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Article de revue

Chapitre 5. Pour un enseignement efficace : améliorer les aptitudes des élèves en accordant plus d'autonomie aux établissements scolaires

Pages 141 à 160

Notes

  • [1]
    Le système d’orientation (répartition ou regroupement par niveau) consiste à placer les élèves dans différents groupes de niveau ou types d’établissement en fonction de leurs résultats scolaires. Au Luxembourg, la première décision d’orientation est prise après la 6e année afin de diriger les élèves vers un lycée classique, un lycée technique ou un établissement d’enseignement spécialisé. Les décisions d’orientation suivantes sont prises à des âges plus avancés et les élèves sont répartis selon leurs aptitudes en mathématiques et en langues.
  • [2]
    Les élèves sont répartis dans différentes filières pour la première fois à l’âge de 12 ans, puis à l’issue de chaque année scolaire jusqu’à ce qu’ils soient répartis dans six filières différentes à l’âge de 15 ans. En outre, dans le deuxième cycle du secondaire, les élèves sont à nouveau orientés vers différents types d’examens de fin d’études (19 au total dans les différentes filières) qui déterminent leur domaine principal de spécialisation au cours des quatre dernières années.
  • [3]
    L’objectif du Luxembourg d’enseigner à tous les élèves les trois langues officielles est plus ambitieux que dans d’autres pays de l’OCDE où coexistent plusieurs langues, comme la Belgique, le Canada et la Suisse.
  • [4]
    À l’heure actuelle, dans la plupart des établissements scolaires, l’enseignement est coordonné dans chaque section par l’un des enseignants, qui représente également son école pour cette section au sein des comités nationaux. Cette fonction n’est cependant pas officialisée et reste à la discrétion de chaque chef d’établissement.

1 Relever les défis que pose la diversité des élèves et surmonter les difficultés qu’éprouve le système scolaire à améliorer les résultats de l’enseignement constituent depuis quelques années des objectifs majeurs de l’action des pouvoirs publics luxembourgeois. La réforme s’est notamment accélérée depuis que l’Étude précédente a mis ces problèmes en évidence. Les enquêtes internationales dans le domaine de l’enseignement ont maintes fois démontré que les élèves de 15 ans sont en retard par rapport à la moyenne de l’OCDE. Parallèlement, les dépenses publiques consacrées aux établissements d’enseignement (non supérieur) dépassent la moyenne de l’OCDE, tant en pourcentage du PIB que – et c’est le plus important – par élève. Le peu d’efficacité avec lequel les dépenses d’éducation contribuent à améliorer les résultats scolaires commence à laisser des traces sur le devenir professionnel des jeunes, dont le taux de chômage a été multiplié par trois – une hausse bien plus rapide que celle des adultes – depuis le début de la décennie. L’Étude précédente faisait valoir que si les jeunes ont du mal à réussir leurs études et à s’insérer sur le marché du travail, c’est en partie dû à l’importance accordée à l’enseignement trilingue, qui se révèle particulièrement difficile pour les enfants issus de milieux socioéconomiques défavorisés ou de l’immigration. En outre, cette situation a entraîné des déficits de formation dans des domaines que les employeurs luxembourgeois semblent rechercher de plus en plus, comme par exemple la maîtrise des chiffres. L’Étude précédente soulignait également que l’âge précoce auquel les élèves sont orientés et le nombre élevé d’enseignants non certifiés sont autant de facteurs supplémentaires qui contribuent à la faiblesse des résultats de l’enseignement.

2 Les autorités ont commencé à s’attaquer à ces problèmes en testant diverses propositions de réforme dans le cadre de projets pilotes afin d’en valider les bénéfices. Toutefois, ces mesures ne s’attaquent pas au problème central, c’est-à-dire les difficultés qu’éprouve le système scolaire centralisé à adapter ses services éducatifs aux multiples milieux d’origine des élèves. Il faudrait, pour individualiser les services éducatifs, que les établissements scolaires s’accompagnent de plus d’autonomie et de transparence. Il est ainsi préconisé dans ce chapitre, pour renforcer l’efficacité de ces mesures sur les résultats scolaires, de faire des établissements scolaires des acteurs de la réforme, notamment en renforçant leur responsabilité et en les incitant davantage à donner aux élèves les outils qui leur permettront de réussir après l’école. D’autres possibilités de réforme seront également mises en lumière, dans les domaines de la formation des enseignants et de l’enseignement des langues. Après une étude du niveau actuel des aptitudes des élèves et des conséquences qui en résultent pour leur devenir sur le marché du travail, on examinera les réformes récentes du système scolaire et leur rôle dans l’amélioration des résultats de l’enseignement, en particulier les progrès qui ont été accomplis dans les domaines de l’apprentissage des langues et de la qualité de l’enseignement depuis la dernière Étude. D’autres réformes qui pourraient contribuer à faire face à la diversité des élèves seront ensuite abordées, notamment le renforcement de la responsabilité et de l’autonomie des établissements scolaires. Enfin, ce chapitre se conclura par un encadré résumant les recommandations principales.

Les aptitudes des élèves et leurs résultats sur le marché du travail

3 À l’âge de 15 ans, et malgré de bons résultats lorsqu’ils sont plus jeunes, les élèves luxembourgeois affichent des aptitudes scolaires plus faibles que ceux d’autres pays de l’OCDE. Lorsqu’on regarde les résultats aux tests du PISA en 2003, les élèves au Luxembourg ne sont pas parvenus à améliorer leurs résultats en moyenne dans les quatre domaines couverts par le PISA (graphique 5.1). Le retard qu’ils ont accumulé correspond à près d’une demi-année scolaire par rapport à la moyenne de l’OCDE (OCDE, 2007).

