Notes
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[*]
CER-ETH à ETHZ, Swiss Federal Institute of Technology Zürich, et Lerna à TSE, Toulouse School of Economics.
E-mail : jdaubanes@ ethz. ch -
[**]
Arqade à TSE, Toulouse School of Economics.
E-mail : ruxanda. berlinschi@ gmail. com -
[1]
Source : Energy Information Administration (EIA).
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[2]
Source : Oil & Gas Journal et Banque Mondiale.
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[3]
Source : Banque Mondiale.
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[4]
Nous nous référons à l’étude de cas convaincante sur le Nigéria de Sala-i-Martin et Subramanian (2003).
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[5]
À propos de cet aspect distributionnel, nous nous référons à Dasgupta et Heal (1979), Sinn (1982 et 2008) et Gaudet et Lasserre (1990).
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[6]
Nous notons X? (t) la dérivée d’une variable X par rapport au temps t et gx son taux de croissance.
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[7]
Cette absence de migration implique que le travail est un facteur de production fixe.
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[8]
Nos résultats sont robustes à l’introduction d’un pouvoir de marché du secteur de l’extraction. En effet, la quantité totale de ressource consommée à l’équilibre est contrainte par la finitude du stock de ressource ; cette inélasticité limite substantiellement l’exercice du pouvoir de marché. Voir Stiglitz (1976) à ce propos.
-
[9]
Cette hypothèse n’est pas restrictive. Nous pourrions vérifier que les taxes choisies par les gouvernements sont effectivement constantes. En effet, sous nos hypothèses, des taxes ad valorem constantes ne distordent pas le sentier d’extraction. En absence de pollution, les gouvernements n’ont aucun intérêt à introduire une taxe variable qui le distordrait. Voir Dasgupta, Heal et Stiglitz (1981) à ce propos.
-
[10]
Cette hypothèse a pour but de simplifier l’analyse et n’est pas restrictive. Nous pourrions démontrer que le montant d’aide choisi par le Nord évolue au même taux de croissance que son revenu total.
-
[11]
Cette hypothèse vise à simplifier les développements mathématiques. Nos résultats sont robustes à une hypothèse alternative sur les dettes initiales.
-
[12]
Techniquement, cette propriété de l’équilibre simplifie considérablement l’analyse.
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[13]
Dans un modèle à plus que deux pays, cet effet serait d’autant plus marginal que le nombre de pays serait élevé.
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[14]
Source : European Environment Agency (EEA).
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[15]
Source : International Energy Agency (IEA).
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[16]
Opep (2008).
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[17]
Source : Energy Information Administration (EIA).
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[18]
Ce calcul suppose que la part du pétrole nigérian dans la consommation du G7 est la part du pétrole nigérian dans la production mondiale.
-
[19]
Source : OCDE.
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[20]
Nous nous référons à Amundsen et Schöb (1999) pour le cas d’un flux de pollution locale.
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[21]
D’autres motivations non altruistes, comme les intérêts politiques et économiques des donneurs, peuvent être suggérées (Alesina et Dollar, 2000 ; Berthelemy, 2006). L’introduction de ce genre de motivations n’affecterait ni notre analyse, ni notre argument.
1 Il existe deux gigantesques transferts de sens contraires entre les pays développés, grands consommateurs de pétrole, et les pays pauvres qui produisent cette ressource. D’une part, la très forte taxation des produits pétroliers dans les pays développés est principalement supportée par les pays producteurs de pétrole, ainsi expropriés d’une partie substantielle de leur rente. D’autre part, les pays pétroliers les plus pauvres reçoivent de l’aide internationale des pays développés. Il semble alors que ces derniers reprennent d’une main, par les taxes, ce qu’ils donnent de l’autre, en aide au développement.
2 En réalité, ces transferts ne concernent pas les mêmes agents des pays pétroliers. La rente pétrolière étant typiquement accaparée par une élite proche du pouvoir, deux populations très hétérogènes cohabitent dans ces pays. De puissants rentiers, expropriés d’une partie de la rente pétrolière par la taxation des pays riches, cohabitent avec un large groupe de travailleurs pauvres, bénéficiaires de l’aide internationale. Il reste néanmoins que le transit de la rente pétrolière par les finances publiques des pays développés est un vrai problème économique. En effet, la forte taxation des produits pétroliers dans les pays développés et les inefficiences institutionnelles relatives à ces transferts causent des distorsions qu’il s’agit de comprendre et de corriger. Aussi, ce double transfert suggère une interférence entre les politiques d’aide et les politiques fiscales des pays du Nord. Quel est la cause de cette interférence ? Quel en est le prix ? Comment ces politiques peuvent-elles être coordonnées pour aider plus efficacement les populations pauvres qui vivent dans les pays producteurs de pétrole ?
3 Cet article formalise les relations entre les pays riches, consommateurs de pétrole, et les pays pauvres, producteurs de cette ressource. Pour ce faire, un modèle standard d’extraction d’une ressource non renouvelable, où la ressource est un facteur de production, est complété pour tenir compte des hétérogénéités inter- et intra-nationales relatives à la dotation en ressource et à la productivité des travailleurs. Ainsi, le Nord représente la région relativement productive, mais pauvre en pétrole, et le Sud comprend deux classes : des rentiers, possédant la ressource minière et des travailleurs relativement peu productifs. Pour justifier le transfert d’aide internationale, le Nord est supposé altruiste envers les pauvres du Sud. Enfin, un gouvernement représente les agents du Nord et le gouvernement du Sud représente seulement l’élite des rentiers. Ces deux institutions peuvent taxer l’usage domestique de la ressource et transférer de l’aide aux travailleurs du Sud.
4 Ce modèle théorique permet d’identifier les conditions des deux transferts de sens contraires observés ainsi que les inefficiences économiques qu’ils impliquent. Premièrement, quand les deux régions ne coordonnent pas leurs politiques de taxation et d’aide, le Sud ne taxe pas l’usage domestique de la ressource, alors que le Nord choisit toujours un taux de taxe positif. Par la taxation, le Sud capturerait ses propres rentes. Pour le Nord, c’est un moyen d’accroître ses revenus publics. En effet, la taxation des ressources non renouvelables a de forts effets distributionnels. Ces effets sont principalement dus au caractère épuisable de la ressource et à l’inélasticité de l’offre qu’il implique. Deuxièmement, le Sud ne redistribue pas ses rentes alors que le Nord, s’il est suffisamment altruiste, transfère de l’aide au développement.
5 Le modèle reproduit donc les deux transferts observés entre le Nord et le Sud : les rentes du Sud sont partiellement capturées par les revenus fiscaux du Nord qui, simultanément, transfère de l’aide internationale. De plus, l’analyse suggère que l’extraction de rente par la taxation se fait au prix de l’inefficience de l’allocation internationale du pétrole. En effet, la taxation élevée du Nord relativement à celle du Sud implique que les prix de la ressource diffèrent selon les régions. Alors, la ressource n’est pas utilisée là où elle est le plus productive.
6 Cette étude théorique permet finalement d’imaginer une solution contractuelle à ce problème économique. On peut argumenter qu’un contrat, proposé par le Nord au gouvernement du Sud et stipulant une baisse de la taxe du Nord conditionnelle à une redistribution des rentes pétrolières dans le Sud, améliorerait la situation actuelle. Une baisse de la taxe du Nord générerait un accroissement des revenus du pétrole ; ces revenus supplémentaires pourraient être redistribués aux pauvres du Sud. Ce partage de la rente se substituerait en partie à l’aide versée par le Nord, qui pourrait éviter les inefficiences engendrées par sa taxation, tout en redistribuant comme il le souhaite. En d’autres termes, la coordination des politiques fiscales et d’aide au développement permettrait d’aider plus efficacement les populations pauvres qui vivent dans les pays producteurs de pétrole.
7 L’article présente un certain nombre de chiffres et de statistiques illustrant l’importance des deux transferts étudiés et l’ampleur des distorsions qu’ils impliquent. L’analyse et la proposition théoriques sont aussi complétées par une large discussion méthodologique et pratique. Il s’agit de tenir compte des éléments que l’analyse ne comprend pas et qu’il importe d’étudier davantage pour évaluer les bénéfices de notre proposition. Notamment, les inefficiences associées aux transferts institutionnels, les préoccupations environnementales, la nécessité de coordination des donneurs, les problèmes relatifs au ciblage des bénéficiaires et l’exigence de visibilité des transferts sont évoqués.
