Notes
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[1]
Equicer : réseau de suivi des entreprises équines au sein du groupe CER France ; surtout localisé sur la moitié nord de la France.
1Dans un contexte de fluctuations importantes des marchés sur les produits agricoles, la diversification des exploitations est souvent citée comme une voie d’avenir pour maintenir la pérennité des entreprises et leurs emplois (Capt et Dussol, 2004 ; Nihous, 2008). Si le développement constaté des démarches de qualité semble aller dans ce sens, la diversification au sens de la transformation des produits et de leur valorisation en circuit court semble concerner principalement la viticulture et très peu les exploitations d’élevage (Bertin et al., 2016), ce qui pose la question de la diversification dans les territoires herbagers où les alternatives à l’élevage sont limitées. Par ailleurs, l’agrotourisme et les activités liées aux loisirs se développent indépendamment de l’orientation technico-économique de l’exploitation, et augmentent le nombre d’emplois par exploitation. Perret et al. (2013) notent ainsi que les exploitations avec des troupeaux significatifs d’équins, augmentent entre 2000 et 2010, répondant sans doute pour une part au développement des activités équestres enregistrées au début du XXIe siècle dans tous les pays développés (Vial et Evans, 2015). Toutefois, ce secteur équin entre production animale et activité de diversification est rarement mentionné dans les tableaux de bord de l’agriculture. En effet, si l’Institut Français du Cheval et de l’Équitation (IFCE) estime l’effectif national des équidés aux alentours d’un million de têtes (IFCE, 2019), à peine la moitié de ce cheptel est détenu dans des exploitations agricoles. En 2010, le troupeau moyen d’équidés est de 8 têtes par exploitation, seuil minimum retenu pour les autres herbivores pour considérer cet atelier comme une activité économique (Perrot et al., 2013). Or, aujourd’hui, l’économie de la filière n’est pas liée à sa production de viande chevaline, devenue très marginale (FranceAgriMer, 2015), mais dépend surtout des activités développées dans l’utilisation du cheval pour les courses et les activités équestres (IFCE, 2019). Ces utilisations ou valorisations de chevaux ne sont pas considérées par la filière, pas plus par le secteur agricole, comme des activités de diversifications agricoles (Arthuis, 2018).
2Aussi, pour suivre l’évolution de la filière, l’IFCE centralise les données socio-économiques pouvant être détenues par différentes sources professionnelles. Plus récemment, la profession s’est organisée avec l’IFCE, les Chambres d’agriculture et l’Institut de l’Élevage afin de mettre en place un réseau d’exploitations pour l’acquisition de références économiques (Boyer et Palazon, 2014). Toutefois, l’obtention de données économiques et structurelles sur les entreprises équines nécessite des enquêtes spécifiques pour être extrapolables à l’échelon national ; démarche exigeante et lourde financièrement.
3La question se pose donc d’utiliser les bases agricoles, notamment le dernier recensement 2010, pour étudier les structures de la filière sans avoir recours à des études spécifiques. Ainsi, l’objectif de cette étude est multiple : i) mettre en évidence une diversité d’exploitations avec équins au sein du secteur agricole, ii) établir des types d’exploitations en fonction des variables enregistrées par le recensement agricole, iii) caractériser ces types au regard des structures identifiées par la filière, iv) essayer d’établir des indicateurs pouvant servir à la filière, notamment en termes d’emplois.
4À partir de cette analyse, la discussion portera sur les possibilités d’utiliser le recensement agricole pour suivre à l’avenir, l’évolution des structures équines dans le secteur agricole, voire plus généralement pour l’ensemble de la filière.
État de l’art
1. Connaissance des structures de la filière équine
5Les références sur les structures de la filière équine sont rares à l’échelon international du fait de l’atomisation et de la diversité des structures (Vial et al., 2017 ; Bigot et al., 2018). Dans les pays ou régions où la filière est plus importante, des rapports sont parfois commandités par les ministères ou les collectivités territoriales afin d’estimer l’impact économique de ce secteur (Elgaker et Wilton, 2008 ; Liljenstolpe, 2009 ; Vial et Evans, 2015). Mais les références sont ponctuelles, élaborées avec des méthodes d’estimation variables selon les études et souvent publiées dans la langue nationale, ce qui limite leur disponibilité au niveau international. Si le recensement agricole est une demande de l’Europe à ses partenaires avec une méthodologie commune, l’enregistrement des équidés est très variable dans chaque pays, selon leur statut d’animal de rente ou non (Engelsen, 2017). En conséquence, les effectifs européens d’équidés ne sont plus publiés depuis 1997 (Eurostat, 2020). Toutefois, la France a maintenu le recensement de cette espèce jusqu’à maintenant.
