1Dans sa forme contemporaine, la pensée écologiste est apparue quasi-simultanément en Amérique du Nord et en Europe il y a environ cinquante ans. En France, sa première émergence électorale remonte à 1974 lors de la candidature de René Dumont à la présidentielle. Le parti des Verts a vu le jour en 1984. Il a réussi à obtenir ses premiers députés au Parlement européen en 1989 en recueillant plus de 10 % des suffrages, et ses premiers parlementaires nationaux et postes ministériels en 1997. Forts d’un groupe au Sénat depuis 2011 et d’un autre à l’Assemblée nationale depuis 2012, les écologistes français ont pourtant encore beaucoup de mal à faire prévaloir leurs choix dans les décisions publiques prises dans notre pays. Il faut dire qu’une partie importante de l’opinion qui adhère aux idées écologistes semble ne guère se reconnaître dans la manière dont nous les incarnons politiquement.
2Passé le constat largement partagé d’une réelle urgence environnementale et climatique qui frappe notre planète, nous assistons en effet à l’expression de divergences souvent marquées quant aux moyens politiques à mettre en œuvre pour tenter d’apporter des réponses concrètes et non incantatoires aux problèmes auxquels nous faisons face.
3Après un temps fort en 2009 et 2010 où l’écologie semblait rassemblée et en mesure de sortir du ghetto politique dans lequel elle était confinée, celle-ci paraît à nouveau s’abîmer dans une spirale récessive et de mauvais augure à un moment où la politique en France s’assombrit comme jamais à l’horizon 2017.
4EELV, qui en 2014 a vu ses ministres quitter un gouvernement en manque de véritable projet de société, ne s’offre pourtant pas la cure de jouvence que d’aucuns espéraient. Le parti écologiste n’est plus la valeur refuge qu’il a souvent été par le passé pour nombre de citoyens désillusionnés par les partis politiques traditionnels.
5Si tout n’est certes pas à vilipender dans la manière dont les choses se sont déroulées au cours des quatre dernières années, il serait cependant contre-productif pour l’avenir de notre mouvement que de refuser de porter un regard rétrospectif sur les obstacles que nous avons du affronter, les erreurs que nous avons commises et ont compromis le potentiel politique dont nous semblions porteurs il y a peu encore.
6Bien sûr, de nombreuses raisons exogènes à EELV expliquent cette faiblesse quasi-endémique.
7À ce titre, il est indéniable que la nature des institutions de la Vème République et le mode de scrutin majoritaire constituent un terrible handicap. La présidentialisation croissante du système politique français restreint la place institutionnelle et sociétale des partis. L’écrasement des formations minoritaires au profit d’une bipolarisation excessive de la vie politique oblige les écologistes à des alliances qui diluent leur identité et affecte l’autonomie de leurs choix. Le mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours constitue une mécanique qui, jusqu’à présent, a toujours permis au duopole Droite républicaine/Parti socialiste de s’imposer. Lors des élections régionales, où le mode de scrutin en vigueur inclut une part de proportionnelle, on note sans surprise que les écologistes obtiennent généralement de meilleurs résultats et parviennent, au final, à peser davantage sur les politiques publiques mises en œuvre. Toutefois, il serait inexact d’affirmer qu’il existerait une fatalité absolue du scrutin majoritaire qui bloquerait tout bouleversement du spectre politique : l’ascension actuelle du Front national démontre qu’un basculement en faveur d’une tierce force politique est possible, pour le meilleur comme pour le pire.
8Au rang des explications exogènes, il en est une autre, trop souvent négligée mais aux effets assez dévastateurs sur les capacités d’action effectives des écologistes : le poids sans pareil pris dans notre démocratie par un appareil techno-administratif puissant, concentré et centralisateur. L’omniprésence historique de la haute administration et des grands corps d’État compte pour beaucoup dans la culture française de réticence diffuse à l’égard de l’invention des modèles alternatifs de société. Il n’est plus possible aujourd’hui de nier que notre monde change et que l’Etat-nation est sous la pression de multiples contraintes externes, notamment celles de la mondialisation et du développement des règlementations internationales. Cette réalité pèse évidemment sur les marges de manœuvre des nations et des territoires. Mais elle ne doit toutefois pas occulter une autre réalité : celle d’une expertise souvent sans contradiction ni contre-pouvoir qui, à l’intérieur de la puissance de l’Etat – et de plus en plus dans ses officines externalisées – finit par imposer ses choix aux politiques, bien au-delà de ce que le droit, les règles nationales ou les traités prévoient. Cela semble une évidence pour le citoyen qui nourrit souvent un sentiment d’arbitraire face à de nombreuses décisions prises sans son consentement, mais ça l’est régulièrement aussi pour un parlementaire, voire un ministre, qui voit son texte ou l’amendement qu’il a fait adopter amenuisé – voire même détourné de son objet initial – par une sorte de « boîte obscure » qui produit non plus de la norme nouvelle pour le bien public mais une normalisation de toute velléité de changement susceptible de bousculer un ordre techniciste établi.