8 Une caractéristique bien connue de l’équilibre de marché en présence d’un secteur exploitant une ressource non renouvelable est l’existence d’une rente pure. Le caractère épuisable d’une telle ressource implique que le revenu marginal de son extraction excède son coût marginal et que le profit marginal ainsi généré s’accroît avec l’épuisement. Cette rente de rareté, pouvant être récupérée par une taxe sur sa consommation sans en distordre le sentier d’extraction, s’avère être une cible fiscale très attrayante.
9 Si l’argument écologique est souvent avancé, la motivation budgétaire explique en grande partie le niveau élevé des taxes sur les produits pétroliers dans les pays développés, grands consommateurs de pétrole. En effet, ces taxes constituent une partie considérable des recettes fiscales des pays industrialisés. Quoiqu’il en soit, ces taxes ont de forts effets distributionnels : elles sont principalement supportées par les pays producteurs de pétrole dont une partie de la rente est capturée par les revenus fiscaux des pays consommateurs.
10 Les bénéficiaires de ces politiques sont donc les pays développés, principaux consommateurs de pétrole – l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) représente 60% de la consommation de cette ressource [1]– aux dépens des pays producteurs de pétrole. Il s’avère que la plupart de ces derniers sont relativement pauvres. En effet, le revenu brut annuel par habitant dans les 19 pays les plus dotés en pétrole par habitant (ces pays représentant plus de 80% des réserves actuelles) était inférieur à 6000 dollars en 2005, soit six fois plus faible que celui de la France [2]. Parmi ces pays, certains sont particulièrement pauvres : le Nigéria avec un revenu brut national par habitant de 620 dollars en 2005, l’Equateur avec 2700 dollars, le Venezuela avec 4950 dollars, l’Algérie avec 2720 dollars ou encore l’Iran avec 2570 dollars [3]. Dans ces derniers pays, tous membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), une partie importante de la population vit sous le seuil de pauvreté. Pour améliorer leur situation, les pays les plus développés leur transfèrent des millions de dollars d’aide internationale chaque année.
11 Finalement, il existe deux transferts substantiels de sens contraires entre ces pays pauvres, producteurs de pétrole, et les pays développés, consommateurs de cette ressource. Il semble alors que ces derniers reprennent d’une main, par les taxes, ce qu’ils donnent de l’autre, en aide au développement.
12 En réalité, ces transferts ne concernent pas les mêmes agents des pays pétroliers. La rente pétrolière étant typiquement accaparée par une élite proche du pouvoir, deux populations très hétérogènes cohabitent dans ces pays. Les grands bouleversements de la distribution des revenus, aujourd’hui bimodale, qui suivirent la découverte du pétrole dans ces pays en témoignent [4]. De puissants rentiers, expropriés d’une partie de la rente pétrolière par la taxation des pays riches, cohabitent avec un large groupe de travailleurs pauvres, bénéficiaires de l’aide internationale. Il reste néanmoins que le transit de la rente pétrolière par les finances publiques des pays développés est un vrai problème économique. En effet, la forte taxation des produits pétroliers dans les pays développés et les inefficiences institutionnelles relatives à ces transferts causent des distorsions qu’il s’agit de comprendre et de corriger. Aussi, ce double transfert suggère une interférence entre les politiques d’aide et les politiques fiscales des pays du Nord. Quel est la cause de cette interférence ? Quel en est le prix ? Comment coordonner ces politiques pour aider plus efficacement les pays pauvres concernés ?
13 L’objectif de cet article est de formaliser les relations entre les pays riches, consommateurs de pétrole, et les pays pauvres, producteurs de cette ressource. Ceci permettra d’examiner théoriquement les conditions de ce double transfert, d’en identifier les inefficacités potentielles et de proposer des solutions économiques pour améliorer l’efficience des échanges entre le Nord et le Sud.
14 La littérature en économie des ressources naturelles s’est intéressée aux implications de l’aspect distributionnel des taxes sur les ressources non renouvelables [5]. En particulier, Bergstrom (1982) a d’abord étudié les incitations des pays importateurs d’une telle ressource à utiliser une taxe sur son usage. Cette taxe leur permet de capturer une partie de la rente d’exploitation de la ressource. Si les pays importateurs se coordonnaient, ils pourraient même s’approprier la totalité de cette rente. Brander et Djajic (1983) proposent un modèle étudiant les choix optimaux de deux planificateurs sociaux locaux, l’un représentant un pays doté d’un stock de ressource et l’autre un pays la consommant. Les auteurs montrent que le pays importateur bénéficie de la taxation parce qu’elle extrait la rente d’exploitation. Mais ils soulignent que ce dernier est contraint par la menace du pays producteur d’utiliser lui-même la ressource. À l’équilibre, ce pays choisit toutefois un taux de taxe local plus élevé que celui de l’exportateur. Daubanes et Grimaud (2009) utilisent un modèle d’équilibre général décentralisé dynamique à deux pays où une ressource non renouvelable polluante est entièrement possédée par un pays et consommée par les deux pays. Le stock mondial de pollution est alimenté par l’utilisation de la ressource dans les deux pays. Ils montrent que le pays importateur de ressource est limité dans son extraction de rente par la perte de compétitivité induite par une taxe élevée. Ils montrent également que l’incitation du pays importateur de ressource à choisir une taxe plus élevée est robuste à la prise en compte du rôle environnemental des taxes locales. Amundsen et Schöb (1999) montrent que cette incitation est aussi robuste à la présence d’une pollution locale. Leur modèle multi-pays souligne que la possibilité de capturer de la rente repose sur la capacité de coordination des pays dans le cas où ils sont suffisamment petits.
15 Ces modèles supposent une hétérogénéité internationale des dotations en pétrole. En plus de cela, nous considérons ici l’hétérogénéité intra-nationale des dotations (rentiers versus travailleurs pauvres) et un mécanisme de redistribution internationale (aide étrangère). Cette aide est formalisée de manière simple, à la Azam et Laffont (2003) : elle est motivée par l’altruisme du donneur à l’égard de la population pauvre du pays destinataire et consiste en un transfert forfaitaire. Ainsi, nous utilisons un modèle dynamique d’équilibre général à deux pays et trois classes : le Nord, relativement productif, pauvre en pétrole et altruiste, et le Sud, composé des propriétaires de la ressource et de travailleurs relativement peu productifs.
16 La deuxième partie détaille les ingrédients du modèle. La troisième partie examine les choix stratégiques de taxation du pétrole et d’aide étrangère. Les résultats théoriques y sont illustrés à l’aide de données chiffrées. La quatrième partie analyse les inefficiences associées au double transfert entre les deux pays. Nous évoquons alors une possible issue au problème : un contrat entre pays donneurs et pays producteurs portant sur le partage de la rente entre les trois groupes à travers des choix plus efficaces de taxation et de transferts.
Le modèle
Hypothèses
17 À chaque instant t, une quantité Yi (t) de bien de consommation est produite dans le pays i selon la technologie suivante :
18 où Ai (t) est un indice de productivité du travail, Li (t) la quantité de travail employée et Ri (t) le flux de ressource non renouvelable utilisé dans le processus de production.
19 On suppose que l’indice de productivité du travail dans le Sud est une fraction constante de celui du travail dans le Nord. Leur taux de croissance [6]est exogène et constant :
où 1? ? >0 et g A = x , A0 >0 donné.
20 La ressource est extraite sans coût d’un stock initial fini :
21 La population du Nord est constituée de LN agents identiques qui disposent chacun d’une unité de travail. La population du Sud est constituée de deux classes hétérogènes : un groupe de LS travailleurs pauvres qui disposent chacun d’une unité de travail et un groupe de taille normalisée à l’unité de rentiers qui possèdent la totalité du stock de ressource. Ces populations sont supposées immobiles [7].
22 Les consommations des agents du Nord, des pauvres du Sud et des rentiers du Sud sont respectivement notées C N , C SP et C SR . Les préférences des agents représentatifs de ces trois groupes sont représentées par les fonctions d’utilité :
(4) U N = ?0 [LN ln (C N / LN)
+?LS ln (C SP / LS)] e ??t dt
?
(5) U SP = ?0 [LS ln (C SP / LS)] e??t dt
?
(6) U SR = ?0 [ln (C SR)] e??t dt
23 où 0< ?<1est le taux de préférence pour le présent et 0 ? ?<1 est le taux d’altruisme des agents du Nord pour les travailleurs pauvres du Sud.
