Couverture de ECOP_163

Article de revue

L'influence du régime de change sur l'inflation dans les pays adhérents

Pages 51 à 61

Notes

  • (*)
    University of Siena, Central European University and CEPR.
  • (**)
    University of Ljubljana.
  • (***)
    European University Institute and University of Ljubljana.
  • (1)
    La Hongrie a commuté à un régime visant l’inflation seulement en octobre 2001.
  • (2)
    Voir Banerjee, Cockerell et Russel (2001), Juselius (1999 et 2001), Coenen et Vega (2001), Ericsson, Hendry et Prestwich (1998), et Kongsted (2002).
  • (3)
    On n’analyse pas dans cet article l’effet de transmission de s prix étrangers (des importations) à l’infla tion domestique.
  • (4)
    Voir Johansen (1995) pour une présentation détaillée.
  • (5)
    P our u ne disc us s ion c om plè te et dé ta illé e de l’identification de l’effet de transmission dans un cadre co-integré, voir Masten (2003). Il démontre que dans le cas présent l’effet de transmission pourrait être identifié aussi pour un rang 2, mais pas pour un rang 1.
  • (6)
    Pour voir ceci, on note que l’on peut réécrire la troisième relation co-intégrante notée génériquement i i? = ? * * ( )? ? ? 2, ainsi : r r? = ? ? * * ( ) ( )? ? ? 2 1, où r est le taux d’intérêt réel ex post.
  • (7)
    Il respecte la condition suivante : on doit noter que ? ?,, , , , ) ( )1 2 5 0 025? ?? sp pour tout ? ? 1.
  • (8)
    Notons que pour la Pologne même si la valeur estimée de?2 est plus grande que 1, elle n’est pas significativement différente de 1. Cela signifie que la prime de risque et le différentiel de taux d’intérêt polonais ont été stationnaires dans la période analysée. Un changement dans le taux de dépréciation du zloty ne se traduit donc pas par des taux d’intérêt réels d’équilibre inférieurs.

1Cet article analyse le lien entre le régime de taux de change et la performance inflationniste dans quatre pays adhérents à l’UE : la République tchèque, la Hongrie, la Pologne et la Slovénie (Peco-4). Les résultats permettent un classement clair des pays selon l’intensité de la transmission (ou selon le degré d’influence) et l’importance des chocs de taux de change sur la performance inflationniste globale. En particulier, une transmission parfaite, associée à une politique de taux de change accommodante, peut devenir une source importante de pressions inflationnistes. L’analyse suggère que pour les Peco-4 une adoption rapide de l’euro fournirait le moyen le plus efficace de réduire l’inflation.

2Après leur accession à l’Union Européenne, les pays d’Europe Centrale et Orientale (Peco) devront finalement adopter l’euro, car il n’est pas prévu de clause permettant à un des candidats de rester en-dehors de l’UEM. Les seules questions de politique de change qui se posent aux nouveaux membressontdoncleniveau du tauxde change viséà l’entrée et la vitesse d’entrée dans la zone euro. Les positions officielles de la Commission Européenne (la CE) et la Banque Centrale Européenne (BCE) indiquent que les Peco devraient passer par le mécanisme SME2 avant l’adoption de l’euro. Cela impliquerait deux ans dans le système SME2 avec une parité centrale négociée et une bande de variation de ±15 %, avec un examen des critères de Maastricht à la fin de la première année. En conséquence, le délai minimal pour l’adoption de l’euro est de deux ans après l’entrée dans l’UE. Pour les pays adhérents, l’objectif d’inflation sera le plus difficile à atteindre. De plus, en raison des problèmes potentiels de capitaux spéculatifs au vu d’une situation macro-économique fragile, il serait souhaitable de réduire l’inflation au niveau exigé par les critères de Maastricht avant même l’entrée dans le SME2. Le but du présent article est d’analyser empiriquement le rôle des régimes de change dans la performance inflationniste globale d’un sous-ensemble de pays entrants : la Hongrie, la République tchèque, la Pologne et la Slovénie (ceux-ci sont appelés Peco-4 par la suite).

3L’interaction entre le régime de change et la vitesse de convergence des taux d’inflation des PECOs et de la zone euro est étudiée en évaluant l’influence des variations du taux de change sur l’inflation domestique dans les Peco-4. Le taux de change était l’ancre nominale principale dans la plupart des économies de transition au début de la transition. Pour freiner l’inflation et maintenir la stabilité macro-économique, la République tchèque, la Hongrie et la Pologne ont introduit des programmes de stabilisation basés sur les taux de change au début des années 90, tandis que la Slovénie a suivi une combinaison de cibles sur M3 en contrôlant fermementson tauxde change. Au cours du tempsles Peco qui avaient fixé leur taux de change se sont déplacés vers un régime plus flexible, alors que la Slovénie a par contre continué à contrôler le flottement du tolar, tandis que d’autres, les pays baltes et la Bulgarie, ont opté pour un régime de currency board. Reste à savoir si un mouvement vers des régimes de change plus flexibles a aidé les économies en transition à mener une politique monétaire indépendante et à répondre plus effectivement aux chocs. Pour répondre à cette question, il est important de distinguer les cas où la flexibilité du taux de change reflète une politique de change visant la réalisation d’une certaine cible d’inflation, et les cas où la politique de change est “ accommodante ”, c’est-à-dire qu’elle essaye de neutraliser les effets de chocs défavorables sur le tauxde changeréel. Dans ce derniercas, du fait que la politique de change prend la forme d’une fonction de réaction aux déséquilibres du taux de change réel, un élément systématique est introduit dans la dynamique de taux de change nominal. Une telle politique sera alorsprise en compte dans la fixation des prix et par conséquent la transmission du taux de change à l’inflation va devenir un phénomène endogène. C’est pourquoi on observe une forte corrélation entre les mouvements du taux de change et les taux d’inflation dans les régimes de flottement contrôlé. Suivant ce raisonnement, nous mesurons l’influence du taux de change sur l’inflation dans les Peco-4 et constatons que les régimes qui ont une politique de change plus accommodante produisent un effet de transmission supérieur. Bien qu’une politique de change accommodante puisse stabiliser le taux de change réel, il est peu probable qu’elle augmente le bien-être en raison des coûts associés à une inflation moyenne plus élevée. Comme le montre Uribe (2003), les cibles de taux de change réel produisent une indétermination des équilibres pour un grand nombre d’hypothèses sur la rigidité des prix nominaux. Des périodes prolongées d’inflation haute et persistante ne devraient pas être un résultat surprenant.