EELV : des initiales à réinitialiser
9Si ces dimensions propres à la culture politico-administrée de notre pays mériteraient certainement un développement bien plus approfondi, il nous parait cependant plus pertinent de concentrer ici notre réflexion sur les raisons endogènes qui font que l’écologie politique peine aujourd’hui à trouver une incarnation partidaire à la hauteur de ses espérances et de ses promesses.
10D’abord parce qu’il n’est pas dans notre conception de la politique de justifier nos faiblesses par la puissance, l’habileté, voire la turpitude, des autres. En politique, les lignes de blocage deviennent le plus souvent définitivement intangibles que dès lors que, par dogme ou par cécité, nous intériorisons l’idée qu’elle sont impossibles à faire bouger. Ce n’est qu’en étudiant nos fragilités et nos manquements sans apitoiement sur nous-mêmes que nous avons quelques chances de parvenir à nous réformer et sortir de l’état de sclérose qui nous frappe actuellement.
11Car en cette mi-2015, il serait vain de prétendre qu’EELV n’est pas en état de sclérose. La juste question est plutôt de savoir si nous ne sommes pas déjà passés au stade de la nécrose pure et simple.
12Dans cette démarche de regard critique sur nous-mêmes, il est indispensable également de ne pas céder au jeu improductif, mais très en vogue actuellement au sein d’EELV, de désigner du doigt tel ou tel responsable du mouvement dans le rôle expiatoire du fautif en chef. Dans un collectif qui aspire à produire du bien commun, la responsabilité des échecs est d’abord la responsabilité de chacun et de tous avant d’être celle des autres.
13A propos de la crise qui nous frappe actuellement, certains ne manqueront évidemment pas de nous objecter que les écologistes français ont déjà connu et surmonté bien d’autres crises par le passé. C’est exact. Et c’est notamment à la suite d’une telle crise, survenue après la présidentielle de 2007, que nous avons entrepris le plus important mouvement de réinitialisation de l’écologie politique dans ce pays à travers la création d’Europe Écologie en 2008. La réponse trouvée à cette époque a connu un beau succès et plusieurs résultats électoraux très prometteurs qui, dans le cadre des accords électoraux passés avec nos partenaires entre 2010 et 2012, ont rendu possible la création d’un groupe écologiste autonome au Sénat, puis à l’Assemblée nationale.
14Mais la dynamique initiale n’a pas perduré, et depuis 2012 nos résultats électoraux sont tantôt en demie teinte, tantôt franchement mauvais, laissant augurer le pire pour les échéances à venir. Avec la perte probable de nombreux conseillers régionaux en fin d’année et le risque de voir disparaître nos deux groupes parlementaires, ce sont aussi plus des deux tiers des moyens institutionnels dont nous disposons actuellement qui pourraient s’évaporer d’ici à la fin 2017. Le tableau serait un peu moins inquiétant si notre formation disposait d’un ancrage militant digne de son poids dans l’opinion, mais nombre de ceux qui nous avaient rejoint depuis 2009 ont déjà quitté la maison commune, renvoyant EELV dans la catégorie des petits partis assis sur une base majoritairement composée d’élus ou de collaborateurs d’élus.
15Dans notre organisation désignée par l’acronyme « EELV », l’apport d’Europe Écologie paraît avoir disparu pour ne laisser subsister que les deux initiales du parti Vert originel…
16Ce triste reflux trouve une partie de son explication dans certains choix politiques peu heureux qui ont été faits depuis 2011 et que nous ne manquerons pas plus avant d’analyser. Mais il convient de ne pas idolâtrer la douce période 2009-2010 qui elle aussi n’a été exempte d’erreurs, notamment dans la manière que nous avons eue de penser et de mettre en œuvre la réinitialisation du mouvement de l’écologie dans ce pays. Nous avons assurément été dépassés par notre succès et nous avons voulu de manière trop brouillonne faire évoluer les fondements de notre parti vers un objet politique aussi prometteur que mal identifié.
L’échec de la coopérative
17Concernant l’organisation nouvelle que nous comptions donner à notre mouvement, nous avons doublement failli, tant en matière d’ouverture politique que dans la manière de constituer ce que nous avions appelé la coopérative.
18Cette erreur est largement la nôtre – ceux qui avaient promu cette idée – par défaut de conception et d’approfondissement de la forme que cet objet pouvait prendre concrètement. Telle qu’elle a été insérée dans le carcan statutaire d’EELV à la suite du congrès de Lyon le 9 novembre 2010, la « coopérative » est simplement devenue une sorte de miroir périphérique de l’organisation partidaire, nonobstant les droits et les moyens qui lui étaient alloués.
19Qu’a-t-on proposé aux coopérateurs qui nous rejoignaient ?
