Couverture de ECOP_195

Article de revue

Filtres usuels et filtre fondé sur les ondelettes : étude comparative et application au cycle économique

Pages 149 à 161

Notes

  • [*]
    Centre d’Économie de la Sorbonne, Université Paris 1, Panthéon-Sorbonne. E-mail : ahamada@univ-paris1.fr E-mail : philippe.jolivaldt@univ-paris1.fr
  • [1]
    Voir Crowley (2005) pour plus de détails intuitifs.
  • [2]
    Les résultats obtenus par simulation lorsqu’on enlève la composante Dsont nettement moins performants que dans le cas où elle est prise en compte.
  • [3]
    Naturellement le PGD (8) est répliqué après les PGD (9) et (12).
  • [4]
    L’ensemble des résultats a été obtenu en utilisant des programmes construits avec le logiciel Gauss.
  • [5]
    La décomposition provient de l’orthogonalité de la base d’ondelettes.
  • [6]
    Source EcoWin IMF ifs : s11199bvrzfq United States, National accounts or population, GDP vol. (2000=100), BY=2000, SA.

1 Les filtres de Hodrick et Prescott (1997) et de Baxter et King (1995) sont devenus des outils classiques dans la recherche de la décomposition cycle-tendance. Leur usage est devenu extensif au point qu’aujourd’hui, ils sont systématiquement intégrés dans les logiciels courants. Naturellement, la première question qui surgit est celle de la performance comparative entre les deux filtres. L’étude la plus récente à ce sujet (Guay et St-Amant, 2005) conclut que les deux filtres donnent des résultats sérieusement biaisés dans l’hypothèse selon laquelle la composante cyclique théorique serait concentrée sur les basses fréquences. Or, selon Granger (1966), les composantes cycliques dans la plupart des séries macroéconomiques sont de très basses fréquences. Il apparaît donc que les deux filtres donneraient plus souvent des résultats altérés lorsqu’ils sont confrontés aux observations macroéconomiques.

2 La deuxième question, moins évidente que la précédente, est la suivante : quels sont les comportements de ces filtres dans un environnement instable, plus précisément dans une situation où la composante cyclique est instable ? La question est justifiée au regard du phénomène de la grande modération (Stock et Watson, 2005), qui implique de manière sous-jacente une modification du cycle dans son amplitude et ou dans sa périodicité.

3 Le nombre d’articles fondés sur l’analyse de cette question reste encore très marginal. Cet article apporte une contribution à ces deux questions. Nous regardons si un filtre fondé sur la théorie des ondelettes améliore l’estimation de la composante cyclique par rapport aux deux autres filtres. Le choix de la théorie des ondelettes est guidé par sa capacité à fournir simultanément une analyse de la série étudiée dans ses caractéristiques cycliques et dans son évolution temporelle. Les ondelettes offrent ainsi la possibilité d’isoler la composante cyclique tout en analysant sa stabilité dans le temps.

4 Nos résultats montrent d’une part que les trois filtres présentent des performances comparables lorsque la fréquence du cycle théorique n’est pas trop basse. Les écarts entre les trois filtres résident essentiellement dans le cas où la composante cyclique théorique à estimer est caractérisée par une fréquence très basse, c’est-à-dire de périodicité très élevée. Lorsque la période du cycle théorique avoisine trente-deux trimestres (borne supérieure de la fréquence des cycles d’activités selon Burns et Mitchell, 1946), les performances des filtres se dégradent mais à des degrés divers. Le filtre de Hodrick et Prescott demeure meilleur en basses fréquences par rapport au filtre de Baxter et King et à celui des ondelettes. Ainsi, par exemple, nous constatons que, dans le cas où le cycle économique reste proche des basses fréquences (cas de la plupart des grandeurs macroéconomiques), la corrélation entre le cycle estimé par le filtre de Hodrick et Prescott et le cycle théorique est environ 30 fois supérieure à celle observée dans les cas des filtres des ondelettes et de Baxter et King si les données sont marquées par une forte tendance. Cependant les propriétés dynamiques des cycles estimés restent presque identiques pour les trois filtres. Quelle que soit la fréquence du cycle théorique, le filtrage par la méthode de Baxter et King et par celle des ondelettes donne des résultats très proches.

5 Dans un deuxième temps, nos résultats montrent que l’apport essentiel du filtre des ondelettes réside dans la capacité à analyser l’instabilité de la composante cyclique. Cette propriété n’est pas acquise dans les deux autres filtres. En considérant le taux de croissance du PIB américain observé entre le premier trimestre de 1958 et le quatrième trimestre de 2008, le filtre des ondelettes isole une composante cyclique marquée par de nombreuses dates d’instabilité, en particulier autour du début des années 1980, période marquant le début de la grande modération. Les propriétés dites de multirésolution qu’offre le filtre des ondelettes permettent de montrer que la grande modération n’a pas seulement été une chute de la volatilité dans la plupart des grandeurs macroéconomiques. Nous montrons que la stabilité de la volatilité de la croissance du PIB s’est aussi accompagnée d’un élargissement de la période cyclique.

6 L’usage des filtres est très répandu dans la recherche sur le cycle économique (ou cycle d’activité) fondée sur l’analyse des séries macro-économiques. Le défi de tels filtres est d’isoler les différentes composantes qui caractérisent les données : la tendance et la composante cyclique. Parmi les filtres les plus utilisés, on trouve ceux proposés par Hodrick et Prescott (noté dans la suite HP) (1997) et Baxter et King (noté dans la suite BK) (1995). Ces filtres sont systématiquement intégrés dans les logiciels actuels. Plusieurs articles se sont intéressés à la capacité de ces filtres à extraire correctement la composante cyclique. Certains auteurs estiment que le filtre de Hodrick et Prescott peut engendrer de faux cycles (Harvey et Jaeger, 1993, et Cogley et Nason, 1995). Toutefois, ces conclusions dépendent fortement de la façon dont est définie formellement la notion de cycle économique. En se fondant sur la définition proposée par Burns et Mitchell (1946), Guay et St-Amant (2005) ont comparé l’efficacité des deux filtres. La performance des filtres dépend, selon leur conclusion, des caractéristiques de la densité spectrale de la composante cyclique théorique. Or la composante cyclique théorique n’est pas connue a priori. Si cette densité spectrale est trop concentrée sur les faibles fréquences proches de zéro, alors les deux filtres donnent une image erronée de la réalité. Dans ce cas, les filtres isolent mal la composante du cycle économique. En revanche, si la densité est concentrée sur la bande de fréquences du cycle économique définie par Burns et Mitchell (1946), alors les performances des filtres sont correctes. De nombreuses séries macro-économiques sont caractérisées par des densités spectrales concentrées autour de la fréquence zéro (Granger, 1966). Les résultats de Guay et St-Amant (2005) mettent donc en cause l’efficacité des filtres HP et BK sur les données macro-économiques.

