Notes
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[*]
Banque de France et Paris School of Economics - CNRS.
E-mail : fanny.henriet@psemail.eu -
[**]
Banque de France.
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[***]
Banque de France, Paris School of Economics et Université Paris 1.
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[1]
Lorsqu’il est initialement introduit, le concept de “Facteur 4” fait référence au contenu du PIB en ressources naturelles et ne concerne pas directement la réduction des gaz à effet de serre. Il est cependant aujourd’hui principalement utilisé avec la définition que nous retenons ici.
-
[2]
En 2009, l’énergie fossile représente 67,5 % de la consommation totale d’énergie finale en France, voir le tableau 1.
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[3]
Une version de ce modèle dans laquelle la croissance est endogène est présentée dans Henriet et alii (2014).
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[4]
Le modèle est simulé à l’aide du logiciel Dynare (Adjemian et alii, 2011), dont la convention est, pour les variables de stock, d’utiliser un stock à la fin de la période. Notre définition de Dt en découle : Dt représente le stock de biens durables à la fin de la période t, c’est-à-dire le stock qui sera utilisé par les ménages à la période suivante t + 1. La convention est la même pour le capital productif et les autres variables de stock.
-
[5]
Nous n’imposons pas explicitement cette condition dans Dynare, mais nous vérifions qu’elle est bien satisfaite ex post dans les simulations.
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[6]
Cette hypothèse d’exogénéité de l’offre de travail, qui pourrait être levée facilement, nous interdit de réaliser des simulations du type “double dividende”, dans lesquelles on substitue la taxe carbone à la taxe sur le travail, à recettes fiscales inchangées. Ici, les recettes de la taxe carbone seront redistribuées de manière forfaitaire aux ménages.
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[7]
Cette condition est satisfaite à l’état stationnaire, voir plus loin.
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[8]
Il n’est possible de réaliser des simulations numériques du modèle que si à la fois l’état initial et l’état final sont des états stationnaires. Nous écrivons donc le modèle en variables stationnaires, i.e. en variables par unité de travail efficace
-
[9]
Rappelons que les taxes sur l’énergie sont des droits d’accise ; des taxes ad valorem devraient rester constantes.
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[10]
Notons qu’il est bien sûr possible d’augmenter le niveau initial de la taxe ou/et son taux de croissance pour atteindre effectivement le Facteur 4. Les augmentations nécessaires obtenues à l’aide de notre modèle sont cependant tout à fait irréalistes : le niveau initial de la taxe carbone doit atteindre 830 €t/CO2.
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[11]
Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.
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[12]
L’autre objet de la transition énergétique est, en Allemagne et en France au moins, la sortie du nucléaire, mais ceci est un autre débat que notre modèle ne permet pas d’aborder.
1 Nous construisons, calibrons, et simulons un modèle stylisé de l’économie française, conçu pour évaluer le niveau de la taxe carbone qui permettrait d’atteindre l’objectif du Facteur 4, c’est-à-dire de diviser par quatre les émissions de CO2 à un horizon de quarante ans.
2 Cette question a bien sûr déjà été posée. En France, une commission présidée par Alain Quinet a été mise en place en 2008 pour déterminer la valeur du carbone qu’il conviendrait d’utiliser dans l’évaluation des choix d’investissements publics (voir Quinet, 2009). Cette valeur est définie comme celle qui, si elle s’appliquait à l’ensemble de l’économie, permettrait d’atteindre le Facteur 4. Le niveau de désagrégation et de détail des trois modèles utilisés par la commission Quinet permet de décrire précisément un certain nombre d’effets sectoriels mais aussi parfois microéconomiques. La contrepartie de cette richesse est une grande complexité qui rend parfois difficile la compréhension de l’origine précise des résultats obtenus, ces derniers différant fortement entre les trois modèles.
3 Notre objectif est de revisiter cette question dans le cadre d’un modèle macroéconomique simple aux fondements théoriques solides, dans lequel l’ensemble des hypothèses sur les possibilités de substitution dans l’économie entre l’énergie fossile et les autres biens et facteurs et sur le progrès technique sont explicites. Nous construisons ici un modèle macroéconomique stylisé dans lequel l’influence des hypothèses sur le progrès technique peut être facilement analysée. Nous faisons l’hypothèse que le progrès technique est exogène. On considère donc que les politiques mises en place dans nos simulations - l’augmentation des prix des combustibles fossiles - n’ont pas d’effet sur le taux de progrès technique (il n’y a pas de progrès technique endogène), et qu’aucune politique spécifique visant à augmenter ce taux n’est mise en œuvre.
4 Les élasticités de substitution sont des paramètres fondamentaux dont dépendent largement les résultats des simulations. Nous faisons donc le choix d’estimer les différentes élasticités du modèle, sauf dans les cas où il existe des estimations satisfaisantes dans la littérature. Conjointement aux estimations des élasticités, nous estimons les taux de croissance des progrès techniques portant sur le travail et l’énergie. Les estimations sont faites sur données françaises.
5 Nous étudions cinq scénarios : la taxe carbone du Rapport Quinet, sans puis avec coûts d’ajustement, un choc pétrolier d’ampleur équivalente, une taxe carbone non plus uniforme mais différenciée, portant soit intégralement sur les ménages soit intégralement sur les entreprises, une combinaison de la taxe carbone Quinet uniforme et d’une accélération du progrès technique économisant l’énergie fossile et enfin un scénario dans lequel les recettes de la taxe carbone sont utilisées pour baisser les taxes sur les autres biens de consommation. Ces simulations sont complétées par une analyse de sensibilité des résultats des simulations à la valeur des élasticités de substitution, du côté des ménages et du côté des entreprises.
6 En l’absence de coûts d’ajustement, nous obtenons que la taxe recommandée par le rapport Quinet entraîne une réduction des émissions en 2050 de seulement 26 %. Ceci provient des faibles possibilités de substitution à la fois du côté des ménages et du côté des entreprises, et du taux de progrès technique sur l’énergie relativement faible. Il nous semble donc que les résultats du rapport Quinet reposent sur des hypothèses optimistes sur (1) les possibilités de substitution dans l’économie entre l’énergie fossile et les autres facteurs, et (2) le rythme du progrès technique permettant d’économiser l’énergie fossile. L’enseignement principal que l’on peut tirer des simulations de ce modèle est que l’objectif d’une division par 4 des émissions de CO2 à un horizon de 40 ans ne peut être atteint à l’aide d’une taxe carbone seule, si le taux de progrès technique sur l’énergie reste à sa valeur historique et si l’on veut que le niveau initial et le taux de croissance temporel de cette taxe demeurent raisonnables. Il faut jouer à la fois sur la taxe carbone et sur un supplément de progrès technique économisant l’énergie fossile.
7 La France s’est fixé l’objectif du Facteur 4, consistant à diviser par 4 ses émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2050, par rapport à leur niveau de 1990 [1]. Le Conseil européen et le Parlement européen ont affiché le même objectif à l’échelle de l’Union européenne. Il est clair qu’une telle réduction des émissions de GES, si elle est limitée à l’Union européenne, ne suffira pas à lutter efficacement contre le changement climatique car le poids de l’Europe dans les émissions mondiales de GES est trop faible. On peut cependant considérer qu’une telle démarche est utile, au moins sur deux plans : celui de l’effet d’entrainement sur d’autres pays pour l’instant réticents à s’engager dans une démarche similaire, et celui de l’atout économique que pourrait constituer un passage précoce à une économie décarbonée.
8 L’objectif apparait très ambitieux et l’atteindre ne peut s’envisager sans changements radicaux, notamment sur les technologies et les comportements. Pour qu’ils s’amorcent, le rôle des politiques publiques est déterminant. Les problématiques sont complexes et atteindre l’objectif à un coût raisonnable nécessite vraisemblablement d’agir dans plusieurs directions : mise en place d’outils incitatifs, de normes, investissements publics, aides à la R&D, ... Les choix sur la combinaison optimale peuvent être différents, mais l’introduction d’une fiscalité “carbone” entraînant l’augmentation des prix à la consommation des combustibles fossiles, à l’origine d’une part très importante des émissions de GES, est dans tous les cas indispensable. La question du niveau et du taux de variation au cours du temps de cette fiscalité carbone permettant de diviser par 4 à long terme la consommation de combustibles fossiles est plus épineuse.
9 Cette question a bien sûr déjà été posée. En France, une commission présidée par Alain Quinet a été mise en place en 2008 pour déterminer la valeur du carbone qu’il conviendrait d’utiliser dans l’évaluation des choix d’investissements publics (voir Quinet, 2009). Cette valeur est définie comme celle qui, si elle s’appliquait à l’ensemble de l’économie, permettrait d’atteindre le Facteur 4. La commission s’est appuyée sur les résultats de simulations réalisées à l’aide de trois modèles, GEMINI-E3 (Vielle et Bernard, 1998), POLES (Criqui et alii, 2006) et IMACLIM-R (Sassi et alii, 2010), qui déterminent la valeur initiale du carbone et son profil temporel permettant aux économies européennes de diviser leurs émissions de GES par 4 à un horizon de quarante ans. Elle a conclu en préconisant une taxe initiale de 32 euros par tonne de CO2, croissant approximativement au taux de 4 % par an. Dès lors, pourquoi revenir sur cette question ?
10 Notre objectif est de revisiter cette question dans le cadre d’un modèle macroéconomique simple aux fondements théoriques solides, dans lequel l’ensemble des hypothèses sur les possibilités de substitution dans l’économie entre l’énergie fossile et les autres biens et facteurs et sur le progrès technique sont explicites.
11 Les trois modèles utilisés à l’occasion de la commission Quinet sont des modèles de factures différentes. GEMINI-E3 est un modèle d’équilibre général calculable sectoriel, POLES un modèle “bottom-up” sectoriel extrêmement détaillé, et IMACLIM-R un modèle hybride, sectoriel et très détaillé lui aussi. Leur niveau de désagrégation et de détail leur permet de décrire précisément un certain nombre d’effets sectoriels mais aussi parfois microéconomiques. La contrepartie de cette richesse est une grande complexité qui rend parfois difficile la compréhension de l’origine précise des résultats obtenus, ces derniers différant fortement entre les trois modèles. Concernant la question qui nous intéresse ici, les trois modèles comportent des hypothèses sur les possibilités de substitution dans les différents secteurs de l’économie et sur l’ampleur des progrès techniques sectoriels économisant l’énergie fossile (gains d’efficacité énergétique et pénétration des énergies renouvelables). Ces progrès techniques sont soit exogènes, soit le résultat de mécanismes d’apprentissage par la pratique calibrés en se fondant sur des dires d’experts (IMACLIM-R). Ces hypothèses ont une influence majeure sur les résultats obtenus, mais la complexité des modèles, leur grande taille et surtout leur désagrégation sectorielle poussée sont telles qu’il n’est pas possible de déduire de ces multiples hypothèses une information claire sur les possibilités de substitution “moyennes” ou sur le taux moyen de progrès technique portant sur l’énergie. Or il est clair qu’à possibilités de substitution données, le progrès technique économisant l’énergie fossile allège l’ampleur de la valeur du carbone nécessaire pour atteindre l’objectif de réduction des émissions. Il est donc très important d’une part d’avoir une estimation précise des substitutions possibles, et d’autre part de distinguer clairement le rôle de l’instrument (taxe) et celui du progrès technique pour atteindre l’objectif.