6Par ailleurs, l’IFCE publie annuellement des références sur l’économie de la filière française, prenant en compte des sources de données diverses issues des secteurs agricoles, sportifs et économiques et intégrant la part importante prise par les propriétaires amateurs dans cette filière (IFCE, 2019). Sur ces bases, la filière équine française se décompose en quatre secteurs productifs : sport-loisir, course, travail et viande, allant chacun de l’élevage à l’utilisation du cheval, c’est-à-dire l’équitation, les courses ou la traction (Cressent et Jez, 2013). Même si les acteurs porteurs de cette filière sont souvent spécialisés par secteur de production équine, la frontière entre l’élevage et l’utilisation n’est pas toujours très nette (Bigot et al., 2015). De plus, les équidés dans les exploitations agricoles peuvent être plus ou moins associés à d’autres productions, d’élevage bovin notamment (Morhain, 2011 ; Perrot et al., 2013), ce qui rend l’établissement de références économiques par type de structure très délicat. Par exemple, Equicer [1] publie des éléments de rentabilité des principaux types d’entreprises spécialisées (IFCE, 2019) ; le réseau REFErences édite des résultats technico-économiques à partir des 250 exploitations choisies pour la rentabilité de leur système (Boyer et Palazon, 2014). Toutefois, ces premiers éléments obtenus par enquêtes ciblées ne peuvent être extrapolés à l’échelon national du fait de la diversité des objectifs et de l’absence, en l’état actuel, d’éléments pondérant l’importance de chaque type de structure au niveau national.
2. Utilisation du recensement agricole pour caractériser les exploitations avec équins
7Les effectifs équins recensés dans les exploitations agricoles en 2010 (Perrot et al., 2013) représentent près de la moitié du cheptel estimé à l’époque au niveau national (REFErences, 2011). Il est donc légitime de penser que les données du recensement agricole (RA) permettent d’accéder à des références structurelles sur un large échantillon de structures représentatives de la diversité nationale. À plus forte raison que la loi de 2005 sur les territoires ruraux (Journal officiel, 2005) précise que toutes les activités liées aux équidés (d’élevage ou d’utilisation) ont accès au statut agricole.
8Toutefois, de précédents travaux (Perrot et al., 2013) ont souligné les difficultés à analyser la filière équine dans le RA, notamment par l’absence de distinction des cheptels équins en fonction des quatre orientations principales de production existantes en France aujourd’hui. En effet, le RA ne distingue que 5 catégories d’équidés : poulinières de selle, course et ponettes (1) ; poulinières de races lourdes (2) ; chevaux de selle, course et poneys (3) ; chevaux de trait, boucherie, maigre (4) ; et ânes, mulets, bardots (5) (MAAP, 2010). Ces catégories dissocient les reproductrices dans les cheptels de chevaux, bases des activités d’élevage. Mais cette distinction n’est pas appliquée à l’espèce asine. Dans la catégorie « ânes », sont aussi recensés les bardots et mulets. Dans l’espèce chevaline, seules les races de trait se démarquent des autres types de races. L’absence de distinction entre d’une part, les chevaux de selle et poneys élevés pour l’équitation de sport et de loisirs et d’autre part, les chevaux de courses, est un réel problème dans la mesure où les systèmes de production diffèrent ainsi que la valeur économique des produits (Bigot et al., 2018).
9Par ailleurs, pour distinguer les exploitations relevant d’une production agricole, ou d’une combinaison de productions, la variable OTEX (Orientation Technico-Economique de l’eXploitation) est proposée par le règlement européen régissant le recensement agricole (règlement CE n° 1242/2008 du 8 décembre 2008). Cette variable est calculée à partir du poids du Produit brut standard (PBS) des différentes productions présentes sur l’exploitation. En France, les valeurs de PBS sont définies par région et par type de production. Par exemple en productions bovines, le PBS varie entre veaux, génisses, vaches laitières et allaitantes (Agreste, 2019). Or cette valeur de PBS est la même en 2010 pour tous les types d’équidés (de l’âne au cheval de course, et du jeune au reproducteur). Elle est fixée à 877 €/tête au niveau national, et 1 429 €/tête en Nord-Picardie, Normandie, Bourgogne-Franche-Comté alors que, d’après Bigot et al. (2018), les prix moyens de commercialisation d’équidés peuvent varier de quelques centaines d’euros (ânes, trait) à plusieurs dizaines de milliers d’euros (chevaux de course). L’OTEX n’est donc pas un indicateur pertinent pour étudier les exploitations avec équins.
Méthodologie
10Au vu des éléments présentés ci-dessus, une méthodologie spécifique a été élaborée pour caractériser les principaux types de structures avec équins en fonction des secteurs de production. Ne pouvant s’appuyer sur les variables économiques du RA, nous avons retenu les emplois déclarés pour estimer l’impact de cette filière dans les exploitations. Puis, à l’aide d’un croisement avec les données du Système d’information relatif aux équidés (SIRE), sur les exploitations spécialisées équines, nous avons précisé les emplois relatifs aux différents types de productions de la filière.
1. Élaboration d’une typologie d’après les cheptels d’équidés détenus dans les exploitations
11De manière à identifier puis typer les structures avec équins, nous avons centré notre analyse sur les cheptels équins présents dans les exploitations indépendamment de tout autre critère. Une classification à partir de l’effectif total et des catégories du recensement présentées ci-dessus a permis d’identifier des groupes homogènes d’exploitations selon le type de race (ou orientation de la production : sang, trait ou ânes), la taille moyenne du cheptel et la proportion de poulinières dans le cheptel équin, tout en faisant abstraction des autres productions. Le partitionnement a été réalisé à partir d’une classification hiérarchique ascendante (Ward.D2) sur les différents profils de taille et composition des cheptels équins parmi l’ensemble des 54 643 exploitations recensées avec au moins un équidé. Le choix a été d’identifier ces types de cheptel sans a priori et sans subdiviser les données initiales sur la base de critères plus ou moins arbitraires (seuil de taille minimale, de type dominant…).
