Couverture de EE_0408

Article de revue

Évaluation et recommandations

Pages 9 à 25

L’adhésion à l’UE est une grande réussite, mais le revenu national reste très inférieur aux niveaux des pays de l’OCDE

1L’adhésion de la Pologne à l’Union européenne, le 1er mai 2004, marque un tournant dans l’histoire économique et politique du pays. Elle couronne 15 années de profonds changements et de réalisations d’envergure. Le secteur privé produit désormais plus de 75 pour cent du PIB, l’économie nationale est bien intégrée avec celle des pays d’Europe occidentale et l’inflation a été ramenée à un bas niveau. Après une contraction initiale, la production affiche une hausse continue depuis plus de 10 ans et les Polonais sont dans l’ensemble plus prospères qu’auparavant. Cependant, le recul très prononcé de l’emploi depuis 1998 donne à penser que de sérieux problèmes subsistent. Face à ceux-ci, beaucoup reste à faire, notamment pour augmenter la productivité, développer l’emploi et accroître le revenu par habitant, qui représente 41 pour cent du niveau des pays de l’OCDE.

Pour hâter la convergence, les pouvoirs publics doivent en priorité :

2De fait, si le rythme des progrès ne s’amplifie pas, la convergence de la Pologne avec les autres pays de l’OCDE sera sans doute excessivement lente. Pour accélérer ce processus et en répartir plus largement les fruits, les pouvoirs publics doivent relever quatre grands défis :

instaurer un meilleur dosage des politiques monétaire et budgétaire

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  • À court terme, il sera crucial de restaurer un équilibre approprié entre la politique budgétaire et la politique monétaire. Un cadre macroéconomique stable, caractérisé par une inflation basse et des finances publiques viables, constitue un préalable essentiel à une croissance économique saine. À l’heure actuelle, la politique budgétaire trop souple exige des taux d’intérêt réels plus élevés qu’il ne serait souhaitable, d’où des répercussions négatives sur l’investissement, l’activité et la production potentielle.

accroître fortement l’emploi

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  • À moyen et long terme, l’augmentation de l’emploi parmi les jeunes et les travailleurs âgés notamment constitue le défi le plus important pour l’économie polonaise. Avec à peine un polonais sur deux ayant un emploi et un taux de chômage de 19 pour cent, il est crucial que la population renoue avec le marché du travail à la fois pour rétablir un rythme de croissance rapide et pour assurer que la convergence profite à toutes les couches de la société.

créer un climat plus propice à l’investissement

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  • Il convient d’améliorer les conditions de l’investissement pour stimuler l’activité économique et la demande de main-d’œuvre. Une hausse des niveaux d’investissement contribuerait aussi à accroître la productivité, la compétitivité internationale et le rythme de convergence des revenus avec le reste des pays de l’OCDE.

et accélérer la restructuration rurale

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  • Enfin, étant donné que l’agriculture représente à peine 3 pour cent du PIB contre 19 pour cent de l’emploi et que 30 pour cent de la population vivent en zone rurale, l’accélération du rythme de la restructuration rurale doit être au cœur de toute stratégie de développement en Pologne. Dans le long terme, cette restructuration pourrait induire une hausse de 30 pour cent du PIB.

Cela exige un programme de réformes ambitieux et exhaustif

7Chacun de ces aspects est crucial, et il faut progresser sur tous les fronts pour inscrire l’économie sur un sentier de croissance plus dynamique avec des emplois plus nombreux mais aussi plus qualifiés et plus productifs. Les problèmes sont interdépendants, la réussite dans un domaine exigeant des avancées dans les autres. Les autorités doivent donc engager un large éventail de réformes et les mettre en œuvre de façon cohérente pour tirer profit des effets de synergie. Les efforts déployés pour réduire les pièges de la dépendance et accroître les incitations financières à exercer un emploi doivent s’accompagner de mesures visant à augmenter la flexibilité et comprimer les coûts de façon à stimuler l’embauche. De même, des réformes des marchés de produits qui favorisent l’investissement et la création d’emplois doivent se doubler d’initiatives conçues pour accélérer la restructuration rurale et faciliter ainsi le redéploiement des emplois à productivité faible vers les emplois à productivité plus élevée. Enfin, bon nombre des mesures requises impliquent un ciblage plus étroit des dépenses publiques dans certains secteurs et devraient donc contribuer à l’assainissement budgétaire. Ce facteur, s’ajoutant au raffermissement consécutif de la croissance et de l’emploi, contribuera à générer les ressources supplémentaires requises pour financer une augmentation durable des investissements publics dans l’infrastructure et le capital humain.

