Notes
- (*)Maître-assistant habilité, Unité de Recherche en Économie Appliquée (UREA), Faculté des Sciences Économiques et de Gestion, Université de Sfax pour le Sud. E-mail : ssbouif@ yahoo. fr;Faouzi. SSboui@ fsegs. rnu. tn. En plus des remarques et suggestions des rapporteurs anonymes de la revue, cet article a bénéficié des commentaires du professeur Salma-Zouari Bouattour. Restant seul responsable des imprécisions qui pourraient subsister, j'adresse mes remerciements à tous ceux qui ont contribué à l'amélioration de ce papier.
- (1)D'autres travaux peuvent être considérés comme fondateurs de cette théorie : Thurow et Lucas (1972); Gordon (1972); Harrison (1972); Edwards, Reich et Gordon (1973).
- (2)Cf. Lopez (1970); Fields (1975); Steel (1975); Mazumdar (1976).
- (3)Voir S. Kannappan (1985).
- (4)Comme l'Amérique latine et le Maghreb.
- (5)Des individus dans notre cas.
- (6)L a distance E ucludienne est utilisée ; distance ( , ) ( )X Y Xi Yi= ? ?2.
- (7)Autrement, leurs contributions au score des distances seraient fonctions de la grandeur absolue de leur unité de mesure.
- (8)Des tentatives de classification en 3 et 4 groupes ont été réalisées avant de retenir ce résultat. Toutefois, la classification en deux groupes nous a semblé plus pertinente et elle est largement significative du point de vue statistique (analyse de la variance).
- (9)Dans ce travail, secteur d'emplois et groupe d'emplois sont utilisés indistinctement.
- (10)Zi = 0si l'individu i est inoccupé et Z k i = avec k = 1,2…,N où N est le nombre de secteurs ou groupes d'emplois retenus.
- (11)Propres à chaque secteur d'emplois, le groupe des non occupés étant la référence.
- (12)La non-significativité de la constante indique que, dépourvu de toutes les caractéristiques qui déterminent la probabilité d'accéder au secteur protégé, un individu n'a aucune chance d'être dans ce secteur : un jeune homme analphabète en milieu rural a une probabilité nulle.
- (13)En 1999, les femmes ont enregistré 43,5% du total des demandes d'emploi enregistrées en Tunisie. Elles n'ont détenu que 37,09% des placements réalisés dans la même année (INS, 2001).
- (14)Le nombre moyen d'années de scolarisation calculé pour notre échantillon est de 8,93 pour les femmes, contre 7,81 pour les hommes. En outre, 54,2% des femmes recensées ont un niveau d'instruction supérieur ou égal au 2ème cycle de l'enseignement secondaire, contre seulement 45% pour les hommes ( l'écart se rétrécit lorsqu'on considère l'enseignement supérieur à part, 15,5% contre 10,4%).
- (15)Il s'agit du salaire mensuel qui est calculé selon les modalités de paiement : = salaire mensuel net, si l'individu en a déclaré le montant; = salaire hebdomadaire net x (30/7); = salaire journalier net x 30; = montant total reçu le mois précédent l'enquête déclaré par l'individu si autre modalité de paiement.
- (16)Ce genre de convention conduit à un risque de surestimation de l'expérience professionnelle. En effet, la durée d'attente d'un primo-emploi ainsi que les interruptions de carrière ne sont pas pris en considération. Plusieurs travaux ont mis en évidence que la surestimation de l'expérience professionnelle conduit à en sous-évaluer le rendement marginal (Wellington, 1993 ; Light et Ureta, 1995 ; Bayet, 1996, cf. Meurs et Ponthieux, 2000).
- (17)En l'absence de variables ayant une influence certaine sur le niveau éducatif et sans aucun effet sur les gains (i.e. l'origine sociale des individus), le recours à la procédure d'instrumentation en vue de tenir compte d'un éventuel biais d'endogénéité de l'éducation apparaît inopportun. Malgré cette contrainte, nos résultas demeurent pertinents d'autant plus que le bilan des travaux se rapportant à l'endogénéité de l'éducation tend à soutenir que ce problème n'a qu'une influence marginale sur les résultats obtenus (Card, 1999, 2001 ; Ashenfelter et Rouse, 1999). En outre, qu'il soit sous-estimé ou surestimé, le rendement de l'éducation évalué dans la présente recherche n'est utilisé que pour illustrer les écarts de rendement des dotations en capital humain entre les secteurs d'emplois.
- (18)La décroissance de l'effet de l'expérience professionnelle est indiquée par la négativité de son effet quadratique.
- (19)[(salaire moyen dans le secteur protégé / salaire moyen dans le secteur non protégé) -1 ] ? 100.
- (20)(e0,165 -1) ? 100.
- (21)Dans ce qui suivra, les qualificatifs protégés et non protégés seront attribués, respectivement, aux salariés dans le secteur protégé et à ceux dans le secteur non protégé.
- (22)L'écart pour les salariés du niveau supérieur est à interpréter avec prudence dans la mesure où il y a un seul salarié de ce niveau occupé dans un emploi non protégé.
- (23)Au total 94 salariés sont payés au régime forfaitaire, indépendamment du nombre de jours travaillés : 42 dans le secteur protégé et 52 dans le secteur non protégé.
- (24)La procédure de Chow consiste à tester : Hp 0 : $ $? ?= contre Hp np1 : $ $? ??. Fc = 31,678 > F(table) signifie le rejet de H0.
- (25)L'effet marginal de l'expérience ( / )? ?LnY Exp : = 0,04181 • 0,001048 Exp, dans le secteur protégé; = 0,01424 • 0,000448 Exp, dans le secteur non protégé.
- (26)L'écart des logarithmes des salaires journaliers entre protégés et non protégés expliqué par l'avantage des hommes est de-0,037 contre 0,038 pour l'écart expliqué par l'avantage du milieu urbain.
- (27)Plus précisément, en moyenne, l'écart salarial journalier entre les salariés en milieu urbain et leurs homologues en milieu rural, forfaitaires exclus, est de 25,7% lorsque l'emploi est protégé contre 17,2% lorsque l'emploi est non protégé. La tendance s'inverse en ce qui concerne l'écart salarial entre hommes et femmes. En effet, cet écart est de 44,2% au niveau des emplois non protégés contre 21,7% au niveau des emplois protégés.
- (28)D'une part, dans l'échantillon analysé manquent les exclus du marché du travail alors que la disposition d'informations les concernant conforte la procédure économétrique préconisée par cette recherche. D'autre part, le nombre d'informations disponibles à propos des salariés est très limité.
1Depuis la reconnaissance officielle de l'existence du secteur informel (début des années soixante-dix), la segmentation du marché du travail dans les économies en développement est le plus souvent illustrée par l'opposition entre le travail dans le secteur formel et le travail dans le secteur informel. Les caractéristiques précaires sont alors attribuées aux emplois dans le secteur informel, contrairement aux emplois dans le secteur formel qui correspondent à la partie primaire du marché du travail.
2À partir du milieu des années quatre-vingt, des études multiples ont permis de rendre compte des potentialités de certaines activités dans le secteur informel qui garantissent une meilleure rentabilité aux investissements en capital humain par rapport à quelques occupations dans le secteur formel. Ces études ont ainsi appelé à la remise en cause de la solidité de la ligne de démarcation entre formel et informel. Progressivement, les faits ont indiqué une certaine continuité plutôt qu'une rupture entre les deux formes d'emploi au sein des deux secteurs.