12Pour simplifier la présentation de chaque groupe, la terminologie suivante est employée : type « sang » pour parler des types « selle, course et poney » non distingués dans le recensement, « types trait » pour « races lourdes, chevaux de trait, boucherie, maigre » et « ânes » pour « ânes, mulets, bardots ».
13L’analyse des caractéristiques structurales de chaque groupe d’exploitations s’appuie sur différentes variables disponibles dans le recensement (MAAP, 2010). La localisation des exploitations par commune a été analysée par département, pour assurer la confidentialité des données sur des effectifs suffisants. Les surfaces agricoles et leur répartition selon leur valorisation (prairies ou cultures) permettent de situer les groupes dans leur contexte agronomique. Nous avons analysé l’ensemble des cheptels présents sur l’exploitation grâce à la variable Unité gros bovin-alimentation totale (UGBAT). Cette variable permet de convertir les différents cheptels herbivores et les autres productions animales élevées plus ou moins en hors-sol en une seule unité commune (Agreste, 2019). Enfin, nous avons étudié la main-d’œuvre présente sur l’exploitation, exprimée en Unité de travail annuel (UTA), unité de référence de la main-d’œuvre, propre au secteur agricole.
2. Estimation des emplois liés aux types d’équidés dans les exploitations spécialisées
14Tout en conservant la typologie établie précédemment, nous avons identifié des exploitations spécialisées en équins sur la base des deux critères suivants : pas d’autres productions animales (le nombre total d’UGBAT est égal au nombre d’UGBAT équines) et pas de productions végétales de vente (la Surface agricole utile [SAU] totale de l’exploitation exprimée en hectares est égale à la surface fourragère exprimée en hectares). Ces critères sont sans doute réducteurs mais permettent de s’assurer que les structures retenues ne fonctionnent qu’avec des productions et activités équines.
15Nous avons précisé les caractéristiques globales des groupes de ces exploitations spécialisées par leur dimensionnement : surfaces agricoles, cheptels équins. Puis, pour faire abstraction de la diversité de dimensionnement intra-groupe, nous avons étudié des indicateurs pouvant caractériser le type d’activité des exploitations : UGB équines/ha de SAU et UGB équines/UTA. Ce dernier point ne semblant discriminer que les grands types de production : trait, ânes et sang, nous avons fait un focus sur les exploitations de chevaux de sang ayant déclaré au moins une UTA ; les variations sur les exploitations nécessitant peu d’emploi pouvant être plus liées aux aléas de déclaration par l’exploitant qu’à la diversité du cheptel présent.
16Pour affiner l’analyse sur le secteur « sang », nous avons enrichi les données du recensement par un croisement avec les bases de données du SIRE, qui enregistre par type de races, les propriétaires de chevaux nés et détenus en France, quel que soit leur statut (agricole ou non, société ou particulier). Le croisement avec la base SIRE a été réalisé à partir du numéro SIRET (identifié pour les naisseurs de la base SIRE) ne retenant ainsi que les entreprises. Pour éviter la prise en compte d’« éleveurs occasionnels » nous avons retenu les structures (RA) avec deux poulinières d’un type donné, et les naisseurs (SIRE) avec au moins deux naissances dans un même type. Ces critères ont réduit considérablement le nombre d’exploitations, tendant à biaiser l’échantillon vers des structures avec des cheptels assez importants mais permettant d’estimer un taux d’emploi propre à chaque secteur de production.
Résultats
1. Neuf groupes d’exploitations avec équins
17La classification hiérarchique ascendante réalisée sur les cheptels équins (taille et composition) permet d’identifier 9 groupes qui présentent une homogénéité en termes de types de races dominants (sang, trait et ânes), de taille moyenne de cheptel et de taux de poulinières par rapport au cheptel équin total (dendogramme en annexe 1). En particulier, pour les types sang et trait, elle discrimine les exploitations d’élevage (taux de poulinières dans le cheptel supérieur à 25 %) des écuries d’entraînement ou d’équitation (avec chevaux de sang) ou encore de valorisation (avec chevaux de trait) ; enfin pour les ânes, les structures plus ou moins spécialisées (tableau 1). Cette typologie a été retenue car les premiers groupes sont cohérents avec les types d’exploitations étudiés par le réseau REFErences (Boyer et Palazon, 2019) ou suivi par l’observatoire économique des activités équines (Equicer, 2016). Cette typologie met en évidence l’existence d’exploitations agricoles détenant des troupeaux d’ânes importants, non démontrée par les travaux antérieurs. Le dernier groupe retenu reste très hétérogène pour les types d’équidés mais il regroupe quasi exclusivement des cheptels de petites tailles, reflet de l’atomisation du cheptel équin dans les structures agricoles, exposé par l’analyse de Perrot et al. (2013).
18Le groupe 1 réunit 41 086 exploitations soit les 3/4 des exploitations agricoles avec équins. Il se caractérise par de très petits cheptels de 3 équidés en moyenne, ne regroupant que 29 % de l’effectif équin recensé. Les 2/3 de ce cheptel correspondent à des chevaux ou juments de type « selle, course et poneys ». Dans ce groupe, les exploitations spécialisées équines ne représentent que 16 % des structures (tableau 2). L’activité de ces exploitations est donc principalement liée à d’autres activités agricoles et les équins ne sont présents que pour satisfaire, sans doute, une demande familiale de loisirs ou d’élevage du cheval. Nous appellerons ce groupe « petits cheptels ».