24 La contrainte mondiale saturée d’utilisation du bien final est :
25 Les marchés mondiaux du bien de consommation, de la ressource, et des actifs financiers, ainsi que les marchés locaux du travail sont supposés parfaitement concurrentiels [8]. On normalise le prix du bien de consommation à 1, et on note respectivement p (t), r (t), w N (t) et wS (t) le prix mondial de la ressource, le taux d’intérêt et les salaires au Nord et au Sud à l’instant t.
26 Le gouvernement du Nord représente les ménages du Nord alors que celui du Sud représente seulement l’élite qu’est le groupe des pétroliers. Ces gouvernements sont localement sociaux et utilitaristes dans le sens où ils visent à maximiser l’utilité inter-temporelle des groupes qu’ils représentent.
27 Nous supposons que les autorités des deux pays peuvent imposer des taxes ad valorem sur l’utilisation locale de la ressource. Ces taux de taxes sont notés ? i > ?1, i = N , S . Par souci de simplicité, ces taxes sont supposées constantes [9]. Ainsi, le prix de la ressource à la date t est égal à (? N +1) p (t) au Nord et (? S +1) p (t) au Sud. Les recettes fiscales ? N p (t) R N (t) et ? S p (t) RS (t) sont respectivement redistribuées aux ménages du Nord et à l’élite pétrolière de manière forfaitaire.
28 Nous supposons finalement que le gouvernement du Nord a la possibilité d’accorder un transfert forfaitaire F (t) ? 0 d’aide internationale aux travailleurs pauvres du Sud. Ce montant est une fraction constante du revenu national du Nord [10].
29 Dans le choix stratégique de leurs instruments, les deux gouvernements anticipent les décisions décentralisées des autres agents. Alors, la résolution de l’allocation d’équilibre consiste en deux étapes. En premier lieu, nous déterminons l’équilibre général concurrentiel pour des valeurs données des instruments de taxation et d’aide. En second lieu, nous déterminons les choix des instruments par chaque gouvernement, la stratégie de l’autre étant donnée, et l’équilibre concurrentiel se réalisant.
Équilibre décentralisé
30 Les entreprises du secteur final de chaque pays maximisent leurs profits instantanés respectifs,
31 par rapport à la quantité de travail Li et de ressource Ri .
32 À l’équilibre concurrentiel, les entreprises égalisent les prix des facteurs et leurs productivités marginales :
(9) (1??) (Yi / Li) = wi , i = N , S
33 Il est important de remarquer qu’une condition nécessaire de l’optimum global est l’égalité des taux de taxe sur la ressource dans les deux pays, ? N =? S . En effet, si ces taux de taxes ne sont pas égalisés, les prix finaux de la ressource et donc les productivités marginales de cet input diffèrent selon les pays. L’égalité des productivités marginales étant une condition nécessaire de l’efficience de l’allocation de la ressource entre les deux pays, leur différence implique que la production mondiale de bien final n’est pas maximale.
34 Le secteur d’extraction maximise ses profits
?t p (t) R (t) e??tr (u) duds
35 par rapport à la quantité de ressource extraite R (t) à chaque date, sous la contrainte d’épuisement (3). La ressource est donc gérée comme un actif et son extraction obéit à la règle classique d’Hotelling :
36 Les contraintes budgétaires instantanées des agents représentatifs du Nord, des travailleurs pauvres du Sud et des pétroliers sont respectivement :
LN LN N LN LN LN
(12) CSP + B?SP = w + rBSP + F
LS LS S LS LS
(13) C SR + B?SR = p (R N + RS) + rB N + ? S p RS
37 où Bi est le stock d’actifs financiers du groupe i. Dans ces équations, il apparaît que les recettes fiscales collectées sur l’utilisation de la ressource dans le Nord et dans le Sud sont respectivement utilisées par les travailleurs du Nord et par les rentiers du Sud, que ces derniers jouissent des profits de l’extraction et que l’aide internationale est transférée du Nord vers les pauvres du Sud.
38 Les agents maximisent leur utilité U i , i = N , SP , SR, sous leur contrainte budgétaire respective et sous la condition d’impossibilité de jeu à la Ponzi :
(14) lim t ? ? Bi (t) e ? ?0 r (s) ds =0, i = N , SP, SR
39 Les conditions de premier ordre du programme de maximisation des ménages impliquent les conditions classiques de Ramsey-Keynes :
40 La condition d’équilibre du marché financier à la date 0 s’écrit B N (0) + BSP (0) + BSR (0) =0. La dette initiale de chaque groupe envers les autres étant une hypothèse arbitraire sur les dotations initiales, nous la supposons nulle par simplicité [11] : B N (0) = B SP (0) = BSR (0) =0.
41 Les valeurs de toutes les variables, les instruments de taxation et d’aide étant donnés, sont calculées dans l’appendice.
42 Les productions et les consommations d’équilibre sont calculées dans l’appendice. La proposition suivante en donne les propriétés principales.
Proposition 1 :
43 À l’équilibre, les trois propriétés suivantes sont vérifiées :
- les productions nationales Y N et Y S , ainsi que les niveaux de consommation C N , C SP et C SR croissent au même taux g = (1??) g A ??? ;
- le ratio des productions nationales Y N / YS est une fonction décroissante du ratio des taxes sur la ressource (? N +1) / (? S +1) ;
- à productions nationales YN et YS données, la consommation des agents du Nord C N croît avec ? N et la consommation des rentiers du Sud C SR décroît avec ? N , ce taux n’affectant pas la consommation des travailleurs pauvres du Sud C SP .
Preuve : voir l’appendice.
45 En l’absence de biais du sentier d’extraction de la ressource, son épuisement est régulier. Nous montrons dans l’appendice que le taux de croissance du taux d’extraction est constant : g R = ??. Dès lors, l’économie est sur un sentier de croissance régulière sur tout l’horizon temporel [12].
46 Les taux des taxes sur l’utilisation de la ressource dans les deux pays affectent leur compétitivité relative. Ces taux n’affectent pas la quantité de ressource extraite à chaque date t : R (t) = Q 0?e ??t . Ils affectent en revanche les prix finaux de la ressource dans les deux pays et donc la répartition à l’équilibre du pétrole entre ces pays. L’expression des fonctions de production (1) et des conditions du premier ordre (9) impliquent que cette répartition est donnée par :
R N = LN ?? ? S +1 ??1 ? ? , où R (t) + R (t) = R (t)
RS ?LS ?? ? N +1?? N S
47 Ainsi, la quantité de pétrole utilisée dans le Nord, R N , est décroissante en ? N et croissante en ? S . L’inverse est vrai pour RS . La ressource étant le seul input mobile internationalement de notre modèle, l’effet de cette répartition du pétrole sur les niveaux de production nationaux est immédiat. Un accroissement du taux ? N réduit Y N au profit de Y S et inversement pour ? S . Cet effet n’est dû qu’aux changements de prix de la ressource dans un pays relativement à l’autre. Alors, les quantités de ressource utilisées dans chaque pays et les productions nationales ne dépendent que du ratio
?? ?S +1 ??
48 Ces variations des produits nationaux occasionnées par celles des taux de taxes affectent les revenus des travailleurs. En effet, les conditions (9) impliquent que les revenus du travail dans les deux pays sont respectivement :
49 c’est-à-dire qu’ils sont des fractions constantes des revenus nationaux.
50 En outre, les niveaux de consommation des différents groupes sont affectés par les taxes par un autre canal. A productions Y N et Y S données, la taxe sur l’utilisation du pétrole dans le Nord ? N accroît les revenus non salariaux des résidents du Nord aux dépens des propriétaires de la ressource. En effet, la rémunération totale de la ressource par le secteur final du Nord,
51 est composée d’une rente des propriétaires de la ressource,
N ?N +1
? pR =?YN?N
N N ?N +1
52 A production YN donnée, une augmentation de la taxe pétrolière dans le Nord laisse la rémunération totale inchangée mais réduit la rente des pétroliers au profit des revenus fiscaux du Nord, qui augmentent du même montant. En utilisant les conditions (8) et les expressions des productions données dans l’appendice (preuve de la Proposition 2), nous pouvons montrer que le prix net (prix producteur) de la ressource est :
1 ? ?
? A ? L ?L ??
?? 0 ? N + S ?? e??t
???Q0?? (?N+1) 1/ (1??) (?S+1) 1/ (1??) ????
53 Ce prix est donc décroissant avec les niveaux des taxes. Cet effet d’extraction de rente par la taxation est aussi évoqué par Bergstrom (1982) et Brander et Djajic (1983). Sinn (2008) insiste sur le fait que l’effet substantiellement distributionnel des taxes pétrolières est lié à l’inélasticité de l’offre qu’implique le caractère épuisable de la ressource.