7 Dans cet article nous comparons les deux filtres HP et BK mais cette fois avec un autre filtre, tiré de la théorie des ondelettes. L’étude est fondée sur des simulations de Monte-Carlo pour l’analyse des performances comparatives. Nous exploitons les propriétés de multirésolution des ondelettes pour isoler la composante cyclique. Nous montrons aussi comment la propriété de multirésolution des ondelettes peut être un outil d’une grande efficacité lorsqu’il s’agit d’étudier l’évolution du cycle économique dans le temps. Les ondelettes offrent ainsi des renseignements que les autres approches ne fournissent pas. En illustration, une étude de l’évolution du cycle économique tirée du PIB américain prolonge des travaux antérieurs, tels ceux de Yogo (2008).

8 Cet article est organisé de la façon suivante. La première partie présente brièvement les différents filtres. La deuxième partie expose les simulations et le commentaire des résultats. Dans la troisième partie, nous discutons des avantages de la méthode des ondelettes par rapport aux autres méthodes. Une application concrète sur le PIB américain est proposée dans la quatrième partie, avant de conclure dans la dernière partie.

Trois filtres

Le filtre HP

9 Le filtre HP est conçu pour décomposer de manière additive une série temporelle Yt en deux composantes : une composante cyclique YtC et une composante tendancielle YtG , Yt = YtC + YtG . Le principe du filtre HP est un compromis entre la régularité de la composante tendancielle et la minimisation de la variance de la composante cyclique. Plus précisément, la composante YtG est obtenue en minimisant la variance de YtC sous contrainte de pénalité de la dérivée seconde de Yt:

equation im1
T
(1) {YtG }tT=1 = arg min ?[(YtC)2
t =1
+? [(YtG+1 ? YtG) ? (YtG ? YtG?1)]2]

10 Le paramètre ? est un facteur de pénalité permettant de contrôler le lissage de YtG . Une valeur plus élevée de ? donnera une tendance plus linéaire et une composante cyclique plus fluctuante, et inversement. Pour des observations trimestrielles Hodrick et Prescott recommandent la valeur de ? =1600. King et Rebelo (1993) montrent que le filtre HP peut stationnariser les processus non stationnaires intégrés jusqu’à l’ordre quatre. Singleton (1988) montre que le filtre HP est une bonne approximation d’un filtre passe-haut lorsqu’il est appliqué à une série stationnaire. Pour mieux comprendre cela, rappelons que toute série temporelle stationnaire est une combinaison linéaire de composantes cycliques de périodes comprises dans l’intervalle [??, ?]. Les conclusions de Singleton assurent que le filtre HP, lorsqu’il est appliqué à un processus stationnaire, permet d’obtenir la composante du cycle économique en supprimant les basses fréquences qui composent la série étudiée (les basses fréquences caractérisent la tendance YtG).

Le filtre BK

11 Le filtre HP est une approximation d’un filtre passe-bande, c’est à dire ne laissant passer qu’une bande de fréquences entre une haute et une basse fréquences. Si on se réfère à Burns et Mitchell (1946), les composantes du cycle économique se localisent dans une bande de fréquences qui correspond à une bande de périodicités comprise entre 6 trimestres et 32 trimestres. Cette définition suggère de supprimer les fréquences les plus hautes et les plus basses qui composent la série étudiée. Il faut donc extraire la composante du cycle économique sur une bande de fréquences bien définie. Cette approche a été adoptée par Baxter et King (1995). Appliqué sur données trimestrielles, le filtre BK extrait la composante cyclique YtC de la manière suivante :

equation im2
k =12
(2) YtC = ? ak Yt?k =a() Lt
k = ?12

12L est l’opérateur retard. La composante cyclique prend alors la forme d’une moyenne mobile. Les coefficients {ak } résultent du problème de minimisation suivant :

equation im3
(3) main Q = ???? |? (?) ? ? (?) |d? et ? (0) = 0
k

13 où ? (?) est la transformée de Fourrier des {ak }, c’est-à-dire equation im4.

14 |? (?) | est le gain du filtre idéal, c’est-à-dire que |? (?) | = I (?? [?, ?2]) avec I(.) la fonction indicatrice valant 1 si l’argument est vrai et 0 sinon. La bande de fréquences [?, ?2] délimite les composantes dont la périodicité est comprise entre 6 et 32 trimestres, ?=? / 16 et ?=? / 3. La contrainte ? (0) =0 sert à isoler toute tendance dans YtC .