19L’importance des exploitations détenant principalement des ânes ou des chevaux de trait est apparemment très faible, que ce soit en termes de nombre d’exploitations concernées ou de cheptel détenu (tableau 1). Les groupes 2 et 3 réunissent des exploitations principalement détentrices d’ânes. Ces 2 groupes se distinguent i) par leur importance relative (seulement 62 exploitations dans le groupe 2 contre plus de 3 000 dans le groupe 3), ii) par la taille moyenne de leur cheptel et iii) par leur taux de spécialisation : groupe 2 « spécialisé » et groupe 3 « ânes majoritaires ». Les groupes 4 et 5 détiennent principalement des chevaux de trait, le groupe 4 essentiellement des juments poulinières, nous le dénommerons « trait élevage », le groupe 5 majoritairement d’autres types de chevaux sera nommé « trait valorisation ». Les exploitations avec les plus importants cheptels (groupes 2 et 5) sont nettement moins nombreuses que celles réunissant un cheptel plus modeste. Toutefois, il faut noter qu’une part importante de ces types d’équidés est aussi détenue par les exploitations du groupe 1. Au total, 36 500 ânes et 59 600 chevaux et poulinières de trait sont présents dans les exploitations agricoles en 2010.
Tableau 1. Groupes d’exploitations avec équins d’après les cheptels détenus en 2010
Tableau 1. Groupes d’exploitations avec équins d’après les cheptels détenus en 2010
20Les 4 derniers groupes détiennent essentiellement des chevaux ou poulinières de sang (tableau 1) ; ils totalisent plus de 9 000 exploitations et près de 60 % du cheptel équin. Ces 4 groupes se distinguent par leur cheptel moyen et le rapport du nombre de poulinières sur le total de l’effectif équin de l’exploitation. Les exploitations du groupe 6 détiennent en moyenne, plus de 60 % de poulinières, il est donc très orienté « élevage ». Ce ratio suppose moins d’un poulain par jument. Il peut concerner des élevages de chevaux de courses où les jeunes partent très tôt à l’entraînement et/ou des centres de reproduction qui accueillent les juments uniquement pour leur mise à la reproduction. Ce groupe 6 est nommé « élevage-repro ». Les groupes 7 et 8 détiennent respectivement 31 et 27 % de poulinières, ce faible ratio laisse penser à la présence de jeunes élevés sur l’exploitation comme dans les systèmes de chevaux de selle avec, éventuellement, des chevaux pris en pension. Ces groupes 7 et 8 se distinguent nettement par la taille de leur cheptel : avec un effectif moyen de moins de 20 chevaux dans les exploitations du groupe 7 « élevage moyen » et de gros effectifs dans les 335 exploitations du groupe 8 « élevage grand ». Enfin, avec très peu de poulinières, le groupe 9 doit réunir essentiellement des centres équestres, des écuries d’entraînement où les chevaux sont surtout des adultes au travail et l’élevage n’est présent que de façon très secondaire, nous le nommerons « écurie ». Ainsi, les exploitations de ces 4 groupes, plus celles du groupe 1, regroupent au total, près de 230 000 chevaux de sang.
2. Caractérisation des neuf groupes
Localisation
21Les exploitations détenant au moins un équin sont présentes sur tout le territoire français, mis à part la région parisienne (figure 1a). La densité d’exploitations par département augmente progressivement dans les zones herbagères du Grand Ouest et des massifs de moyenne montagne (Pyrénées, Massif central, Jura-Vosges et Ardennes). Les exploitations avec équins sont particulièrement présentes dans deux départements : 1 641 en Pyrénées-Atlantiques et 2 559 dans la Manche. Les 41 086 exploitations du groupe 1 « petits cheptels », suivent globalement cette même répartition avec une densité par département dans un rapport de 75 % par rapport aux densités départementales du cheptel total.
22Les 3 200 exploitations avec ânes (figure 1b) se situent principalement au sud de la Loire à quelques zones d’exception près : la Normandie et les Vosges. Leur densité augmente dans le sud du Massif central et les Préalpes. Le nombre maximum d’exploitations étant d’un peu plus d’une centaine de structures dans les départements de la Manche et des Pyrénées Atlantiques.
Figure 1. Localisation départementale des exploitations agricoles recensées avec équidés en 2010
Figure 1. Localisation départementale des exploitations agricoles recensées avec équidés en 2010
23La répartition des exploitations détenant principalement des chevaux de trait fait apparaître des zones avec moins de 3 exploitations par département : en Île-de-France, dans le Lot-et-Garonne, dans le Sud-Est de la France et la Corse (figure 1c). En plaine, le nombre de ces exploitations par département reste modeste (moins de 40). Les exploitations avec chevaux de trait sont plus présentes dans les zones de moyenne montagne, le Doubs et surtout les Pyrénées-Atlantiques concentrent plus de 100 exploitations de ce type.
24La répartition départementale des 9 223 exploitations avec chevaux de sang (les quatre groupes réunis) montre une concentration de plus de 300 exploitations avec équins dans les trois départements de Basse-Normandie (figure 1d). Apparaissent ensuite des régions à forte densité de 100 à 300 exploitations dans le Grand Ouest, le Nord-Picardie, et sur deux transversales : la première de la Gironde à la Saône et Loire, la 2e plus au sud, des Pyrénées-Atlantiques aux Bouches-du-Rhône. Mis à part la région parisienne, il n’existe pas de départements français dépourvus d’exploitations agricoles avec chevaux de sang.
