L’économie se redresse ; malgré tout, il faut encore améliorer sa résilience, assainir les finances publiques et accélérer la croissance potentielle
1Après avoir connu la stagnation ces cinq dernières années, l’économie néerlandaise paraît finalement avoir entamé sa reprise. De nets progrès ont été accomplis dans la correction des déséquilibres financiers qui avaient contribué au ralentissement de l’activité. De plus, de profondes réformes sont en cours en ce qui concerne le marché du travail, les prestations sociales et le système de santé, l’objectif étant d’accroître l’utilisation de la main-d’œuvre et la productivité du travail. Dans le même temps, le pays retrouve progressivement sa compétitivité-coûts. Sauf si les prix internationaux de l’énergie subissent encore une très forte hausse, l’expansion de l’économie néerlandaise devrait être supérieure à la tendance en 2006, ce qui marquerait la fin d’une des pires périodes de stagnation depuis les années 30. L’économie reste toutefois vulnérable en cas de choc négatif.
- Même si plusieurs facteurs spéciaux ont aggravé la stagnation récente, le délai de cinq ans qui a été nécessaire pour que l’économie s’engage dans la reprise laisse penser qu’on se trouve en présence d’un manque de résilience (chapitre 1).
- Le ralentissement prolongé a grevé les finances publiques en exigeant un vaste effort d’assainissement depuis 2003 pour pouvoir respecter le Pacte de stabilité et de croissance, mais de nouvelles mesures devront être prises pour parvenir à une situation de viabilité (chapitre 2).
- Il est possible de limiter l’ampleur des mesures supplémentaires d’assainissement budgétaire en mettant en œuvre des réformes structurelles qui intensifieraient encore l’utilisation de la main-d’œuvre (chapitre 3) et accéléreraient la croissance de la productivité (chapitre 4).
- Une meilleure diffusion de l’innovation contribuerait elle aussi à une plus forte croissance tendancielle (chapitre 5).
L’économie s’est longuement enlisée, mais une reprise est en vue pour 2006
2La croissance économique est faible aux Pays-Bas depuis le début de cette décennie. L’activité s’est temporairement redressée en 2004, mais elle a été entravée par l’atonie de la demande intérieure et étrangère, due en particulier à la hausse des prix du pétrole. Après cinq ans de croissance inférieure à la tendance, l’écart de production est tombé d’un point haut de +4 % en 2000 (contre +2 % pour la zone euro) à –3 % en 2005 (–2 % pour la zone euro), ce qui montre la très grande amplitude du cycle aussi bien par rapport au passé que vis-à-vis des autres pays. Si le ralentissement a été très marqué, c’est en partie parce qu’un certain nombre de facteurs qui avait stimulé la croissance à la fin des années 90 – notamment l’évolution du marché du logement, des marchés boursiers et de la parité euro/dollar – ont depuis lors moins joué (logement) ou même freiné l’activité économique. De plus, la baisse des rendements sur les marchés financiers a eu des conséquences négatives pour les organismes de retraite, de sorte qu’il a fallu fortement relever les taux de cotisation pour restaurer leur solvabilité. On estime que ces relèvements des taux de cotisation de retraite ont amputé le PIB de 2 points. L’impact de ces facteurs a été amplifié par une dégradation très sensible de la compétitivité-coûts internationale, même par rapport aux autres pays de la zone euro.
3La compétitivité s’améliore maintenant et les exportations stimulent de nouveau l’économie. Les déséquilibres financiers du budget et des organismes de retraite ont été corrigés dans une large mesure. Les bénéfices des entreprises s’accroissent rapidement, ce qui contribue à la formation de capital. Le PIB réel s’est fortement accéléré au deuxième trimestre et le chômage a légèrement reculé durant l’été après s’être stabilisé au premier semestre. Si les prix du pétrole se stabilisent et que les autres économies européennes se redressent, le renforcement des exportations et de la demande intérieure pourrait fort bien faire passer la croissance économique annuelle à plus de 2 % en 2006.