20De devenir un simple vivier de futurs adhérents et éventuellement de futurs élus du parti. Au lieu d’être un véritable pont entre nos sympathisants et une structure partidaire, certes ouverte mais plus normée au regard du jeu politique traditionnel, la coopérative verte – version canal vert historique – n’a été pour l’essentiel qu’une opération cosmétique visant à mimer le renouveau pour mieux préserver les mécaniques alambiquées du passé.
21D’un point de vue quantitatif, nous aurions pu commencer à parler de réussite de la coopérative si celle-ci avait compté au moins trois fois plus de membres que les adhérents au parti, mais tel n’a jamais été le cas. L’échec est patent puisqu’il y a actuellement cinq fois moins de coopérateurs que d’encartés à EELV ; un parti qui lui-même ne compte que quelques milliers de membres alors que nous recueillons entre 800 000 et 2 000 000 voix lors des différents scrutins.
22La responsabilité de cet échec est collective : elle concerne autant les cadres historiques de l’ancienne formation que les promoteurs du nouveau sujet politique qui a donné naissance à EELV en 2010. Les partis se meurent tranquillement mais refusent jusqu’à l’extrême-onction de se soigner. En la matière, les Verts n’ont d’ailleurs pas le monopole de cette peur de se réformer, ni l’exclusivité de l’incapacité à concrétiser l’aspiration du renouveau politique qu’ils suscitent dans une partie de l’opinion.
23Notre échec est autant la conséquence de l’atavisme propre à toute structure instituée que de la naïveté de ceux qui croyaient que l’évidence des faits pouvait naturellement s’ériger en raison partagée. Cette candeur est d’ailleurs monnaie courante parmi les écologistes. Il règne parmi certains d’entre nous une foi spontanéiste qui consiste à croire que les choses se feront parce qu’elles doivent se faire et aussi que ce qui semble évident et logique nous dispense de nous impliquer sérieusement dans sa réalisation.
24Au-delà de ce constat d’ordre culturel, ce qui a en grande partie conduit à faire de la coopérative un objet politique mort-né tient beaucoup aux décisions qui ont été prises à propos de son champ d’action et ses modalités concrètes d’organisation. Une des particularités historiques du parti Vert en France est de s’être organisé sur des bases très territorialisées, depuis les groupes locaux jusqu’à l’échelon national – théoriquement peu doté en moyens – en passant par des strates intermédiaires qui lui confèrent un fonctionnement en poupées russes, bien plus qu’un fonctionnement authentiquement fédéraliste. C’est donc la proximité géographique qui dicte le regroupement des militants et des sympathisants entre eux. C’est d’ailleurs le même modèle qui organise en France le pouvoir politique et sa représentation à travers un découpage en circonscription avec un scrutin uninominal majoritaire. Le problème, c’est que ce mode territorial d’organisation du pays et de notre parti nie une autre réalité sociale : celle qui fait que nos sociétés modernes s’organisent de plus en plus au travers de proximités affinitaires ; que nos engagements ne passent plus seulement par des luttes territorialisées, mais aussi par des revendications spécifiques qui traversent ces territoires.
25Une coopérative écologique dynamique et novatrice aurait justement dû être le lieu de convergence d’une multitude d’associations thématiques et affinitaires, engagées dans des campagnes nationales ou transnationales, vis-à-vis desquelles l’organisation partidaire aurait constitué une sorte d’agence de moyens destinée à les appuyer à l’échelon institutionnel. Cela aurait permis au parti de l’écologie politique de structurer autour d’elle sa nébuleuse, sans que ce centre cherche à imposer tous ses modes de fonctionnement à sa périphérie.
L’impasse de la présidentielle
26Le seul moment où la « coopérative » a connu un certain engouement – au moins sur un plan quantitatif – fut celui de la primaire écologiste lors de la préparation de la présidentielle de 2012. Plus de vingt mille coopérateurs, mais au bout du compte un score de 2,31 % pour la candidate écologiste désignée ! Un coup de butoir électoral dont l’écologie politique peine encore aujourd’hui à se remettre. Il faut dire qu’à ce moment politique précis, nous avons multiplié les erreurs stratégiques !
27Forts de nos succès électoraux antérieurs, nous avons refusé de voir ce que nous savions depuis longtemps : l’élection présidentielle est contre-nature avec la culture politique des écologistes. Nous qui luttons contre le présidentialisme de la Vème République, nous nous prenons régulièrement au piège de vouloir présenter un ou une candidate à cette élection sous prétexte de peser dans le rapport de force institutionnel. Et comme nous échouons systématiquement lors de cette élection, nous payons ensuite le prix de nos propres hérésies ! Pour véritablement faire valoir nos propositions et négocier de meilleurs accords électoraux aux législatives, nous aurions certainement mieux fait de participer à la primaire ouverte organisée par le Parti socialiste en 2012. Confessons que nous n’avons pas eu la force au moment où l’on proposait cette idée de la faire adopter en interne du mouvement. Il est cependant réjouissant, en mode ex post facto, de voir nombre de dirigeants actuels d’EELV, autrefois hostiles à cette idée, faire leur mea culpa à ce sujet… C’est une leçon à retenir pour 2017, si d’aventure nos partenaires politiques nous refaisaient une telle proposition.
