Notes
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[*]
Professeur – Université Hassan II Aïn Chock – Casablanca et LASAARE.
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[**]
Doctorant – Université Hassan II Aïn Chock – Casablanca et LASAARE.
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[1]
Voir « Charte Nationale d’Éducation et de Formation », Commission Spéciale Éducation Formation (2000).
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[2]
Il s’agit des données relatives à l’année la plus récente disponible pour la période 2005-2010
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[3]
Les arguments avancés pour expliquer les mauvais résultats des élèves marocains mentionnent le fait que le questionnaire et le test sont conçus en anglais puis traduits et administrés en arabe classique, plus difficile que celui enseigné au Maroc et très différent du dialectal usité par les élèves dans la vie courante. La seconde explication serait que les tests sont destinés à une classe d’âge censée suivre un programme standard, mais différent du programme adopté au Maroc.
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[4]
TIMSS est un programme conduit par l’IEA (International Association for the Evaluation of Education Achievement).
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[5]
Chaque établissement scolaire retenu est représenté par une seule classe.
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[6]
Ce qui soulève selon nous un problème d’endogéneité.
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[7]
Pour une revue de littérature détaillée, voir Abbaia (2008).
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[8]
À l’exception de ceux de Hijri (1993), Hijri, Montmarquette et Mourji (1995), ces travaux n’ont pas fait l’objet de modélisation.
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[9]
Chaque strate est composée de deux régions à l’exception de celle de Marrakech qui est représentée par une seule Académie Régionale d’Éducation et de Formation(AREF), et celle de Chaouia - Ourdigha - Doukala - Abda - Tadla – Azilal qui est composée de trois AREF.
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[10]
Cette différence est due à l’exclusion, dans notre étude, des données relatives à la région de Fès-Boulmane-Taza-Taounate-Al Hoceima où le taux de remplissage des questionnaires a été très faible.
-
[11]
Pour plus de détail, voir Hofmann (1997), Bressoux (2000) et Arrègle (2003).
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[12]
La méthode utilisée pour l’estimation du modèle est celle du maximum de vraisemblance (ML).
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[13]
11,87 % = variance inter-écoles/variance totale.
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[14]
12 529,19 – 11 977,99 = 551,2.
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[15]
Dans notre échantillon, il n’y a pas d’enseignants âgés de 50 ans ou plus en milieu rural. En fait, commençant souvent leurs carrières dans le milieu rural, les enseignants bénéficient de la mobilité professionnelle vers le milieu urbain, grâce à l’ancienneté.
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[16]
De même, nous n’avons aucune enseignante en milieu rural. En fait, même avec une ancienneté faible, les enseignantes ont plus de chance de bénéficier de la mobilité professionnelle pour rejoindre leurs maris.
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[17]
Enfin en milieu rural, il n’y a que les enseignants ayant une formation professionnelle de deux ans. En fait, ce sont les enseignants les plus anciens qui exercent avec une année seulement de formation professionnelle ; et ce sont également eux, qui ayant bénéficié de la mobilité professionnelle, exercent dans les villes.
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[18]
Enregistrant 26 % de valeurs manquantes, cette variable a été traitée par la méthode des imputations multiples.
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[19]
Voir Hijri (1993) ; Suchaut (2006).
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[20]
Nous avons procédé à plusieurs modes de construction de la variable « Attitude de l’élève envers son école » ; ils aboutissent tous à une variable dont l’effet est négatif, tantôt statistiquement significatif, tantôt non significatif. Suite à un commentaire de notre référé, nous avons procédé à une estimation dans laquelle nous excluons les variables colinéaires avec cette variable. Les résultats n’ont pas changé.
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[21]
Notons cependant que pour cette variable, le test d’endogéneité a conclu au non-rejet de celle-ci ; mais la base de données n’offre pas de possibilité de recourir à une variable instrumentale.
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[22]
Dans l’enquête, les « biens d’équipement et le matériel pédagogique » au sein du ménage sont captés par la disponibilité d’un ordinateur, d’un bureau (ou table d’étude), d’un dictionnaire ou encyclopédie, d’une PlayStation jeu DVD.
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[23]
Signalons que les tests ont été administrés en arabe classique.
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[24]
Il s’agit de : Souss Massa Daraa, Tadla Azilal, Taza Taounat ElHoussima et relativement Marrakech Tansift Al Haouz. La comparaison est faite à partir des données relatives à 2005-2006, publiés par le CSE (2008).
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[25]
Ces variables ont été construites à partir de leurs composantes telles qu’elles figurent dans le questionnaire administré aux élèves ; voir annexe 2 relative au détail de la construction de ces variables.
1 – Introduction
1Il est admis que dans tous les pays, la qualité de l’éducation détermine celle du capital humain, indicateur du niveau de développement et facteur essentiel pour la croissance (Romer (1986), Lucas (1988)). Par la diffusion d’externalités positives, l’éducation favorise l’essor de la productivité, l’attrait des investissements étrangers, avec les transferts de technologies que cela suppose.
2Les efforts consentis dans le domaine de l’éducation visent dans beaucoup de pays, après la généralisation de l’enseignement, à améliorer le rendement scolaire des élèves. En consacrant à l’éducation des ressources humaines et financières importantes, les pays cherchent ainsi à doter leurs jeunes de compétences pour participer activement au développement économique et social.
3De manière générale, les préoccupations relatives à la qualité de l’éducation concernent à la fois les pays avancés et ceux en développement. Au Maroc, plusieurs efforts ont été déployés pour rehausser le niveau de l’éducation. Ces efforts s’inscrivent dans le cadre d’une réforme du système éducatif qui remonte à 2000 [1] et qui propose un faisceau d’actions à mener à différents niveaux pour une refonte profonde des processus d’éducation et de formation.
