Couverture de ECOP_160

Article de revue

L'individualisation de l'impôt sur le revenu : équitable ou pas ?

Pages 149 à 165

Notes

  • (*)
    Direction de la Prévision et de l’Analyse Economique. E-mail : ddamien. echevin@ dp. finances. gouv. fr
  • (1)
    Cf. Daguet, 2002.
  • (2)
    Calculs réalisés à partir d’un échantillon représentatif de 500 000 déclarations de revenus relatifs à l’année 2002, source Direction Générale des Impôts (DGI).
  • (3)
    Quant au nombre de “pacsés”, il ne dépasserait pas 0,1% des foyers fiscaux.
  • (4)
    Dans un certain nombre de pays, la taxation des revenus professionnels est individualisée alors que les revenus non professionnels sont taxés de manière familiale, soit au nom du conjoint qui dispose du plus gros revenu (Pays-Bas, Belgique), soit en les répartissant à part égale entre les deux conjoints. Par ailleurs, au Royaume-Uni, où le système est individualisé, le crédit d’impôt est calculé sur les revenus cumulés du ménage, ce qui peut créer, à l’instar de l’EITC américain, une taxe au mariage importante pour les ménages à bas revenus. Ainsi, dans plusieurs pays, comme par exemple la Belgique, l’Italie, le Danemark et les Pays-Bas, le système n’est pas totalement individualisé puisque certains allègements et déductions d’impôts sont calculés au niveau du couple.
  • (5)
    Sauf toutefois pour certains foyers bénéficiant de la décote, du seuil minimum de perception ou d’autres abattements (tels que ceux dédiés aux personnes âgées).
  • (6)
    Cf. par exemple Buffeteau et Echevin, 2003, qui exploitent la réforme du quotient familial de 1995 afin d’identifier les effets de la fiscalité sur le mariage et l’offre de travail.
  • (7)
    Selon l’échelle de l’Insee (1 pour le premier adulte, 0,5 par adulte supplémentaire et 0,3 par enfant), si un couple marié bénéficie de 2 parts de quotient familial, un célibataire devrait bénéficier de 1,3 part (contre une seule actuellement) et, à taille du ménage et à revenu identique, un couple de concubins devrait bénéficier du même avantage fiscal – variant selon l’écart des revenus individuels – qu’un couple marié.
  • (8)
    Cf. récemment le rapport d’Albouy et Roth (2003) : les allègements d’impôt liés à la présence d’enfants dans le ménage sont certes plus concentrés que le niveau de vie avant impôts et prestations, ce qui contribue à réduire l’équité verticale, mais cela contribue aussi à réduire l’inéquité horizontale (à même niveau de vie, même impôt) ; aussi les effets comparés de chacune de ces deux composantes sur la redistribution mériteraient-ils sans doute d’être éclairés pour le cas français. En première approximation, la méthode de décomposition utilisée dans le présent article (cf. annexe) montre que le système de prestations sociales engendre une inéquité horizontale qui conduit à la réduction d’environ 10% de l’indice de redistribution de Musgrave, alors que l’impôt sur le revenu n’en engendre pratiquement pas (1% seulement soit un rapport de 1 à 10 concernant l’impact respectif de la fiscalité et des aides publiques sur l’inéquité horizontale). De ce point de vue–et de ce point de vue seulement– le système de transferts sociaux serait donc plus inéquitable que le système d’imposition sur le revenu.
  • (9)
    Sur un plan plus juridique, Monnier (2000) oppose la vision “ égalitariste ” à la vision “ paritariste ” : l’une se concentre sur le niveau de vie (après impôt) et l’autre sur la capacité contributive (qui se mesure avant impôt et qui répond au principe d’égalité face à l’impôt). Les deux points de vue sont aussi exprimés par Glaude (1991) et Sterdyniak (1992) au sujet du quotient familial, et par Hugounenq, Périvier et Sterdyniak (2002) sur le thème de l’individualisation de l’IR.
  • (10)
    Ces données fiscales n’ont, à notre connaissance, jamais été utilisées pour la projection des revenus dans un modèle de microsimulation.
  • (11)
    L’analyse des mesures d’accompagnement permettant d’opérer une réforme à budget constant n’a pas été effectuée pour deux raisons principales : d’une part, l’analyse des compensations visant à minimiser le nombre de perdants de la réforme apparaît complexe, compte tenu de l’existence d’un grand nombre de dépenses fiscales spécifiques (cf. Bretin, 2003) et devrait donc faire l’objet de travaux approfondis ; d’autre part, l’enquête Revenus fiscaux de l’Insee n’est pas représentative de l’ensemble des foyers fiscaux (certaines déclarations fiscales manquantes donnent lieu à un calcul simplifié de l’impôt…) et donc de l’impôt sur le revenu total. Le coût budgétaire de 3,7 MdE est donc estimé directement à partir de l’échantillon de déclarations de revenus DGI.
  • (12)
    Dans le cas d’un couple, la personne de référence du ménage est systématiquement l’homme.
  • (13)
    Notons que le calcul est modifié en présence d’enfants puisque, alors, il peut y avoir un avantage à se marier même si les salaires des deux conjoints sont égaux.
  • (14)
    Notons que la formule théorique ne s’applique qu’en l’absence d’enfants et montre qu’un couple gagne fiscalement au mariage sauf si les revenus individuels sont proches. En présence d’enfants, il n’est plus vrai que le système d’imposition joint défavorise la parité des ressources homme-femme : par exemple, les couples avec un enfant qui ne gagnent rien au mariage sont les couples où le salaire d’un des deux conjoints est 1,5 fois supérieur à celui de l’autre conjoint, alors que les couples avec enfants où les revenus individuels sont égaux gagnent au mariage. Ce raisonnement permet d’expliquer que la diagonale du tableau 6 correspond à des gains relativement élevés (4,1% du revenu du couple en moyenne lorsque les deux salaires sont compris entre 20 000 et 40 000 euros par an).
  • (15)
    Notons que ces résultats peuvent être comparés aux estimations obtenues pour les États-Unis, d’une part, par Rosen (1987) qui évalue les conséquence du Tax Reform Act de 1986; cette réforme a fortement réduit le poids de l’impôt sur le revenu mais a également eu pour effet d’accroître la taxe au mariage. D’autre part, Feenberg et Rosen (1994) simulent des mesures fiscales prises par le gouvernement Clinton en matière de hausse des taux supérieurs de l’impôt et d’augmentation du crédit d’impôt (EITC). Sur la base d’un modèle de microsimulation, Rosen (1987) estime qu’en 1988, 40% des couples paient une taxe au mariage d’environ 1 100 $ et 53% ont un gain moyen au mariage de 600 $. Feenberg et Rosen (1994) estiment qu’en 1994,52% des couples américains paient une taxe au mariage qui s’élève en moyenne à 1 244 $; 38% ont un gain moyen au mariage de 1 399 $. Ces ordres de grandeur démontrent la faiblesse de la taxe au mariage en France (la taxe au mariage est en valeur absolue six fois plus faible que le gain moyen au mariage en France, alors qu’aux États-Unis, à la fin des années 1980, la taxe au mariage est près de deux fois plus élevée en valeur absolue que le gain au mariage puis devient du même ordre de grandeur dans les années 1990). La proportion de couples qui perdent au mariage est aussi deux fois plus élevée aux États-Unis qu’en France. Bien entendu, ces résultats pourraient être modifiés si nous avions simulé la taxe et le gain au mariage pour l’ensemble des couples et non pas uniquement pour les couples mariés (ce que font les auteurs américains). Ainsi, dans la mesure où les couples non mariés gagnent fiscalement moins au mariage que les couples mariés (du fait notamment d’un écart plus faible entre les revenus individuels des deux conjoints), alors on se rapprocherait du cas américain.
  • (16)
    Notons toutefois que nous ne prenons pas ici en compte le comportement d’offre de travail des hommes que nous supposons inélastique, ni a fortiori les comportements simultanés des deux conjoints. Une extension possible du modèle serait donc de pousser plus avant l’analyse des comportements collectifs d’offre de travail au sein du couple.
  • (17)
    Pratiquement, nous utilisons le logiciel DAD (Duclos et alii, 2003).
  • (18)
    Notons qu’il existe une tendance profonde dans la société à la polarisation des emplois dont les effets en termes de polarisation des revenus sont analysés par exemple dans Échevin et Parent (2002).
  • (19)
    À l’instar des travaux d’Atkinson, Bourguignon et Chiappori (1988) qui introduisent, dans le système français, des éléments du système britannique, comme le remplacement du quotient familial par des déductions forfaitaires.
  • (20)
    Cette approche peut être étendue en utilisant par exemple la généralisation de l’indice de Gini proposée par Donaldson et Weymark (1980) et Yitzhaki (1983).
Je tiens à remercier Jean-Michel Hourriez et deux rapporteurs anonymes pour leurs remarques sur la première version de ce texte. Je suis par ailleurs particulièrement reconnaissant à Dominique Briaire, Maryse Fesseau et Gaël Bescond pour leur travail de préparation des données.

1À partir d’un modèle de micro-simulation, on évalue à près de 46% la proportion de couples mariés en France bénéficiant d’un gain fiscal moyen annuel au mariage de +1080 euros et à 22% la proportion de couples mariés pénalisés par le mariage pour un montant de-185 euros en moyenne par ménage (du fait de l’existence de la décote, du minimum de perception, d’abattements spécifiques…). L’individualisation de l’impôt sur le revenu (IR) annule les gains et les pertes au mariage pour un coût global pour les ménages de l’ordre de 3,7 MdE, soit 7% de l’IR (loi de finances pour 2002). La taxe sur l’activité est réduite de 286 euros en moyenne pour les femmes. Une analyse des effets redistributifs de la réforme prenant en compte les effets potentiels sur la participation féminine au marché du travail montre que la redistribution augmente globalement suite à la réforme, du fait d’un renforcement de l’équité verticale et sans modification de l’inéquité horizontale. L’effet propre à l’offre de travail des femmes réduit légèrement mais significativement les effets redistributifs de la réforme.

2Les formes familiales en France ne cessent de se modifier : le nombre de mariages par an a baissé de près de 25% en l’espace de trois décennies et le nombre d’enfants conçus hors mariage augmente rapidement depuis le début des années 1970 pour atteindre plus de 40% à la fin du siècle dernier [1]. Parallèlement, depuis 1945, le système d’imposition sur le revenu avantage toujours les familles avec enfants et les couples mariés.