Graphique 5.1

Résultats du PISA

Graphique 5.1

Résultats du PISA

Évolution entre 2003 et 2006 en %
(1) Le graphique présente la différence (en %) entre les résultats moyens des tests du PISA 2003 et ceux du PISA 2006 dans trois sous-domaines : « mathématiques », « compréhension de l’écrit » et « sciences ». Les triangles bleus représentent la valeur de référence du PISA 2003 (échelle de gauche).

4 Le système scolaire ne parvient pas à offrir à de nombreux élèves des aptitudes suffisantes pour leur permettre de s’insérer rapidement sur le marché du travail, comme le montrent les faibles taux d’emploi des jeunes. En outre, les taux de chômage des jeunes ont nettement augmenté au début des années 2000 et ne sont pas revenus aux niveaux antérieurs – faibles – alors que l’emploi continue de progresser de plus de 2 % chaque année. Par ailleurs, le système scolaire a du mal à favoriser les perspectives d’emploi des jeunes issus de l’immigration, qui représentent environ 40 % de la population résidente en âge de travailler mais qui risquent bien plus d’être au chômage que les ressortissants (tableau 5.1). Ces constats semblent décourager les élèves de poursuivre leurs études secondaires au Luxembourg : ils sont environ 8 % à préférer s’inscrire dans des établissements d’enseignement secondaire de pays voisins, notamment en Belgique (où l’apprentissage des langues est moins prioritaire), alors que 1 % seulement des élèves scolarisés au Luxembourg n’habitent pas dans le pays (Ministère de l’éducation, 2005). Certains sont même tellement démotivés qu’ils préfèrent quitter l’école plus tôt que dans d’autres pays, même si les taux d’abandon ont quelque peu reculé ces derniers temps (graphique 5.2).

Tableau 5.1

Taux d’emploi et de chômage par âge et par nationalité (2006)

Tableau 5.1
Taux d’emploi Taux de chômage Ressortissants Non-ressortissants Ressortissants Non-ressortissants Total 60.9 67.2 3.1 6.8 Jeunes 22.3 25.1 14.1 19 Adultes d’âge très actif 81.5 80.4 2.3 6.3 Note : Le taux d’emploi est exprimé en pourcentage de la population résidente en âge de travailler ; le taux de chômage est exprimé en pourcentage de la main-d’œuvre résidente. Source : STATEC.

Taux d’emploi et de chômage par âge et par nationalité (2006)

Graphique 5.2

Jeunes sortis prématurément du système scolaire1

Graphique 5.2

Jeunes sortis prématurément du système scolaire1

En % de la population totale des 18-24 ans, personnes ayant au maximum une formation secondaire et sorties du système scolaire, 2006
(1) Les jeunes sortis prématurément du système scolaire sont des personnes de 18 à 24 ans ayant au maximum une formation du deuxième cycle de l’enseignement secondaire et déclarant n’avoir suivi aucun enseignement ni aucune formation au cours des quatre semaines précédant l’enquête. Les données sont exprimées en pourcentage de la population totale des 18-24 ans.

5 Avec ses trois langues officielles, le Luxembourg privilégie tout particulièrement l’apprentissage des langues. Il s’agit peut-être d’un objectif très utile pour améliorer la cohésion sociale ou surmonter des problèmes d’équité et renforcer l’identité nationale, mais cela ne semble pas avoir amélioré les perspectives des jeunes sur le marché du travail. Au vu de la progression rapide du nombre de travailleurs étrangers dans la main-d’œuvre du pays, la capacité de parler les trois langues officielles ne semble pas constituer un avantage particulier. Des études empiriques portant sur les langues demandées dans les offres d’emploi au Luxembourg indiquent même que la maîtrise des trois langues officielles importe moins que celle de l’anglais dans le secteur, important, de la finance (Pigeron-Piroth et Fehlen, 2005 ; et graphique 5.3). En outre, à l’exception des administrations publiques, du secteur de l’éducation et de certaines professions de santé, il n’existe aucune exigence explicite en matière de langues dans les offres d’emploi. Des compétences adéquates et un niveau de formation élevé sont néanmoins importants pour les emplois souvent bien rémunérés d’un secteur financier en plein essor, des services aux entreprises et, en partie, des services publics (tels que la santé et l’éducation), où la demande concerne essentiellement des travailleurs hautement qualifiés (tableau 5.2). Il en résulte un décalage croissant entre la demande et l’offre de main-d’œuvre, les personnes qui ne possèdent qu’un niveau de formation secondaire du deuxième cycle ayant moins de chances de trouver un emploi dans ces secteurs en forte croissance. De plus, en comparaison des autres pays, une part importante des élèves ne remplit pas les critères de nationalité applicables dans le secteur public.

Graphique 5.3

Langues exigées selon la branche d’activité1

Graphique 5.3

Langues exigées selon la branche d’activité1

En % de l’ensemble des offres d’emploi
(1) Le graphique présente la fréquence des exigences en matière de langues dans un échantillon d’offres d’emploi parues dans des journaux nationaux en 2004.
Tableau 5.2

L’emploi des jeunes selon la branche d’activité et le niveau de qualification

Tableau 5.2
Peu qualifié Moyennement qualifié Hautement qualifié Industries manufacturières 27 62 12 Bâtiment 43 51 7 Distribution 27 63 10 Hôtellerie et restauration 31 58 10 Transports et communications 8 76 17 Intermédiation financière 3 52 44 Services aux entreprises 15 42 44 Administration publique 23 63 14 Éducation 4 21 76 Services de santé 13 53 32 Services sociaux et autres services aux particuliers 18 45 37 Note : Le tableau présente les taux d’emploi des jeunes (15-29 ans) selon le niveau de qualification et la branche d’activité. Source : STATEC.