4Or, l’état de l’enseignement des mathématiques au Maroc laisse apparaître de fortes lacunes aussi bien au niveau quantitatif que qualitatif. Au niveau de la scolarisation, le Maroc est largement en retard par rapport à plusieurs pays comparables. En effet, le taux net de scolarisation en secondaire ne dépasse pas 34,51 % au Maroc en 2003, alors qu’il est de 64,88 % en Algérie, 65,83 % en Tunisie et 80,26 % en Jordanie. Au niveau du primaire, et malgré les efforts consentis par le pays, le taux net de scolarisation est de 89,71 % en 2009 au Maroc, alors qu’on enregistre 93,83 % en Algérie, 93,30 % en Égypte et 98,42 % en Tunisie (Base de données SESRIC). D’autre part, si le taux d’alphabétisme ne dépasse pas 56,1 % au Maroc en 2009, il est de 72,6 % en Algérie, 89,6 % au Liban et de 92,2 % en Jordanie (PNUD 2011) [2].
5Par ailleurs, les inégalités en matière de scolarisation entre les milieux urbain et rural sont flagrantes au Maroc. Si le taux de scolarisation des jeunes âgés de 15 à 17 ans est de 76 % en milieu urbain, il n’est que de 21,8 % en milieu rural en 2009 (Ministère de l’Éducation Nationale, 2010).
6S’agissant de la qualité de l’éducation, avec une moyenne nationale de 387, le Maroc a occupé la 45e place parmi les 50 pays participants au TIMSS (Trends in International Mathematics and Science Study). Ce score reste inférieur à ceux de plusieurs pays comparables au Maroc : 410 pour la Tunisie, 433 pour Liban, 406 pour l’Egypte et 424 pour la Jordanie (IEA(2003)), sachant que la moyenne internationale s’établit à 467.
7Pour contribuer à la compréhension de cette situation, cet article a pour objet d’analyser les déterminants du rendement scolaire en mathématiques chez les élèves de la 2e année de l’enseignement secondaire collégial.
8Les résultats de cette étude ont une visée opérationnelle dans la mesure où ils peuvent contribuer à éclairer les décideurs en les aidant à identifier les causes des faiblesses du rendement scolaire des élèves au Maroc et partant, à mieux définir les actions correctives à entreprendre [3].
9Le présent travail est basé sur les données du TIMSS [4] 2003 appliqué au Maroc, sur un échantillon de 1 140 élèves appartenant à 68 établissements scolaires [5]. Nous avons regroupé les variables dont nous disposons en trois catégories : les variables individuelles ; les variables familiales et celles liées au contexte scolaire. Pour tenir compte de la structure hiérarchisée des données, du fait de la présence des variables scolaires, il s’avère opportun de recourir à l’application d’un modèle multiniveaux.
10Dans une première section, nous présentons un bref récapitulatif de la revue de la littérature relative aux déterminants du rendement scolaire. La seconde est consacrée à la description des données utilisées et aux enseignements des traitements préliminaires opérés. La troisième section établit les liens entre la nature de ces données et les outils de modélisation adaptés, à l’image d’autres travaux (Arrègle (2003), Goldstein (1999), Michaelowa (2000), Bryk, A.S. et S.W. Raudenbush (1992)). La dernière section expose les résultats des estimations obtenues avec leurs analyses ainsi que les principales conclusions.
2 – Les enseignements de la revue de la littérature
11Plusieurs études portant sur le rendement scolaire ont recouru, par analogie avec d’autres secteurs, à l’approche via une « fonction de production en éducation ». On y considère l’existence d’un certain nombre de facteurs (qui constituent des inputs) qui, avec une série d’activités et de pratiques, produisent un rendement scolaire (output).
12Ces études retiennent comme inputs de la fonction de production en éducation, trois catégories de variables. La première concerne les caractéristiques individuelles des élèves telles que le sexe, l’âge, l’intelligence, la motivation, la perception de soi etc. La deuxième catégorie d’inputs, basée sur des variables liées à l’environnement familial des élèves, retient le niveau d’instruction des parents, la disponibilité des biens d’équipement et du matériel pédagogique au sein du ménage, la langue pratiquée au sein de la famille, la taille de la famille, etc. Enfin, les variables liées au contexte scolaire prennent en compte les caractéristiques de l’enseignant (formation, motivation…), celles de l’école telles que la taille des classes, les équipements et pratiques pédagogiques… ces variables peuvent en effet influer significativement sur les performances des élèves.
13Les résultats auxquels ont abouti les recherches sur les déterminants du rendement scolaire ne sont cependant pas consensuels. Coleman et al (1966) indiquent que ce sont les caractéristiques du milieu familial des élèves et non les ressources mises à la disposition des écoles qui jouent un rôle important dans l’explication du rendement scolaire. Parmi les variables du milieu familial, les chercheurs accordent une grande importance au niveau d’instruction de la mère (Mingat et Perrot (1980), Cooksey (1981), Duru-Bellat (2003), Diallo (2001)). Ces chercheurs ont démontré que les résultats scolaires sont meilleurs chez les enfants dont les parents sont instruits. Hirji, Montmarquette et Mourji (1995) ont trouvé des résultats nuancés dans le cas du Maroc ; l’éducation de la mère n’a pas un pouvoir explicatif significatif des performances scolaires des enfants. Cela tient au fait que sur l’échantillon étudié (dans une grande ville, Rabat en 1993), les femmes ayant un niveau d’éducation étaient facilement engagées dans la vie professionnelle et confiaient le suivi et l’accompagnement de leurs enfants à des aides ménagères, souvent analphabètes.
14La disponibilité des biens d’équipement au sein du ménage apparaît également significative dans l’explication du rendement scolaire. Dans l’ensemble des pays de l’OCDE, la possession de divers biens matériels (bureau, ordinateur, dictionnaire…) est corrélée positivement et significativement au rendement scolaire (OCDE, 2001).
15Par contre l’effet des ressources de l’école sur la réussite scolaire est faible ; à peine plus de 1 % de la variance expliquée (Hanuschek (1979, 1986)). De plus, à ce niveau, les résultats sont souvent contradictoires.
16Contrairement aux résultats trouvés par Coleman et al (1966), dans une étude menée dans plusieurs pays développés, Cherkaoui (1979) montre l’importance des variables scolaires. Sans nier l’effet de l’environnement familial, car les enfants issus des milieux aisés s’inscrivent souvent dans les meilleures écoles [6], cet auteur insiste sur l’effet du type d’établissement et du processus d’évaluation sur le rendement scolaire des élèves.