4L’expression “effet de transmission du taux de change” désigne la variation de l’indice des prix causée par un changement du taux de change nominal. Son importance empirique a été analysée dans plusieurs articles ces dernières années. Campa et Goldberg (2002) estiment la transmission pour les prix des importations pour 25 pays de l’OCDE sur la période 1975 à 1999. Goldfajn et Werlang (2000) étudient le rapport entre la dépréciation du taux de change et l’inflation pour 71 pays dans la période 1980 à 1998. Choudhri et alii (2002) étendent l’étude de Goldfajn et Werlang (2000) et essayent d’établir le rôle du régime de change dans la transmission sur 71 pays durant la période 1979-2000. Darvas (2001) fournit des données sur la transmission pour le même ensemble de pays qu’ici pendant la période 1993-2000. Notre étude diffère considérablement dans la méthodologie employée. En utilisant un modèle auto-régressif vectoriel co-intégré, nous identifions la transmission du taux de change aux prix et nous évaluons l’importance des chocs de taux de change nominal sur les mouvements d’inflation domestique pour les Peco-4. De plus, nous invoquons des résultats théoriques de Johansen (2002) pour identifier l’effet de transmission, ce qui n’a pas été fait dans des études précédentes recourant à la co-intégration (par exemple Kim, 1998). Ainsi, nous ne sommes pas les premiers à utiliser la co-intégration pour évaluer la transmission du taux de change, mais les premiers à résoudre le problème d’identification dans ce cadre.

5L’analyse empirique indique que l’effet de transmission est fortement significatif dans les quatre pays candidats examinés, mais il y a des différences importantes entre eux. Celles-ci peuvent être associées aux régimes de change. Tandis que la Slovénie et la Hongrie se sont engagées dans des politiques de change relativement contrôlées, la République tchèque et la Pologne ont laissé leur taux de change flotter plus librement, au moins récemment. De plus, la République tchèque et la Pologne ont introduit des cibles d’inflation qui ont aidé les autorités monétaires à maintenir l’inflation à des niveaux inférieurs à ceux de la Slovénie et la Hongrie. À cet égard il n’est pas surprenant d’avoir trouvé une transmission parfaite du taux de change à l’inflation domestique en Slovénie et en Hongrie. Un impact beaucoup plus faible a été trouvé pour la Pologne et surtout pour la République tchèque. De même, en Slovénie les chocs de taux de change jouent le rôle principal dans les pressions inflationnistes. Au contraire, en Pologne, des chocs autonomes résultant de comportements monopolistiques dans les marchés des biens et des pressions salariales dominent les pressions inflationnistes, et les chocs de taux de change ont un effet réduit. La Slovénie et la Pologne ont suivi des politiques de taux de change plutôt différentes. Bien que cela n’ait jamais été affiché officiellement, la Slovénie a apparemment utilisé une cible de taux de change réel pendant la période, pour essayer de maintenir sa compétitivité externe. La Pologne, après l’utilisation initiale du taux de change comme une ancre nominale, s’est progressivement déplacée vers un taux de change plus flexible, culminant dans le régime flottant qui a commencé en avril 2000. On peut donc conjecturer que des régimes de taux de change aussi différents ont eu un impact fondamental sur l’inflation domestique. La règle implicite de fixation du taux de change réel en Slovénie a été probablement intériorisée par les opérateurs déterminant les prix, devenant ainsi une source persistante d’inflation. En fait, bien que la Slovénie ait apparemment les meilleurs fondamentaux des Peco-4, elle a été incapable de réduire l’inflation au-dessous de 6-8 % dans les cinq dernières années. Au contraire, la Pologne n’a pas suivi de politique de taux de change accommodante. En considérant aussi que la Slovénie est une économie beaucoup plus ouverte et plus petite que la Pologne, on s’attend à une transmission plus faible en Pologne et à un rôle réduit des chocs de taux de change sur l’inflation domestique. La Hongrie et la République tchèque se trouvent entre ces deux cas polaires, avec la Hongrie plus près de laSlovénie etla Pologne plus près de la République tchèque. En général, il semble que plus les politique de change sont prévisibles, comme en Slovénie et en Hongrie (et en Pologne jusqu’en 2000) plus grand est l’effet de transmission. La taille et l’ouverture des pays jouent aussi un rôle important.