La croissance devrait rester vigoureuse, ce qui risque d’aviver l’inflation

8La reprise en cours devrait faciliter la résolution de ces problèmes. De fait, après deux années de croissance lente, le PIB a augmenté de 3.7 pour cent en 2003. L’activité devrait continuer à se raffermir en 2004 et 2005, à un rythme de plus de 4½ pour cent par an, et l’écart de production se résorberait vers la fin de la période. La reprise mondiale laisse penser que la croissance des exportations restera dynamique. Néanmoins, étant donné qu’une stimulation budgétaire supplémentaire de 1.7 pour cent du PIB est programmée pour cette année, et compte tenu de l’assouplissement antérieur des conditions monétaires, la croissance sera de plus en plus tirée par la demande interne. En particulier, l’investissement devrait se redresser avec l’amélioration de la rentabilité, l’apparition de contraintes de capacité et les perspectives offertes par l’adhésion à l’UE. En dépit d’une croissance plus soutenue, les carences profondément enracinées du marché du travail (voir ci-après) font que la progression de l’emploi sera faible et le recul du chômage peu sensible. Certes, la hausse des prix des biens importés engendrera quelques pressions inflationnistes, mais vu le niveau élevé du chômage et la présence d’un écart de production négatif la hausse des prix à la consommation devrait se maintenir à l’intérieur de la fourchette d’inflation révisée de 2.5 ± 1 pour cent retenue comme objectif par la banque centrale. Toutefois si la demande intérieure réagit plus rapidement à la relance budgétaire et monétaire, l’économie risque de connaître une surchauffe, ce qui provoquerait un dérapage de l’inflation et du déficit courant, une hausse de la prime de risque sur le zloty, une montée encore plus vive des taux d’intérêt et un enlisement de la reprise.

La politique monétaire pourrait avoir besoin d’être resserrée, à moins que des mesures budgétaires rigoureuses ne soient prises

9La reprise récente de la demande doit beaucoup à l’assouplissement de la politique monétaire depuis la fin de 2001. L’inflation ayant été ramenée à moins de 2 pour cent, la stratégie monétaire de la Banque nationale vise, comme il se doit, à maintenir l’inflation à un bas niveau. Afin de maximiser sa capacité d’atteindre cet objectif et d’influer sur les anticipations, la Banque devrait, comme prévu, publier plus rapidement son rapport trimestriel sur l’inflation et y inclure des prévisions d’inflation. En outre, il serait souhaitable que le Conseil de politique monétaire indique régulièrement comment la politique monétaire est susceptible de réagir aux hausses ou baisses prévues du taux d’inflation, comme il l’a fait à l’issue de ses réunions de février et mars. Bien que les taux d’intérêt réels demeurent élevés, avec la forte dépréciation du zloty les conditions monétaires se sont assouplies pour s’établir en dessous des niveaux observés en 1998, juste avant que l’inflation ne s’accélère de nouveau. Dans ce contexte, et compte tenu en particulier de l’orientation très souple de la politique budgétaire et du rythme déjà soutenu de la croissance, les taux directeurs ne devraient pas être abaissés davantage. Bien au contraire, les autorités monétaires doivent surveiller de près l’évolution de l’inflation et des salaires et se tenir prêtes si nécessaire à relever les taux, de façon à empêcher toute résurgence de l’inflation ou tout accès de fébrilité sur les marchés financiers. Une fois que la politique budgétaire aura été significativement durcie, les pressions inflationnistes devraient s’atténuer – ouvrant la voie à un nouvel assouplissement de la politique monétaire. En ce qui concerne l’adoption de l’euro, l’assainissement des finances publiques sera tout aussi essentiel pour parvenir à remplir les critères nominaux de convergence. Pour établir le chemin qu’il est optimal de suivre pour remplir les conditions d’adhésion à la zone euro, les autorités polonaises devraient évaluer les avantages d’une adoption rapide de l’euro en termes de crédibilité accrue et d’incertitudes réduites, et en parallèle les désavantages potentiels d’un passage prématuré en termes de perte d’indépendance au niveau de la politique monétaire et de perte de flexibilité au niveau du taux de change.