L’approche par ondelettes

15 La théorie de Fourrier permet de décomposer une fonction dans une base trigonométrique. Dans un même état d’esprit, la théorie des ondelettes permet de décomposer une série temporelle {Yt , t =1,..., n =2P } sous la forme :

equation im5
2P?12P?j?1
(4) Yt = ? sPk?Pk(nt) + ? ? d jk ? jk(nt)
k=0 j=1 k=0

16 ou de manière équivalente sous la forme :

equation im6
P
(5) Yt =SP + ? D j
j=1
P
nt =t / n, SP = ?k2=0?1sPk? kP(nt)
P?j
et D j = ?k2=0?1d jk? jk(nt)

17 ?={?Pk (t), ?jk (t)}est une base dite d’ondelettes. Les éléments ? Pk (t) et ? jk (t) de la base sont construits en choisissant d’abord deux fonctions ? et ? puis en utilisant les transformations suivantes :

equation im7
? jk (t) =2j/2? (2jt?k) et?Pk (t) =2P/2? (2Pt?k)

18 La fonction ? est appelée fonction d’échelle et la fonction ? est appelée fonction d’onde mère. Le paramètre k sert à translater les ondelettes dans l’échelle temporelle. Le paramètre j sert de paramètre de dilatation des fonctions d’ondes (? jk). Il ajuste le support de ? jk (t) de manière à capturer localement les caractéristiques des hautes fréquences ou des basses fréquences. Dans le domaine des fréquences, D j est une approximation d’un filtre de bande idéale de la série Yt , la bande de fréquences [1/2j+1,1/2j]. La composante D j capture donc approximativement les composantes de Yt de périodicités comprises entre 2j et 2j+1. La composante SP localise les composantes de périodicités supérieures à 2P+1. C’est une approximation d’un filtre passe-bas (fréquences inférieures à1/2P+1) [1]. La représentation (5) permet une analyse dite multirésolution de la série étudiée Yt . En effet chaque composante D j permet de visualiser les détails (différentes résolutions) de Yt localisables dans la bande de fréquences [1/ 2j+1 , 1/ 2j]. Dans cet article nous nous fondons sur la définition de Burns et Mitchell (1946) en considérant le cycle économique dans la bande de fréquences comprises entre 6 trimestres et 32 trimestres. Pour des observations trimestrielles, nous estimerons donc les composantes du cycle économique (YtC) et la tendance (YtG) par :

equation im8
(6) YtC = D+ D+ D2
YtG = S P + DP + DP ?1 +... + 5

19 Pour des observations trimestrielles, YtC capture les composantes de périodicités comprises entre 4 et 32 trimestres. La bande capturée par YtC est un peu plus large que celle correspondant au cycle économique selon Burns et Mitchell (1946), c’est-à-dire entre 6 et 32 trimestres. Mais si on omet D2, une telle démarche risque de donner des résultats biaisés si le cycle est concentré dans la bande comprise entre 6 et 8 trimestres [2]. Les équations (6) montrent qu’il suffit de choisir P ? 5 si la taille de l’échantillon le permet. Le choix d’une valeur élevée de P aura simplement pour effet de permettre de visualiser plus de détails sur la composante tendancielle YtG . Cela n’altère pas les caractéristiques de la composante cyclique YtC . En résumé on peut décomposer Yt sous la forme :

equation im9
(7) Yt = YtG + YtC + v t

20vt = Dest considéré comme du bruit.

21 Nous nous sommes limités à des processus présentant des masses spectrales aux basses fréquences conséquences d’une tendance stochastique, associées à des masses spectrales autour du cycle des affaires. Des processus présentant des masses spectrales de type saisonnalité associées à des processus de type mémoire longue nécessiteraient sans doute (Whitcher, 2004 ; Whitcher et Jensen, 2000) l’utilisation de transformations par paquets d’ondelettes afin de mieux isoler les composantes du processus. Les données macroéconomiques sur lesquelles nous travaillons, PIB, inflation, chômage, ne présentent pas de telles caractéristiques. Nous n’avons pas pour le moment abordé cette piste.

Simulation

22 Dans cette partie, nous nous intéressons dans un premier temps à l’efficacité de chacune des méthodes exposées ci-dessus pour extraire le cycle économique. L’approche adoptée est fondée sur des simulations représentant différents scénarios. Ainsi nous comparons les performances des trois filtres dans le cas où la composante cyclique domine la tendance (et inversement) et dans le cas où le cycle est concentré sur différentes fréquences.

Plan de l’expérience

23 Nous expérimentons les trois filtres en considérant le processus générateur de données (noté PGD) suivant :

equation im10
(8) Yt = YC + YtG , t = 1,..., T

24YtC désigne la composante cyclique et YtG la tendance. Pour générer des observations issues de YtC , nous allons utiliser les propriétés des processus autorégressifs d’ordre 2 :

equation im11
(9) YtC = ?1YtC?1 + ?2YtC?2 +? t où ? t ~>BB(0,??2),

25 BB désignant un bruit blanc.

26 Pour s’assurer de la stationnarité de YtCnous supposerons que ? + ? <1 et |? |<1. La densité spectrale théorique d’un tel processus est donnée par :

equation im12
(10) f (?) = ? ?[1+?1+ ?2?2?(1?? 2) cos (?)
?2? cos (2?)]?1

27 Les pics de f (?) sont localisés aux fréquences données par l’équation :

equation im13
(11) ? = Arccos[??(1?? 2) / 4? 2]

28 On peut donc choisir les paramètres ?et ?de manière à ce que les pics de f (?) soient localisés dans les fréquences ? désirées. Dans ce cas, la périodicité de YtC est de 2? / ? unités de temps.

29 Pour la composante tendancielle YtG, nous prendrons une tendance stochastique conformément à de nombreuses observations macroéconomiques :

equation im14
(12) YtG = YtG?1 +?t

30 où ?t ~> BB(0,?2?). Nous choisissons ? t et ?t de manière indépendante. La variance conditionnelle de Yt sachant les trajectoires historiques de Yt, YtC et YtG est vart (Yt) = vart (YtC) + vart (YtG) = ? ?+?2? .

31 Dans la composition de Yt on peut imposer la dominance du cycle YtC sur la tendance YtG en choisissant vart (? t) = ? ?> vart (?t) = ?2? (c’est-à-dire en imposant ?2? / ? ?<1). Inversement la dominance de la tendance sur le cycle sera obtenue en choisissant ?2? / ? ?>1. Il s’agit de prolongements des PGD choisis par Guay et St-Amant (2005) mais nous étendons ces comparaisons aux ondelettes. De plus, leurs comparaisons sont quelque peu biaisées puisqu’elles sont fondées sur des calculs d’autocorrélations théoriques de YtC présentant quelques incohérences.