12 Notons que le débat “petit modèle intégré fondé sur la théorie versus gros modèle sectoriel détaillé pragmatique” est très présent dans la littérature sur la modélisation qui conclut, sans surprise, à la complémentarité des deux approches.
13 Nous construisons ici un modèle macroéconomique stylisé dans lequel les hypothèses sur le progrès technique sont explicites et leur influence peut être facilement analysée. Nous modélisons une économie ouverte produisant un bien générique, qui peut être consommé ou investi, et qui importe de l’énergie fossile comme seule source d’énergie [2]. Alors qu’usuellement l’énergie est seulement prise en compte comme un intrant dans le processus de production, nous introduisons également ici la consommation d’énergie fossile des ménages, et le fait que les combustibles fossiles sont utilisés conjointement avec des biens durables (chauffage dans le résidentiel, carburant pour le transport). Les deux secteurs qui sont les plus grands émetteurs et qui ont été jusqu’à présent incapables de réduire leurs émissions de GES en France sont en effet le transport et le logement (voir tableau 2). Il semble donc important de les prendre correctement en compte. La consommation d’énergie fossile peut être réduite par des substitutions déclenchées par une augmentation du prix de l’énergie au moyen d’une taxe sur le CO2, ou par le progrès technique. Les possibilités de substitution sont limitées. L’autre option est donc de compter sur le progrès technique. Nous introduisons deux formes de progrès technique, permettant d’économiser respectivement le travail et l’énergie. Concernant ce dernier, nous avons à l’esprit à la fois l’amélioration de l’efficacité énergétique et le remplacement de combustibles fossiles par des énergies renouvelables. Nous n’introduisons donc pas explicitement les énergies renouvelables dans le modèle.
structure de la consommation d’énergie finale, par type, France, 2009 (données cvs, %)
Pétrole | 42,7 |
Gaz | 21,6 |
Charbon | 3,2 |
Électricité | 23,7 |
Énergies renouvelables | 8,8 |
100 |
structure de la consommation d’énergie finale, par type, France, 2009 (données cvs, %)
émissions de CO2 liées à la consommation d’énergie, France, 2009 (données cvs)
Mt CO2 | % | Évolution entre 1990 et 2009, % | |
Transport | 141 | 40,2 | 15,2 |
Logement-tertiaire | 92 | 26,2 | - 3,7 |
Industrie (hors énergie) | 61 | 17,4 | - 28,5 |
Agriculture | 10 | 2,8 | - 0,7 |
Énergie | 47 | 33,3 | - 22,1 |
351 | 100 | - 6,1 |
émissions de CO2 liées à la consommation d’énergie, France, 2009 (données cvs)
14 Nous faisons l’hypothèse que le progrès technique est exogène. Les taux de progrès technique économisant le travail et économisant l’énergie sont estimés en utilisant les données historiques annuelles françaises. La question à laquelle nous voulons répondre est la suivante : si les taux de progrès technique restent ceux observés dans le passé (récent), quelle est la trajectoire de prix du carbone permettant de diviser les émissions de CO2 par 4 en 40 ans ? L’hypothèse implicite est que les politiques mises en place dans nos simulations - l’augmentation des prix des combustibles fossiles - n’ont pas d’effet sur le taux de progrès technique, et qu’aucune politique spécifique visant à augmenter ce taux n’est mise en œuvre. Avec cet exercice, nous déterminons si la hausse des prix du carbone nécessaire pour atteindre l’objectif est raisonnable compte tenu de l’horizon considéré. Nous montrons que ce n’est pas le cas.
15 Plus précisément, les résultats sont les suivants. Avec les hypothèses mentionnées ci-dessus, la taxe sur le carbone du rapport Quinet est loin d’être suffisante pour diviser par 4 les émissions à un horizon de 40 années. On obtient une réduction des émissions de seulement 25 %. Nous en déduisons que dans les grands modèles appliqués, il y a plus de possibilités de substitution et/ou plus de progrès technique visant à économiser l’énergie. Il est nécessaire d’augmenter énormément ce taux de progrès technique pour atteindre le Facteur 4.
16 Nous présentons le modèle dans la partie 2. La partie 3 est consacrée à l’estimation et à l’étalonnage des différents paramètres. La dernière partie présente et analyse la simulation de référence, l’introduction de la taxe carbone du rapport Quinet, et plusieurs simulations autour de celle-ci, afin d’apprécier sa robustesse.
Le modèle
17 Nous construisons donc un modèle de croissance exogène [3], dans lequel nous intégrons deux types de progrès technique : le progrès technique permettant d’économiser le travail et le progrès technique permettant d’économiser l’énergie d’origine fossile consommée par les ménages et par les entreprises. Nous prenons en compte les rigidités dans l’ajustement du stock de logement des ménages et du stock de capital du secteur productif.
18 Nous décrivons successivement le comportement des ménages et des entreprises, le bouclage du modèle et la méthode de calibration.
Ménages
19 Afin de mettre en évidence de façon pertinente les possibilités de réaction des ménages aux changements de prix des énergies fossiles, il nous a semblé important de distinguer au sein de leur consommation biens durables et biens non durables. En effet, la plupart des biens durables nécessitent de l’énergie pour fonctionner, ce qui n’est pas le cas des biens non durables. Ces deux types de biens sont donc très différents à cet égard, la consommation des premiers étant clairement beaucoup plus dépendante de la consommation d’énergie que celle des seconds.
20 La nécessité de distinguer ces deux types de biens, afin d’obtenir une représentation précise de la consommation des ménages et de leurs décisions d’épargne le long de leur cycle de vie, a été maintes fois soulignée. Ogaki et Reinhart (1998) montrent par exemple qu’introduire séparément biens non durables et biens durables modifie très significativement l’estimation de l’élasticité de substitution intertemporelle de la consommation. Plus récemment, Fernandez-Villaverde et Krueger (2011), dans leur revue de la littérature empirique sur le sujet, concluent que la prise en compte des biens durables améliore considérablement l’explication des comportements des ménages. Nous ajoutons également l’énergie à ces deux biens comme le font Dhawan et Jeske (2008).
21 Nous considérons donc que les ménages ont accès à trois types de biens : les biens non durables N, l’énergie (combustibles fossiles) E et les biens durables D. Les biens non durables sont consommés au cours de la période, tandis que les biens durables peuvent être stockés ou ont une durée de vie longue. Contrairement aux biens non durables et à l’énergie, les biens durables suivent un processus d’accumulation standard [4] :
22 où Xt représente l’investissement dans les biens durables à la période t et δd est le taux de dépréciation.
23 L’utilité à la période t dépend de la consommation de biens non durables Nt , d’énergie Eh,t , ainsi que des services fournis par le stock de biens durables Dt−1 au début de la période, ces services étant supposés proportionnels au stock. Nous construisons un premier agrégat Zh,t , agrégat CES des services rendus par les biens durables Dt−1 et de la consommation d’énergie efficace :
⎛ε−1 ε−1⎞ε−1
(2) Z = ⎜vDε + (1− v) (Ae E )ε ⎟
h, t ⎝ t−1 t h, t ⎠
24 Ae étant le progrès technique économisant l’énergie. Cet agrégat est lui-même combiné à l’aide d’une fonction CES avec la consommation de biens non durables Nt , afin d’obtenir la consommation Ct :
⎛ω −1 ω −1 ⎞ω−1
(3) C = ⎜γNω + (1 − γ) Zω ⎟
t ⎝ t h, t⎠
25 Enfin, l’utilité retirée de la consommation est notée U(Ct ).
26 Modifier le stock de biens durables entraîne des coûts d’ajustement. On suppose que ces coûts sont nuls le long d’un sentier de croissance équilibré, de sorte que les ménages ne doivent payer ces coûts que lorsqu’ils dévient du sentier “normal” de consommation. Ces coûts sont spécifiés de la manière suivante :
κ⎛D ⎞
(4) ACh,t =d ⎜t −1⎟ (1+ gtal ) Dt−1
2 ⎝ (1+ gtal ) Dt−1 ⎠
27 où gal est le taux de croissance de la productivité du travail, qui va s’avérer être le taux de croissance de long terme de l’économie.
28 À chaque période, le ménage représentatif peut vendre ou acheter des titres au taux d’intérêt nominal rt. Nous notons At−1 la valeur nominale des titres détenus au début de la période t. Les revenus des ménages se composent des revenus du travail et de transferts forfaitaires de l’État Tt.
29 La contrainte budgétaire à la période t s’écrit, avec des notations évidentes pour les différents prix :
+Ptx ACh,t + At = Ptl Lt + Tt + (1+ rt ) At−1
30 où τcest le taux de taxe sur les biens de consommation et τh le droit d’accises sur la consommation d’énergie des ménages.
31 Le ménage représentatif cherche à maximiser la somme actualisée de ses utilités sous sa contrainte budgétaire intertemporelle :
t=1 (1+μ)
32 sous la contrainte
∑t=1 Πts =1 (1+ rs)
∞ Ptl Lt + Tt
= A0+∑
t=1 Πts=1 (1+ rs)
33 où μ > 0 est le taux d’escompte.
34 La condition de non-Ponzi [5] s’écrit :
t→ ∞ Πts =1 (1+ rs)
35 On choisit une fonction d’utilité logarithmique :
36 U(Ct ) = lnCt
37 Soitle coût d’usage du stock de biens durables :
(6) Ptd = Ptx ⎨ (1+ τc ) ⎢t − (1−δd ) ⎥
⎩ ⎣1+ πtx ⎦
+κd ⎡⎢⎣− 12̄ (1+ gtal ) ⎜⎝⎜⎛⎛⎜⎝ (1+ gtDalt)Dt−1 ⎞⎠⎟2 −1⎠⎟⎞⎟
1+ r ⎛ D ⎞ ⎤⎫
+ 1+ πttx ⎜⎝ (1+ gta−lt1−1)Dt− 2 −1⎠⎟ ⎥⎦⎭⎬
38 avec.