Dimensionnement et productions agricoles des exploitations dans les neuf groupes
25La surface agricole utile moyenne des différents groupes varie d’un peu moins de 40 hectares dans le groupe 7, « sang élevage moyen », à 95 ha dans le groupe 8, « sang élevage grand » (tableau 2). L’écart-type de la distribution autour de ces moyennes reste important quel que soit le groupe. Les groupes « petits cheptels », ânes et les troupeaux moyens de chevaux de sang ont une surface proche de la moyenne nationale 2010 (Agreste, 2019). Les exploitations avec chevaux de trait se trouvent sur des surfaces moyennes un peu supérieures : respectivement 74 et 77 ha pour les groupes 5 et 4, sans doute liées à une concentration d’exploitations un peu supérieure en zone de moyenne montagne où la taille des exploitations est généralement un peu plus importante (Dobremez et Borg, 2015).
Tableau 2. Dimensionnement et productions agricoles dans les neuf groupes d’exploitations avec équins : moyenne (écart-type) du groupe
Tableau 2. Dimensionnement et productions agricoles dans les neuf groupes d’exploitations avec équins : moyenne (écart-type) du groupe
26Quelles que soient les orientations des activités équines, ces exploitations sont des exploitations herbagères avec pour la plupart, plus de 80 % de la surface en prairies. Seuls, le groupe 1 « petits cheptels » et le groupe 3 « âne majoritaire » présentent des proportions de surfaces en culture significatives (respectivement 21 % et 16 % en moyenne). Mais pour les exploitations avec chevaux de trait et de sang, la part de la surface cultivée sur la surface agricole moyenne des exploitations est de l’ordre de 10 % quels que soient les groupes.
27Dans ces conditions, les exploitations valorisent leurs surfaces par l’élevage d’herbivores : équins mais aussi bovins, ovins et caprins avec des chargements aux environs d’une UGBAT par hectare, un peu moins pour les exploitations avec ânes. Dans les groupes 1 « petits cheptels » et 3 « âne majoritaire », les équidés représentent un peu moins de la moitié du cheptel. Cette part augmente dans les exploitations « trait » avec, en moyenne 51 % dans les élevages et 66 % dans les structures de valorisation ; cette proportion monte à 85 % dans les 4 groupes de chevaux de sang, et même 94 % dans le groupe 9. Dans tous les types d’exploitations, les bovins représentent l’espèce la plus largement élevée, en proportion variable selon la place des équidés dans les groupes, ainsi les bovins sont présents dans une exploitation sur deux en élevage de trait, une sur quatre dans les exploitations avec ânes, et à peine une sur six dans les structures avec chevaux de sang. Les ovins et caprins sont plus faiblement présents sauf dans les groupes 1 « petits cheptels » et 3 « âne majoritaire ». Les exploitations de chevaux de trait détiennent un peu d’ovins mais en faibles proportions (respectivement 8 % et 5 % pour les groupes 4 et 5). Les élevages hors sol, comme le porc et la volaille, sont pratiquement inexistants sauf dans les groupes 1 « petits cheptels » et 3 « âne majoritaire » où ils ne représentent toutefois que 6 % en moyenne des cheptels présents.
28Le groupe 1 des 41 000 exploitations ayant des équidés en petit nombre est le plus diversifié, il regroupe toutefois des exploitations avec une orientation herbagère marquée. À l’opposé, les exploitations des 4 groupes avec chevaux de sang sont à plus de 50 % spécialisées, et même à 62 % pour le groupe 9, tandis que la spécialisation n’est pas une caractéristique majeure des exploitations avec ânes et chevaux de trait.
Emploi dans les exploitations spécialisées équines
29Le tableau 3 montre que la surface agricole moyenne des exploitations spécialisées équines est inférieure, quel que soit le groupe, à la moyenne du groupe intégrant l’ensemble des exploitations. Cette réduction paraît d’autant plus importante que les taux de spécialisation des groupes sont faibles.
Tableau 3. Caractéristiques des exploitations spécialisées équines : moyennes du groupe (avec écart-type de la distribution)
Tableau 3. Caractéristiques des exploitations spécialisées équines : moyennes du groupe (avec écart-type de la distribution)
30Ainsi, les exploitations spécialisées des groupes 1 « petits cheptels » et 3 « âne majoritaire » passent à une surface moyenne modeste (respectivement 7 et 10 ha), renforçant le caractère non professionnel de cette activité, qui se traduit aussi dans le nombre d’UTA, respectivement de 0,4 et 0,5 en moyenne dans chaque groupe. Le chargement élevé de 3,0 têtes d’équidés par hectare dans le groupe 1, laisse penser que les surfaces sont plus utilisées comme aire d’exercice, que comme source de fourrages.
31Dans les groupes « âne spécialisé » et « trait élevage », les surfaces moyennes de 21 ha sont modestes. Le chargement des exploitations en UGB/ha de ces deux groupes paraît assez cohérent avec les besoins des animaux et les localisations des exploitations qui les détiennent majoritairement : surtout le Sud-Est de la France pour les ânes, et les zones de moyennes montagnes pour les chevaux de trait. Ainsi, ces structures spécialisées permettent une activité agricole pour un peu plus d’une UTA en moyenne dans le premiergroupe et d’un peu moins d’une UTA dans le deuxième groupe. Le groupe 5 « trait valorisation » réunit en moyenne plus de 3,5 UTA sur une surface d’une trentaine d’hectares, ce qui montre une activité exigeante en main-d’œuvre comme peuvent l’être l’engraissement de poulains avec éventuellement découpe de viande, ou le dressage de jeunes chevaux pour des activités d’attelage ou de traction.