28Mais revenons encore à 2012 pour comprendre notre échec électoral ainsi que celui de la coopérative. Nous avons choisi d’aller à la présidentielle et organisé une primaire de l’écologie où les 20 000 coopérateurs de l’époque étaient deux fois plus nombreux que les adhérents au parti. Sur le papier, c’était une petite révolution par rapport à ce qui était d’usage auparavant chez les Verts pour désigner leur candidat. Mais, dans les faits, ce n’était-là qu’un petit baroud démocratique en comparaison avec le succès populaire de la grande primaire ouverte organisée par le PS dans les mois qui ont suivi…
Des compétences dilapidées
29Outre sa faible capacité à séduire massivement, la coopérative écologiste version « canal historique » a aussi souffert du manque de débouchés proposés à ceux qui la rejoignaient. Au moment où se constituait la Fondation de l’Ecologie Politique, nous n’avons pas su penser une véritable synergie entre ces deux instances, alors que la première aurait pu être un catalyseur des énergies dont nos sympathisants étaient porteurs, un peu à l’instar de la Fondation écologiste Heinrich Böll en Allemagne qui compte près de deux fois plus d’adhérents que le parti des Grünen.
30Au cours des dernières années, nombre de personnes de grande qualité issues d’associations, d’ONG, d’entreprises, d’organismes publics ou parapublics ont rejoint la dynamique créée par Europe Écologie. Mais le seul véritable horizon que nous leur avons offert – et encore de manière assez homéopathique – fut celui de se confronter au suffrage universel. Si, en la matière, les choses se sont plutôt bien passées lors des européennes de 2009 et des régionales de 2010 (deux scrutins à prédominance proportionnelle), le moins qu’on puisse dire, c’est que ces nouveaux venus n’ont pas toujours été accueillis avec enthousiasme et nombre d’entre eux ont bien souvent eu du mal à franchir l’épreuve des investitures au niveau local. Il faut dire que pour la plupart ils n’étaient pas rompus au jeu politique et aux arcanes complexes de la mécanique verte de désignation des candidats. Il convient d’avouer aussi que tous n’étaient pas totalement inspirés à l’idée de devenir des élus de la République. Mais c’était bien là la seule prise de responsabilité que notre mouvement voulait bien leur proposer. Il en aurait peut-être été autrement si, en amont des élections de 2012, nous n’avions pas centré toutes les négociations avec nos partenaires sur l’obtention de quelques ministères et d’une poignée de circonscriptions. Personne, à ce moment, ne semble avoir sérieusement réclamé la nomination d’écologistes dans les très nombreuses agences ou organismes publics du pays. Il aurait sans doute été utile de se battre par exemple pour la direction de l’ADEME, une agence publique consacrée à l’environnement et à la maîtrise de l’énergie qui initie et gère d’importants projets dans nos domaines de prédilection.
31Nous ne contestons évidemment pas l’importance pour un mouvement politique de s’inscrire dans la compétition pour les mandats électifs ou les postes ministériels. Mais avoir négligé le fait que nous vivons aussi dans un pays où la puissance administrative supplante souvent la puissance politique a sûrement été une grave erreur stratégique. On a pu l’observer encore récemment lors de lois de finances rectificatives de 2014 : une part importante des investissements d’avenir initialement consacrés à la transition écologique – notamment ceux gérés par l’ADEME – ont été transférés vers le ministère de la Défense et vers la recherche nucléaire, faute de projets immédiatement opérationnels proposés par cette agence…
Ministères amers
32Parmi les trop nombreuses erreurs commises en 2012, il en est une qui, sur le moment, pouvait passer pour un choix plutôt habile. Après un riche débat interne, nous avons décidé de répondre positivement à la proposition d’entrer au gouvernement. À l’issue des négociations qui ont suivi notre flop à la présidentielle, nous étions loin des quatre ministères espérés et qui auraient permis d’inscrire la politique écologiste dans une variété de champs d’action ministérielle. Comme en 1997, nous n’avons finalement eu droit qu’à deux ministères. L’un – celui du développement – correspondait bien à nos domaines d’intervention les plus emblématiques, mais il ne s’agissait cependant que d’un ministère délégué, sous tutelle directe du très puissant ministère des Affaires étrangères. Concernant le second ministère, nous avons préféré investir celui du logement plutôt que celui de l’écologie. Les Verts avaient déjà occupé le ministère de l’Environnement de 1997 à 2002 et, avant nous, Brice Lalonde avait déjà été en charge du même poste de 1988 à 1992. Dans les deux cas, ce ministère nous avait laissé un goût amer, tant les préoccupations écologiques ne figuraient pas parmi les priorités du gouvernement et tant le champ d’action politique dudit ministère était à l’époque singulièrement restreint. Privilégier le secteur du logement en 2012 marquait un désir d’affirmer que l’écologie politique n’avait pas vocation à voir son action publique limitée aux seules questions environnementales. L’intention pouvait paraître louable mais elle traduisait plus une réaction liée à nos frustrations passées qu’une réflexion stratégique sur la situation du moment. C’était en effet négliger l’importance prise au fil du temps par les enjeux climatiques et environnementaux au sein même de la classe politique nationale. Et il faut le reconnaitre, en dépit des coupes budgétaires subies ces dernières années par le ministère de l’Ecologie, celui-ci a pris en termes de poids et de compétences une tout autre figure que celle qu’il affichait autrefois.