3En 2002, sur 32 millions de foyers fiscaux, 20 millions sont des célibataires et 12 millions sont des couples mariés [2]. Parmi les foyers non mariés, un tiers sont en fait des concubins, vivant avec une personne déclarant ses revenus séparément [3], qui ne bénéficient pas du même avantage fiscal, lié à l’existence du quotient conjugal, que les couples mariés.

4En effet, en France, comme dans certains pays européens (Portugal et Luxembourg), l’impôt d’un couple marié est calculé à partir du revenu global du foyer. Dans d’autres pays, chaque personne est imposée séparément [4]. Lorsque l’impôt est “familialisé” et progressif, le mariage a pour effet de réduire l’impôt sur le revenu si, toutefois, les revenus des personnes composant le foyer diffèrent suffisamment. C’est par exemple le cas aux États-Unis où le système fédéral d’imposition sur le revenu est progressif et varie selon le statut matrimonial. Bien entendu, l’écart de revenus entre les individus composant le foyer détermine l’ampleur des pénalités ou des subventions au mariage, ce qui peut donner lieu à une large dispersion des gains. Dans le cas des États-Unis, les pénalités et gains au mariage rapportés au revenu disponible sont compris entre–4% pour un couple monoactif et +3% pour un couple bi-actif occupé (cf. Alm et alii, 1999). En France, les pénalités au mariage demeuren t th éoriquemen t qu asiinexistantes [5].

5Le système d’imposition familialisé a pour but d’assurer une plus grande équité fiscale entre foyers de taille ou de composition différentes. Or il est accusé d’introduire une discrimination entre les couples mariés et les couples concubins, de désinciter les femmes mariées à travailleret de ne pas être compatible avec la mise en place d’une retenue à la source de l’impôt. Il serait donc un frein à l’efficacité économique et à la simplification de l’impôt.

6L’impact d es taux d’impositio n sur les comportements individuels est un thème classique, largement abordé dans la littérature économique. Le quotient conjugal égalise les taux d’imposition appliqués aux deux revenus d’un couple et, à ce titre, est une incitation financière au mariage chez les couples présentant des revenus inégaux. Mais il a également un impact sur l’offre de travail : l’imposition commune modifie les taux marginaux d’imposition des revenus, à la baisse pour l’apporteur de ressources le plus important du couple et à la hausse pour l’autre. En encourageant le mariage, le quotient conjugal favorise donc de fait une certaine forme de répartition du travail [6].

7Les distorsions engendrées par le quotient conjugal en faveur du mariage et de la mono-activité des couples mariés ne répondent à aucun principe d’équivalence fiscale (cf. Monnier, 2000). En effet, aucune échelle d’équivalence existante ne justifie que l’on accorde un avantage fiscal différent selon que le couple est marié ou formé de deux concubins [7]. De ce point de vue, la logique fiscale –fondée sur le calcul des capacités contributives et sur les contraintes liées à ce calcul (i.e. le recueil et la vérification d’informations déclaratives)– et la logique des niveaux de vie, fondée sur le calcul d’échelles d’équivalence, apparaissent bien distinctes, voire contradictoires.

8Cependant, rien ne permet d’affirmer a priori qu’un système d’imposition séparé est plus équitable que le système actuel. En effet, l’individualisation de l’impôt sur le revenu a pour effet d’engendrer un accroissement de l’impôt payé par les couples monoactifs (ceux qui bénéficient le plus du quotient conjugal) par rapport aux couples où les deux membres travaillent, ce qui pourrait induire des effets anti-redistributifs importants, compte tenu des écarts de n iveaux de vie entre ces deu x sous-populations. À l’inverse, l’impôt moyen des couples monoactifs augmentant, la redistribution au sein de cette sous-population pourrait donc s’accroître.

9Un calcul théorique permet certes d’évaluer les pertes et les gains de revenus engendrés par la réforme pour quelques configurations familiales, mais ne permet évidemment pas de juger de ses effets redistributifs globaux. Aussi, seule une évaluation empirique sur données individuelles des effets redistributifs de l’individualisation de l’IR permettrait d’éclairer le débat.

10Pour ce faire, sur un plan méthodologique, nous distinguons deux dimensions de la redistribution : l’équité verticale (il semble équitable d’imposer plus fortement les ménages les plus « riches » que les ménages les plus « pauvres ») et l’inéquité ho rizontale (il est inéquitable d’impo ser différemment deux ménages ayant des niveaux de vie avant impôt identiques). En caricaturant un peu, la première dimension est souvent mise en avant par les opposants au système de quotient familial/ conjugal [8], alors que la seconde est retenue par ses défenseurs [9]. Or la décomposition des indices d’inégalité et de redistribution, plutôt que d’opposer les deux concepts, démontre leur complémentarité. L’analyse empirique des effets redistributifs de l’individualisation de l’IR que nous proposons se fonde donc sur une telle décomposition.

11L’article est organisé comme suit. Dans une première partie, nous présentons les données utilisées pour les simulations. Dans une deuxième partie, nous présentons la modélisation fondée sur des hypothèses d’optimisation fiscale, puis nous proposons de modéliser les effets induits par la réforme en termes d’offre de travail. La troisième partie présente les résultats des estimations et la dernière partie conclut. Les deux encadrés décrivent le modèle de micro-simulation et les équations économétriques, l’annexe présente les différents indices synthétiques d’inégalité et de redistribution et leur décomposition.

Données et modèle de micro-simulation

12L’originalité du modèle développé ici repose, d’une part, sur la description fine de la fiscalité et, d’autre part, sur l’utilisation d’échantillons représentatifs de déclarations annuelles de revenus de 500 000 foyers fiscaux (cf. encadré 1). Ces données nous permettent non seulement de calculer le coût budgétaire de la mesure (l’enq uête Revenus fiscau x n’est représentative que des ménages), mais aussi d’actualiser les revenus de manière fine [10].

13Le passage de la dimension foyer fiscal à la dimension ménage (il est courant de rencontrer plusieurs déclarations fiscales dans un même ménage) se fait dans un second temps à l’aide des enquêtes Revenus fiscaux de 1999, qui permettent de recomposer les ménages à partir de plusieurs foyers fiscaux. Cette recomposition n’est pas anodine puisque la présentation des résultats des simulations, selon que l’on utilise la source DGI (Direction générale des Impôts ; échantillon de déclarations fiscales, DF) ou Insee-DGI (enquête Revenus fiscaux, ERF), peut donner une image différente d’une même réforme.

14Par exemple, dans le cas de l’individualisation de l’IR (Impôt sur le revenu), la répartition du coût fiscal dans la population, présentée par décile de revenu avant impôt rapporté aux unités de consommation, est différente selon que l’on utilise le concept de revenu issue des DF (revenu déclaré rapporté aux unités de consommation calculées à partir de la taille et de la composition du foyer fiscal) ou le concept de revenu disponible avant impôt issue de l’ERF (revenu déclaré plus les prestations sociales rapporté aux unités de consommation calculées à partir de la taille et de la composition du ménage) (cf. tableau 1).

Encadré 1 : le modèle de micro-simulation

La Direction de la Prévision et de l’Analyse Économique dispose de deux outils principaux pour analyser les politiques fiscales et sociales :
  • un modèle de simulation de l’impôt sur le revenu et de certaines cotisations sociales sur un échantillon de 500 000 déclarations de revenus. L’analyse des réformes fiscales réalisée à partir de ce modèle repose ainsi principalement sur l’évaluation des enjeux budgétaires et du nombre de foyers fiscaux gagnants ou perdants. À cet égard, cet outil permet d’ores et déjà de mesurer l’impact des réformes fiscales sur le revenu après impôt des foyers fiscaux, mais pas sur les niveaux de vie des ménages;
  • un modèle de cas types (cf. Eyssartier et Paillaud, 1998) simulant l’ensemble des transferts fiscaux et sociaux permet de compléter utilement l’analyse des réformes fiscales et sociales. Il est par exemple possible d’évaluer la variation de revenu disponible liée à la réforme envisagée, pour un ménage type.
Le modèle de micro-simulation présenté dans le présent article permet d’analyser l’impact des réformes fiscales et soci ales sur le niveau de vie d’une populat ion représentative de ménages (cf. Bescond, Briaire, Échevin et Fesseau, 2004, pour une description plus détaillée du modèle). Ainsi, peuvent être évalués le coût global et le nombre de ménages gagnants ou perdants d’une réforme donnée de la fiscalité ou du système de transferts sociaux.
Ce modèle est construit à partir des enquêtes Revenus fiscaux qui sont au préalable actualisées par un calage et une projection des revenus à l’aide des échantillons représentatifs de déclarations de revenus fournis chaque année par la DGI (Direction générale des Impôts). Une fois cette projection des revenus effectuée, les modules d’impôt sur le revenu et des prestations sociales permettent d’approcher la distribution du revenu disponible des ménages et d’étudier sa déformation en fonction de différents scénarii de réformes fiscales et sociales.
Plus précisément, les dernières données disponibles sont celles de l’ERF (Enquête Revenus Fiscaux) de 1999 (l’échantillon sélectionné est composé de 68 000 ménages). L’objectif étant d’étudier un échantillon représentatif de ménages relatif à l’année 2002, la structure de la population est calée sur l’enquête Emploi de mars 2002, selon différents critères socio- démographiques et économiques, et les revenus sont actualisés de manière à reproduire les taux de croissance des revenus par catégorie de foyers entre 1999 et 2001–pour le calcul de l’impôt sur le revenu en 2002– puis de 2001 à 2002. Les prestations sociales et les prélèvements sont calculés sur barème en appliquant la l égi sla ti on de 20 02. Co mpt e t en u d u manq ue d’informations fiscales dans l’ERF de 1999, nous ne prenons pas en compte la prime pour l’emploi dans cette version du modèle. Étant donné le caractère individualisé de ce crédit d’impôt, cette omission pourrait avoir peu d’impact sur l’évaluation de la réforme envisagée. En revanche, le revenu disponible des ménages pourrait se trouver modifié. Il semble également souhaitable de calculer la taxe d’habitation par ménage, mais ce travail a été repoussé à des développements ultérieurs du modèle.
Tableau 1

répartition du coût de la réforme par décile de revenu

tableau im1
Tabl eau 1 : répartition du coût de la réforme par décile de revenu D écile de revenu avant impôtpar unité de consommation DF* ERF** 1 0% 0% 2 0% 1% 3 1% 3% 4 5% 5% 5 9% 6% 6 10% 7% 7 12% 7% 8 13% 10% 9 22% 16% 10 28% 45% Ensemble 100% 100% * échantillon de 500 000 déclarations de revenu relatives à l’année 2001; résultats pondérés. ** enquête Revenus fiscaux 1999, actualisée en 2002 ; résultats pondérés. Champ : ensemble de la population (32,1 millions de foyers fiscaux, 23,7 millions de ménages, en 2002).

répartition du coût de la réforme par décile de revenu

15 Si l’on décompose la population grossièrement entre les foyers/ménages situés en dessous du revenu médian et ceux situés au-dessus, le coût apparaît réparti de manière similaire (15% en dessous et 85% au-dessus de la médiane). En revanche, lorsqu’on cherche à décrire plus finement la concentration du coût selon le revenu disponible avant impôt, des différences importantes apparaissent : le dernier décile supporte 28% du coût de laréforme du point de vue de la DF contre 45% du point de vue de l’ERF. Le coût est beaucoup plus concentré dans ce dernier cas et la réforme apparaît donc potentiellement plus redistributive.