6L’analyse a un certain nombre d’implications politiques claires, toutes basées sur le fait empirique que les variations du taux de change affectent de façon importante l’inflation domestique et par conséquent dans n’importe quelle expérience de désinflation on devrait donner le rôle central au taux de change nominal. Un fort effet de transmission du taux de change à l’inflation domestique réduit la marge de flexibilité des taux de change. Même en faisant abstraction du problème de la propagation des chocs exogènes provenant des marchés financiers internationaux (voir Habib (2002) sur cette question), les taux de change flexibles ne sont pas un instrument efficace pour absorber des chocs réels asymétriques (Masten, 2002). Un fort effet de transmission facilite la substitution des dépenses (expenditure switching) et incite les décideurs à essayer ex post de gérer le taux de change de façon à maintenir la compétitivité externe. Comme on peut le voir dans le cas de la Slovénie, une telle politique de cible de taux de change réel crée des pressions inflationnistes persistantes qui ne peuvent être combattues qu’en adoptant de manière crédible une politique de change non-accommodante. Pour une petite économie ouverte, cela peut impliquer l’adoption d’un taux de change fixe. Heureusement, les pays candidats connaissent leur point d’arrivée, l’euro, déjà établi. Leur principale décision de politique économique est de fixer le moment où il faut adopter l’euro. Les conclusions de cet article suggèrent qu’une entrée tardive ne fournit aucun avantage significatif.

7La section 2 présente des faits stylisés sur l’inflation et le comportement des taux de change dans les Peco-4. Elle discute brièvement la tendance de long terme d’appréciation du taux de change et ses rapports avec l’effet Balassa-Samuelson, puis souligne le rapport entre le régime de taux de change et la dynamique de l’inflation. La section 3 discute l’analyse empirique de l’effet de transmission par rapport au choix des régimes de taux de change. La section 4 présente les conclusions.

F aits stylisés sur l’inflation et la dynamique des taux de change

8Après la hausse initiale du niveau des prix associée à leur libéralisation, l’inflation a baissé graduellement dans les Peco-4. Le passage à une inflation à un chiffre a été beaucoup plus rapide en Slovénie et en République tchèque, des pays moins affectés par des grands stocks de dette et par la nécessité d’en financer le service. Cependant, l’inflation semble persister plus longtemps en Slovénie et en Hongrie que dans la République tchèque et la Pologne. Ces trois et quatre dernières années, elle est restée autour de 6-8 % en Slovénie et en Hongrie, avec un certain ralentissement à partir du second semestre 2002, en présence d’un ralentissement économique. La forte baisse de l’inflation en République tchèque et en Pologne reflète deux réalités différentes. L a République tchèque a été couronnée de succès dans la réduction de l’inflation par une politique efficace et crédible d’inflation cible. En Pologne, la chute de l’inflation, qui a baissé à 1% environ en 2002, reflète peut-être une sur-performance parrapport à la baisse souhaitée. C’est le résultat d’une politique monétaire excessivement serrée qui a négativement affecté l’économie pendant une période de ralentissement économique général en Europe. La performance productive en Pologne pendant 2002 a été parmi les plus mauvaises entre les pays candidats. Une chute brutale de la demande et de la production accompagnant un taux de chômage persistant d’environ 18% ont contribué à la forte baisse de l’inflation.

9La baisse graduelle de l’inflation s’est accompagnée d’une appréciation considérable du taux de change réel dans tous les Peco-4, et d’ailleurs dans toutes les économies en transition. On peut considérer qu’une composante de cette tendance à l’appréciation est un phénomène d’équilibre, conformément à l’effet Balassa-Samuelson, qui affecte l’inflation et le taux de change réel dans la phase de rattrapage. Il y a, cependant, un processus dynamique additionnel connectant les taux de change et l’inflation.

10La figure 1 illustre la dynamique de l’inflation et la croissance des taux dechangenominaux etréelsdans les Peco-4 depuis 1995. La figure montre aussi un indicateurde l’étatde l’économie : lacroissancede la production industrielle.

11La figure 1 indique la présence de deux modèles différents dans les Peco-4. D’une part, il y a le cas de la Slovénie et la Hongrie. La croissance du taux de change nominal et l’inflation présentent un co-mouvement comparativement plus aligné. Les deux pays ont maintenu des taux de dépréciation positifs en moyenne. Alors que la Hongrie s’est séparée de cette pratique au second semestre 2001, la Slovénie poursuit des interventions de stérilisation sur le marché des changes qui maintiennent un taux de dépréciation positif. Par contre, la République tchèque et la Pologne montrent une forte corrélation des mouvements des taux de change nominaux et réels. De plus, on note pour la République tchèque que la croissance du taux de change n’a jamais dévié de manière permanente de zéro, ce qui a considérablement contribué à sa meilleure performance dans le groupe des Peco-4 en ce qui concerne l’inflation.

Figure 1

croissance de la production industrielle, croissance des taux de change nominal et réel et inflation

Figure 1
Figure 1 : croissance de la production industrielle, croissance des taux de change nominal et réel et inflation dans les Peco-4 (moyenne mobile sur 3 mois) Pologne Hongrie 40 40 Production industrielle Production industrielle Indice des prix à la consommation 30 Indice des prix à la consommation Taux de change nominal Taux de change nominal 30 Taux de change réel Taux de change réel 20 20 10 10 0 0 -10 -10 -20 -20 1994 20011995 1996 1997 1998 1999 2000 2002 2003 1994 20011995 1996 1997 1998 1999 2000 2002 2003 République tchèque Slovénie 20 30 Production industrielle Indice des prix à la consommation Production industrielle 15 Taux de change nominal 25 Indice des prix à la consommation Taux de change réel 20 Taux de change nominal 10 Taux de change réel 15 5 10 0 5 -5 0 -5 -10 -10 -15 -15 -20-20 1994 20011995 1996 1997 1998 1999 2000 2002 2003 1994 20011995 1996 1997 1998 1999 2000 2002 2003 Source : Datastream.

croissance de la production industrielle, croissance des taux de change nominal et réel et inflation

Datastream.