L’emploi des jeunes selon la branche d’activité et le niveau de qualification

En % de l’emploi total par branche d’activité, 2006

Les dépenses d’éducation et leur efficience

6 Le système scolaire du Luxembourg est l’un des plus chers de l’OCDE en termes de dépenses par élève, notamment parce que les salaires des enseignants sont les plus élevés par rapport aux autres pays, en raison du haut niveau de revenu par habitant mais aussi d’un barème des salaires dans le secteur public reposant largement sur l’ancienneté (voir le chapitre 3). En outre, les effectifs en classe sont moins nombreux que dans la plupart des autres pays de l’OCDE (graphique 5.4). Le système scolaire national est par ailleurs confronté à un problème particulier : la diversité des élèves, dont un tiers est issu de l’immigration (ministère de l’Éducation, 2007).

Graphique 5.4

Représentation des dépenses d’éducation

Graphique 5.4

Représentation des dépenses d’éducation

Écart en pourcentage par rapport aux niveaux de dépense du Luxembourg

7 La comparaison des dépenses d’éducation et des résultats scolaires révèle un manque d’efficacité important. Les pays qui obtiennent les meilleurs résultats scolaires à un niveau de dépenses donné ou qui affichent le niveau de dépenses le plus bas par élève à un niveau de résultat donné délimitent la « frontière d’efficience » (graphique 5.5). Par rapport à ces pays, le Luxembourg enregistre des performances médiocres. Non seulement les résultats scolaires y sont moins bons que dans la plupart des autres pays, mais les dépenses figurent aussi parmi les plus élevées de l’OCDE. En outre, les dépenses d’éducation visent généralement des domaines qui ne semblent pas améliorer les performances scolaires. En particulier, il n’existe apparemment pas de lien entre des effectifs par classe peu nombreux et les résultats scolaires, ce qui signifie que la taille moyenne des classes au Luxembourg pourrait augmenter sans pour autant renoncer à améliorer les résultats de l’enseignement (graphique 5.6).

Graphique 5.5

Dépenses d’éducation et résultats

Graphique 5.5

Dépenses d’éducation et résultats

(1) Dépenses d’éducation par élève par rapport au RNB par habitant.
Graphique 5.6

Taille des classes et résultats scolaires

Graphique 5.6

Taille des classes et résultats scolaires

(1) Résultats PISA 2006.
(2) Taille moyenne des classes.

Les réformes récentes du système scolaire

Les élèves du primaire ont de bons résultats…

8 Par rapport aux autres pays, les élèves luxembourgeois de l’enseignement primaire font partie des meilleurs, comme le montre l’étude internationale PIRLS sur le niveau de lecture et d’écriture d’enfants âgés de 9 à 10 ans, ce qui peut s’expliquer en partie par l’âge de début de scolarité obligatoire relativement précoce établi pour l’éducation préscolaire et l’enseignement primaire. Malgré ces résultats encourageants, les pouvoirs publics ont entrepris certaines réformes sur ce segment du parcours scolaire afin de résoudre les problèmes qui subsistent, comme par exemple les nombreux redoublements dès la première année d’école. Il est notamment prévu d’instaurer une nouvelle organisation de l’enseignement primaire, qui s’articulera autour de trois cycles d’apprentissage semestriels déterminant la progression minimale d’un élève au bout de deux ans seulement. Il s’agit là d’une étape positive pour améliorer encore la structure de l’enseignement primaire.

… les problèmes apparaissent dans l’enseignement secondaire.

9 Ainsi qu’il était dit dans l’Étude précédente, les problèmes du Luxembourg en matière d’éducation se concentrent dans l’enseignement secondaire, qui se caractérise par un système d’orientation précoce [1] et des redoublements fréquents visant à regrouper les élèves en fonction de leur niveau d’aptitudes [2]. L’orientation s’effectue sur décision d’un conseil d’orientation composé de l’instituteur titulaire de la classe, de l’inspecteur d’arrondissement, de deux professeurs du secondaire et d’un psychologue, si les parents en font la demande. La décision de ce conseil est obligatoire, bien que les parents aient la possibilité de la contester, ce qui se produit rarement étant donné qu’ils n’ont guère de chances d’influencer la décision finale. En outre, le choix fait par l’établissement d’orienter les élèves dans telle ou telle filière repose souvent sur les résultats obtenus dans un très petit nombre de disciplines (allemand, français et mathématiques). Par ailleurs, les cours de soutien n’occupent pas une place centrale dans le système scolaire. Au contraire, les élèves en difficulté dans certaines matières sont contraints de redoubler toute une classe ou d’intégrer une filière de niveau inférieur. L’enseignement se fait essentiellement au tableau, les travaux sur projet et les études permettant aux élèves d’améliorer leurs aptitudes par eux-mêmes ou avec peu de supervision sont rares, même s’ils sont davantage utilisés dans deux établissements pionniers. Un projet pilote, lancé en 2002 dans plusieurs établissements, vise à réduire l’orientation dans le premier cycle du secondaire en laissant les élèves dans la même classe pendant les trois premières années de l’enseignement secondaire (PROCI, encadré 5.1). Les élèves qui suivent ce programme ont obtenu de meilleurs résultats aux tests récents du PISA que leurs camarades qui suivent le programme classique, l’avance des élèves concernés correspondant à près d’une demi-année scolaire. Face à des résultats aussi encourageants, les autorités devraient continuer à réduire le mécanisme d’orientation des élèves et à étendre ce projet pilote à l’ensemble des établissements. De manière plus générale, elles devraient envisager de repousser la première décision d’orientation à un âge ultérieur, ce qui permettrait alors de prendre en compte les aptitudes des élèves dans un éventail plus large de domaines, et ce qui serait particulièrement utile pour les élèves issus de milieux modestes ou de l’immigration.