16Ainsi, il semble important, pour l’analyse des effets redistributifs d’une réforme fiscale, d’aller plus loin qu’une simple simulation à partir des déclarations fiscales. Nous raisonnerons donc par la suite en termes de niveaux de vie qui incluent prestations reçues et impôts prélevés.

Modélisation des comportements induits par la réforme fiscale

17Nos simulations conduisent à évaluer un coût global de la réforme pour les ménages de l’ordre de 3,7 MdE (coût pour les ménages du passage du système joint au système séparé, estimé à partir de l’échantillon de déclarations de revenus 2000 de la DGI, loi de finances pour 2002), ce qui pourrait être compensé globalement par une baisse d’environ 7% del’IR [11].

18Le gain lié au mariage représenterait ainsi près de 0,5% du revenu total déclaré par l’ensemble de la population. On peut néanmoins observer une forte hétérogénéité des situations selon la configuration familiale et le niveau de revenu. Il y a naturellement des perdants à l’individualisation de l’IR, mais aussi des gagnants. L’un des apports de la micro-simulation est de révéler que le nombre de gagnants–ceux qui paient une taxe au mariage– n’est pas négligeable (près d’un cinquième de l’ensemble des couples mariés) et que ces derniers sont des ménages relativement pauvres (i.e. concernés par la décote, le seuil minimum d’imposition et l’abattement spécifique pour personnes âgées ou invalides).

Optimisation fiscale

19Pour aboutir aux résultats précédents, nous avons fait plusieurs hyp othèses co ncernan t les comportements d’optimisation fiscale des individus.

20De ces hypothèses nous déduisons l’impôt payé par le ménage, dans le cas de l’imposition courante et dans le cas d’une imposition séparée, selon quatre configurations possibles : (i) la personne de référence du couple déclare ses propres revenus, ses personnes à charge et leurs revenus (et bénéficie ainsi des demi-parts supplémentaires de quotient familial) (PR + QF), le conjoint déclare ses propres revenus et les revenus non individualisables du ménage (revenus du patrimoine…) (CJ + RNI); (ii) la personne de référence du couple déclare ses propres revenus uniquement (PR), le conjoint déclare ses propres revenus, ses personnes à charge et leurs revenus ainsi que les revenus non individualisables du ménage (CJ + QF + RNI); (iii) la personne de référence du couple déclare ses propres revenus et les revenus non individualisables (PR + RNI), le conjoint déclare ses propres revenus ses personnes à charge et leurs revenus (CJ + QF); enfin (iv) la personne de référence du couple déclare ses propres revenus, ses personnes à charge et leurs revenus ainsi que les revenus non individualisables du ménage (PR + QF + RNI), le conjoint déclare ses propres revenus uniquement (CJ).

21La complexité du calcul de l’impôt nous amène en outre à adopter une convention concernant l’affectation de certaines déductions et réductions d’impôt qui ont été réparties pour moitié entre les époux.

22Nous sommes ainsi en mesure de déterminer la stratégie dominante de répartition des ressources selon le niveau de vie et la situation dans l’emploi des ménages (tableaux 2 et 3). Ces stratégies correspondent à la fréquence relative à laquelle l’une ou l’autre des configurations permet d’aboutir à une minimisation de l’impôt.

23Les deux stratégies dominantes sont, d’une part, l’affectation des personnes à charge à la personne de référence [12] (PR + QF) et l’affectation des ressources non individualisables au conjoint (CJ + RNI) et, d’autre part, l’affectation des personnes à charge et des ressources à la personne de référence (PR + QF + RNI) et son seul revenu individuel au conjoint (CJ) : ainsi, dans 73% des cas pour la première configuration, et dans 74% des cas pour la seconde, ce sont les stratégies qui permettent de minimiser l’impôt (tableau 2).

Tableau 2

fréquence relative à laquelle différentes configurations d’affectation des personnes à charge et des revenus non individualisables amènent à une minimisation de l’IR (selon le décile de niveau de vie)

Tableau 2
Tableau 2 : fréquence relative à laquelle différentes configurations d’affectation des personnes à charge et des revenus non individualisables amènent à une minimisation de l’IR (selon le décile de niveau de vie) PR + QF PR PR + RNI PR + QF + RNI Décile de niveau de vie CJ + RNI CJ + QF + RNI CJ + QF CJ 1 96% 81% 79% 96% 2 94% 71% 70% 93% 3 89% 58% 57% 87% 4 83% 50% 48% 83% 5 77% 49% 48% 77% 6 68% 46% 48% 72% 7 63% 44% 46% 68% 8 61% 46% 47% 66% 9 61% 44% 46% 67% 10 59% 46% 38% 56% Ensemble 73% 52% 51% 74% Note : enquête Revenus fiscaux 1999, actualisée en 2002; résultats pondérés. Champ : couples mariés (12,1 millions de couples en 2002). Lecture : PR est le revenu individuel de la personne de référence du ménage, CJ celui de son conjoint, QF représentent les personnes à charges, RNI sont les ressources non individualisables; l’individualisation de l’impôt sur le revenu pourrait induire un choix optimal d’allocation des ressources au sein du couple permettant de minimiser l’IR, certaines configurations donnant le même résultat; par exemple, au sein du premier décile de niveau de vie, 96% des couples mariés minimiseraient leur impôt si la personne de référence du ménage déclarait ses propres revenus ainsi que les personnes à charge et leurs revenus (et bénéficierait ainsi des demi-parts supplémentaires de quotient familial), le conjoint déclarant alors ses propres revenus et les revenus non individualisables du ménage (revenus du patrimoine…); parmi ces mêmes ménages, 81% minimiseraient leur impôt si ils affectaient l’ensemble des personnes à charge et les ressources non individualisables au conjoint et que la personne de référence ne déclarait que ses propres revenus; un certain nombre de ménages sont donc indifférents vis-à-vis des deux configurations précédentes; notons par exemple que les ménages non redevables de l’IR sont évidemment indifférents vis-à-vis des quatre configurations possibles.

fréquence relative à laquelle différentes configurations d’affectation des personnes à charge et des revenus non individualisables amènent à une minimisation de l’IR (selon le décile de niveau de vie)

Tableau 3

fréquence relative à laquelle différentes configurations d’affectation des personnes à charge et des revenus non individualisables amènent à une minimisation de l’IR (selon la situation dans l’emploi)

Tableau 3
Tableau 3 : fréquence relative à laquelle différentes configurations d’affectation des personnes à charge et des revenus non individualisables amènent à une minimisation de l’IR (selon la situation dans l’emploi) Situation dans l’emploi PR + QF PR PR + RNI PR + QF + RNI (homme,femme) CJ + RNI CJ + QF + RNI CJ + QF CJ (0,0) 75% 68% 66% 74% (1,0) 80% 33% 35% 86% (0,1) 59% 65% 63% 59% (1,1) 68% 39% 39% 72% Note : enquête Revenus fiscaux 1999, actualisée en 2002; résultats pondérés. Champ : couples mariés de moins de 65 ans, hors indépendants, étudiants et retraités (7,7 millions de couples en 2002); les couples (0,0) sont des couples dans lesquels les deux conjoints sont sans emploi; dans les couples mariés (1,0) l’homme travaille et la femme est sans emploi; dans les couples (0,1) l’homme est sans emploi et la femme travaille; dans les couples (1,1) les deux conjoints travaillent. Lecture : PR est le revenu individuel de la personne de référence du ménage, CJ celui de son conjoint, QF représente les personnes à charges, RNI sont les ressources non individualisables ; lorsque la femme ne travaille pas et l’homme travaille, le fait d’affecter les personnes à charge et les ressources non individualisables à l’homme permet de minimiser l’impôt du ménage dans 86% des cas.

fréquence relative à laquelle différentes configurations d’affectation des personnes à charge et des revenus non individualisables amènent à une minimisation de l’IR (selon la situation dans l’emploi)

24Mais les configurations peuvent évoluer selon le décile de niveau de vie : en dessous du niveau de vie médian, les ménages choisiront plus probablement d’affecter les personnes à charge à la personne de référence du ménage et les ressources non individualisables au conjoint ; au-dessus de la médiane, les ressources non individualisables reviendront plus fréquemment à la personne de référence. L’indifférence vis-à-vis des différentes configurations possibles est aussi plus grande parmi les ménages appartenant aux premiers déciles de niveau de vie, compte tenu du fait que ces ménages peuvent ne pas être redevables de l’impôt sur le revenu, et ce quelle que soit la stratégie d’affectation des ressources et des personnes à charge adoptée.

25Les stratégies d’affectation peuvent également varier selon la situation dans l’emploi des couples (tableau 3). Ainsi, dans le cas où la femme est sans emploi, la stratégie dominante consiste à affecter le q uotient familial et les ress ources n on individualisables à son conjoint. Lorsque les deux sont sans emploi, la même stratégie peut être adoptée. Lorsque l’homme ne travaille pas, c’est l’inverse que l’on observe. Enfin, lorsque les deux travaillent, la stratégie dominante reste l’affectation du quotient familial à l’homme.

Gain au mariage

26En théorie, avec un système d’imposition familialisé l’impôt d’un couple non marié sans enfant est toujours plus élevé que celui d’un couple marié sans enfant [13]. En notant t( )• le taux d’imposition moyen du revenu, Y le revenu de la femme et Y le revenu fh de l’homme, lorsque l’impôt est progressif, et quels que soient les revenus de l’homme et de la femme, on obtient :

equation im4

où le membre de gauche représente l’impôt du couple dans un système d’imposition séparé et le membre de droite est l’impôt du couple dans un système d’imposition familialisé. Le gain au mariage est égal à la différence entre le membre de droite et le membre de gauche.