39 Les conditions du premier ordre permettent d’obtenir une équation d’arbitrage intertemporel ainsi que deux équations d’arbitrage statique entre les trois biens de consommation :
(7) 1+1μ ⎜⎛⎝ NNt+t1 ⎟⎠⎞ω̄ ⎜⎝⎛CCt+t1 ⎠⎟⎞ω = 1++ πrt+tn+11
ε−1
⎛Ae E ⎞ Pe +τ
⎜t+1 h,t+1⎟ε =t+1
(8) 1−ν Dt
h, t+1
ν Eh, t+1 ⎜⎝ Dt ⎟⎠ Ptd+1
ω−1 ε−1
⎛⎜ Ate Eh,t ⎞⎟
(9) (1− γ) (1− ν) Nt ⎛⎜ Zh,t ⎞⎟ω
ε
⎜⎟
γ Eh,t ⎝ Nt ⎠
⎝ Zh, t ⎠
Pte + τh,t
=
(1 + τtc ) Ptn
Entreprises
40 Les entreprises sont en concurrence parfaite. Elles produisent un bien générique à partir de capital, de travail et d’énergie fossile, selon la technologie de production suivante :
ρ−1
⎡ρ−1 ρ−1 ⎤
(10) Yt = ⎢α (Atl Lt )ρ + (1−α) Zf,ρt ⎥
⎢⎣ ⎥⎦
41 avec
σ−1
⎡σ−1 σ−1 ⎤
(11) Zf,t = ⎢β (Kt−1 )σ + (1−β) (Ate Ef,t )σ ⎥
⎣⎦
42 L’équation d’accumulation du capital s’écrit :
43 Comme pour le cas des biens durables, une modification du stock de capital entraîne des coûts d’ajustement, qu’on écrit :
κ⎛K ⎞
(13) ACf,t = 2k ⎜⎝⎜ (1+ gtal )t Kt−1 −1⎟⎟⎠ (1+ gtal ) Kt−1
44 Le problème de l’entreprise représentative est alors :
yli e
∞ Pt
Yt −Pt Lt −Pt (It + ACt ) − (Pt
+ τf,t ) Ef,t
t∑=1 Πts=1 (1 + rs)
45 sous contrainte (12), (13).
46 où τf est la taxe sur la consommation d’énergie des entreprises, qui peut être différente de la taxe τh payée par les ménages.
47 Soitle coût d’usage du capital. Comme pour le coût d’usage des biens durables, on obtient :
(14) Ptk =Pti ⎢ti − (1−δk)
⎣1+ πt
⎡1+r ⎛ K ⎞
+κk ⎢t ⎜t−1 −1⎟
⎣1+ πit⎝(1+ gta−l1)K t−2⎠
− 1 (1+ gal ) ⎛⎜⎜⎛ Kt ⎟⎞2 −1⎞⎟ ⎤⎥⎤⎥
2̄t ⎜⎝⎝ (1+ gtal)Kt−1 ⎠ ⎟⎠⎦⎥⎦⎥
48 Les conditions du premier ordre impliquent que la productivité marginale de chaque intrant doit être égale à son coût réel :
(15) α (Atl )ρρ−1 ⎜⎛ Yt ⎞⎟ρ̄ = Ptly
⎝ Lt ⎠ Pt
11
⎛ Y ⎞ρ̄ σ−1 ⎛ Z ⎞σ̄ Pe + τ
(1− α) ⎜t ⎟ (1− β) (Ate )σ ⎜f ,t ⎟ =t f ,t
⎝ Z f, t ⎠ ⎝ E f, t ⎠ Pty
11
⎛
Yρ σPk
⎞ ⎛Z⎞
(17) (1−α) ⎜t ⎟ β⎜f,t⎟ =t
⎝ Z f, t ⎠ ⎝ K t−1 ⎠ Pty
Gouvernement
49 Le gouvernement reçoit les recettes des taxes et les redistribue de manière forfaitaire aux ménages. On fait l’hypothèse que son budget est équilibré à chaque date. La contrainte budgétaire de l’État s’écrit en conséquence :
Commerce extérieur
50 Les équilibres sur les marchés des biens et du travail s’écrivent :
51 oùest l’offre de travail, supposée exogène [6] et constante.
52 Les coûts d’ajustement s’expriment en unités de bien générique. Les exportations de bien générique sont notées EX
53 étrangère exogène et répondent aux variations de prix relatif du bien générique :
⎛⎞
⎜ertPt ⎟
(21) EXt = Dt
⎝ Pty ⎠
54 où est le prix exogène du bien générique dans le reste du monde, er le taux de change et ξ l’élasticité prix des exports.
55 L’énergie fossile est intégralement importée. On ne représente pas le comportement d’extraction des producteurs de ressource fossile et on suppose que le prix des ressources fossiles, en devise étrangère est exogène et croît à taux constant, de manière à refléter la rareté croissante de ces ressources non renouvelables et de représenter une extraction de type Hotelling (voir Hotelling, 1931). Le prix des ressources fossiles en monnaie domestique s’écrit : . er s’ajuste à chaque instant pour assurer l’équilibre de la balance commerciale :
56 Revenons à la contrainte budgétaire des ménages (5). En utilisant successivement la contrainte budgétaire de l’État, la condition de profit nul des entreprises :
57 et l’équation d’équilibre sur le marché des biens (19), on obtient :
− Pte (Eh,t + Ef,t)
58 En remplaçant I et ACf par leurs expressions en termes de stock de capital K (équations (12) et (13)) et en utilisant la définition du coût d’usage du capital (14), on obtient finalement :
At − (1+ rt ) At−1 = Pti ⎜1+κk ⎜t −1⎟⎟ Kt
⎝ ⎝ (1+gtal)Kt−1 ⎠⎠
1+r ⎛ ⎛ K ⎞⎞
− Pti 1+ πtti ⎝⎜1+κk ⎜⎝ (1+ gta−l1t−)1Kt−2 −1⎠⎟⎠⎟ Kt−1
+Pty EXt ) −Pte (Eh,t + Ef,t)
59 On peut alors réécrire l’équation (23) sous la forme suivante :
At − (1+ rt ) At−1 =Pti ⎜1+κk ⎜t −1⎟⎟ Kt
⎝ ⎝ (1+gtal)Kt−1 ⎠⎠
1+r ⎛ ⎛ K ⎞⎞
− Pti 1+ πtti ⎝⎜1+κk ⎜⎝ (1+ gta−l1t−)1Kt−2 −1⎠⎟⎠⎟ Kt−1
+Pty EXt ) −Pte (Eh,t + Ef,t)
60 Cette équation, ainsi que la condition initiale [7] :
61 nous permettent d’obtenir une relation entre la richesse financière des ménages et le stock de capital à chaque instant t > 0 :
(24) At =Pti ⎜1+κk ⎜t −1⎟⎟ Kt
⎝ ⎝ (1+ gtal) Kt−1 ⎠⎠
62 Le modèle est constitué des équations (1) à (22). On prend le prix de production comme numéraire : . Donc .
Long terme et modèle en variables intensives
63 Le taux de croissance de la productivité du travail gal et celui de l’efficacité énergétique gae sont exogènes et constants. Le prix de l’énergie en devise étrangère, et donc son taux de croissance, sont exogènes.
64 On souhaite décrire une économie qui évolue à long terme le long d’un sentier de croissance équilibrée [8]. Le taux de croissance commun à (presque) toutes les variables économiques est nécessairement gal, le taux de croissance exogène du progrès technique économisant le travail. On voit qu’à long terme :
- C, N, Zh, D, X, Y, Zf , K, I, EX croissent au même taux gal , ce qui nous permet d’obtenir r = (1+ gal ) (1 + μ) −1 ;
- les demandes d’énergie croissent au taux ge = (1 + gal ) / (1+ gae ) −1 ;
- les prix (et le taux de change) sont stationnaires, sauf pour pl et pe , qui croissent respectivement aux taux gal et gae .
66 De plus, A et T doivent croître à long terme au taux gal , ainsi que τhEh et τf Ef . Donc τh et τf doivent croître au taux gae .
67 Enfin, la demande étrangère doit croître au taux gal .
68 Le fait que l’économie doive évoluer le long d’un sentier de croissance équilibrée impose donc d’importantes restrictions. Le prix de l’énergie, en devise étrangère et en monnaie domestique, doit croître au même taux que le progrès technique portant sur l’énergie. Il en est de même des taxes sur l’énergie [9]. Notons que la consommation d’énergie fossile peut croître ou diminuer, en fonction des valeurs respectives de gal et gae .
69 On note et . On normalise. On introduit de nouvelles variables, qui sont stationnaires à long terme :
= Pte / Ate , (τh / Ae )t =τh,t / Ate , (τf / Ae )t =τf,t / Ate
70 Les équations du modèle en variables intensives sont données en annexe A.
Estimation et étalonnage
71 Les élasticités de substitution sont des paramètres fondamentaux dont dépendent largement les résultats des simulations. Nous faisons donc le choix d’estimer les différentes élasticités du modèle, sauf dans les cas où il existe des estimations satisfaisantes dans la littérature. Conjointement aux estimations des élasticités, nous estimons les taux de croissance des progrès techniques portant sur le travail et l’énergie. Les estimations sont faites sur données françaises.
Élasticités de substitution de la fonction d’utilité des ménages
Méthode et résultats
72 Nous choisissons une élasticité de substitution unitaire (ω dans l’équation (3)) entre les biens non durables et l’agrégat biens durables - énergie, comme le font Dhawan et Jeske (2008). Leur choix s’appuie sur les résultats de Fernandez-Villaverde et Krueger (2011), qui agrègent les biens durables et non durables avec une fonction Cobb-Douglas dans la fonction d’utilité des ménages. Ils constatent en effet que dans la plupart des travaux empiriques existants, les élasticités estimées ne sont pas significativement différentes de 1. Par exemple, Ogaki et Reinhart (1998) trouvent une élasticité de 1,167, non significativement différente de 1 avec un intervalle de confiance de 5 %. Notre spécification n’est pas celle à deux biens - durables et non durables - de Fernandez-Villaverde et Krueger (2011), puisque nous incluons l’énergie. Toutefois, comme Dhawan et Jeske (2008), nous étendons le résultat de Fernandez-Villaverde et Krueger (2011), à une fonction d’utilité selon laquelle les biens non durables sont combinés à un agrégat biens durables - énergie, et nous retenons ω = 1.
73 Entre les biens durables et l’énergie, Dhawan et Jeske (2008), obtiennent une élasticité (ε) égale à 0,26 pour les États-Unis, en comparant la volatilité théorique de la consommation d’énergie des ménages à celle observée dans les données. Nous ne reprenons pas cette valeur, car contrairement à eux, nous incluons le logement dans les biens durables, ce qui modifie vraisemblablement la valeur de l’élasticité. Pour l’estimation, nous nous appuyons sur la méthode de Ogaki & Reinhart (1998), qui mettent en évidence une relation de cointégration entre l’investissement en biens durables et la consommation d’énergie. Comme ils le soulignent, il est pertinent de s’appuyer sur l’information de long terme contenue dans la relation de cointégration, car celle-ci n’est pas affectée par les coûts d’ajustement de court terme associés à l’investissement en biens durables. De plus, avec cette méthode, il n’est pas nécessaire de disposer d’une série de coût d’usage des biens durables Pd, dont la construction empirique fait intervenir un opérateur espérance obligeant à d’importantes approximations.
74 Pour cette estimation, nous montrons dans l’annexe B que et sont cointégrés avec un vecteur de cointégration .
75 Ainsi, l’estimation de la relation de cointégration donne l’élasticité de substitution ε entre le stock de biens durables et la consommation d’énergie fossile, ainsi que le taux de progrès technique sur la consommation d’énergie fossile des ménages. Nous obtenons ε = 0,5, ce qui indique une faible substituabilité, et gae = 1,6 % par an. La consommation d’énergie fossile peut être réduite sans dégrader le bien-être selon deux canaux. Soit en substituant des biens non durables à l’agrégat biens durables - énergie. Soit grâce à une meilleure efficacité énergétique qui permet de compenser une plus faible consommation d’énergie fossile.