12Il résulte de ce qui précède que les différentes dynamiques de l’inflation dans les Peco-4 semblent être associées aux différents régimes de change. Le tableau 1 présente les régimes de change dans les économies de transition choisies avec leurs changements en partant des régimes moins flexibles – ou fixés – et en allant vers des régimes plus flexibles, tels qu’ils eurent lieu pendant la transition. Les dates en caractères gras indiquent le début des régimes de taux de change actuels. Il est important de garder à l’esprit qu’une classification comme celle du tableau 1 donne seulement la première caractérisation d’un régime de change. La deuxième caractéristique des régimes de change et de la politique monétaire est le degré d’accommodation, tel que nous l’avons défini plus haut. Pour la Slovénie par exemple, il est clair que la gestion stricte du taux de change a été orientée vers le soutien d’un taux de dépréciation positif, ce qui peut être compris comme un signe de politique monétaire accommodante.

13En République tchèque cela n’a pas été le cas même après le passage à un régime plus flexible. Ainsi, dans le cas du flottement contrôlé (managed float), il est important de savoir si la gestion dutaux dechange est utilisée comme un instrument pour atteindre une cible d’inflation préétablie, ou au contraire pour amortir leschocs sur le taux de change réel. Dans le cas des cibles d’inflation, la flexibilité du régime de tauxde changepeut êtredésirable puisqu’ellepermet l’ajustement plus rapide des prix relatifs et n’ajoute pas ainsi aux pressions inflationnistes. Dans le cas des cibles de taux de change réel, c’est le contraire. Les problèmes de détermination (Uribe, 2003) peuvent aboutir à des déviations permanentes de l’inflation par rapport à la cible.

14En ce qui concerne les régimes de taux de change, tous les Peco-4 se sont déplacés de taux de change fixes à des régimes plus flexibles, peut-être aussi pour être capable de maintenir les taux d’inflation aux niveaux exigés, et aussi à cause des tensions engendrées par les afflux de capitaux (Corker et alii, 2000). Tandis que la République tchèque et la Pologne définissent des cibles d’inflation, la Hongrie et la Slovénie persévèrent dans les cibles de taux de change (crawling peg) et cible de M3, respectivement [1]. D’après Coricelli et J azbec (2001), la plus grande flexibilité des régimes de change par rapport aux régimes employés au début des années 90 reflète la diminution progressive de l’effet des réformes structurelles sur le taux de change réel ; c’est au milieu des années 90 que la productivité et les facteurs de demande ont commencé à affecter le taux de change réel plus que les réformes structurelles. Le changement des régimes de change en République tchèque et en Hongrie correspond à la libéralisation du commerce et à la convertibilité en compte courant. Bien que la Slovénie ait officiellement visé M3 pendant la dernière décennie, le régime de gestion stricte du taux de change aété rendu possible par des contrôles sur les flux de capitaux de court terme, accompagnés de fréquentes opérations de stérilisation. Dans l’ensemble, les Peco-4 ont fait des progrès substantiels dans la réduction de l’inflation, qui a, en moyenne, été au-dessous de 10% depuis 1998.

15Les programmes anti-inflationnistes dans les Peco-4 ont réussi à réduire l’inflation en partant de niveaux presque hyper-inflationnistes au début de la transition ; cependant, les taux d’inflation sont toujours au-dessus des taux exigés pourl’entrée dans l’UEM. Une partie de cet excès d’inflation pourrait s’expliquer par l’effet Balassa-Samuelson et la convergence inachevée des prix relatifs (sur ce point voir Cihak et Holub, 2001). Mais la combinaison du régime de change et de la politique monétaire peut contribuer aux différencesd’inflationet au faitque la République tchèque et la Pologne ont en moyenne des taux d’inflation inférieurs à la Hongrie et à la Slovénie durant les trois dernières années. L’hypothèse ici est que la combinaison d’un régime de change relativement flexible subordonné à une certaine cible d’inflation explicite produit des niveaux d’inflation inférieurs.

Effet de transmission du taux de change à l’inflation

16Après avoir passé en revue les différentes analyses empiriques de la transmission du taux de change, l’article complète l’analyse de Coricelli, Jazbec et Masten (2003) en montrant que les estimations de l’effet de transmission d’équilibre (voir définition 1) sont identifiées et peuvent être interprétées comme des élasticités dans un sens structurel. Cette question de l’identificationn’estpastraitéedanslalittérature.

Tableau 1

régimes de taux de change dans les Peco-4

Tableau 1
Tableau 1 : régimes de taux de change dans les Peco-4 Parité Flottement Flottement Pseudo Conventionnelle Bande Etroite Flottement Bande Large Géré Relativement Libre (Conventional (Narrow (Tightly (Broad Band) (Managed (Relatively Free Peg) Band) Managed) Float) Float) République tchèque Janvier 1991 Février 1996 Mai 1997 Hongrie Mars 1995 Octobre 2001 Pologne Janvier 1990 Mai 1991 1998 Avril 2000 Slovénie Février 1992 Source : Arratibel, Rodriguez-Palenzuela, et Thimann, 2002.

régimes de taux de change dans les Peco-4

Arratibel, Rodriguez-Palenzuela, et Thimann, 2002.

17Définition 1 : L’effet de transmission d’équilibre est mesuré par le taux de croissance du taux de change nominal lui même régressé sur la différence entre l’inflation domestique et étrangère dans une relation de co-intégration qui ne contient aucune autre variable.

Questions méthodologiques et les limitations des études empiriques existantes

18La mesure de l’effet de transmission proposée dans cet article est l’impact de la croissance du taux de change nominal sur un indicateur de prix à la consommation, souvent utilisé comme cible par les autorités monétaires, mais aussi sur les taux d’intérêt réels, sur la production, ainsi que l’ajustement de court termeauxdéviationspar rapport à l’équilibre.