32 L’expérience se déroule de la manière suivante :

33

  • nous fixons dans un premier temps l’ensemble des paramètres ? = {? , ? , ? ?, ?2? , T} en fonction des caractéristiques du cycle YCque nous voulons étudier, par exemple : un cycle YCde longue, moyenne ou courte période, un cycle YC dominant la tendance ou dominé, etc. Puis nous calculons les autocorrélations théoriques de YC , notées ? (i), en fonction de ? , ? et ? ?;
  • nous répliquons le PGD (8), (9) et (12) [3]. Puis nous filtrons Y en utilisant les filtres HP, BK et les ondelettes. Nous obtenons ainsi pour chacune des méthodes de filtrage une estimation de la composante cyclique Y^C . Pour chacune des trois estimations Y^C , nous estimons ensuite les ?^ (i) et la corrélation linéaire avec la vraie composante cyclique YC , Y^C =corr (YC , Y^C) ;
  • nous répétons l’étape 2 un nombre de fois égal à M, ce qui nous permet d’obtenir pour différents i et pour chacune des trois méthodes de filtrage les quantités suivantes, qui nous serviront d’indices de mesure de la qualité du filtre :

equation im15
M
(13) ?* (i) = M?1 ? ?^ j (i)
j=1
equation im16
M ?12 2?
(14) d (?, ?^)* = M?1 ? ?? (? (i) ? ?^ j (i)) ?
j=1 i=1
??
equation im17
M
(15) YC , Y^C * = M?1 ? corr (YC , Y^C) j
j =1

34 où ?^ j (i) et corr (YC , Y^C) j désignent les mêmes quantités que dans l’étape 2 calculées à la j-ème réplique, j = 1,..., M .

35 Les ?* (i) (équation13) permettent de faire une comparaison ponctuelle avec les corrélations théoriques de YC. L’indice d (?, ?^)* fournit une comparaison globale entre la dynamique de YC et celle de Y^C à partir des douze premières corrélations. Nous apprécierons d’autant la bonne qualité du filtre étudié que ?* (i) sera plus proche de ? (i) et d (?, ?^)* de zéro. Par ailleurs deux processus peuvent avoir des dynamiques comparables tout en étant indépendants. C’est pourquoi nous utilisons aussi l’indice de corrélation entre cycles théorique et empirique (équation 15) pour confirmer la validité les résultats obtenus par (13) et (14).

Analyse des résultats

36 Les tableaux 1, 2 et 3 présentent respectivement les résultats [4] issus des simulations pour les filtres HP, BK et les ondelettes. Les valeurs en italiques représentent les autocorrélations théoriques.

37 Relevons les points suivants :

38 – pour chaque valeur prise par (?, ? 2) et fixée, on peut constater que les valeurs prises par YC, Y^C * s’accroissent au fur et à mesure que ? ? / ? ? baisse dans chaque tableau. Par exemple pour (?, ? 2) = (1,2 ; ? 0,48) dans le tableau 1, nous avons YC , Y^C *= 0,23, 0,73, 0,91 respectivement pour ? ? / ? ? =5, 1, 0,2. Concrètement cela signifie que la corrélation entre le cycle estimé et le cycle théorique est d’autant plus forte que la vraie composante cyclique influence plus la série par rapport à la tendance ;

39 – quelle que soit la valeur prise par ? ? / ? ?, on constate que les valeurs prises par d (?, ?^)* lorsque la longueur du cycle est égale à 12 trimestres ou 32 trimestres sont toutes relativement proches de zéro (surtout pour la période de 12 trimestres) dans les trois tableaux. Pour les filtres BK et ondelettes c’est quand le cycle est de 12 trimestres que la corrélationYC , Y^C * est la plus forte. Ce résultat signifie que tous les filtres se comportent bien lorsque la période de la composante cyclique théorique est comprise à l’intérieur de l’intervalle périodique du cycle économique (i.e. entre 6 et 32 trimestres) ;

Tableau 1

résultats des simulations pour le filtre HP

?? / ?? ?1 ?2 ?*1 ?*2 ?*3 ?*4 ?*5 YC , Y^C * d (?, ?^)* Période ?
trimestres
figure im18

résultats des simulations pour le filtre HP

simulations des auteurs.
Tableau 2

résultats des simulations pour le filtre BK

?? / ?? ?1 ?2 ?*1 ?*2 ?*3 ?*4 ?*5 YC , Y^C * d (?, ?^)* Période ?
trimestres
figure im19

résultats des simulations pour le filtre BK

simulations des auteurs.
Tableau 3

résultats des simulations pour le filtre ondelettes

?? / ?? ?1 ?2 ?*1 ?*2 ?*3 ?*4 ?*5 YC , Y^C * d (?, ?^)* Période ?
trimestres
figure im20

résultats des simulations pour le filtre ondelettes

simulations des auteurs.

40 – pour les filtres BK et ondelettes, quelle que soit la valeur de ? ? / ? ?, les plus mauvaises valeurs de d (?, ?^)*et YC , Y^C * correspondent à la période du cycle théorique égale à 48 trimestres (i.e. les valeurs de d (?, ?^) sont relativement élevées alors que les valeurs YC , Y^C * sont relativement faibles). Ce résultat montre que les deux filtres BK et ondelettes isolent moins bien les composantes de périodicité supérieure à 32 trimestres, comme on devait s’y attendre. Cette remarque n’est pas toujours vraie pour le filtre HP. En effet lorsque ? ? / ? ? ? 1, les valeurs de d (?, ?^)* sont relativement faibles et celles de YC, Y^C * plus élevées lorsque le cycle théorique est de 48 trimestres. En d’autres termes, le filtre HP considéré comme un filtre passe-haut peut laisser passer des composantes de périodicité de 48 trimestres surtout si de telles composantes sont influentes. Ce résultat va dans le sens de celui obtenu par Singleton (1988). Cet auteur montre en effet que le filtre HP agit sur les données stationnaires comme un bon filtre passe-haut (ce qui correspond au cas sans tendance, i.e. ? ? / ? ? ? 1) ;