Les réformes qui ont pour but d’accroître la flexibilité du marché du travail sont importantes pour améliorer la résilience macroéconomique
4Il est certain que des facteurs spéciaux ont aggravé le ralentissement récent de l’activité, mais le faible rythme auquel l’économie revient à son évolution tendancielle montre que les forces de rééquilibrage ne sont pas vigoureuses. Il ressort des données empiriques présentées dans cette Étude que l’inflation réagit lentement à la situation conjoncturelle, surtout en comparaison avec les pays non membres de l’UE. La raison en est que les mécanismes d’ajustement ont peu joué, notamment en ce qui concerne la réaction des coûts de main-d’œuvre à un ralentissement conjoncturel. Les entreprises éprouvant des difficultés à ajuster leurs effectifs du fait de la législation sur la protection de l’emploi (LPE), qui comporte pour les contrats à durée indéterminée un régime strict par rapport à d’autres pays, la croissance de la productivité du travail diminue fortement au départ lors d’un ralentissement économique, de sorte que les coûts unitaires de main-d’œuvre se maintiennent à un niveau élevé, ce qui érode la compétitivité internationale et limite la décrue de l’inflation. Bien qu’on observe un degré raisonnable de modération salariale en cas de sous-emploi des ressources sur le marché du travail, cette modération n’intervient qu’avec un assez grand décalage. Au cours du dernier cycle, la rétention de main-d’œuvre a été anormalement prononcée, car un grand nombre de salariés recrutés durant l’expansion de la fin des années 90 avaient un contrat de travail à durée indéterminée et les employeurs, pour lesquels les embauches avaient été coûteuses, avaient tablé au départ sur une reprise rapide. De plus, la forte hausse des cotisations de retraite a alourdi les coûts de main-d’œuvre. Dans ces conditions, l’ajustement des coûts unitaires de main-d’œuvre ne s’est opéré que lentement en situation de sous-utilisation des ressources économiques, rallongeant ainsi la stagnation nécessaire pour que jouent les forces du marché. La lenteur de l’ajustement paraît au total résulter essentiellement de la rigueur de la réglementation des contrats de travail à durée indéterminée, qui gonfle les coûts d’ajustement de la main-d’œuvre.
5Le gouvernement a annoncé un ensemble de mesures visant à assouplir la LPE, qui entreront en vigueur en octobre 2006 ; le Conseil économique et social rendra un avis sur de nouvelles réformes. Ces mesures réduisent les coûts administratifs des licenciements et ménagent plus de souplesse à l’employeur. Malgré tout, cette législation restera rigoureuse par rapport aux autres pays. Dans ce contexte :
- Le gouvernement devrait aller plus loin dans l’assouplissement des dispositions de la LPE applicables aux contrats de travail à durée indéterminée, en allégeant les formalités procédurales du licenciement et en élargissant ses causes légales.
Des mesures d’assainissement budgétaire sont nécessaires pour assurer la viabilité des finances publiques dans un contexte de vieillissement démographique
6Après la nette dégradation des finances publiques en 2002-03, des mesures d’assainissement ont été prises pour réduire le déficit des administrations publiques. Ce déficit a été ramené à 1.6 % du PIB en 2005, mais les mesures d’assainissement ont eu un impact négatif sur la croissance économique à court terme. Rétrospectivement, on peut se rendre compte que la politique budgétaire a été trop souple durant la période d’expansion en laissant le déficit structurel se dégrader à un point tel que les stabilisateurs automatiques n’ont pas pu pleinement fonctionner durant le ralentissement qui a suivi, au détriment du Pacte de stabilité et de croissance.