3Tout en s'inscrivant dans la logique de validation empirique de la théorie du dualisme du marché du travail, la présente étude propose de dépasser la structuration du marché du travail basée sur le clivage entre formel et informel au profit d'une structuration fondée sur les différentiels de protection institutionnelle associée à l'emploi occupé et indépendamment du caractère formel ou informel du lieu de travail. La démarche poursuivie dans ce cadre pose une problématique assez pertinente en reliant le thème de la segmentation du marché du travail à celui de la validation de la théorie du capital humain.
4Pour tester la validité de la segmentation du marché du travail, on procède en plusieurs étapes. Dans une première étape, le recours à une classification a posteriori des emplois selon leurs caractéristiques permet la détermination de groupes d'emplois homogènes. Dans une deuxième étape, l'absence d'une mobilité libre entre les groupes d'emploi retenus, plus précisément, le rationnement des emplois dans le segment primaire du marché du travail, est vérifiée à travers une analyse en deux temps. D'abord, on procède à l'estimation d'un modèle probabiliste d'assignation sectorielle permettant d'identifier les déterminants de l'accès à la partie primaire du marché du travail. Ensuite, on estime une équation de gains corrigée du biais de sélection constaté à l'entrée de ce segment primaire du marché du travail. Dansune dernière étape, la segmentation du marché du travail est réaffirmée en explorant les écarts de salaire entre les groupes d'emplois et en montrant l'existence d'écarts non compensatoires.
5Appliqué à un échantillon de salariés en Tunisie, cet ensemble de procédures a permis d'identifier deux groupes d'emplois largement différenciés au regard de la protection institutionnelle associée à l'occupation. Le premier rassemble plus des trois quarts des salariés de l'échantillon étudié. En raison de la stabilité des emplois et du gain de rendement des caractéristiques productives individuelles, ce groupe est qualifié de protégé. Le second regroupe, principalement, des emplois non permanents occupés, le plus souvent, par des individus faiblement éduqués. L'instabilité relative de ces emplois et leur désavantage salarial étayent la qualification non protégée pour ce groupe d'emplois.
6Bien que plus restrictive que l'opposition formel/ informel, la dichotomie salariés protégés/ salariés non protégés est particulièrement intéressante dans le contexte d'un pays comme la Tunisie. Il s'agit d'un pays qui se modernise et où le salariat augmente, mais qui en même temps opte pour des formes de déréglementation, notamment au niveau du marché du travail, avec le recours croissant à des modes plus précaires d'emploi salarié (les contrats à durée déterminée par exemple). Ainsi, les aspects de « déprotection » que génère le processus de mondialisation de l'économie tunisienne peuvent correspondre à un renforcement des barrières à l'entrée aux emplois protégés au moment où le système économique se dote d'une main-d'œuvre de plus en plus éduquée.
7La dualisation du marché du travail autour de l'opposition emplois protégés/ emplois non protégés atteste de l'intérêt des actions d'accompagnement au cours du processus de restructuration et de déréglementation. Cette forme de dualisme s'avère féconde en ce sens qu'elle offre de nombreuses opportunités d'analyse, notamment les liens « informalisation »-« déprotection », la vulnérabilité vis-à-vis de la pauvreté eu égard au statut de l'occupation, ainsi que toutes les questions du rôle des institutions sur le marché du travail.
8Le dualisme du marché du travail est la forme la plus restrictive de sa segmentation. Par définition, un marché du travail est segmenté lorsque des travailleurs à caractéristiques productives similaires sont rémunérés différemment selon le secteur d'emploi où ils sont affectés. Cette situation sous-entend naturellement l'absence de mobilité entre les secteurs.
9La théorie de la segmentation du marché du travail a été initialement développée aux États-Unis pour expliquer l'accroissement de la pauvreté durant la période de croissance des années soixante. Les travaux de Doeringer et Piore (1971), puis Piore (1978) en constituent les piliers [1]. Toutefois, cette théorie a été largement validée dans les pays en voie de développement, pour lesquels une modélisation dualiste des économies était déjà ancienne. En effet, depuis les travaux de Lewis (1954) et de Harris et Todaro ( 1970), les économies en voie de développement étaient caractérisées par une opposition entre deux formes d'activité (traditionnelle dans le monde rural et moderne dans le monde urbain).
10La vulgarisation de la conception dualiste du marché du travail a fait naître plusieurs formes de dichotomie allant de l'opposition traditionnelle entre rural et urbain à l'opposition plus institutionnalisée entre privé et public en passant par la forme la plus « féconde » entre formel (moderne) et informel dans le milieu urbain. Dans sa forme dualiste, le marché du travail n'a rien de walrasien. Le fonctionnement différencié des deux secteurs qui le composent n'est pas dû à des imperfections de la concurrence mais est plutôt associé à leurs logiques propres. Les écarts de salaires observés ne sont pas nécessairement expliqués par les différentiels de dotations individuelles en capital humain (i.e. des différentiels de productivité). Il est généralement admis, à cet égard, que le marché du travail est scindé en deux secteurs complètement opposés en matière de protections institutionnelles associées aux occupations. Le premier, qualifié de secteur primaire, est généralement réputé pour ses salaires élevés, la forte stabilité de l'emploi et des perspectives importantes de carrière. Le second, naturellement secondaire, est caractérisé par des salaires relativement faibles, une forte rotation de sa main-d'œuvre et l'absence de perspectives de carrière au sein de l'entreprise.
11Bien que la transposition de ce type de modèle dans les économies en voie de développement semble retenir quasi-exclusivement la dichotomie formel/ informel [2], plusieurs études [3] ont montré que la solidité de cette opposition n'est pas évidente. L'hétérogénéité à l'intérieur de chaque secteur constitue une véritable limite analytique. En effet, certaines occupations dans le secteur informel semblent assurer une rentabilité au capital humain, comparable à celle dans le secteur formel (Sboui, 1997 et 2002). En outre, des occupations similaires dans le secteur formel sont souvent inégalement rémunérées. Les faits dans certaines régions du monde [4] indiquent une certaine continuité, plutôt qu'une rupture, dans les formes d'emploi au sein des deux secteurs.
12L e présent travail adhère au dépassement du dualisme du marché du travail basé sur un clivage entre formel et informel et propose une stratification déterminée par les caractéristiques des emplois occupés. Il s'agit de déterminer des groupes d'emplois homogènes en procédant à une classification a posteriori des emplois selon leurs caractéristiques. Le dualisme du marché du travail est réaffirmé par la vérification des critères capitaux avancés par les théories dualistes ou de la segmentation du marché du travail, à savoir le rationnement à l'entrée de la partie primaire du marché et les écarts de salaires non compensatoires. Une telle démarche pourrait mieux rendre compte des réalités de fonctionnement des marchés du travail et propose un terrain fertile à l'analyse de la vulnérabilité associée à l'occupation. D'autant plus que l'analyse de la pauvreté dans les pays en voie de développement a mis en évidence que l'incidence de la pauvreté est étroitement liée à la segmentation du marché du travail (Lachaud, 1988 et 1994b ; Rodgers, 1989; Weeks, 1986).