27Compte tenu de la progressivité du barème de l’impôt, le gain au mariage apparaît logiquement plus élevé parmi les déciles de niveau de vie les plus
élevés et s’élève en moyenne à 433 euros pour les couples mariés (tableau 4).

Tableau 4

répartition du gain au mariage par décile de niveau de vie (couples mariés uniquement)

tableau im5
T ableau 4 : répartition du gain au mariage par décile de niveau de vie (couples mariés uniquement) Décile de niveau de vie Gain au mariage (en euros) 1 27 2 62 3 142 4 208 5 258 6 278 7 289 8 351 9 577 10 1577 Ensemble 433 Note : enquête Revenus fiscaux 1999, actualisée en 2002 ; résultats pondérés. Champ : couples mariés (12,1 millions de ménages en 2002).

répartition du gain au mariage par décile de niveau de vie (couples mariés uniquement)

Graphique 1

gain au mariage selon l’âge des deux époux

Graphique 1
Graphique 1 : gain au mariage selon l’âge des deux époux 900 800 Homme Femme 700 300Gainaumariage(en) € 600 500 400 200 100 0 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75+ Âge Note : enquête Revenus fiscaux 1999, actualisée en 2002 ; résultats pondérés. Champ : couples mariés, sans restriction de champ. Lecture : le gain au mariage est maximal à 55 ans pour les femmes mariées (+ 777 euros) et à 57 ans pour les hommes mariés (+ 799 euros) ; il décroît ensuite pour atteindre environ 400 euros après 65 ans.

gain au mariage selon l’âge des deux époux

28Le gain au mariage évolue logiquement selon l’âge (graphique 1), du fait notamment de l’accroissement des revenus avec l’âge. Au cours du cycle de vie, le gain augmente jusqu’à 55 ans puis diminue par la suite, du fait du retrait de l’activité des deux conjoints. La réforme aurait donc un impact plus important sur les « actifs » parmi lesquels nous incluons les 55-65 ans (qui sont toutefois en partie concernés par des situations de préretraite). Les plus de 65 ans représentent 20% de la population totale des couples mariés et seraient concernés par 17% du coût global pour les ménages d’une réforme de l’impôt sur le revenu par individualisation.

29Au sein de la population des « actifs », le gain au mariage est plus important pour les configurations (0,0) dans l’emploi (i.e. l’homme et la femme ne travaillent pas) (cf. tableau 5). Ce résultat s’explique par le fait que cette configuration inclut des ménages de chômeurs ou de préretraités (ayant moins de 65 ans) dont le revenu peut être élevé. Il s’explique également par le fait que nous retenons une hypothèse simplificatrice qui consiste à affecter à un seul des deux conjoints l’ensemble des ressources non individualisables du ménage (revenus du patrimoine… ), ce qui peut augmenter substantiellement l’impôt ; en effet, ce type de revenu pourrait être réparti entre les deux conjoints de manière à minimiser l’impôt.

30D’une manière générale, le gain au mariage augmente lorsque la femme est sans emploi (configurations (0,0) ou (1,0) dans l’emploi). Or ces couples sont plus concentrés en bas de la distribution des niveaux de vie : 63,8% des couples mariés où les deux conjoints sont sans emploi et 58,9% des couples monoactifs où la femme ne travaille pas se situent en dessous du niveau de vie médian, contre 26,1% seulement pour les couples biactifs occupés.

Tableau 5

répartition du gain au mariage selon la situation dans l’emploi (couples mariés “ actifs ” uniquement)

Tableau 5
Tableau 5 : répartition du gain au mariage selon la situation dans l’emploi (couples mariés “ actifs ” uniquement) Situation dans l’emploi Proportion de Gain au mariage (homme,femme) ménages (en euros) (0,0) 15% 891 (1,0) 25% 754 (0,1) 10% 514 (1,1) 50% 190 Note : enquête Revenus fiscaux 1999, actualisée en 2002 ; résultats pondérés. Champ : couples mariés de moins de 65 ans, hors indépendants, étudiants et retraités (7,7 millions de couples en 2002) ; les couples (0,0) sont des couples dans lesquels les deux conjoints sont sans emploi (y compris chômeurs et préretraités); dans les couples mariés (1,0) l’homme travaille et la femme est sans emploi; dans les couples (0,1) l’homme est sans emploi et la femme travaille; dans les couples (1,1) les deux conjoints travaillent.

répartition du gain au mariage selon la situation dans l’emploi (couples mariés “ actifs ” uniquement)

31En outre, le gain au mariage varie selon l’écart entre les revenus individuels des membres du couple. Nos simulations montrent que l’observation est à cet égard assez éloignée d’un cas théorique épuré des autres modalités du calcul de l’impôt (décote, abattements spécifiques … ) et ne s’appliquant qu’aux seuls revenus individualisables (cf. tableaux 6 et 7). L’écart entre nos simulations et le cas théorique pourrait également s’expliquer par les règles d’affectation des enfants à charge [14].

32Ainsi, l’omission de certaines complexités semble pouvoir aboutir à une surestimation des gains au mariage et donc des pertes liées à l’individualisation. Notamment, compte tenu de la convention consistant à affecter tous les enfants à charge au même conjoint, on est logiquement amené à sous-estimer les possibilités d’optimisation (et ainsi à surestimer le coût pour les ménages d’une individualisation de l’impôt sur le revenu).

33D’autres facteurs contribuent à diminuer les gains au mariage par rapport à un cas théorique simplifié. C’est le cas par exemple de la décote, dont l’impact apparaît non négligeable. Ainsi, le gain au mariage serait diminué de 27 euros en moyenne pour les couples mariés (324 ME pour l’ensemble). L’existence de la décote réduit de près de 6% la variation d’impôt (hors décote) résultant de l’individualisation de l’IR pour l’ensemble des couples mariés, de 24% pour les seuls couples mariés biactifs occupés. Ainsi, pour près de 21% des couples mariés, l’existence de la décote annule le gain lié au mariage et le mariage devient même fiscalement désavantageux pour 6% d’entre eux du fait de la décote.

34Au total, on évalue à près de 46% la proportion de couples mariés bénéficiant d’un gain moyen annuel au mariage de +1080 euros et à 22% la proportion de couples mariés pénalisés par le mariage pour un montant de–185 euros en moyenne par ménage (du fait non seulement de l’existence de la décote, mais aussi en raison du minimum de perception, d’abattements spécifiques…) [15]. Parmi les 22% de couples mariés gagnants à l’individualisation, un peu plus d’un quart (6% de couples mariés) gagnent à l’individualisation de l’impôt sur le revenu du fait de la décote et près des trois quarts (16% des couples mariés) pour d’autres raisons. Mais ces résultats pourraient être modifiés si les taux d’emploi devaient être augmentés suite à la réforme fiscale (cf. infra, troisième partie).

Taxe sur l’activité féminine

35Afin de rendre compte des effets de la réforme sur l’activité féminine, on peut décrire, dans un premier temps, son impact sur la taxation de l’activité. En utilisant les notations précédentes, on écrit :

equation im8

où le membre de gauche représente la taxe sur l’activité féminine dans un système d’imposition séparé et le membre de droite est la taxe dans un système d’imposition joint. Lorsque la femme ne travaille pas, le salaire est estimé selon la méthode décrite dans l’encadré 2, sinon on retient le salaire déclaré. La différence entre le membre de droite et le membrede gauche n’est pas nécessairement toujours positive ni toujours négative mais dépend de l’écart de revenus entre l’homme et la femme. D’une manière générale, lorsque l’homme travaille et a un revenu plus élevé ou égal à celui de la femme, la taxe sur l’activité féminine est plus importante dans un système d’imposition joint. À l’inverse, lorsque l’homme ne travaille pas, la taxe sur l’activité sera plus élevée dans un système d’imposition séparé (cf. au tableau 11 l’accroissement de la taxe sur l’activité due au passage à l’individualisation dans le cas où l’homme ne travaille pas). Par conséquent, si l’offre de travail est suffisamment élastique au revenu, alors l’individualisation de l’impôt sur le revenu devrait impliquer une concentration des emplois dans les configurations (0,0) ou (1,1) [16]. Les effets potentiels vont donc dans le sens d’un accroissement des inégalités de revenus entre ménages.

Tableau 6

gain au mariage rapporté au revenu disponible selon les salaires annuels des deux conjoints

tableau im9
T ableau 6 : gain au mariage rapporté au revenu disponible selon les salaires annuels des deux conjoints Salaire homme Salaire femme 0 0 - 20 000 20 000 - 40 000 40 000 - 60 000 +60 000 0 2,9% 0,9% 2,0% 3,0% 4,1% 0 - 20 000 1,3% 2,0% -0,1% 1,2% 2,8% 20 000 - 40 000 1,3% 0,4% 4,1% 0,3% 1,3% 40 000 - 60 000 1,1% 0,4% 2,8% 0,4% 0,2% +60 000 2,0% 0,1% 1,3% -0,1% 0,0% Note : enquête Revenus fiscaux 1999, actualisée en 2002; résultats pondérés.

gain au mariage rapporté au revenu disponible selon les salaires annuels des deux conjoints

Tableau 7

gain théorique au mariage rapporté au revenu selon les salaires annuels des deux conjoints

Tableau 7
Tableau 7 : gain théorique au mariage rapporté au revenu selon les salaires annuels des deux conjoints Salaire homme Salaire femme 0 20 000 40 000 60 000 80 000 0 - 7,5% 8,0% 8,0% 8,2% 20 000 0,0% 0,8% 1,4% 2,5% 40 000 0,0% 0,3% 0,9% 60 000 0,0% 0,2% 80 000 0,0% Note : calculs théoriques effectués à partir du barème de l’IR de 2002 pour un couple marié sans enfant.

gain théorique au mariage rapporté au revenu selon les salaires annuels des deux conjoints

36En moyenne, l’individualisation, à offre de travail inchangé, aurait pour effet de réduire de 286 euros la taxe sur l’activité féminine (cf. tableau 8). L’écart est néanmoins important entre les premiers déciles de niveau de vie et le décile supérieur (de l’ordre de 1000 euros). De plus, comme le prévoit un calcul théorique, l’imposition séparée avantage plus les couples mariés biactifs occupés puisque leur taxe sur l’activité diminue de près de 528 euros (tableau 9). Comme pour le gain au mariage, l’écart entre le calcul théorique et nos simulations apparaît substantiel (cf. tableaux 10 et 11). Notamment, même si la taxe sur l’activité féminine lorsque l’homme ne travaille pas reste faible, elle n’est (en moyenne) jamais positive. Comme pour le cas théorique, elle est particulièrement élevée lorsque le revenu de l’homme et le revenu de la femme sont élevés.

