Couverture de EE_0706

Article de revue

Évaluation et recommandations

Pages 11 à 20

L’expansion actuelle, tirée essentiellement par l’exportation...

1L’économie coréenne connaît une croissance annuelle de 4.3 % depuis 2002, ce qui lui a permis de porter son revenu par habitant aux deux tiers de la moyenne OCDE. Malgré l’appréciation de la monnaie, la croissance s’est surtout appuyée sur la demande extérieure, en partie grâce au développement constant du secteur des technologies de l’information et des communications et à la forte demande chinoise. En revanche, la demande intérieure s’est montrée assez léthargique, avec une progression annuelle de 2 % depuis 2002, ce qui s’explique par l’éclatement de la « bulle » des cartes de crédit et par une dégradation des termes de l’échange. En raison de l’atonie de la demande intérieure et de l’appréciation de la monnaie, depuis le milieu de 2005 l’inflation reste inférieure à l’objectif à moyen terme de 2.5-3.5 % retenu par la Banque de Corée, malgré la hausse des prix du pétrole.

... s’est ralentie durant la deuxième moitié de 2006...

2La croissance économique s’est ralentie à moins de 4 % (taux annuel CVS) en 2006 et jusqu’au premier trimestre 2007, la demande intérieure ayant fléchi. Elle devrait s’accélérer progressivement en 2007, ce qui donnerait une croissance de 4¼ pour cent pour l’ensemble de l’année, contre 5 % en 2006. La progression de la consommation privée en 2007 risque de se limiter à la hausse des revenus des ménages, car il n’y a plus guère de possibilités de réduction du taux d’épargne et d’accroissement de l’endettement. L’évolution à la baisse de l’investissement en proportion du PIB devrait se poursuivre, notamment parce que la politique du logement freine l’activité dans le secteur de la construction. Dans le même temps, la croissance des exportations devrait se tasser, car la croissance du commerce mondial connaîtra une certaine décélération et le raffermissement du won produira ses effets.

... dans le contexte d’une monnaie plus vigoureuse...

3Le won a progressé de 9 % par rapport au dollar depuis la fin de 2005, notamment à la faveur d’un solde largement excédentaire des opérations en capital. Les entrées de capitaux ont augmenté avec la montée des taux d’intérêt intérieurs, la Banque de Corée ayant préventivement durci la politique monétaire et relevé le taux directeur à court terme de 3.25 % à 4.5 % entre octobre 2005 et août 2006. L’appréciation de la monnaie s’est doublée d’interventions sur le marché des changes afin de lisser la tendance à la hausse du won, tout en acceptant sa progression tendancielle. Il faudrait que la Corée maintienne une politique flexible de taux de change, compte tenu des coûts et des risques liés aux mesures d’intervention. Les réserves en devises, à 247 milliards de dollars (27 % du PIB,) étant plus de deux fois supérieures à la dette extérieure à court terme, une accumulation continue de réserves n’est pas justifiée. Les pressions à la hausse qui s’exercent sur le taux de change pourraient s’atténuer grâce aux mesures récentes d’assouplissement des obstacles aux sorties de capitaux. L’objectif devrait être de mettre sur un pied d’égalité les investisseurs étrangers et les investisseurs nationaux, tout en évitant les mesures, telles que l’expansion du soutien public aux investissements à l’étranger, qui encouragent à court terme les sorties de capitaux.