17Généralement, les « effets établissements » varient fortement d’une recherche à l’autre. Ainsi, Bressoux (1994) relève que les résultats de recherches au niveau international montrent que les « effets établissements » expliquent entre 2 et 13 % de la variance des scores entre les élèves, alors que pour Duru-Bellat (2003) la part de ces effets porte sur 8 à 15 %.
18Parmi les facteurs liés au contexte scolaire, les chercheurs insistent généralement sur l’importance des caractéristiques organisationnelles des écoles d’une part, et la formation et la motivation des enseignants d’autre part.
19De nombreuses recherches ont montré l’importance des variables individuelles dans l’explication du rendement scolaire. Dans une étude menée au Togo, Jarousse et Mingat (1992) ont trouvé que les variables individuelles des élèves contribuent pour près de 57,5 % de la variance expliquée, alors que celles liées à l’environnement familial ne représentent que 10,2 %. Dans le même sens, les chercheurs insistent sur l’effet prépondérant du fonctionnement intellectuel des enfants sur leur réussite scolaire. Gilly (1969) précise même que, de toutes les formes d’intelligence, la forme verbale est celle qui permet d’établir le meilleur pronostic de la réussite aussi bien au niveau primaire que dans l’enseignement secondaire. De plus, les corrélations trouvées entre des tests d’intelligence et la réussite scolaire à l’école primaire se situent entre 0,70 à 0,75. Au Maroc, Hijri et al. (1995) ont constaté que le fonctionnement intellectuel, estimé à partir du résidu d’une équation expliquant le rendement scolaire de la 5e année du primaire, joue un rôle essentiel dans l’explication du rendement au baccalauréat. En plus du fonctionnement intellectuel, les chercheurs insistent sur les autres caractéristiques individuelles (âge, sexe, motivation, etc.) [7].
20Au Maroc, la question du rendement scolaire reste peu étudiée et les approches quantitatives sont rares dans ce domaine [8] ; il en est de même du recours aux modèles multiniveaux, quasi absents dans les travaux. Le présent travail a, d’une part, l’ambition d’enrichir les recherches portant sur l’éducation et, d’autre part, d’appliquer ces modèles qui restent les plus adaptés dans un tel contexte.
3 – Présentation des données
21Nos analyses portent sur un échantillon de 1 140 élèves de la 2e année de l’enseignement secondaire collégial au Maroc, appartenant à diverses régions regroupées en cinq strates [9].
22Les informations issues de l’enquête TIMSS sont riches et diversifiées. Nous avons retenu les variables auxquelles la littérature accorde une grande importance, on y retrouve les trois catégories de variables mentionnées plus haut.
3.1 – Les variables individuelles et familiales
- Les variables individuelles, démographiques, psychologiques et comportementales : âge, sexe, attitude envers l’école, confiance en soi, temps consacré aux devoirs à domicile…
- Les variables familiales : niveau d’instruction de la mère et du père, disponibilité de biens d’équipement et de matériel pédagogique (ordinateur, bureau, dictionnaire…), langue véhiculée en famille, sachant que l’arabe est la langue d’enseignement (les enfants parlant exclusivement le berbère au sein du ménage seraient moins favorisés).
24Le score moyen des élèves en mathématiques est de 394 dans notre échantillon (légèrement supérieur à la moyenne nationale, 387) [10], avec une dispersion de 60,61. Ce résultat reste faible comparativement à ceux réalisés dans les autres pays participants à l’étude de TIMSS.
25L’âge moyen des élèves est de 15,16 ans avec une dispersion de 1,17 et la part des filles est de l’ordre de 52 %. 19 % des élèves espèrent obtenir le baccalauréat et comptent s’y arrêter, 52 % espèrent aller au-delà, alors que 29 % des élèves n’ont pas d’espérances précises.
26Le travail sans calculatrice est fortement répandu parmi les élèves. Ainsi, 48 % n’utilisent pas de calculatrice, et seulement 14 % l’utilisent toujours. 42 % des élèves consacrent plus de 2 heures aux devoirs à domicile, 28 % y consacrent moins d’une heure (35 % en milieu rural). 47 % des élèves prennent souvent des cours particuliers (une fois par semaine ou plus), alors que 28 % n’en prennent pas. Le recours aux cours particuliers s’est généralisé au Maroc, parallèlement à la forte croissance du nombre des établissements privés ; ils répondent à la baisse ressentie par les familles de la qualité de l’enseignement public. Ces cours ont le plus souvent lieu sous forme de classes d’élèves et non de cours particuliers individuels.
27La majorité des élèves proviennent de familles qui parlent l’arabe ou le pratiquent en parallèle (respectivement 49 et 41 %). Seulement 9 % des élèves ne pratiquent jamais cette langue au sein de leur famille.
28La taille moyenne des familles auxquelles appartiennent les élèves est de 5 personnes, avec une dispersion de 1,65. Le niveau d’instruction des parents reste faible. Ainsi, 47 % des mères n’ont pas atteint le certificat du primaire ou n’ont jamais fréquenté l’école et 14 % seulement ont le baccalauréat ou un niveau supérieur ; pour les pères, les résultats sont respectivement de 25 et 28 %.
3.2 – Les variables du contexte scolaire
29Elles sont orientées essentiellement vers les caractéristiques démographiques et professionnelles des enseignants.
30La majorité des élèves (54 %) sont pris en charge par des enseignants dont l’âge est compris entre 40 et 49 ans et 69 % par des professeurs qui ont juste le baccalauréat. Jusqu’aux années 1990, le bac était le niveau minimal exigé pour accéder au corps des enseignants du secondaire collégial au Maroc ; par la suite, l’exigence a été supérieure : diplôme des études universitaires générales (DEUG) ou 2 années dans les centres pédagogiques régionaux. Seulement 17 % des élèves sont pris en charge par des enseignants ayant passé une année de formation professionnelle. Enfin, on note que 81 % des élèves sont inscrits dans des collèges situés en milieu urbain. En fait, vu le nombre limité des collèges dans leur lieu d’habitation, les élèves du monde rural se trouvent obligés de venir en ville pour continuer leurs études.