32Le groupe 6 « sang élevage repro » concentre en moyenne 2,5 UTA sur 27 ha, ce qui suppose une activité mobilisant de la main-d’œuvre, comme un centre de reproduction équine. Le chargement en UGB/ha est proche des chargements en zone d’élevage de productivité fourragère moyenne (Morhain, 2011). Les groupes 7 et 8 « sang élevage » se distinguent surtout par leur dimensionnement : avec un rapport de 1 à 5 dans leur surface moyenne et leur main-d’œuvre. Le groupe 9 a la particularité de réunir en moyenne 3 UTA sur 24 ha de SAU, dans un rapport assez proche du groupe 5 « trait valorisation ». Comme lui, avec peu de poulinières, ce groupe réunit des structures avec surtout des chevaux de sang, sans doute des centres équestres avec poneys et chevaux de selle, des écuries de dressage de jeunes chevaux de selle et des écuries d’entraînement pour les courses.
33Les exploitations trait présentent les plus forts ratios d’équidés par UTA, avec une quarantaine de chevaux pour une unité de main-d’œuvre (tableau 3). Les exploitations des 4 groupes de chevaux de sang présentent des ratios du même ordre et près de la moitié plus faibles que les exploitations de chevaux de trait, laissant penser à une conduite des animaux en plus petits lots. Enfin, les groupes 1 à 3 semblent présenter les plus faibles rapports, et donc laisser penser à une gestion encore plus individualisée des animaux, mais la valeur déclarative d’un faible nombre d’UTA est sans doute moins fiable. C’est pourquoi nous avons poursuivi nos investigations sur des exploitations d’une UTA et plus, et plus particulièrement sur les groupes d’exploitations avec chevaux de sang, déjà distingués par leurs spécificités en matière d’activités équines et dont le nombre de structures par groupe est suffisamment important après croisement avec les fichiers SIRE.
3. Des indicateurs d’emploi différenciés par type de races
34Dans les exploitations spécialisées de plus d’1 UTA, la validité du croisement a été vérifiée sur les groupes 3, 4 et 5 (ânes majoritaires et exploitations trait). En effet, les exploitations avec ânes et trait dans le recensement se retrouvent dans la base SIRE avec ces mêmes types de race. Toutefois, ce croisement réduisant significativement le nombre d’exploitations, pour assurer la rigueur du résultat nous n’avons pas analysé les ratios nombre de chevaux par emploi dans ces groupes.
35Quel que soit le groupe d’exploitations de plus d’1 UTA, spécialisées avec chevaux de sang, et donc quel que soit le type d’activité (reproduction, élevage plus ou moins grand et écurie), un gradient apparaît dans les types de race (figure 2) : les exploitations avec poneys et chevaux de selle présentent des ratios d’emplois supérieurs à 20 têtes, tandis que les structures avec chevaux de course présentent des indicateurs plutôt inférieurs à 20, surtout en galop. Ces tendances sont moins évidentes dans le groupe 6 « élevage repro », ce qui peut s’expliquer par le fait que les conduites d’élevage des poulinières sont assez proches, quelle que soit la race, même si les techniques de reproduction varient en fonction du type de race. Dans le groupe 7 « élevage moyen » où les effectifs par sous-groupe sont significatifs (plus de dix structures), la diminution des taux d’emplois est plus visible : 22 en poney, 16 en selle, puis 15 en chevaux de courses de trot et 13 en courses de galop. Ces tendances se retrouvent dans le groupe 9 des écuries de chevaux au travail, malgré la faiblesse du nombre d’exploitations, notamment en chevaux de course.
Figure 2. Ratios d’emplois moyens (et quartiles) par groupe d’exploitations de chevaux de sang en fonction du type de race
Figure 2. Ratios d’emplois moyens (et quartiles) par groupe d’exploitations de chevaux de sang en fonction du type de race
Note : Pour chaque groupe : G6-élevage-repro, G7- élevage moyen, G8-élevage grand, G9-écurie, nombre de têtes par UTA en fonction du type de race : poney, selle, course de trot et course de galop.Discussion
1. Les apports de cette distinction en neuf groupes d’exploitations
36L’originalité de ce travail est d’avoir basé la distinction des différents types d’exploitations sur les cheptels d’équidés, notamment le type de race et le poids des poulinières dans l’effectif total. Même si ces distinctions sont limitées par le regroupement des types (selle, course et poneys) dans une même catégorie, cette répartition permet de mieux se positionner par rapport à l’organisation actuelle de la filière française. Elle met en évidence des types d’exploitations originaux. Cette typologie permet aussi de distinguer les exploitations avec une activité économique significative avec des équidés (groupes 2 à 9) de celles détenant des équidés sans objectif économique en raison de la faiblesse du cheptel (groupe 1). Les structures du groupe 1 réunissent 29 % du cheptel recensé, ce qui pourrait se rapprocher des 22 % du cheptel national, estimé être détenu par des propriétaires-amateurs (hors structure) d’après REFErences 2011. Cette petite différence peut trouver deux sources principales d’explication. D’une part, les agriculteurs détiennent des équidés à des fins personnelles comme les autres catégories sociales et d’autant plus qu’ils peuvent disposer de parcelles de foncier à proximité de leur habitation, plus facilement que les autres propriétaires habitant souvent en zone urbaine ou suburbaine (Vial, 2017). D’autre part, certains agriculteurs peuvent détenir des équidés à des fins de complément « technique » plus qu’économique, à leurs autres productions agricoles. Ce dernier point peut concerner les juments et chevaux de trait, puisque leur effectif dans le groupe 1 est 1,5 fois plus important que celui détenu par les exploitations des groupes 4 et 5 réunis. En effet, Mugnier et al. (2013) ont montré qu’en zone de moyenne montagne, les exploitations d’élevages bovins (laitiers et/ou allaitants) détiennent des équidés en faible effectif pour leur contribution (à faible coût) à l’entretien de surfaces en herbe en complément des bovins. Cette analyse met aussi en exergue l’existence de gros troupeaux d’ânes dans certaines exploitations, point non traité dans les statistiques agricoles bien que des auteurs observent un récent engouement pour ces équidés liés au développement de leur perception comme animal de compagnie ou animal de bât et d’accompagnement dans les activités de pleine nature (Lompech et Ricard, 2020).