13Cet article est organisé comme suit. La première partie propose de mettre en évidence la segmentation du marché du travail en Tunisie. Cet objectif est atteint en deux étapes. D'abord, une stratification a posteriori du marché du travail nous suggère les groupes d'emplois à retenir. Ensuite, la condition de rationnement desemplois protégés est examinée. La deuxième partie appréhende les écarts de salaires entre les groupes d'emplois retenus et tente de mettre en évidence leur caractère non compensatoire.
La segmentation du marché du travail en Tunisie
14La mise en évidence de la structure segmentée du marché du travail repose sur une démarche à plusieurs niveaux couplant une analyse en classification de groupes et un ensemble d'estimations économétriques visant à appréhender l'accès au secteur d'emplois protégés. Les données à la base de cette étude proviennent de l'enquête population-emploi réalisée par l'Institut National de la Statistique (INS) en 1999. Il s'agit d'un échantillon de 5977 salariés tiré d'une base nationale couvrantdesindividusdesdeux sexes, âgés de 15 ans ou plus, de 125 000 ménages. Tout le territoire tunisien est représenté parsesdeux milieux, urbain et rural. Les informations disponibles renseignent sur les caractéristiques des individus (sexe, âge, milieu, niveau d'instruction, état matrimonial) et sur l'emploi occupé (secteur d'activité, rythme de travail, mode de paiement et salaire).
Stratification du marché du travail en Tunisie
15Dans le but d'identifier des groupes d'individus occupant des emplois relativement homogènes, constituant le marché du travail en Tunisie, le recours à la procédure de classification en nuées dynamiques (l'analyse Cluster de SPSS) semble opportun. Contrairement aux approches généralement retenues pour le découpage du marché du travail qui se fondent sur des critères prédéfinis, l'analyse Clusters propose une stratification a posteriori. Cette procédure est basée sur un algorithme inhérent au critère centroïde (Nearst Centroid Sorting). Celui-ci est décrit par Lachaud (1995) de la manière suivante : « Si n est le nombre de groupes requis, les n premiers cas du fichier [5] seront sélectionnés en tant que centres temporaires. Par la suite, lorsque des cas supplémentaires sont pris en compte, un cas remplace un centre si sa plus petite distance à un centre est supérieure à l'écart entre les deux centres les plus proches [6]. Le centre le moins éloigné du cas est remplacé. De même, un cas se substitue à un centre si sa plus faible distance d'un cas à un centre est supérieure à la plus petite distance entre ce centre et tous les autres centres; de la même manière, il remplace le centre qui lui est le plus proche ».
16La fiabilité de la procédure requiert que les variables utilisées pour identifier les groupes d'emplois soient exprimées dans la même échelle [7]. L a transformation des variables sous formes dichotomiques assure cette standardisation. Par ailleurs, ces variables doivent être exclusivement relatives aux occupations des individus.
17L'analyse en classification de groupes a généré deux groupes d'emplois statistiquement homogènes [8]. L'examen des tableaux croisés entre les groupes suggérés par l'analyse et un certain nombre de variables, y compris celles non introduites dans la classification (cf. tableaux 2 et 2 bis), permet d'identifier les groupes d'emplois dualisant le marché du travail en Tunisie.
18Le premier groupe occupe 4899 salariés, soit 82% du total de l'échantillon étudié. Il concerne près de 91% des salariés dans le milieu urbain. En occupant 28,3% de ces emplois, les femmes sont relativement fortement représentées dans ce groupe puisqu'il s'agit de 96,1% du total des femmes salariées, contre 77,5% du total des hommes salariés. Enmoyenne, le nombre d'années de scolarisation est d'environ 9 années. Une part relativement importante de salariés, soit 14,1%, a atteint le niveau supérieur. En revanche, le niveau d'instruction dominant est celui du secondaire (40,9%). La totalité des cadres supérieurs, des professions intellectuelles et des employés administratifs, ainsi que la quasi-totalité des professions intermédiaires, des personnes de service et des agents d'exécution sont occupés dans ce type d'emploi. En somme, ces professions représentent près de 68% des emplois dans ce groupe. En termes de secteurs d'activité, les emplois protégés se retrouvent, principalement, dans les secteurs suivants : électricité, gaz et eau ; activités financières ; administration publique ; industries manufacturières; industries extractives; tourisme; services sociaux et autres; commerce et réparations. Plus de 95% des salariés dans ces secteurs occupent des emplois protégés. Ces emplois sont un peu moins fréquents dans les secteurs des transports et communication et des services domestiques. Cela concerne 93,4% des salariés dans le premier secteur et 80% des salariés dans le second. Les salariés de ce groupe bénéficient d'unestabilité del'emploi dansla mesure où 99,1% exercent des activités permanentes et 96,5% touchent des salaires en mensualité. En moyenne, le salaire mensuel perçu par un employé dans ce groupe d'emplois est un peu plus de 275 dinars, soit une fois et demie le SMIG (salaire minimum interprofessionnel garanti) du régime de 48 heures par semaine de l'année correspondante (1999). L es caractéristiques de ces emplois, notamment leur caractère stable, légitiment leur qualification de protégés.
caractéristiques des variables introduites dans la classification
caractéristiques des variables introduites dans la classification
19Le second groupe occupe 18% des emplois de l'échantillon étudié. L es salariés masculins occupent près de 95% des emplois dans ce groupe. Il s'agit de 22,5% des hommes de l'échantillon, contre seulement 3,9% des femmes. Ces emplois concernent 41,4% des salariés dans le milieu rural, contre 9,1% de ceux dans le milieu urbain. Les salariés de ce groupe ont un niveau d'instruction souvent inférieur ou égal au niveau primaire (87% d'entre eux). Les ouvriers non qualifiés, suivis des artisans, occupent la majorité écrasante (91%) des emplois dans ce groupe. Plus particulièrement, les premiers occupent près de 76% des emplois dans ce groupe alors qu'ils ne constituent que 47,6% de l'ensemble des salariés de l'échantillon. Le secteur de construction, bâtiment et travaux publics occupe près de 66% des salariés dans ce groupe, ce qui correspond à un peu plus de 81% des salariés dans ce secteur. En occupant plus de 25% des salariés dans ce groupe, le secteur de l'agriculture, forêt et pêche vient en deuxième rang. Presque la moitié des salariés dans ce secteur fait partie de ce groupe. Les emplois de ce groupe sont relativement moins stables. En effet, 61,5% des employés exercent à titre conjoncturel ou saisonnier et près de 72% d'entre eux sont payés à la journée ou forfaitairement. Le salaire moyen perçu par un employé est de 162 dinars, soit un peu moins que le SMIG de l'année correspondante. Ce groupe d'emplois, vraisemblablement plus exposé aux forces de la concurrence, mérite d'être qualifiéde non protégé.
Identification des segments du marché du travail, effectifs et pourcentages
Identification des segments du marché du travail, effectifs et pourcentages
bis?: identification des segments du marché du travail, effectifs et pourcentages
bis?: identification des segments du marché du travail, effectifs et pourcentages
20Au termede cettestratification, ilimporte de signaler que la protection institutionnelle dans notre analyse est fondée sur le rythme de travail, le mode de paiement et, dans une faible mesure, sur le niveau de la rémunération. D'autres variables, telles que le type de contrat, la syndicalisation et l'accès aux avantages de la sécurité sociale, pourraient mieux appréhender la situation en matière de protection institutionnelle. Parce que non disponibles dans notre base de données, ces paramètres font défaut dans notre analyse.