Encadré 5.1. Le projet « cycle inférieur » (PROCI)

Un projet pilote a été mis en place pour l’année scolaire 2003-2004 dans l’enseignement secondaire technique (environ 14 % des élèves du première cycle du secondaire) afin de lutter contre les redoublements fréquents et les changements de filière. Dans ce cadre sont définies des normes minimales pour les programmes scolaires mais les enseignants et les établissements ont plus de latitude en matière de méthodes de travail et de programmes. Les objectifs d’enseignement sont définis en fonction des compétences qu’un élève doit acquérir et non en termes de contenu. Les progrès des élèves sont évalués par une équipe pédagogique qui fournit des appréciations régulières. Enfin, les élèves passent des épreuves normalisées en 9e année (14-15 ans) avant d’entrer dans le deuxième cycle de l’enseignement secondaire.
Une première évaluation du projet montre des résultats nuancés. Les élèves participant au projet sont plus généralement orientés vers des filières de niveau inférieur dans le deuxième cycle du secondaire que leurs camarades qui suivent le programme classique. En outre, les élèves qui redoublent ou qui quittent l’école prématurément (après la 9e année) semblent légèrement plus nombreux dans le cadre de ce projet pilote. En revanche, l’évaluation montre également que le projet pourrait avoir un effet bénéfique sur les résultats des élèves, comme on a pu le voir pour la première fois dans les tests récents du PISA, où les élèves PROCI ont devancé les autres élèves luxembourgeois dans le premier cycle du secondaire.

10 Plusieurs réformes élaborées par le Ministère de l’éducation à la suite des résultats de l’enquête PISA 2003 sont aujourd’hui mises en œuvre (encadré 5.2). Ces mesures portent en premier lieu sur la réorganisation de l’enseignement des langues, les programmes de langues ont notamment été modifiés et des cours de soutien supplémentaires en langue sont fournis. La seconde priorité a été de réformer la structure du système éducatif actuel tout en s’efforçant de ne pas augmenter les dépenses. Parallèlement aux efforts déployés en vue de limiter le système d’orientation des élèves ainsi que le recours au redoublement, des projets pilotes avec de nouveaux types d’établissement (voir plus loin) sont actuellement mis en place. Certaines de ces réformes doivent encore être pleinement appliquées dans tous les établissements, tandis que d’autres ne seront appliquées qu’à partir de la rentrée prochaine, ce qui complique l’évaluation de l’ensemble de leurs retombées. Ces efforts de réforme sont encourageants et les autorités devraient les mettre en œuvre aussi vite que possible. Néanmoins, il ne suffira pas de réformer les structures de l’école pour améliorer les résultats de l’enseignement. Face aux exigences en matière de langues et à la nature hétérogène des élèves due à la diversité de leurs langues maternelles, il est nécessaire de mobiliser pleinement les parties prenantes locales et d’exploiter leurs compétences afin de s’adapter à la situation particulière de chaque établissement, ce qui nécessite plus de responsabilité et plus d’autonomie pour les écoles.

Encadré 5.2. Réformes récentes au sein du système scolaire luxembourgeois

Jugeant les résultats scolaires peu satisfaisants, le Ministère de l’éducation a lancé une série de réformes destinées notamment à lutter contre les faiblesses de l’enseignement des langues, le recours fréquent au redoublement et l’orientation précoce des élèves :
  • Dans l’enseignement primaire, trois cycles de compétence semestriels ont été instaurés pour réduire la fréquence des redoublements.
  • Dans la filière technique du premier cycle du secondaire, le projet PROCI a été mis en place dans certains établissements (voir l’encadré 5.1).
  • Deux projets d’établissement ont débuté en 2005 : le Neie Lycée dans l’enseignement secondaire et la Eis Schoul pour les élèves du primaire. Ces deux projets prévoient des cours sur toute la journée et un apprentissage interdisciplinaire. L’encadrement des élèves est assuré par une équipe pédagogique qui évalue leur progression collective au regard des niveaux de compétence à atteindre.
  • L’enseignement des langues est en cours de réforme, sur la base du Plan d’action pour le réajustement de l’enseignement des langues, qui repose essentiellement sur le renforcement du soutien en langue, même pendant les heures de cours dans d’autres matières, et sur une redéfinition des programmes de langue, avec la mise en place de niveaux de compétence pour chaque classe.
  • Le nombre d’heures d’enseignement a été augmenté de 5 % en 2007.

La révision continue des programmes scolaires

11 Ainsi qu’il était montré dans l’Étude précédente, le système éducatif du Luxembourg accorde une grande importance à l’enseignement des langues, ce qui s’explique en partie par la situation géographique du pays, qui lui a donné trois langues officielles. Plus important, les politiques publiques ont pour objectif explicite de promouvoir ces trois langues auprès de tous les élèves, le but étant de donner de meilleures perspectives de carrière aux jeunes qui sortent du système scolaire [3], mais cela se fait au détriment des résultats scolaires, dans la mesure où d’autres matières sont enseignées bien plus tard qu’ailleurs dans l’OCDE. En outre, et malgré la place accordée à l’apprentissage des langues au Luxembourg, la diversité des langues enseignées est plutôt limitée : à part l’anglais, les autres langues non officielles proposées dans le programme scolaire sont peu nombreuses, même si la diversité s’est accrue (Commission européenne, 2007). Les pouvoirs publics ont commencé à remanier les programmes scolaires en mettant davantage l’accent sur les sciences et les mathématiques, au détriment de l’apprentissage des langues, en particulier du français, ce qui constitue une première étape dans le bon sens qui devrait être mise en œuvre dès que possible. Par ailleurs, il conviendrait d’accroître la diversité des langues enseignées. Le rééquilibrage des différentes disciplines ne devrait pourtant pas améliorer notablement les résultats scolaires si les méthodes d’enseignement ne sont pas révisées.