4 – Présentation du modèle
31Les données de l’échantillon constitué ont une structure hiérarchisée. Elles comprennent à la fois les informations relatives aux élèves et celles propres aux écoles. Or, les modèles multiniveaux permettent de modéliser les différences non seulement entre les « micro-unités » (les élèves dans notre cas), mais aussi entre les « macro-unités » (les écoles ici) (Paterson et Goldstein, 1991). L’analyse peut donc à chaque fois fixer un aspect pour appréhender l’effet de l’autre.
32Nous sommes donc face à des variables mesurées à différents niveaux (Figure 1).
Schéma représentatif des relations entre les variables explicatives et la variable « performance », objet de l’étude
Schéma représentatif des relations entre les variables explicatives et la variable « performance », objet de l’étude
33Cette pluralité de niveaux d’analyse au sein d’un même modèle pose le problème du non respect de deux hypothèses essentielles, à savoir l’indépendance des observations et l’homoscédasticité [11].
34Cela implique des biais au niveau de la mise en œuvre des tests associés à la méthode des moindres carrés ordinaires (MCO). Comme le décrit Arrègle (2003), le fait d’ignorer la structure hiérarchisée des données conduit à des écarts-types estimés plus faibles, ce qui augmente le risque de considérer les relations entre la variable dépendante et les variables du niveau supérieur (écoles) comme étant significatives alors qu’elles ne le sont peut-être pas (en pratique la statistique de Student est dans ce cas surestimée).
35Pour surmonter les insuffisances de la méthode des MCO, les modèles multiniveaux s’avèrent efficaces dans ces cas. Ils remédient au problème de l’homoscédasticité, en introduisant une hypothèse plus faible, selon laquelle la variance des résidus peut varier comme une fonction linéaire ou non linéaire des variables explicatives (Snijders et Bosker, 1999).
36Soit le modèle suivant :
38Où Rij et Xij représentent respectivement le rendement scolaire en mathématiques et un vecteur de variables caractérisant l’élève i qui étudie dans l’école j. ?0 représente la constante, ?1 est le vecteur des coefficients des diverses variables exogènes et ?ij représente une erreur aléatoire associée à chaque individu i de l’école j, supposée de moyenne nulle et de variance ?2? (constante).
39Or, la relation entre Rij et Xij peut varier d’une école à l’autre. En effet, les variables individuelles ou de l’environnement familial ne jouent pas de la même manière selon les écoles. De subtiles interférences doivent exister ; par exemple, l’implication des parents dans le suivi des élèves diffère certainement selon les caractéristiques des écoles. Pour en tenir compte, il faut attribuer un indice j à ?0 et à ?1.
40Comme les variables Rij et Xij sont mesurées au niveau 1, le modèle devient alors :
42Étant aléatoires, ?0j et ?1j sont supposés distribués selon une fonction de probabilité (Kreft et De Leeuw, 1998).
43Ainsi, on peut écrire :
45Où ?00 représente la constante moyenne pour toutes les écoles ; ?10 la pente moyenne pour toutes les écoles ; ?0j représente l’écart de chaque école à la constante (c’est une variable aléatoire de moyenne nulle et de variance ) ; ?1j représente l’écart de chaque école à la relation moyenne (c’est une variable aléatoire de moyenne nulle et de variance ).
46Avec l’intégration des caractéristiques des écoles (vecteur W) (niveau 2) on trouve :
48En remplaçant les coefficients aléatoires ?0j et ?1j par leurs valeurs et en développant la factorisation, on obtient :
50En plus de l’estimation des effets des différentes variables sur le rendement en mathématiques, les modèles multiniveaux vont fournir des informations sur la partition de la variance entre les deux niveaux d’analyse (ici celui relatif aux caractéristiques de l’élève et celui de l’école).
51Le modèle multiniveaux répond au problème de l’hétérogénéité des groupes en estimant séparément les équations de régression pour chaque école puis en modélisant les variations entre les écoles selon leurs caractéristiques. Le modèle de niveau (1) va permettre de mettre en évidence les résultats relatifs à chaque école (en différenciant les élèves), alors que le niveau (2) analysera la variabilité inter-écoles [12].
5 – Résultats de l’estimation
5.1 – Estimation du modèle « vide »
52L’estimation d’un modèle, qui ne contient aucune variable explicative, permet de décomposer la variance totale des scores des élèves en mathématiques, en une partie inhérente au niveau « supérieur » (écoles) et l’autre attribuable au niveau « inférieur » (élèves). C’est selon l’importance de la valeur de la variance inter-écoles que l’opportunité du recours aux modèles multiniveaux est ou non justifiée. Dans l’affirmative, on procède à la seconde étape dans laquelle on introduit les variables explicatives.
53Les résultats de l’estimation du modèle « vide » figurent dans le tableau 1.
L’explication du rendement en mathématiques à l’aide d’un modèle multiniveaux sans variables exogènes
L’explication du rendement en mathématiques à l’aide d’un modèle multiniveaux sans variables exogènes
ns : non significatif ;*: significatif au seuil de 10 % ;* *: significatif au seuil de 5 % ;***: significatif au seuil de 1 % ; (les écarts-types estimés figurent entre parenthèses).54Les résultats de l’estimation montrent que la variance inter-écoles représente 11,87 % [13] de la variance totale (le reste relève de la variance interindividuelle). Cette variance n’est pas négligeable et est significativement différente de zéro (t > 3). Elle traduit le rôle non négligeable des caractéristiques des écoles dans l’explication des performances des élèves au test TIMSS.
55L’étape suivante consiste donc à introduire les variables explicatives pour pouvoir raisonner « toutes choses égales par ailleurs », tout en tenant compte des effets fixes, dans l’interprétation.
5.2 – Estimation du modèle complet
56Après l’intégration des variables explicatives dont nous disposons, la part de la variance interindividuelle et celle de la variance inter-écoles ont fortement baissé. Le taux de baisse de la première est de 25,69 % et 21,79 % pour la seconde. Cette baisse tient au fait que les variables introduites expliquent fortement aussi bien les différences inter-écoles que celles inter-élèves.