54 Qu’en est-il de l’effet distributionnel du taux de taxe sur l’utilisation de la ressource dans le Sud ? À productions données, cette taxe augmente les revenus fiscaux du gouvernement du Sud, ces derniers étant extraits de sa propre rente pétrolière. Cette taxe est donc neutre sur les revenus nets des rentiers.
55 Dans la suite, nous noterons C N (? N , ? S , F), C SP (? N , ? S , F) et C SR (? N , ? S) les consommations d’équilibre des trois groupes en fonction des instruments. Ces fonctions sont calculées dans l’appendice. Le choix des instruments par les autorités est étudié dans la partie suivante.
Taxation et aide
Choix stratégiques
56 Nous étudions les choix stratégiques des deux gouvernements quant aux décisions de taxation et d’aide étrangère. Le gouvernement du Nord choisit le taux de taxe ?N et les transferts d’aide-internationale F qui maximisent l’utilité inter temporelle des agents du Nord. Ce gouvernement prend en compte la réalisation des consommations d’équilibre. Alors son programme est :
max ?N, (F (t)) t?0 ? LN ?ln ?? N N S ??
0 ? ? LN ?
+ ?LS ln ?? C SP (? N , ? S , F) ???? e??t dt
?? LS ???
57 où la stratégie de taxation du Sud est prise comme donnée.
58 Le gouvernement du Sud choisit le taux de taxe ? S qui maximise l’utilité inter- temporelle des rentiers :
max ?S ?0 ln (C SR (? N , ? S)) e ??t dt ,
59 où la stratégie de taxation du Nord est prise comme donnée.
60 Notons ? eN , ? eS et F e les valeurs des instruments à l’équilibre de Nash. Nous caractérisons ces valeurs dans l’appendice. La proposition suivante donne les propriétés principales de cet équilibre.
Proposition 2 :
61 Le gouvernement du Nord taxe le pétrole à un taux strictement positif, alors que celui du Sud ne le taxe pas : ? eN > ? eS =0. Une aide internationale F e strictement positive est distribuée si le Nord est suffisamment altruiste.
Preuve : voir l’appendice.
62 Du point de vue du gouvernement pétrolier du Sud, une taxe sur l’utilisation de la ressource n’a pas d’intérêt. Un tel instrument permettrait en effet de capturer une partie de sa propre rente : elle accroîtrait les revenus fiscaux du gouvernement mais réduirait le prix de la ressource. Plus précisément, ces revenus ne sauraient compenser cette baisse du prix car la taxe accroîtrait la part du pétrole consommée dans le Nord, sur laquelle aucune recette fiscale n’est réalisée. La fonction de meilleure-réponse du gouvernement du Sud est calculée dans l’appendice. Elle est indépendante de la stratégie du Nord ; ne pas taxer le pétrole est donc une stratégie dominante du gouvernement du Sud.
63 A contrario, le gouvernement du Nord bénéficie d’une taxe sur le pétrole élevée car celle-ci augmente ses revenus fiscaux, en capturant une partie de la rente des producteurs de cette ressource. En outre, cette taxe accroît le prix relatif de cet input dans le Nord et réduit ainsi les revenus non fiscaux locaux. Ces effets sont étudiés dans la section précédente. Le premier implique que le Nord a un intérêt à taxer la ressource à un taux positif. Le second limite d’autant plus cet intérêt que le Sud taxe à un taux faible.
64 De plus, la taxe optimale du Nord est croissante en le taux d’altruisme pour les travailleurs du Sud ?. En effet, un accroissement du taux de taxe dans le Nord implique un accroissement de la production et donc des revenus du travail dans le Sud. Dans notre modèle, cette sorte de sacrifice pour les travailleurs du Sud est un argument altruiste supplémentaire en faveur d’une taxe pétrolière élevée dans le Nord. Dans la réalité, une taxe plus élevée dans un pays du Nord réalloue le pétrole vers tous les autres pays et ne bénéficie que marginalement aux populations que ce pays veut aider [13]. La taxe du Nord reste strictement positive si le Nord n’est pas altruiste.
65 Les comportements non coopératifs des gouvernements conduisent donc à des choix de taxes différents au Nord et au Sud. Par conséquent, à l’équilibre, les productivités marginales de la ressource ne sont pas égalisées dans les deux pays. Ceci résulte en une allocation inefficiente du pétrole entre les deux pays, la ressource n’étant pas utilisée par ceux qui la valorisent le plus. D’un point de vue distributionnel, la taxe positive du Nord implique aussi un transfert de rente du Sud vers le Nord.
66 Toutefois, au-delà de sa décision de taxation, le gouvernement du Nord peut choisir de transférer un montant positif d’aide internationale. Il le fait si, en l’absence d’aide, l’utilité marginale du transfert est supérieure à son coût marginal :
C SP (? N , ? S , 0) / LS C N (? N , ? S , 0) / LN
67 Cette condition est vérifiée si les agents du Nord sont suffisamment altruistes, ou si les travailleurs du Sud sont suffisamment pauvres, c’est-à-dire si leur consommation par tête est largement inférieure à la consommation par tête des travailleurs du Nord.
Quelques faits
68 Ce modèle simple représente assez bien les relations actuelles entre les pays industrialisés, importants consommateurs de pétrole, et les pays exportateurs de cette ressource, dans lesquels une large part de la population est très pauvre. L’analyse fait effectivement apparaître les transferts de sens contraires, évoqués en introduction, entre le Nord et le Sud.
69 D’une part, le niveau des taxes sur les produits pétroliers dans les pays développés consommateurs de pétrole est très élevé. En 1999, la proportion moyenne des taxes dans le prix du gazole à la pompe était supérieure à 78% dans l’Union européenne des quinze (UE15). Pour le diesel, cette proportion dépassait 73%. Le taux de taxe sur le prix du pétrole destiné à l’industrie était de 39% [14]. En conséquence de ces taux élevés, la part du revenu des taxes sur les produits énergétiques dans les recettes fiscales des pays industrialisés est substantielle. Au début des années 2000, cette part était de l’ordre de 6% en moyenne dans les pays de l’OCDE et de 6,5% dans l’UE15 [15].
70 Notre analyse souligne que ces taxes sur la consommation sont supportées par les producteurs de la ressource. L’Opep l’a bien compris, qui accuse les seuls membres du G7 de collecter, par la taxation des produits pétroliers, plus de revenus fiscaux que l’Opep ne récolte de revenus bruts du pétrole [16]. Selon les chiffres de l’organisation, ces recettes fiscales s’élevaient à 2585 milliards de dollars contre 2539 milliards de recettes pétrolières sur la période 2003-2007. Ces montants gigantesques, rapportés à la part de chaque pays producteurs dans la production mondiale, restent gigantesques. Dans le cas du Nigéria, qui représente 3% de la production mondiale [17], ces chiffres suggèrent que les seuls membres du G7 ont capturé, par leurs taxes, près d’une quinzaine de milliards de dollars de la rente pétrolière nigériane annuelle, soit plus de 15% du revenu national de ce pays [18]. Les transferts de rente des pays producteurs de pétrole vers les pays développés, induits par les taxes pétrolières, représentent donc des montants considérables.
71 En outre, si les taux de taxe sur les produits pétroliers sont très élevés dans les pays importateurs, ces taux sont très faibles dans les pays producteurs. Cette différence significative est mise en évidence empiriquement par Bacon (2001). Il apparaît aussi que l’écart entre les taux de taxes sur les produits pétroliers dans les pays consommateurs et les pays producteurs de pétrole est d’autant plus grand que l’est l’écart de richesse entre ces pays. Ainsi, ces taux sont très hauts dans les pays riches, pauvres en pétrole, et très bas, dans les pays pauvres riches en pétrole. Parmi ces derniers, certains, comme par exemple le Nigéria, l’Algérie, l’Iran ou encore le Venezuela, subventionnent l’usage de cette ressource. Les transferts de rente dus à la taxation du pétrole sont donc accompagnés d’une large différence des taux de taxes sur les produits pétroliers.
72 D’autre part, l’aide internationale distribuée par les pays industrialisés, dont bénéficient les pays pauvres producteurs de pétrole, représente des montants non négligeables. Ainsi, le Nigéria s’est vu octroyer par les membres du G7 plus de 10 milliards de dollars en 2006, soit plus de 10% de son revenu national. Cette même année, le groupe des pays les plus riches a également distribué 114 millions de dollars à l’Algérie, 94 à l’Equateur, 48 à l’Iran et 25 au Venezuela [19].