7Après plusieurs années d’assainissement, le déficit structurel devrait être proche de 0.5 % du PIB en 2005. C’est là un très bon résultat dans le contexte de l’UE, mais l’évolution des finances publiques n’en soulève pas moins un certain nombre de problèmes. Puisque la croissance économique devrait être supérieure à la tendance et que de substantielles recettes exceptionnelles sont à attendre du côté du gaz naturel, le gouvernement s’est efforcé de rétablir une partie de la charge fiscale supplémentaire imposée aux ménages ces dernières années et d’investir dans les réformes structurelles, par exemple en augmentant les dépenses consacrées à l’accueil de l’enfance. En conséquence, le déficit devrait se maintenir à 1.8 % du PIB en 2006, le déficit structurel se dégradant donc quelque peu. Dès lors, les finances publiques s’éloignent un peu plus de la trajectoire de viabilité qui, selon les estimations officielles de 2000, exigeait un excédent de 1 % du PIB, sur la base de prévisions qui se sont révélées optimistes, de sorte que la tâche sera extrêmement délicate pour 2006 (les recettes exceptionnelles devront être utilisées pour réduire le déficit) et au-delà. À plus long terme, une stratégie budgétaire plus ambitieuse paraît s’imposer :
- Il faudrait tirer parti de la reprise économique pour entreprendre un nouveau programme d’assainissement à moyen terme qui assure la viabilité des finances publiques, compte tenu des nouvelles estimations auxquelles procédera prochainement le Centraal Planbureau (CPB), tout en renforçant les perspectives de croissance à moyen terme.
8Il serait plus facile d’assurer la viabilité à moyen terme des dépenses publiques si l’âge de la retraite était plus tardif. L’espérance de vie à l’âge de la retraite s’allongeant, le coût des retraites augmente très sensiblement. Par ailleurs, la santé à l’âge officiel de la retraite (65 ans) étant meilleure que dans le passé, la plupart des personnes de cet âge ont un état de santé suffisamment bon pour continuer à travailler.
- Le gouvernement devrait envisager d’indexer pour l’avenir l’âge officiel de la retraite sur l’espérance de vie et encourager les partenaires sociaux à modifier simultanément l’âge auquel une retraite anticipée (actuariellement équitable) peut être prise dans les régimes professionnels, de façon à atténuer l’impact de l’allongement de l’espérance de vie sur le coût des retraites et à stimuler la croissance potentielle.
Les réformes qui visent à instaurer des conditions plus strictes pour les prestations sociales contribueront à l’assainissement budgétaire nécessaire et permettront d’accroître l’utilisation de la main-d’œuvre
9Le redressement budgétaire bénéficiera également des mesures qui ont été prises ou sont en préparation pour faire en sorte que les allocataires sociaux prennent un emploi. Les titulaires d’une pension d’invalidité qui ont moins de 50 ans font actuellement l’objet d’une réévaluation de leurs droits et les autorités s’efforcent également d’inciter davantage les handicapés partiels à tirer parti de leur capacité résiduelle de travail. La réforme de l’aide sociale en 2004, qui a décentralisé ce dispositif au niveau des communes en les incitant vivement à ce que les bénéficiaires retrouvent un emploi, va également dans la bonne direction. De même, le gouvernement prévoit de réformer l’indemnisation du chômage en ramenant sa durée maximale de 5 ans à 38 mois, chiffre encore élevé par rapport aux autres pays ; de plus, la durée de l’indemnisation sera davantage fonction des antécédents du travailleur et moins de son âge. En revanche, une nouvelle prestation sociale a été mise en place en faveur des chômeurs âgés et, contrairement à l’aide sociale, cette prestation n’est pas soumise à une condition de patrimoine pour les personnes de 50 ans ou plus, ni à une condition de revenu du ménage à 60 ans ou plus. La durée de ce dispositif est limitée ; une évaluation aura lieu en 2010.
- Il faudrait surveiller de près l’impact de la réforme de l’indemnisation du chômage sur les possibilités de retraite anticipée qu’offre ce régime. Même après la réforme, la durée maximale d’indemnisation est relativement longue ; elle est plus couramment de 1 à 2 ans dans les autres pays.
- Les mesures prévues pour dispenser de l’obligation de recherche d’emploi les travailleurs âgés assumant la charge de personnes dépendantes peuvent être un moyen efficient de faire face aux besoins croissants de prise en charge de longue durée, mais il faut exercer un contrôle afin d’éviter les abus.