33À force de vouloir sortir de la niche environnementale dans laquelle nous nous sentions confinés, nous avons donné l’impression d’avoir oublié nos fondamentaux, précisément au moment où ces derniers commençaient à entrer sérieusement dans le débat public.
Apports parlementaires
34Le tableau d’EELV que nous dressons ici serait excessivement négatif si nous ne reconnaissions pas que cette période a aussi été marquée par des avancées importantes, au premier rang desquelles celle d’être parvenu à constituer un groupe autonome dans chacune des deux assemblées parlementaires. Car même si nous pensons qu’une absence de candidature à la présidentielle de 2012 aurait permis un meilleur accord aux législatives qui suivirent, force est d’admettre que l’élection de dix-sept députés a constitué un gain déterminant pour l’écologie politique en France tant sur un plan quantitatif que qualitatif. Certes, les Verts disposaient déjà d’une présence à l’Assemblée nationale et au Sénat depuis une quinzaine d’années. Nos quelques parlementaires de l’époque n’ont pas démérité. Leur travail a été intense, mais leur effectif réduit et l’absence de groupe autonome ne permettait pas une présence écologiste dans l’ensemble des commissions parlementaires et sur l’ensemble des textes étudiés.
35Avec la création du premier groupe écologiste au Sénat en janvier 2012, puis au sein de l’Assemblée nationale en juin de la même année, EELV a enfin pu disposer des moyens techniques et humains d’apposer sa marque sur l’ensemble des textes de lois en débat. Avec un effectif global de 25 à 30 parlementaires et un nombre de collaborateurs près de trois fois supérieur, nous avons pu alimenter une véritable expertise législative dans la plupart des domaines, y compris là où la réflexion des Verts était restée embryonnaire. Le fonctionnement de la Vème République ne laisse certes qu’une place très restreinte à l’initiative parlementaire et aux groupes minoritaires, mais les écologistes ont largement fait valoir leur droit d’amendement sur les textes proposés par le gouvernement et sont même parvenus en trois ans de mandat à faire adopter des lois importantes concernant les lanceurs d’alerte, l’usage des pesticides, la prévention des risques en matière d’ondes électromagnétiques ou encore les indicateurs de richesse alternatifs au PIB. Minoritaires au sein d’une majorité peu encline à opérer un changement de modèle de société, les parlementaires écologistes ont aussi fréquemment opéré des compromis difficiles pour engranger des avancées partielles, plutôt que d’adopter des postures radicales mais sans effets concrets.
La tentation du repli
36Rarement pourtant, la tension entre la « base » du parti et ses élus nationaux n’aura été aussi forte qu’au cours de ces derniers mois. Bien que largement avalisée au printemps 2012 après un riche débat interne, la participation des écologistes au gouvernement a pourtant presque immédiatement fait l’objet de fortes critiques, jusqu’au départ unilatéralement décidé par nos deux ministres en mars 2014. Ceux qui ont eu le malheur de s’élever contre ce procédé pour le moins lapidaire de sortie se sont faits traiter d’ambitieux, voire d’arrivistes, comme si le gouvernement était prêt à accueillir en son sein plusieurs dizaines de ministres écologistes ! Une fois de plus, c’est l’émotion plus que la raison qui a servi de moteur à cette décision que les adhérents d’EELV ont par la suite tacitement approuvée. Le retour à une posture oppositionnelle est évidemment toujours plus confortable. Il faut bien reconnaître que les ratés successifs du pouvoir socialiste et son absence d’entrain à engager la transition écologique n’ont guère plaidé en faveur d’un soutien de notre part. Mais ce qui ne manque pas d’étonner, c’est le contraste des positions sur la question de la participation gouvernementale entre les centaines de milliers d’électeurs et sympathisants écologistes et les quelques milliers d’adhérents actuels au parti. Non moins surprenante est aussi la nature de cette fameuse base d’EELV en logique de radicalisation… Parmi elle, on y trouve beaucoup d’élus locaux qui eux-mêmes sont très souvent en alliance politique avec le PS au niveau territorial. Bien peu d’entre eux ont choisi de démissionner de leurs fonctions et de quitter les majorités politiques auxquelles ils appartenaient. Paradoxalement, nombre de ceux ont été prompts à dénoncer la « trahison de ces élites » prêtes à poursuivre un dialogue avec le gouvernement ont été élus grâce à des voix provenant de l’électorat socialiste. Les choses seraient bien sûr assez différentes si le pays désignait ses députés à la proportionnelle, mais tel n’est pas le cas aujourd’hui. En réalité, l’écologie politique a peu à gagner quand elle se replie sur elle-même ou sur d’hypothétiques alliances alternatives. En France, comme en Allemagne, ces moments de repli n’ont jamais eu l’heur d’élargir le spectre de l’écologie. Les résultats électoraux obtenus par EELV depuis la sortie du gouvernement confirment ce constat déjà ancien.