73 Les transferts de sens contraires et la différence de niveau de taxation prédits par le modèle sont donc d’une grande ampleur. La section suivante vise à comprendre les inefficiences de cette situation et à tirer les leçons de notre analyse théorique.
Discussion
Inefficiences des relations entre pays développés et pays pauvres producteurs de pétrole
74 Si nous supposons simplement, comme nous l’avons fait, que l’aide internationale est collectée puis transférée de manière forfaitaire, alors la seule distorsion de l’équilibre est la différence des taux de taxation entre pays consommateurs et pays producteurs. Cependant, les transferts impliquant des institutions sont souvent associés à des coûts de transaction. L’aide internationale doit être collectée, puis redistribuée par des organismes bilatéraux ou multilatéraux, comme l’Agence Française pour le Développement ou la Banque Mondiale. Cela se fait au prix d’un coût des fonds publics considérable.
75 La situation actuelle est donc inefficiente à deux égards. Premièrement, la capture de la rente par le Nord s’opère au prix d’une sur-taxation relative du pétrole dans cette région. Deuxièmement, la multiplication des transferts est associée à des coûts de transaction.
76 Il s’agit alors d’examiner ce double transfert et de comprendre les raisons pour lesquelles le Nord extrait de la rente des pétroliers pour en reverser une partie ou davantage aux pauvres du pays riche en pétrole. D’une part, un des objectifs du Nord étant le bien-être des pauvres, il leur transfère de l’aide. D’autre part, il saisit l’opportunité de s’approprier une partie de la rente des riches du Sud par la taxation de la ressource. Cette opportunité provient de la distribution hétérogène d’une ressource en quantité initiale inélastique et de la position stratégique des pays consommateurs. Le prix de cette appropriation est une moindre compétitivité dans l’utilisation du pétrole, qui résulte en une distorsion de l’allocation de la ressource. Alors, si le Nord pouvait forcer le gouvernement pétrolier à distribuer de manière forfaitaire une partie des revenus pétroliers, il serait prêt à baisser sa taxation fortement distorsive. Le double transfert trouve ses origines dans cette impossibilité.
77 Un scénario préférable est donc celui suivant lequel la rente est directement versée des propriétaires de la ressource à leurs compatriotes pauvres, sans transiter par les finances publiques du Nord. Bien qu’étant sujette aux inefficiences institutionnelles considérables du Sud, cette alternative, en réduisant la multiplication actuelle des transferts Nord-Sud, ne souffrirait pas des inefficacités relatives au transit de la rente par les finances publiques du Nord. Deux questions se posent alors. Comment inciter les rentiers à procéder à cette redistribution ? Comment régler simultanément le problème de la sur-taxation de la ressource par les pays riches ? Ce dernier problème peut en fait servir le premier objectif.
78 La négociation entre pays du Nord et pays pétroliers pourrait être une solution. Le Nord pourrait proposer aux pays pauvres exportateurs de pétrole de baisser ses taxes sur la ressource si, en contrepartie, la rente pétrolière était équitablement partagée avec les populations pauvres. Cette solution nécessiterait en outre une coordination des politiques d’aide au développement et de fiscalité.
L’issue contractuelle
79 Formellement, imaginons que le Nord propose au gouvernement pétrolier un contrat, engageant le Nord à un certain taux de taxe sur le pétrole et engageant les propriétaires du pétrole à redistribuer un certain montant de leurs recettes à la population pauvre. Pour que l’élite du Sud accepte un tel contrat, il faudrait que les rentes supplémentaires obtenues grâce à la baisse des taxes pétrolières dans le Nord soient supérieures aux montants que les pétroliers s’engagent à redistribuer. Le Nord proposerait donc un taux de taxe et un montant à redistribuer de sorte que ces deux parts de rente soient proches l’une de l’autre, c’est-à-dire de telle sorte que les pétroliers bénéficient le moins possible du contrat. Les recettes de l’élite du Sud seraient donc un montant fixe, indépendant de l’acceptation du contrat, que le Nord ne peut pas menacer de capturer.
80 Jusqu’à quel niveau le Nord serait-il alors prêt à baisser son taux de taxe sur le pétrole provenant de ce pays ? La baisse de la taxe impliquerait une hausse des revenus salariaux et une baisse des revenus fiscaux du Nord, et une hausse de la rente redistribuée aux pauvres. Ce mécanisme serait utilisé jusqu’à ce que l’utilité marginale de l’accroissement du niveau de vie des pauvres soit égale à l’utilité marginale du revenu des résidents du Nord. Pour atteindre cette condition d’indifférence, le Nord peut réduire sa taxe jusqu’à sa nullité s’il est suffisamment altruiste. Si cela ne suffit pas, il peut distribuer davantage aux pauvres en utilisant l’aide internationale standard de manière complémentaire.
81 Un tel contrat avec le gouvernement pétrolier aurait l’avantage d’inciter le Nord à choisir une taxe plus faible, et donc plus proche de la taxe des pays producteurs. En cela, il améliorerait l’efficacité de manière non-ambiguë. Aussi, il réduirait le double transfert actuel à une distribution interne de la rente pétrolière, ce qui éviterait le transit d’une partie de la rente par les finances publiques des pays donneurs.
82 Cette solution peut surprendre car elle propose de donner un instrument supplémentaire (le contrat) à un agent (le gouvernement du Nord) dont la position stratégique était la cause de la distorsion (la sur-taxation du pétrole) à corriger. Ceci ne s’avère pas néfaste à l’efficacité. Par le contrat, le Nord pourrait manipuler tout l’output à l’exception d’une rente qu’il ne peut menacer de saisir. Il a ainsi un intérêt certain à maximiser ce montant et donc à limiter les distorsions globales. En d’autres termes, le contrat permettrait au Nord d’éviter les inefficiences engendrées par sa taxation, tout en redistribuant comme il le souhaiterait.
Réserves et conditions d’application
83 Récemment, Sala-i-Martin et Subramanian (2003) ont proposé un partage égalitaire des rentes pétrolières dans les pays producteurs de pétrole. Pour des raisons évidentes d’acceptabilité politique, cette solution a peu de chance d’être appliquée. Au contraire, la solution contractuelle évoquée dans cet article respecte les intérêts de chaque groupe. Cependant, dans un souci de réalisme, il est important de s’intéresser à ses conditions d’application.
84 Premièrement, les taxes sur les produits pétroliers peuvent avoir un rôle environnemental. La littérature en économie des ressources naturelles a étudié les effets des taxes sur les ressources non renouvelables polluantes. Les travaux récents de Grimaud et Rouge (2005 et 2008), Groth et Schou (2007) et Sinn (2008) suggèrent que ces taxes modifient la vitesse d’extraction des ressources, et donc la vitesse d’accumulation de la pollution, principalement par leur profil temporel anticipé. Ainsi, la taxe optimale est définie par une certaine dynamique annoncée, son niveau déterminant le partage de la rente minière entre les autorités fiscales et les extracteurs. Selon Daubanes et Grimaud (2009), si deux pays corrigent un problème environnemental global par des taxes locales, l’importateur de la ressource taxera son usage à un taux plus élevé que l’exportateur [20]. Alors, la considération environnementale ne modifierait ni les prédictions de notre analyse, ni les avantages du contrat proposé. Il faut aussi remarquer que les pays développés semblent s’orienter vers une régulation des émissions de gaz à effet de serre par la mise en place de marchés internationaux de droits à polluer. Il s’agirait alors de savoir quel serait le rôle des taxes environnementales dans un tel schéma.
85 Deuxièmement, l’utilité d’un tel contrat repose sur la confiance que les revenus pétroliers additionnels seront effectivement redistribués à la population pauvre. Ce problème n’est pas négligeable, notamment dans les pays pétroliers où la corruption est très importante et les institutions relativement inefficaces. Toutefois, le même problème se pose pour l’aide internationale transférée à ces pays. Pour le gouvernement du Sud, les revenus pétroliers sont équivalents à de l’aide budgétaire (Collier, 2007). Une fois que les dollars en provenance de l’aide ou des revenus pétroliers sont dans les caisses du Sud, les donneurs ont peu de contrôle sur la façon dont ce montant est utilisé et il est certain qu’une partie considérable de celui-ci n’est pas dépensé comme les donneurs le souhaiteraient (Easterly, 2002). Alors, du point de vue de ces problèmes d’observation, l’instrument contractuel a les mêmes inconvénients que l’aide internationale.