76 Il est intéressant de noter qu’avec un taux de progrès technique sur l’énergie de 1,6 % par an et en l’absence de croissance économique la consommation d’énergie fossile serait divisée par 1,9 seulement en 40 ans, et 87 ans seraient nécessaires pour atteindre l’objectif du Facteur 4. Dans une économie en croissance, la baisse de consommation d’énergie fossile engendrée par le progrès technique serait encore plus éloignée de l’objectif d’une baisse de 75 % en 40 ans.
Données
77 Nous utilisons des données de l’Insee sur la période 1959-2010. Dans les comptes nationaux, les biens durables sont constitués des meubles et des équipements tels que les automobiles, les postes de télévision, les réfrigérateurs, etc. Afin de prendre en compte le logement, nous construisons Xt en ajoutant à la consommation de biens durables l’investissement des ménages, qui correspond presque exclusivement à de l’investissement immobilier. L’indice de prix est construit à partir des indices de prix de l’investissement des ménages et de la consommation de biens durables, en utilisant la méthode des prix chainés. Pour Eh,t , nous isolons la consommation d’énergie fossile à partir du détail de la consommation par produit fournie dans les comptes nationaux. Cela ne peut être fait précisément car l’électricité est considérée dans son ensemble, qu’elle soit ou non produite à partir d’énergie fossile. Cependant, étant donné que la part d’électricité d’origine fossile est très faible en France, nous excluons totalement la consommation d’électricité de Eh,t . Le prix de l’énergie est construit avec la méthode des prix chainés. Il convient de noter que les indices de prix incluent les taxes sur la consommation. En particulier, l’indice de prix des énergies fossiles tel que nous le construisons incorpore les taxes sur l’énergie. Un détail de la décomposition du prix entre prix hors taxe et taxes est fourni dans l’annexe D.
Élasticités de substitution dans la fonction de production
Méthode et résultats
78 Nous suivons la méthode utilisée par ven der Werf (2008) (voir l’annexe C). Nous obtenons un taux de progrès technique sur la consommation d’énergie des entreprises compris entre 2,4 % et en 2,7 % fonction des données utilisées. Nous estimons gal entre 1,5 % et 1,6 %. Comme nous faisons l’hypothèse dans le modèle que le taux de progrès technique sur l’énergie est identique pour les entreprises et les ménages, nous retiendrons pour les simulations une valeur intermédiaire gae = 2 %. Nous trouvons les élasticités de substitution suivantes : σ = 0,5 entre le capital et l’énergie fossile, ρ = 0,5 entre le travail et l’agrégat Zf .
79 Ainsi, l’énergie fossile, le capital et le travail sont plutôt compléments pour la production. La seule possibilité pour réduire la consommation d’énergie fossile sans peser sur le niveau de production est d’accroître l’efficacité énergétique. Il faut noter que nous obtenons un taux de progrès technique sur l’énergie supérieur à celui sur le travail, ce qui implique que sans intervention, la consommation d’énergie fossile des entreprises diminuerait, mais à un faible taux : 0,4 % par an. À ce rythme, une réduction de 75 % serait atteinte en 347 ans.
Données
80 Le travail, les salaires, la valeur ajoutée et le prix de la valeur ajoutée sont issues de l’Insee, le stock de capital de l’OCDE. Le coût d’usage du capital est approximé par le taux d’intérêt des bons du trésor (FMI) auquel on ajoute la dépréciation (3,5 % par an) et on retranche le gain en capital, calculé comme l’inflation du prix de l’investissement en capital (Insee). Les consommations d’énergie fossile sont issues du détail des consommations intermédiaires des entreprises fourni par l’Insee. De même que dans le cas des ménages, nous excluons l’électricité, dont la part d’origine fossile est très faible. Les estimations sont effectuées sur un échantillon démarrant en 1986, date à partir de laquelle les consommations de gaz sont disponibles, jusqu’en 2008.
Étalonnage des autres paramètres
81 Nous retenons un taux de préférence pour le présent, μ = 3 % ce qui, avec gal = 1,6 % implique un taux d’intérêt annuel de 4,6 % à l’état stationnaire. Nous choisissons un taux annuel de dépréciation des biens durables δd = 9 % (Fernandez-Villaverde et Krueger, 2011), et un taux de dépréciation du capital standard δk = 10 %. Nous retenons une élasticité-prix des exportations de 0,6 (Klein et Simon, 2010). Le taux de taxe moyen sur la consommation est τc = 0,12. Nous avons τh / Ae = 0,77 et τf / Ae = 0,26 (voir annexe D). Pour déterminer la valeur des autres paramètres, nous utilisons les ratios à l’état stationnaire, calculés à partir des données des comptes nationaux annuels entre 1986 et 2008.
82 Le tableau 3 récapitule la valeur des principaux paramètres et variables exogènes.
Estimés |
al g |
ae g | ε | σ | ρ | |||
0,016 | 0,02 | 0,5 | 0,5 | 0,5 | ||||
Choisis dans la littérature | μ | δd | δd | ω | ξ | κd | κk |
c τ |
0,03 | 0,09 | 0,1 | 1 | 0,6 | 0 | 0 | 0,12 | |
Étalonné | ν | γ | α | β |
e τh /A |
e τf /A | ||
0,9913 | 0,778 | 0,0012 | 0,6876 | 0,77 | 0,26 |
Simulations : taxe carbone et Facteur 4
83 L’objectif de long terme affiché par la communauté internationale en matière de changement climatique est de limiter l’augmentation moyenne de la température à +2°C, ce qui implique des réductions massives d’émissions de GES. Cela s’est traduit en France par l’engagement d’une division par quatre des émissions de GES à l’horizon de 2050 par rapport à leur niveau de 1990. Cet engagement, plus simplement appelé le Facteur 4 a été pris en 2003 par le Président Chirac et son Premier ministre Raffarin. Depuis, il a été réaffirmé à plusieurs reprises (“Stratégie nationale de développement durable” en juin 2003, “Plan climat” en juillet 2004, “Loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique” en juillet 2005, “Grenelle de l’environnement” en 2007). Depuis 2003, plusieurs exercices de modélisation ont été entrepris pour évaluer la faisabilité du Facteur 4, et déterminer le niveau initial et la trajectoire d’une taxe carbone qui permettrait d’atteindre l’objectif. Le premier est le Rapport De Boissieu (2006) “Division par quatre des émissions de gaz à effet de serre de la France à l’horizon 2050” en 2005. Le dernier est le Rapport De Perthuis (2012), “Trajectoires 2020-2050 – Vers une économie décarbonée”, récemment publié. Le tableau 4 donne les valeurs de taxe carbone proposées dans le Rapport Quinet (2009).
scénario de taxe, en €/tCO2 proposé dans le Rapport Quinet
2010 | 2020 | 2030 | 2050 | |
Valeur recommandée | 32 | 56 | 100 | 200 (150-350) |
scénario de taxe, en €/tCO2 proposé dans le Rapport Quinet
84 Cette trajectoire correspond à une augmentation annuelle moyenne de la taxe de 3,9 % et 6,2 % pour atteindre respectivement 150 € et 350 € en 40 ans, en démarrant à 32 €. Pour les simulations, il est nécessaire de convertir cette taxe en euro par tonne de CO2 en une taxe en pourcentage du prix de l’énergie hors taxe. Cette conversion est faite à partir des facteurs d’émission, exprimés en kg de CO2 par hectolitre, fournis par l’Ademe. Le tableau 9 en annexe D détaille pour chaque carburant fossile le renchérissement que provoquerait une taxe de 32 € par tonne de CO2 différent pour chaque carburant. En pondérant en fonction de la consommation des carburants, nous obtenons qu’une taxe de 32 € correspond à un renchérissement de 15 % du prix hors taxe.
85 Les résultats sont proportionnels pour tout niveau de la taxe. Par conséquent, une taxe de 100 € entraîne une augmentation d’environ 50 % et une taxe de 200€ une augmentation de 100 %. On remarque que ces chiffres sont les mêmes, suivant que l’on considère les entreprises et les ménages, car les prix hors taxe sont assez similaires.
86 Nous étudions quatre scénarios : la taxe carbone du Rapport Quinet, sans puis avec coûts d’ajustement, un choc pétrolier d’ampleur équivalente, une taxe carbone non plus uniforme mais différenciée, portant soit intégralement sur les ménages, soit intégralement sur les entreprises, et enfin une combinaison de la taxe carbone Quinet uniforme et d’une accélération du progrès technique économisant l’énergie fossile. Ces simulations sont complétées par une analyse de sensibilité des résultats des simulations à la valeur des élasticités de substitution, du côté des ménages et du côté des entreprises.
Méthode
87 En t = 0, l’économie se situe sur un sentier de croissance équilibré. On note (Ae eh )0 et (Aeef )0 les variables correspondant aux consommations initiales d’énergie des ménages et des firmes. Du côté des ménages, rappelons que :
(Aeeh )t =l
At
88 Il est important de noter que les limitations sur l’allure du long terme inhérentes à ce type de modèles ont des conséquences importantes sur les simulations. Plus précisément, le long terme est un sentier de croissance équilibrée le long duquel toutes les variables réelles croissent nécessairement au même taux, le taux du progrès technique économisant le travail. Ceci signifie en particulier que Ae Eh et Ae Ef doivent croître au taux gal . Le signe de la différence entre gal et gae est donc déterminant vis-à-vis de l’évolution de la consommation d’énergie à long terme. Si l’efficacité énergétique croît plus vite que l’économie, l’utilisation d’énergie tendra asymptotiquement vers zéro. Si c’est l’inverse, elle tendra vers l’infini. Si on se réfère à nos estimations, l’état stationnaire initial se situe dans le premier cas (gae > gal ). Ceci signifie qu’en l’absence de toute intervention, l’utilisation d’énergie est régulièrement réduite au taux. En conséquence, nous n’analysons pas la transition entre un état stationnaire initial et un état stationnaire final de peu d’intérêt car caractérisé par la disparition de l’utilisation de l’énergie fossile, mais plutôt la transition entre l’état stationnaire initial et l’économie après 40 ans, qui est l’horizon auquel nous voulons réduire les émissions de 75 %.
89 Dans la simulation sur la taxe carbone Quinet par exemple, on introduit à partir de t = 1 une nouvelle taxe sur la consommation d’énergie, pour les entreprises et les ménages, et l’économie s’écarte de son état stationnaire initial. On veut avoir Eh,40 = Eh,0 / 4, sachant que Al et Ae sont exogènes et croissent respectivement aux taux gal et gae Alors, une réduction de 75 % de Eh implique que :
⎛1+ gae ⎞
A0e Eh,0 / 4
(Aeeh )40 = ⎜⎝1+ gal ⎟⎠ A0l
40
= 14 ⎝⎛⎜11++ ggaael ⎟⎠⎞
(Aeeh )0
90 Nous avons la même expression concernant (Ae ef )40 et (Ae ef )0 . Pour atteindre ces réductions, nous simulons les effets d’une taxe permanente proportionnelle au prix de l’énergie fossile, c’est-à-dire croissant au cours du temps au même taux. La méthode employée dans les autres simulations est similaire.