Un assainissement budgétaire s’impose pour maîtriser la dette du secteur public et éviter un ajustement ultérieur plus douloureux

10Il faut s’employer immédiatement à freiner la croissance des dépenses, à la fois pour ajuster le dosage des composantes de la politique macroéconomique et pour assurer la viabilité à moyen terme des finances publiques. La dette publique croît à raison de 4 pour cent du PIB par an depuis maintenant plusieurs années. De surcroît, étant donné que le déficit des administrations publiques devrait atteindre 5.7 pour cent du PIB en 2004, l’accumulation de la dette publique va sans doute encore s’accélérer. À cet égard, les mesures ébauchées dans le programme de réforme des dépenses publiques, qui se traduiront par une amélioration durable du solde structurel de 1.3 pour cent du PIB, seront utiles. Malheureusement, comme la plupart des économies n’interviendront pas avant 2005 ou 2006, le risque que la réforme prévue n’évite pas le franchissement du seuil des 60 pour cent est réel, ce qui contraindra le gouvernement à adopter pour l’exercice budgétaire suivant (deux ans après le dépassement) des budgets équilibrés en ce qui concerne l’État et les collectivités locales. Afin d’éviter ce durcissement draconien et ses conséquences macroéconomiques douloureuses, il est indispensable d’engager dès maintenant des mesures d’assainissement substantielles avant que ces seuils statutaires ne soient dépassés. Les autorités devraient donc opérer dès à présent de nouvelles coupes durables dans les dépenses. De plus, une stratégie d’assainissement plus énergique éviterait d’avoir à pratiquer des compressions supplémentaires lorsque les recettes de privatisation finiront par se tarir. Enfin, les autorités doivent résister à la tentation de remplacer l’actuelle définition polonaise de la dette par la définition du SEC 95, qui donne une estimation plus basse tant que le processus d’assainissement n’est pas achevé. Cette décision permettrait certes de retarder d’un an le dépassement du seuil de 60 pour cent, mais elle adresserait un message perturbateur aux marchés financiers et pourrait compromettre la crédibilité à long terme de la Pologne.

Des procédures budgétaires plus transparentes, plus complètes et plus prospectives sont nécessaires

11Même si le programme d’assainissement budgétaire proposé est voté, les autorités devront améliorer les mécanismes de planification et de contrôle budgétaire à moyen terme pour faire en sorte que ces plans soient exécutés et que l’ensemble des économies prévues soient réalisées. L’instauration d’une règle de dépense à moyen terme contraignante et l’obligation de compenser les augmentations de dépenses par des coupes dans d’autres secteurs devraient contribuer à réduire le risque de voir les responsables prendre des décisions imprévoyantes qui altèrent durablement la viabilité des finances publiques. De surcroît, les systèmes budgétaires doivent mieux prendre en compte la totalité des dépenses publiques, en particulier celles des divers fonds extrabudgétaires. À cet égard, la décision récente de placer le Fonds pour le travail sous la responsabilité du ministère de l’Économie, du Travail et de la Politique sociale constitue un pas dans la bonne direction. Elle devrait être renforcée par l’obligation de présenter des informations beaucoup plus complètes sur ce fonds et les autres fonds extrabudgétaires dans le budget de l’État. De plus, les programmes extrabudgétaires devraient faire l’objet d’une surveillance parlementaire identique à celle des programmes directement financés par le budget de l’État. Enfin, les autorités doivent s’attaquer à la question du traitement comptable des fonds de retraite privés obligatoires. Selon la pratique récente, les cotisations à ces fonds sont incluses dans les recettes publiques, mais les transferts de ces fonds aux comptes individuels d’épargne retraite sont exclus des dépenses. Il est vrai que l’exclusion de ces recettes ferait apparaître la position d’endettement de la Pologne sous un jour défavorable par rapport aux pays qui n’ont pas adopté une réforme des retraites similaire. Cependant, le fait de ne comptabiliser que les recettes dans le solde des administrations publiques sousestime l’ampleur du déficit de financement des opérations publiques courantes. Bien que les engagements correspondants soient inclus dans la dette, cette approche peut donner une image faussement positive des finances publiques, et inciter ainsi les décideurs à dépenser davantage qu’ils ne l’auraient fait autrement. De fait, dans la mesure où le déficit prévu pour 2004, à l’exclusion de ces recettes, dépasse 7 pour cent du PIB, les pratiques comptables actuelles risquent d’empêcher la réforme des retraites d’améliorer la situation budgétaire à long terme de l’État, ce qui était son objectif initial.

Des réformes structurelles exhaustives sont indispensables pour accroître la croissance potentielle

12Un resserrement de la politique budgétaire, tel qu’il est préconisé ci-dessus, engendrerait un cadre macroéconomique plus stable et autoriserait une détente des taux d’intérêt?; par là même, il rendrait l’investissement plus abordable, accélérant ainsi l’accumulation de capital et contribuant à augmenter le taux de croissance de la production potentielle. Néanmoins, des réformes structurelles supplémentaires d’envergure s’imposent pour relever les niveaux de l’emploi et de la productivité et accélérer la convergence. Les gains potentiels de la réforme sont considérables. Selon les estimations de l’OCDE, si les politiques restent inchangées, dans cinquante ans la Pologne n’aura pas encore atteint les niveaux de revenus moyens des pays de l’OCDE. En revanche, si elle adopte des réformes du type de celles qui sont décrites ci-après, la convergence pourrait être réalisée dès 2030.