37Depuis quelques mois, la question de notre retour au gouvernement se pose assez régulièrement. Savoir si une telle décision serait opportune dépend pour partie bien sûr des avancées politiques que le gouvernement serait prêt à faire à l’endroit des écologistes. L’engagement d’introduire une part de proportionnelle dans le mode d’élection des députés devrait notamment être un des points durs d’une telle discussion. Mais l’état de déliquescence actuellement assez avancé de notre mouvement risque de rendre un choix collectivement assumé bien difficile. Car, une fois de plus, nous touchons ici du doigt une des faiblesses des écologistes en France : celle de pratiques souvent antagonistes avec les discours énoncés. Ces paradoxes inconfortables sont pléthores. L’affirmation affichée de « faire de la politique autrement » se heurte fréquemment à des usages pourtant des plus critiquables dans notre façon de faire.
L’impossible leadership écolo ?
38Depuis des lustres, nous sommes constamment agités par cet étonnant paradoxe d’une formation politique issue de la culture libertaire et mouvementiste de 1968 ne parvenant pas à s’extraire d’une vision uniciste et parfois très dirigiste du leadership. C’est là un phénomène assez propre à la France. Dans la plupart des autres partis verts d’Europe, le leadership du mouvement est généralement partagé par un binôme mixte de dirigeants, voire par un collège de quatre personnes. En théorie, les Verts français rejettent le régime de la Vème République et le présidentialisme qui lui est associé. Mais, dans les faits, leur façon de faire est assez sournoisement influencée par ces institutions qui conduisent à remettre les rennes du pouvoir dans les mains d’une seule personne. Ce présidentialisme honteux s’incarne bien dans la course exacerbée à laquelle certains se livrent pour obtenir le Graal d’une candidature à l’élection suprême. Nous entendons changer les règles injustes d’un système institutionnel qui nous déplaît, mais nous nous jetons volontiers dans une compétition présidentielle d’où nos convictions ne sortent jamais indemnes. Une des raisons de l’engouement immodéré que certains cultivent à candidater, tient au fait que, quel que soit le score obtenu, ceux qui y concourent finissent par acquérir une incomparable notoriété. Et comme le champ politico-médiatique a horreur du vide, choisir ne pas aller à la présidentielle revient à admettre la possibilité que d’autres candidats se revendiquant de l’écologie puissent s’emparer de l’espace laissé vacant. Se présenter à la présidentielle, c’est également par incidence une manière de conforter son leadership sur le mouvement et d’inscrire son nom dans la play-list des ministrables. Mais la question de fond, souvent occultée par ces considérations tactiques, reste toujours sans réponse : un mouvement politique d’inspiration libertaire peut-il faire l’économie d’une forme de leadership pour structurer son organisation et dynamiser son existence ? C’est peu probable, en particulier à une époque où la logique médiatique recherche toujours plus avidement des figures pour incarner un récit politique.
39Pour aller plus avant sur cette question importante, il faut d’abord sortir d’une étonnante antienne, qui hante les discours écologistes depuis trois décennies et qui veut que toute forme de leadership serait par nature anti-démocratique, mais que ne pouvant y échapper, il n’existerait pas d’autre alternative que la construction d’une direction plaçant une seule personne en incarnation urbi et orbi du mouvement ! Une solution durable pour les écologistes serait, à notre sens, d’inventer une forme de leadership partagé où chacun trouve sa juste place en fonction de ses compétences spécifiques, un peu sur le modèle de ce que nous étions parvenus à construire lors de la campagne des européennes de 2009. Il serait bon, au passage, que nous relisions les travaux de l’anthropologue Pierre Clastres – en particulier « La société contre l’Etat » – ou ceux du politologue Robert Alan Dahl sur la « polyarchie ». Le premier traite de l’organisation du pouvoir des sociétés primitives ; le second du leadership dans les sociétés modernes. Les deux soulignent l’existence souvent oubliée d’un modèle de leadership sociétal partagé et donc réparti en fonction des qualités spécifiques et éprouvées de chacun. Chez les écologistes, certains sont en effet plus efficients et légitimes que d’autres pour porter une réflexion riche sur notre pensée politique, d’autres pour développer une expertise de haut niveau sur les questions environnementales, d’autres encore pour conduire efficacement une lutte sur le terrain, organiser et gérer au quotidien une formation politique, vulgariser nos idées auprès de l’opinion publique ou conduire avec succès une campagne électorale. Ce leadership pluriel de l’écologie politique n’est pas un vœu pieu : il existe parfois de manière implicite au sein de notre mouvement, mais l’enjeu électoral, notamment celui de la présidentielle, détruit souvent cette construction naturelle certes fragile mais au combien riche et foisonnante.