21Il est à noter qu'en Tunisie, l'articulation du marché du travail autour d'un clivage salariés protégés/ salariés non protégés est déjà ancienne. Analysant les aspects institutionnels du fonctionnement des marchés du travail en Tunisie, Zouari (1990) avait conclu que le système de protection qui est fondé sur la législation du travail et les conventions collectives, ne s'appliquait qu'à une partie de la population active. En 1988, la protection régie par la politique salariale et la législation du travail ne concernait que les travailleurs salariés permanents du secteur productif non agricole. Il s'agit des employés du secteur public et de 80% des travailleurs permanents du secteur privé non agricole. Au total, en 1988, ce système de protection s'appliquait à 76,6% des salariés.
Accès au secteur protégé, biais de sélectivité et test de segmentation
22B ien que le test de l'hypothèse de mobilité intersectorielle nécessite la disposition de données longitudinales, certaines démarches exploratoires permettent de réduire cet handicap lorsque les données disponibles se rapportent à une coupe transversale. La procédure de correction du biais de sélection de l'échantillon dans l'estimation des fonctions de gains minceriennes, proposée par Heckman (1976;1979), est la plus utilisée à cette fin. Il s'agit d'associer la détermination des salaires aux processus d'affectation des employés aux différents secteurs [9]. En effet, sans la prise en compte du biais de sélection, une estimation des fonctions de gains prétend supposer que les employés, compte tenu de leurs caractéristiques inobservables qui peuvent influencer leurs salaires, sont aléatoirement affectés aux différents secteurs du marché du travail. Toutefois, il est probable que l'accès des individus à leurs occupations observées, au moment de l'enquête, s'est effectué sur la base des décisions conjointes des employés eux-mêmes et des employeurs, ce qui fait perdre à l'échantillon son caractère aléatoire. Si cela est le cas, les coefficients estimés dans la fonction de gains renseignent non seulement sur l'influence des variables du capital humain retenues mais également sur la probabilité d'être occupé dans un groupe d'emplois donné sur le marché du travail (Lachaud, 1994a). L'identification du détenteurde ladécisionayant générél'occupation observée constitue un résultat du test de la segmentation du marché du travail. Une application référentielle de cette procédure semble celle initiée par Gindling (1991) portant sur le processus d'affectation des employés aux secteurs public, formel privé et informel dans le contexte du Costa Rica.
23En général, l'étude de la nature de l'allocation des
travailleurs sur le marché du travail requiert
l'intégration des individus non occupés dans
l'échantillon de référence. L'examen des
déterminants de l'accès à l'un des secteurs d'emplois
du marché du travail se fait alors en référence au
statut inoccupé sur le marché du travail.
Conformément à la procédure décrite ci-dessus, un
modèle probabiliste (Probit) associé à une variable
multinomiale [10], décrivant l'appartenance à l'un des
secteurs d'emplois, est estimé. Les coefficients
estimés dans ce genre de modèle permettent de
définir une nouvelle variable • inverse du ratio de
Mills ( )? • interprétée par la théorie du capital
i humain comme le capital humain « non observé »
ayant permis à l'individu i de surmonter les aléas et
les exigences du segment du marché du travail
auquel il est affecté, qui se calcule selon la formule
suivante :
où ? est la fonction de densité normale, ? est la fonction de distribution cumulative normale, X est ik un vecteur de caractéristiques individuelles influençant l'accès au secteur k et ? est un vecteur k de coefficients estimés au moyen de la fonction Probit.
24La correction d'un éventuel biais de sélection consiste à introduire lambda dans les fonctions de gains [11] comme variable explicative. Cela permet de tester si le terme d'erreur des fonctions de gains est corrélé avec les probabilités de participation. Le coefficient associé à ? estime l'effet de la sélection i sur le salaire. L'existence d'un biais de sélection se traduit par un coefficient significatif et notifie que l'allocation non aléatoire des individus dans les secteurs d'emplois affecte les salaires obtenus. En d'autres termes, on peut considérer que les choix occupationnels des individus s'opèrent librement en fonction de leurs avantages comparatifs respectifs. Une situation contraire serait synonyme de choix occupationnels contraints et d'une vérification de l'hypothèse de lasegmentation du marchédutravail.
25L'échantillon de données exploité étant composé exclusivement de salariés, l'application de la procédure explicitée, dans le cadre de la présente recherche, appelle quelques ajustements. Plus précisément, l'occupation dans un poste d'emploi non protégé prend la place du statut inoccupé, en tant que situation de référence. Les deux étapes de la procédure impliquent la démarche suivante.
26Dans un premier temps, un modèle de choix binaire
(Probit) décrivant l'accès au secteur protégé sera
estimé. Il s'agit d'examiner l'effet des facteurs
observés qui peuvent déterminer l'appartenance au
secteur protégé. La variable dépendante de ce
modèle est dichotomique, elle prend la valeur 1
lorsque l'individu est occupé dans le secteur protégé
et la valeur nulle dans le cas contraire.
Formellement, il s'agit du modèle Probit classique
ayant la forme suivante :
où P est la probabilité conditionnelle à X d'être ii occupé dans un emploi protégé, X est un ensemble i de caractéristiques individuelles, ? est la fonction de distribution cumulative de la loi normale et ? est un vecteur de paramètres à estimer. Compte tenu des variables disponibles, la spécification choisie de Xi ? est la suivante :
où mil, gen, SM, CF, pri, sec et sup désignent, respectivement, le milieu, le genre, le statut matrimonial, la position dans le ménage (chef de famille), le niveau d'éducation primaire, le niveau d'éducation secondaire et le niveau d'éducation supérieur. En dehors de l'âge, toutes les autres variables sont dichotomiques. Le milieu rural, la femme, la situation autre que célibataire, autre position que chef de famille et néant étant les modalités de référence, respectivement, pour le milieu, le genre, le statut matrimonial, la position dans le ménage et le niveau d'instruction.