Tableau 8

taxe sur l’activité des femmes mariées par décile de niveau de vie

Tableau 8
Tableau 8 : taxe sur l’activité des femmes mariées par décile de niveau de vie Décile de Taxe système Taxe système Variation niveau de vie joint (1) séparé (2) (2) – (1) 1 32 36 +4 2 48 24-23 3 80 40-40 4 118 45-73 5 200 89-112 6 305 155-150 7 530 318-212 8 838 544-293 9 1336 845-490 10 2779 1742-1038 Ensemble 743 457-286 Note : enquête Revenus fiscaux 1999, actualisée en 2002 ; résultats pondérés. Champ : couples mariés (12,1 millions de ménages en 2002).

taxe sur l’activité des femmes mariées par décile de niveau de vie

37Dans la partie suivante, nous étudions les effets redistributifs globaux de la réforme, avec ou sans prise en compte des effets induits sur l’offre de travail féminine.

Tableau 9

taxe sur l’activité des femmes mariées selon la situation dans l’emploi (couples mariés “ actifs ” uniquement)

Tableau 9
Tableau 9 : taxe sur l’activité des femmes mariées selon la situation dans l’emploi (couples mariés “ actifs ” uniquement) Sit uation dans Taxe système Taxe système Variation l’emploi(homme,femme) joint (1) séparé (2) (2) – (1) (0,0) 718 401-318 (1,0) 642 185-457 (0,1) 1501 1256-245 (1,1) 1490 963-528 Note : enquête Revenus fiscaux 1999, actualisée en 2002 ; résultats pondérés. Champ : couples mariés de moins de 65 ans, hors indépendants, étudiants et retraités (7,7 millions de couples en 2002) ; les couples (0,0) sont des couples dans lesquels les deux conjoints sont sans emploi (y compris chômeurs et préretraités); dans les couples mariés (1,0) l’homme travaille et la femme est sans emploi; dans les couples (0,1) l’homme est sans emploi et la femme travaille; dans les couples (1,1) les deux conjoints travaillent.

taxe sur l’activité des femmes mariées selon la situation dans l’emploi (couples mariés “ actifs ” uniquement)

Tableau 10

variation moyenne de la taxe sur l’activité féminine suite au passage du système joint au système séparé (rapportée au revenu disponible) selon les TS (traitements et salaires) des deux conjoints

Tableau 10
Tableau 10 : variation moyenne de la taxe sur l’activité féminine suite au passage du système joint au système séparé (rapportée au revenu disponible) selon les TS (traitements et salaires) des deux conjoints Salaire homme Salaire femme 0 0-20 000 20 000 - 40 000 40 000 - 60 000 +60 000 0-1,0% -0,6% -1,4% -1,9% -1,8% 0 - 20 000-0,6% -1,4% -1,9% -2,1% -2,0% 20 000 - 40 000-0,6% -1,4% -1,8% -2,8% -3,6% 40 000 - 60 000-1,5% -1,3% -2,0% -1,9% -2,1% +60 000-0,8% -1,2% -3,6% -1,9% -4,1% Note : enquête Revenus fiscaux 1999, actualisée en 2002; résultats pondérés. Champ : couples mariés de moins de 65 ans, hors indépendants, étudiants et retraités (7,7 millions de couples en 2002).

variation moyenne de la taxe sur l’activité féminine suite au passage du système joint au système séparé (rapportée au revenu disponible) selon les TS (traitements et salaires) des deux conjoints

Tableau 11

variation théorique de la taxe sur l’activité féminine suite au passage du système joint au système séparé (rapportée au revenu avant impôt)

Tableau 11
Tableau 11 : variation théorique de la taxe sur l’activité féminine suite au passage du système joint au système séparé (rapportée au revenu avant impôt) Salaire homme Salaire femme 0 20 000 40 000 60 000 80 000 0 - 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 20 000 +7,5% -3,8% -4,5% -4,6% -4,0% 40 000 +8,0% -1,7% -4,0% -4,6% -4,5% 60 000 +8,0% -0,5% -2,9% -4,0% -4,5% 80 000 +8,2% 1,0% -1,7% -3,3% -4,1% Note : calculs théoriques effectués à partir du barème de l’IR de 2002 pour un couple marié sans enfant.

variation théorique de la taxe sur l’activité féminine suite au passage du système joint au système séparé (rapportée au revenu avant impôt)

Effets redistributifs globaux

38Aoffre de travail inchangée, sur près de 12,1 millions de couples mariés, le nombre de perdants suite à la réforme serait de l’ordre de 5,5 millions de ménages, contre 2,7 millions de gagnants. Près de 3,9 millions de couple mariés verraient leur situation inchangée (tableau 12).

39L’individualisation de l’impôt sur le revenu aurait potentiellement ( i.e. sous les hypothèses d’optimisation fiscale discutées précédemment) pour effet de réduire de près de 225 euros le revenu disponible moyen des ménages. Compte tenu de la baisse induite des taux marginaux d’imposition au sein du couple, cette réforme augmenterait de 0,6 point le taux de participation féminine (cf. encadré 2) et se solderait donc au maximum (i.e. sans contraintes sur la demande de travail, le modèle ne permettant évidemment pas de raisonner en équilibre général) par près de 80 000 emplois supplémentaires (tableau 13). Le dernier décile de niveau de vie concentrerait 21% des créations potentielles d’emploi (le taux de participation de ce décile augmenterait de 1,4 point).

40Ainsi, la baisse moyenne de revenu disponible de 225 euros suite à la réforme se solderait finalement à 192 euros une fois pris en compte des effets d’offre de travail : près de 15% de la perte serait compensée par des effets sur l’offre de travail (tableau 14).

Tableau 12

gagnants et perdants suite à la réforme selon le décile de niveau de vie

tableau im15
T ableau 12 : gagnants et perdants suite à la réforme selon le décile de niveau de vie e Décile deniveau de vie % de perdants Nombre deperdants Nombre dgagnants 1 7,1% 59 555 2 926 2 17,4% 177 916 10 387 3 30,3% 303 202 29 209 4 40,0% 438 379 127 853 5 47,1% 550 022 261 300 6 50,4% 640 612 410 637 7 48,3% 645 432 532 925 8 48,7% 679 698 551 876 9 64,2% 934 556 398 402 10 71,5% 1 100 990 329 463 Ensemble 45,6% 5 530 362 2 654 979 Note : enquête Revenus fiscaux 1999, actualisée en 2002 ; résultats pondérés. Champ : couples mariés (12,1 millions de ménages en 2002).

gagnants et perdants suite à la réforme selon le décile de niveau de vie

Tableau 13

taux d’activité des femmes mariées estimé avant et après la réforme

Tableau 13
Tableau 13 : taux d’activité des femmes mariées estimé avant et après la réforme Décile de niveau de vie Taux d’activité estiméavant la réforme Taux d’activité estiméaprès la réforme Variation du taux d’activitéavant et après réforme Augmentation de laparticipation féminine 1 41,4% 41,4% +0,0% +234 2 47,3% 47,5% +0,1% +1 630 3 55,7% 56,1% +0,4% +4 538 4 64,3% 65,0% +0,7% +7 334 5 72,1% 72,7% +0,5% +6 144 6 79,3% 80,1% +0,8% +9 896 7 83,7% 84,3% +0,7% +8 502 8 85,5% 86,3% +0,9% +11 231 9 88,7% 89,7% +1,0% +12 731 10 85,6% 87,0% +1,4% +16 762 Ensemble 70,4% 71,0% +0,6% +79 003 Note : enquête Revenus fiscaux 1999, actualisée en 2002; résultats pondérés. Champ : couples mariés (12,1 millions de ménages en 2002).

taux d’activité des femmes mariées estimé avant et après la réforme

Tableau 14

perte/gain moyen de revenu disponible lié à la réforme (ensemble de la population)

Tableau 14
Tableau 14 : perte/gain moyen de revenu disponible lié à la réforme (ensemble de la population) Décile de niveau de vie (après impôt) Perte de revenu disponible lié au passage àl’imposition séparée Gain de revenu disponible lié àl’augmentation de la participation féminine Perte nette 1-10 +1-9 2-27 +4-23 3-60 +15-45 4-97 +20-77 5-128 +16-111 6-150 +34-116 7-165 +26-139 8-210 +44-166 9-358 +61-297 10-1044 +110-934 Ensemble-225 +33-192 Note : enquête Revenus fiscaux 1999, actualisée en 2002; résultats pondérés. Champ : ensemble de la population (23,7 millions de ménages en 2002).

perte/gain moyen de revenu disponible lié à la réforme (ensemble de la population)

Encadré 2 : équation de salaire et équation de participation

Afin d’analyser le comportement d’offre de travail des femmes, nous avons intégré au modèle de micro-simulation une équation de salaire et une équation de participation pour l’ensemble des femmes en âge de travailler (moins de 65ans), hors professions indépendantes, retraitées ou étudiantes. Les résultats sont présentés dans les tableaux 2.1,2.2 et 2.3.
Les estimations s’effectuent en trois étapes. Nous estimons tout d’abord un modèle de gains afin de prédire le salaire de marché pour toutes les femmes de l’échantillon (tableau 2.1); puis nous utilisons les salaires prédits par ce modèle pour évaluer le revenu d’activité pour chacune d’entre elles. Ensuite, nous calculons le revenu disponible du ménage, d’une part, dans le cas où la femme ne travaille pas et, d’autre part, dans le cas où elle trouverait un emploi. Dans ce dernier cas, nous évaluons le gain tiré d’un emploi par le niveau de salaire estimé en première étape. Finalement, nous calculons la différence entre les deux revenus disponibles estimés. Nous obtenons ainsi le gain de revenu disponible lié au retour à l’emploi par différence avec le revenu disponible lorsque la femme est sans emploi.
Nous nous intéressons par la suite à la participation féminine au marché du travail (tableau 2.2). Pour ce faire, nous intégrons comme variable indépendante le revenu disponible estimé du ménage en logarithme lorsque la femme travaille et lorsqu’elle ne travaille pas, ceci afin de mesurer l’élasticité de l’offre de travail des femmes. Les résultats sont assez proches de ce qui existe par ailleurs dans la littérature (cf. par exemple Hagneré et alii, 2004); ils montrent que l’élasticité du revenu disponible hors travail est plus faible en valeur absolue que l’élasticité du revenu disponible mesuré lorsque la femme travaille. La qualité des ajustements est présentée dans le tableau 2.3.
Tableau 2.1