Simulation 1 : taxe carbone Quinet avec redistribution forfaitaire des recettes
91 Nous simulons tout d’abord les effets de la taxe carbone proposée dans le rapport Quinet. Son niveau initial est de 32 €/tCO2 en 2010, croissant à 4 % par an. Cette surtaxe de 32 €/tCO2 représente 15 % du prix hors taxe ; elle s’ajoute aux taxes déjà existantes qui représentent 77 % et 26 % du prix hors taxe respectivement pour les ménages et les firmes (voir annexe D). Cette première simulation est d’abord effectuée sans introduire de coûts d’ajustement, ni sur les biens durables, ni sur le capital. Ce choix rend vraisemblablement l’atteinte de l’objectif de réduction des émissions plus facile, puisque l’économie est plus flexible et que les stocks de biens durables et de capital peuvent s’adapter rapidement au nouveau prix de l’énergie. Nous introduisons ensuite les coûts d’ajustement, en les augmentant progressivement, jusqu’à atteindre une vitesse de convergence du stock de capital de 2 % par an (voir Fève et alii, 2010), afin d’évaluer leur impact.
92 En l’absence de coûts d’ajustement, nous obtenons qu’une telle taxe entraîne une réduction des émissions en 2050 de seulement 26 %. Ceci provient des faibles possibilités de substitution à la fois du côté des ménages et du côté des entreprises, et du taux de progrès technique sur l’énergie relativement faible.
93 Les résultats sont présentés dans les tableaux 5 et 6. Dans le tableau 5, φ est une mesure des gains/pertes de bien-être associés à la politique économique. La perte de bien-être est calculée comme la consommation qui devrait être enlevée aux ménages pendant 40 ans sur le sentier initial pour que le bien-être sur ce sentier soit équivalent, pendant 40 ans, à la situation de la simulation. L’annexe E indique le mode de calcul de φ. La taxe carbone Quinet en l’absence de coûts d’ajustement entraîne une perte de bien-être équivalente à une perte de consommation de 0,73 % pendant 40 ans (voir la première colonne du tableau 5). La perte de bien-être est donc relativement faible, comme l’est la baisse de la consommation d’énergie fossile. La taxe carbone Quinet est loin de suffire à entrainer une baisse de 75 % de la consommation d’énergie fossile à l’horizon considéré [10].
94 Les effets de la taxe Quinet sont présentés de manière plus détaillée dans les deux premières colonnes du tableau 6. Initialement, l’accroissement du prix à la consommation de l’énergie entraîne une baisse de celle-ci, de la part des ménages (Eh ) et de la part des entreprises (Ef ). La consommation de biens durables des ménages (D) diminue également, D et Eh étant complémentaires. D’autre part, comme les biens non durables et l’agrégat biens durables - énergie sont davantage substituables (l’élasticité de substitution est unitaire), l’augmentation du prix de l’énergie entraîne une augmentation de la consommation de biens non durables par effet de substitution. Du côté des entreprises, les trois facteurs de production sont peu substituables, aussi la production diminue-t-elle rapidement. En fin de période, à l’horizon de 40 années retenu, toutes les variables ont un niveau plus faible que celui de la simulation de référence, sauf le taux de change. La baisse de la consommation d’énergie entraîne une baisse de la valeur des importations. L’équilibre de la balance commerciale est alors restauré par une baisse équivalente de la valeur des exportations permise par l’augmentation du prix relatif du bien domestique.
Simulation 1 | Simulation 1 avec CA* | Simulation 2 | Simulation 3 | |
E2050/E2010 | 0,74 | 0,75 | 0,74 | 0,25 |
φ( %) | - 0,73 | - 0,73 | - 2,03 | 9,88 |
E2050/ E2010 | Simulation 4 | Simulation 5 | Simulation 6 | |
0,74 | 0,74 | 0,74 | ||
φ( %) | - 0,94 | - 0,69 | - 0,76 |
résultats des simulations (2)
Différence, en %, par rapport à la référence | Simulation 1 | Simulation 1 avec CA* | Simulation 2 | Simulation 3 | ||||
1 an | 40 ans | 1 an | 40 ans | 1 an | 40 ans | 1 an | 40 ans | |
C | 0,04 | - 1,28 | - 0,45 | - 1,17 | - 0,70 | - 3,05 | 1,80 | 9,93 |
N | 0,46 | - 0,13 | - 0,16 | - 0,30 | - 0,49 | - 2,04 | 1,40 | 3,84 |
D | - 0,39 | - 2,66 | - 0,04 | - 1,39 | - 1,06 | - 4,23 | 3,00 | 17,86 |
Eh | - 5,55 | - 12,52 | - 5,92 | - 12,07 | - 5,76 | - 13,16 | 14,84 | - 67,86 |
Y | - 0,30 | - 0,90 | - 0,30 | - 0,76 | - 0,28 | - 0,79 | 0,58 | 2,68 |
Ef | - 7,24 | - 14,18 | - 7,28 | - 14,00 | - 6,87 | - 13,05 | 17,70 | - 74,36 |
er | 4,26 | 9,42 | 4,40 | 9,18 | - 15,86 | - 26,17 | - 44,42 | 125,96 |
Différence, en %, par rapport à la référence | Simulation 4 | Simulation 5 | Simulation 6 | |||
1 an | 40 ans | 1 an | 40 ans | 1 an | 40 ans | |
C | 0,18 | - 1,62 | - 0,06 | - 1,19 | 0,05 | - 1,34 |
N | 1,20 | 1,06 | 0,02 | - 0,95 | 0,50 | - 0,09 |
D | - 1,44 | - 4,82 | 0,23 | - 1,45 | - 0,44 | - 2,83 |
Eh | - 12,51 | - 24,60 | - 1,36 | - 3,88 | - 5,99 | - 13,40 |
Y | - 0,07 | - 0,21 | - 0,47 | - 1,39 | - 0,30 | - 0,90 |
Ef | - 1,79 | - 3,72 | - 11,10 | - 20,46 | - 7,29 | - 14,28 |
er | 4,44 | 9,35 | 4,37 | 8,97 | 4,42 | 9,79 |
résultats des simulations (2)
(*) CA : coût d’ajustement.95 Avec coûts d’ajustement, la taxe carbone Quinet entraîne une perte de bien-être du même ordre qu’en absence de coûts d’ajustement (équivalente à une baisse de consommation de 0,73 % pendant 40 ans). Cela s’explique par le fait qu’en présence de coûts d’ajustement, la réduction de la consommation d’énergie est moindre au bout de 40 ans. Si on augmente la taxe de manière à ce que la baisse de consommation d’énergie soit égale à celle de la simulation sans coûts d’ajustement, alors la perte de bien-être est légèrement plus importante : elle est équivalente à une baisse de consommation de 0,75 % pendant 40 ans.
96 Les effets de la taxe Quinet sont présentés de manière plus détaillée dans les colonnes 3 et 4 du tableau 6. Comme dans la simulation précédente, l’accroissement du prix à la consommation de l’énergie entraîne une baisse de celle-ci, de la part des ménages (Eh ) et de la part des entreprises (Ef ). La consommation de biens durables des ménages (D) diminue également, D et Eh étant complémentaires. Cependant, à cause des coûts d’ajustement, la consommation de biens durables diminue moins vite que dans la simulation précédente. En outre, contrairement à la simulation précédente, l’augmentation du prix de l’énergie entraîne une diminution de la consommation de biens non durables dès la première période : l’effet revenu est plus important que l’effet substitution. Du côté des entreprises, le capital et la production diminuent plus lentement que lorsqu’il n’y a pas de coûts d’ajustement.
Simulation 2 : choc pétrolier
97 Cette simulation est destinée à comparer les effets d’un choc sur le prix à la consommation de l’énergie fossile induit par une augmentation de taxes et par une augmentation du prix à la production, c’est-à-dire les effets d’une taxe carbone et d’un choc pétrolier. Pour pouvoir comparer les deux types de chocs, l’augmentation du prix à la production est calibrée de sorte que les émissions soient réduites de 26 % en 2050, comme c’est le cas dans la simulation 1. Dans la simulation de référence, le prix à la production de l’énergie fossile, exogène, croît au taux de 2 % par an. Nous faisons l’hypothèse que le choc pétrolier a les caractéristiques suivantes : de la date 1 à la date 40, le prix de l’énergie fossile est égal à la somme du prix de la simulation de référence (croissant à 2 % par an) et d’une composante additionnelle croissant à 4 % par an, comme c’est le cas de la taxe Quinet dans la simulation 1. La valeur initiale de cette composante additionnelle doit être égale à 40 % du prix de référence pour assurer une réduction de 26 % des émissions en 2050. La simulation est effectuée sans coûts d’ajustement.
98 Les résultats principaux de la simulation 2 sont présentés dans la troisième colonne du tableau 5. Les différences avec la simulation 1 ont deux origines principales : (1) la taxe carbone de la simulation 1 fournit des recettes fiscales à l’État, qui seront redistribuées à l’économie, tandis que le choc pétrolier bénéficie à l’économie étrangère ; (2) le taux de change augmente dans le cas de la taxe carbone, alors qu’il diminue dans le cas du choc pétrolier. En raison de l’ajustement du taux de change, la composante de prix additionnelle nécessaire pour obtenir une réduction des émissions de 26 % est plus élevée que la taxe carbone Quinet (40 % contre 15 % du prix de référence). En outre, le recyclage des recettes fiscales dans la simulation 1 atténue l’effet négatif sur le bien-être de la hausse de prix, ce qui n’est pas le cas dans la simulation 2. Dans celle-ci, la perte de consommation équivalente, pendant 40 ans, est de 2,03 %.
99 Les colonnes 5 et 6 du tableau 6 présentent des effets plus détaillés. Comme dans la simulation précédente, l’augmentation du prix de l’énergie entraîne une diminution de la consommation d’énergie par les ménages (Eh) et les entreprises (Ef ). Le choc entraîne également une baisse de la consommation de biens durables (D) en raison de leur complémentarité avec l’énergie. Contrairement à la simulation 1, la consommation de biens non durables (N) diminue également. L’effet de revenu domine ici l’effet de substitution. Du côté des entreprises, la production diminue moins que dans la simulation 1. Ceci est dû à l’augmentation des exportations permise par la baisse du taux de change, alors que l’effet est exactement inverse dans la simulation 1.
100 Les variations, par rapport à l’état stationnaire initial, des principales variables du modèle, dans les simulations 1 et 2, sont représentées sur la figure1.