... et d’un durcissement de la politique monétaire

4La forte progression des entrées de capitaux a également contribué à une plus forte expansion de la liquidité. L’augmentation de la masse monétaire (M2) s’est accélérée pour atteindre près de 11 % (en glissement annuel) au dernier trimestre 2006. Un tel rythme de progression n’avait pas été observé depuis 2003 ; il tient en partie à la demande de prêts au logement. Pour freiner la croissance de la liquidité et du crédit bancaire, la Banque de Corée a relevé le niveau des réserves obligatoires pour la première fois depuis 1990. Les conditions monétaires se sont donc durcies très nettement à la suite de la hausse des taux d’intérêt, de la modification des réserves obligatoires et de l’appréciation du taux de change. Cela a eu un impact négatif sur les ménages et les petites entreprises, fortement endettés ; d’où une décélération de la croissance économique au deuxième semestre 2006. Alors même que la croissance économique est revenue au-dessous de son rythme potentiel et que l’inflation était inférieure à la cible visée, les conditions monétaires ont été sensiblement durcies. Le resserrement de la politique monétaire tient en partie aux craintes que suscite l’évolution des prix des logements, et la Banque centrale « restera très attentive à l’évolution du marché immobilier » en fixant les taux d’intérêt en 2007. Mais la politique monétaire n’est pas particulièrement efficace lorsqu’on veut agir sur les prix immobiliers, surtout quand les hausses les plus fortes des prix des logements se limitent à certains secteurs de la région de la capitale. De plus, accorder un poids excessif aux prix des logements risque de détourner les autorités monétaires de leur objectif premier, la stabilité des prix des biens et services. La Banque de Corée doit tenir dûment compte des évolutions récentes de la production et de l’inflation pour déterminer l’orientation de sa politique monétaire. La Banque devrait s’efforcer avant tout de maintenir l’inflation, mesurée par l’indice global des prix à la consommation, dans la fourchette à moyen terme, et pour faire face à l’évolution du marché immobilier il vaudrait mieux recourir à des mesures bien ciblées.

Le gouvernement se propose d’augmenter le nombre des logements dans la région de la capitale

5De fait, le gouvernement a mis en place cinq séries de mesures de politique immobilière depuis août 2005, dans la crainte d’une « bulle » des prix des logements. Tandis que l’augmentation du prix moyen des logements depuis 2000 est inférieure pour l’ensemble de la Corée à la moyenne observée pour les autres pays de l’OCDE et qu’elle est restée assez modérée en 2005-06, la hausse de l’immobilier est devenue un dossier politique très sensible, parce que son rythme est plus rapide pour les appartements de la région de la capitale, en particulier dans le district de Kangnam. L’une des raisons principales en est la contraction de l’offre privée de logements liées aux difficultés rencontrées pour trouver des sites de construction, notamment à cause du maintien de certaines réglementations, tandis que la demande a augmenté dans certains secteurs de la région de la capitale compte tenu d’un cadre de vie favorable, notamment d’établissements d’enseignement de grande qualité. Les autorités redoutent que les fortes hausses de prix dans la région de la capitale ne gagnent d’autres régions du pays, et elles s’inquiètent également des fortes plus-values engrangées par certains et d’un creusement des écarts de richesse. C’est pourquoi que le gouvernement a répondu aux craintes générales de la population concernant la hausse des prix immobiliers en agissant sur plusieurs fronts. Il a décidé que 1.64 million de logements seraient construits dans la région de la capitale entre 2007 et 2010 sous la conduite du secteur public, alors que le chiffre fixé au départ n’était que de 1.48 million. Il prévoit en outre de développer le logement locatif public, dont le nombre d’unités devrait passer cette prochaine décennie de 0.8 million à 3.4 millions, soit 20 % du parc total de logements. Le financement sera assuré en partie par un nouvel organisme qui s’appuiera sur les institutions financières publiques, notamment la Caisse nationale de retraite, le rendement promis aux investisseurs pour cette opération étant supérieur à celui des obligations du Trésor. Accroître l’offre de logements répondant aux préférences des ménages est le seul moyen de réduire les pressions sur les prix.

Les autres mesures prises par le gouvernement pour stabiliser le marché immobilier...