19Dans la littérature l’analyse de l’effet de transmission n’est pas unifiée. En termes de méthodologie, les méthodes VAR structurelles (SVAR) sont fréquentes (McCarthy (2000 par exemple). L’effet de transmission y est mesuré par la réponse de séries de prix à un choc de taux de change structurel identifié. Le problème de cette approche est que la corrélation du taux de change et des prix peut être causée par n’importe quel choc, et qu’il y a autant d’effets de transmission que de chocs structurels identifiés. Campa et Goldberg (2002) évaluent pour cette raison une équation simple pour des pays de l’OCDE et mesurent l’effet de transmission sur le prix des importations par le coefficient du taux de change nominal. Une équation simple est utilisée aussi par Darvas (2001) pour le groupe de pays adhérents. Une utilisation différente d’analyseSVAR se trouvedans Choudhri, Faruqee et Hakura (2002). Les réponses observées de plusieurs indices de prix à un choc de taux de change ne sont pas utilisées pour mesurer l’effet de transmission directement, mais comme un point de référence à des simulations obtenues à partir d’un modèle théorique calibré selon différentes hypothèses de rigidités nominales dans l’économie.

20Un inconvénient commun à toutes les études basées sur les méthodes SVAR est qu’elles ne considèrent pas explicitement la possibilité de co-intégration. Les séries des prix sont souvent intégrées d’ordre un au moins, ce qui demande un test explicite de co-intégration. D’un point de vue économique, négliger la co-intégration quand elle est présente équivaut à ne pas accorder d’importance à la relation d’équilibre de long terme entre le taux de change nominal et les prix. Or l’analyse de l’ajustement aux équilibres permet d’évaluer des aspects théoriques importants des modèles néo-keynesiens.

21L’analyse de Coricelli, Jazbec et Masten (2003) constitue une avancée par rapport aux études existantes pour trois raisons. D’abord, l’analyse est développée dans le contexte d’un modèle auto-régressif vectoriel co-intégré (CVAR). C’est le cas aussi de Kim (1998) et de Billmeier et Bonato (2002), mais les évaluations présentées dans ces deux articles ne sont pas conforme à la définition 1, ce qui implique que l’effet de transmission n’est pas identifié.

22Deuxièmement, l’évaluation de l’effet de transmission n’est pas fondée sur l’identification de chocs structurels. Ceux-ci ne peuvent être identifiés qu’en utilisantdes restrictions non testables, souvent imposées arbitrairement, dans des systèmes multidimensionnels, avec une justification théorique faible. La procédure utilisée dans l’article distingue clairement les chocs permanents des chocs transitoires. Pour l’analyse de la transmission, cette distinction est essentielle, car seuls les chocs de taux de change permanents peuvent avoir un effet de transmission d’équilibre non-nul et provoquer un changement durable dans les décisions de prix des agents économiques. Il est en effet peu probable que les chocs de taux de change transitoires puissent induire des changements significatifs de court terme dans les décisions de prix si ces changements sont coûteux pour les firmes. Dans la mesure où l’analyse est utilisée pour la formulation de la politique monétaire et le choix de régime de taux de change, l’isolement des effets de chocs permanents est extrêmement important.

23Le troisième défaut des études existantes est qu’elles ne considèrentpasle cas où les prix, letaux dechange nominal et les salaires nominaux sont intégrés d’ordre 2, ce qui est reconnu de plus en plus fréquemment dans la littérature [2]. Des prix I(2) signifient dans la pratique que le taux d’inflation n’est pas stationnaire ou qu’il a une tendance stochastique, et que des chocs nominaux ont un effet persistant sur le niveau d’inflation. Le traitement de l’inflation comme une variable stationnaire invalide l’inférence statistique qui en découle, et tous les résultats obtenus sans tester au prélable que l’inflation est stationnaire doivent être interprétés avec réserve. Coricelli, Jazbec et Masten (2003) trouvent que les prix, les salaires nominaux et le taux de change nominal, sont des variables intégrées d’ordre deux et en tiennent compte dans l’évaluation de l’effet de transmisison.

24L’analyse économétrique dans Coricelli, Jazbec et Masten (2003) est conduite sur données mensuelles, tandis que la grande majorité des autres études utilise des données trimestrielles. L’utilisation de données mensuelles a l’avantage d’éviter des moyennes de prix sur des intervalles de temps correspondant à la collecte des données. L’analyse économétrique à partir de données trimestrielles est par ailleurs sérieusement entravée par la durée courte, dix ans, des séries temporelles dans les pays candidats. L’inclusion d’un certain nombre de variables de contrôle, importantes pour la détermination du taux de change, mène rapidement à une dimension du système n’admettant pas une véritable analyse de co-intégration. La technique utilisée ici exige donc l’utilisation de données mensuelles.

25Identification de l’effet de transmission dans une structure I(1)

26Dans cette section nous montrons commentl’effet de transmission du taux de change nominal à l’inflation (croissance de l’indice des prix à la consommation domestique) peut être identifié dans une structure de co-intégration I(1). Le système des variables que nous regardons est le suivant :

equation im3

où ? ? t t ?* est le différentiel d’inflation par rapport à l’Allemagne, ? et la croissance du taux de change nominal, i i t t ?* le différentiel de taux d’intérêt par rapport à Fibor/Euribor (3 mois) et yt, l’indice de production industrielle totale. L’indice de production industrielle est en niveau car il n’est pas intégré d’ordre 2. Le taux de change nominal est quant à lui différencié, pour pouvoir exclure avec certitude une relation de co-intégration d’ordre 2. La relation entre la croissance du taux de change nominal et le différentiel d’inflation est ce qui nous intéresse principalement, car l’effet de transmission peut être défini comme le coefficient du différentiel d’inflation [3]. Les taux d’intérêt nominaux entrent aussi dans le système en différentiel. La période d’estimation va de 1993 à 2002. Soulignons que le test formel de stabilité des paramètres structurels ne permet pas de rejeter l’hypothèse de stabilité des paramètres pour tous les pays en question. Ainsi, bien que quelques pays aient formellement changé de régime de change pendant la période étudiée il n’y a pas de changement significatif du comportement des séries économiques que nous analysons.