86 Troisièmement, cette alternative, telle qu’elle est présentée ici, requiert une certaine coordination des pays donneurs. S’il est permis de penser que la solution contractuelle peut être attractive pour un pays isolé suffisamment grand, son efficacité sera bien plus importante sous une coordination internationale induisant une modification substantielle du prix-producteur du pétrole. Le problème de la coordination se pose également pour l’aide internationale (Programme des Nations Unies pour le développement (UNDP, 2002)). Il existe toutefois une certaine volonté des pays industrialisés de coordonner leurs politiques d’aide au développement, comme en témoigne l’existence d’organismes d’aide multilatérale tels que la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International ou encore la signature récente de la Déclaration de Paris, dont un des objectifs principaux est l’harmonisation des politiques d’aide. On peut donc penser qu’une coordination des politiques de taxation du pétrole en provenance des pays pauvres est aussi envisageable. On peut même imaginer que les organismes d’aide multilatérale jouent un rôle dans cette coordination.
87 Symétriquement, la question se pose de savoir si cet instrument permet de cibler un ou plusieurs pays receveurs particuliers. En effet, les donneurs peuvent ne pas souhaiter, quelle qu’en soit la raison, augmenter les rentes de tous les pays exportateurs de pétrole. Une première raison évidente à cela est qu’ils ne sont pas tous pauvres. Comment alors discriminer les pays exportateurs de sorte que certains seulement jouissent d’une baisse des taxes ? Simplement, il s’agit de diminuer les taxes sur le pétrole provenant des pays ciblés. Ces pays fourniraient alors prioritairement leurs donneurs. Sur ce marché restreint, les taxes diminuées devraient favoriser un prix-producteur relativement plus élevé. Les droits de douanes, qui autorisent une telle discrimination, pourraient être manipulés ainsi.
88 Ces deux derniers points dépassent clairement le cadre de notre analyse théorique. La construction d’un modèle à plusieurs pays du Nord et du Sud permettrait d’examiner plus clairement ces questions relatives à la coordination des donneurs et aux possibilités de discrimination des exportateurs.
89 Enfin, plusieurs possibles motivations de l’aide (Altruisme impur à la Andreoni (1990), ou représentation de soi-même pour soi-même à la Bénabou et Tirole (2006)) reposent sur sa publicité [21]. Notamment, des pays pourraient distribuer de l’aide dans le but d’acheter une bonne conscience à leurs résidents, ce qui requiert que l’acte d’aide soit publiquement connu. Il est évident que la solution contractuelle proposée défavorise la visibilité du transfert. Cependant, sa publicisation reste possible. On peut enfin imaginer qu’une définition de l’aide au développement élargie à cette sorte de transfert assurerait sa transparence.
Conclusion
90 Dans cet article, nous avons présenté un modèle Nord-Sud dans lequel un groupe privilégié dans le Sud possède un stock de ressource non renouvelable et cohabite avec des travailleurs pauvres à l’égard desquels le Nord est altruiste. À l’équilibre, le Nord capture une partie de la rente minière par une taxe sur l’utilisation de la ressource et distribue une aide étrangère aux travailleurs pauvres.
91 Ces transferts substantiels de sens contraires illustrent les relations entre les pays développés consommateurs de pétrole et les pays pauvres producteurs de cette ressource. L’analyse fait apparaître, au-delà des inefficacités associées à ces deux transferts, une distorsion due à la propension du Nord à fixer des taxes élevées sur la ressource pour s’approprier une partie de la rente pétrolière.
92 Sur la base de cette analyse, une solution contractuelle, nécessitant une coordination des politiques fiscales et des politiques d’aide au développement du Nord, est suggérée pour réduire ces inefficacités. Cet article appelle davantage de travaux théoriques et appliqués sur cette suggestion. Dans des recherches futures, il s’agira en particulier d’étendre l’examen de cet outil au cas où les deux régions sont désagrégées en plusieurs petits pays. La coordination entre donneurs et la discrimination des receveurs pourront ainsi être étudiées spécifiquement.
Appendice
Preuve de la Proposition 1
93 Démontrons que les productions et les consommations d’équilibre croissent au taux g = (1??) g A ???.
94 Les fonctions de production (1) impliquent
95 Les conditions du premier ordre (8) impliquent
Alors, YN / YS = (LN / ?LS) ((?S +1) / (?N + 1)) ? / (1? ?).
96 Les populations, LN et LS , ainsi que les taux de taxe, ?N et ?S , étant fixes, cette égalité implique gYN =gYS = gY . La contrainte (7) implique gY =gC. À partir des conditions de Ramsey-Keynes (15), on obtient gY =r??. Les conditions du premier ordre (8) et l’égalité gYN =gYS , démontrée plus haut, impliquent g R = g R = g R. La règle d’Hotelling (10) peut être N S réécrite, en utilisant (8) : g R = gY ? r. Alors, l’égalité gY = r? ? , démontrée plus haut, implique gR=??. Les populations étant constantes, les fonctions de production (1) impliquent gY = (1??) g A + ?g R.
97 En utilisant g R = ? ? , on obtient
98 La propriété 1 résulte de cette dernière égalité et des égalités gYN =gYS = gY = gC prouvées plus haut.
99 La propriété 2 découle directement de YN / YS = (LN / ?LS) ((?S +1) / (?N +1)) ? / (1??), prouvée en 1.
100 Démontrons que
CN (t) = (1??N +1) YN (t) ?F (t) CSP (t) = (1??) YS (t) +F (t)
et
?
CSR (t) = (?N +1) YN (t) +?YS (t).
101 Substituons les revenus d’équilibre dans les contraintes budgétaires instantanées des trois groupes. Les salaires d’équilibre sont donnés par les conditions du premier ordre (9) :
102 Les recettes fiscales, ainsi que les rentes pétrolières, se calculent à partir des conditions du premier ordre (8) :
p?S RS =?YS?S / (?S +1)
et
p (RN + RS) = ?YN / (?N + 1) +?YS / (?S + 1).
103 En substituant ces revenus dans les équations (11), (12) et (13) et en réarrangeant les termes, on obtient les contraintes budgétaires instantanées suivantes :
CSP / LS + B?SP / LS = (1? ?) YS / LS + rBSP / LS + F / LS
et CSR + B?SR = ?YN / (?N + 1) + ?YS + rBSR
104 Les égalités gY = r ? ? et gY = (1? ?) g A ???, démontrées en 1, impliquent
105 Résolvons ces trois contraintes budgétaires instantanées comme des équations différentielles du premier ordre en BN , BSP et BSR . Nous obtenons les contraintes budgétaires inter-temporelles suivantes, vérifiées à chaque date T ? 0 :
??0T F (t) e?rt dt+BN (0).
BSP (T) e?rT +?0T CSP (t) e?rt dt = (1??) ?0T YS (t) e?rt dt
+?0T F (t) e?rt dt +BSP (0)
et BSR (T) e?rT +?0T CSR (t) e?rt dt=?N?+1 ?0T YN (t) e?rt dt
+? ?0T YS (t) e?rt dt +BSR (0)
106 En utilisant les conditions d’impossibilité de jeu à la Ponzi (14) , limT ? ? Bi (T) e? rT = 0, i = N , SP , SR et l’ hypothèse BN (0) = BSP (0) = BSR (0) = 0, nous obtenons, en passant à la limite
?0?CSR (t) e?rt dt=?N?+1 ?0? YN (t) e?rt dt
+ ? ?0? YS (t) e?rt dt
et ?0?CSP (t) e?rt dt = (1? ?) ?0? YS (t) e?rt dt
+ ?0? F (t) e?rT dt
107 Nous avons démontré que CN , CSP CSR YN , YS et F croissent au même taux r??. Notons que pour toute variable X qui croît au taux r??, la relation suivante est vérifiée :
= X (0) ?0? e? ?tdt = X (0) / ?
108 Les contraintes budgétaires intertemporelles ci-dessus impliquent alors :
CN (0) = (1? ?N +1) YN (0) ? F (0)
CSP (0) = (1??) YS (0) + F (0)
?
CSR (0) = (?N +1) YN (0) + ?YS (0)
109 Plus généralement, pour tout t ? 0, on a
CN (t) = (1? ?N +1) YN (t) ? F (t) ? CN (?N , ?S , F) (t)
?
CSR (t) = (?N +1) YN (t) +?YS (t) ? CSR (?N , ?S) (t)
et CSP (t) = (1??) YS (t) + F (t) ? CSP (?N , ?S , F) (t)
110 Il est alors évident qu’à YN (t) et YS (t) donnés, CN (t) est croissant en ?N , CSR (t) est décroissant en ?N et CSP (t) ne dépend pas de ?N . On voit également que ?S n’a pas d’effet sur les consommations d’équilibre.