Les autres réformes des prestations sociales contribueront à faire reculer le chômage, à atténuer le phénomène de piège de la pauvreté et à accroître l’incitation au travail
10Les autorités néerlandaises ont réduit ces dernières années les trappes à chômage et à pauvreté. L’une des principales exceptions concerne les ménages à un seul revenu qui ont des enfants et perçoivent le revenu modal ; en effet, ils perdent progressivement le bénéfice d’un crédit d’impôt lorsque leur revenu augmente. Le gouvernement a décidé à juste titre d’intégrer en 2006 les divers crédits d’impôt dont bénéficient les personnes qui ont des enfants à charge et de leur appliquer un taux de réduction progressive de 6 % à partir du revenu modal.
- Le gouvernement devrait se demander s’il ne serait pas possible d’atténuer encore les trappes à chômage en réexaminant l’arbitrage entre l’augmentation des prestations liées à l’exercice d’un emploi – de façon à remédier aux trappes à chômage qui subsistent – et les effets négatifs sur l’offre de travail plus haut dans l’échelle des revenus.
Les travailleurs âgés sont davantage incités à poursuivre leur activité grâce à la réforme des régimes de préretraite
11Les réformes qui incitent certains allocataires sociaux à prendre un emploi devraient contribuer à augmenter le taux d’emploi des travailleurs âgés (45 %), inférieur à la moyenne OCDE (50 %). À cet égard, les réformes récentes du régime d’invalidité, de l’assurance-chômage et de l’aide sociale jouent un grand rôle. Ces réformes complètent la suppression, à partir du début de 2006, des aides fiscales dont bénéficient les régimes de préretraite. Mais un nouveau dispositif (assorti d’avantages fiscaux) couvrant l’ensemble de la durée de vie, qui permet aux travailleurs de mieux faire face à leurs obligations familiales et d’investir dans une formation, en prolongeant ainsi éventuellement la vie active, peut être également utilisé comme voie individuelle de préretraite.
- Il faudrait suivre de près l’utilisation qui est faite de ce nouveau dispositif couvrant l’ensemble de la durée de vie, en empêchant qu’il devienne un autre moyen de cessation prématurée de la vie active.
Des mesures d’incitation sont nécessaires pour accroître la durée du travail, la plus faible dans la zone de l’OCDE – surtout dans le cas des femmes
12Même si les taux d’emploi sont relativement élevés, l’utilisation de la main-d’œuvre est freinée par la durée annuelle du travail, la plus faible dans la zone OCDE (1 357 heures en 2004). Un facteur qui contribue pour beaucoup à cette faible durée du travail est la forte proportion de femmes travaillant à temps partiel. Un grand nombre de femmes choisissent de travailler à temps partiel parce qu’il est très coûteux de faire garder ses enfants dans de bonnes conditions, que les horaires scolaires sont mal adaptés aux besoins des parents qui travaillent (un grand nombre d’établissements sont fermés à l’heure du déjeuner et le mercredi après-midi) et qu’il n’y a pas d’un point de vue financier de solutions qui soient suffisamment abordables pour la prise en charge de l’enfant avant et après l’école. Une nouvelle loi de janvier 2005 vise à permettre aux parents (en pratique les mères) de mieux concilier leurs obligations familiales et l’exercice d’un emploi. L’État verse une aide qui représente en moyenne un tiers des frais de garde. L’employeur est censé verser en moyenne un autre tiers, le reste devant être financé par les parents. La subvention publique étant soumise à un critère de ressources, l’aide est plus forte pour les bas revenus pour un budget donné, mais les taux marginaux effectifs d’imposition s’accroissent parallèlement au revenu. Le gouvernement a récemment augmenté de 130 millions d’euros le budget consacré aux aides pour la garde d’enfants afin de réduire le taux de suppression progressive de l’aide en fonction du revenu du ménage, de façon que ce poste pèse moins lourd dans les dépenses des ménages à revenu moyen. La part patronale sera réexaminée en 2006. Le gouvernement a également à juste titre accru de 70 millions d’euros le budget des cantines scolaires et des activités post-scolaires, ce qui paraît particulièrement efficient pour allonger la durée de travail des femmes. On pourrait encore accroître le temps de travail en faisant en sorte que les parents qui ont des enfants en bas âge puissent mieux concilier leurs obligations familiales et l’exercice d’un emploi :
- Sans attendre l’évaluation de 2006, le gouvernement devrait envisager de réduire encore le taux de suppression progressive des allocations de garde d’enfants en fonction du revenu du ménage. Le gouvernement a également l’intention d’accroître les aides pour la garde extrascolaire, de façon que les mères puissent travailler plus longtemps ; c’est là une mesure fort judicieuse. En outre, les écoles devraient être tenues de prendre les dispositions nécessaires pour éviter que les élèves ne soient renvoyés à la maison lorsque des enseignants sont absents.