Simulation 3 : Facteur 4
101 Les modèles appliqués utilisés pour évaluer les effets d’une politique climatique incorporent tous des hypothèses sur le progrès technique économisant l’énergie, et plus précisément sur les gains d’efficacité énergétique et sur la pénétration des énergies renouvelables. Ces hypothèses sont rarement explicites. Elles sont différentes dans les différents secteurs de l’économie et à différents horizons, et la complexité des modèles rend très difficile l’obtention du taux “moyen” de progrès technique sur l’énergie à l’œuvre dans les simulations. Il est clair cependant que ce taux joue un rôle central.
taxe carbone Quinet (ligne pleine) et choc pétrolier (tirets)
C x 10
0,00 0,00
0
- 0,01
- 0,02
- 10
- 0,02
- 0,03 -20 -0,04
- 10 0 10 20 30 40 -10 0 10 20 30 40 -10 0 10 20 30 40
var var var
Em -3Y Ef
x 10
0,00 0 0,00
- 2
- 0,05 -0,05
- 4
- 6 -0,10
- 0,10
- 8
- 10 0 10 20 30 40 -10 0 10 20 30 40 -10 0 10 20 30 40
var var er
- 3
K Ex
x 10
0 0,15
1,0
- 2 0,10
0,9
- 4
0,05
- 6
0,00
0,8
- 8
- 0,05
- 10 0 10 20 30 40 -10 0 10 20 30 40 -10 0 10 20 30 40
taxe carbone Quinet (ligne pleine) et choc pétrolier (tirets)
102 Nous simulons ici les effets de la taxe carbone Quinet de la simulation 1 associée à une augmentation du taux du progrès technique portant sur l’énergie fossile, gae . Cette augmentation est calibrée de façon à assurer le respect de l’objectif du Facteur 4, c’est-à-dire la division par 4 des émissions en 2050. Nous obtenons un gae égal à 7,4 % par an, au lieu de 2 % dans la simulation de référence. L’augmentation est donc considérable.
103 Les résultats de cette simulation (simulation 3) sont présentés dans la quatrième colonne du tableau 5 et dans les colonnes 7 et 8 du tableau 6. Il est intéressant de noter que l’augmentation de gae entraîne initialement une augmentation de Ef et Eh , par un effet de rebond.
104 Le gain en bien-être est équivalent à un gain de consommation de 9,88 % pendant 40 ans. Cela vient du fait que, dans cette simulation, augmenter le progrès technique sur l’énergie n’entraîne aucun coût. Cette hypothèse est évidemment peu réaliste, il serait plus pertinent d’introduire des mécanismes de progrès technique endogène.
Simulation 4 : taxe carbone sur les ménages uniquement
105 Nous simulons ensuite les effets d’une taxe carbone portant uniquement sur les ménages, et qui permet d’obtenir la même réduction des émissions que la taxe Quinet à l’horizon 2050 (soit une baisse de 25 % des émissions en 2050). Cette nouvelle taxe carbone croît à 4 % par an, comme la taxe Quinet. Nous trouvons que la taxe initiale est alors égale à 94 €/tCO2.
106 Les résultats sont présentés dans les tableaux 5 (colonne 5) et 6 (colonnes 9 et 10). La perte de bien-être associée à cette nouvelle simulation est équivalente à une perte de consommation de 0,94 % pendant 40 ans. Les pertes associées à cette simulation sont donc plus importantes que celles associées à la simulation Quinet. Cela se comprend aisément : la fiscalité énergétique pesant sur les ménages est déjà, dans l’état initial, bien plus importante que celle pesant sur les firmes. En faisant porter l’intégralité de l’effort supplémentaire de réduction des émissions sur les ménages, on augmente encore les distorsions puisqu’on s’éloigne d’un prix unique de l’énergie fossile. En revanche, la production baisse moins que dans la simulation Quinet, car les entreprises sont soumises à un coût moindre de l’énergie.
Simulation 5 : taxe carbone sur les entreprises uniquement
107 Nous simulons ensuite les effets d’une taxe carbone portant uniquement sur les entreprises, et qui permet d’obtenir la même réduction des émissions que la taxe Quinet à l’horizon 2050 (soit une baisse de 25 % des émissions en 2050). Cette nouvelle taxe carbone croît à 4 % par an, comme la taxe Quinet. Nous trouvons que la taxe initiale est alors égale à 58 €/tCO2 en 2010.
108 Les résultats sont présentés dans les tableaux 5 (colonne 6) et 6 (colonnes 11 et 12). La perte de bien-être associée à cette nouvelle simulation est équivalente à une perte de consommation de 0,69 % pendant 40 ans. Les pertes associées à cette simulation sont donc moins importantes que celles associées à la simulation Quinet. En faisant porter l’intégralité de l’effort supplémentaire de réduction des émissions sur les entreprises, on se rapproche d’un prix unique de l’énergie fossile. En 2050, la taxe sur les entreprises n’est que légèrement plus importante que celle sur les ménages : elle est égale à 1,1 fois celle qui pèse sur les ménages. Dans la simulation 4, dans laquelle la taxe carbone porte uniquement sur les ménages, la taxe acquittée par les ménages est, en 2050, 7 fois plus grande que celle dont doivent s’acquitter les entreprises.
109 Dans cette simulation, la production baisse plus que dans la simulation Quinet, car les entreprises sont soumises à un coût plus important de l’énergie.
Simulation 6 : redistribution non forfaitaire des recettes de la taxe carbone
110 Nous simulons ensuite les effets de la taxe carbone Quinet lorsque la recette de cette taxe carbone est redistribuée aux ménages sous la forme d’une baisse de la taxe sur les biens de consommation τc. On considère que τc s’ajuste à chaque période pour compenser les recettes supplémentaires de la taxe carbone, on trouve alors que τc décroît au cours du temps et passe de 12 % à environ 10 % en 2050.
111 Les résultats sont présentés dans les tableaux 5 (colonne 7) et 6 (colonnes 13 et 14). La perte de bien-être associée à cette nouvelle simulation est équivalente à une perte de consommation de 0,76 % pendant 40 ans. Les pertes associées à cette simulation sont donc légèrement plus importantes que celles associées à la simulation 1. Cela s’explique notamment par la baisse de consommation d’énergie fossile (réduction de 26,4 %), qui est légèrement plus importante que dans la simulation 1 (réduction de 26,0 %). En effet, en utilisant les recettes de la taxe carbone pour baisser la taxe sur les biens de consommation, on augmente le prix relatif de l’énergie. Par ailleurs, en diminuant la taxe sur les biens de consommation, on modifie l’arbitrage entre consommation et épargne. La consommation C augmente à court terme (de 0,05 % au bout d’un an), plus que dans la simulation 1, mais elle diminue à long terme (de -1,34 % par rapport à la référence en 2050), davantage que dans la simulation 1. La consommation de biens non durables augmente à court terme (de 0,50 % en un an) plus que dans la simulation 1 car le prix relatif des biens non durables diminue à court terme. En revanche, la consommation de biens durables diminue à court terme (de -0,44 % en un an) davantage que dans la simulation 1 (-0,39 %) car les biens durables et l’énergie sont des biens complémentaires.
Sensibilité des résultats à la valeur des élasticités de substitution
112 Les élasticités de substitution ont été estimées, à l’exception de celle entre les biens non durables et l’agrégat biens durables - énergie. Toutefois, étant donnée l’importance de ces paramètres, nous évaluons la sensibilité des résultats à d’autres valeurs en effectuant une simulation complémentaire. Plus précisément, nous considérons l’hypothèse où les élasticités de substitution relatives aux consommations énergétiques sont plus importantes : nous retenons une valeur unitaire pour ε, σ et ρ au lieu de 0,5. Avec ces nouvelles valeurs des élasticités, nous effectuons à nouveau la première simulation, qui consiste à imposer les taxes recommandées dans le rapport Quinet. Nous obtenons que la consommation d’énergie fossile est réduite de 39 % en 40 ans, à comparer à une réduction de 26 % obtenue avec des valeurs d’élasticités conformes aux estimations. Les réductions sont donc plus importantes mais demeurent très inférieures à l’objectif de 75 %. Pourtant, nous pouvons noter que les valeurs d’élasticités retenues correspondent à des possibilités de substitution importantes. En effet, une élasticité supérieure à 1 impliquerait qu’il est possible d’atteindre tout niveau d’utilité ou de production avec un seul bien ou facteur. Or il n’apparait pas vraisemblable de considérer dans notre modèle que l’on peut se passer totalement d’énergie.
Conclusion
113 Le travail présenté dans cet article participe au débat sur la politique fiscale à mettre en œuvre en France afin d’atteindre l’objectif du Facteur 4 qui, rappelons-le, est inscrit dans la loi [11]. Nous montrons à l’aide d’un modèle d’équilibre général calculable stylisé de l’économie française que les résultats du rapport Quinet reposent sur des hypothèses optimistes sur (1) les possibilités de substitution dans l’économie entre l’énergie fossile et les autres facteurs, et (2) le rythme du progrès technique permettant d’économiser l’énergie fossile. L’enseignement principal que l’on peut tirer des simulations de ce modèle est que l’objectif d’une division par 4 des émissions de CO2 à un horizon de 40 ans ne peut être atteint à l’aide d’une taxe carbone seule, si le taux de progrès technique sur l’énergie reste à sa valeur historique et si l’on veut que le niveau initial et le taux de croissance temporel de cette taxe demeurent raisonnables. Il faut jouer à la fois sur la taxe carbone et sur un supplément de progrès technique économisant l’énergie fossile.
114 Ceci est facile dans notre modèle, puisque le progrès technique y est exogène et que son augmentation est sans coût d’aucune sorte. Compter sur un tel progrès technique paraît un peu trop optimiste, voire trompeur. En revanche, il est probable que l’augmentation des prix de l’énergie déclenchera un supplément de recherche visant à économiser l’énergie (ou une adoption accélérée de technologies existantes), potentiellement au détriment du progrès technique portant sur le travail, qui est le moteur de la croissance économique. L’accélération du progrès technique économisant l’énergie fossile est l’un des objets des transformations actuellement en cours en Europe, englobées dans le discours commun sous le vocable vague de “transition énergétique”, visant à placer les économies sur une trajectoire de croissance économe en carbone [12].
115 Outre l’hypothèse d’exogénéité des taux de progrès technique, le modèle comporte au moins deux autres limites. La première concerne l’absence de technologies de dépollution, qui permettraient, à consommation d’énergies fossiles inchangée, de limiter les émissions de CO2. On peut penser par exemple aux dispositifs de dépollution en bout de chaîne (filtres industriels), ou encore à la capture et séquestration du carbone. La seconde limite est que dans le modèle le changement climatique n’a aucun impact sur le bien-être des ménages : il n’y a pas de fonction de dommages. Il n’est alors bien sûr pas possible d’évaluer les bénéfices de la politique environnementale. La forte incertitude pesant sur l’évaluation des fonctions de dommages justifie cette hypothèse. On se contente d’admettre ici que l’objectif du Facteur 4 est un objectif souhaitable, et de quantifier son coût économique.
116 Malgré ces limites, le modèle permet d’identifier clairement les mécanismes économiques en jeu dans la politique fiscale de lutte contre le réchauffement climatique, de se faire une idée des ordres de grandeur, et de mettre en évidence le rôle majeur du progrès technique dans l’atteinte du Facteur 4.
