve par rapport aux autres populations d’Amérique latine. D’après les résultats de l’enquête Latinobarometro, 60 % des Mexicains estiment en effet que la fraude fiscale n’est jamais justifiée, contre 85 % des Argentins, 80 % des Colombiens et 66 % de l’ensemble latino-américain. Dans une certaine mesure, ce résultat semble lié au sentiment que l’argent public est mal dépensé. En 2004, 35 % de Mexicains expliquaient la fraude fiscale par le fait que les recettes procurées par l’impôt ne sont pas dépensées à bon escient, alors que la proportion correspondante était de 18 % au Chili et 27 % au Brésil. Ce résultat marque tout de même une nette amélioration par rapport à la fin des années 90 où il atteignait alors plus de 50 %. Cette évolution s’explique sans doute par le fait que le Mexique s’est efforcé d’accroître la valeur de ses services publics, notamment par un renforcement de ses politiques sociales, et de renforcer l’obligation redditionnelle au moyen de l’adoption de la loi de 2006 sur la responsabilité fiscale, l’introduction de la budgétisation axée sur les résultats et l’évaluation des différents programmes de dépenses. Le Mexique doit poursuivre ses efforts pour faire en sorte que les services publics aient une plus grande valeur aux yeux des citoyens et pour améliorer la transparence fiscale.
Conclusions
70De toutes les réformes évoquées dans ce chapitre, il n’y en a pratiquement aucune qui soit facile à mettre en œuvre. Pourtant, malgré la difficulté politique, le Mexique doit poursuivre son action pour élargir la base d’imposition et simplifier le système fiscal, lutter contre l’évasion et la fraude fiscales et rendre le système d’impôts et de transferts plus progressif et plus efficient. Il s’est avéré difficile dans le passé de remplacer le dispositif inefficace des subventions à la consommation, notamment en faveur de l’énergie, par des transferts monétaires mieux ciblés, mais le pays a tant à gagner d’une telle réforme, en termes d’efficacité accrue pour protéger les pauvres et l’environnement, qu’il doit persévérer dans ses efforts pour qu’elle puisse enfin voir le jour.
Encadré 2.6. Principales recommandations en vue d’étoffer les impôts et d’améliorer l’efficience des dépenses
? Augmenter les transferts monétaire ciblés en faveur des pauvres, par exemple par le biais d’Oportunidades ou en instaurant une prestation d’aide sociale.
? Supprimer progressivement les subventions à l’énergie, ainsi que les taux zéro et les exemptions applicables dans le régime de TVA.
? Après la suppression des subventions à l’énergie, envisager la mise en place de taxes à large assiette sur les émissions de gaz à effet de serre ou d’un système d’échange de droits d’émission.
? Supprimer progressivement les programmes Ingreso Objetivo et Procampo et redéployer une partie des ressources au profit de biens publics productifs. Dans une étape intermédiaire, envisager de limiter le montant total des subventions que peuvent recevoir les agriculteurs à titre individuel.
? Poursuivre les efforts pour rationaliser les programmes de dépenses en faveur de l’agriculture.
? Poursuivre les efforts pour améliorer l’efficience des dépenses dans l’administration publique, mais éviter les coupes qui risqueraient de compromettre la qualité des services.
? Évaluer tous les régimes spéciaux de la fiscalité des entreprises et ne conserver que ceux dont l’efficacité est démontrée.
? Évaluer le régime d’imposition des petites entreprises, et déterminer notamment si les avantages fiscaux dont elles bénéficient ne sont pas plus importants qu’il ne faut pour les intégrer dans le régime fiscal. Faire appliquer plus strictement les dispositions fiscales et envisager des mesures de vérification de l’admissibilité après quelques années ou une clause d’extinction.
? Évaluer le crédit d’impôt sur les revenus du travail et envisager de le recentrer sur les revenus les plus bas.
? S’orienter vers la taxation de tous les éléments de salaire au même taux.
? Évaluer le nouvel impôt minimum à taux unique sur les entreprises. À long terme, envisager de passer à un impôt plus simple sur les sociétés, mais maintenir en place l’IETU, sauf si la base d’imposition du système normal d’impôt sur les sociétés peut être sensiblement élargi. Encourager les États à lancer des programmes permettant aux communes de mettre à jour leur registre foncier.
? Limiter la croissance des transferts aux États et lancer une vaste réforme du fédéralisme budgétaire visant à mettre en place un système efficace de péréquation des ressources et à élargir les bases d’imposition des États.
? Améliorer le recouvrement de l’impôt en utilisant davantage les modèles d’analyse de risques, en développant la formation et en offrant des rémunérations et des perspectives de carrière attrayantes.
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Date de mise en ligne : 01/06/2012
Notes
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Data from www.cdmpipeline.org.