6Le gouvernement n’a pas seulement décidé d’augmenter l’offre de logements dans la région de la capitale ; il a pris également d’autres mesures de politique immobilière, qui visent en particulier à lutter contre la demande « spéculative » et à faire baisser les prix des logements :

  • Le Service de surveillance financière a ramené le plafond prêt/valeur du bien de 60 % à 40 % dans la plus grande partie de la région de la capitale.
  • L’impôt immobilier global, impôt national s’ajoutant depuis 2005 aux impôts immobiliers locaux, frappe la détention de biens immobiliers, avec des taux progressifs pouvant aller jusqu’à 4 %.
  • L’impôt sur les plus-values a été porté à 50 % au moins pour les propriétaires de deux logements ou plus, alors qu’il varie entre 9 % et 36 % pour les propriétaires d’un seul logement.
  • Le prix des logements neufs fournis par le secteur public dans les villes nouvelles de la région de la capitale doit être réduit de 25 %, notamment grâce à une modification du coefficient d’occupation des sols.
  • Les entreprises privées de construction sont tenues de divulguer leurs coûts dans la région de la capitale. En fonction de ces coûts, les collectivités locales sur tout le territoire fixeront un plafond pour le prix des logements, compte tenu du coût des terrains et d’un bénéfice « adéquat ». Cela devrait faire baisser les prix des logements de 20 %.

... risquent de réduire l’offre de logements à long terme

7Les mesures prises par le gouvernement reflètent sa volonté de limiter les fortes fluctuations à court terme des prix immobiliers. Pour justifier cet objectif d’action, certaines de ces dispositions risquent d’être très préjudiciables si elles sont maintenues dans le long terme. Premièrement, plusieurs actions qui visent à limiter la demande de logements peuvent avoir des effets dynamiques négatifs sur l’offre. Deuxièmement, l’expérience internationale montre que taxer lourdement les plus-values peut avoir des effets de verrouillage qui réduisent également l’offre de logements. Troisièmement, imposer la divulgation des coûts de construction et plafonner les prix affaiblira l’incitation à accroître l’efficience et freinera encore l’offre. Au total, les diverses mesures visant à combattre la demande « spéculative » et à contrôler les prix des logements risquent de diminuer l’offre de logements du secteur privé et d’accentuer à moyen terme les pressions sur les prix, malgré le développement prévu des logements relevant du secteur public. Au vu de ces considérations, le gouvernement devrait adopter une perspective à plus long terme et s’attaquer à d’autres facteurs qui poussent la population à s’installer dans la région de la capitale, par exemple en améliorant la qualité de l’éducation dans les autres régions. En outre, les autorités devraient abroger bon nombre des règles d’urbanisme, de façon à stimuler l’offre privée, qui répondrait mieux aux préférences des consommateurs. Au moment même où la réforme de la réglementation sera entreprise et où l’offre de logements deviendra plus élastique, la plupart des dispositions récentes, notamment le contrôle des prix des logements, devront être supprimées, ce qui accroîtra d’autant l’offre de logements. Enfin, les autorités doivent veiller à maintenir une concurrence suffisante sur le marché.

Puisque le déficit budgétaire se creuse...

8Si la situation financière de l’État est relativement saine, les dépenses publiques augmentent à un rythme annuel de 9 % depuis 2002, alors que les recettes ne progressent que de 7 %. Dès lors, le déficit budgétaire est passé de 0.2 % du PIB en 2002 à 0.8 % en 2006, si l’on ne tient pas compte de l’excédent de la sécurité sociale, du produit des privatisations et du coût de la restructuration du secteur financier. Le budget initial pour 2007 prévoit un déficit de 1.5 %. Selon le Plan national de gestion budgétaire le plus récent, le déficit devrait être ramené à 0.8 % du PIB en 2010.

... il est essentiel de viser un budget en équilibre en prévision des pressions futures sur les dépenses...