Le chômage généralisé a un caractère largement structurel…

13Étant donné que près de 50 pour cent des personnes d’âge actif sont sans emploi, l’amélioration des performances du marché du travail représente un impératif central et une véritable gageure pour la Pologne. Le chômage actuel renferme une composante conjoncturelle, mais il est pour l’essentiel d’origine structurelle. L’expansion économique rapide du milieu des années 90 a partiellement masqué un chômage structurel élevé, qui ne s’est manifesté dans toute son ampleur que durant la phase récente de ralentissement de la croissance. La mise en œuvre de en mesure d’atténuer ce problème sera extrêmement difficile. Il faudra prendre simultanément des mesures pour inciter davantage les individus à occuper les emplois disponibles et pour alléger les coûts des entreprises de manière à accroître la demande totale de main-d’œuvre pour un niveau donné d’activité.

… il faut donc réduire les trappes à inactivité…

14Afin d’accroître l’offre effective de main-d’œuvre, les pouvoirs publics doivent réduire fortement l’aide passive aux revenus offerte à des individus bien portants par le biais du système d’invalidité et de divers programmes de retrait prématuré du marché du travail. Un certain nombre de propositions et d’initiatives existantes ont pour but de rationaliser les dépenses de transfert et de réduire les trappes à inactivité, qui entravent l’ajustement sur le marché du travail. Il est prévu notamment de supprimer les programmes de préretraite, de restreindre l’accès aux régimes d’invalidité et d’en rationaliser les prestations, d’accroître les ressources en faveur de programmes plus ciblés tels que l’aide sociale et d’harmoniser les incitations financières du régime d’assurance sociale des agriculteurs et du régime général. Toutes ces initiatives vont dans la bonne direction, mais pour que la Pologne puisse définitivement briser le cycle de dépendance actuel, ces premières étapes devront être suivies de réformes plus substantielles. En particulier, les projets visant à revoir la situation des titulaires de pensions d’invalidité et à limiter dorénavant l’accès à ce type de programme doivent être renforcés pour que seuls ceux dont la capacité de travail est réellement diminuée continuent de recevoir des prestations. Par ailleurs, comme cela est prévu, les niveaux des prestations devraient être réalignés sur la capacité de gain ex ante des individus. À l’heure actuelle, les bénéficiaires représentent plus de 13 pour cent de la population d’âge actif – plus du double de la moyenne OCDE – et leurs prestations nettes d’impôt, ajoutées à d’autres formes d’aide sociale, sont dans bien des cas deux fois plus élevées que les gains nets d’impôt obtenus pour un emploi rémunéré au salaire minimum. Afin de faciliter l’ajustement des personnes qui perdent le bénéfice des prestations, il conviendrait de mettre en place un programme transitoire de durée limitée, avec une réduction des niveaux de prestation, une aide à la formation et au placement ainsi que des prestations liées à l’exercice d’un emploi. Ce dispositif serait complété par un programme d’aide sociale renforcé, assorti de critères de ressources, permettant de fournir un niveau de soutien socialement et budgétairement acceptable à ceux qui ne parviennent pas à trouver du travail à l’expiration du programme transitoire.

… et rendre les salariés peu qualifiés plus attractifs pour les entreprises

15Pour que l’augmentation de l’offre effective de travail s’accompagne d’un élargissement des possibilités d’emploi. les efforts en cours pour réduire le coût d’embauche des travailleurs peu qualifiés doivent être élargis. En l’occurrence, le dispositif actuel permettant aux entreprises de recruter des jeunes et des nouveaux entrants à un salaire inférieur au salaire minimum, qui constitue un paramètre contraignant pour les travailleurs peu qualifiés et les jeunes, devrait être étendu aux chômeurs de longue durée et aux personnes qui perdent leur pension d’invalidité. Des prestations liées à l’exercice d’un emploi pourraient être offertes pour faire en sorte que les travailleurs faiblement rémunérés perçoivent des revenus adéquats. Par ailleurs, le coût du travail freinerait moins l’embauche des travailleurs peu qualifiés si l’on réduisait le coin fiscal sur les bas salaires en baissant les prélèvements obligatoires sur la masse salariale affectés à la sécurité sociale et en finançant les programmes correspondants sur les recettes générales. Les moins-values de recettes pourraient être compensées par une restructuration de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, les taux moyens sur les bas salaires étant maintenus à un bas niveau, ce qui réduirait le coin fiscal sur les travailleurs peu qualifiés. Ce type de mesure supprimerait aussi le biais procyclique du financement de la politique active du marché du travail, et faciliterait ainsi l’amélioration nécessaire de sa qualité, de son ciblage et du nombre de places offertes. Conjuguées avec des propositions très pertinentes visant à renforcer la coordination nationale des services publics locaux de l’emploi et avec une application plus stricte des obligations de recherche d’emploi, ces initiatives permettraient dans une large mesure d’améliorer l’appariement des offres et des demandes d’emploi et de surmonter la tendance au cloisonnement des marchés du travail locaux.