57De même, la décroissance de la déviance (–2 LogL, L étant la statistique du maximum de vraisemblance) nous permet de juger de l’intérêt du passage du modèle « vide » au modèle complet.
58Suivant une loi de ?2 à 41 degrés de liberté et ayant une valeur de 551,2 [14], cette décroissance s’avère significative. Ce qui confirme que les données sont mieux ajustées avec le modèle complet qu’avec le modèle vide. Le tableau 2 présente les estimations fournies avec le modèle complet.
Analyse du rendement scolaire en mathématiques à l’aide du modèle complet : prise en compte de toutes les variables explicatives dans un modèle multiniveaux [15] [16] [17] [18]
59Remarques :
- Une comparaison des résultats obtenus ici avec ceux issus d’une estimation MCO montre qu’il n’y a pas de différences remarquables pour les variables de niveau (1) (l’élève et son milieu familial). Par contre, au niveau (2) (école, classe et enseignant) les différences sont significatives (Voir l’annexe 3). En effet, certaines variables qui sont significatives dans le cas de l’estimation MCO, ne les sont pas dans le modèle multiniveaux. C’est le cas de l’âge et sexe de l’enseignant et de sa formation initiale (modalité « plus du Baccalauréat »). D’autres variables sont significatives dans les deux modèles, mais à des degrés plus faibles dans le cas des MCO. Il s’agit de l’âge de l’enseignant (modalité « moins de 30 ans »), du milieu d’implantation de l’école et de l’ancienneté de l’enseignant. Cette comparaison confirme l’intérêt du recours aux modèles multiniveaux pour les données à structure hiérarchique.
- Signalons que trois estimations alternatives ont été effectuées pour tester la stabilité des coefficients de la spécification retenue. La qualité globale de l’ajustement se révèle stable, puisque la significativité des variances inter-écoles et interindividuelles reste forte. Pour les variables exogènes prises isolément, le niveau des coefficients et leur signe ne changent pas, ainsi que leur significativité statistique (Voir l’annexe 4 pour les détails).
5.3 – Discussion des résultats
60Nous discutons successivement l’influence des caractéristiques individuelles, celle des variables familiales et l’effet des facteurs liés au contexte scolaire.
Le rôle des caractéristiques des élèves
61Les résultats de l’estimation montrent que, toutes choses égales par ailleurs, les garçons réussissent mieux que les filles. Cette différence est significative statistiquement (t = –3,65) et plus forte en milieu rural.
62Ce résultat corrobore ceux trouvés dans plusieurs travaux effectués dans des pays en développement (Jarousse et Mingat, 1989, Diambomba et al., 1995). En fait, dans ces pays, le faible intérêt accordé par les parents à la scolarisation des filles impliquerait des rendements scolaires moindres chez ces dernières comparativement aux garçons.
63Concernant l’âge, les résultats de notre estimation révèlent que plus l’élève est âgé, moins bon est son rendement scolaire (t = –4,68). Ce résultat rejoint celui de plusieurs recherches qui ont porté sur des élèves en phase d’adolescence [19]. En fait, pour un même niveau, le fait qu’un élève soit relativement plus âgé atteste que des facteurs l’ont conduit à accuser un retard par rapport à ses camarades. Or, d’un côté les raisons de ce retard peuvent persister et expliquer la moindre performance, et de l’autre, ce retard affecte l’image qu’il a de lui-même et peut même compromettre ses capacités d’intégration dans une classe composée majoritairement d’élèves moins âgés.
64Un résultat surprenant concerne le coefficient négatif et significatif (t = –2,5) de la variable « Attitude de l’élève envers son école ». Plus l’attitude de l’élève est favorable envers son école, moins bonne est sa performance en mathématiques. Ce résultat contre-intuitif [20] peut tenir à un facteur essentiel lié à l’ambition des élèves ayant beaucoup de lacunes, de donner une image positive d’eux-mêmes. Il est possible que l’élève qui obtient des résultats peu satisfaisants voudrait se « racheter » en annonçant qu’il aime son école, qu’il apprécie les professeurs…
65La confiance en soi et le niveau d’instruction espéré ont des effets positifs et significatifs sur la performance scolaire. Une forte confiance en soi et l’anticipation d’atteindre un niveau élevé d’éducation se traduiraient par une motivation et un effort scolaire plus soutenu chez l’élève et, d’un autre côté, le mettraient dans une posture psychologique positive, favorable à la réussite [21].
66Ce résultat nous semble très important car il pourrait inspirer le comportement des parents et des enseignants : pour la réussite de leurs enfants (élèves), ils doivent tenter en particulier de leur donner une image positive d’eux-mêmes. Cela aiderait à interrompre le cercle vicieux des résultats médiocres qui peuvent en engendrer d’autres…
67On relève aussi que l’effet du niveau d’instruction espéré n’est significatif que pour les élèves résidant en milieu urbain. Cette différence d’effet, difficile à expliquer, peut tenir au fait qu’en milieu rural, la poursuite des études est plus aléatoire. La variabilité de la réponse à cette question ne dépend pas des seules capacités des élèves ou de leur volonté, mais au préalable de la disponibilité de lycées dans leur zone. Au Maroc, le nombre de lycées étant très faible en milieu rural, la poursuite des études secondaires exige un déplacement vers les villes et de vivre loin de la famille. Pour plusieurs élèves de ce milieu, le fait d’atteindre un niveau de scolarisation qui dépasse l’établissement implanté dans leurs campagnes est synonyme d’arrêt (ou d’aboutissement) des études.
68Les élèves qui utilisent la calculatrice réussissent moins bien en mathématiques que leurs homologues qui ne l’utilisent pas. Il semble qu’au niveau de l’enseignement secondaire collégial, l’utilisation de cet outil n’incite pas l’élève à fournir un effort mental ou à appliquer les techniques mathématiques acquises pour résoudre les problèmes. L’excès d’usage de la machine à calculer ne développe pas les réflexes pour réussir en mathématiques, alors que l’élève qui utilise peu ou pas la machine fait preuve de souci de rapidité et développe des compétences opportunes dans cette matière. L’utilisation de la calculatrice est peut-être plus bénéfique pour l’élève, lorsqu’il atteint le niveau secondaire qualifiant.