37Dans cette analyse, les élevages agricoles regroupent 51 % du cheptel recensé, ce qui est identique au rapport estimé par enquêtes au niveau national (Morhain, 2011), tandis que les écuries de valorisation ne réunissent que 14 % du cheptel présent dans les structures agricoles contre 25 % au niveau national. Cette différence trouve sans doute son explication dans le fait que ce dernier type de structures avait encore peu opté pour le statut agricole en 2010, à peine 5 ans après la loi sur les territoires ruraux qui le permettait (Journal officiel, 2005). Cette analyse souligne la présence de 270 exploitations principalement orientées vers la valorisation des chevaux de trait, sans doute par de la traction, de l’attelage et aussi de l’engraissement pour de la production de viande, avec peut-être de la vente directe. Ce type d’exploitations est souvent mis en exergue par la profession pour dynamiser ce secteur de la filière équine, mais leur dénombrement n’existait pas jusqu’à présent.
38En matière de type de races, les effectifs d’ânes et de chevaux de trait dans les exploitations représentent respectivement 8 et 14 % des 433 000 équins recensés au niveau agricole, ce qui semble un peu supérieur aux estimations du poids relatif de ces cheptels au niveau national de 7 et 10 %, (REFErences, 2011). Si pour les ânes, l’erreur est minime et peut être considérée comme liée à la précision de l’estimation nationale, en matière de chevaux de trait, la différence peut sans doute s’expliquer par une présence privilégiée des chevaux de trait dans les structures agricoles, plus que dans des structures d’un autre statut ou chez des particuliers. Par ailleurs, notre analyse montre la suprématie des chevaux de type sang : poneys, chevaux de selle et de course dans les exploitations agricoles (78 % du cheptel total), ce qui est tout à fait cohérent avec les références nationales : 84 % (REFErences, 2011).
39La localisation départementale des groupes d’exploitations identifiés confirme les études précédentes : les exploitations avec équins sont présentes sur tout le territoire français (Perrot et al., 2013), celles avec chevaux de sang plutôt en plaine avec une concentration plus importante dans le Grand Ouest, celles avec chevaux de trait plutôt dans les zones de moyennes montagnes : Pyrénées, Massif central et Vosges (Dobremez et Borg, 2015). L’orientation des surfaces agricoles des différents groupes confirme la présence des équins essentiellement dans des exploitations herbagères, comme de précédents travaux l’ont montré (Bigot et al., 2015), seuls ou en complément de productions bovines ou ovines (Morhain, 2011). Notre analyse précise qu’ils sont beaucoup plus rarement associés à des élevages hors sols ou à des cultures de vente. Ces éléments sur les structures avec équins n’avaient pas, à notre connaissance, encore été abordés au niveau français sur un aussi grand nombre d’entreprises. Les données disponibles sur ce sujet ont souvent été obtenues sur de petits échantillons enquêtés dans un but bien précis (Bigot et al., 2015) ou lors du suivi d’exploitations types pour l’obtention de références (Boyer et Palazon, 2014).
2. Les limites des données du recensement 2010 et de notre analyse
40Le premier point limitant réside dans la catégorisation des types de cheptels équins recensés en 2010 dans les exploitations agricoles qui n’est plus en adéquation avec les types de cheptels les plus présents au niveau national et dans le secteur agricole. Les bases de données du SIRE précisent les différents types de cheptels équins par propriétaire et non par structures qui les détiennent. Le croisement entre ces 2 sources ne peut être que partiel dans l’état actuel de ces bases et ne permet pas d’avoir une analyse exhaustive de toutes les structures caractéristiques de la filière équine. Toutefois, le Service des statistiques et de la prospective du ministère chargé de l’Agriculture a consulté en 2019 les instituts techniques, tels que l’IFCE, disposant de bases de données sur leur filière et les équipes de recherche ayant travaillé sur les données du recensement pour une mise à jour du questionnement. Suite aux travaux présentés ci-dessus, des propositions faites conjointement par la recherche et l’IFCE ont été validées par le ministère. Ainsi, le questionnement du recensement 2020 permettra de distinguer les types de races : ânes, traits, selle et poney, course de trot, course de galop et pour chaque type de race, l’effectif total et celui des reproductrices. La méthodologie de typologie des exploitations établie dans cette étude pourra être appliquée et permettra ainsi de distinguer les élevages et écuries du secteur sports-loisir (selle-poney) des structures propres aux secteurs courses de trot et de galop. Il restera cependant à préciser le PBS par type de race et type d’animal (poulinière ou autre cheval) afin que l’incidence économique des productions équines puisse être analysée au sein des exploitations. Ce n’est qu’à ces conditions que les productions équines seront en mesure de s’intégrer à la typologie OTEX utilisée au niveau européen.