Bibliographie
Annexe A
Le modèle en variables intensives
⎛ω−1 ω−1⎞ω−1
(E1) c = ⎜γnω + (1− γ) Zω ⎟
t ⎝ t h, t⎠
⎛ε−1 ⎞ε−1
⎛⎜ dt−1 ⎟⎞
(E2) zh,t = ⎜⎜v
ε + (1− ν) (Aeeh)tε−ε1⎟⎟
⎝1+ gal ⎠
⎝t ⎠
(E3) ⎝⎜⎛ nnt+t1 ⎟⎞⎠ω̄ ⎜⎝⎛ cct+t1 ⎠⎞⎟ω = (1+ g1ta++l1r)t+(11+μ)
+κd ⎢⎣⎢⎡ (1+ rt) ⎝⎜⎛ ddtt−−21 −1⎠⎟⎞ − 12̄ (1+ gtal) ⎝⎜⎛⎜⎝⎛⎜ ddt−t1 ⎟⎞⎠2 −1⎟⎞⎟⎠⎦⎥⎤⎥
⎛⎞
(E5)al dte =
⎜ ν (Pe / Ae)t +1 +d(τh / Ae)t +1 ⎟
(1+ gt +1) (A eh)
t+1⎝
1−ν P
t+1⎠
(E6) ntωZhε, tω1 = (1− γ) γ (1− ν) (Pe / Ae1)t++τ(cτh / Ae)t
(Aeeh)
ε
t
t
1+ gt
1+ gt
⎛ρ−1⎞ρ−1
= ⎜α + (1 − α) Zρ ⎟
(E9) y
t ⎜ f, t⎟
⎝⎠
σ−1
⎛σ−1 σ−1⎞
(E10) Zf,t = ⎜⎝⎜β ⎛⎜⎝1k+t −g1tal ⎞⎠⎟σ + (1 − β) (Aeef )tσ ⎟⎟⎠
zf,t
k ⎛Pzf ⎞
(E13)t−1 =βσ⎜t⎟
(1+ gtal)zf,t ⎝ Ptk ⎠
(E14) (1+ gakl)t−(1Aeef )t = ⎛⎝⎜1−ββ⎞⎠⎟ ⎛⎝⎜ (Pe / Ae)tP+tk(τf / Ae)t ⎞⎠⎟
+κf ⎜⎛⎝⎜ (1 + rt) ⎛⎜⎝ kktt−−21 −1⎞⎟⎠ − 12̄ (1+ gal)⎛⎜⎜⎝⎜⎛⎝ kkt−t1 ⎞⎟⎠2 −1⎟⎠⎞⎟ ⎞⎟⎟⎠
(E16) yt = it +nt + xt + κ2d (dt −dtd−1t−1)
κf (kt − kt−1)2
+ + ex
2 kt−1t
2
+ κd (dt − dt-1)
+ at = ptl + (1+ rt) at − 1al +tt
2 dt-1 1+ gt
(E20) ext = dt (ert Pt)
(E23) walt = at − ⎝⎜1+κk ⎜⎝ kt−t1 −1⎟⎠⎟⎠ kt
117 L’équation (E23) assure que le modèle est bien spécifié : walt doit être nul à chaque date.
Estimation de l’élasticité de substitution entre biens durables et énergie et du taux de progrès technique sur l’énergie
Méthode
118 Nous suivons la méthode retenue par Ogaki et Reinhart (1998) pour identifier une relation de cointégration et estimer l’élasticité intratemporelle de substitution entre Eh et D. Notons Wt le bien-être intertemporel à la date t. Avec des notations évidentes, les conditions du premier ordre relatives à Xt et Eh,t permettent d’écrire :
=
Pte + τh,t WEh ,t
119 Nous avons
1 ∂ lnCt +i ∂Dt +i−1
WX =
∑=∑
t i=1 (1+μ) t+i ∂Xt i = 1 (1+μ) t + i ∂Dt +i−1 ∂Xt
120 À partir de on déduit que
∂Xt
121 Donc
122 En exprimant on obtient :
(1+ τtc)Ptx ∑i = 1 (1+ μ)t + i (1−δ)i−1 ∂Dt +it−+1i
=
Pte + τh,t ∂lnCt
∂Eh , t
123 À partir des conditions du premier ordre, on a la relation suivante :
∂ lnCt = ν 1 ⎜⎛ Dt−1 ⎟⎞−ε̄ ∂lnCt
∂Dt−1 1− ν Ate ⎝ AteEh,t ⎠ ∂Eh,t
124 donc
Pte +tτh,tt =∑i = 1 (1 + μ
)t +i (1−δ)i−1
1∂ lnCt +i
ν 1 ⎜⎛ Dt +i−1 ⎟⎞−ε̄ ∂Eh,t+i
1− ν Ate+i ⎝ Ate+iEh,t+i ⎠ ∂ lnCt
∂Eh , t
125 En multipliant les deux membres par , on obtient :
⎛⎞
(E24) (1+ τtc)Ptx
ε =∑∞ 1 (1−δ)i−1
⎜Xt⎟
(Pte + τh,t) / Ate ⎝ AteEt ⎠i=1 (1+μ)t +i
∂lnC
1 1 t+i
ν Ae ⎛D ⎞−ε̄⎛ AeE ⎞−ε̄ ∂E
1− ν Atet+i ⎝⎜tX+ti−1 ⎟⎠ ⎜⎝ Ate+tiEhh,,tt+i ⎟⎠ ∂ lhn,tC+it
∂Eh , t
126 Si l’on montre que la somme actualisée dans le membre de droite de (E24) est stationnaire, alors on peut conclure que le membre de gauche est également stationnaire. En faisant l’hypothèse que augmente à un taux constant, , on sera en mesure de dériver la relation de long terme suivante :
⎝ Xt ⎠ ⎝ Pte + τh,t ⎠
+ (ε−1) gaet + c + ut
127 où c est constant et ut est un bruit blanc.
128 En prenant le logarithme de chaque terme de la somme, on voit qu’une condition nécessaire de la stationnarité est que soient stationnaires en différence première. En effet, si une variable est stationnaire en différence, ν = ln (V) est également stationnaire en différence et est par définition stationnaire. Ceci est immédiat pour chaque terme, à l’exception du ratio entre stock et consommation de biens durables. Dans ce dernier cas, il faut noter que peut s’écrire , i.e une somme de termes stationnaires si Xt est stationnaire en différence.
129 Notre hypothèse sur la forme linéaire de implique que stationnaire en différence avec dérive. Concernant AeEh,t, on note en prenant le logarithme que la série est stationnaire en différence si Eh,t l’est elle-même. Par conséquent, nous effectuons des tests de stationnarité sur les séries Xt et Eh,t . Le dernier point concerne l’utilité marginale de la consommation d’énergie . On ne peut pas prouver empiriquement que son taux de croissance est stationnaire, mais comme Ogaki et Reinhart (1998), on considère que sa non stationnarité est vraisemblablement peu importante.
130 La stationnarité des séries xt = ln Xt et et = ln Eh,t est testée à l’aide de tests de Dickey Fuller augmentés. On utilise des données annuelles entre 1959 et 2010 pour xt et entre 1973 et 2010 pour et . Nous obtenons que xt est stationnaire en différence avec dérive et trend et que eh,t est stationnaire en différence avec dérive, comme présenté dans le tableau A.1.
tests de racine unitaire
Variable | ADF test | Conclusion | |
Statistique | c5 % | ||
Eh | - 3,13 | - 3,45 | I(1) + trend |
X | - 2,87 | - 2,93 | I(1) + drift |
tests de racine unitaire
Estimation
131 À partir de l’équation (E24), nous pouvons faire les conclusions suivantes :
- ratio de deux variables stationnaires en différence avec la même dérive, est stationnaire ;
- , ratio de deux variables stationnaires en différence, est stationnaire. Par conséquent, les conditions sont réunies pour tester la relation de cointégration entre les deux variables stationnaires. Nous estimons d’abord l’équation suivante à l’aide des moindres carrés ordinaires :
estimation de la relation de cointégration entre
Période d’échantillonnage | α | β | γ |
1960-2010 | 15,105000 (-4,70) | - 0,008138 (-5,05) | 0,495000 (-5,23) |
estimation de la relation de cointégration entre
133 Nous testons ensuite la stationnarité des résidus à l’aide d’un test de Dickey Fuller. Nous obtenons une statistique t = -2,37 qui est inférieure à la valeur critique à 5 %, égale à - 1,95. Nous concluons que nous pouvons rejeter l’hypothèse de racine unitaire et que les résidus sont stationnaires. En comparant l’équation estimée avec l’équation (E25), on voit que le coéfficient γ correspond à l’élasticité de substitution ε et que β vaut (ε−1) gae. On en conclut que l’élasticité de substitution entre Eh et D vaut ε = 0,50 et que le taux de croissance du progrès technique sur l’énergie vaut gae = 1,6 % .
Estimation des élasticités de substitution et des taux de progrès technique dans la fonction de production
Méthode
134 La fonction de production à deux niveaux est donnée par les équations (10) et (11). On déduit des conditions du premier ordre (15) - (17), en notant et omettant l’indice temporel :
135 et ne sont pas observables. Afin de les éliminer nous ajoutons tout d’abord aux deux membres de (E30) puis utilisons (E28) pour obtenir :
136 de sorte que :
p̂k + k̂− (p̂z + ẑ) = (σ −1)
⎜ − (p̂k + p̂y)⎟
⎝ ρ−1 ⎠
137 On note θKZ la variation de la part en valeur de K dans Z (on adopte une notation similaire pour les autres variables). On a :
1−ρ
138 En ajoutant le terme aux deux membres de (E29) et ulilisant (E28) on obtient :
1−ρ
139 Les équations (E27), (E31) et (E32) donnent le système à estimer, qui peut s’écrire sous la forme suivante :
140 En suivant van der Werf (2008), nous estimons d’abord séparément la première équation puis le système composé des deux dernières, avec la restriction suivante sur les coefficients :
1−β1
Résultats
141 Lorsque nous n’incluons pas le gaz dans les données (les données concernant le gaz proviennent d’une autre source, Centre d’Études et de Recherches Économiques sur l’Énergie (Ceren)) et que nous faisons tourner les régressions à partir de 1986, nous trouvons les résultats suivants : l’élasticité de substitution entre L et Zf est ρ = 0,52, l’élasticité de substitution entre K et Ef est σ = 0,48 et les taux de croissance du progrès technique sur l’énergie et sur le travail sont respectivement gae = 2,4 % et gal =1,5 % (significatif).
142 En incluant le gaz, on trouve que l’élasticité de substitution entre L et Zf est ρ = 0,52. L’élasticité de substitution entre K et Ef est σ=0,52. Les taux de croissance du progrès technique sur l’énergie et sur le travail sont respectivement gae = 2,7 % et gal =1,5 %. Tous les résultats sont significatifs à 5 % au moins.