69Les élèves qui consacrent moins d’une heure par jour aux devoirs à domicile réalisent un rendement scolaire inférieur à celui de ceux qui consacrent une durée de deux heures ou plus (? = –10,57 et t = –2,84). En consacrant un temps suffisant aux devoirs à la maison, l’élève prolonge l’environnement scolaire à son domicile. Ainsi, la révision et la résolution des problèmes à la maison permettent à l’élève de mieux suivre en classe et de développer des compétences. Il y a alors un cercle vertueux qui le conduit aussi à mieux se concentrer. Son travail à la maison lui confère des atouts pour trouver un plaisir à apprendre. Les bonnes notes confortent ce comportement, ce qui peut suggérer une liaison réciproque des deux variables.
70Les résultats de l’estimation stipulent enfin que les élèves qui recourent aux cours particuliers réussissent moins bien que ceux qui n’y recourent pas. Plusieurs explications peuvent être avancées à propos de ce résultat. D’une part, les élèves qui prennent ces cours ont tendance à être plus passifs en classe en comptant sur ces cours pour tout comprendre. Cela développe chez eux une habitude à une insuffisante concentration et explique leur moindre performance par la suite. Alors que ceux qui n’ont pas les moyens de financer les heures supplémentaires vont tout faire pour saisir l’essentiel en classe et vont compter sur eux-mêmes par la suite. L’obtention de bonnes notes réduit à son tour l’incitation à prendre ces heures, ce qui suggère ici encore une rétroaction de la variable endogène. D’autre part, il semble qu’au lieu d’être un moyen de soutien, les cours particuliers sont devenus une activité ennuyeuse pour les élèves ; de plus au Maroc, ces cours supplémentaires diffèrent très peu des cours ordinaires. Il s’agit en général de séances du soir, pour un groupe de grande taille avec des niveaux hétérogènes d’élèves. La situation s’aggrave lorsque l’élève prend les cours particuliers chez son professeur de cours ordinaires ; il reçoit des notes de complaisance, qui ne reflètent pas son niveau réel. Ainsi, il se trouve démuni dans un test comme le TIMSS.
71Notons que parmi ces variables individuelles, une part importante est fortement influencée par l’environnement familial. La vigilance des parents quant aux comportements de leurs enfants semble nécessaire pour l’amélioration du rendement scolaire.
L’effet de l’environnement familial
72L’estimation révèle que la disponibilité des biens d’équipement et du matériel pédagogique au sein du ménage a un effet positif et significatif sur le rendement scolaire des élèves (t = 2,57) [22]. Ce résultat va dans le sens de celui trouvé dans l’ensemble des pays de l’OCDE (OCDE, 2001) et de celui trouvé par Suchaut (2006).
73En fait, les élèves issus de familles dotées en biens matériels bénéficient de conditions favorables d’apprentissage. Ces biens constituent, d’une part, une source d’information et de connaissance, et d’autre part, un moyen d’épanouissement et de motivation pour l’élève. Ainsi, un élève disposant d’un bureau aura tendance à bénéficier davantage du temps qu’il consacre aux révisions ; de même, un élève ayant chez lui un dictionnaire ou une encyclopédie serait fortement motivé pour apprendre de nouveaux concepts et approfondir les connaissances acquises à l’école.
74Quant au niveau d’instruction des parents, on constate que le niveau d’éducation de la mère a un effet significatif sur la réussite des élèves, alors que celui du père n’a pas d’effet significatif. Les élèves dont les mères n’ont pas dépassé le niveau secondaire réussissent moins que ceux dont les mères ont le baccalauréat ou un niveau supérieur. Ces résultats corroborent les travaux de Suchaut (2006), Mingat et Perrot (1980) et Duru-Bellat (2003). La préoccupation de la mère instruite à propos de la scolarisation de son enfant favorise l’attention de celui-ci et au-delà sa réussite scolaire. En effet, en subissant un contrôle de sa discipline et en bénéficiant de gratifications en cas de réussite, l’enfant devient plus motivé et réalise de bons rendements scolaires.
75Par ailleurs, l’étude de la relation entre le rendement scolaire et le niveau d’instruction de la mère selon le milieu d’implantation de l’école nous permet de constater que cette relation n’est pas significative dans le milieu rural. Il semble que, dans ce milieu, les mères instruites ne se comportent pas très différemment des autres ; elles sont peu nombreuses et subissent l’influence « négative » de leurs voisines non instruites (externalités négatives). Alors que dans le milieu urbain, il y aurait plutôt un effet d’émulation.
76Le nombre de livres disponibles au sein du ménage auquel appartient l’élève ne semble pas avoir d’impact sur son rendement en mathématiques. Ce résultat diffère de celui trouvé par Williams et Somers (2001) qui ont constaté que la réussite scolaire, dans plusieurs pays d’Amérique Latine, est fortement liée au nombre de livres détenus par le foyer familial de l’enfant. Cette divergence peut tenir au fait qu’on ne considère ici qu’une seule matière, les mathématiques.
77De même, l’utilisation de l’arabe au sein de la famille n’a pas d’effet significatif sur les performances au test [23]. Ce résultat est confirmé au niveau national, à l’aide d’autres données. En effet, l’absence de l’influence de la langue véhiculée au sein de la famille est également observée quand on analyse les taux de redoublement des élèves dans les différentes régions. Il s’avère que les taux enregistrés dans les régions où une part importante de la population parle le berbère [24] ne diffèrent pas des autres.
78Ce résultat peut être expliqué par deux éléments. D’une part, au Maroc, il y a une grande divergence entre l’arabe dialectal pratiqué au sein des familles et l’arabe utilisé à l’école. D’autre part, l’utilisation d’un autre dialecte dans la maison n’aura pas d’effet à ce niveau d’étude sur le rendement scolaire, car après avoir passé huit ans à l’école, l’élève berbère atteint un niveau linguistique semblable à celui de ses camarades arabophones.