27Les résultats de l'estimation de cette spécification figurent en annexe 2 et montrent que le statut matrimonial, la position dans le ménage, l'âge et l'âge au carré ne sont pas significatifs. Le tableau 3 affiche les résultats de l'estimation de l'équation de participation ne retenant que les variables significatives. Ces résultats appellent les commentaires suivants :
- tout d'abord, compte tenu du nombre de cas bien classés (76,8%), l'estimation du modèle proposé est acceptable. Par ailleurs, exceptée la constante [12], toutes les variables introduites dans l'équation sont statistiquement significatives au seuil de 1%;
- ensuite, les signes des coefficients estimés, associés aux variables significatives, indiquent la nature de l'effet qu'exerce chacune d'elles sur la probabilité d'accéder à un emploi protégé. Quatre observations méritent d'être transcrites à cet égard. La première est relative à l'effet du milieu et stipule que la résidence en milieu urbain accroît la probabilité d'être dans un emploi protégé. Le privilège des citadins est vraisemblablement imputable à la relative faiblesse de leurs coûts de recherche d'emploi protégé puis à leur avantage en matière d'accès à l'information relative aux besoins du marché du travail protégé. La deuxième est liée à l'effet du genre et indique que, toutes choses égales par ailleurs, les femmes ont plus de chance d'être allouées à des emplois protégés. Ce résultat semble contredire la littérature empirique sur la segmentation du marché du travail qui montre que les femmes sont majoritaires dans la partie moins protégée du marché du travail (segment secondaire). Toutefois, ce résultat n'est plus étonnantlorsquel'on prend en considération le fait, qu'en Tunisie, comme dans la majorité des pays arabes, le taux de participation des femmes au marché du travail est faible et que, par conséquent, cette participation est sélective [13] et concerne surtout les plus éduquées [14]. C'est ainsi que 56,3% des femmes dans le secteur protégé ont un niveau d'instruction supérieur ou égal au deuxième cycle de l'enseignement secondaire, contre 54,2% pour les hommes du même secteur. Ce même résultat peut être expliqué par la prépondérante présence des femmes, par rapport aux hommes, dans les secteurs d'activité où presque la totalité des emplois sont protégés, notamment les activités financières, l'électricité, gaz et eau, l'administration publique, les services autres que sociaux, les industries manufacturières et le tourisme. En effet, 84,2% des femmes sont occupées dans ces secteurs d'activité, contre seulement 52,7% deshommes. Latroisièmeobservationindique que la probabilité d'être salarié protégé s'accroît avec le niveau d'instruction. En examinant la probabilité d'appartenir au secteur protégé, estimée pour chaque individu de l'échantillon (cf. tableau 4), on retient qu'avoir un niveau d'instruction primaire augmente les chances d'accéder à un emploi protégé de 14,18 points de pourcentage par rapport au niveau néant. En outre, cette probabilité augmente de 19,61 points en passant du primaire au secondaire et de 6,33 points en passant de ce dernier au niveau supérieur. La quatrième observation révèle la contribution positive de l'âge dans la constitution des chances d'accéder à un emploi protégé. L'âge étant une proxy de l'expérience potentielle, ce résultat corrobore l'effet positif des facteurs du capital humain. Toutefois, l'effet marginal de l'âge est positif jusqu'à une certaine limite. C'est ainsi que la probabilité d'accéder au secteur protégé diminue pour les salariés de plus de 50 ans;
- enfin, la comparaison des affectations observées aux allocations prédites par le modèle estimé (cf. tableau 5) suggère un dysfonctionnement dans le processus d'allocation de la main-d'œuvre sur le marché du travail en Tunisie. En effet, 667 salariés non protégés, soit près de 62%, auraient dû être occupés dans des emplois protégés, compte tenu de leurs caractéristiques individuelles. Par ailleurs, 306 salariés protégés, soit près de 6,3%, occupent des emplois qui ne leur sont pas théoriquement prévus selon leurs caractéristiques. Ce résultat offre les premiers indices de la présence d'un éventuel goût discriminatoire des employeurs lorsqu'il s'agit de recruter. En d'autres termes, l'hypothèse d'une affectation des individus dans les occupations sur la base des décisions et préférences des employeurs est vraisemblablement significative. La confirmation de cette conclusion intuitive complète le tableau d'un marché de travail segmenté en Tunisie.
coefficients de l'équation de participation au secteur protégé (Probit)
coefficients de l'équation de participation au secteur protégé (Probit)
probabilité d'affectation dans les secteurs d'emplois (en pourcentage)
probabilité d'affectation dans les secteurs d'emplois (en pourcentage)
affectations prévues et observées
affectations prévues et observées
28Dans un deuxième temps, le test de l'hypothèse de la
segmentation est effectué en intégrant, dans la
fonction de gains estimée dans le secteur protégé,
l'inverse du ratio de Mills( )?, calculé au moyen des
i coefficients estimés dans le modèle Probit, comme
variable explicative supplémentaire. Formellement,
l'équationde gainsestiméeprend la forme suivante :
où :
- LnYi désigne le logarithme népérien du salaire [15] de l'individu i;
- la scolarité est représentée par des variables dichotomiques : Niv2 indique un niveau primaire, Niv3 se réfère au niveau secondaire et Niv4 représente un niveau supérieur, le niveau de référence étant néant (Niv1);
- Exp est l'expérience professionnelle potentielle mesurée comme la différence entre l'âge de l'individu, son âge préscolaire et la durée de sa scolarité : Exp =âge • (6+ durée descolarisation) [16];
- ? est la variable correspondant à l'inverse du ratio i de Mills calculé à partir du Probit déjà estimé et ?i est le terme d'erreur.
29Les résultats de cette estimation sont affichés au tableau 6 et appellent les observations suivantes :
- premièrement, la valeur du R² ajusté indique que le modèle retenu explique une part relativement élevée de la variance du logarithme des salaires, soit 48,3%. Par ailleurs, toutes les variables explicatives introduites dans le modèle sont significatives au seuil de 1%, sauf la variable relative au biais de sélection ( )?i;
- deuxièmement, la présence de l'inverse du ratio de Mills dans l'équation estimée a pour objectif de tenir compte d'un biais de sélection potentiel. L e coefficient associé à cette variable représente la covariance entre les termes relatifs aux erreurs (perturbations) de l'équation d'accès au secteur protégé (Probit) et les termes relatifs aux erreurs de l'équation de gains dans le même secteur. Il indique l'éventuelle corrélation entre le fait d'accéder à un emploi protégé et le niveau attendu de rémunération. Plus précisément, il sert à examiner la nature de la covariance entre les facteurs omis dans le modèle probabiliste analysant l'accès au secteur protégé et les facteurs dans l'équation de gains. Si l'on admet que les individus choisissent leurs postes d'emploi librement de manière à maximiser leurs salaires attendus, le coefficient de lambda devrait être significatif et positif. Un coefficient significatif et négatif notifie que l'existence de facteurs non observables, renforçant la probabilité d'accéder au secteur protégé, accroît la probabilité que le salaire dans ce secteur soit plus faible. Le coefficient estimé dans notre modèle est statistiquement non significatif. Celasignifie que les gains réels ne sont pas corrélés avec la probabilité de se trouver dans le secteur protégé, ce qui indique l'absence de biais d'auto-sélection associé à l'échantillon des salariés protégés. Ainsi, l'affectation non aléatoire des salariés dans le secteur protégé n'est pas due à des choix libres des travailleurs eux-mêmes. L e placement des travailleurs dans le secteur protégé découle des choix effectués par les employeurs parmi l'offre de travail numériquement excessive faite à ce secteur. Cette conclusion corrobore l'hypothèse d'un marché du travail segmenté;
- troisièmement, les coefficients estimés des variables du capital humain authentifient les effets théoriques des investissements en capital humain. D'une part, les taux de rendement de l'instruction sont croissants en fonction du niveau éducatif [17]. D'autre part, l'expérience professionnelle a un effet positif et décroissant [18].