143 Ces résultats sont cohérents avec ceux de Lalanne et alii (2009).
Taxes sur l’énergie
144 Cette annexe décompose le prix des différentes énergies fossiles entre prix hors taxes et taxes, dans le but de déterminer les taux de taxe dans l’état stationnaire initial du modèle. En France, les produits pétroliers sont soumis à la TICPE (précédemment TIPP) et le gaz à la TICGN. Ces deux taxes sont payées sur la quantité de produit consommé. La TVA s’applique ensuite sur le prix incluant ces taxes énergétiques. Le prix toutes taxes comprises des produits pétroliers peut s’écrire : PTTC = (P + TICPE) (1+ TVA). De nombreuses exemptions sont accordées à des firmes pour le paiement de la TICPE, mais aucune aux ménages. À l’inverse, seules les entreprises s’acquittent de la TICGN. Le tableau A.3 détaille la décomposition du prix pour les énergies fossiles consommées par les ménages. Les détails ne sont pas présentés pour la consommation de gaz car seule s’applique la TVA au taux normal de 19,6 %.
145 Le tableau A.3 montre que l’ampleur des taxes dépend du type d’énergie considéré. Nous calculons pour les ménages et les firmes un taux de taxe moyen, en fonction de la consommation de chaque énergie. Les deux taux de taxe ainsi calculés incluent à la fois les taxes sur l’énergie et la TVA, et correspondent ainsi à τm et τf , tels que définis dans le modèle, dans l’état stationnaire initial. Le détail de la nous trouvons que le taux de taxe moyen sur la consommation d’énergie fossile représente 77 % du prix avant taxe (voir tableau A.4).
décomposition du prix des énergies fossiles en moyenne pour l’année 2010, en €/hl et impact d’une taxe de 32€/tCO2
Décomposition du prix en €/hl | Facteur d’émission en kg CO2/hl | Surcoût d’une taxe de 32 €/tCO2 en €/hl | ||||
Prix hors taxes | Taxes sur l’énergie | TVA | Prix total | |||
Diesel | 53,1 | 42,8 | 18,8 | 114,7 | 268 | 8,6 |
Essence | 52,0 | 60,6 | 22,1 | 134,6 | 242 | 7,7 |
Fuel domestique | 54,2 | 5,7 | 11,7 | 71,6 | 268 | 8,6 |
Gaz liquéfié | 55,7 | 6,0 | 12,1 | 73,8 | 158 | 5,1 |
décomposition du prix des énergies fossiles en moyenne pour l’année 2010, en €/hl et impact d’une taxe de 32€/tCO2
consommation énergétique des ménages en milliards
Consommation TTC |
Consommation HT | Taxes sur l’énergie | TVA | Taxes totales | En % de la consommation, HT | |
Diesel | 22,2 | 10,3 | 8,3 | 3,7 | 11,9 | 116,0 |
Essence | 13,4 | 5,2 | 6,0 | 2,2 | 8,2 | 159,0 |
Fioul domestique | 7,1 | 5,4 | 0,6 | 1,2 | 1,7 | 32,0 |
Gaz liquéfié | 1,7 | 1,3 | 0,1 | 0,3 | 0,4 | 32,0 |
Gaz naturel | 11,0 | 9,2 | 0,0 | 1,8 | 1,8 | 20,0 |
Total | 55,4 | 31,3 | 15,0 | 9,1 | 24,1 | 77,0 |
consommation énergétique des ménages en milliards
146 Les consommations énergétiques des firmes ne sont pas fournies avec le même niveau de détail dans la comptabilité nationale, ce qui empêche d’appliquer la même méthode pour calculer le taux de taxe moyen. La méthode retenue consiste d’abord à déterminer la taxe sur les produits pétroliers payés par les firmes, par différence entre le total des recettes de la taxe et la part payée par les ménages. Ensuite on ajoute la TICGN, qui n’est payée que par les firmes, et on calcule le taux de taxe moyen, par rapport à la consommation totale d’énergie fossile, telle que fournie par le détail des consommations intermédiaires. Les recettes totales de TICPE en 2010 se sont élevées à 23,9 milliards d’euros (Mrds €) (source : DGEC), et celles de TICGN à 0,3 Mrds €. Par différence avec les 15 Mrds € payés par les ménages selon nos calculs ci-dessus, la TICPE payée par les firmes s’élève à 8,9 Mrds € et les taxes totales à 9,2 Mrds €. Certaines firmes sont couvertes par le système européen d’échanges de permis, qui impose des contraintes sur leurs émissions, pouvant être interprétées comme une taxe sur les émissions. En 2010, le prix moyen des permis s’est élevé à 13 €, et 132 millions de permis ont été distribués. Nous considérons que cela implique un coût supplémentaire de 1,8 Mrds € pour les firmes.
147 La consommation d’énergie fossile, telle que donnée dans les consommations intermédiaires des entreprises, s’élève à 51,3 Mrds € (taxes comprises) en 2010. Donc le taux de taxe appliqué aux firmes sur leurs consommations d’énergie fossile est de .
Calcul de la perte de bien-être
148 Le bien-être intertemporel est :
s = 1(1+μ)
149 soit, sous forme récursive :
1+μ
150 Mais Ct n’est pas stationnaire, donc a priori Wt non plus.
151 On a :
Ct = Atlct = A0l∏ (1+ gajl) ct
j=0
152 où ct est stationnaire. Donc on peut écrire :
Wt = ∑j=0 t+s
(1+μ)s
s=1
∞ ln A0l + Σtj+=0s ln (1+ gajl) + lnct+s
s∑=1(1+μ) s
=
= lnA0l ∑∞ 1 + ∑∞⎜⎛ 1t∑+s ln (1+ gajl)⎟⎞ + ∑∞ lnct + s
s=1(1+μ)s s=1⎝ (1+μ)s j=0 ⎠ s=1(1+μ)s
⎧⎢⎨⎢⎩ ⎧⎢⎨⎢⎩
1 wt
μ
153 et l’équation récursive s’écrit :
μs = 1⎝ (1+μ)sj=0 ⎠
=1+1μ ln⎛⎜⎝A0l∏tj=+01(1+ gajl) ct +1⎞⎟⎠
⎛∞⎛t+1+s ⎞ ⎞
+1+1μ
⎝⎜μ̄1 lnA0l + s∑=1⎝⎜ (1+1μ)s ∑j=0 ln (1+ gajl) ⎠⎟ +wt + 1⎟⎠
154 i.e.
μ
s = 1⎝
j=0 ⎠
(1+μ)s
=1+1μ ⎛⎝⎜lnA0l + ∑tj+=10 ln (1+ gajl) + lnct +1⎞⎠⎟
⎛∞⎛t+1+s ⎞ ⎞
+1+1μ
⎝⎜μ̄1 lnA0l + s∑=1⎝⎜ (1+1μ)s ∑j=0 ln (1+ gajl) ⎠⎟ +wt + 1⎟⎠
= μ̄1 ln A0l 1+1μ ∑jt=+10ln (1+ gajl) +s∑∞=1⎛⎜⎝ (1+ μ1)s +1t +j∑1=+0sln (1+ gajl)⎞⎠⎟
+ 1 (lnc +w)
1+μt+1 t+1
155 i.e.
s=1⎝ (1+μ)s j=0 ⎠
=1+1μ ∑jt=+10 ln (1+ gajl) +s∑∞=2⎛⎝⎜ (1+1μ)stj∑+=s0 ln (1+ gajl) ⎞⎟⎠
+ 1 (lnc +w)
1+μt+1 t+1
156 i.e. finalement :
1+μ
157 À l’état stationnaire on a :
w=
μ
158 Soit w (1) le bien-être intertemporel de l’état stationnaire initial (avant choc) i.e. w (1) = ln c / μ et w (2) le bien-être intertemporel de la simulation. On cherche à évaluer la perte de bien-être pendant la période de la réforme, c’est-à-dire pendant les quarante années de taxation. Le bien être stationnaire dans l’état initial, pendant quarante ans, vaut :
w~ (1) = w (1) + ⎜1− ⎟
⎝ (1+ μ)40⎠
159 De même
(1+ μ)40
160 Or
w~ (1) = ln (c) (1+ μ)
μ
161 De même
w~ (2) = ln ((1+φ) c) (1+ μ)
μ
162 On obtient donc finalement :
1− 1
(1+ μ)40
φ=e
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- Sassi O., Crassous R., Hourcade J.-C., Gitz V., Waisman H. et Guivarch C. (2010). “Imaclim-r : a Modelling Framework to Simulate Sustainable Development Pathways”, International Journal of Global Environmental Issues, vol. 10, n° 1, pp 5-24.
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Mots-clés éditeurs : environnement, modèle EGC, énergie, taxe carbone
Date de mise en ligne : 06/01/2017
https://doi.org/10.3917/ecop.208.0001Notes
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[*]
Banque de France et Paris School of Economics - CNRS.
E-mail : fanny.henriet@psemail.eu -
[**]
Banque de France.
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[***]
Banque de France, Paris School of Economics et Université Paris 1.
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[1]
Lorsqu’il est initialement introduit, le concept de “Facteur 4” fait référence au contenu du PIB en ressources naturelles et ne concerne pas directement la réduction des gaz à effet de serre. Il est cependant aujourd’hui principalement utilisé avec la définition que nous retenons ici.
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[2]
En 2009, l’énergie fossile représente 67,5 % de la consommation totale d’énergie finale en France, voir le tableau 1.
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[3]
Une version de ce modèle dans laquelle la croissance est endogène est présentée dans Henriet et alii (2014).
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[4]
Le modèle est simulé à l’aide du logiciel Dynare (Adjemian et alii, 2011), dont la convention est, pour les variables de stock, d’utiliser un stock à la fin de la période. Notre définition de Dt en découle : Dt représente le stock de biens durables à la fin de la période t, c’est-à-dire le stock qui sera utilisé par les ménages à la période suivante t + 1. La convention est la même pour le capital productif et les autres variables de stock.
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[5]
Nous n’imposons pas explicitement cette condition dans Dynare, mais nous vérifions qu’elle est bien satisfaite ex post dans les simulations.
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[6]
Cette hypothèse d’exogénéité de l’offre de travail, qui pourrait être levée facilement, nous interdit de réaliser des simulations du type “double dividende”, dans lesquelles on substitue la taxe carbone à la taxe sur le travail, à recettes fiscales inchangées. Ici, les recettes de la taxe carbone seront redistribuées de manière forfaitaire aux ménages.
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[7]
Cette condition est satisfaite à l’état stationnaire, voir plus loin.
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[8]
Il n’est possible de réaliser des simulations numériques du modèle que si à la fois l’état initial et l’état final sont des états stationnaires. Nous écrivons donc le modèle en variables stationnaires, i.e. en variables par unité de travail efficace
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[9]
Rappelons que les taxes sur l’énergie sont des droits d’accise ; des taxes ad valorem devraient rester constantes.
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[10]
Notons qu’il est bien sûr possible d’augmenter le niveau initial de la taxe ou/et son taux de croissance pour atteindre effectivement le Facteur 4. Les augmentations nécessaires obtenues à l’aide de notre modèle sont cependant tout à fait irréalistes : le niveau initial de la taxe carbone doit atteindre 830 €t/CO2.
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[11]
Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.
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[12]
L’autre objet de la transition énergétique est, en Allemagne et en France au moins, la sortie du nucléaire, mais ceci est un autre débat que notre modèle ne permet pas d’aborder.