- Pour inciter à accroître la durée du travail, il faudrait réduire les taux marginaux effectifs d’imposition. Un élargissement de l’assiette de l’impôt sur le revenu offrirait la marge de manœuvre budgétaire nécessaire à cet effet. Une solution serait de limiter encore les déductions pour les intérêts des prêts hypothécaires en cas d’acquisition d’une résidence principale ; le gouvernement a déjà pris des mesures en ce sens (par exemple, en cas d’acquisition d’une nouvelle résidence principale, la déductibilité ne s’applique qu’aux intérêts sur la fraction du crédit hypothécaire égale au prix d’achat du logement diminué de la plus-value tirée de la vente du logement antérieur).
Les partenaires sociaux devraient éliminer les obstacles à un allongement de la durée du travail
13La faible durée du travail aux Pays-Bas, de même que dans d’autres pays européens, tient en partie à l’action des syndicats, qui se sont efforcés de limiter les pertes d’emplois en diminuant l’horaire de travail par salarié. Maintenant que le gouvernement a mis fin à la distinction réglementaire entre les heures supplémentaires et la durée normale du travail, d’une part, et entre la durée normale et la durée conventionnelle du travail, d’autre part, en instaurant une durée maximale de 48 heures par semaine, calculée en moyenne sur une période de 13 semaines (conformément à la directive de l’UE sur le temps de travail), il n’y a plus que les conventions collectives qui fassent obstacle à un allongement de la durée du travail si les employeurs et les salariés y voient un avantage.
- Les partenaires sociaux devraient revoir les dispositions actuelles des conventions collectives concernant la durée du travail – dans la mesure où elle réduisent l’utilisation de la main-d’œuvre et le revenu par tête – afin d’éliminer progressivement les obstacles (en particulier les fortes majorations pour heures supplémentaires) que rencontrent les salariés qui souhaitent travailler plus longtemps afin d’accroître leur salaire.
Une plus vive concurrence sur les marchés de produits stimulerait la croissance de la productivité
14Même si la productivité atteint un niveau élevé aux Pays-Bas, sa croissance a eu tendance à se ralentir. Tel n’a pas été le cas dans certains autres pays comme les États-Unis et le Royaume-Uni, où elle s’accélère depuis le milieu des années 90. Une faible croissance de la productivité est souvent due à une concurrence insuffisante sur les marchés de produits, les entreprises à l’abri des pressions de la concurrence étant moins incitées à se montrer plus efficientes. Les Pays-Bas se situent en position intermédiaire pour ce qui est de l’indicateur de réglementation des marchés de produits. Néanmoins, les obstacles à l’entrepreneuriat sont relativement élevés, à cause de procédures d’autorisation complexes, longues et coûteuses. De plus, la faillite a de lourdes conséquences individuelles, ce qui n’est pas propice aux nouvelles entrées et à l’expansion des entreprises. Dans ce contexte, les autorités ont engagé un plan à moyen terme visant à alléger les charges réglementaires. Elles envisagent fort judicieusement de réduire le coût personnel de la faillite en offrant au failli la possibilité d’une réhabilitation totale. Elles se proposent également, à juste titre, de simplifier les régimes d’autorisation en introduisant la règle du consentement tacite.
15Dans le domaine du gouvernement d’entreprise, les autorités néerlandaises ont décidé de renforcer les pouvoirs des actionnaires. La cooptation (les membres du conseil de surveillance choisissent les nouveaux membres) et les actions sans droits de vote ont été supprimées avec l’introduction du nouveau régime structurel. La cooptation et la certification (une fiducie en bons termes avec le directoire détient les actions et émet des certificats dépourvus de droits de vote) avaient découragé les OPA inamicales.