équation de gains des salariés protégés avec correction du biais de sélection
équation de gains des salariés protégés avec correction du biais de sélection
Les écarts de salaire
30Pour l'ensemble des salariés (tous rythmes de travail confondus [19]), l'écart salarial estimé est de près de 70% en faveur des salariés protégés. Cet écart est ostensiblement plus élevé lorsque l'on considère les salaires des femmes des deux secteurs (103,8%) et beaucoup moins élevé quand il s'agit des salariés dans le milieu rural (43,6%). Ces différences de rémunération entre salariés protégés et ceux non protégés peuvent résulter de multiples facteurs. Tout d'abord, elles peuvent être sous-jacentes aux caractéristiques des emplois occupés, notamment la durée et le rythme de travail. En effet, 99,1% des salariés protégés exercent à titre permanant alors que 61,5% des salariés non protégés occupent leurs emplois selon la conjoncture ou d'une manière saisonnière. Ensuite, elles peuvent être dues aux différences de caractéristiques individuelles observables des salariés, notamment celles révélant leurs productivités potentielles (niveau éducatif et expérience professionnelle). E nfin, un « favoritisme » à l'égard des salariés protégés peut exister. Si cela est le cas, on peut avancer que la protection institutionnelle dont bénéficient les emplois protégés génèreune sorte de discrimination dans le système salarial.
31En plus des écarts intergroupes d'emplois, il existe des écarts intragroupes. Le tableau 7 permet d'observer que, quel que soit le groupe d'emplois (protégés ou non protégés), le salaire moyen dans le milieu urbain est toujoursplus élevé que celui dans le milieu rural. De même, quel que soit le groupe d'emplois, les hommes ont, en moyenne, un avantage salarial par rapport aux femmes.
32Pour détecter la présence d'un double système de rémunération associé aux secteurs d'emplois, on introduit dans la fonction de gains standard, en plus des variables explicatives mesurant les caractéristiques individuelles (nombre d'années de scolarisation et expérience), une variable « dummy » indiquant l'appartenance au secteur protégé. Un coefficient significatif de cette variable indique, toutes choses égales par ailleurs, un écart salarial entre les salariés du secteur protégé et ceux du secteur non protégé. L'utilisation de cette méthode (cf. annexe 3) attribue une valeur de 0,161 au coefficient de la variable indicatrice. Cette valeur indique un écart salarial d'environ 17,5% [20] en faveur des salariés protégés. Toutefois, la valeur de ce coefficient peut être imputée non seulement à la présence d'une discrimination sur le marché du travail mais aussi aux différences observées en termes de caractéristiques individuelles entre les deux groupes de salariés.
Portrait de l'écart des salaires moyens entre protégés et non protégés [21]
33Compte tenu des différences au niveau de la composition des secteurs d'emplois (cf. tableau 2 et 2 bis), l'écart des salaires moyens mérite d'être appréhendé pour des groupes d'emplois ayant les mêmes caractéristiques. Le tableau 7 affiche les résultats d'une comparaison des salaires moyens pour les critères niveau d'instruction, rythme de travailpermanent etlesstatuts professionnels artisan et ouvrier non qualifié. Il s'agit des caractéristiques pour lesquelles les observations sont en nombre autorisant des comparaisons statistiques. L a distinction urbain/rural et homme/femme a été établie pour le critère rythme de travail. Les résultats obtenus inspirent les interprétations suivantes :
- premièrement, l'écart des salaires moyens entre protégés et non protégés s'accroît avec le niveau d'instruction. Il est de 63,9% pour les salariés du niveau secondaire contre 21,2% pour ceux du niveau primaire [22];
- deuxièmement, les salariés permanents du secteur protégé jouissent d'un avantage salarial moyen de 53,1% par rapport à leurs homologues non protégés. Cette information est d'un grand apport dans le sens où elle ajuste le constat des écarts de salaires moyens à son niveau le plus réaliste. Ainsi, la comparaison des salaires moyens pour des employés permanents réduit l'écart de salaire entre protégés et non protégés d'environ 17 points. Cette réduction est notable au niveau des salariés féminins (un peu plus de 30 points). Il semble alors qu'une grande part de l'écart des salaires moyens chez les femmes est expliquée par les différences en termes de rythme et durée de travail. En effet, 66,1% des femmes non protégées occupent leurs emplois à titre non permanent;
- troisièmement, la confrontation des salaires moyens pour les catégories socioprofessionnelles artisans et ouvriers non qualifiés qui sont relativement fréquents dans les deux secteurs d'emploi montre un écart significatif seulement pour la deuxième catégorie. La prise en compte du rythme de travail pourrait expliquer substantiellement cet écart. En effet, 61,3% des ouvriers non qualifiés dans des emplois non protégés exercent à titre non permanent.
écarts des salaires moyens
écarts des salaires moyens
Décomposition de l'écart salarial
34La démarche empirique qui sera suivie dans ce qui suit est celle empruntée aux travaux d'Oaxaca (1973) et de Blinder (1973). Cette démarche permet d'évaluer le pourcentage de l'écart de salaire moyen entre deux groupes (hommes et femmes, nationaux et étrangers, syndiqués et non syndiqués, etc.) pouvant être attribué à une discrimination salariale. Il s'agit de la part de l'écart salarial qui est non justifiée par des différences de caractéristiques productives individuelles.
35Notant LnYp, Xp, $?p, respectivement, le salaire
moyen calculé dans le secteur des emplois protégés
et exprimé en logarithme, la moyenne des
caractéristiques individuelles ( scolarité et
expérience) d'un salarié protégé et le vecteur des
rendements moyens de ces caractéristiques estimés
dans une fonction de gains et LnYnp, Xnp, $? np,
respectivement, le salaire moyen calculé dans le
secteur des emplois non protégés et exprimé en
logarithme, la moyenne des caractéristiques
individuelles d'un salarié non protégé et le vecteur
des rendements moyens de ces caractéristiques
estimés dans une fonction de gains, l'écart salarial
peut s'écrire de la manière formelle suivante :
Le premier terme de l'équation (1) représente l'écart dû aux salaires autonomes dans chacun des deux secteurs. Le deuxième terme mesure les écarts de caractéristiques individuelles pondérés par les rendements de ces caractéristiques dans le secteur protégé, ce qui est équivalent à la part expliquée de l'écart salarial ou à l'effet profil. Quant au dernier terme, il mesure l'écart des rendements des caractéristiques individuelles pondéré par la moyenne de ces caractéristiques dans le secteur non protégé, ce qui correspond à la part inexpliquée de l'écart salarial ou encore à l'effet rentabilité.
36Oaxaca et Ransom (1988 ; 1994) ont proposé une
autre formalisation de la décomposition de l'écart
salarial dans laquelle ils suggèrent le recours à une
norme non discriminante des rendements des
caractéristiques individuelles. Cette norme
correspond aux rendements estimés dans une
fonction de gains pour l'ensemble des salariés, quel
que soit le secteur d'emplois. L'équation (1) devient
alors :
où $?nor désigne les rendements des caractéristiques individuelles estimés pour l'ensemble des salariés.
37Les termes de l'équation (2) peuvent être lus de la manière suivante. Le premier correspond, comme dans l'équation (1), à l'écart dû aux salaires autonomes. Le deuxième représente le gain de rendement des caractéristiques dû au fait d'être un salarié protégé par rapport à la norme, ou encore l'avantage des salariés protégés. Le troisième mesure le déficit de rendement des caractéristiques imputé à l'appartenance au secteur non protégé par rapport à la norme, correspondant au désavantage des salariés non protégés. La somme des trois premiers termes constitue la part de l'écart salarial indépendante des profilsdes individus ouencore non justifiée. En dehors de l'effet autonome, l'écart est sous-jacent à un différentiel de rentabilité des dotations liées au capital humain entre les deux secteurs d'emplois. Le dernier terme indique la part expliquée de cet écart. Les différences de profils individuels fondent cette part de l'écart salarial.