41 – “typical spectral shape” : dans un article devenu classique, Granger (1966) affirme que de nombreuses séries temporelles économiques mesurées en niveau sont caractérisées par une forte concentration de leur densité spectrale en zéro accompagnée d’une décroissance continue vers l’axe horizontal. On peut obtenir le phénomène “typical spectral shape” lorsque la composante tendancielle domine la série avec une composante cyclique de très basse fréquence. Par exemple les densités spectrales des PGD obtenus en choisissant ? ? / ? ? = 5 et une composante cyclique de très basse fréquence, c’est-à-dire de longue période, par exemple 48 trimestres, illustrent bien le phénomène décrit par Granger. Les résultats des trois tableaux montrent que l’extraction de la composante cyclique dans le cas d’un phénomène “typical spectral shape” est globalement médiocre. Les meilleurs indices sont obtenus avec le filtre HP avec d (?, ?^)* = 0,24 et YC, Y^C * = 0,33. Pour les filtres BK et ondelettes, ce résultat n’est pas surprenant puisque ces filtres doivent théoriquement autoriser les composantes de périodicité maximale de 32 trimestres ;

42 – lorsque la composante cyclique théorique est courte (5 trimestres par exemple) nos simulations montrent que les corrélations YC, Y^C * restent comparables pour les trois approches. L’approche par les ondelettes demeure intéressante lorsque la composante cyclique est dominante. Le coût est légèrement plus favorable au filtre BK (d (?, ?^)* = 0,02) ;

43 – lorsque la composante cyclique théorique est définie autour des basses fréquences (par exemple pour une période de 48 trimestres), nous pouvons constater que les résultats des trois filtres sont un peu plus significatifs dans le cas où il y a moins de tendance (? ? / ? ? ?1) que dans le cas contraire. Ainsi par exemple pour le filtre BK YC, Y^C * = 0,01 si ? ? / ? ? = 5 (forte tendance) contre YC, Y^C * = 0,16 si ? ? / ? ? = 0,2 (faible tendance). La remarque reste valable pour les deux autres filtres. C’est la raison pour laquelle, dans notre étude de la stabilité du cycle économique (quatrième partie), nous prendrons le taux de croissance du PIB (sans tendance) au lieu du PIB en niveau (forte tendance).

Avantages de l’approche multirésolution des ondelettes

44 Bien que les performances de l’approche fondée sur les ondelettes restent globalement comparables à celles des deux filtres HP et BK (surtout si le cycle est bien défini à l’intérieur de la bande de fréquences usuelle), le filtrage par ondelettes a l’avantage d’offrir à la fois une analyse temporelle et fréquentielle de la composante cyclique. Plus précisément nous pouvons apporter des éléments de réponses aux deux questions suivantes.

45 Entre deux périodes t=[tk?1, tk] et t= [tj?1, tj] quelles sont les fréquences qui demeurent ou deviennent influentes dans la composante cyclique ? L’hypothèse d’une seule fréquence dominante dans la composante cyclique d’une grandeur macroéconomique observée sur une période très étendue reste improbable. Par exemple la littérature sur “la grande modération” suggère une modification significative des caractéristiques cycliques après les années 1980. Un examen de la décomposition de la variance de YC dans chaque sous-période utilisant la formule :

equation im21
var (YC) = var (2) + var (D3) + var (D4) [5]

46 dans chacune des sous-périodes, peut permettre d’identifier les composantes dominantes parmi les Di , i =2,3,4.

47 Les tests classiques de changements de régime de la composante cyclique YCne permettent pas d’apprécier la fréquence liée au changement. S’agit-il d’un choc modifiant les caractéristiques de long terme, de moyen terme ou de court terme de la série ? Au lieu d’appliquer les tests de changement de régimes directement sur la composante cycliqueYC = D+ D+ D4, on peut les appliquer sur chacune des composantes D2, Det D4. Il est alors évident qu’un changement survenant sur D4, par exemple, a des conséquences sur les basses fréquences de YC et donc des implications sur le long terme. Nous utilisons la méthode proposée par Bai et Perron (2003) aux Di, i =2,3,4. Soit la régression suivante avec ruptures multiples :

equation im22
(16) Di2t = ? i2k + v t
où ?i2k = E(Di2t) = var (Di) et t =[tik?1, tik]

48 L’ensemble {tik, k =1,..., m} donne les dates de rupture. Le modèle (16) est appelé modèle de ruptures structurelles pures par les auteurs. Il analyse uniquement des ruptures sur le niveau moyen de la variable endogène Di2t. Bai et Perron donnent un algorithme efficace de minimisation des sommes de carrés résiduels qui inclut une détermination du nombre de ruptures et offre des tests de rupture sous des conditions assez générales sur le bruit v t .

Application au PIB américain

49 Nous appliquons à présent les trois méthodes aux données du PIB américain. Nous considérons la série trimestrielle de ce dernier entre 1958T1 et 2008T4 [6]. Nous disposons donc de 204 données, que nous complétons afin d’utiliser la transformation par ondelettes discrète fondée sur une taille d’échantillon égale à une puissance de 2, ici 256 points. Les techniques d’analyse par ondelettes utilisent, dans les algorithmes dits pyramidaux, la circularité des données (par exemple x T +1 = x1). C’est évidemment peu raisonnable pour des données non-stationnaires. Nous avons utilisé les techniques les plus simples pour compléter l’échantillon, telles celles préconisées par Percival et Walden (2000). Nous ne créons pas de nouvelles données mais, par exemple, dans le cas de la croissance du PIB, nous prolongeons en aval et en amont la série par des données symétriques. Ainsi nous ne modifions pas la variabilité de la série. Dans le cas du PIB en niveau, cela se fait en considérant le taux de croissance sur les quatre années extrêmes et en ajoutant une série déterministe de même taux de croissance. Bien entendu, une fois la décomposition en ondelettes réalisée, nous tronquons les résultats pour revenir à la taille et aux dates de l’échantillon initial.

50 Dans le cas du PIB en niveau, l’estimation des tendances est présentée dans le graphique 1, celle des cycles dans le graphique 2 et les densités spectrales des composantes cycliques dans le graphique 3. Pour le taux de croissance du PIB, les résultats correspondants sont illustrés par les graphiques 4, 5 et 6.