Alléger les formalités administratives et les règles de protection de l’emploi améliorerait aussi l’embauche

16Les entreprises seraient également plus disposées à recruter des travailleurs supplémentaires si les règles applicables aux contrats d’emploi et aux rémunérations étaient assouplies. À cet égard, la réduction récente des majorations obligatoires pour heures supplémentaires va dans le bon sens, mais ces primes sont encore trop élevées (entre 50 et 100 pour cent). De même, les périodes de préavis exigées pour les licenciements économiques sont parmi les plus longues de la zone de l’OCDE, et les règles concernant la désignation des personnes à licencier figurent parmi les plus contraignantes. Conçues initialement pour décourager les licenciements, ces règles alourdissent les coûts de main-d’œuvre, allongent les périodes de chômage, réduisent l’emploi et augmentent le risque inhérent à l’embauche de personnels nouveaux et non éprouvés, freinant ainsi la croissance de l’emploi et contribuant au dualisme du marché du travail.

Les possibilités de s’instruire doivent être plus largement réparties

17À plus longue échéance, l’employabilité et les revenus de la main-d’œuvre polonaise dépendront de la question de savoir dans quelle mesure tous les élèves reçoivent une éducation générale de qualité qui leur donne les compétences nécessaires pour s’adapter à un marché évolutif. À cet égard, d’importants progrès ont été accomplis en vue de réduire le groupement des élèves par aptitudes et d’accroître la qualité globale de l’enseignement. Mais il faut faire davantage, en particulier dans les zones rurales où les performances des élèves sont très inférieures à la moyenne nationale et où le système scolaire tend à être sous-financé – facteur qui contribue à perpétuer les différences régionales en termes de réussite professionnelle et de revenus. Il convient de mobiliser des ressources pour améliorer la qualité de l’enseignement dans ces régions et appuyer les efforts des étudiants pour faire des études supérieures. Les mécanismes de financement régional devraient refléter la capacité contributive de chaque localité. Le mécanisme actuel ne tient compte que des différences de coûts, et de la sorte il contribue indirectement au sous-financement des écoles rurales. Enfin, les universités publiques devraient, à l’instar de leurs homologues du secteur privé, recourir plus largement aux frais de scolarité associés à des prêts pour études afin de financer les programmes à temps plein. Cette réforme, qui nécessiterait peut-être un amendement constitutionnel, permettrait non seulement d’accroître les ressources de ces institutions, mais aussi d’uniformiser les taux de subvention des établissements privés et des établissements publics?; ces derniers sont les plus prestigieux et accueillent surtout des étudiants de milieux relativement aisés.

Les réformes du marché des produits contribueraient à relever les niveaux d’investissement et de productivité

18Ces efforts pour surmonter la faiblesse de l’emploi doivent s’accompagner de mesures sur le marché des produits destinées à relever le niveau d’investissement, qui atteint à peine les deux tiers des valeurs observées dans d’autres économies émergentes, et à améliorer les niveaux de productivité, aujourd’hui parmi les plus bas de la zone de l’OCDE. La politique gouvernementale doit se focaliser sur les actions suivantes : des réformes juridiques et administratives qui rendent les banques plus désireuses de prêter et les entreprises plus désireuses d’investir?; l’accélération de la restructuration et de la privatisation des entreprises publiques?; une amélioration de l’infrastructure productive du pays. Ces mesures, en améliorant les taux d’activité globaux, devraient aussi accroître durablement la demande de main-d’œuvre et, en liaison avec la réforme du marché du travail, accélérer la transition vers des taux d’emploi plus élevés.