résultats de l’équation de salaire (en log) pour les femmes

Tableau 2.1
Tableau 2.1 : résultats de l’équation de salaire (en log) pour les femmes Coefficient Ecart type Niveau d’études Aucun ou CEP - CAP, BEP et BEPC 0,2049** 0,0094 Baccalauréat ou brevet professionnel 0,3875** 0,0120 ou autre diplôme de ce niveau Baccalauréat + 2 ans 0,5862** 0,0132 Diplôme supérieur 0,7676** 0,0158 Âge 0,0241** 0,0035 âge² -0,0004** 0,00004 Âge de fin d’études 0,0140** 0,0034 (Âge de fin d’études)² -0,0002** 0,00002 Âge x Âge de fin d’études 0,0003** 0,00006 Ancienneté dans l’entreprise (années) 0,0396** 0,0035 (Ancienneté dans l’entreprise)² -0,0005** 0,00005 Ancienneté x Âge 0,0001 0,00007 Ancienneté x Âge de fin d’études-0,0002** 0,00009 Constante 5,5835** 0,0856 Nombre d’observations 29394 R² 0,3627 **significatif à 5%. Note : modèle linéaire estimé sur l’enquête Revenus fiscaux 1999, actualisée en 2002, avec les pondérations individuelles de l’enquête Emploi 2000 (ERF 1999). Champ : femmes en âge de travailler (moins de 65 ans), hors indépendantes, étudiantes et retraitées. Lecture : toutes les variables proviennent de l’enquête Emploi 2000 et correspondent au mois de mars 2000 ; la spécification de l’équation de salaire s’inspire directement des travaux de Gurgand et Margolis (2001).

résultats de l’équation de salaire (en log) pour les femmes

Tableau 2.2

résultats de l’équation de participation pour les femmes

Tableau 2.2
Tableau 2.2 : résultats de l’équation de participation pour les femmes Coefficient Ecart type Niveau d’études Aucun ou CEP - - CAP, BEP et BEPC 0,2001** 0,0198 Baccalauréat ou brevet professionnel 0,2677** 0,0287 ou autre diplôme de ce niveau Baccalauréat + 2 ans 0,4951** 0,0359 Diplôme supérieur 0,3137** 0,0413 Âge 0,0005** 0,0090 âge² -0,0012** 0,0001 Âge de fin d’études 0,0741** 0,0108 (Âge de fin d’études)² -0,0003** 0,0001 Âge x âge de fin d’études-0,0013** 0,0002 Nombre d’enfants de moins de 3 ans-0,6538** 0,0269 Nombre d’enfants entre 3 et 6 ans-0,4472** 0,0216 Nombre d’enfants entre 6 et 18 ans-0,1808** 0,0108 Nombre d’enfants de plus de 18 ans-0,0579** 0,0126 Célibataire 0,217** 0,0269 Log R(0) -1,8822** 0,0341 Log R(w) 2,1237** 0,0377 Constante-6,1475** 0,3215 Nombre d’observations 35008 Pseudo R² 0,2314 **significatif à 5%. Note : modèle logistique estimé sur l’enquête Revenus fiscaux 1999, actualisée en 2002, avec les pondérations individuelles de l’enquête Emploi 2000 (ERF 1999). Champ : femmes en âge de travailler (moins de 65 ans), hors indépendantes, étudiantes et retraitées. Lecture : toutes les variables proviennent de l’enquête Emploi 2000 et correspondent au mois de mars 2000; Log R(0) et le logarithme du revenu disponible du ménage lorsque la femme ne travaille pas; Log R(w) et le logarithme du revenu disponible du ménage lorsque la femme travaille.

résultats de l’équation de participation pour les femmes

Tableau 2.3

qualité de l’ajustement Probabilité d’emploi pour les femmes en âge de travailler selon le type de ménage

Tableau 2.3
Tableau 2.3 : qualité de l’ajustement Probabilité d’emploi pour les femmes en âge de travailler selon le type de ménage Couples mariés Couples mariés Couples mariés Couples mariés Tous (0,0) (1,0) (0,1) (1,1) Observé 0,6478 0 0 1 1 Valeur estimée avant réforme 0,7114 0,3307 0,5048 0,7546 0,8687 Valeur estimée après réforme 0,7180 0,3390 0,5223 0,7626 0,8759 Note : enquête Revenus fiscaux 1999, actualisée en 2002; résultats non pondérés. Champ : les couples mariés (0,0) sont des couples mariés de moins de 65 ans, hors indépendants, étudiants et retraités, dans lesquels les deux conjoints sont sans emploi; dans les couples mariés (1,0) l’homme travaille et la femme est sans emploi; dans les couples mariés (0,1) l’homme est sans emploi et la femme travaille; dans les couples mariés (1,1) les deux conjoints travaillent.

qualité de l’ajustement Probabilité d’emploi pour les femmes en âge de travailler selon le type de ménage

Revenu disponible annuel

tableau im21
Revenu disponible annuel Couples mariés Couples mariés Couples mariés Couples mariés En euros Tous (0,0) (1,0) (0,1) (1,1) Avant réforme Observé 27 548 29 943 35 139 38 927 41 294 Estimé 27 827 31 877 37 451 38 278 41 137 Après réforme Observé 27 323 29 052 34 385 38 413 41 103 Estimé sans effets sur l’offre de travail 27 619 31 071 36 903 37 723 40 932 Estimé avec effets sur l’offre de travail 27 652 31 151 37 058 37 849 41 006 Note : enquête Revenus fiscaux 1999, actualisée en 2002; résultats non pondérés. Champ : les couples mariés (0,0) sont des couples mariés de moins de 65 ans, hors indépendants, étudiants et retraités, dans lesquels les deux conjoints sont sans emploi; dans les couples mariés (1,0) l’homme travaille et la femme est sans emploi; dans les couples mariés (0,1) l’homme est sans emploi et la femme travaille; dans les couples mariés (1,1) les deux conjoints travaillent. Lecture : la simulation des effets de la réforme fiscale sur l’offre de travail engendre plusieurs concepts de revenu disponible : le revenu observé, mesuré à partir des déclarations fiscales des ménages, l’impôt et les prestations simulées (Y Y T P= ? + ); le revenu estimé, mesuré en pondérant d par l’estimé p de la variable d’emploi–qui vaut 1 si la femme est employée et 0 sinon– c’est-à-dire le revenu disponible du ménage selon que la femme travaille ou pas ( ( )Y pY p Y d de dne = + ?1 ).

Revenu disponible annuel

41 Les effets redistributifs globaux sont estimés à l’aide d’indices synthétiques (cf. annexe). L’indice de redistribution de Musgrave est décomposé en un indice d’équité verticale–résumant l’intensité des transferts entre les ménages à haut niveau de vie et ceux à niveau de vie plus modeste– et un autre d’inéquité horizontale–mesurant l’écart avec la situation où l’impôt serait parfaitement corrélé avec les niveaux de vie (à même niveau de vie, même impôt). Les écarts types des indices sont estimés en utilisant la méthode proposée par Duclos (1997) et Davidson et Duclos (2000) [17].

42Comme nous l’indiquons en annexe à l’aide de courbes de concentration (voir aussi le tableau 15 présentant la répartition de l’impôt avant et après réforme), la progressivité de l’impôt sur le revenu a été réduite pour les couples suite à la réforme (cf. tableau A1 en annexe). Néanmoins, la réforme n’apparaît pas rég ressive et accroît significativement la redistribution : la variation de l’indice de redistribution avant et après réforme est positive et significative, avec ou sans prise en compte des effets sur l’offre de travail féminine, ce qui permet de conclure à une diminution des inégalités de niveau de vie (tableaux A2 et A3).

43Ce résultat central peut sembler paradoxal pour plusieurs raisons : d’une part, la progressivité a diminué suite à la réforme et, d’autre part, les couples monoactifs, dont le niveau de vie est plus faible que les couples biactifs, sont les principaux perdants de la réforme.

44Néanmoins, le poids de l’impôt augmente pour l’ensemble des couples mariés et la redistribution se fait donc au sein des groupes constitués selon la situation dans l’emploi des conjoints. Notamment, l’accroissement de la redistribution apparaît plus important parmi les couples mariés monoactifs et n’est pas contrebalancée par une diminution de la progressivité de l’impôt (cf. graphique A2).

45Au total, la dimension verticale de la redistribution (le fait que les riches sont davantage imposés que les pauvres) contribue à la redistribution d’ensemble, et la dimen sion horizo ntale ne varie pas significativement pour l’ensemble des ménages, bien que légèrement parmi les couples mariés (cf. tableau A4 comparativement au tableau A3).

46Lorsqu’on introduit les comportements d’offre de travail féminine dans le modèle les résultats sont légèrement modifiés : la redistribution induite par la réforme, mesurée par la variation de l’indice de Musgrave, est réduite d’environ 6%. L’effet propre à l’offre de travail sur les inégalités de niveau de vie apparaît donc négligeable pour l’ensemble des ménages (cf. tableau A3). En effet, en présence d’effets sur l’offre de travail, la redistribution serait certes légèrement réduite (du fait de la concentration des couples dans les configurations (0,0) et (1,1) dans l’emploi), mais l’importance croissante des couples placés en situation identique face à l’emploi aurait également pour effet de réduire l’inéquité horizontale du système d’imposition [18].

Conclusion

47Dans cet article, la réforme de l’impôt sur le revenu par individualisation a été simulée sans supprimer la logique du quotient familial. Seul le quotient con jugal est supprimé. L’intérêt de la micro-simulation est de révéler des effets non évidents a priori. Alors qu’en théorie la réforme devrait avoir un impact négatif ou nul sur le revenu disponible de chaque couple, la micro-simulation révèle qu’une minorité de couples sortent gagnants de la réforme grâce à certains dispositifs fiscaux (décote, minimum de perception de l’impôt, abattement spécifiques… ). Par ailleurs, si les couples sont libres d’optimiser en affectant les enfants à charge au conjoint de leur choix, et s’il en va de même pour les ressources non individualisables, alors beaucoup de couples limitent la hausse de l’impôt.

48Au total, on montre que la perte pour les ménages, bien que substantielle (près de 3,7 MdE), n’entraîne pas, globalement, d’effets anti-redistributifs. Au contraire, la redistributivité de l’impôt devrait s’accroître du fait de l’augmentation du poids de l’impôt parmi les ménages au niveau de vie le plus élevé et donc par un renforcement de l’équité verticale. En outre, si en principe l’inéquité horizontale devrait s’accroître pour l’ensemble de la population, les effets sur l’offre de travail que pourrait entraîner l’individualisation de l’IR rendent peu voire non significative cette variation.