79La taille de la famille n’a également pas d’effet significatif, contrairement aux résultats de Hijri (1993) qui avait trouvé que la taille de la famille agit négativement sur les résultats au baccalauréat. Cette divergence pourrait être due à la différence des populations étudiées. Ainsi l’impact de la taille de la famille, qui agit sur les dépenses familiales pour chaque enfant, est faible pour les élèves du niveau collégial. Ce n’est qu’aux niveaux supérieurs que ces dépenses acquièrent une importance dans la détermination du rendement scolaire.
L’effet des facteurs liés à l’environnement scolaire
80Les élèves qui étudient dans une école située en milieu urbain réussissent mieux que ceux d’une école en milieu rural. Plusieurs facteurs sont derrière ce résultat : en milieu urbain, les écoles sont mieux équipées, mieux organisées et mieux gérées au niveau pédagogique par rapport aux écoles situées en milieu rural. Dans celui-ci, l’absentéisme des enseignants est plus fréquent et leurs conditions de vie moins favorables ; ils font souvent la navette entre leur lieu de résidence en ville et l’école.
81Les élèves pris en charge par des professeurs âgés de moins de 30 ans réalisent des rendements scolaires largement supérieurs à ceux des élèves enseignés par des professeurs dont l’âge se situe entre 40 et 49 ans. Ainsi, à niveau d’expérience donné, l’âge agit négativement. Ce résultat peut être expliqué par la capacité des enseignants « jeunes » à mieux comprendre la mentalité et les comportements des élèves adolescents. La communication est alors plus fluide et contribue à établir un sentiment positif de la part des élèves envers la matière enseignée.
82L’expérience professionnelle de l’enseignant, mesurée par l’ancienneté, a un effet positif assez significatif sur le rendement des élèves. Toute chose égale par ailleurs, plus un enseignant est expérimenté, plus il acquiert une compétence sur le plan pédagogique et de l’organisation de sa classe. Ces compétences facilitent l’acquisition chez les élèves et expliquent leur relative meilleure performance, par rapport à ceux dont les enseignants ont moins d’expérience.
83Par contre, le rendement des élèves n’est influencé ni par le niveau de la formation initiale ni par celui de la formation professionnelle des enseignants. Il semble qu’au niveau de l’enseignement secondaire collégial, un enseignant hautement qualifié n’aura pas l’opportunité d’utiliser ses connaissances ; ainsi la différence d’impact sur le niveau des élèves, avec un enseignant moins diplômé, n’apparaît pas. Ce serait aux niveaux supérieurs que les connaissances de l’enseignant deviennent déterminantes de la réussite scolaire des élèves. L’échantillon utilisé est composé d’enseignants qui ont passé une ou deux années de formation professionnelle. L’absence d’impact de cette variable sur la performance des élèves peut être expliquée par le fait qu’une année est suffisante pour que l’enseignant acquière les stratégies et techniques de base nécessaires. La seconde année, consacrée à des stages ou remplacements, n’apporte pas de qualification particulière ; et au bout de quelques années d’exercice, la différence n’apparaît pas du tout.
84De même, la taille de la classe ne semble pas avoir ici d’effet significatif sur la performance scolaire des élèves. Ce résultat va dans le sens de ceux trouvés par plusieurs chercheurs, notamment Hanushek (1994) et Hoxby (2000) qui ont travaillé sur des données américaines.
6 – Conclusion
85L’objet de notre étude était de comprendre les raisons, qui permettent aux enfants du collège d’assimiler correctement les concepts et techniques qui leur sont enseignés en mathématiques. Nous nous sommes basés sur les facteurs usuellement retenus dans la littérature pour expliquer les rendements scolaires. Il s’agit de variables individuelles, familiales et relatives au contexte scolaire. Pour tenir compte de la structure hiérarchisée des données, nous avons retenu un modèle multiniveaux, mieux approprié dans un tel contexte.
86Les résultats obtenus vont généralement dans le sens de ceux trouvés dans des études analogues réalisées dans des pays en développement. Comme pour les rendements scolaires globaux, les performances en mathématiques dépendent prioritairement des caractéristiques propres aux élèves et à leur famille. Par contre, peu de variables liées au contexte scolaire ont un effet significatif. Il s’agit du milieu d’implantation de l’école, de l’âge de l’enseignant et de son ancienneté.
87Ces résultats peuvent éclairer à la fois les décideurs et les familles pour concevoir des mesures susceptibles d’améliorer l’efficacité du système éducatif marocain. Ainsi, les parents doivent être vigilants envers leurs enfants. Il ressort en effet qu’un niveau élevé d’encadrement familial, d’encouragement et de gratification contribue à la motivation et à l’amélioration du rendement scolaire.
88Étant donné qu’il est difficile de doter les familles en biens d’équipement et en matériel pédagogique, une solution consisterait à généraliser les espaces collectifs spécifiques (bibliothèques, salles d’études…) au sein des établissements scolaires et de les équiper en biens et matériaux scolaires, pour contribuer à l’amélioration du rendement scolaire des élèves. Cela permettrait également d’atténuer les inégalités de chance entre élèves de milieux aisés et démunis.
89Les résultats montrent qu’une attention particulière doit être accordée au milieu rural (équipement des collèges en matériel pédagogique, conditions de vie des enseignants et internat, cantines scolaires…).
90Par référence au résultat relatif au rôle déterminant de l’expérience des enseignants, nous pensons que les inspecteurs devraient jouer un rôle d’accompagnement, d’encadrement et de soutien des enseignants et ne pas se limiter à leur évaluation.
91Par ailleurs, au niveau méthodologique, ce travail confirme l’intérêt du recours aux modèles multiniveaux pour répondre à des questions comparables et avec des données analogues.