Les mesures récentes visant à améliorer le cadre juridique de l’entreprise et à alléger les coûts dans le secteur bancaire devraient se révéler utiles à cet effet

19La décision prise cette année de ramener à 19 pour cent le taux de l’impôt sur le revenu des sociétés et les actions visant à renforcer les capacités de l’agence polonaise de promotion de l’investissement étranger devraient aider le pays à regagner une partie du terrain perdu dans la course aux investissements étrangers. Toutefois, on pourrait probablement accroître encore l’efficacité de l’Agence en faisant de celle-ci un véritable guichet unique d’aide à l’investissement capable d’offrir et de conclure des contrats d’investissement. Plus généralement, il faut réduire de façon draconienne les retards et les coûts administratifs associés à la construction ou à l’extension d’un site, de manière à faciliter les investissements nouveaux. Sur le plan intérieur, les décisions récentes d’assouplir les réglementations bancaires très strictes, notamment en ce qui concerne le provisionnement des créances, devraient contribuer à abaisser les coûts des prêts et, partant, améliorer l’évolution générale des investissements. De même, l’aménagement du droit des faillites et de la gestion des registres fonciers devrait accroître la capacité des banques de faire jouer les garanties et les rendre ainsi plus enclines à prêter. Toutefois, la longueur excessive des procédures judiciaires continue de poser un problème. Les propositions visant à les accélérer sont tout à fait opportunes et doivent être traitées en priorité.

Une privatisation accélérée réduirait la dette publique, stimulerait la productivité et raffermirait la confiance des investisseurs

20Accélérer le processus de privatisations permettrait non seulement de limiter l’accumulation de la dette publique, mais aussi à renforcer la croissance de la productivité globale. À cet effet, il faudra adopter une approche beaucoup plus pragmatique et active des cessions d’actifs (surtout entre petites entreprises), qui mette l’accent moins sur le prix de vente que sur le rapport coûts/avantages total pour la collectivité. En particulier, les autorités devraient revoir la stratégie consistant à consolider les secteurs avant la vente afin de créer des acteurs dominants. Non seulement cette démarche ralentit le processus de vente, mais en outre l’avantage éventuel lié à des prix de vente plus élevés est probablement plus que compensé par les pertes pour les consommateurs découlant des hausses de prix que les entreprises consolidées peuvent pratiquer grâce à un pouvoir de marché accru. Les efforts visant à accélérer la privatisation seraient plus efficaces si, comme cela est proposé, le processus était intensifié par la vente plus active de parts résiduelles d’entreprises dans lesquelles, à la suite de cessions antérieures, l’État conserve une participation majoritaire ou un bloc de contrôle. La présence continue de l’État dans ces sociétés (pratiquement la totalité des entreprises vendues sous la forme de sociétés par actions) les empêche d’obtenir les capitaux dont elles ont le plus grand besoin et freine également l’embauche?; de plus, cette intervention étatique a probablement contribué au bas niveau des prix d’offre et au faible intérêt manifesté pour les entreprises actuellement offertes à la vente. Les autorités devraient aussi réexaminer la vente, par le biais d’émissions d’actions, des participations minoritaires dans plusieurs grandes entreprises contrôlées par l’État. Cette approche risque de perpétuer une structure de propriété dominée par l’État et par les intérêts de dirigeants nommés en fonction de critères politiques. Afin de signaler clairement leur engagement en faveur de la privatisation, les autorités devraient rechercher des investisseurs stratégiques pour les entreprises publiques restantes. Prises ensemble, ces initiatives favoriseraient la prise de risque et amélioreraient le cadre de gouvernance des entreprises. Le maintien de participations publiques majoritaires dans les entreprises n’est pas un mécanisme indiqué pour mener des politiques industrielles ou sociales. Les ressources économiques limitées de la Pologne seraient mieux employées à créer les conditions générales permettant aux entreprises privées de prospérer.

Une meilleure infrastructure des transports et du logement favoriserait le développement et la mobilité

21Les ressources ainsi libérées permettraient d’accroître le financement des projets d’infrastructure, les dépenses dans ce domaine étant dans une large mesure évincées par les transferts aux ménages et par les subventions aux entreprises publiques en difficulté. Le transport et le logement locatif sont les deux secteurs dans lesquels les investissements d’infrastructure sont susceptibles d’induire les plus grandes externalités.