9Vu le ralentissement de la croissance économique et l’impact du durcissement monétaire, le gouvernement prévoit d’engager la plus grande partie des dépenses publiques au premier semestre 2007, afin de lisser la trajectoire de croissance durant l’année. La concentration des dépenses publiques sur le premier semestre induira des pressions pour un budget supplémentaire destiné à éviter une baisse des dépenses au deuxième semestre, encore que la loi budgétaire nationale de 2007 soit susceptible de limiter ces pressions. Pour 2007, la priorité devrait être de limiter la croissance des dépenses publiques aux 7.5 % fixés dans le budget initial et de parvenir en 2010 aux 6.4 % annuels visés dans le Plan national de gestion budgétaire. Du côté des recettes, le plan du gouvernement, Vision 2030, rendu public en août 2006, prévoit d’augmenter les recettes au moyen de réformes fiscales. La priorité pour les réformes devrait être d’élargir l’assiette de l’impôt sur le revenu des personnes physiques et de l’impôt sur les sociétés en réduisant les généreuses déductions et exemptions et en faisant appliquer fermement et uniformément la législation fiscale, surtout dans le cas des travailleurs indépendants. Une réforme du système fiscal est indispensable pour limiter le coût des distorsions au fur et à mesure que la charge fiscale s’alourdit. Des restrictions de dépenses se doublant de réformes fiscales devraient contribuer à l’équilibre du budget à moyen terme, la Corée pouvant ainsi mieux se préparer aux pressions futures sur les dépenses, notamment en vue de financer une coopération économique plus étroite avec la Corée du Nord et des dépenses sociales publiques en hausse.

... notamment pour les dépenses sociales publiques, dans le contexte d’un vieillissement rapide de la population

10Vision 2030 table sur une progression des dépenses sociales publiques – à partir de leur niveau actuel de 6 %, le plus bas de la zone OCDE – jusqu’aux environs de la moyenne OCDE actuelle (21 %) en 2030. Les autorités coréennes devraient néanmoins se montrer prudentes en matière d’accroissement des dépenses sociales, sachant que dans plusieurs pays une forte hausse des dépenses a abouti à une charge fiscale beaucoup plus lourde, avec toutes les conséquences négatives que cela peut avoir pour la croissance économique. Au lieu de fixer un objectif global de dépenses, il vaudrait mieux s’efforcer d’élaborer des programmes efficaces dans chaque secteur des dépenses sociales, comme le prévoit Vision 2030. Quoi qu’il en soit, les dépenses sociales publiques devront manifestement augmenter ces prochaines décennies avec le vieillissement rapide de la population. De fait, la proportion de personnes âgées dans la population coréenne, actuellement la deuxième de la zone OCDE par ordre croissant, deviendrait la quatrième par ordre décroissant en 2050.

Les mesures visant à favoriser les naissances et à accroître les taux d’activité pourraient atténuer l’impact du vieillissement...

11L’un des facteurs qui expliquent le vieillissement démographique est la chute du taux de fécondité, de 4.5 en 1970 à 1.5 en 2000 et à 1.08 en 2005, chiffre le plus bas de la zone OCDE. Remédier aux obstacles qui freinent les naissances, notamment le coût élevé de l’éducation – considéré par les familles comme le facteur principal – pourrait contribuer à inverser la baisse de la fécondité. Si l’on veut alléger la charge que représentent les dépenses pour l’éducation des enfants, il faudrait réformer le système éducatif, de façon que les établissements de tutorat privés jouent un rôle plus limité et que les familles ne conservent pas à leur charge des frais aussi élevés. Il faut aussi augmenter les taux d’activité pour atténuer l’impact du vieillissement démographique sur l’économie. Si les taux d’activité restent à leurs niveaux actuels, la population active aura diminué de 23 % au milieu de ce siècle et le vieillissement pèsera d’autant plus. On pourrait largement accroître le taux d’activité des femmes d’âge essentiellement actif, l’un des plus faibles dans la zone OCDE. L’une des priorités dans ce domaine – assurer une offre suffisante de services d’accueil de l’enfance de haute qualité – irait dans le sens d’une amélioration du taux de fécondité. Le gouvernement prévoit de tripler la proportion d’enfants jusqu’à l’âge de cinq ans bénéficiant d’équipements publics d’accueil de l’enfance, pour la faire passer à 30 %. Mais une meilleure solution serait de cesser de privilégier la prestation publique de services de garde d’enfants et d’attribuer aux familles des chèques-enfants, ce qui laisserait plus de choix aux parents et favoriserait la concurrence entre prestataires. Pour cela, il faut déplafonner les tarifs des prestataires privés de services d’accueil de l’enfance. Il est probable qu’un accroissement de l’offre de structures d’accueil n’améliorera guère le taux de fécondité et le taux d’activité des femmes si l’on n’introduit pas dans les entreprises des pratiques plus favorables à la famille qui permettront aux deux parents de concilier travail et éducation des enfants. Enfin, il convient de mieux tirer parti du capital humain des travailleurs âgés en relevant ou en éliminant les âges obligatoires de départ en retraite.