Annexe 1 : Liste des variables et statistiques descriptives [25]
Annexe 2 : Méthode de construction de quelques variables
92(Voir www.lasaare.com)
Annexe 3 : Modèle d’analyse du score en mathématiques par les MCO sur les données de l’ensemble de l’échantillon
93(Voir www.lasaare.com)
Annexe 4 : Modèle multiniveaux pour l’analyse du rendement scolaire en mathématiques : Autres spécifications testées
94Par rapport à la spécification de référence, nous excluons dans le modèle M1 les variables qui présentent un fort risque d’endogénéité, il s’agit de : Importance de la matière ; Confiance en soi pour étudier la matière ; Utilisation de la calculatrice ; Temps consacré aux devoirs à domicile ; Fréquence des cours particuliers. Dans le modèle M2, nous excluons également les autres exogènes qui présentent un risque même faible d’endogénéité : Attitude de l’élève envers son école et Niveau d’instruction espéré. Dans le dernier Modèle (M3), nous excluons à la fois toutes ces variables et celles qui ne sont pas significatives dans la spécification de référence (Tableau 2 dans le texte).
95On relève que la significativité des variances inter-écoles et interindividuelles demeure forte (1 %). Les variables âge et sexe de l’élève restent pertinentes dans toutes les estimations. Pour certaines exogènes, le degré de significativité s’améliore avec la réduction du nombre d’exogènes. Sauf pour le milieu d’implantation de l’école, qui perd en significativité dans M3 seulement, mais reste cependant non dénuée d’intérêt (t = 1,61). Par contre, l’ancienneté devient non significative dans M3. Nous pensons que cela est dû au fait qu’avec un modèle parcimonieux le risque de biais porte à la fois sur les coefficients et sur leur écart-type estimé.
Bibliographie
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Mots-clés éditeurs : TIMSS-Maroc, rendement scolaire, modèle multiniveaux, éducation
Mise en ligne 24/05/2013
https://doi.org/10.3917/edd.271.0127Notes
-
[*]
Professeur – Université Hassan II Aïn Chock – Casablanca et LASAARE.
-
[**]
Doctorant – Université Hassan II Aïn Chock – Casablanca et LASAARE.
-
[1]
Voir « Charte Nationale d’Éducation et de Formation », Commission Spéciale Éducation Formation (2000).
-
[2]
Il s’agit des données relatives à l’année la plus récente disponible pour la période 2005-2010
-
[3]
Les arguments avancés pour expliquer les mauvais résultats des élèves marocains mentionnent le fait que le questionnaire et le test sont conçus en anglais puis traduits et administrés en arabe classique, plus difficile que celui enseigné au Maroc et très différent du dialectal usité par les élèves dans la vie courante. La seconde explication serait que les tests sont destinés à une classe d’âge censée suivre un programme standard, mais différent du programme adopté au Maroc.
-
[4]
TIMSS est un programme conduit par l’IEA (International Association for the Evaluation of Education Achievement).
-
[5]
Chaque établissement scolaire retenu est représenté par une seule classe.
-
[6]
Ce qui soulève selon nous un problème d’endogéneité.
-
[7]
Pour une revue de littérature détaillée, voir Abbaia (2008).
-
[8]
À l’exception de ceux de Hijri (1993), Hijri, Montmarquette et Mourji (1995), ces travaux n’ont pas fait l’objet de modélisation.
-
[9]
Chaque strate est composée de deux régions à l’exception de celle de Marrakech qui est représentée par une seule Académie Régionale d’Éducation et de Formation(AREF), et celle de Chaouia - Ourdigha - Doukala - Abda - Tadla – Azilal qui est composée de trois AREF.
-
[10]
Cette différence est due à l’exclusion, dans notre étude, des données relatives à la région de Fès-Boulmane-Taza-Taounate-Al Hoceima où le taux de remplissage des questionnaires a été très faible.
-
[11]
Pour plus de détail, voir Hofmann (1997), Bressoux (2000) et Arrègle (2003).
-
[12]
La méthode utilisée pour l’estimation du modèle est celle du maximum de vraisemblance (ML).
-
[13]
11,87 % = variance inter-écoles/variance totale.
-
[14]
12 529,19 – 11 977,99 = 551,2.
-
[15]
Dans notre échantillon, il n’y a pas d’enseignants âgés de 50 ans ou plus en milieu rural. En fait, commençant souvent leurs carrières dans le milieu rural, les enseignants bénéficient de la mobilité professionnelle vers le milieu urbain, grâce à l’ancienneté.
-
[16]
De même, nous n’avons aucune enseignante en milieu rural. En fait, même avec une ancienneté faible, les enseignantes ont plus de chance de bénéficier de la mobilité professionnelle pour rejoindre leurs maris.
-
[17]
Enfin en milieu rural, il n’y a que les enseignants ayant une formation professionnelle de deux ans. En fait, ce sont les enseignants les plus anciens qui exercent avec une année seulement de formation professionnelle ; et ce sont également eux, qui ayant bénéficié de la mobilité professionnelle, exercent dans les villes.
-
[18]
Enregistrant 26 % de valeurs manquantes, cette variable a été traitée par la méthode des imputations multiples.
-
[19]
Voir Hijri (1993) ; Suchaut (2006).
-
[20]
Nous avons procédé à plusieurs modes de construction de la variable « Attitude de l’élève envers son école » ; ils aboutissent tous à une variable dont l’effet est négatif, tantôt statistiquement significatif, tantôt non significatif. Suite à un commentaire de notre référé, nous avons procédé à une estimation dans laquelle nous excluons les variables colinéaires avec cette variable. Les résultats n’ont pas changé.
-
[21]
Notons cependant que pour cette variable, le test d’endogéneité a conclu au non-rejet de celle-ci ; mais la base de données n’offre pas de possibilité de recourir à une variable instrumentale.
-
[22]
Dans l’enquête, les « biens d’équipement et le matériel pédagogique » au sein du ménage sont captés par la disponibilité d’un ordinateur, d’un bureau (ou table d’étude), d’un dictionnaire ou encyclopédie, d’une PlayStation jeu DVD.
-
[23]
Signalons que les tests ont été administrés en arabe classique.
-
[24]
Il s’agit de : Souss Massa Daraa, Tadla Azilal, Taza Taounat ElHoussima et relativement Marrakech Tansift Al Haouz. La comparaison est faite à partir des données relatives à 2005-2006, publiés par le CSE (2008).
-
[25]
Ces variables ont été construites à partir de leurs composantes telles qu’elles figurent dans le questionnaire administré aux élèves ; voir annexe 2 relative au détail de la construction de ces variables.