111 Notons ces fonctions de consommation CN (?N , ?S , F) (t), CSP (?N , ?S , F) (t) e t CSR (?N , ?S) (t) respectivement.
Preuve de la Proposition 2
112 À partir des expressions des fonctions de consommations données plus haut, notons que
et CSP (?N , ?S , F) (t) = CSP (?N , ?S , 0) (t) + F (t)
a. Démontrons que les problèmes de maximisation des utilités inter-temporelles se réduisent à la maximisation des utilités à la date 0.
113 Suivant la Proposition 1, les variables CN , CSP et F croissent au même taux g = (1??) g A +?g R. Ceci implique
CSP (?N , ?S , 0) (t) = CSP (?N , ?S , 0) (0) egt , CSR (?N , ?S) (t)
= CSR (?N , ?S) (0) egt
et F (t) = F (0) egt .
114 Par conséquent, les problèmes d’optimisation des gouvernements du Nord et du Sud peuvent s’écrire respectivement
max L ln? N N S ?
?N, F (0) ?? N ? LN ?
+?LS ln???CSP (?N , ?S , L0S) (0) +F (0) ?????? ?0?e??tdt
+ [LN +?LS] ?0? gt e??tdt
sous la contrainte F (0) ? 0,
115 Comme ni les deuxièmes termes de ces sommes, ni le facteur n’incluent les variables de contrôle, ces deux problèmes d’optimisation sont respectivement équivalents à
max L ln? N N S ?
?N, F (0) ?? N ? LN ?
?C (? , ? , 0) (0) +F (0) ??
+?L ln? SP N S ? ,
S ? LS ???
116 sous la contrainte .
b. Explicitons les expressions des fonctions de consommation à la date 0, CN (?N, ?S, 0) (0), CSP (?N, ?S, 0) (0) et C SR (? N , ?S , 0) (0) .
117 En utilisant les résultats de la Proposition 1, nous avons
CN (?N , ?S , 0) (0) = (1??N +1) YN (0),
CSP (?N , ?S , 0) (0) = (1??) YS (0)
et
? ? ?
CSR (?N , ?S) (0) = ???N + 1??YN (0) + ?YS (0)
118 Calculons les expressions de YN (0) et YS (0) en fonction de ?N et ?S . Les fonctions de production (1) impliquent
119 Calculons les expressions de RN (0) et RS (0) en fonction de ?N et ?S . D’après la Proposition 1, g R = ? ?. Notons à présent que le stock de ressource est asymptotiquement épuisé car les coûts d’extraction sont nuls. La contrainte d’épuisement (3) implique alors
120 Ainsi, R (0) = Q0 ?. De plus, les conditions du premier ordre (8) impliquent
121 En utilisant (1), on trouve :
122 Ces deux égalités impliquent
123 En utilisant cette relation entre RN (0) et RS (0) et l’égalité RN (0) + RS (0) = R (0), nous obtenons
RS (0) = ?Q0 / [1+ (LN / ?LS) ((?S + 1) / (?N + 1)) 1/ (1? ?)]
124 Ainsi, les productions à la date 0 s’écrivent
((?N + 1) / (?S + 1)) 1/ (1? ?)]] ?
et
YS (0) = (A0 ?LS) 1 ? ? [?Q0 / [1+ (LN / ?LS)
((?S +1) / (?N +1)) 1/ (1??)]] ?
125 Les consommations à la date 0 s’écrivent alors
C (? , ? , 0) (0) =?1? ?
N N S ? ?N+1?
? ??
? ?Q ?
(A0LN) 1?? ? 0 1/ (1? ?) ?
?? ??L ??? +1? ??
?1+? S?? N ? ?
??? ?LN???S+1? ???
CSP (?N , ?S , 0) (0) = (1??) (A0 ?LS) 1? ?
?
? ?
? ?
? ?Q0 ?
??1+ ?? LN ?? ?? ?S +1??1/ (1? ?) ??
???? ??LS???N+1? ????
et
?
CSR (?N , ?S) (0) = (?N +1) (A0LN) 1??
?
? ?
? ?
? ?Q0 ?
??1+ ???LS ?? ???N +1??1/ (1? ?) ??
???? ? LN ? ? ?S +1? ????
?
? ?
? ?Q ?
+? (A0?LS) 1?? ? 0 1/ (1??) ?
?? ? L ??? +1? ??
?1+? N ?? S ? ?
??? ??LS???N+1? ???
126 Enfin, trouvons l’expression du prix d’équilibre de la ressource à la date t, p (t). Les conditions (1) et (8) impliquent
R =? ? AL et R =? ? ?AL
N ? p (?N+1) ? N S ? p (?N+1) ? S
127 En utilisant RN (t) + RS (t) = R (t) = ?Q0 e? ?t , nous obtenons
p (t) =? 0 ?? ? L +? ? ?AL ? ?
? pQ0 ???N+1? N ??S+1? S? ?
c. Résolvons le problème de maximisation du Sud.
128 Ce dernier maximise CSR (?N , ?S) (0) par rapport à ?S . On peut vérifier que ?CSR (?N , ?S) (0)/ ??S < 0 est équivalent à
??LS ? ?? 1+ (LN / ?LS) ((?S +1) / (?N +1)) 1/ (1? ?) ??
?L ? (? +1) ? ?1/ (1? ?) ? L ? ? ? +1?1/ (1? ?)
S ? S ? < ? N ? ? S ? (? +1)
LN ? (?N+1) ? ??LS???N+1? N
129 Après quelques simplifications, cette condition peut s’écrire
130 qui est équivalent à (?S +1) >1. Ainsi, ?eS =0 maximise CSR (?N , ?S) (0) quelle soit la valeur de ?N .
d. Résolvons le problème de maximisation du Nord.
131 Ce dernier prend comme donnée la stratégie dominante du Sud ?eS = 0 et résout
max L ln? N N ?
?N, F (0) ?? N ? LN ?
?C (? , 0,0) (0) +F (0) ??
+?L ln? SP N ?
S ? LS ???
132 sous la contrainte F (0) ?0. Le Lagrangien associé à ce programme de maximisation s’écrit
= L ln ? N N ?
N ? LN ?
?C (? , 0,0) (0) +F (0) ?
+?L ln ? SP N ? + ?F (0)
S ? LS ?
133 où ? est le multiplicateur de Lagrange. Les conditions du premier ordre sont les suivantes :
(C2) ? / ?F (0) = 0
(C3) ?F (0) = 0
(C4) F (0) ? 0
(C5) ? ? 0
134 Distinguons deux cas selon que la contrainte F (0) ? 0 est saturée ou non.
Cas 1 : F (0) = 0
LN ?CN (?N , 0, 0) (0)
CN (?N , 0, 0) (0) ??N
?L ?C (? , 0,0) (0)
+ CSP (?N , 0S, 0) (0) SP ?N?N = 0
135 Démontrons que cette équation a une solution unique ?eN (?) > 0.
136 En utilisant les expressions de CN (?N, 0,0) (0) et CSP (?N , 0,0) (0) calculées en b et en simplifiant, on vérifie que (C1) est équivalent à Z1 (?N) = 0, où
Z1 (?N) ? N?N +1?? + ?N +S1??N ? 1S?? N
??L ? 1
+? S? (? +1) ?1/ (1??)
?LN?1?? N
137 Pour tout ?N ?? ?1, CN (?N , 0, 0) (0) est négatif et la fonction objectif n’est pas définie. Cherchons des solutions sur l’intervalle ?N > ??1. Dans cet intervalle, on peut vérifier que Z1' (?N) <0,Z1 (0) >0 et . Ces propriétés impliquent que pour tout ? ? 0, il existe un unique ?eS = (?) tel que Z1 (?eN (?)) = 0. De plus, ?Ne (?) > 0.
138 (C2) et (C5) impliquent
139 ? ? (CSP (?eN (?), 0, 0) (0) / LS)/ (CN (?eN (?), 0, 0) (0) / LN)
140 Comme pourtout?N, (C1) implique que ?eN est dans la partie décroissante de CN (?N , 0,0) :
??N <0
141 Démontrons que ?eN (?) est croissant en ?.
142 On peut vérifier que Z1 (?N) = 0 est équivalent à
? = LS / LN ????N +1??
?L / L ?L (? +1) 1/ (? ?1) ?
+ 1S?? N (?N +1) 1/ (??1) ? LNS ?NN +1?? ??