Repenser - encore et toujours - l’écologie politique
40La question du leadership est majeure, mais elle n’est malheureusement pas le seul chantier que nous avons devant nous si nous aspirons réellement à changer la société et construire dans les faits sa mutation écologique.
41La tentative de réinitialisation de l’écologie politique en France opérée en 2009 a certes redynamisé l’image du mouvement et suscité un temps un véritable attrait. Elle a cependant assez vite tourné court par défaut de réflexion approfondie sur les méthodes et les moyens opérationnels à mettre en œuvre pour procéder à une transformation politique durable de notre organisation. La « coopérative » était supposée devenir la traduction de cet aggiornamento organisationnel. A la base, celle-ci reposait sur une idée assez simple : il s’agissait de redonner vigueur et cohérence à l’écosystème de l’écologie politique en France en tentant de mettre en musique les trois principales formes d’expression et d’intervention qui la composaient et qui vivaient chacune dans une logique de développement séparé. Pour le dire plus clairement, l’objet de la coopérative était de rapprocher l’expression partidaire de l’écologie politique (représentée essentiellement par Les Verts) de l’expression mouvementiste de l’écologie (luttes locales, mobilisations issues du mouvement altermondialiste) et de l’expression environnementaliste portée par de grandes associations et ONG, très opérantes dans les domaines de l’expertise et de la publicisation de causes écologistes auprès de l’opinion.
42Au-delà du rapprochement entre les différents types d’acteurs de l’écologie, il s’agissait également de relier plus systématiquement les différents milieux et territoires dans lesquels ces acteurs étaient susceptibles d’intervenir. Le but était notamment de déverrouiller le champ d’action du parti Vert devenu excessivement hexagonal au regard d’une pensée écologiste fondée sur une interconnexion permanente entre local et global.
43Le rendez-vous des européennes de 2009 – quelques mois en amont de la grande conférence de Copenhague sur le changement climatique – a été le moment opportun pour réaffirmer cette approche plurielle et trans-territoriale de l’écologie politique. Mais ce qui a pu être possible dans ces circonstances n’était pas nécessairement reproductible avec le même bonheur lors d’autres rendez-vous politiques ou électoraux. D’abord parce que, depuis quelques années, il semble exister en France une sorte de prime aux formations politiques émergentes qui portent une promesse de renouvellement. Mais cette prime initiale, qui leur est un temps accordée par l’opinion, ne constitue en rien une assurance-vie électorale au long cours. Elle traduit davantage une réaction primaire à la fossilisation des partis institués qu’une adhésion pleine et entière aux offres un peu expérimentales et tâtonnantes, régulièrement introduites dans le spectre électoral.
44Une autre raison de ce retour en faiblesse de l’écologie tient aussi au fait que le nouvel écosystème politique qui avait été impulsé en 2009 était vraisemblablement trop circonstancié et encore trop étroit pour mobiliser et finalement peser à la hauteur de nos espoirs dans le champ de la représentation nationale et de la décision publique.
Elargir notre écosystème ou périr
45Le rassemblement des familles de l’écologie tel qu’opéré en 2009 constituait certes une urgence et une priorité, mais ce qui a été rendu possible dans le cadre de ces élections très particulières n’a pas été pérennisé par le bricolage statutaire qui a prévalu lors de la fusion officielle entre Europe Écologie et Les Verts.
46Les enjeux auxquels nous devons faire face dans les prochaines années sont sans précédent et appellent un élargissement de notre mouvement qui va bien au-delà du rassemblement des incarnations historiques de l’écologie dans notre pays. Ces enjeux déterminants sont à notre avis au nombre de trois.
47Le premier concerne la nécessité d’enclencher de manière urgente un changement de cap dans les politiques mises en œuvre au sein de nos sociétés en matière de lutte contre le changement climatique. La COP 21, qui se tiendra en fin d’année à Paris, ne peut s’offrir le luxe d’un nouvel échec comme cela fut malheureusement le cas à Copenhague en 2009. La conférence de Paris ne sera sans doute pas le plein succès que nous appelons de nos vœux, mais elle peut néanmoins être une première étape concrète de vers des engagements contraignants qui dépasseront enfin la simple prise de conscience ou les traditionnelles déclarations d’intentions.
48Le second défi concerne plus généralement notre capacité à nous projeter réellement dans un champ d’action et de travail politique qui dépasse le strict cadre national. L’Union européenne, qui devrait être le cadre naturel de ce dépassement du schème national est actuellement en crise, tout autant d’ailleurs que l’est EELV et la nébuleuse écologiste en France. Nous devons trouver une voie de dépassement qui n’est plus celle que nous espérions il y a quelques années à travers une dynamique supposée vertueuse de l’Union européenne et la création d’un embryon de parti vert européen.