... mais il est essentiel d’améliorer le système public de retraite...

12C’est sur le Système national de retraite que le vieillissement démographique aura le plus d’impact. L’Assemblée nationale a rejeté un projet de loi qui visait à ramener le taux de remplacement de 60 % à 50 % (pour 40 ans de cotisations), tout en relevant le taux de cotisation de 9 % à 12.9 %, ce qui devait assurer la viabilité financière du système jusqu’en 2065. Toutefois, des problèmes se posent en ce qui concerne la couverture de ce régime, car le nombre de cotisants plafonne à un tiers de la population d’âge actif, proportion bien inférieure à celle observée dans la plupart des autres pays de l’OCDE. De plus, la durée moyenne de cotisation des bénéficiaires – le Système national de retraite prévoit 17.6 ans en 2030 – montre que la pension d’un grand nombre de retraités sera faible. Par conséquent, le Système national de retraite n’aura qu’une capacité limitée de réduire le taux de pauvreté relative des ménages âgés, qu’on estimait déjà à 39 % en 2000. La mise en place, en 2008, d’une pension attribuée sous condition de ressources, que pourront obtenir 60 % des personnes âgées, est donc une mesure qui va dans la bonne direction, même s’il s’agit d’une prestation relativement faible, inférieure à 5 % du salaire moyen.

... et d’étendre la nouvelle pension de vieillesse attribuée sous condition de ressources...

13Compte tenu des difficultés rencontrées pour élargir la couverture du Système national de retraite et pour obtenir un niveau de cotisation plus élevé dans le cas des travailleurs indépendants, un moyen de faire reculer la pauvreté parmi la population de plus de 65 ans serait de majorer progressivement la pension sous condition de ressources de façon qu’elle atteigne le coût minimum de la vie (20 % du salaire moyen), tout en élargissant sa couverture. Si l’on développait très sensiblement la pension de base, il faudrait parallèlement diminuer les prestations du Système national de retraite afin de limiter le coût global des mesures en faveur des personnes âgées. Entre-temps, les prestations d’aide sociale sous condition de ressources doivent être suffisantes si l’on veut réduire l’incidence relativement forte de la pauvreté chez les personnes âgées. Enfin, il faudrait réformer les régimes publics de retraite professionnelle de la fonction publique, du personnel militaire et des enseignants du secteur privé, qui couvrent 6 % de la population, de manière qu’ils soient moins tributaires des subventions de l’État et qu’il y ait transférabilité des droits avec le Système national de retraite.