49Les résultats semblent donc inviter le législateur à mener une réforme positive à la fois en termes d’incitation au travail et en termes de redistribution. Néanmoins, ces conclusions doivent être nuancées. En effet, c’est avant tout la hausse du taux moyen d’imposition qui explique le renforcement de la redistribution verticale : puisque l’impôt sur le revenu est un impôt fortement progressif, une hausse de cet impôt induit presque mécaniquement une baiss e des inégalités de niveau de vie. L’individualisation de l’impôt pourrait toutefois s’accompagner d’allègements du barème. En première approximation, ces derniers annuleraient la hausse du taux moyen et la baisse des inégalités qui en résulte ; par ailleurs, ils renforceraient encore l’offre de travail.

50Plusieurs pistes d’approfondissement du modèle pourraient être envisagées. Tout d’abord, il apparaît nécessaire de prendre en compte les diverses contraintes liées à l’affectation des personnes à charge ou des ressources non individualisables dans les choix d’optimisation fiscale. Ensuite, les comportements d’offre de travail pourraient être modélisés collectivement, afin notamment de rendre compte de l’impact de la réforme sur l’offre de travail masculine. Enfin, compte tenu du nombre de perdants de la réforme envisagée (5,5 millions de ménages), ce travail devrait être complété par une réflexion sur les mesures d’accompagnement permettant de compenser les ménages [19].


Annexe : décomposition des indices d’inégalité et de redistribution

51 On note X le revenu avant impôt et T (X) le montant d’impôt payé. Le revenu après impôt s’écrit N (X) = X - T (X). La courbe de Lorenz L p X ( ) pour une fonction de répartition F t X ( ) du revenu avant impôt est définie par :

equation im22

où µX est la moyenne du revenu avant impôt. La courbe de Lorenz L p N ( ) du revenu après impôt peut s’exprimer de la même manière en utilisant la fonction de répartition F t N ( ). La courbe de concentration de l’impôt peut être définie comme suit :

equation im23

où µT est l’impôt moyen. La courbe de concentration du revenu après impôt C p N ( ) peut être définie de la même manière en remplaçant T (t) par N (t).

52Le graphique ci-dessous illustre le tracé de ces deux courbes pour les couples mariés monoactifs (la femme ne déclare pas de revenu d’activité). On montre de la sorte que la réforme diminue la concentration de l’impôt pour toutes les valeurs de p et diminue par conséquent la progressivité de l’impôt.

Graphique A1

courbe de Lorenz du revenu disponible avant impôt par unités de consommation et courbes de concentration de l’impôt avant et après réforme

Graphique A1
Graphique A1 : courbe de Lorenz du revenu disponible avant impôt par unités de consommation et courbes de concentration de l’impôt avant et après réforme 1,0 0,9 0,8 Courbe de Lorentz du revenu disponible0,7 avant impôt 0,6 0,5 Courbe de concentration 0,4 de l’impôt avant réforme 0,3 Courbe de 0,2 concentration de l’impôt 0,1 après réforme 0,0 0,0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1,0

courbe de Lorenz du revenu disponible avant impôt par unités de consommation et courbes de concentration de l’impôt avant et après réforme

53L’indice usuel de progressivité de Kakwani s’écrit en intégrant les écarts entre la courbe de Lorenz du revenu avant impôt et la courbe de concentration de l’impôt pour toutes les valeurs de p :

equation im25

54 Les effets de la réforme sur la redistribution du revenu se mesurent en considérant l’écart entre la courbe de Lorenz du revenu avant impôt et la courbe de Lorenz du revenu après impôt. L’intégrale des écarts entre la courbe de Lorenz du revenu après impôt et la courbe de Lorenz avant impôt pour toutes les valeurs de p donne l’indice de redistribution de Musgrave :

equation im26

55 Cet indice rend compte de l’évolution de l’indice de Gini calculé sur les revenus avant et après impôt, ce dernier indice s’exprimant par l’intégrale de l’écart entre la bissectrice et la courbe de Lorenz du revenu. Ainsi, plus l’impôt est redistributif, plus l’indice de Gini diminue (plus l’inégalité diminue du fait de l’impôt), et plus l’indice de Musgrave est élevé [20]. On écrit :

equation im27

56 Par ailleurs, on peut rendre compte des deux dimensions –verticale et horizontale– de la redistribution en proposant une autre décomposition de l’indice de Musgrave. L’indice d’équité verticale de Reynolds-Slomensky s’écrit comme l’intégrale des écarts entre la courbe de concentration du revenu après impôt et la courbe de Lorenz du revenu avant impôt :

equation im28

57 On montre par ailleurs, en notant T (X) = tXt est le taux d’i mp osi ti on m oyen de l a po pul ati on, qu e V T t t P t( ) / ( ) ( )= ?1, donc, pour t petit (de l’ordre de 6% en France en 2002), V T tP T( ) ( )?. Ainsi, une réforme qui augmente le taux moyen d’imposition t (l’individualisation de l’IR l’augmenterait de +7%) mais diminue la progressivité de l’impôt P(T) peut être redistributive. L’évolution de l’indice d’équité se décompose en écrivant par exemple V T V T t P T P T P T t t( ) ( ) [ ( ) ( )] ( )[ ] 1 0 0 1 0 1 1 0 ? ? ? + ?, ce qui permet d’estimer la contribution de chacune des deux composantes.

58 L’indice d’inéquité horizontale d’Atkinson-Plotnick s’écrit comme l’intégrale des écarts entre la courbe de concentration du revenu après impôt et la courbe de Lorenz du revenu après impôt :

equation im29

Graphique A2

écart de redistribution avant et après impôt ( ( ) ( ))R T R T? en fonction de p : la réforme 1 0 renforce la redistribution et réduit les inégalités de niveaux de vie parmi les couples monoactifs

Graphique A2
Graphique A2 : écart de redistribution avant et après impôt ( ( ) ( ))R T R T? en fonction de p : la réforme 1 0 renforce la redistribution et réduit les inégalités de niveaux de vie parmi les couples monoactifs 0,007 0,006 0,005 0,004 0,003 0,002 0,001 0 – 0,001 0,0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1,0 Note : enquête Revenus fiscaux 1999, actualisée en 2002; résultats non pondérés. Champ : couples mariés, hors indépendants, étudiants, retraités et moins de 65 ans, dans lesquels l’homme est employé et la femme est sans emploi.

écart de redistribution avant et après impôt ( ( ) ( ))R T R T? en fonction de p : la réforme 1 0 renforce la redistribution et réduit les inégalités de niveaux de vie parmi les couples monoactifs

59 D’où la dé comp osi ti on sui van te de l’i ndi ce de redistribution :

equation im31

60 La réforme fiscale transforme l’impôt initial (noté T0 ) en un impôt final (noté T1 ). Il découle donc de l’expression précédente une décomposition de l’effet de la réforme fiscale sur la redistribution :

equation im32

61 où le premier membre de droite représente la contribution de l’évolution de l’indice d’équité verticale et le second membre de droite est la contribution de l’évolution de l’indice d’inéquité horizontale à l’évolution de l’indice de redistribution.

62 Notons que cette différence peut aussi s’écrire :

equation im33

63 c’est-à-dire comme l’écart des indices de Gini calculés sur les revenus nets avant et après la réforme.

Tableau A1

évolution de l’indice de progressivité

Tableau A1
Tableau A1 : évolution de l’indice de progressivité Scénario P T( ) 0 P T( ) 1 P T( ) 1 - P T( ) 0 Sans variation de l’offre de travail (observé) 0,7826 0,7559-0,0267 (0,0059) (0,0058) (0,0007) Sans variation de l’offre de travail (estimé) 0,7798 0,7555-0,0242 (0,0058) (0,0058) (0,0007) Avec variation de l’offre de travail 0,7798 0,7562-0,0236 (0,0058) (0,0058) (0,0007) Note : enquête Revenus fiscaux 1999, actualisée en 2002; résultats non pondérés; écarts types entre parenthèses, non corrigés du fait que l’emploi est estimé dans une première étape. Champ : ensemble des ménages.

évolution de l’indice de progressivité

Tableau A2

indice d’inégalité avant et après réforme

Tableau A2
Tableau A2 : indice d’inégalité avant et après réforme Concept de revenu utilisé Tous les ménages Couples mariés Avant réforme Observé 0,2980 0,2995 (0,0020) (0,0030) Estimé 0,2960 0,2964 (0,0020) (0,0030) Après réforme Observé 0,2961 0,2972 (0,0020) (0,0030) Estimé sans effets sur l’offre de travail 0,2942 0,2944 (0,0020) (0,0030) Estimé avec effets sur l’offre de travail 0,2944 0,2944 (0,0020) (0,0030) Note : enquête Revenus fiscaux 1999, actualisée en 2002; résultats non pondérés; écart types entre parenthèses, non corrigés du fait que l’emploi est estimé dans une première étape; la taille de l’échantillon est de 68 000 ménages, ce qui explique une forte significativité des indices. Champ : les couples mariés représentent l’ensemble des couples mariés de la population sans restriction de champ. Lecture : les différents concepts de revenu disponible sont décrits dans le tableau 2.3.2 de l’encadré 2.

indice d’inégalité avant et après réforme

Tableau A3

décomposition de l’indice de redistribution : ensemble des ménages

Tableau A3
Tableau A3 : décomposition de l’indice de redistribution : ensemble des ménages Scénario R T R T( ) ( ) 1 0 ? V T V T( ) ( ) 1 0 ? H T H T( ) ( ) 1 0 ? Sans variation de l’offre de travail (observé) 0,0019 0,0021 0,0002 (0,0001) (0,0001) (0,0001) Sans variation de l’offre de travail (estimé) 0,0017 0,0019 0,0002 (0,0001) (0,0001) (0,0001) Avec variation de l’offre de travail 0,0016 0,0018 0,0001 (0,0001) (0,0001) (0,0001) Effet propre à la variation de l’offre de travail-0,0001-0,0001 0,0000 (0,0000) (0,0000) (0,0000) Note : enquête Revenus fiscaux 1999, actualisée en 2002; résultats non pondérés; écarts types entre parenthèses, non corrigés du fait que l’emploi est estimé dans une première étape. Champ : ensemble des ménages. Lecture : l’indice de redistribution (R), sans prise en compte des effets induits sur l’offre de travail, est décomposable en un indice d’équité verticale (V) et un indice d’inéquité horizontale (H) : l’indice d’équité verticale évolue en fonction de l’indice de progressivité, qui diminue et contribue à -0,002 de l’évolution de l’indice V, et du taux moyen d’imposition, proche de 6%, qui augmente de +7% après réforme et contribue ainsi à +0,004 de l’évolution de l’indice V ; au total, l’indice d’équité verticale augmente du fait de la réforme de +0,002 ; par conséquent, à budget constant (c’est-à-dire sans hausse du taux moyen d’imposition) l’indice d’équité verticale diminuerait de-0,002 : ainsi, sans modification de la variation de l’indice d’inéquité horizontale, une réforme à budget constant impliquerait une baisse de-0,002 de l’indice de redistribution. La prise en compte des effets potentiels sur l’offre ne modifie que très marginalement ces résultats.