51 Le PIB en niveau (graphique 1) est caractérisé par une dominance de la tendance alors que, pour le taux de croissance (graphique 4), la tendance est moins prononcée par rapport à la composante cyclique. Ainsi ces deux types de données nous permettent de tenir compte des différents types de PGD utilisés dans les simulations. Dans les deux cas, les densités spectrales se concentrent autour de fréquences associées à une période d’environ 32 trimestres (? / (2×0,05) ? 32). Les composantes cycliques issues des trois méthodes sont proches, surtout dans le cas du taux de croissance du PIB.

Graphique 1

PIB américain en niveau - tendances

figure im23
120
100
80
60
40
20
1958 1962 1966 1970 1974 1978 1982 1986 1990 1994 1998 2002 2006
GDP Trend HP Trend BK Trend ondelettes

PIB américain en niveau - tendances

FMI, EcoWin, calculs des auteurs.
Graphique 2

PIB américain en niveau - cycles

figure im24
3
2
1
0
- 1
- 2
- 3
1958 1962 1966 1970 1974 1978 1982 1986 1990 1994 1998 2002 2006
Cycle HP Cycle BK Cycle ondelettes

PIB américain en niveau - cycles

FMI, EcoWin, calculs des auteurs.
Graphique 3

PIB en niveau - spectres

figure im25
6
5
4
3
2
1
0
0,00 0,04 0,08 0,12 0,16 0,20 0,24 0,28 0,32 0,36 0,39 0,43 0,47
Cycle HP Cycle BK Cycle ondelettes

PIB en niveau - spectres

Lecture : les courbes représentent les densités spectrales des composantes cycliques du PIB. En abscisses sont représentées les fréquences sur une échelle de 0 à 0,5 (homothétie d’une échelle classique de 0 à ?), la fréquence 0 correspond à une périodicité de 2 observations, la fréquence 0,25 à une périodicité de 4 obseervations et ainsi de suite. En ordonnées est représentée la puissance spectrale (proportionnelle à la variance).
FMI, EcoWin, calculs des auteurs.
Graphique 4

taux de croissance du PIB américain - tendances

figure im26
8
6
4
2
0
- 2
- 4
1958 1962 1966 1970 1974 1978 1982 1986 1990 1994 1998 2002 2006
Taux de croissance du PIB Trend HP Trend BK Trend ondelettes

taux de croissance du PIB américain - tendances

FMI, EcoWin, calculs des auteurs.
Graphique 5

taux de croissance du PIB américain - cycles

figure im27
6
4
2
0
- 2
- 4
- 6
1958 1962 1966 1970 1974 1978 1982 1986 1990 1994 1998 2002 2006
Cycle HP Cycle BK Cycle ondelettes

taux de croissance du PIB américain - cycles

FMI, EcoWin, calculs des auteurs.
Graphique 6

taux de croissance du PIB américain - spectres

figure im28
20
18
16
14
12
10
8
6
4
2
0
0,00 0,05 0,10 0,14 0,19 0,24 0,29 0,33 0,38 0,43 0,47
Cycle HP Cycle BK Cycle ondelettes

taux de croissance du PIB américain - spectres

Lecture : les courbes représentent les densités spectrales des composantes cycliques du taux de croissance trimestrielle du PIB, cf. note de lecture du graphique 3.
FMI, EcoWin, calculs des auteurs.

52 Pour montrer l’apport des ondelettes par rapport aux deux autres méthodes, nous nous intéressons à la stabilité du cycle économique durant la période 1958-2008. Nous considérons le cycle extrait à partir du taux de croissance du PIB. Le choix du taux de croissance du PIB plutôt que du PIB en niveau est exposé au dernier point de l’analyse des résultats des simulations - cf. supra.

53 Dans la décomposition de la variance, l’ensemble des trois détails , Det Dreprésente 68% de la variance de la série. Du fait de l’instabilité de la série le long de l’axe temporel, nous avons détaillé notre analyse dans les modifications de variabilité des détails associés à la bande de fréquences du cycle des affaires.

54 Nous appliquons la méthode de Bai et Perron (2003) sur D, Det D, c’est-à-dire les composantes du cycle estimé à l’aide des ondelettes. Les résultats sont présentés dans le tableau 4 et illustrés par les graphiques 7.

55 Nous constatons l’existence de plusieurs changements d’ampleurs différentes.

56 Les chocs survenus dans le début des années 1960 affectent essentiellement D(1960T4) et D3 (1961T3), c’est-à-dire les composantes de périodes comprises respectivement entre 4 trimestres et 8 trimestres (D2) et celles comprises entre 8 trimestres et 16 trimestres (D3). Le début des années 1960 est une période mouvementée de l’histoire de l’économie américaine. Après la disparition de Kennedy (élu en 1960 et décédé en 1963), l’administration du président Johnson a largement poursuivi les politiques keynésiennes de son prédécesseur. Ces politiques ont été couronnées de succès, comme en témoigne la croissance de la productivité, avec une inflation bien maîtrisée durant toute la première moitié des années 1960 (voir par exemple l’analyse d’Ahamada et Ben Aissa, 2005). Il a fallu attendre l’année 1966, suite aux contraintes importantes sur les ressources causées en partie par la guerre du Vietnam, pour ressentir des premiers signaux d’alerte à travers l’augmentation des taux d’intérêt et le retour d’une inflation galopante. Les résultats du tableau 4 incitent donc à penser que les politiques économiques entreprises au début des années 1960 par le président Kennedy et poursuivies ensuite par Johnson ont eu des effets étendus sur près de 16 trimestres (choc sur la composante Den 1961T3).