... tout en développant le nouveau régime de retraite d’entreprise

14Il faut, en plus des régimes publics de retraite, une plus forte épargne privée en vue de la retraite. L’une des mesures clés à cet égard est la décision prise en 2005 d’autoriser les entreprises à remplacer la retraite en capital par une pension de retraite d’entreprise. Les employeurs et les salariés doivent se prononcer d’un commun accord en faveur d’un régime à prestations définies ou à cotisations définies. Mais, jusqu’à présent, rares sont les grandes entreprises qui ont mis en place un régime de retraite dans le cadre de la nouvelle loi, notamment parce qu’il s’avère difficile de s’entendre avec les travailleurs sur le type de régime. Il faudrait encourager les régimes de retraite d’entreprise à cotisations définies, notamment pour faciliter la mobilité sur le marché du travail, tout en s’appuyant sur la fiscalité pour accélérer la suppression progressive de la retraite en capital, qui incite les entreprises à mettre à la retraite les travailleurs âgés.

Les autres priorités sont la réforme du système de santé...

15Le vieillissement de la population exercera aussi de fortes pressions à la hausse sur les dépenses publiques de santé, relativement faibles (3 % du PIB), la part du secteur privé étant également de 3 %. Selon les prévisions de l’OCDE, le vieillissement et la progression des revenus feront passer à 6-8 % du PIB en 2050 les seules dépenses publiques de santé. Tout en évitant de diminuer les taux de participation financière des patients, ce qui contribuera à limiter la hausse des dépenses publiques, il faudra assurer un accès correct au système de santé pour les personnes à bas revenu et celles qui souffrent de maladies chroniques. Des réformes sont également nécessaires pour réduire les dépenses de santé. Premièrement, il faudrait faire en sorte que l’Assurance-maladie nationale puisse acheter les services de santé dans de meilleures conditions d’efficacité. Deuxièmement, il faudrait adopter des systèmes de paiement autres que l’actuelle rémunération à l’acte. Troisièmement, il faudrait réformer le cadre applicable aux produits pharmaceutiques, qui représentent une proportion relativement forte des dépenses de santé. Quatrièmement, les autorités coréennes devraient laisser jouer un plus grand rôle au secteur privé dans le domaine de la santé. Il y aurait davantage de services de haute qualité si des entreprises à but non lucratif pouvaient être propriétaires d’établissements hospitaliers et si l’assurance-maladie privée pouvait jouer un plus grand rôle pour les services qui ne sont pas couverts par l’Assurance-maladie nationale.

... et la mise en œuvre attentive de l’assurance dépendance

16En développant la prise en charge de longue durée des personnes âgées, on réduira le fardeau de l’Assurance-maladie nationale, et aussi celui des familles, qui assument jusqu’à présent la majeure partie des soins de longue durée. En 2004 seulement 0.4 % des personnes âgées étaient prises en charge en institution, proportion nettement inférieure à la moyenne OCDE (4.5 %). L’État créera plus de 1 000 unités de soins à long terme entre 2006 et 2008. Mais, comme pour l’accueil de l’enfance, il vaudrait mieux attribuer des bons aux familles et s’en remettre aux entreprises du secteur privé pour les soins de longue durée, ce qui limiterait les dépenses publiques et laisserait plus de choix aux consommateurs. Le gouvernement prévoit de mettre en place une assurance dépendance en 2008 ; le taux de cotisation sera fixé au départ à 0.1 % du salaire et le nombre des bénéficiaires ne dépassera pas 1.7 % de la population âgée. L’expérience d’autres pays de l’OCDE dotés d’un régime similaire d’assurance montre qu’il est très important d’endiguer les coûts en favorisant les soins à domicile, moins coûteux, et en limitant le niveau des soins dont peuvent bénéficier les personnes âgées faiblement handicapées.

Il faudrait augmenter les dépenses d’aide sociale vu la hausse du taux de pauvreté relative...