27Coricelli, Jazbec et Masten (2003) estiment trois vecteurs co-intégrants pour chaque pays dans l’analyse :

equation im4

Ceséquations seré-écrivent dela manière suivante :

equation im5

Soit le système I(1) suivant :

equation im6

La condition de rang réduite s’écrit ? = ??' [4]; La matrice? correspond aux relations de co-intégration et ? aux coefficients de pondération. Dans ce modèle les matrices C et ? sont définies par

equation im7

où ?? et ?? sont les compléments orthogonaux de? et ? respectivement. Dansce quisuitnous invoquons des résultats de Johansen (2002), selon lesquels la valeur de long terme X, exprimée en fonction des t?/ valeurs courantes ( , ,..., )X X X t t t k? ? +1 1, est donnée par :

equation im8

L’expression (1) dit que les variations de long terme dans les variables endogènes sont proportionnelles à ??, le complément orthogonal de?. Une variation de long terme donnée k sp?? ( )? peut s’obtenir soit en ajoutant k à toutes les valeurs courantes ou en ajoutant ? k à Xt. Puisque nous regardons des vecteurs co-intégrants identifiés par des restrictions de nullité, la Proposition 2 dans Johansen (2002) peut être utilisée pour les interprétations ci-dessous. Les variations admissibles de long terme des variables sont résumées par le complément orthogonal des vecteurs co-intégrants, ? ? ? ? ? ? ? ? = ( , , , )'1 2 1 2 1, normalisé sur le 1 3 deuxième élément, qui pour simplifier correspond à un changement unitaire de la croissance du taux de change nominal. L’effet de transmission est identifié et directement mesuré par ? [5]. Notons que la 1 Définition 1 est directement satisfaite dans le cas présent avec un rang égal à trois dans un système à quatre dimensions, mais il peut être obtenu aussi pour un rang deux selon une solution simple du système de variables (voir aussi Masten, 2003).

28Une variation du taux de dépréciation d’équilibre correspond à un changement simultané du différentiel de taux d’intérêt, égal à ? ?. Ce 1 2 changement non proportionnel implique que les taux d’intérêt réels ont été non-stationnaires dans tous les pays considérés. Le rang égal à trois implique que la relation de long terme entre les variations du taux de changeetl’inflationest soutenuepar uneffet non-nul sur la production réelle (? ? ? 2 ), ce qui n’est pas 1 3 toujours le cas pour des ordres de rang inférieur.

29L a partie gauche du tableau 2 présente les estimations des coefficients de co-intégration juste identifiés en utilisant la même notation que ci-dessus. Les signes de tous les coefficients sont conformes à la théorie. Comme on l’a expliqué ci-dessus, ? peut être interprété comme l’effet de 1 transmission de long terme ou d’équilibre. Nous pouvons observer qu’il est plus grand en Slovénie et pratiquement égal à 1. En Hongrie il est à peine différent. En Pologne il est inférieur à 1, mais pas statistiquement significativement différent de 1. La valeur estimée la plus petite, d’environ 0,5, est observée en République tchèque, mais l’estimation est plus dispersée par rapport aux autres pays. Il faut mentionner que toutes ces estimations de l’effet de transmission d’équilibre sont élevées, en partie parce que l’indice des prix contient aussi les prix des biens non échangeables.

Tableau 2

coefficient de co-intégration et compléments orthogonaux à l’espace co-intégrant - ?'

Tableau 2
Tableau 2 : coefficient de co-intégration et compléments orthogonaux à l’espace co-intégrant - ?' Coefficients de co-intégration ?' ?1 ?2 ?3 ? ??* ? e i - i* y République tchèque 0,46 (0,06) 1,28 (0,19) -0,03 (0,001) 0,5 1 0,625-0,018 Hongrie 0,97 (0,10) 1,49 (0,11) -0,03 (0,004) 1 1 1,5-0,045 Pologne 0,86 (0,10) 0,84 (0,08) -0,03 (0,006) 0,8 1 0,67-0,020 Slovénie 1,01 (0,10) 2,32 (0,20) -0,01 (0,001) 1 1 2,5-0,025 * écart-type entre parenthèses.

coefficient de co-intégration et compléments orthogonaux à l’espace co-intégrant - ?'

30Pour chaque pays le complément orthogonal de? est le vecteur 4? 1 reporté dans la partiedroite du tableau 2. Les co-mouvements admissibles de longue durée des variables analysées sont ainsi résumés dans un espace unidimensionnel. Puisque les estimations de vecteurs co-intégrants sont assez similaires pour tous les pays, les compléments orthogonaux de l’espace co-intégrant ont qualitativement la même structure. Pour le cas de la Slovénie ?? est égal à (1,1,2.5, -0.025)’. Cela signifie qu’un changement permanent de la croissance du taux de change, app uyée par u ne augmentation simult anée du différentiel de taux d’intérêt, s’accompagne d’une augmentation équivalente du différentiel d’inflation et d’un niveau inférieur de production. Que l’effet soit sur le niveau de production et non sur le taux de croissance découle de l’analyse de co-intégration dé v el o p p ée p r écé d em me n t, s el o n l a q ue l le la production réelle n’est pas affectée par des tendances stochastiques I(2). Par ailleurs, l’effet sur le niveau de production est significatif pour tous les pays puisque aucun des espaces co-intégrants n’a de v e c t e u r u n i t a i r e ( s a u f l a p r o d u c t i o n p a r construction). Parce que la hausse du différentiel de taux d’intérêt est plus que proportionnelle, le différentiel de taux d’intérêt réel ex post augmente aussi, ce qui est la cause la plus probable de la baisse de production [6]. L’effet disproportionné sur le différentiel de taux d’intérêt est la conséquence de la non-stationn arité de la p rime de risque et du d i f f é r e n t i e l d e t a u x d’i n t é r ê t r é e l. C e t t e non-stationnarité est observée pour tous les pays considérés et n’est pas surprenante pendant la période de transition vers le marché.