38Pour détecter les effets du genre et du milieu, deux variables indicatrices, respectivement, du genre et dumilieu, où le sexe fémininetle milieu ruralservent de références, ont été introduites dans la fonction de gains estimée. Le nombre réduit de permanents non protégés affaiblit l'analyse lorsque l'on considère uniquement les salariés permanents des secteurs d'emploi. Nonobstant, la limitation de l'analyse à un échantillon relativement homogène aurait un apport moins nuancé. L'homogénéisation sera tentée en analysant le salaire journalier des employés pour qui l'information sur le nombre de jours travaillés durant le mois de référence est disponible et en excluant ceux qui touchent une rémunération forfaitaire ne correspondant pas à un nombre précis de jours. Dès lors, l'échantillon retenu est composé de 5883 [23] salariés répartis en 4857 dans le secteur protégé et 1026 dans le secteur non protégé. Les résultats des estimations des fonctions de gains pour l'ensemble des salariés de l'échantillon étudié, pour les salariés protégés et pour les salariés non protégés, figurent dans le tableau 8.
39Avant de procéder à la décomposition de l'écart salarial, les résultats des estimationsdes fonctions de gains appellent plusieurs observations :
-
premièrement, l'examen du R² ajusté montre que le
pourcentage de variance du logarithme de salaire
expliquée est relativementélevépourl'ensembledes
salariés et pour les salariés protégés.
Ce pourcentage devient faible lorsque l'estimation porte sur les salariés non protégés. Les variables retenues dans le modèle estimé ont une contribution limitée dans l'explication de la variance du logarithme de salaire dans le secteur non protégé. D'autres facteurs, en dehors des caractéristiques liées au capital humain, au genre et au milieu, semblent expliquer largement la constitution des salaires dans ce secteur. Toutefois, la lecture du niveau de signification du F indique que toutes les régressions sont statistiquement significatives. Par ailleurs, le test de Chow [24] inhérent à la stabilité structurelle des coefficients suggère le rejet de l'hypothèse nulle, indiquant l'intérêt de les estimer dans chaque secteur à part; - deuxièmement, les facteurs de capital humain (éducation et expérience) ont des rendements moyens plus élevés lorsque l'emploi occupé est protégé. Par ailleurs, les profils de gains en fonction de l'expérience dans le secteur protégé sont plus concaves que ceux dans le secteur non protégé [25]. Les salariés dans le secteur protégé commencent leur carrière avec des salaires relativement faibles, comparés à ceux de leurs homologues dans le secteur non protégé, et s'attendent à des augmentations de rémunération en faisant preuve de leur compétence au fil du temps. Cette augmentation des salaires induite par l'expérience est beaucoup plus faible pour les salariés dans le secteur non protégé, en raison des faibles perspectives de carrière;
- troisièmement, le coefficient associé à la variable indicatrice du genre est significatif et positif dans les trois échantillons analysés. L a valeur de ce coefficient dans le secteur protégé indique, toutes choses égales par ailleurs, un écart salarial en faveur des hommes de l'ordre de 15%. Cet écart est encore plus important dans le secteur non protégé puisque l'avantage salarial des hommes est de 42%. Le milieu a aussi un effet significatif sur les gains. C'est ainsi qu'être salarié en milieu urbain accroît le salaire journalier de 10,5% lorsque l'emploi est protégéetde 17,1% lorsquecelui-ci estnonprotégé;
- quatrièmement, l'examen de la grandeur de la constante dans chaque équation estimée montre un avantage au profit des salariés non protégés en termes de salaire autonome. Conformément à la théorie du capital humain, le terme constant désigne les gains de base, en l'absence de toutes dotations en termes de capital humain acquis.
40En ne considérant que les salariés pour qui la rémunération correspond à un nombre précis de jours travaillés, l'écart de salaire journalier moyen est de 37,4% en faveur des salariés protégés. Cet écart est de 12,5% lorsque l'on compare les moyennes des logarithmes de salaires journaliers. La décomposition de cet écart selon la méthodologie décrite par l'équation (2) fait ressortir les résultats affichés dans les tableaux 9 et 9 bis.
équations de gains pour l'ensemble des salariés, les protégés et les non protégés
équations de gains pour l'ensemble des salariés, les protégés et les non protégés
décomposition de l'écart salarial
décomposition de l'écart salarial
41En ignorant les salaires autonomes pour chaque groupe d'emplois, l'écart salarial s'élèvera à 0,816, soit un peu plus de trois fois et demie l'écart calculé entre les moyennes des logarithmes des salaires journaliers. La discrimination salariale contre les non protégés, mesurée par les différences de rentabilité des dotations en capital humain, y représente 65,2%. Cette part est répartie entre un avantage pour les salariés protégés (près de 11%) et un désavantage subi par les salariés non protégés (près de 54,3%). Par ailleurs, les différences en termes de dotations individuelles en capital humain (scolarisation et expérience) justifient près de 34,6% de cet écart. Le différentiel salarial, entre les secteurs d'emplois, associé au genre et au milieu, est très faible (0,2%). La neutralité de cet effet est due au fait que les contributions de ces deux paramètres dans l'écart salarial journalier sont de signes opposés et approximativement égales en valeurs absolues [26]. Plus précisément, les salariés en milieu urbain ont un avantage salarial par rapport à leurs homologues en milieu rural plus important lorsque l'emploi est protégé alors que l'avantage des salariés de sexe masculin par rapport à leurs homologues de sexe féminin est plus important lorsque l'emploi est non protégé [27].
42In fine, c'est l'avantage des salariés non protégés en termes de salaire autonome qui réduit l'écart salarial. Ce constat pourrait vraisemblablement être expliqué par l'une et/ou l'autre des deux raisons suivantes :
- d'une part, la forte incertitude caractérisant les perspectives de carrière pourrait conduire les employés dans le secteur non protégé à exiger un salaire de départ (autonome) relativement plus élevé que celui requis par leurs homologues dans le secteur protégé;
- d'autre part, compte tenu de la faiblesse des rendements des dotations en capital humain dans le secteur non protégé, le salaire autonome représente une grande part dans le salaire global perçu.
Conclusion
43En dépit des limites générées par la nature des données à la base de cette étude, l'investigation empirique tentée a permis d'établir un diagnostic porteur dans l'examen de l'état du marché du travail en Tunisie. Plusieurs éléments retenus dans l'analyse convergent pour corroborer sa segmentation. Mis à part la technique ayant permis de regrouper les salariés selon les caractéristiques des emplois occupés, le choix occupationnel qui s'est révélé l'œuvre des employeurs, ainsi que les écarts de salaire qui s'expliquent largement par une discrimination sectorielle (i.e. non compensatoires), argumentent ostensiblement la vulnérabilité de certains salariés sur le marché du travail.