49Enfin, le troisième obstacle majeur à surmonter est celui de l’implosion sociale et sociétale qui frappe différents pays en Europe et se traduit par une montée inquiétante du rejet de l’Autre, accompagnée d’une possible accession au pouvoir de partis extrémistes, régressifs et aux tonalités des plus autoritaires. En la matière, la France est sans doute la plus fragile des vieilles nations aujourd’hui confrontées à cette menace.
50Ces trois défis sont colossaux et tenter de les relever simultanément s’apparente à une tâche insurmontable. EELV n’est vraisemblablement pas en mesure de les affronter seul, mais rien ne sera possible non plus si, à notre échelle, nous ne prenons pas notre part des mutations à engager en tant que formation politique et en tant qu’expression reconnue de l’écologie politique en France.
51Pour engager un dépassement qui nous permettrait d’aborder plus opérationnellement ces enjeux majeurs, nous devons d’abord admettre que la pensée écologiste n’est pas moniste et qu’elle n’est non plus pas achevée. Elle a certes prétention à embrasser la globalité des choses mais, concrètement et dans bien des domaines, elle peine aujourd’hui à offrir une lecture des problèmes qui lui soit propre et plus encore à formuler des propositions véritablement singulières. Nous devons faire preuve de davantage d’inventivité pour répondre à des situations complexes et souvent inédites, autrement qu’à travers des grilles de lecture trop souvent empruntées à la gauche traditionnelle ou à la doxa libérale.
Vers une écologie inclusive
52Pour y parvenir, nous devons à nouveau élargir l’écosystème de l’écologie politique, en nous ouvrant à des types d’acteurs avec lesquels nous avons eu jusqu’à présent beaucoup de mal à interagir. L’écologie politique ne doit pas se construire systématiquement contre le reste de la société, mais plutôt s’épanouir avec l’ensemble de la société. Pour cela, il nous faut être à la fois être plus conquérants et plus modestes. Il sera temps, au passage, d’en finir avec ce slogan terriblement prétentieux nous présentant comme « L’écologie des solutions ». Car si, en général, nous posons des questions très pertinentes, il n’est en revanche pas avéré que nous ayons toujours des réponses si claires et si effectives à apporter…
53Au sein de la sphère écologiste, nous n’avons pas su en tant que formation partidaire établir des liens autres que sporadiques et assez informels avec les composantes associatives et mouvementistes de l’écologie. Nous n’avons jamais pris l’initiative de mettre en place une sorte de conseil permanent des différentes formes organisées de l’écologie en France.
54De même et à une échelle transnationale, nous restons dans une coopération minimale et très informelle avec les autres formations écologistes de l’Union européenne ou du reste du monde. Nous aurions pourtant beaucoup à apprendre en travaillant de manière systématique avec les Grünen allemands. L’idée d’établir dans un premier temps une structure confédérale entre nos deux partis, susceptible ensuite de s’ouvrir à d’autres formations écologistes de l’Union pour prendre à terme une forme fédérale, pourrait être un exemple fort pour une refondation de l’idée européenne.
55Notre écosystème politique actuel est trop réduit. Au sein même de notre organisation partidaire, nous ne faisons pas preuve d’assez d’écoute et de respect à l’endroit de celles et de ceux qui représentent la diversité à laquelle nous aspirons. Nous rêvons d’une écologie populaire, mais nous avons bien du mal à ne pas demeurer une formation composée de membres issus des classes moyennes à fort niveau d’instruction où la diversité ethnique et sociale reste très peu représentée. En même temps, notre méfiance perpétuelle à l’endroit du monde de l’entreprise et des représentants de la haute fonction publique nous prive souvent d’un niveau d’expertise dans des domaines où nous devons très concrètement mettre en œuvre des politiques écologiques à fort niveau d’ambition. Il est vrai que ces deux univers, qui concentrent une forte part du pouvoir d’intervention économique, social, administratif et normatif au sein de notre société, demeurent hantés par une culture fortement teintée de productivisme et de technicisme étatique, globalement réfractaire aux idées écologistes. Pour autant, ce serait faire preuve d’aveuglement que de ne pas voir que certaines lignes commencent à bouger et qu’il est plus important d’y chercher aujourd’hui de potentiels alliés pour demain que de se refermer sur des préjugés intangibles.
56Si notre monde et notre société sont à changer urgemment, il est alors plus que temps de prendre le risque d’expérimenter de nouvelles coopérations – plutôt que de nous replier sur notre petite maison verte, trop monocolore et déjà trop menacée par ses fissures – pour constituer ne serait-ce qu’un bastion crédible.
57L’écologie que nous devons reconstruire doit être inclusive dans toutes ses dimensions si elle veut espérer être à la hauteur des défis majeurs qu’elle entend relever.