31Quand les banques centrales font des opérations de stérilisation sur le marché des changes pour maintenir un taux de dépréciation positif, neutralisant ainsi les forces dumarché (comme cela a été le cas en Slovénie), elles induisent par ces opérations un changement de même ampleur dans la différence des taux d’inflation des prix à la consommation. La politique de dépréciation du change est bien à l’origine dans ce cas précis de l’inflation domestique. Le coefficient ?1 est une mesure de l’effet de transmission [7].

32La Hongrie est un cas très semblable à celui de la Slovénie, la seule différence étant qu’une politique plus prononcée de stabilisation de taux de change, bien que rapportant le même gain en terme de réduction d’inflation, réduit d’un peu moins, mais t o u j o u r s p l u s q u e p r o p o r t i o n n e l l e m e n t, l e différentiel de taux d’intérêt, et augmente d’un peu plus la production. La Pologne et la République tchèque se distinguent de la Hongrie et la Slovénie. L’effet de transmission y est inférieur à l’unité ainsi que l’effet négatif sur la production. L’augmentation du différentiel de taux d’intérêt pour soutenir une politique potentielle de dépréciation de taux de change accélérée est aussi plus faible [8]. Ceci s’explique par la nature des politiques de change dans ces deux pays.

33En résumé, une augmentation du tauxde croissance du taux de change nominal se traduit par une augmentation plus importante de l’écart entre inflation domestique et étrangère en Slovénie et Hongrie, deux pays dont les politiques de change sont plus accommodantes. De l’analyse, il ressort que pour la Slovénie les modifications du taux de change se répercutent plus fortement sur l’inflation domestique. En Hongrie, les innovations de taux de change ont un effet comparativement plus faible. En Polognel’effet dela croissance du taux de change sur l’inflation est plus petit qu’en Slovénie et en Hongrie. L a République tchèque a l’effet de transmissionleplusfaible. Cerésultatestconformeà Coricelli, Masten et Jazbec (2003), qui montrent que les chocs sur le taux de change nominal, sur l’IPC et sur l’IPP dominent les pressions inflationnistes. La part du taux de change nominal est maximale pour la Slovénie, environ deux fois plus grande que les parts correspondantes de l’IPC et l’IPP, qui sont à peu près égales. En Slovénie l’effet le plus important des chocs sur le taux de change nominal est donc sur l’inflation, le comportement de tarification autonome defirmesimparfaitement concurrentielles ayant, d’autre part, un effet beaucoup plus faible. Exactement à l’opposé se trouve le cas de la Pologne, où la part du taux de change nominal est presque négligeable, tandis que les pressions inflationnistes peuvent être principalement attribuées aux chocs sur l’IPC et l’IPP, dans des proportions à peu près équivalentes. Pour la République tchèque, les trois variables expliquent l’inflation; cependant, l’effet d’un choc sur le taux de change nominal est considérablement plus petit. Pour la Hongrie la situation est différente au sens où les chocs sur l’IPP n’ont pas d’effet inflationniste. Les pressions inflationnistes proviennent essentiellement de chocs sur le taux de change et, ce qui est plus important, de chocs sur l’IPC. Puisqu’une des différences principales entre l’IPP et l’IPC est que ce dernier reflète aussi les prix des biens non-échangeables, nous pouvons en déduire qu’en Hongrie une partie importante des pressions inflationnistes vient du secteur non-échangeable, de tarification monopolistique, de pressions salariales et de changements de prix administrés.

34Comment différents régimes de taux de change influencent-ils la performance inflationniste d’une é c o n o m i e ? U n r é g i m e q u i d é p r é c i e systématiquement la monnaie locale induit les firmes à incorporer fortement les dépréciations attendues dans les comportements de tarification. La politique de taux de change devient alors une source importante de pressions inflationnistes et mène à un taux d’inflation moyen considérablement au-dessus de ce qu’implique la dynamique structurelle de l’économie. À cet égard l’impact inflationniste de la politique de taux de change est le plus haut en Slovénie, suivi par la Hongrie, la République tchèque et la Pologne.

Conclusion

35Les Peco-4 ont tous fait des progrès substantiels dans la réduction de l’inflation, qui a été en moyenne au-dessous de 10 % depuis 1998. Cette inflation résulte de l’effet Balassa-Samuelson et du processus de convergence globale des prix relatifs, mais aussi du régime de taux de change choisi et de la politique monétaire, par le biais de l’effet de transmission. Dans le contexte des pays en transition, la dichotomie entre les cibles d’inflation et les cibles de taux de change est plus apparente que réelle. De plus, dans beaucoup de cas, la flexibilité de taux de change s’avère être une politique qui cherche à accommoder les inefficacités et le pouvoir monopolistique dans des secteurs non-échangeables.