Tableau 4

dates de rupture et écarts types dans chaque sous-période

D2
?2k
D3
?3k
D4
?4k
figure im29

dates de rupture et écarts types dans chaque sous-période

Lecture : dans le tableau 4, nous avons pour les trois niveaux de détails D, D3, Dles résultats suivants : une première ligne présente la “rupture dates” obtenue par le test de Bai et Perron ; une deuxième ligne donne les écarts types calculés entre les dates de rupture ainsi que les erreurs estimées, entre parenthèses.
FMI, EcoWin, calculs des auteurs.
Graphiques 7

taux de croissance du PIB américain - ruptures en D2, D3, D4

figure im30
D2
2,0
1,5
1,0
0,5
0,0
- 0,5
- 1,0
- 1,5
- 2,0
- 2,5
1958 1962 1966 1970 1974 1978 1982 1986 1990 1994 1998 2002 2006
D3
3
2
1
0
- 1
- 2
- 3
- 4
- 5
1958 1962 1966 1970 1974 1978 1982 1986 1990 1994 1998 2002 2006
D4
3
2
1
0
- 1
- 2
- 3
1958 1962 1966 1970 1974 1978 1982 1986 1990 1994 1998 2002 2006

taux de croissance du PIB américain - ruptures en D2, D3, D4

Lecture : le graphique 7 représente l’évolution dans le temps des détails D, D, Davec des barres verticales aux dates données dans le tableau 4.
FMI, EcoWin, calculs des auteurs.

57 Les chocs des années 1970 ont été d’ampleur relativement plus importante que ceux des années 1960 puisqu’ils affectent non seulement la composante D(1973T1 et 1975T4) mais aussi les composantes de longue période capturées dans D4 (1971 T4 et 1979 T3), i.e. les composantes cycliques de périodicité comprise entre 16 et 32 trimestres. Les conséquences des chocs survenus autour de 1971T4 et 1979T3 se sont donc étendues sur des périodes relativement longues. En août 1971 le président Nixon annonça des mesures très importantes destinées à contrôler les prix et les salaires. Certains auteurs tels que Blinder (1979) et Brown (1985) associeront ces mesures à des fins électorales, Nixon se présentant à sa réélection en novembre 1972. Quant aux modifications constatées dans les années 1973, 1975 et 1979 on peut les lier aux chocs pétroliers. 1973 correspond au premier choc pétrolier, dû aux conséquences de la guerre du Kippour. En 1979, la révolution iranienne perturba les approvisionnements occidentaux provenant du Golfe arabo-persique (deuxième choc pétrolier). À partir de 1979 l’administration, avec Volckler prenant la direction de la banque fédérale, amorça une politique de désinflation étendue sur le long terme, puisque l’inflation, de 12,8% en 1979, chuta à 12,5% en 1980, à 9,6 % en 1981 et à 4,5% en 1982.

58 Les résultats du tableau 4 montrent aussi des ruptures survenues au début des années 1980 au niveau D2 (1980T3 et 1983T1). Ces dates correspondent aux grandes réductions d’impôts proposées par le président Reagan, arrivé au pouvoir en novembre 1980.

59 Parmi les résultats les plus importants présentés dans le tableau 4, c’est sans doute la rupture de 1985T1 qui est la plus marquante. Le milieu des années 1980 est largement évoqué dans la littérature. C’est une période communément désignée comme des années de grande modération, dans le sens où les variables macroéconomiques majeures des pays du G7 telles que le PIB, la production industrielle, le taux de chômage, etc. ont vu leur volatilité fortement chuter. Dans le cas américain, c’est sans doute Kim et Nelson (1999) et McConnell et alii (2000) qui ont de manière indépendante identifié ce phénomène en retenant la date de 1984 comme date de rupture. Stock et Waston (2005) ont montré que les variances des taux de croissance des pays du G7 avaient chuté dans des proportions considérables (de 50% à 80%) à partir du milieu des années 1980. Ces auteurs ont conclu aussi que les chocs sur le PIB étaient devenus très persistants à partir de cette période. L’ampleur de ce phénomène les a conduits à la question suivante : le cycle économique a-t-il été modifié ? La date de 1985T1 retenue dans le tableau 4 confirme de manière plus fine les résultats de ces auteurs. Les variances de D, Det sont plus faibles durant les années 1985-2008. Cette chute s’accompagne d’une modification de la composition de la variance du taux de croissance. En effet, après 1985T1, c’est la composante de plus long terme (D4) qui devient dominante. Ce résultat conforte l’idée d’une modification des caractéristiques du cycle économique soutenue par Stock et Waston (2005). La dominance de Ddès le milieu des années 1980 signifie que les périodes cycliques se sont étendues (entre 16 et 32 trimestres). L’explication de la grande modération demeure nuancée. Si Stock et Watson (2005) soutiennent l’idée de changements d’amplitudes dans les chocs exogènes, Ahmed et alii (2004) mettent en avant l’amélioration de la politique monétaire, des meilleures procédures de gestion et des réductions fortuites des perturbations exogènes. Pour d’autres, par exemple Giannone et alii (2008) il s’agit plutôt d’un changement des mécanismes de propagation des chocs exogènes. Cette analyse se fonde sur des données observées jusqu’en 2008 sans préjuger des évolutions futures.

Conclusion

60 Dans cet article, nous avons comparé les filtres traditionnels de Hodrick-Prescott et Baxter-King avec une approche de filtrage fondée sur les propriétés multirésolution des ondelettes.

61 Les résultats montrent que l’efficacité du filtre augmente avec la prédominance de la composante cyclique sur la tendance stochastique. Les filtres sont plus efficaces quand ils s’appliquent à des données caractérisées par une faible tendance. Avec un taux tendanciel inexistant, le taux de croissance du PIB américain est donc plus approprié à l’étude du cycle économique que le PIB en niveau. Le filtre de Hodrick-Prescott est plus efficace que les deux autres si la composante cyclique est concentrée dans les basses fréquences. Toutefois, les trois filtres sont d’une efficacité comparable lorsque la composante cyclique se situe dans la bande de fréquences comprises entre 6 et 32 trimestres.

62 Le filtre à ondelettes et celui de Baxter-King donnent des résultats très semblables.

63 Notre étude ne considère pas le cas où la composante cyclique est caractérisée par un phénomène de mémoire longue. Cette piste demeure à explorer.