  • Avec un réseau autoroutier d’à peine 600 km et des chemins de fer en état de délabrement avancé, la Pologne a sans doute l’infrastructure de transport la plus faible de la zone de l’OCDE. Les programmes visant à tripler la taille du réseau routier et améliorer les connexions ferroviaires entre les principaux centres sont tout à fait louables, mais une forte volonté politique et administrative sera indispensable pour éviter de renouveler les échecs subis dans le passé face à des objectifs similaires.
  • La construction de logements locatifs et l’amélioration des conditions de base dans ce secteur représentent une autre cible prioritaire pour le développement de l’infrastructure. À l’heure actuelle, la réglementation des loyers, les droits excessifs des locataires et l’absence d’une « culture de la location » limitent la mobilité de la main-d’œuvre. Un projet de loi proposant de reporter de 2005 à 2008 la suppression du contrôle des loyers pour des raisons de protection de la capacité de paiement des locataires, devrait être modifié de manière à permettre à l’alignement des loyers protégés sur les prix du marché de commencer immédiatement. Les locataires protégés auront sans doute du mal à faire face à une augmentation ponctuelle comme celle qui devrait avoir lieu en 2005, mais rien ne permet de penser qu’ils pourraient plus facilement le faire en 2008. Sur un plan plus positif, le projet de loi laisse jouer les mécanismes du marché en ce qui concerne les nouveaux baux, ce qui devrait favoriser une augmentation du parc de logements locatifs. Cependant, le maintien des conditions antérieures pour les baux existants risque de créer un marché à deux niveaux. Par ailleurs, pour être efficace, toute libéralisation du contrôle des loyers devra être complétée par un assouplissement des règles qui empêchent les propriétaires fonciers d’expulser les locataires défaillants. Enfin, afin d’uniformiser les conditions, les incitations fiscales en matière de logement devraient être étendues au secteur locatif commercial.

Il faut réduire les pièges de la dépendance induits par le régime d’assurance sociale des agriculteurs

22Ces initiatives, dans la mesure où elles accroîtront le stock de logements locatifs abordables, devraient atténuer le risque financier que prend un salarié en quittant la région où la productivité et l’emploi sont faibles et où le coût de la vie est relativement bas pour s’installer dans une région caractérisée par des emplois mieux rémunérés mais aussi par des logements beaucoup plus onéreux. Ces initiatives (de même que l’amélioration de l’infrastructure de transport) devraient contribuer à surmonter certains des coûts de transaction qui limitent la mobilité de la main-d’œuvre et la restructuration rurale. Cependant, il faut faire davantage pour réduire les importantes trappes à pauvreté dans l’agriculture. En particulier, il faut atténuer de façon substantielle les incitations financières contenues dans le régime d’assurance sociale spécial des agriculteurs qui font qu’il est particulièrement intéressant d’être considéré comme membre d’un ménage agricole. Les propositions visant à relever les cotisations à ce régime, notamment celles des ménages agricoles les plus aisés, pour en réduire le taux de subventionnement (95 pour cent à l’heure actuelle) vont dans le bon sens. Cependant, pour avoir un impact plus direct sur les pièges de la dépendance dans le cas des agriculteurs à bas revenus, ces mesures doivent être étendues de manière à aligner les prestations et les cotisations de l’assurance sociale agricole sur celles du régime des travailleurs non agricoles. On pourrait y parvenir en majorant les taux de cotisation pour les rapprocher de ceux du régime général ou en introduisant dans le système général des dispositions en faveur des travailleurs à très bas salaires similaires à celles du régime des agriculteurs. Cette option présenterait l’avantage supplémentaire d’abaisser les coûts de main-d’œuvre et donc d’améliorer l’employabilité des travailleurs peu qualifiés du secteur non agricole.

Un regroupement des petites exploitations s’impose pour augmenter les revenus ruraux

23Une harmonisation des prestations rendrait par ailleurs inutiles les conditions requises en matière de propriété foncière du régime d’assurance sociale agricole, contribuant ainsi à supprimer un obstacle majeur à la restructuration rurale et à l’amélioration de la productivité. La réglementation actuelle prévoit qu’un ménage agricole doit avoir au moins un hectare de terre pour bénéficier des prestations (mais en posséder moins de deux pour avoir un accès gratuit à l’assurance-chômage). C’est là l’un des principaux facteurs qui expliquent pourquoi la très grande majorité des exploitations ont une taille trop réduite pour être rentables, et pourquoi la population rurale est devenue tributaire des transferts publics, qui constituent en moyenne un tiers de?leurs ressources. Le problème est d’autant plus aigu que, du fait des règles de propriété foncière, les petits agriculteurs se refusent à vendre leurs terres, empêchant ainsi un regroupement foncier indispensable pour améliorer les niveaux de productivité agricole. De fait, bien qu’on observe une augmentation du nombre d’exploitations de plus de 15 hectares, le nombre total des petites exploitations non rentables a en réalité augmenté. Afin de promouvoir leur regroupement, les pouvoirs publics devraient :

  • Rendre l’enregistrement des terres agricoles obligatoire et gratuit (les titres de propriété font défaut pour 30 pour cent des terrains agricoles, en partie parce que les coûts pour les petites exploitations sont prohibitifs).
  • Contribuer au développement d’un marché des propriétés agricoles en assouplissant le régime de propriété de ces terrains. Tandis que les prix du foncier agricole sont susceptibles d’augmenter, cette hausse accroîtra la richesse des agriculteurs, facilitera leur accès au financement de nouvelles acquisitions de terrains et rendra plus abordable l’achat d’un logement en zone urbaine – ce qui ne peut qu’améliorer la mobilité entre ville et campagne.
  • Supprimer l’incitation financière à conserver de petites exploitations agricoles, en harmonisant les prestations comme indiqué ci-dessus.