12 L’allemand et le français sont employés comme langues d’enseignement alors même qu’ils sont enseignés en tant que langues étrangères, ce qui constitue la principale difficulté des élèves au Luxembourg. L’allemand étant l’unique langue d’enseignement en primaire et dans le premier cycle du secondaire, les élèves qui parlent une langue romane à la maison sont particulièrement pénalisés, d’où de profondes disparités des résultats scolaires (OCDE, 2007). Ces élèves se heurtent en outre à une difficulté supplémentaire : l’allemand est la principale langue d’enseignement dans les filières techniques et professionnelles vers lesquelles ils sont généralement dirigés. De plus, le système actuel ne parvient pas à donner aux élèves des compétences suffisantes en langue. Une étude menée par le ministère souligne que même les élèves de la filière classique à la fin du deuxième cycle du secondaire ne maîtrisent pas suffisamment le français, alors qu’ils l’ont eu comme langue d’enseignement au cours des quatre années scolaires précédentes (ministère de l’Éducation, 2006). Les autorités devraient donc au minimum renforcer le soutien en langue, ce qui peut être fait en associant l’enseignement de la langue à d’autres matières, comme le prévoit le Plan de réajustement, ou au moyen de cours de soutien supplémentaires. Quoi qu’il en soit, il faut que les diverses origines linguistiques des élèves soient mieux prises en compte dans l’enseignement des langues, par exemple en proposant plus d’options aux enfants en difficulté dans l’une ou les deux langues d’instruction afin qu’ils atteignent le niveau nécessaire.

Renforcer les incitations en faveur de la qualité de l’enseignement

13 À l’instar des autres fonctionnaires, les enseignants suivent, après leur certification, l’évolution de carrière classique fondée sur l’ancienneté. Cela suppose des augmentations de salaires annuelles sans lien avec les performances, il y a donc peu de chances que les salaires jouent sur la motivation des enseignants à privilégier la qualité. Par ailleurs, dans le système actuel, les chefs d’établissement ne sont pas encouragés à évaluer les performances des enseignants autrement que pour des raisons administratives. Toutefois, ces évaluations sont importantes, ne serait-ce que pour fournir des informations sur les progrès et difficultés professionnels de chacun. De plus, les données internationales dont on dispose montrent qu’il y a tout intérêt à lier au moins une partie de l’augmentation annuelle de salaire aux évaluations des performances menées par le chef d’établissement (Figlio et Kenny, 2007). Les détracteurs de ces évaluations mettent en avant les difficultés qu’ont les chefs d’établissement à déterminer précisément l’influence qu’un enseignant a sur les résultats de ses élèves. Cependant, des études empiriques ont établi que les chefs d’établissement ont bien les moyens d’évaluer correctement l’efficacité de l’enseignement, en particulier aux deux extrémités de l’échelle de qualité (Jacob et Lefgren, 2008). Une alternative à l’association entre augmentation de salaire et évaluation des performances pourrait donc prendre la forme d’un système de rémunération au mérite, au titre duquel des performances particulièrement bonnes seraient récompensées par une bonification exceptionnelle (qui pourrait se traduire par des possibilités de formation supplémentaires) ou par une progression de carrière plus rapide. Les pouvoirs publics pourraient dans un premier temps accorder l’autonomie nécessaire aux chefs d’établissement pour mener des évaluations annuelles des performances. On pourrait par la suite lier au moins une partie de l’augmentation de salaire à l’évaluation annuelle, par exemple en subordonnant le passage à un échelon supérieur à une évaluation positive. En outre, pour obtenir des parcours professionnels plus différenciés, des niveaux hiérarchiques supplémentaires, tels que chefs de la section mathématiques, sciences ou langues, devraient être (officiellement) instaurés dans les établissements [4].

14 On peut également améliorer la qualité de l’enseignement en renforçant la formation pédagogique. Aujourd’hui, la formation des enseignants met très largement l’accent sur les compétences spécialisées dans une seule discipline particulière et cela, aux dépens de qualifications à visée pédagogique (encadré 5.3). En outre, la procédure de certification des enseignants est excessivement longue car les formations pédagogique et technique n’ont pas assez de liens entre elles. En raison de la priorité accordée aux compétences techniques, le statut de spécialiste des enseignants complique le travail pluridisciplinaire à l’école et entraîne une vive réaction corporatiste face à tout changement des programmes scolaires, comme en témoignent les débats récents suscités par le rééquilibrage de l’enseignement des langues (voir plus loin). Enfin, la décision de recrutement finale d’un enseignant relève du ministère et non de l’établissement dans lequel cet enseignant va débuter sa carrière. Au minimum, les autorités devraient envisager de rééquilibrer les travaux pédagogiques pratiques et d’accorder une place moindre à la formation théorique et technique. En outre, alors que l’Université du Luxembourg est en train d’étendre ses capacités de formation des candidats à l’enseignement, ces derniers pourraient être acceptés dans le programme de certification avant qu’ils n’aient obtenu leur diplôme universitaire, ce qui leur permettrait d’acquérir une formation pédagogique et technique à un stade précoce. Autre possibilité, les pouvoirs publics devraient réfléchir à la possibilité d’accepter comme équivalents au processus de certification les diplômes d’aptitude pédagogique délivrés dans d’autres pays. Enfin, ils devraient songer à renforcer le rôle du chef d’établissement en le faisant intervenir davantage dans la procédure de recrutement, et ainsi sélectionner les candidats qui correspondent à l’environnement pédagogique propre à chaque établissement.

Encadré 5.3. Procédure de certification des enseignants

Pour enseigner dans le secondaire, les candidats doivent être titulaires d’un diplôme universitaire obtenu au bout de quatre ans minimum, avant de suivre un programme de formation de deux ans. Un seul domaine de spécialisation est nécessaire pour postuler. Les candidats doivent réussir une épreuve dans les trois langues officielles et un examen d’entrée avant de rejoindre le programme, lequel est rémunéré. Ce programme comprend une formation pédagogique à l’Université du Luxembourg et une formation pratique consistant à assurer des cours en classe. Le programme de formation se conclut par un examen final qui permet d’évaluer les compétences techniques et pédagogiques du candidat. En cas de réussite à l’examen, les candidats doivent compléter leur dossier de candidature en rédigeant une dissertation technique dans leur domaine de spécialité.