44Dans un contexte plus récent, caractérisé par un choix résolu d'insertion accentuée dans l'économie internationale, les aspects de déprotection que génère le processus d'ouverture sont de nature à renforcer les barrièresà l'accès aux emplois protégés et à réduire le poids du secteur de cette catégorie d'emplois. Cette présomption est d'autant plus inquiétante lorsqu'elle s'associe à une période où l'output du système éducatif est en forte croissance.
bis?: décomposition de l'écart salarial, effet autonome exclu [28]
bis?: décomposition de l'écart salarial, effet autonome exclu [28]
Annexes
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Mots-clés éditeurs : écart salarial, biais de sélection, segmentation, capital humain, marché du travail
Date de mise en ligne : 01/03/2008
https://doi.org/10.3917/ecop.174.0021Notes
- (*)Maître-assistant habilité, Unité de Recherche en Économie Appliquée (UREA), Faculté des Sciences Économiques et de Gestion, Université de Sfax pour le Sud. E-mail : ssbouif@ yahoo. fr;Faouzi. SSboui@ fsegs. rnu. tn. En plus des remarques et suggestions des rapporteurs anonymes de la revue, cet article a bénéficié des commentaires du professeur Salma-Zouari Bouattour. Restant seul responsable des imprécisions qui pourraient subsister, j'adresse mes remerciements à tous ceux qui ont contribué à l'amélioration de ce papier.
- (1)D'autres travaux peuvent être considérés comme fondateurs de cette théorie : Thurow et Lucas (1972); Gordon (1972); Harrison (1972); Edwards, Reich et Gordon (1973).
- (2)Cf. Lopez (1970); Fields (1975); Steel (1975); Mazumdar (1976).
- (3)Voir S. Kannappan (1985).
- (4)Comme l'Amérique latine et le Maghreb.
- (5)Des individus dans notre cas.
- (6)L a distance E ucludienne est utilisée ; distance ( , ) ( )X Y Xi Yi= ? ?2.
- (7)Autrement, leurs contributions au score des distances seraient fonctions de la grandeur absolue de leur unité de mesure.
- (8)Des tentatives de classification en 3 et 4 groupes ont été réalisées avant de retenir ce résultat. Toutefois, la classification en deux groupes nous a semblé plus pertinente et elle est largement significative du point de vue statistique (analyse de la variance).
- (9)Dans ce travail, secteur d'emplois et groupe d'emplois sont utilisés indistinctement.
- (10)Zi = 0si l'individu i est inoccupé et Z k i = avec k = 1,2…,N où N est le nombre de secteurs ou groupes d'emplois retenus.
- (11)Propres à chaque secteur d'emplois, le groupe des non occupés étant la référence.
- (12)La non-significativité de la constante indique que, dépourvu de toutes les caractéristiques qui déterminent la probabilité d'accéder au secteur protégé, un individu n'a aucune chance d'être dans ce secteur : un jeune homme analphabète en milieu rural a une probabilité nulle.
- (13)En 1999, les femmes ont enregistré 43,5% du total des demandes d'emploi enregistrées en Tunisie. Elles n'ont détenu que 37,09% des placements réalisés dans la même année (INS, 2001).
- (14)Le nombre moyen d'années de scolarisation calculé pour notre échantillon est de 8,93 pour les femmes, contre 7,81 pour les hommes. En outre, 54,2% des femmes recensées ont un niveau d'instruction supérieur ou égal au 2ème cycle de l'enseignement secondaire, contre seulement 45% pour les hommes ( l'écart se rétrécit lorsqu'on considère l'enseignement supérieur à part, 15,5% contre 10,4%).
- (15)Il s'agit du salaire mensuel qui est calculé selon les modalités de paiement : = salaire mensuel net, si l'individu en a déclaré le montant; = salaire hebdomadaire net x (30/7); = salaire journalier net x 30; = montant total reçu le mois précédent l'enquête déclaré par l'individu si autre modalité de paiement.
- (16)Ce genre de convention conduit à un risque de surestimation de l'expérience professionnelle. En effet, la durée d'attente d'un primo-emploi ainsi que les interruptions de carrière ne sont pas pris en considération. Plusieurs travaux ont mis en évidence que la surestimation de l'expérience professionnelle conduit à en sous-évaluer le rendement marginal (Wellington, 1993 ; Light et Ureta, 1995 ; Bayet, 1996, cf. Meurs et Ponthieux, 2000).
- (17)En l'absence de variables ayant une influence certaine sur le niveau éducatif et sans aucun effet sur les gains (i.e. l'origine sociale des individus), le recours à la procédure d'instrumentation en vue de tenir compte d'un éventuel biais d'endogénéité de l'éducation apparaît inopportun. Malgré cette contrainte, nos résultas demeurent pertinents d'autant plus que le bilan des travaux se rapportant à l'endogénéité de l'éducation tend à soutenir que ce problème n'a qu'une influence marginale sur les résultats obtenus (Card, 1999, 2001 ; Ashenfelter et Rouse, 1999). En outre, qu'il soit sous-estimé ou surestimé, le rendement de l'éducation évalué dans la présente recherche n'est utilisé que pour illustrer les écarts de rendement des dotations en capital humain entre les secteurs d'emplois.
- (18)La décroissance de l'effet de l'expérience professionnelle est indiquée par la négativité de son effet quadratique.
- (19)[(salaire moyen dans le secteur protégé / salaire moyen dans le secteur non protégé) -1 ] ? 100.
- (20)(e0,165 -1) ? 100.
- (21)Dans ce qui suivra, les qualificatifs protégés et non protégés seront attribués, respectivement, aux salariés dans le secteur protégé et à ceux dans le secteur non protégé.
- (22)L'écart pour les salariés du niveau supérieur est à interpréter avec prudence dans la mesure où il y a un seul salarié de ce niveau occupé dans un emploi non protégé.
- (23)Au total 94 salariés sont payés au régime forfaitaire, indépendamment du nombre de jours travaillés : 42 dans le secteur protégé et 52 dans le secteur non protégé.
- (24)La procédure de Chow consiste à tester : Hp 0 : $ $? ?= contre Hp np1 : $ $? ??. Fc = 31,678 > F(table) signifie le rejet de H0.
- (25)L'effet marginal de l'expérience ( / )? ?LnY Exp : = 0,04181 • 0,001048 Exp, dans le secteur protégé; = 0,01424 • 0,000448 Exp, dans le secteur non protégé.
- (26)L'écart des logarithmes des salaires journaliers entre protégés et non protégés expliqué par l'avantage des hommes est de-0,037 contre 0,038 pour l'écart expliqué par l'avantage du milieu urbain.
- (27)Plus précisément, en moyenne, l'écart salarial journalier entre les salariés en milieu urbain et leurs homologues en milieu rural, forfaitaires exclus, est de 25,7% lorsque l'emploi est protégé contre 17,2% lorsque l'emploi est non protégé. La tendance s'inverse en ce qui concerne l'écart salarial entre hommes et femmes. En effet, cet écart est de 44,2% au niveau des emplois non protégés contre 21,7% au niveau des emplois protégés.
- (28)D'une part, dans l'échantillon analysé manquent les exclus du marché du travail alors que la disposition d'informations les concernant conforte la procédure économétrique préconisée par cette recherche. D'autre part, le nombre d'informations disponibles à propos des salariés est très limité.