Un assouplissement de la réglementation dans le secteur de la distribution pourrait accélérer la croissance de la productivité
16Dans les pays où la productivité s’est accélérée ces dernières années, cette accélération a surtout concerné deux secteurs clés des services utilisateurs de TIC, la distribution et les services financiers. Aux Pays-Bas, le développement de grandes surfaces utilisant de façon intensive les TIC a été entravé par des règles d’urbanisme très strictes et par la réglementation de l’horaire d’ouverture des magasins, qui n’ont pas permis de tirer parti des économies d’échelle. La libéralisation des horaires d’ouverture fera l’objet d’une évaluation l’an prochain. Les communes influent fortement sur la localisation des (grands) commerces puisqu’elles établissent les plans d’urbanisme, mais elles ne sont guère incitées à autoriser de nouvelles ouvertures et peuvent au contraire être très à l’écoute des commerçants en place. Dans le secteur financier, le principal obstacle à une plus large utilisation des TIC en vue d’une plus forte productivité est l’intégration insuffisante de la banque de détail en Europe.
- Il faudrait envisager d’assouplir encore les heures d’ouverture des magasins et surveiller la politique d’urbanisme des communes en les incitant davantage à autoriser l’implantation de grandes surfaces.
- Pour lever les obstacles à l’intégration dans les services financiers de détail, les autorités néerlandaises et leurs homologues européennes devraient pleinement mettre en œuvre le Plan d’action pour les services financiers et appliquer le « cadre Lamfalussy » à quatre niveaux.
Il faut revoir les conditions-cadres pour stimuler l’innovation
17La création de savoir est très active aux Pays-Bas – qui se placent au sixième rang des pays de l’OCDE pour les publications scientifiques par habitant, avec un indice de citation élevé – mais l’activité d’innovation se situe tout juste dans la moyenne OCDE selon l’indice synthétique d’innovation TBEI, ce qui nuit à la croissance de la productivité. Cette conjonction d’une forte création de savoir et d’une activité d’innovation qui n’est que moyenne est souvent qualifiée de « paradoxe néerlandais ». Les autorités se sont efforcées de remédier à cette faiblesse. Elle sont créé la « plateforme pour l’innovation », groupe de haut niveau rassemblant des représentants de l’administration, des entreprises et des universités, chargé de formuler de nouvelles initiatives. Un certain nombre de réformes relevant spécifiquement de la politique de l’innovation pourraient être utiles à cet égard, comme on le verra ci-après, mais les conditions-cadres pourraient elles-mêmes largement contribuer au développement de l’innovation. Le nombre relativement faible d’entreprises réalisant des innovations non technologiques, c’est-à-dire des innovations de procédé, et introduisant des produits nouveaux pour l’entreprise montre que l’incitation à innover n’est pas suffisante. Pour renforcer cet aspect de l’activité d’innovation, il faudrait développer l’entrepreneuriat, intensifier la concurrence sur les marchés de produits et faire en sorte que les institutions sociales soient plus favorables à l’innovation. La réglementation des marchés de produits limite la concurrence, et le taux d’entrée d’entreprises sur les marchés est moyen ; de plus, l’expérimentation est moins développée qu’aux États-Unis et les sorties sont moins nombreuses, ce qui nuit à l’activité d’innovation. Enfin, les enquêtes sur les attitudes sociales donnent l’image d’une culture qui n’est pas très encline à la prise de risque et à la recherche de l’excellence. Le gouvernement s’efforce de modifier ces attitudes via les programmes d’enseignement. De même, comme on l’a indiqué précédemment, il réforme actuellement le régime de la faillite afin d’en atténuer les conséquences personnelles et de permettre aux faillis qui n’ont pas été condamnés pour banqueroute frauduleuse de reprendre rapidement une activité. D’autres mesures pourraient être envisagées :
- Un nouvel assouplissement de la LPE stricte applicable aux contrats de travail à durée indéterminée (mesure recommandée ci-dessus pour améliorer la résilience de l’économie) favoriserait aussi l’innovation en facilitant la réorganisation du travail, surtout dans les branches qui mettent en œuvre des innovations radicales.