17La lutte contre la pauvreté devient un enjeu essentiel, car l’aggravation de la pauvreté ne touche pas seulement les personnes âgées. Le taux de pauvreté relative (revenu inférieur à la moitié du revenu médian national), a nettement progressé, passant de 9 % pour l’ensemble de la population au milieu des années 90 à 13 % en 2000, proportion nettement supérieure à la moyenne OCDE. La fiscalité et les dépenses sociales n’ont qu’un faible impact sur le taux de pauvreté en Corée, par comparaison avec les autres pays de l’OCDE, le niveau des dépenses sociales étant encore faible. À l’heure actuelle, 3 % seulement de la population perçoivent des prestations d’aide sociale via le Système national de minimum de subsistance, car les critères sont très stricts pour pouvoir bénéficier de ces prestations, puisqu’on applique en particulier un critère de patrimoine et qu’on tient compte des possibilités d’aide de la famille. Une couverture suffisamment large est essentielle pour que tous les ménages aient un revenu qui atteigne au moins le coût de la vie minimum. Il faudrait réformer l’aide sociale en renforçant l’incitation des bénéficiaires à travailler.

... mais il faut aussi s’attaquer à la cause fondamentale de l’inégalité croissante des revenus...

18On pourrait limiter la hausse nécessaire des dépenses d’aide sociale en s’attaquant aux causes fondamentales de la pauvreté. L’un des principaux facteurs est l’inégalité croissante des revenus, qui tient aux écarts de salaire de plus en plus marqués entre les grandes et les petites entreprises, ainsi qu’au dualisme du marché du travail. De fait, la proportion des travailleurs temporaires est passée de 17 % des salariés en 2001 à 29 % en 2005, ce qui classe la Corée au deuxième rang des pays de l’OCDE. L’écart de salaire est très net : les travailleurs non réguliers (catégorie qui couvre les travailleurs temporaires) gagnaient en 2005 près de 40 % de moins que les travailleurs réguliers, la différence de productivité n’expliquant qu’une partie de cet écart. Les coûts salariaux, plus faibles, incitent les entreprises à embaucher des travailleurs non réguliers, et cet avantage de coût est d’autant plus grand que les travailleurs non réguliers sont relativement peu nombreux à bénéficier d’un régime d’assurances sociales. Plus des quatre cinquièmes des travailleurs réguliers sont affiliés à un régime de retraite d’entreprise, à l’assurance-maladie et à l’assurance-chômage, alors que les deux tiers des travailleurs non réguliers ne bénéficient d’aucun de ces régimes, la loi étant mal respectée. Cela peut expliquer pourquoi à peine un chômeur sur quatre perçoit une allocation chômage. Il importe d’élargir la couverture des régimes d’assurances sociales liées à l’emploi, en particulier pour que les entreprises ne soient pas autant incitées à recruter des travailleurs non réguliers.

... en inversant la tendance à la hausse de la proportion des travailleurs non réguliers

19Si les entreprises embauchent des travailleurs non réguliers, c’est non seulement pour réduire leurs coûts de main-d’œuvre, mais aussi pour tirer parti de modalités d’emploi plus flexibles. En faisant appel à des travailleurs non réguliers, les entreprises peuvent optimiser leurs effectifs, étant donné qu’il est difficile de licencier un travailleur régulier. Il ne faudrait pas que le nouveau code du travail, dont l’un des objectifs est de mettre fin aux discriminations à l’encontre des travailleurs non réguliers, réduise en définitive l’emploi global. Pour inverser la progression de la proportion de travailleurs nonréguliers, tout en assurant la flexibilité nécessaire sur le marché du travail, il faut assouplir la protection dont bénéficient les travailleurs réguliers. Au total, il faut améliorer l’équité en inversant la tendance au dualisme sur le marché du travail, dont la conséquence est que les travailleurs non réguliers sont faiblement rémunérés pour des emplois précaires et ont une protection sociale limitée. Cela aurait aussi un impact positif sur la croissance de la productivité, puisque les travailleurs non réguliers bénéficient moins souvent des dispositifs de formation des entreprises.

La Corée devrait améliorer sa productivité en s’intégrant davantage à l’économie mondiale grâce à des entrées d’IDE...