143 Le premier terme entre les parenthèses est croissant en ?N. La dérivée du second et du troisième terme par rapport à ?N est du même signe que
(?NN +1??) 2 ???? N1?? ?? ??? N1?? ???? + (?N +1) 1/ (1? ?)
144 qui est positif pour tout ?N > 0. Ainsi, la solution ?eN (?) est croissante en ?N ? 0.
145 En particulier, notons ?0 la solution pour ? = 0, i.e ?0 ? ?eN (0). ?0 est alors défini par l’équation .
146 Ainsi, si et seulement si ?N > ?0. Notons que ?eN (?) ? ?0 pour tout ? ? 0.
Cas 2 : F (0) > 0
147 (C3) implique ? = 0 et (C2) implique
F (0) = LN +?LS
148 En remplaçant F (0) en (C1) et en simplifiant, on obtient
??N + ??N =0
149 Montrons que cette équation a une solution unique ?> 0.
150 En utilisant les expressions de CN (?N , 0, 0) (0) et CSP (?N , 0, 0) (0) calculées en b, on démontre que (C1) est équivalent à Z 2 (?N) = 0, où
+ (2??) / (1??) ? (?N + 1) / (1??)
151 On peut vérifier les propriétés suivantes : Z2' (?N) <0 pour tout ?N , lim? ? ? Z 2 (?N) < 0, et Z 2 (0) > 0. Ces propriétés N impliquent qu’il existe un unique ? tel que Z 2 (?) = 0. De plus, ? > 0.
152 Dans ce cas, (C4) implique
153 – En utilisant les cas 1 et 2, vérifions que le problème du Nord a une solution unique pour tout ?.
154 Premièrement, notons que pour
?eN (?) = ? .
155 Ainsi, comme ?eN (?) est croissant en
? SP ?
? L ?
?, ? > S = ? e s t é q u i v a l e n t à ?e (?) > ? .
?C (?, 0,0) ? N
? N ?
? LN ?
156 Deuxièmement, après quelques calculs, on peut vérifier que
?? L ? +1??
?CSP (?N , N0,0) (0) = 1+ ?LNS (?N +1) ?1/ (1??) ? N1?? ,
??N
157 qui est décroissant en ?N .
??
Ainsi, ? ?CN (?N , N0,0) (0) est aussi décroissant en ?N .
??N
?CSP (?, 0,0) (0)
??
Comme ? CN ((?, 0N, 0) (0) =1, par définition de ? ,
??N
??
nous avons ? ?CN (?N , N0,0) (0) <1 si et seulement si ?N > ? .
??N
?C (?, 0,0) ?
? SP ?
? L ?
– Supposons que ? > S = ?.
?C (?, 0,0) ?
? N ?
? LN ?
158 Alors, on est dans le Cas 2 et ?eN = ?
et F e (0) = S N LN + ?LNS SP
159 constituent une solution au problème du Nord.
160 Montrons que ?eN = ?eN (?) et F e (0) = 0 ne sont pas une solution. En d’autres termes, montrons qu’on ne peut pas être dans le Cas 1.
161 Premièrement, comme ?eN (?) est croissant en ?, ?eN (?) >?. Deuxièmement, d’après la définition de ?eN (?) donnée plus haut,
? L ? ??
S = ?? N ,
?C (?e (?), 0,0) ? ??C (?e (?), 0,0) (0) ?
? N N ? ? N N ?
? LN ? ? ??N ?
162 qui est inférieur à ? car ?eN (?) > ?.
163 Enfin, ? > (CSP (?eN (?), 0, 0)/ LS)/ (CN (?eN (?), 0, 0) / LN).
164 On ne peut donc pas être dans le cas 1.
? SP ?
? L ?
– Supposons que ? < S = ?.
?C (?, 0,0) ?
? N ?
? LN ?
165 Alors on n’est pas dans le Cas 2 et ?eN = ?
et F e (0) = S N LN + ?LNS SP
166 ne sont pas une solution au problème du Nord. Démontrons que ?eN = ?eN (?) et F e (0) = 0 sont solution. En d’autres termes, démontrons qu’on est dans le Cas 1.
167 Premièrement, dans ce cas, ?eN < ? .
168 Deuxièmement,
? LS ? = ?? ??N
?C (?e (?), 0,0) ? ??C (?e (?), 0,0) (0) ?
? N N ? ? N N ?
? LN ? ? ??N ?
169 est plus grand que ?.
170 Enfin, ? < (CSP (?eN (?), 0, 0)/ LS)/ (CN (?eN (?), 0, 0) / LN).
171 Nous sommes donc dans le Cas 1.
172 – La solution au problème du Nord est donc le couple (?eN , F e (0)), vérifiant ?Ne = ?eN (?) et F e (0) = 0, si
? SP ?
? L ?
? ? S =?,
??CN (?, 0,0) ??
? LN ?
où ?eN (?) est croissant de ?0 = ?eN (0) à ? = ?eN (?),
et
?eN =?
?L C (?, 0, 0) (0) ?L C (?, 0, 0) (0)
et F e (0) = S N LN + ?LNS SP ?0,
?C (?, 0,0) ?
? SP ?
? L ?
Si ? ? S = ? .
?C (?, 0,0) ?
? N ?
? LN ?
Bibliographie
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Mots-clés éditeurs : Taxation, Aide internationale, Ressources non renouvelables
Mise en ligne 28/12/2009
https://doi.org/10.3917/ecop.190.0021Notes
-
[*]
CER-ETH à ETHZ, Swiss Federal Institute of Technology Zürich, et Lerna à TSE, Toulouse School of Economics.
E-mail : jdaubanes@ ethz. ch -
[**]
Arqade à TSE, Toulouse School of Economics.
E-mail : ruxanda. berlinschi@ gmail. com -
[1]
Source : Energy Information Administration (EIA).
-
[2]
Source : Oil & Gas Journal et Banque Mondiale.
-
[3]
Source : Banque Mondiale.
-
[4]
Nous nous référons à l’étude de cas convaincante sur le Nigéria de Sala-i-Martin et Subramanian (2003).
-
[5]
À propos de cet aspect distributionnel, nous nous référons à Dasgupta et Heal (1979), Sinn (1982 et 2008) et Gaudet et Lasserre (1990).
-
[6]
Nous notons X? (t) la dérivée d’une variable X par rapport au temps t et gx son taux de croissance.
-
[7]
Cette absence de migration implique que le travail est un facteur de production fixe.
-
[8]
Nos résultats sont robustes à l’introduction d’un pouvoir de marché du secteur de l’extraction. En effet, la quantité totale de ressource consommée à l’équilibre est contrainte par la finitude du stock de ressource ; cette inélasticité limite substantiellement l’exercice du pouvoir de marché. Voir Stiglitz (1976) à ce propos.
-
[9]
Cette hypothèse n’est pas restrictive. Nous pourrions vérifier que les taxes choisies par les gouvernements sont effectivement constantes. En effet, sous nos hypothèses, des taxes ad valorem constantes ne distordent pas le sentier d’extraction. En absence de pollution, les gouvernements n’ont aucun intérêt à introduire une taxe variable qui le distordrait. Voir Dasgupta, Heal et Stiglitz (1981) à ce propos.
-
[10]
Cette hypothèse a pour but de simplifier l’analyse et n’est pas restrictive. Nous pourrions démontrer que le montant d’aide choisi par le Nord évolue au même taux de croissance que son revenu total.
-
[11]
Cette hypothèse vise à simplifier les développements mathématiques. Nos résultats sont robustes à une hypothèse alternative sur les dettes initiales.
-
[12]
Techniquement, cette propriété de l’équilibre simplifie considérablement l’analyse.
-
[13]
Dans un modèle à plus que deux pays, cet effet serait d’autant plus marginal que le nombre de pays serait élevé.
-
[14]
Source : European Environment Agency (EEA).
-
[15]
Source : International Energy Agency (IEA).
-
[16]
Opep (2008).
-
[17]
Source : Energy Information Administration (EIA).
-
[18]
Ce calcul suppose que la part du pétrole nigérian dans la consommation du G7 est la part du pétrole nigérian dans la production mondiale.
-
[19]
Source : OCDE.
-
[20]
Nous nous référons à Amundsen et Schöb (1999) pour le cas d’un flux de pollution locale.
-
[21]
D’autres motivations non altruistes, comme les intérêts politiques et économiques des donneurs, peuvent être suggérées (Alesina et Dollar, 2000 ; Berthelemy, 2006). L’introduction de ce genre de motivations n’affecterait ni notre analyse, ni notre argument.