41Le deuxième point est le principe de notre partitionnement qui réunit dans un même groupe l’ensemble des exploitations avec de petits cheptels équins et qui, malgré leur faible impact, représentent les ¾ des exploitations avec équins. Il paraît donc nécessaire de poursuivre l’analyse de ce groupe sans doute, dans un premier temps, par type de race. En effet, comme noté précédemment, les petits effectifs de chevaux de trait peuvent avoir une utilité pertinente dans le fonctionnement d’une exploitation d’élevage bovin, notamment en termes de transition agro-écologique, et ce n’est pas l’augmentation de la taille du cheptel qui pourrait en accroître l’efficacité. Sur ce même principe, nous n’avons pas affiné l’analyse des petits effectifs d’équidés dans les groupes caractérisés par un type dominant, par exemple de faibles effectifs de chevaux de sang (de l’ordre de 2 %) dans les groupes 4 et 5 à dominante chevaux de trait. Est-ce le signe d’un loisir personnel dans ces structures trait, ou la prise en pension du cheval d’un particulier, ou une tendance à réorienter l’exploitation du secteur trait vers le secteur sang ?
42Cette analyse n’est qu’une première ébauche sur la connaissance des structures agricoles avec équins. L’ensemble des variables du recensement sont à notre disposition pour mieux les cerner d’un point de vue équipement, activités de diversification et aussi main-d’œuvre : âge, sexe, qualification, salariat. Toutefois, en matière de main-d’œuvre, le poids important des structures à faible effectif ainsi que celui de la main-d’œuvre bénévole risque d’être des freins à l’estimation des emplois plein-temps créés par les équins dans l’ensemble du secteur agricole. En particulier, il reste à vérifier si les indicateurs d’emploi établis sur des structures mobilisant au moins une UTA, peuvent s’appliquer en l’état à des structures ayant de petits effectifs équins. Une analyse plus spécifique des structures avec de petits effectifs dans différents types de cheptel est certainement une étape préalable à cette extrapolation.
43Enfin, le recensement agricole n’est réalisé que tous les dix ans, sur demande de l’Europe. Or divers travaux (Bridgen et al., 2015 ; Vial et al., 2017 ; Vial et Evans, 2015) mettent en évidence la sensibilité de la filière équine aux changements de contextes économiques. Aussi, pour un suivi des structures de la filière au cours du temps, ce type d’analyse doit être complété d’études spécifiques plus légères, portant sur des structures représentatives des divers types mis en évidence dans cette étude.
Conclusion
44Notre analyse montre que les activités avec équins (d’élevage, d’utilisation et de services) peuvent contribuer au maintien d’exploitations agricoles et au développement de l’emploi agricole, notamment dans les zones herbagères où les alternatives agronomiques sont limitées. Ces activités équines présentent des caractéristiques structurelles proches des activités de diversification agricole : elles peuvent se mettre en place sur de petites surfaces d’exploitation en augmentant le nombre d’emplois à l’hectare. L’élevage avec valorisation (dressage et entraînement) peut se rapprocher de la transformation de produits agricoles bien que la finalité ne soit pas alimentaire. Les activités équestres entrent tout à fait dans le champ des activités de loisir incluses dans l’agrotourisme, et plus largement des activités physiques de pleine nature dont les effets sur le développement territorial peuvent être très significatifs (Marsac et al., 2012 ; Vollet et Vial, 2018). Les activités agro-touristiques devraient poursuivre leur développement, portées par l’engouement de la société pour les activités en lien avec la nature, surtout par la redécouverte du cheval « compagnon de l’homme » dans la vie de tous les jours (Jez, 2014), et contribuer ainsi à l’équilibre socio-économique des exploitations agricoles dans leur territoire.
Remerciements
Les auteurs tiennent à remercier le Conseil scientifique de la filière équine qui a apporté son soutien au projet, l’IFCE et le Fonds Eperon pour leurs aides financières, le comité de pilotage du projet FEISE et ses experts scientifiques et institutionnels pour leurs avis constructifs, ainsi que le CASD pour la gestion des données du recensement et la vérification de la validité des extractions selon le respect du secret statistique.Annexe
Annexe 1. Dendogramme issu de la Classification Ascendante Hiérarchique sur les types d’équins détenus dans les exploitations agricoles recensées avec équins en 2010
Annexe 1. Dendogramme issu de la Classification Ascendante Hiérarchique sur les types d’équins détenus dans les exploitations agricoles recensées avec équins en 2010
Bibliographie
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Mots-clés éditeurs : ânes, entreprises, recensement agricole, emplois, chevaux
Mise en ligne 15/01/2021
https://doi.org/10.4000/economierurale.8412Notes
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Equicer : réseau de suivi des entreprises équines au sein du groupe CER France ; surtout localisé sur la moitié nord de la France.