La politique à l’égard du changement climatique devrait permettre de réaliser les objectifs avec un rapport coût?efficacité optimal

24La Pologne devrait atteindre assez aisément l’objectif en matière d’émissions de gaz à effet de serre inscrit dans le Protocole de Kyoto. Néanmoins, si elle allait au-delà de ces engagements, elle pourrait réaliser des gains économiques et environnementaux supplémentaires en tirant parti des possibilités de négoce de permis d’émission, notamment dans le cadre du prochain système d’échange de droits d’émission de dioxyde de carbone de l’Union européenne. En revanche, la mise en œuvre des directives de l’UE sur la pollution atmosphérique pourrait engendrer des coûts importants, en particulier si les réductions étaient obtenues à l’aide d’une réglementation coercitive. Les autorités polonaises devraient plutôt mettre à profit la possibilité d’atteindre le même niveau de réduction des émissions totales par d’autres moyens et instituer un mécanisme national de plafonds et d’échanges pour les polluants atmosphériques. Cette solution réduirait sensiblement les coûts de conformité, principalement en évitant d’avoir à installer des dépoussiéreurs sur toutes les anciennes centrales au charbon, alors que beaucoup d’entre elles vont sans doute fermer avec la hausse du prix des émissions de dioxyde de carbone.

Résumé

25En définitive, de nouveaux efforts majeurs devront être déployés pour accélérer le processus de convergence et consolider les remarquables progrès accomplis dans la transformation de l’économie polonaise. L’un des éléments clés de toute stratégie de réforme consiste à replacer les finances publiques sur une trajectoire viable, à la fois pour éviter que la dette ne franchisse le seuil constitutionnel de 60 pour cent et pour améliorer le dosage des composantes de la politique économique, de façon que les taux d’intérêt puissent être abaissés en toute sécurité. Pour s’attaquer au chômage, il faudra prendre des mesures qui augmentent à la fois l’offre et la demande effectives de main-d’œuvre. Il conviendrait tout d’abord de rationaliser le système de transferts aux ménages en réservant l’accès au régime d’invalidité aux personnes qui sont réellement inaptes à travailler, tout en augmentant le soutien sous conditions de ressources pour les personnes qui en ont besoin, dans le cadre du système d’aide sociale. Par ailleurs, des réductions du salaire minimum ciblées sur les jeunes et les primodemandeurs d’emploi, des diminutions du coin fiscal sur les bas salaires et un renforcement du système de prestations liées à l’exercice d’un emploi contribueraient à rendre plus attrayant pour les entreprises le recrutement de travailleurs non qualifiés et inexpérimentés, qui constituent la majeure partie des sans-emploi. En même temps, il faut développer des politiques actives du marché du travail bien conçues et évaluées avec soin et mettre en place des mécanismes de financement plus stables. À plus longue échéance, des perspectives d’éducation plus satisfaisantes pourraient améliorer les résultats sur le plan professionnel et les revenus du travail. La demande de main-d’œuvre serait également stimulée par des mesures qui encouragent l’investissement et qui réduisent plus généralement le coût de l’activité entrepreneuriale. De nouveaux efforts visant à réduire les coûts de mise en conformité dans le domaine du contrôle bancaire, à améliorer la protection des droits de propriété et à accélérer les procédures d’exécution dans les affaires concernant les entreprises, de manière à alléger le coût des prêts pour les banques, seraient également utiles, de même qu’une accélération des privatisations et une extension de l’infrastructure. Enfin, il convient d’harmoniser les bénéfices et les prestations du régime d’assurance sociale spécial des agriculteurs et du régime général, à la fois pour promouvoir les migrations entre zones rurales et urbaines et pour faciliter le regroupement des exploitations agricoles, volet essentiel de toute stratégie de lutte contre la pauvreté rurale en Pologne. Des avancées sur tous ces fronts sont indispensables pour améliorer encore la productivité globale et permettre une croissance rapide et durable du niveau de vie.


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