- De même, la réduction des obstacles à l’entrepreneuriat (mesure recommandée ci-dessus pour intensifier la concurrence sur les marchés de produits) inciterait davantage à mettre en œuvre des innovations radicales.
Il faudrait que les Pays-Bas soient plus attrayants pour la R-D privée
18L’un des indicateurs les plus importants de l’innovation, l’intensité de la R-D dans les entreprises, est relativement faible aux Pays-Bas, puisqu’il n’atteint que 1 % du PIB, contre 1.5 % en moyenne dans la zone OCDE. Ce déficit d’intensité de R-D par rapport à la moyenne OCDE tient pour 60 % à la spécialisation de l’économie néerlandaise dans des activités peu intensives en R-D. Les 40 % restants peuvent s’expliquer par toute une série de facteurs, dont de faibles entrées de R-D compte tenu de l’ouverture de l’économie. Si l’on veut que les Pays-Bas offrent des conditions plus attrayantes pour la R-D, il faut absolument accroître l’offre de scientifiques et d’ingénieurs.
- Les règles d’immigration ont récemment été modifiées pour faciliter l’entrée de travailleurs intellectuels, mais il faudrait aller plus loin en mettant en place un système de points, comme dans d’autres pays.
- Il faudrait aussi encourager les universités néerlandaises à se livrer à une plus vive concurrence pour l’inscription d’étudiants étrangers dans les disciplines scientifiques et dans les métiers de l’ingénieur.
- Il faudrait assouplir le permis de travail pour que les étudiants étrangers puissent séjourner plus facilement aux Pays-Bas après l’obtention de leur diplôme.
- Le gouvernement devrait continuer de resserrer les liens entre les entreprises et les instituts du savoir pour qu’il soit mieux tiré parti des connaissances (scientifiques) dans les nouveaux produits, procédés et services, ce qui remédierait au paradoxe néerlandais, à savoir une forte création de savoir qui n’est que peu exploitée commercialement.
- On pourrait aussi renforcer les liens entre les instituts publics du savoir et les entreprises privées en subordonnant une partie du financement des universités aux résultats qu’elles obtiennent dans la transmission du savoir aux entreprises.
- Dans les universités, il faudrait recourir plus souvent à des barèmes de rémunération plus souples pour inciter davantage les chercheurs à coopérer avec les entreprises.
Il convient de rendre l’enseignement supérieur plus attrayant
19Un autre indicateur clé de l’innovation est relativement médiocre aux Pays-Bas : la proportion de la population ayant suivi un enseignement supérieur, les Pays-Bas se classant au-dessous de la moyenne des pays de l’OCDE pris en compte dans l’indice synthétique de l’innovation TBEI. Ce classement devrait encore se dégrader, car le degré auquel la proportion de la population de 25 à 34 ans ayant une formation du niveau de l’enseignement supérieur dépasse la proportion des 35 à 54 ans ayant cette même formation est inférieur à celui observé dans la plupart des autres pays. Cela s’explique en grande partie par l’absence de différenciation de l’offre d’études supérieures. Tandis que le taux de scolarisation dans le tertiaire A (programmes essentiellement théoriques préparant à la recherche et à des professions hautement qualifiées) correspond à peu près à la moyenne OCDE, le manque de programmes professionnels tertiaires plus courts (deux à trois ans) se traduit par un faible nombre d’inscriptions dans ce segment et abaisse le taux moyen de scolarisation total. Le faible degré de différenciation de l’offre d’études supérieures se manifeste aussi par des droits de scolarité fixes, par la durée relativement longue des programmes et par l’ampleur des obstacles à l’entrée de nouveaux prestataires d’enseignement supérieur. C’est pourquoi :
- Le gouvernement devrait inciter les universités à mettre en place des filières courtes (deux ans), comme il en existe dans la plupart des autres pays.
- Les autorités devraient moduler les frais de scolarité, ce qui inciterait les universités à offrir des programmes plus attrayants pour les étudiants. Il faudrait aussi poursuivre les expériences consistant à autoriser davantage de prestataires d’enseignement privés à se porter candidats aux financements publics pour les services éducatifs, de façon à accroître la qualité et la diversité des formations offertes.
Mise en ligne 01/07/2008