décomposition de l’indice de redistribution : ensemble des ménages

Tableau A4

décomposition de l’indice de redistribution : couples mariés

Tableau A4
Tableau A4 : décomposition de l’indice de redistribution : couples mariés Scénario R T R T( ) ( ) 1 0 ? V T V T( ) ( ) 1 0 ? H T H T( ) ( ) 1 0 ? Sans variation de l’offre de travail (observé) 0,0023 0,0027 0,0003 (0,0001) (0,0001) (0,0001) Sans variation de l’offre de travail (estimé) 0,0021 0,0024 0,0003 (0,0001) (0,0001) (0,0001) Avec variation de l’offre de travail 0,0020 0,0023 0,0003 (0,0001) (0,0001) (0,0001) Effet propre à la variation de l’offre de travail-0,0001-0,0001 0,0000 (0,0001) (0,0001) (0,0001) Note : enquête Revenus fiscaux 1999, actualisée en 2002; résultats non pondérés; écarts types entre parenthèses, non corrigés du fait que l’emploi est estimé dans une première étape. Champ : couples mariés sans restriction de champ.

décomposition de l’indice de redistribution : couples mariés

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Notes

  • (*)
    Direction de la Prévision et de l’Analyse Economique. E-mail : ddamien. echevin@ dp. finances. gouv. fr
  • (1)
    Cf. Daguet, 2002.
  • (2)
    Calculs réalisés à partir d’un échantillon représentatif de 500 000 déclarations de revenus relatifs à l’année 2002, source Direction Générale des Impôts (DGI).
  • (3)
    Quant au nombre de “pacsés”, il ne dépasserait pas 0,1% des foyers fiscaux.
  • (4)
    Dans un certain nombre de pays, la taxation des revenus professionnels est individualisée alors que les revenus non professionnels sont taxés de manière familiale, soit au nom du conjoint qui dispose du plus gros revenu (Pays-Bas, Belgique), soit en les répartissant à part égale entre les deux conjoints. Par ailleurs, au Royaume-Uni, où le système est individualisé, le crédit d’impôt est calculé sur les revenus cumulés du ménage, ce qui peut créer, à l’instar de l’EITC américain, une taxe au mariage importante pour les ménages à bas revenus. Ainsi, dans plusieurs pays, comme par exemple la Belgique, l’Italie, le Danemark et les Pays-Bas, le système n’est pas totalement individualisé puisque certains allègements et déductions d’impôts sont calculés au niveau du couple.
  • (5)
    Sauf toutefois pour certains foyers bénéficiant de la décote, du seuil minimum de perception ou d’autres abattements (tels que ceux dédiés aux personnes âgées).
  • (6)
    Cf. par exemple Buffeteau et Echevin, 2003, qui exploitent la réforme du quotient familial de 1995 afin d’identifier les effets de la fiscalité sur le mariage et l’offre de travail.
  • (7)
    Selon l’échelle de l’Insee (1 pour le premier adulte, 0,5 par adulte supplémentaire et 0,3 par enfant), si un couple marié bénéficie de 2 parts de quotient familial, un célibataire devrait bénéficier de 1,3 part (contre une seule actuellement) et, à taille du ménage et à revenu identique, un couple de concubins devrait bénéficier du même avantage fiscal – variant selon l’écart des revenus individuels – qu’un couple marié.
  • (8)
    Cf. récemment le rapport d’Albouy et Roth (2003) : les allègements d’impôt liés à la présence d’enfants dans le ménage sont certes plus concentrés que le niveau de vie avant impôts et prestations, ce qui contribue à réduire l’équité verticale, mais cela contribue aussi à réduire l’inéquité horizontale (à même niveau de vie, même impôt) ; aussi les effets comparés de chacune de ces deux composantes sur la redistribution mériteraient-ils sans doute d’être éclairés pour le cas français. En première approximation, la méthode de décomposition utilisée dans le présent article (cf. annexe) montre que le système de prestations sociales engendre une inéquité horizontale qui conduit à la réduction d’environ 10% de l’indice de redistribution de Musgrave, alors que l’impôt sur le revenu n’en engendre pratiquement pas (1% seulement soit un rapport de 1 à 10 concernant l’impact respectif de la fiscalité et des aides publiques sur l’inéquité horizontale). De ce point de vue–et de ce point de vue seulement– le système de transferts sociaux serait donc plus inéquitable que le système d’imposition sur le revenu.
  • (9)
    Sur un plan plus juridique, Monnier (2000) oppose la vision “ égalitariste ” à la vision “ paritariste ” : l’une se concentre sur le niveau de vie (après impôt) et l’autre sur la capacité contributive (qui se mesure avant impôt et qui répond au principe d’égalité face à l’impôt). Les deux points de vue sont aussi exprimés par Glaude (1991) et Sterdyniak (1992) au sujet du quotient familial, et par Hugounenq, Périvier et Sterdyniak (2002) sur le thème de l’individualisation de l’IR.
  • (10)
    Ces données fiscales n’ont, à notre connaissance, jamais été utilisées pour la projection des revenus dans un modèle de microsimulation.
  • (11)
    L’analyse des mesures d’accompagnement permettant d’opérer une réforme à budget constant n’a pas été effectuée pour deux raisons principales : d’une part, l’analyse des compensations visant à minimiser le nombre de perdants de la réforme apparaît complexe, compte tenu de l’existence d’un grand nombre de dépenses fiscales spécifiques (cf. Bretin, 2003) et devrait donc faire l’objet de travaux approfondis ; d’autre part, l’enquête Revenus fiscaux de l’Insee n’est pas représentative de l’ensemble des foyers fiscaux (certaines déclarations fiscales manquantes donnent lieu à un calcul simplifié de l’impôt…) et donc de l’impôt sur le revenu total. Le coût budgétaire de 3,7 MdE est donc estimé directement à partir de l’échantillon de déclarations de revenus DGI.
  • (12)
    Dans le cas d’un couple, la personne de référence du ménage est systématiquement l’homme.
  • (13)
    Notons que le calcul est modifié en présence d’enfants puisque, alors, il peut y avoir un avantage à se marier même si les salaires des deux conjoints sont égaux.
  • (14)
    Notons que la formule théorique ne s’applique qu’en l’absence d’enfants et montre qu’un couple gagne fiscalement au mariage sauf si les revenus individuels sont proches. En présence d’enfants, il n’est plus vrai que le système d’imposition joint défavorise la parité des ressources homme-femme : par exemple, les couples avec un enfant qui ne gagnent rien au mariage sont les couples où le salaire d’un des deux conjoints est 1,5 fois supérieur à celui de l’autre conjoint, alors que les couples avec enfants où les revenus individuels sont égaux gagnent au mariage. Ce raisonnement permet d’expliquer que la diagonale du tableau 6 correspond à des gains relativement élevés (4,1% du revenu du couple en moyenne lorsque les deux salaires sont compris entre 20 000 et 40 000 euros par an).
  • (15)
    Notons que ces résultats peuvent être comparés aux estimations obtenues pour les États-Unis, d’une part, par Rosen (1987) qui évalue les conséquence du Tax Reform Act de 1986; cette réforme a fortement réduit le poids de l’impôt sur le revenu mais a également eu pour effet d’accroître la taxe au mariage. D’autre part, Feenberg et Rosen (1994) simulent des mesures fiscales prises par le gouvernement Clinton en matière de hausse des taux supérieurs de l’impôt et d’augmentation du crédit d’impôt (EITC). Sur la base d’un modèle de microsimulation, Rosen (1987) estime qu’en 1988, 40% des couples paient une taxe au mariage d’environ 1 100 $ et 53% ont un gain moyen au mariage de 600 $. Feenberg et Rosen (1994) estiment qu’en 1994,52% des couples américains paient une taxe au mariage qui s’élève en moyenne à 1 244 $; 38% ont un gain moyen au mariage de 1 399 $. Ces ordres de grandeur démontrent la faiblesse de la taxe au mariage en France (la taxe au mariage est en valeur absolue six fois plus faible que le gain moyen au mariage en France, alors qu’aux États-Unis, à la fin des années 1980, la taxe au mariage est près de deux fois plus élevée en valeur absolue que le gain au mariage puis devient du même ordre de grandeur dans les années 1990). La proportion de couples qui perdent au mariage est aussi deux fois plus élevée aux États-Unis qu’en France. Bien entendu, ces résultats pourraient être modifiés si nous avions simulé la taxe et le gain au mariage pour l’ensemble des couples et non pas uniquement pour les couples mariés (ce que font les auteurs américains). Ainsi, dans la mesure où les couples non mariés gagnent fiscalement moins au mariage que les couples mariés (du fait notamment d’un écart plus faible entre les revenus individuels des deux conjoints), alors on se rapprocherait du cas américain.
  • (16)
    Notons toutefois que nous ne prenons pas ici en compte le comportement d’offre de travail des hommes que nous supposons inélastique, ni a fortiori les comportements simultanés des deux conjoints. Une extension possible du modèle serait donc de pousser plus avant l’analyse des comportements collectifs d’offre de travail au sein du couple.
  • (17)
    Pratiquement, nous utilisons le logiciel DAD (Duclos et alii, 2003).
  • (18)
    Notons qu’il existe une tendance profonde dans la société à la polarisation des emplois dont les effets en termes de polarisation des revenus sont analysés par exemple dans Échevin et Parent (2002).
  • (19)
    À l’instar des travaux d’Atkinson, Bourguignon et Chiappori (1988) qui introduisent, dans le système français, des éléments du système britannique, comme le remplacement du quotient familial par des déductions forfaitaires.
  • (20)
    Cette approche peut être étendue en utilisant par exemple la généralisation de l’indice de Gini proposée par Donaldson et Weymark (1980) et Yitzhaki (1983).
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