36L’appréciation réelle dans les économies en transition s’est traduite par plus d’inflation que d’appréciation nominale, et une partie de cette inflation peut provenir des rigidités sur les marchés du travail et des biens. Cela soulève la question du rapport entre la politique de taux de change et la désinflation dans une économie avec des inerties inflationnistes et salariales. Dans le modèle des prix échelonnés (staggered) de Calvo (1983) avec inertie des niveaux de prix dans le secteur non-échangeable, il est facile de montrer qu’en réduisant le taux de dépréciation du taux de change, un pays peut réduire le taux d’inflation avec peu d’effet ousans effet surla production dans le secteur non-échangeable. Cependant, l’analyse empirique de cetarticle montre que les taux d’inflation dans les Peco-4 sont non-stationnaires, ce qui implique que ces économies présentent une inertie d’inflation complète et non seulement une inertie des prix. Calvo, Celasun et Kumhof (2002) ont récemment proposé un cadre théorique qui incorpore l’inertie d’inflation dans la structure de tarification échelonnée (staggered) des firmes en concurrence monopolistique. L’intuition de ce modèle est que les firmes choisissent une règle de prix qui inclut une révision des prix selon le taux d’inflation dans l’économie. Cela implique que les firmes intériorisent les effets de politiques telles qu’un taux de dépréciation persistant correspondant à une banque centrale qui poursuit une cible de taux de change réel. En conséquence, le modèle contient de l’inertie inflationniste en plus de l’inertie des niveaux des prix. La simulation d’une politique de désinflation mise en oeuvre par la réduction du taux de dépréciation du taux de change montre que la production dans le secteur non-échangeable baisse transitoirement. Sous l’hypothèse de concurrence monopolistique dans le secteur échangeable, la baisse de production, bien que plus faible, se produit aussi dans le secteur échangeable. Néanmoins, la désinflation augmente le bien-être car elle réduit les pertes de bien-être associées au pouvoir de monopole dans le secteur non-échangeable. On peut ainsi voir une politique de désinflation comme une façon de réduire les pertes de bien-être liées aux tarifications de monopole. Ce modèle semble approprié aux pays candidats, notamment la Hongrie et la Slovénie, dans lesquels on a trouvé un effet de transmission important et qui sont caractérisés par des politiques de change accommodantes. Dans ces pays le changement de politique de change aurait de faibles coûts en terme de baisse de la production et desgainsliésàlaréduction dupouvoir demonopole.

37Quelles implications de politique économique peut-on tirer des résultats empiriques présentés ? La conclusion la plus importante est que l’impact du taux de change nominal sur les prix ne doit pas être sous-estimé. La trajectoire du taux de change nominal dans une période de désinflation doit avoir un rôle prioritaire. Dans les trois dernières années, lestaux d’inflationont étéplusfaiblesen République tchèque et en Pologne et plus élevés en Hongrie et en Slovénie. C’est parce que la République tchèque et la Pologne sont moins interventionnistes dans la gestion des régimes de change, et emploient en plus des cibles d’inflation. Dans le cas de la Pologne les coûts en termes de production et de chômage sont très élevés. En République tchèque, il semble que le taux de change soit utilisé comme cible intermédiaire pour atteindre une cible d’inflation, ce qui semblenaturel dansune petite économie ouverte. Avant l’adoption de l’euro, tous les pays candidats devront entrer dans le système ERM2. L’article suggère que la période de pré-adoption peut engendrer une inflation persistante, car les pays candidats essaieront probablement de maintenir leur compétitivité externe et d’utiliser le taux de change comme un amortisseur des chocs extérieurs. Le cas de la Grèce, qui a été forcée deux fois de réévaluer sa parité pour faire face aux pressions inflationnistes dans le mécanisme ERM, est un exemple notable. On peut s’attendre à des taux d’intérêt croissants et à une volatilité de la production accrue avant l’adoption effective de l’euro, renforcés par le régime de pleine mobilité du capital que les pays candidats doivent adopter. Pour les auteurs de cet article, la meilleure politiqueestl’adoptionde l’euroleplustôtpossible.

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Mots-clés éditeurs : accession à l'UME, compromis de politique, intégration I(2), analyse de co, effet de transmission

https://doi.org/10.3917/ecop.163.0051

Notes

  • (*)
    University of Siena, Central European University and CEPR.
  • (**)
    University of Ljubljana.
  • (***)
    European University Institute and University of Ljubljana.
  • (1)
    La Hongrie a commuté à un régime visant l’inflation seulement en octobre 2001.
  • (2)
    Voir Banerjee, Cockerell et Russel (2001), Juselius (1999 et 2001), Coenen et Vega (2001), Ericsson, Hendry et Prestwich (1998), et Kongsted (2002).
  • (3)
    On n’analyse pas dans cet article l’effet de transmission de s prix étrangers (des importations) à l’infla tion domestique.
  • (4)
    Voir Johansen (1995) pour une présentation détaillée.
  • (5)
    P our u ne disc us s ion c om plè te et dé ta illé e de l’identification de l’effet de transmission dans un cadre co-integré, voir Masten (2003). Il démontre que dans le cas présent l’effet de transmission pourrait être identifié aussi pour un rang 2, mais pas pour un rang 1.
  • (6)
    Pour voir ceci, on note que l’on peut réécrire la troisième relation co-intégrante notée génériquement i i? = ? * * ( )? ? ? 2, ainsi : r r? = ? ? * * ( ) ( )? ? ? 2 1, où r est le taux d’intérêt réel ex post.
  • (7)
    Il respecte la condition suivante : on doit noter que ? ?,, , , , ) ( )1 2 5 0 025? ?? sp pour tout ? ? 1.
  • (8)
    Notons que pour la Pologne même si la valeur estimée de?2 est plus grande que 1, elle n’est pas significativement différente de 1. Cela signifie que la prime de risque et le différentiel de taux d’intérêt polonais ont été stationnaires dans la période analysée. Un changement dans le taux de dépréciation du zloty ne se traduit donc pas par des taux d’intérêt réels d’équilibre inférieurs.
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