15 Le nombre d’heures d’enseignement est peu élevé et se réduit avec l’ancienneté. Paradoxalement, bien que le professorat repose pour une large part sur l’expérience, les meilleurs enseignants consacrent relativement moins de temps aux élèves. Un temps d’enseignement aussi court a des effets négatifs sur les résultats scolaires de deux façons au moins : d’un côté, les enseignants ont moins de contacts réguliers avec leurs élèves que dans d’autres pays, ce qui limite les possibilités d’échanges et d’adaptation du programme aux besoins spécifiques de la classe ou de chaque élève. En outre, moins de temps est consacré aux activités hors programme, un manque qui est également ressenti par les enseignants, qui souhaiteraient avoir plus de temps avec leurs élèves pour travailler sur des projets particuliers qui ne relèvent pas du programme scolaire officiel. Les autorités devraient par conséquent envisager d’allonger encore davantage le temps d’enseignement net, en introduisant et en étendant les activités hors programme obligatoire. Cela contribuerait à améliorer le rapport coût/efficience du secteur éducatif (graphique 5.7).

Graphique 5.7

Temps d’enseignement net et dépenses d’éducation1

Graphique 5.7

Temps d’enseignement net et dépenses d’éducation1

(1) Salaire des enseignants dans le premier cycle de l’enseignement secondaire après 15 ans d’expérience.

Renforcer la responsabilité et l’autonomie des établissements scolaires

16 Pour améliorer l’efficience des dépenses d’éducation, il est essentiel d’inciter les établissements scolaires à répondre par des solutions locales à la diversité de leurs élèves, et de leur en donner les moyens. Il faut pour cela que les écoles aient plus de latitude pour choisir comment répartir leurs ressources afin de parvenir aux résultats attendus, autrement dit, elles doivent être autonomes dans leurs décisions et comptables de leurs performances (Wößmann et al., 2007). Sur ces deux points, le Luxembourg doit renforcer son cadre actuel (Gonand et al., 2007 et graphique 5.8). Les décisions concernant le budget et l’attribution des ressources sont prises au niveau central par le Ministère de l’éducation, qui évalue également, par l’intermédiaire du Collège des inspecteurs, dans quelle mesure les établissements scolaires atteignent leurs objectifs. Si cela permet une vérification rigoureuse du respect des directives, le manque d’indépendance des évaluateurs (le Collège des inspecteurs) par rapport au ministère engendre un conflit d’intérêts au détriment d’une responsabilité accrue des établissements scolaires. La formation et la sélection des enseignants relèvent également des autorités centrales, les établissements scolaires ne fournissant guère plus que la première expérience sur le terrain requise pour la certification du candidat par le ministère. Enfin, le choix de l’établissement est dicté par la carte scolaire et limité à certains domaines : il est absent dans le primaire et n’est admis dans le secondaire que dans la mesure où il y a une place libre dans l’établissement souhaité.

Graphique 5.8

Les grands axes de la gouvernance

Graphique 5.8

Les grands axes de la gouvernance

17 Demander aux établissements scolaires de mieux rendre compte de leur action est une première étape en vue d’améliorer les résultats de l’enseignement. Actuellement, il n’existe de tests comparables entre tous les établissements qu’à la fin des études secondaires (le baccalauréat), mais ils ne sont pas publiés à l’échelle nationale. Les décisions d’orientation à la fin du primaire sont (en partie) fondées sur des épreuves normalisées alors que les décisions qui interviennent entre le premier et le deuxième cycle de l’enseignement secondaire reposent entièrement sur l’évaluation annuelle des résultats de l’élève faite par ses professeurs. En outre, les taux de réussite annuels des élèves à ces épreuves normalisées et examens de fin d’études ne sont disponibles que sur une base individuelle et les comparaisons avec un référentiel national ne sont pas mises à la disposition du public, ce qui empêche les parents de choisir en connaissance de cause l’établissement dans lequel ils souhaitent envoyer leurs enfants (graphique 5.9). Les pouvoirs publics devraient donc dans un premier temps décider de publier les résultats de ces épreuves normalisées, corrigés en fonction de facteurs exogènes tels que le milieu socioéconomique d’origine des élèves, de manière à faire apparaître la « valeur ajoutée » de chaque établissement scolaire. Par ailleurs, ils devraient également mettre en place de nouvelles épreuves nationales afin d’obtenir une plus grande transparence de la qualité du système scolaire. Des épreuves de ce type devraient être rendues obligatoires à chaque niveau auquel une décision d’orientation doit être prise. Autre possibilité actuellement prévue, des épreuves normalisées pourraient être organisées tous les trois ans dès le primaire, ce qui contribuerait à détecter au plus tôt les difficultés rencontrées par les enfants et les écoles, et permettrait ainsi une intervention plus rapide. La direction des établissements scolaires peut également mettre à profit les épreuves normalisées pour repérer des problèmes d’ordre éducatif et allouer des ressources supplémentaires pour les résoudre, à condition que les chefs d’établissement bénéficient d’une autonomie budgétaire suffisante (voir plus loin).

Graphique 5.9

Publication des résultats d’examen1

Graphique 5.9

Publication des résultats d’examen1

En % de l’ensemble des élèves
(1) Les données montrent le pourcentage d’élèves inscrits dans un établissement dont le chef déclare fournir aux parents des informations sur les résultats scolaires de leur enfant par rapport à un référentiel national ou régional.

18 La responsabilité des établissements scolaires pourrait être encore accrue en renforçant le rôle des parents dans le système scolaire. À l’heure actuelle, les parents n’interviennent quasiment pas dans les principales décisions concernant la vie de l’établissement dans lequel leurs enfants sont inscrits. Les décisions d’orientation relèvent exclusivement des enseignants, même si les parents ont un rôle consultatif. De même, les parents n’ont pas leur mot à dire sur les redoublements et changements d’établissement. Ils participent si peu aux décisions clés qu’ils ont tendance à se désintéresser des autres activités liées à l’école, comme par exemple élire leurs représentants scolaires, participer à des activités hors programme, proposer une aide aux devoirs ou faire pression sur les chefs d’établissement pour améliorer les résultats scolaires (graphique 5.10). On sait pourtant que ces actions parentales sont utiles pour relever le niveau des élèves (Hendersen et Mapp, 2002). En particulier, les parents qui s’investissent pour aider leurs enfants à maîtriser les savoirs fondamentaux contribuent largement à la réussite de l’enseignement (Clark, 2007). Les pouvoirs publics devraient donc chercher à donner aux parents une plus grande place à l’école, par exemple en leur accordant un droit de regard plus important sur les décisions d’orientation. Cela les encouragerait à s’impliquer davantage dans le cadre d’apprentissage de leurs enfants, ce qui contribuerait largement à améliorer les performances scolaires. Une plus grande interaction entre les écoles et les parents permettrait également aux premières d’avoir accès à des informations sur les attentes du marché du travail.

Graphique 5.10

Pressions parentales en faveur de résultats scolaires élevés

Graphique 5.10

Pressions parentales en faveur de résultats scolaires élevés

2006
Note : Les pressions auxquels sont soumis les chefs d’établissement pour obtenir de bons résultats scolaires proviennent : De nombreux parents. D’une minorité de parents. De très peu de parents. Pour cent.

19 Les établissements scolaires ne sont pas autonomes, que ce soit en termes de budget comme de personnel. Les chefs d’établissement n’ont que très peu de marge de manœuvre pour choisir leurs enseignants, qui doivent être sélectionnés parmi les candidats certifiés. Leur licenciement n’est possible que dans de rares cas – généralement liés à des comportements déplacés – et ne concernent que rarement le manque de résultats. Les supports pédagogiques et les méthodes d’enseignement ne relèvent pas non plus de la responsabilité des établissements scolaires. Les décisions relatives à l’attribution des ressources sont prises au niveau central et ne reflètent pas les objectifs de résultats définis au sein de chaque établissement. En outre, les chefs d’établissement, nommés à ce poste à vie – ne sont pas encouragés à mettre à profit le peu d’autonomie dont ils disposent. Dans l’ensemble, les établissements scolaires sont moins autonomes et moins comptables de leurs performances que dans la plupart des autres pays de l’OCDE (graphique 5.11), ce qui les gènes particulièrement pour s’adapter au contexte local et offrir le cadre pédagogique correspondant le mieux à leurs élèves. Les pouvoirs publics ont commencé à s’attaquer à cette situation en nommant les chefs d’établissement pour une durée déterminée afin de renforcer leur responsabilité. Il s’agit là d’une première étape utile, qui devrait être étendue dès que des postes de chef d’établissement seront vacants. De plus, et parallèlement à un renforcement des responsabilités, les autorités devraient chercher à accorder plus d’autonomie aux établissements scolaires en les laissant définir leurs priorités éducatives, recruter le personnel adéquat et négocier leur budget avec le ministère.

Graphique 5.11

Autonomie et responsabilité des établissements scolaires dans l’OCDE1, 2

Graphique 5.11

Autonomie et responsabilité des établissements scolaires dans l’OCDE1, 2

(1) Ces graphiques présentent les degrés de décentralisation et d’autonomie de gestion des établissements scolaires déterminés à partir d’un ensemble donné de 21 indicateurs intermédiaires, par la méthode des coefficients de pondération aléatoires. La variance de ces indicateurs est dérivée de 1 000 de ces coefficients de pondération générés de manière aléatoire. Un score supérieur suppose un plus haut degré de décentralisation ou d’autonomie de gestion.
(2) BELf se réfère à la communauté francophone de Belgique ; BELg à la communauté germanophone et BELfl à la communauté flamande.

Conclusion

20 Malgré des dépenses d’éducation élevées, le système scolaire luxembourgeois ne donne pas de très bons résultats par rapport aux autres pays. L’incapacité à obtenir de meilleurs résultats scolaires a laissé des traces sur le devenir des jeunes sur le marché du travail, qui ont de plus en plus de mal à trouver un emploi lorsqu’ils sortent de l’école, en particulier s’ils sont issus de l’immigration. Face à ces problèmes, les mesures actuelles de révision des programmes scolaires et de réorganisation des filières risquent de ne pas suffire, à moins qu’elles ne soient associées à plus de responsabilité et d’autonomie pour les établissements scolaires, qui pourront alors trouver des solutions locales au défi que représente la diversité de leurs élèves. Par ailleurs, les incitations en faveur de la qualité de l’enseignement doivent être renforcées, en subordonnant une partie de la progression des salaires à une évaluation régulière des performances. Enfin, dans le cadre de la révision des programmes scolaires, il convient de mettre particulièrement l’accent sur l’apprentissage des langues et de prévoir des ressources appropriées pour s’assurer que les compétences linguistiques des élèves sont suffisantes pour utiliser les langues concernées comme langues d’enseignement. Des recommandations plus détaillées sont présentées dans l’encadré 5.4.

Encadré 5.4. Résumé des recommandations : améliorer l’efficience des dépenses d’éducation

Améliorer l’intégration des élèves issus de l’immigration
Les pouvoirs publics devraient agir pour que les élèves développent leur capital humain et acquièrent les compétences les plus recherchées sur le marché du travail. Cela suppose de poursuivre la révision des programmes scolaires en donnant moins d’importance à l’enseignement des langues et en privilégiant d’autres matières demandées par le marché de l’emploi. En outre, l’éventail des langues enseignées pourrait être plus large, comme un rapport récent de la Commission européenne (2007) le suggère. Par ailleurs, l’enseignement des langues doit avoir pour objectif principal d’amener les jeunes à un niveau approprié dans les langues d’instruction, ce qui peut être fait en mettant davantage l’accent sur les cours de soutien en langue et, comme il est actuellement prévu, en apportant une aide en langue pendant les cours consacrés à d’autres matières.
Les premiers projets pilotes visant à limiter le système d’orientation dans le premier cycle de l’enseignement secondaire devraient être étendus à l’ensemble des établissements. Il faudrait s’employer plus activement à repousser la première décision d’orientation à un âge plus avancé, ce qui augmenterait les chances des élèves issus de milieux socio-économiques défavorisés ou de l’immigration d’atteindre un meilleur niveau scolaire.
Renforcer l’autonomie et la responsabilité des établissements scolaires
Les établissements scolaires doivent rendre compte de leurs performances. Pour ce faire, il faut publier les résultats des épreuves actuelles et augmenter le nombre de ces épreuves. Les résultats publiés doivent être corrigés en fonction des variables liées au milieu socioéconomique d’origine afin de mettre en évidence la « valeur ajoutée » de chaque établissement.
Les parents doivent occuper une plus grande place à l’école, ce qui peut être fait en leur accordant un droit de regard plus important sur la décision d’orientation. Il conviendrait également de faciliter le choix de l’établissement en améliorant la transparence sur les performances des établissements.
Les établissements scolaires devraient devenir autonomes et définir ainsi leurs propres priorités éducatives et bénéficier d’une plus grande influence sur l’embauche et le licenciement des enseignants ainsi que sur le choix des supports pédagogiques. Il faudrait pour cela renforcer le rôle du chef d’établissement en lui donnant plus de pouvoir de décision et en récompensant les chefs d’établissement performants par le renouvellement de leur contrat, qui serait par ailleurs à durée déterminée.
Les salaires ou le cheminement de carrière des enseignants devraient reposer en partie sur le mérite et non se fonder uniquement sur l’ancienneté. En particulier, l’augmentation de salaire annuelle devrait être en partie liée à une évaluation positive des performances. En outre, le nombre d’heures d’enseignement devrait être augmenté afin de permettre plus d’interaction entre les enseignants et leurs élèves et plus de possibilités d’activités hors programme et de cours de soutien.

Bibliographie

  • Clark, C. (2007), « Why it is important to involve parents in their children’s literacy development », Research Summary, National Literacy Trust, Londres.
  • Commission européenne (2007), « La diversité de l’enseignement des langues dans l’Union européenne », Direction générale éducation et culture.
  • Figlio, D.N. et L.W. Kenny (2007), « Individual teacher incentives and student performance », Journal of Public Economics, vol. 91, pp. 901-914.
  • Gonand, F., I. Joumard et R. Price (2007), « Public spending efficiency: institutional indicators in primary and secondary education », Documents de travail du Département des affaires économiques de l’OCDE, n° 543, OCDE, Paris.
  • Henderson, A. et K. Mapp (2002), « A New Wave of Evidence. The Impact of School, Family, and Community Connections on Student Achievement », National Center for Family and Community Connections with Schools, Austin/TX.
  • Jacob, B.A. et L. Lefgren (2008), « Can principals identify effective teachers? Evidence on subjective performance evaluation in education », Journal of Labor Economics, vol. 26/1, pp. 101-136.
  • Ministère de l’Éducation (2005), Les chiffres clés de l’éducation nationale 2003/2004, Luxembourg.
  • Ministère de l’Éducation (2006), Profil de la politique linguistique éducative, Luxembourg.
  • Ministère de l’Éducation (2007), PISA 2006, Rapport national Luxembourg, Luxembourg.
  • OCDE (2007), Regards sur l’éducation, Paris.
  • Pigeron-Piroth, I. et F. Fehlen (2005), « Les langues dans les offres d’emploi du Luxemburger Wort 1984?2004 », wwww. cu. lu/ stade/ langues2004.pdf.
  • Wößmann, L., E. Lüdemann, G. Schütz, M.R. West (2007), « School Accountability, Autonomy, Choice, and the Level of Student Achievement: International Evidence from PISA 2003 », Documents de travail de la Direction de l’éducation de l’OCDE, n° 13, OCDE.

Date de mise en ligne : 01/09/2009

Notes

  • [1]
    Le système d’orientation (répartition ou regroupement par niveau) consiste à placer les élèves dans différents groupes de niveau ou types d’établissement en fonction de leurs résultats scolaires. Au Luxembourg, la première décision d’orientation est prise après la 6e année afin de diriger les élèves vers un lycée classique, un lycée technique ou un établissement d’enseignement spécialisé. Les décisions d’orientation suivantes sont prises à des âges plus avancés et les élèves sont répartis selon leurs aptitudes en mathématiques et en langues.
  • [2]
    Les élèves sont répartis dans différentes filières pour la première fois à l’âge de 12 ans, puis à l’issue de chaque année scolaire jusqu’à ce qu’ils soient répartis dans six filières différentes à l’âge de 15 ans. En outre, dans le deuxième cycle du secondaire, les élèves sont à nouveau orientés vers différents types d’examens de fin d’études (19 au total dans les différentes filières) qui déterminent leur domaine principal de spécialisation au cours des quatre dernières années.
  • [3]
    L’objectif du Luxembourg d’enseigner à tous les élèves les trois langues officielles est plus ambitieux que dans d’autres pays de l’OCDE où coexistent plusieurs langues, comme la Belgique, le Canada et la Suisse.
  • [4]
    À l’heure actuelle, dans la plupart des établissements scolaires, l’enseignement est coordonné dans chaque section par l’un des enseignants, qui représente également son école pour cette section au sein des comités nationaux. Cette fonction n’est cependant pas officialisée et reste à la discrétion de chaque chef d’établissement.

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