20Resserrer les liens avec l’économie mondiale est un autre moyen essentiel d’accélérer la croissance de la productivité en Corée. À l’heure actuelle, le stock d’IDE, la pénétration des importations et la proportion de travailleurs étrangers dans la population active sont relativement faibles en Corée par rapport à d’autres pays de l’OCDE. De plus, les entrées d’IDE se sont ralenties ces dernières années, malgré les mesures prises pour attirer les investisseurs étrangers. On pourrait créer un meilleur environnement pour l’IDE : 1) en créant un climat propice à l’investissement étranger et en encourageant ainsi l’extension des fusions et acquisitions transfrontalières ; 2) en assouplissant encore les restrictions à l’IDE, et en particulier le plafonnement des prises de participation étrangères dans certains secteurs clés ; 3) en allégeant la réglementation des marchés de produits, surtout dans les services ; 4) en améliorant l’environnement des entreprises ; pour cela il faudrait accroître la transparence des mesures fiscales et réglementaires et remédier au caractère conflictuel des relations du travail. Pour attirer les investisseurs étrangers, le gouvernement a privilégié la création de zones franches économiques offrant à ces investisseurs des avantages fiscaux et un régime réglementaire préférentiel. Il faudrait évaluer périodiquement les effets bénéfiques de ces zones afin de s’assurer qu’elles justifient leur coût, et les réformes réglementaires ne devraient pas se limiter aux zones franches économiques, mais être élargies au reste du pays, de façon que les entreprises nationales et les entreprises étrangères puissent se concurrencer sur un pied d’égalité. De plus, mettre l’accent sur la création de zones spéciales ne doit pas faire oublier la priorité suprême : améliorer l’environnement des entreprises, ce qui favorisera aussi bien l’investissement intérieur que l’investissement étranger.

... en s’ouvrant davantage aux échanges extérieurs...

21La part des importations de produits manufacturés dans la demande intérieure est parmi les plus faibles de la zone OCDE. Il est essentiel de réduire la protection et d’aligner davantage les réglementations sur les normes internationales. La libéralisation des échanges devrait se faire via les négociations commerciales multilatérales, meilleure solution pour faire reculer les obstacles, et via la participation à des accords régionaux de libre-échange. Bien qu’ayant rejoint tardivement le mouvement de multiplication des accords de libre-échange au niveau mondial, la Corée a maintenant engagé des négociations avec plusieurs grands partenaires commerciaux. Mais le niveau élevé de protection de l’agriculture coréenne s’avère être un obstacle aussi bien aux accords multilatéraux qu’aux accords régionaux de libre-échange. Il faut réduire la protection accordée aux agriculteurs, ce qui serait très bénéfique pour les consommateurs coréens. En outre, il convient que les accords de libre-échange englobent les services, de façon à stimuler la productivité relativement faible de ce secteur.

... et en libéralisant les entrées de travailleurs étrangers

22Faire davantage appel aux travailleurs étrangers aurait également des effets économiques bénéfiques pour la Corée, notamment en atténuant les pénuries de main-d’œuvre dans certaines activités. Les travailleurs étrangers représentent moins de 1 % de la population active, soit l’un des taux les plus bas de la zone OCDE. Il faudrait augmenter le nombre de travailleurs non qualifiés auxquels peut être attribué un permis de travail et ces travailleurs devraient être autorisés à exercer un emploi dans les services. La Corée a également besoin d’un plus grand nombre de travailleurs étrangers hautement qualifiés, car ceux-ci ne représentent que 5 % du total de la main-d’œuvre étrangère. Cela suppose une réorganisation du contrôle de l’immigration, qui fait intervenir plus d’une douzaine de ministères. Au total, des réformes permettant d’utiliser plus largement les produits, les services, le capital et les ressources humaines de source étrangère renforceraient le potentiel de croissance de la Corée.


Mise en ligne 01/09/2009

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