64 La contribution importante des ondelettes par rapport aux deux autres filtres réside dans une approche simultanée temps-fréquence des données. Tout changement dans la composante cyclique d’une série est capturé par le filtre à ondelettes tandis que les deux autres filtres extraient des cycles supposés stables au fil du temps.

65 À travers l’exemple du PIB américain, nous montrons que le filtrage fondé sur les ondelettes est plus puissant, car il permet des analyses supplémentaires : étude des propriétés des cycles au fil du temps et description des changements dans le cycle économique au cours des dernières années, compatible avec l’analyse de la grande modération.

Bibliographie

Bibliographie

  • Ahamada I. et Ben Aissa M.S. (2005). “Changements structurels dans la dynamique de l’inflation aux États-Unis, deux approches non paramétriques”, Annales d’Économie et Statistique, n°77, pp. 187-199.
  • Ahmed S., Levin A. et Wilson B.A. (2004). “Recent U.S. Macroeconomic Stability : Good Policies, Good Practices, or Good Luck ?”, The Review of Economics and Statistics, vol. 86, n° 3, pp. 824-832.
  • Bai J. et Perron P. (2003). “Computation and Analysis of Multiple Structural Change Models”, Journal of Applied Econometrics, vol.18, n° 1, pp. 1-22.
  • Baxter M. et King R.G. (1995). “Measuring Business-Cycles : Approximate Band-Pass Filters for Economic Time Series”. Working Paper n° 5022. National Bureau of Economic Research.
  • Blinder A.S. (1979). Economic Policy and the Great Stagflation, Academic Press, London.
  • Brown A.J. et Darby J. (1985). World Inflation Since 1950 : An international Comparative Study, Cambridge U. P. NIESR.
  • Burns A.M. et Mitchell W.C. (1946). Measuring Business-Cycles. New York : National Bureau of Economic Research.
  • Cogley T. et Nason J. (1995). “Effects of the Hodrick-Prescott Filter on Trend and Difference Stationary Time Series : Implications for Business-Cycle Research”, Journal of Economic Dynamics and Control, vol. 19, n° 1-2, pp. 253-278.
  • Crowley P. (2005). “An Intuitive Guide to Wavelets for Economists”, Bank of Finland Research Discussion Papers.
  • Giannone D., Lenza M. et Reichlin L. (2008). “Explaining the Great Moderation : It is not the Shocks”, European Central Bank, Working Paper n° 865.
  • Granger C.W.J. (1966). “The Typical Spectral Shape of an Economic Variable”, Econometrica, vol. 37, n°3, pp. 424-438.
  • Guay A. et St-Amant P. (2005). “Do the Hodrick-Prescott and Baxter-King Filters Provide a Good Approximation of Business Cycles”, Annales d’Économie et de Statistique, n°77, pp. 133-155.
  • Harvey A.C. et Jaeger A. (1993). “Detrending, Stylized Facts and the Business-Cycle”, Journal of Applied Econometrics, vol.8, n° 3, pp. 231-247.
  • Hodrick R.J. et Prescott E. (1997). “Post-War U.S. Business Cycles : An Empirical Investigation. Journal of Money”, Credit and Banking, vol. 29, n° 1, pp. 1-16.
  • Kim C.-J. et Nelson R.N. (1999). “Has the U.S. Economy Become More Stable ? A Bayesian Approach Based on a Markov-Switching Model of the Business Cycle”, The Review of Economics and Statistics, vol. 81, n° 4, pp. 608- 616.
  • King R.G. et Rebelo S. (1993). “Low Frequency Filtering and Real Business-Cycles”. Journal of Economic Dynamics and Control, vol. 17, n° 1-2, pp. 207-231.
  • McConnell M.M. et Perez-Quiros G. (2000). “Output Fluctuations in the United States : What has Changed Since the Early 1980’s”, American Economic Review, vol. 90, n°5, pp. 1464 -1476.
  • Percival D. et Walden A. (2000). Wavelet Methods for Time Series Analysis. Cambridge University Press, UK.
  • Singleton K. (1988). “Econometric Issues in the Analysis of Equilibrium Business-Cycle Models”, Journal of Monetary Economics, vol. 21, n°2-3, pp. 361-386.
  • Stock J.U. et Watson M.W. (2005). “Understanding Changes in International Business Cycle Dynamics”, Journal of the European Economic Association, vol.3, n°5, pp. 968-1006.
  • Whitcher B. (2004). “Wavelet-Based Estimation for Seasonal Long-Memory Processes”. Technometrics, vol. 46, n°2, pp. 225-237.
  • Whitcher B. et Jensen M.J. (2000). “Wavelet Estimation of a Local Long Memory Parameter”, Exploration Geophysics, vol. 31, n°1-2, pp. 94-103
  • Yogo M. (2008). “Measuring Business Cycles : a Wavelet Analysis of Economic Time Series”, Economics Letters, vol. 100, n° 2, pp. 208-212.

Mots-clés éditeurs : rupture, ondelettes, simulation Monte-Carlo, cycle économique, filtre de Hodrick et Prescott, filtre de Baxter et King

Mise en ligne 01/10/2012

https://doi.org/10.3917/ecop.195.0149

Notes

  • [*]
    Centre d’Économie de la Sorbonne, Université Paris 1, Panthéon-Sorbonne. E-mail : ahamada@univ-paris1.fr E-mail : philippe.jolivaldt@univ-paris1.fr
  • [1]
    Voir Crowley (2005) pour plus de détails intuitifs.
  • [2]
    Les résultats obtenus par simulation lorsqu’on enlève la composante Dsont nettement moins performants que dans le cas où elle est prise en compte.
  • [3]
    Naturellement le PGD (8) est répliqué après les PGD (9) et (12).
  • [4]
    L’ensemble des résultats a été obtenu en utilisant des programmes construits avec le logiciel Gauss.
  • [5]
    La décomposition provient de l’orthogonalité de la base d’ondelettes.
  • [6]
    Source EcoWin IMF ifs : s11199bvrzfq United States, National accounts or population, GDP vol. (2000=100), BY=2000, SA.
bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.14.89

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions