Notes
- (*)Banque de France, Université de la Méditerranée, GREQUAM. E-mail : mmustapha. baghli@ banque-france. fr
- (**)Banque de France et Université de la Méditerranée, (CEDERS). E-mail : ggilbert. cette@ banque-france. fr E-mail : aarnaud. sylvain@ banque-france. fr
- (1)L’approche aux coûts des facteurs retenue écarte la question des effets sur l’inflation de la fiscalité indirecte.
- (2)À court-moyen terme, la modification des termes de l’échange influence indirectement les tensions inflationnistes internes, via l’indexation des salaires sur les prix de consommation. Cet impact inflationniste peut en partie être transitoirement amorti par des fluctuations du taux de marge, comme on le verra plus loin.
- (3)La difficulté liée à la prise en compte de la non-salarisation n’est pas la seule rencontrée dans la mesure des taux de marge. Pour plus de détails sur les difficultés rencontrées sur données américaines, voir par exemple Krueger (1999).
- (4)L’analyse théorique des déterminants du taux de marge dans le cas d’une fonction de production à deux facteurs est développée par Cotis et Rignols (1998, annexe 1) à laquelle nous renvoyons pour plus de détails.
- (5)D’autres variables, parfois présentes dans certaines modélisations, sont susceptibles d’influencer le taux de marge d’équilibre et ne seront pas évoquées ici. Il peut s’agir de variables fiscales sur les profits des entreprises qui introduisent un écart entre le taux de marge d’équilibre et la rentabilité du capital nette de ces prélèvements qui est exogène (voir par exemple Laffargue, 1999, ou Cahuc et Zylberberg, 1996).
- (6)Cf. par exemple Blanchard (1997) : « … technology is putty-clay. Thus, in response to the adverse labor supply shifts in 1970s, firms have taken a long time to shift to technologies that use relatively less labor and relatively more capital, to decrease their labor-capital ratio. […] In a world in which production was strictly putty-clay, only the newly installed capital stock, thus roughly 10 % of the total capital stock each year, would embody the new desired factor proportions. This would imply a mean lag of adjustment of 4,5 years ».
- (7)Cotis et Rignols (1998) insistent longuement sur cet aspect. Par exemple : « L’économie française s’est rarement trouvée dans une situation d’équilibre au cours de 30 dernières années. Le long terme du théoricien ne rejoint donc pas complètement, à cet horizon, le long terme de l’économètre ». Blanchard (1997) également : « I look for evidence of lags in the response of labor-capital ratios to real wages. I find evidence of long lags ».
- (8)Chacune de ces deux variables (ou son écart au niveau d’équilibre de long terme) ne peut influencer le niveau de moyen-long terme des taux de marge que si elle est non-stationnaire. Si elle est stationnaire, son influence se limite alors à la dynamique de court terme des taux de marge.
- (9)Cette modélisation n’est cependant pas nécessairement structurelle et peut être réduite via par exemple des modèles de Time-Varying NAIRU (cf. Gordon, 1997).
- (10)Les variables salaire minimum et prélèvement social sont ici retenues sans référence explicite à un modèle théorique où la main-d’œuvre serait hétérogène et sans avoir à supposer que les variables de coin social interviennent dans la maximisation du profit.
- (11)Pour simplifier, nous omettons le terme aléatoire dans la présentation des relations.
- (12)Concernant les tensions sur le marché des biens, la variable appropriée serait également l’écart entre les niveaux observé et d’équilibre du taux d’utilisation des capacités de production. Pour autant, l’hypothèse implicitement faite d’une stabilité de ce niveau d’équilibre est sans doute beaucoup moins forte que pour le taux de chômage.
- (13)Parmi les pays retenus dans la comparaison, l’influence de la correction est particulièrement forte au Japon mais aussi en Europe continentale, avec d’ailleurs un saut en Allemagne au moment de la réunification. Au Royaume-Uni, elle joue par ailleurs dans un sens opposé à celui des autres pays, le nombre et la proportion des non-salariés y augmentant continûment depuis la fin des années 1970 (voir tableau 4).
- (14)Cette variable d’importance relative des effectifs non-salariés n’a pas été introduite dans l’analyse plus détaillée sur la France parce que l’influence de la correction de la non-salarisation est déjà en partie appréhendée par différents indicateurs relevant de diverses conventions de correction.
- (15)On reprend ici quelques développements de Cette et Sylvain (2001).
- (16)Cf. par exemple Cette et Mahfouz (1996), Cette (1997), Prigent (1999) et plus récemment, concernant les seules SNF, Doisy et alii (2001).
- (17)L’opposition importante sur la dernière sous-période (1990-2000) entre l’évolution (négative) de la cible du taux de marge et l’évolution (positive) du taux de marge observé est liée à un écart inverse important sur les deux années extrêmes de la sous-période : le taux de marge est sensiblement inférieur à la cible en 1989 tandis qu’il lui est supérieur en 2000, ces écarts étant assez ponctuels (cf. annexe 2 de BCS, 2003).
- (18)On rappelle qu’il s’agit d’un délai d’ajustement à une cible reflétant un équilibre de long terme statistique et non à un équilibre de long terme théorique.
- (19)Supposer que l’évolution du passif de Treuhandanstalt est une subvention aux entreprises revient à faire l’hypothèse réaliste que cet établissement financier, dont le passif à été consolidé avec celui de l’État allemand en 1995, a servi à financer à partir de la réunification allemande et jusqu’en 1995 l’écart entre la valeur de marché et le contenu en coûts des facteurs de la valeur ajoutée des entreprises des landers de l’Est. Signalons que cette correction peut minorer les transferts effectifs de la Treuhandanstalt vers les entreprises, compte tenu par exemple des cessions d’actifs réalisées par cet organisme sur la période.
- (20)On reprend ici quelques développements de Cette et Sylvain (2001).
- (21)Cf. par exemple Sylvain (1997) et (1998) ou Blanchard (1997). Par ailleurs, ces évolutions sont cohérentes avec celles des parts des salaires dans la valeur ajoutée des entreprises aux États-Unis et de l’ensemble de la zone Euro proposée dans European Commission (2000).
- (22)Sur ces aspects, voir l’encadré 4 « Taux de marge et chocs pétroliers » de Sylvain (2001).
- (23)Pour l’Allemagne, la série de taux de marge retenue pour ces estimations est celle dans laquelle il est considéré que l’évolution du passif de la Treuhandanstalt est une subvention aux entreprises, c’est-à-dire la courbe supérieure pour ce pays dans le Graphique 2. Rappelons que ce choix conventionnel impacte significativement le taux de marge, mais sur la seule période 1990-1994 (cf. graphique 2).
- (24)Sur la période 1979-1982, le prix relatif de l’énergie a ainsi été multiplié par 1,19 aux États-Unis, contre 1,27 en France, 1,23 en Allemagne et 1,33 au Japon.
- (25)Prigent (1999) aboutit pour les mêmes raisons à l’absence de relation cointégrée sur données annuelles.
- (26)Notons qu’ici, la flexibilité évoquée signifie qu’en cas de hausse des tensions sur l’outil de production (le raisonnement étant symétrique à la baisse), les entreprises n’élèvent pas durablement leur mark-up. Cela suppose un environnement concurrentiel important (via par exemple la possibilité de nouveaux entrants, c’est-à-dire de nouveaux producteurs, sur le marché), ou qu’une hausse des coûts salariaux réduit la possibilité d’une hausse durable du mark-up.
- (27)Ce taux de marge corrigé « tmcfc » est calculé en appliquant la relation : tmcfc tmcf ns n= ? ?? ? 4 4 ( ),, étant paramétré avec le résultat de l’estimation de la relation (3).
- (28)Les erreurs de mesure des indicateurs de taux de marge ont pour effet ici de biaiser les estimations dans le sens d’un allongement des délais d’ajustement à la cible.
- (29)Les valeurs critiques de la statistique KPSS qui infèrent l’hypothèse nulle de stationnarité sont différentes de celles utilisées pour tester la stationnarité d’une série non issue d’une régression. Elles sont fournies par Shin (1994) et dépendent du nombre de régresseurs dans la régression de test.
1Cette étude vise à dégager les déterminants du taux de marge des entreprises dans cinq pays industrialisés. Ses principaux enseignements sont les suivants :
- en neutralisant les effets de la non-salarisation, il apparaît qu’en France le taux de marge a retrouvé son niveau de début de période depuis la fin des années quatre-vingt;
- en France, en Allemagne et au Japon, le taux de marge de moyen-long terme semble déterminé par le coût du capital, le prix relatif de l’énergie et les tensions productives;
- en France, l’évolution du taux de chômage influence le taux de marge à court terme. Cela pourrait confirmer l’influence du déséquilibre du marché du travail sur le pouvoir de négociation salariale.
2 Le taux de marge, ou part des profits bruts dans la valeur ajoutée, est, dans une approche aux coûts des facteurs, le complément de la part des coûts salariaux. Une croissance équilibrée sur le long terme nécessite un niveau de taux de marge et un rendement du capital aboutissant à une évolution de l’investissement et du capital productif fixe adaptée à cette croissance économique. Dans l’hypothèse réaliste d’une plus forte mobilité du capital que des autres facteurs de production et en supposant constant le pouvoir demarché des entreprises, le taux de marge ne dépend à long terme que du coût réel du capital. Autrement dit, dans une économie ouverte, le déterminant de long terme du taux de marge est grandement exogène et lié aux normes de rendement internationales. Cependant, compte tenu de fortes inerties d’ajustements sur les marchés des biens et du travail, d’autres déterminants s’ajoutent sur le moyen terme.
3L’analyse des déterminants du taux de marge est utile non seulement pour celle des conditions d’une rémunération des facteurs favorable à la croissance, mais également pour celle des tensions inflationnistes. En effet, l’évolution des tensions inflationnistes internes directes [1] est liée à celle des coûts salariaux unitaires d’une part et du taux de marge d’autre part [2]. Toutes choses égales par ailleurs, une augmentation (baisse) du taux de marge a un impact inflationniste (désinflationniste). Pour cette raison, l’identification et le suivi des déterminants du taux de marge peuvent aider au diagnostic sur les tensions inflationnistes.
4De nombreuses analyses empiriques ont été proposées concernant les évolutions du taux de marge sur la France et d’autres pays industrialisés. Certaines se limitent à une approche descriptive : Cette et Mahfouz (1996) et Doisy et alii (2001) sur la France; Sylvain (1998) et Cette et Sylvain (2001) sur la France, l’Allemagne, les États-Unis, le Japon et le Royaume-Uni; la Commission Européenne (European Commission, 2000) sur l’ensemble des pays de la zone euro, les États-Unis et le Japon. D’autres analyses s’efforcent également de dégager les déterminants du taux de marge en recourant à une approche économétrique, sur la France pour Prigent (1999) ; la France et les États-Unis pour Cotis et Rignols (1998) ; la France et l’Allemagne pour Mihoubi (1999); la France, l’Allemagne, le Canada, l’Espagne, les États-Unis, l’Italie et le Royaume-Uni pour Blanchard (1997) ; 14 pays de l’Ocde et plus particulièrement les États-Unis et l’Allemagne pour Bentolila et Saint-Paul (1999).
5Les enseignements de ces travaux sont globalement cohérents entre eux. Les évolutions à long terme du taux de marge sont singulièrement différentes dans les pays anglo-saxons (États-Unis, Canada et Royaume-Uni) d’une part et en Europe continentale et au Japon d’autre part : le taux de marge connaît des fluctuations de court-moyen terme d’une ampleur relativement réduite autour d’un niveau assez stable dans le premier groupe de pays tandis qu’il connaît des fluctuations de moyen-long terme de grande ampleur dans le second groupe. Plus précisément, dans ce second groupe, le taux de marge connaît une forte diminution au moment du premier choc pétrolier, accentuée au moment du second choc pétrolier, puis une longue phase d’augmentation qui l’amène à la fin des années 1980 à un niveau proche de celui d’avant le premier choc pétrolier. La décennie 1990 se caractérise ensuite par une quasi-stabilité. Les modifications des termes de l’échange et, dans une moindre mesure, celles du taux d’intérêt réel expliqueraient la plus grande part des ces évolutions, l’ampleur de ces modifications ayant été sensiblement plus importante pour le second groupe de pays que pour le premier. Pour autant, ces deux facteurs (termes de l’échange et taux d’intérêt réels) ne suffisent pas, pour Blanchard (1997), à expliquer complètement les niveaux élevés des taux de marge dans les pays du continent européen depuis la fin des années 1980. Une hausse du taux de mark-up (coefficient que les entreprises ajoutent à leur coût de production en vue de dégager un profit non nul) pourrait aussi expliquer ces niveaux élevés. Cette hausse du taux de mark-up ne serait pas localisée sur le marché des biens, la concurrence y ayant plutôt été accrue par la construction du marché unique, mais plutôt sur le marché du travail. Quant à Bentolila et Saint-Paul (1999), à partir d’un modèle théorique, ils mettent en évidence le rôle du rapport capital/production, du prix de l’énergie, des coûts d’ajustement du travail, et du pouvoir de négociation salariale dans les évolutions de la part salariale (le complément à l’unité du taux de marge).
6La présente étude prolonge l’analyse descriptive proposée par Cette et Sylvain (2001) et se donne également pour objet de dégager, par une approche économétrique, les déterminants du taux de marge sur les mêmes pays et sur les trois décennies 1970-2000. Cette analyse économétrique y est plus approfondie sur la France pour laquelle l’accès et la connaissance du contenu des données statistiques à un niveau fin sont plus faciles. Les évolutions du taux de marge ne sont que très rapidement rappelées.
7Les taux de marge sont évalués aux coûts des facteurs : les rémunérations du travail (coût du travail, toutes formes de rémunérations et charges sociales incluses) et du capital (marge brute, c’est-à-dire excédent brut d’exploitation, y compris les frais financiers et les impôts directs) sont exactement complémentaires dans la valeur ajoutée. Par rapport aux autres travaux déjà réalisés sur ce thème, l’une des originalités de la présente étude empirique repose sur le travail méthodologique et statistique très détaillé déployé pour construire les indicateurs de taux de marge [3]. Les analyses économétriques confirment que cet aspect statistique, et principalement le mode de correction de la non-salarisation, influence sensiblement le diagnostic concernant les évolutions de moyen terme et les déterminants du taux de marge.
8On commence par rappeler les déterminants du taux de marge (première partie), avant d’en proposer une analyse empirique pour la France (deuxième partie) et d’autres pays industrialisés (troisième partie).
Les déterminants du taux de marge
9On commence par quelques considérations générales (première section) avant de préciser les spécifications retenues dans la suite de l’étude (deuxième section).
Quelques considérations générales
10Le taux de marge d’équilibre est généralement déterminé en supposant que les entreprises maximisent leur profit sans coûts d’ajustement. Le salaire et le volume du capital sont supposés flexibles dans le long terme, le capital est supposé être le facteur de production le plus mobile. Sa rémunération (le coût du capital) peut être considérée comme exogène et déterminée par l’extérieur. Cette hypothèse, acceptable pour une économie de petite ou moyenne dimension, est sans doute plus critiquable pour les États-Unis.
11Si la représentation de la combinaison productive est une fonction de production à deux facteurs (capital et travail), on obtient une relation univoque entre le coût réel du travail et celui du capital (la frontière de prix des facteurs) [4]. Parce que le capital est plus mobile que le travail, le coût du travail est entièrement déterminé par le coût du capital et la formalisation du marché du travail n’est pas nécessaire à la définition du taux de marge de long terme. Les déterminants du niveau d’équilibre du taux de marge dépendent alors de l’hypothèse retenue concernant le degré de substituabilité entre ces deux facteurs :
- dans le cas d’une élasticité de substitution unitaire, leniveau d’équilibre du taux demargeest constant;
- dans le cas le plus général d’une élasticité de substitution non-unitaire (le cas le plus usuel étant celui d’une fonction deproduction CES), un terme de progrès technique neutre au sens d’Harrod
- c’est-à-dire que son action porte exclusivement sur le niveau du facteur travail) est nécessaire pour assurer la possibilité d’une croissance équilibrée avec une stabilité du taux de marge d’équilibre et une dérive à taux constant du coût relatif des facteurs de production. Le niveau d’équilibre du taux de marge dépend alors du coût du capital. Si l’élasticité de substitution est inférieure (supérieure) à l’unité, le taux de marge d’équilibre est croissant (décroissant) avec le coût du capital.
12Outre le coût réel du capital, d’autres déterminants du taux de marge de long terme peuvent être mis en évidence selon le cadre théorique et la formalisation de la fonction de production retenus. On présente ici les principaux facteurs additionnels rencontrés dans la littérature [5] :
- la maximisation du profit dans un cadre de concurrence monopolistique, où les entreprises disposent d’un pouvoir de marché leur permettant de rémunérer les facteurs de production en dessous de leur productivité marginale à l’équilibre (Blanchard et Kiyotaki, 1987), ajoute le taux de mark-up (indicateur du pouvoir de marché des entreprises) comme déterminant du taux de marge de long terme;
- lorsque la combinaison productive incorpore les co nsommations intermédiaires ou, plus particulièrement, l’énergie comme facteur de production, alors la frontière de prix des facteurs relie le coût du capital, le coût du travail et le prix de ce troisième facteur supposé exogène (par exemple parce que le prix de ce troisième facteur est largement influencé par un prix étranger). Le niveau d’équilibre du taux de marge dépend alors de l’hypothèse de substituabilité retenue entre ce troisième facteur et les deux autres. Dans le cas d’une élasticité de substitution unitaire, le prix du troisième facteur n’influence pas le taux de marge d’équilibre. Dans le cas d’une élasticité de substitution non-unitaire avec au moins un des deux autres facteurs, le prix relatif de ce troisième facteur influence le taux de marge d’équilibre. Cette approche est par exemple celle retenue par Prigent (1999) et Bentolila et Saint-Paul (1999) qui introduisent l’énergie dans la fonction de production ;
- dans un cadre analytique où la main-d’œuvre est considérée comme hétérogène, si l’on décompose l’emploi salarié entre travailleurs qualifiés et non-qualifiés et que l’on suppose que le coût des travailleurs non-qualifiés (correspondant par exemple au SMIC réel) est exogène, alors en cas de substituabilité imparfaite entre la main-d’œuvre non-qualifiée et l’un des autres facteurs, ou entre la main-d’œuvre qualifiée et le capital (hypothèse par exemple retenue par Laffargue, 1999), le coût exogène de la main d’œuvre non-qualifiée intervient alors dans la détermination du taux de marge d’équilibre (voir également Bentolila et Saint-Paul, 1999) ;
- dans une approche « Wage Setting - Price Setting » (WS-PS), le coin social, qui correspond à l’ensemble des prélèvements sociaux expliquant l’écart entre le coût du travail payé par l’employeur et le salaire net perçu par le salarié, peut également intervenir dans le mode de détermination de long terme du taux de marge si la taxation du facteur travail est considérée par les travailleurs comme un prélèvement pur plutôt qu’un revenu différé, une prime d’assurance et/ou une contribution visant à financer une offre future de biens publics (Cahuc et Zylberberg, 1996).
13Les développements qui précèdent se rapportent à un long terme théorique dans lequel il est supposé que le marché du travail et le taux de marge sont dans une situation d’équilibre. En d’autres termes, tous les ajustements consécutifs à un éventuel choc exogène (de prix du capital, de termes de l’échange ou de productivité par exemple) ont été réalisés. Dans la réalité économique, de tels ajustements peuvent être longs et progressifs pour diverses raisons. Les deux principales sont les suivantes :
- l’ajustement du volume du stock de capital à un éventuel choc (de coût du capital par exemple)est par nature progressif. Si la technologie est putty-clay, et la durée de vie des équipements de dix à quinze ans en moyenne, le délai moyen d’ajustement du capital à un choc peut dépasser cinq ans [6];
- la flexibilité des salaires peut être également très progressive. Aussi par exemple, l’ajustement des salaires à un choc de termes de l’échange ou de productivité peut nécessiter des délais importants et une modification assez longue du taux de chômage d’équilibre (le NAIRU) sur le marché du travail. Cette « résistance salariale » est d’ailleurs souvent l’une des principales raisons évoquées dans les travaux empiriques sur le taux de marge pour expliquer la baisse puis les faibles niveaux des taux de marge consécutifs aux deux chocs pétroliers constatés en France : l’indexation des salaires sur les prix de consommation poussés à la hausse par les chocs pétroliers a conduit une baisse du taux de marge et à une augmentation du NAIRU (Bean, 1989 ; Cotis et Rignols, 1998).
14Le long terme de l’économètre, dont les séries statistiques mobilisées s’étendent en général sur quelques décennies au mieux, correspond à une distance temporelle souvent trop courte pour appréhender pleinement le long terme théorique, compte tenu de la progressivité de certains ajustements. Ce long terme économétrique correspond plutôt à un moyen terme théorique dans lequel les variables peuvent s’expliquer à la fois par leurs déterminants théoriques de long terme mais aussi par les facteurs à l’origine d’ajustements progressifs [7]. C’est ainsi que Blanchard (1997) ou Cotis et Rignols (1998) justifient l’influence des termes de l’échange parmi les facteurs explicatifs du long terme statistique du taux de marge, à partir de modèles n’intégrant pourtant pas les consommations intermédiaires dans la formalisation explicite de la combinaison productive.
15Compte tenu des inerties évoquées, d’autres variables peuvent influencer le taux de marge à moyen terme et peuvent donc prétendre à être introduites dans les spécifications du long terme économétrique, sans nécessairement être justifiées par une formulation théorique du long terme économique :
- des variables caractérisant un déséquilibre « keynésien » sur le marché du travail (taux de chômage) ou le marché des biens (taux d’utilisation des capacités de production), ou simultanément sur les deux marchés (l’écart de PIB, choix également exploré par Cotis et Rignols, 1998). L’histoire économique des dernières décennies, surtout celle des pays d’Europe continentale, montre en effet que de tels déséquilibres peuvent être persistants. En toute logique, les variables à prendre en compte devraient être plus exactement l’écart entre le taux de chômage ou le taux d’utilisation des capacités de production et leur niveau d’équilibre de long terme [8]. Mais la détermination de ces niveaux d’équilibre est problématique et appelle par exemple pour le taux de chômage une modélisation spécifique de l’équilibre sur le marché du travail que la modélisation réduite du seul taux de marge s’efforce justement de contourner [9]. La prise en compte, telles quelles, des variables de taux de chômage ou de taux d’utilisation des capacités de production suppose implicitement que ces niveaux d’équilibre de ces variables sont constants. Or, il semble généralement admis que ces niveaux de long terme sont tous deux non-constants ;
- des variables influençant la formation du salaire, principalement la productivité et les composantes du coin social. Toutes choses égales par ailleurs, un choc négatif (positif) de productivité ou une hausse (baisse) du coin social doit s’accompagner d’une contraction (augmentation) équivalente du salaire net afin que l’égalité marginale entre rémunération et productivité du capital n’aboutisse pas à une baisse (augmentation) de l’équilibre macro-économique de moyen terme, avec un niveau de chômage plus (moins) élevé. À ce titre, le niveau réel du salaire minimum réglementé (le SMIC pour la France) peut également prétendre à jouer un rôle dans la formation du taux de marge à moyen terme [10].
16Sur le court terme, les évolutions de toutes les différentes variables évoquées peuvent également prétendre rendre compte de désajustements plus instantanés entre le taux de marge observé et son niveau d’équilibre de moyen terme.
Les spécifications retenues
17Pour des raisons de disponibilité des données utilisées, les estimations économétriques réalisées sur la France (en deuxième partie) sont plus développées que celles réalisées en comparaison internationale (en troisième partie). Par exemple, les données mobilisées sur la France sont trimestrielles et se rapportent aux seules entreprises non-financières tandis que celles utilisées en comparaison internationale sont annuelles et concernent l’ensemble du secteur privé. Nous nous sommes cependant efforcés de retenir les spécifications les plus proches pour les différentes estimations. La construction des données est détaillée dans les annexes 1 (données trimestrielles sur les SNF-EI françaises) et 3 (données annuelles sur le secteur privé pour différents pays) de Baghli et alii (2003) (écrit BCS (2003) par la suite). Les conclusions des tests de spécification exposés dans le tableau A.2.b. de l’annexe (normalité et blancheur des résidus des ECM, linéarité et stabilité des modèles), ainsi que la bonne qualité des simulations dynamiques réalisées au terme des estimations économétriques, apportent une validation des spécifications adoptées.
Sur les données détaillées concernant l’économie française
18Sur la France, la relation (1) de long terme
(économétrique) estimée est la suivante [11].
où :
- « tmcf » correspond au logarithme du taux de marge aux coûts des facteurs. Cinq indicateurs différents sont construits pour la France, qui diffèrent par le mode de correction de la non-salarisation ou par le champ retenu. L’un des indicateurs concerne les seules sociétés non-financières tandis que les autres intègrent également les entreprises individuelles ;
- « TIRL » correspond au taux d’intérêt réel lissé. Plus exactement, le taux nominal retenu est (comme pour Cotis et Rignols, 1998) la demi-somme des taux court (à trois mois) et long (à dix ans). Les résultats obtenus étaient moins satisfaisants en retenant le seul taux long. Le taux réel est calculé en diminuant ce taux nominal du taux de croissance du déflateur de la consommation des ménages. Les résultats étaient moins convaincants en déflatant par les prix de production ou les prix de valeur ajoutée. Enfin, le lissage résulte de la mise en œuvre d’un filtrage Hodrick-Prescott (avec ? = 1600). Un tel lissage permet d’atténuer l’inconvénient d’une prise en compte de l’inflation constatée plutôt qu’anticipée. Cet indicateur est un proxy du coût réel du capital, ce dernier faisant également intervenir l’effet de la dépréciat ion et d u niv eau du p rix de l’investissement. Par ailleurs, compte tenu d’une prime de risque, il minore le taux d’intérêt effectivement connu des entreprises. S’il est constant, cet écart est sans conséquence sur les résultats des estimations. L’effet attendu du coût du capital sur le niveau à moyen terme du taux de marge est positif (?1 0> ) ;
- « pre » est le logarithme du prix relatif de l’énergie. Plus exactement, il s’agit du logarithme du déflateur de la consommation des ménages en produits énergétiques diminué du logarithme du déflateur de la production de l’ensemble des branches. Cet indicateur est corrigé de son évolution tendancielle déterministe et ne conserve donc que sa composante stochastique. Il a été préféré au prix relatif des consommations intermédiaires ou à ceux correspondant plus exactement aux termes de l’échange comme le rapport entre les prix de consommation et les prix de valeur ajoutée, ou le rapport entre les prix d’importations et les prix d’exportations, qui aboutissaient à des résultats économétriquement moins satisfaisants (par exemple à des relations non cointégrées ou à un coefficient de signe aberrant). Pour tout pays importateur d’énergie, l’effet attendu du prix relatif de l’énergie sur le niveau à moyen terme du taux de marge est négatif (?2 0< ) ;
- « tu » est le logarithme du taux d’utilisation des capacités de production dans l’industrie. L’effet attendu du taux d’utilisation sur le niveau à moyen terme du taux de marge est positif (?3 0> ).
19Les estimations ajoutant le taux de chômage (autre variable traduisant un déséquilibre keynésien) à la liste des variables explicatives du taux de marge n’ont pas abouti à des résultats satisfaisants : le coefficient de cette variable était non-significatif ou la relation estimée n’était plus cointégrée. Ces mauvais résultats s’expliquent sans doute en bonne partie par le fait que la variable pertinente à prendre en compte serait l’écart entre le taux de chômage observé et son niveau d’équilibre [12]. Aussi, cette variable a finalement été écartée des spécifications retenues. De plus, au lieu du taux de chômage (ou de son écart à son niveau de long terme), il peut sembler plus opportun d’insérer une mesure de l’écart de PIB (qui correspondrait plus au déséquilibre keynésien). Cependant, son caractère stationnaire sur la période (pour la France notamment) et la multiplicité des évaluations possibles (par des approches statistiques uni- ou multi-variées ou par des approches structurelles…), ainsi que l’apparition d’un sérieux problème d’identification (avec le TU), nous ont conduit à renoncer à une telle démarche.
20Nous avons également envisagé d’introduire dans la relation de long termepour laFrance alternativement le SMIC horaire réel ou le coin social (dont la construction est détaillée en annexe 2 de BCS, 2003). En raison des résultats obtenus (absence de cointégration et coefficients non significatifs et de signe contre-intuitif pour le coût réel du capital et le SMIC réel), la prise en compte d’une mesure d’hétérogénéité de la main-d’œuvre (et/ou d’une inertie dans l’ajustement des salaires) n’a pas été retenue. De même, l’indicateur de taxation sur le facteur travail a conduit à des résultats d’estimation peu convaincants (non significativité des paramètres du coût du capital et des termes de l’échange) et incompatibles avec la théorie économique (négativité et positivité du paramètre associé respectivement au coût du capital et au coin social). Ainsi, les influences de chacune de ces deux variables sur les mouvements du taux de marge ont été écartées.
21L’ajustement dynamique du taux de marge à son
niveau d’équilibre est représenté par un modèle à
correction d’erreur correspondant à la relation de
court terme (2), dans laquelle diverses variables
additionnelles ont une influence transitoire sur le
taux de marge. Cette relation est la suivante :
Les variables statistiquement retenues dans cette relation (2) pour expliquer la dynamique (ici la croissance) du taux de marge sont :
- la croissance retardée du taux de marge « ?tmcf » ?1 qui introduit un effet d’inertie ou de correction. L’effet attendu sur le niveau de moyen terme du taux de marge est positif dans le premier cas, négatif dans le second, mais toujours inférieur à 100 % (? < <1 1 1 ? ) ;
- le terme de rappel «ec » qui corrige en partie ?1 l’écart à la cible constaté le trimestre précédent. L’effet attendu est négatif et supérieur à -100 % (? < <1 0 2 ? ) ;
- la croissance du prix relatif de l’énergie « ?pre », dont l’influence attendue sur la dynamique de court terme du taux de marge est négative ( ? 0< ), qui 3 traduit l’impact immédiat d’une indexation rapide des salaires sur l’inflation des prix à la consommation qui sont sensibles au prix de l’énergie ;
- la croissance de laproductivité du travail « ?prod », dont l’influence attendue est positive ( )? 0>, qui 4 traduit le retard d’indexation des salaires sur la productivité ;
- la variation du coin social « CS », qui traduit le fait que les salariés ne considèrent pas immédiatement les modifications des prélèvements sociaux comme une même modification différée de revenu. Si les salariés ne considèrent en rien ces prélèvements comme un revenu différé, pour un taux de marge d’environ un tiers, le coefficient de cette variable de coin social est égal à -3 environ. Si au contraire ils considèrent totalement ces prélèvements comme un revenu différé, ce coefficient est nul. La valeur attendue du coefficient de la variable de coin social est donc comprise entre ces deux valeurs extrêmes (? < <3 0 5 ? ) ;
- l’accélération du taux d’utilisation des capacités de production « ?2 tu », dont l’influence attendue est positive ( )? 0>. Sont donc pris en compte 6 uniquement les effets liés aux rigidités de l’appareil de production (phénomènes d’inerties dans l’ajustement des capacités productives notamment dans l’industrie). La simple croissance du taux d’utilisation « ?tu » ne ressort pas significativement à l’estimation ;
- la croissance «?tcho » et l’accélération ?1 « ?2 tcho » du taux de chômage, dont l’influence ?1 globale doit être positive, une hausse du taux de chômage réduisant le pouvoir de négociation des salariés (? ? 7 8 0+ > ) ;
- les hausses de pouvoir d’achat du SMIC « ?smicr », dont l’influence attendue est négative sur le taux de marge par l’effet direct de la hausse du coût des salariés au SMIC et aussi par l’effet d’entraînement éventuel sur l’échelle des salaires (?9 0< ).
22La spécification de cette relation (2) est pragmatique et résulte d’un travail économétrique assez large. À partir d’un modèle plus général, de nombreuses autres spécifications de cette relation (2) de court terme ont été estimées : dissociation en variables explicatives spécifiques des variations des trois composantes du coin social (CSG + CRDS, cotisations sociales salariées et cotisations sociales patronales), des variations des composantes se retranchant (CSG + CRDS + cotisations sociales salariées) ou s’ajoutant au salaire brut (cotisations sociales patronales) ; hausse du pouvoir d’achat du SMIC mesurée en déflatant ce dernier par les prix de valeur ajoutée ou de production plutôt que par les prix de consommation ; composante coup de pouce réel sur le SMIC plutôt que variation du pouvoir d’achat du SMIC ; ajout à la liste des variables explicatives des variations du coût du capital ou des variations du pouvoir d’achat des salaires (par tête ou horaire) mesurées en déflatant le salaire par les prix de consommation, de valeur ajoutée ou de production… Ces tentatives ont abouti à des résultats d’estimations économétriques aberrants (effet de signe contraire de celui attendu) ou non significatifs et n’ont en conséquence pas été retenues.
Sur les données permettant une comparaison internationale
23Les données utilisées pour la comparaison internationale ne permettent pas d’approfondir la question de la correction de la non-salarisation via la construction de différents indicateurs (cf. encadré). Pour autant, la correction réalisée influence non seulement le niveau des indicateurs mais aussi leurs évolutions de moyen terme, du fait de la salarisation croissante de la main-d’œuvre [13]. Aussi, comme les taux de marge construits pour la comparaison internationale dépendent par construction du poids de la non-salarisation, les spécifications retenues ap profond issen t cet aspect en intégrant explicitement dans la liste des variables expliquant le taux de marge le (logarithme du) rapport entre le nombre de non-salariés et celui des salariés [14]. Pour autant, l’hypothèse d’un écart constant sur les trois décennies 1970-2000, implicite aux estimations réalisées sur cette période, est sans doute forte, ne serait-ce que via des effets de structure : la part de chacune des différentes activités se modifie et l’écart entre le coût salarial moyen et l’équivalent salarial des non-salariés n’a pas de raison d’être le même dans les différentes activités à fort recours aux emplois non salariés, comme l’agriculture et les commerces par exemple.
24La relation de long terme (économétrique) estimée
est la suivante :
où :
- « tmcf », « TIRL », « pre » et « tu » ont la même signification que dans la relation (1). Dans un souci de cohérence, leur mesure est identique ;
- « ns – n » correspond au logarithme du rapport entre les effectifs de non-salariés et les effectifs de salariés.
25Compte tenu de disponibilités statistiques et d’un nombre d’observations plus réduits, la relation de court terme estimée sur données annuelles pour chaque pays diffère de la relation estimée pour la France sur données trimestrielles : seules ont été retenues dans la dynamique de court terme (outre le terme de correction d’erreur) les différences premières des variables intervenant dans la cible de long terme, l’évolution retardée du taux de marge et l’évolution de la productivité apparente du travail et du taux de chômage.
26La relation (4) decourt termeretenue est la suivante :
Les variables intervenant dans cette relation (4) ont la même signification que celles intervenant dans la relation (2). La relation retenue pour chaque pays est une forme simplifiée de cette relation (4), certaines variables statistiquement pertinentes pour un pays ne l’étant pas nécessairement pour les autres. Ici encore, le choix de spécification retenu pour chaque pays est pragmatique et résulte d’un travail économétrique assez large. Ont été écartées pour chaque pays les variables explicatives de la dynamique de court terme aboutissant à des résultats aberrants (effet de signe contraire de celui attendu) ou non significatifs.
Analyse empirique sur les données françaises détaillées
27Cinq indicateurs de taux de marge des sociétés non-financières françaises ont été construits. Quatre d’entre eux (SNF-EI1 à SNF-EI4) comprennent les entreprises individuelles et se distinguent par leur convention de correction de la non-salarisation. Ces conventions de calcul sont explicitées dans l’encadré 1 (et détaillées dans l’Annexe 1 de BCS, 2003).
28On commence par rappeler les évolutions de moyen terme des différents indicateurs élaborés (première section) pour présenter ensuite les principaux résultats des estimations des déterminants à moyen-long terme du taux de marge (deuxième section) et la lecture qu’ils permettent des évolutions longues de ces taux (troisième section), puis les principaux résultats des estimations de l’ajustement de court terme (quatrième section).
Rappel descriptif [15]
29Les évolutions des cinq indicateurs connaissent des grandes phases relativement proches (cf. graphique 1) bien connues [16] :
- stabilité de moyen terme du taux de marge sur la décennie 1960 ;
- au début des années 1970, hausse du taux de marge (pour les indicateurs SNF-EI1 et SNF-EI2) ou prolongement de la stabilité de moyen terme (pour SNF-EI4) selon les indicateurs ;
- baisse du taux de marge au moment du premier choc pétrolier, puis relative stabilité avant une nouvelle baisse au moment du second chocpétrolier;
- augmentation continue et rapide du taux de marge sur presque une décennie jusqu’à la fin des années 1980 ;
- d urant la décennie 19 90, pou rsuite de l’augmentation de moyen terme (pour les indicateurs SNF-EI1 à SNF-EI4) ou relative stabilité (pour l’indicateur SNF) du taux de marge, les niveaux atteints en 2000 étant identiques (pour les indicateurs SNF-EI3 et SNF) ou légèrement supérieurs (pour les indicateurs SNF-EI1, SNF-EI2 et SNF-EI4) à ceux d’avant le premier choc pétrolier.
30L’écart entre le niveau des indicateurs de taux de marge atteint en 2000 et le niveau de 1970 est ainsi négligeable pour les indicateurs SNF (-0,4 point) et SNF-EI3 (0,2 point). Il est de l’ordre de 3 points pour les trois autres indicateurs. Compte tenu du fait que les différences entre ces indicateurs (surtout pour SNF-EI1 à SNF-EI4, l’indicateur SNF intégrant aussi une différence de champ) tiennent à des choix conventionnels et fragiles de correction de la non-salarisation qui influencent non seulement le niveau moyen des indicateurs du taux de marge mais aussi leur évolution sur ces trois décennies, on peut considérer que les niveaux atteints en 2000 sont comparables à ceux de 1970.
taux de marge des entreprises non-financières françaises, aux coûts des facteurs
taux de marge des entreprises non-financières françaises, aux coûts des facteurs
Encadré : les notations
TMCF : taux de marge aux coûts des facteurs calculé en rapportant l’excédent brut d’exploitation (EBE) au coûts des facteurs à la valeur ajoutée (VA) aux coûts des facteurs. Dans cette approche, l’EBE est l’exact complément du coût du travail dans la VA. Sauf pour l’indicateur SNF-EI4, les impôts sur salaires sont considérés comme une composante du coût du travail.
– Sur les données françaises trimestrielles, le taux de marge est cal cul é su r le seul ch amp de s ent reprise s non-financières. Cinq évaluations sont proposées. Quatre (notées SNF-EI) concernent les sociétés non-financières et les entreprises individuelles, la cinquième (notée SNF) les seules sociétés non-financières. Les trois premières évaluations concernant les sociétés non-financières et les entreprises individuelles se distinguent par une correction différente de la non-salarisation. L’indicateur SNF-EI1 affecte à chaque non-salarié un coût salarial fictif égal au coût salarial moyen des salariés des SNF-EI. L’indicateur SNF-EI2 affecte à chaque non-salarié un coût salarial fictif égal au coût salarial des salariés des SNF-EI hors tous allégements de charges sociales dont peuvent bénéficier les salariés. L’indicateur SNF-EI3 affecte à chaque non-salarié un coût salarial fictif égal au coût salarial moyen des salariés des EI. L’indicateur SNF-EI4 repose sur un autre calcul de la VA et donc de l’EBE aux coûts des facteurs. Par rapport aux précédents indicateurs, il y est supposé que les impôts sur salaires ne sont pas un élément de rémunération du travail et ne sont donc pas inclus dans la VA aux coûts des facteurs. La correction de la non-salarisation y est réalisée selon le même principe que pour l’indicateur SNF-EI1. Enfin, l’indicateur SNF concerne les seules sociétés non-financières (et n’inclut pas les EI). Compte tenu de la faible présence des non-salariés dans les SNF, aucune correction de la non-salarisation n’y est effectuée.
– Sur les données internationales annuelles, le taux de marge est calculé de façon homogène sur l’ensemble du champ du secteur privé. Pour l’Allemagne, deux séries sont construites à partir de 1990, selon que l’on considère ou non l’évolution du passif de la Treuhandanstalt comme une subvention aux entreprises. Ces deux séries sont identiques à partir de 1995. Pour tous les pays, la correction de non-salarisation repose sur le même principe que pour l’indicateur SNF-EI1 présenté ci-dessus.
Les données de base du calcul de ces indicateurs viennent des comptes nationaux. Le calcul des indicateurs est détaillé dans les Annexes 1 et 3 de BCS (2003) et leur contenu économique est également commenté dans Cette et Sylvain (2001).
pre : Logarithme du prix relatif de l’énergie corrigé de sa tendance déterministe. Plus exactement, il s’agit du logarithme du déflateur de la consommation des ménages en produits énergétiques diminué du déflateur de la production de l’ensemble des branches, cet indicateur étant corrigé de son évolution tendancielle. Les données de base du calcul de cet indicateur viennent des comptes nationaux. Cet indicateur a été préféré au prix relatif des consommations intermédiaires ou à une mesure plus exacte des termes de l’échange pour des raisons expliquées dans le texte.
TIRL : taux d’intérêt réel lissé. Plus exactement, demi-somme des taux courts (à trois mois) et longs (à dix ans) moins le taux de croissance du déflateur de la consommation des ménages. Cet indicateur est lissé par la mise en œuvre d’un filtrage Hodrick-Prescott (avec ? = 1600 sur données trimestrielles, 7 sur données annuelles).
Les données de base du calcul de cet indicateur viennent des comptes nationaux ou des Perspectives Economiques de l’OCDE pour la comparaison internationale.
SMICR : SMIC réel, calculé en divisant le SMIC nominal par le déflateur de la consommation des ménages. Les données de base du calcul de cet indicateur viennent des comptes nationaux et du Ministère de l’Emploi.
TU : taux d’utilisation des capacités de production dans l’industrie. Source : Enquête Mensuelle de Conjoncture de la Banque de France; sources diverses pour les autres pays (cf. annexe 1 de BCS, 2003).
TCHO : taux de chômage. Source : comptes nationaux ou Perspectives Economiques de l’OCDE pour les autres pays.
N et NS : effectifs respectivement salariés et non-salariés. Source : comptes nationaux.
PROD : productivité du travail, calculée en rapportant le volume de la valeur ajoutée aux coûts des facteurs aux effectifs (salariés et non-salariés). Les données de base du calcul de cet indicateur viennent des comptes nationaux.
CS : coin social exprimé en points de salaire brut. Pour les données françaises trimestrielles, il s’agit de la somme des cotisations sociales employeurs, salariées et de la partie de la CSG et de la CRDS s’appliquant sur l’assiette salariale divisée par les salaires bruts versés. Pour les données internationales annuelles, il s’agit de la somme des cotisations sociales employeurs et salariées divisée par les salaires bruts versés. Les données de base du calcul de cet indicateur viennent des comptes nationaux, à l’exception de la partie de la CSG et de la CRDS s’appliquant sur l’assiette salariale calculée par Franck Sédillot (que nous tenons à remercier) sur la base des données de comptes nationaux.
ec : ecart (en logarithme) entre la cible du taux de marge et son niveau observé.
?i (i : 1 à 4) : Coefficients des variables explicatives dans les relations (1) et (3) spécifiant le niveau de long terme du taux de marge.
?i (i : 1 à 11) : Coefficients des variables explicatives dans les relations (2) et (4) spécifiant la dynamique de court terme du taux de marge.
– Les noms des variables en minuscules correspondant à leur logarithme.
– « ? » devant une variable désigne son évolution d’une période sur l’autre, « ?2 » que cette différentiation est opérée une seconde fois.
– « -1 » en indice d’une variable indique qu’il s’agit de sa valeur retardée d’une période.
résultats d’estimation de la relation (1) de long terme sur les sociétés non-financières françaises
résultats d’estimation de la relation (1) de long terme sur les sociétés non-financières françaises
Les déterminants de moyen-long terme du taux de marge
31 L’analyse économétrique est réalisée sur données trimestrielles et sur la période 1970-2000 (soit 124 observations). L’ordre d’intégration des diverses variables intervenant dans la relation (1) de long terme estimée est unitaire. Les coefficients résultant de l’estimation de la relation (1) sont résumés dans le tableau 1 ci-dessous, les étapes et résultats d’estimation étant détaillés en annexe 2 de BCS (2003).
32Pour les cinq indicateurs de taux de marge, la relation est cointégrée et les coefficients ont le signe attendu : le taux de marge est croissant avec le coût réel du capital (taux d’intérêt réel « TIRL ») et les tensions sur le marché des biens (le taux d’utilisation des capacités de production « tu »), décroissant avec le prix relatif de l’énergie (« pre »). L’influence sur le taux de marge de chacun des trois déterminants de long terme est proche et relativement importante sur les trois indicateurs SNF-EI1, SNF-EI2 et SNF-EI4. Elle est plus réduite pour les indicateurs SNF-EI3 et SNF. Compte tenu du fait que la relation est estimée sur le logarithme des taux de marge et que les niveaux des indicateurs SNF-EI3 et SNF sont toujours sensiblement supérieurs à ceux des trois autres indicateurs, ces écarts n’aboutissent à un impact, en poin ts, réellement différent d’une même modification des déterminants que pour le coût réels du capital.
33Plus précisément, ces résultats d’estimation signifient qu’en 2000 (compte tenu des niveaux alors atteints par les taux de marge) :
- un point d’augmentation des taux d’intérêt réels aboutit à moyen terme à une augmentation du taux de marge d’environ 0,8 point pour les indicateurs SNF-EI1, SNF-EI2 et SNF-EI4, et d’environ 0,4 point pour les indicateurs SNF-EI3 et SNF ;
- une augmentation de 1 % du prix relatif de l’énergie aboutit à moyen terme à une baisse du taux de marge d’environ 0,1 point pour tous les indicateurs ;
- une augmentation de 1 point du taux d’utilisation des capacités de production aboutit à moyen terme à une augmentation d’environ 0,2 point du taux de marge pour tous les indicateurs.
34Ces résultats d’estimation ne sont pas directement comparables à ceux de Cotis et Rignols (1998) dont les spécifications et le champ couvert sont différents. Ils sont par contre assez cohérents avec ceux de la relation de long terme estimée par Prigent (1999).
Lecture des évolutions de moyen terme du taux de marge
35Les résultats des estimations de la relation (1) aboutissent à la décomposition donnée dans le tableau 2 des grandes phases d’évolution des cinq indicateurs de taux de marge. Les déterminants de ces grandes phases sont proches pour les cinq indicateurs. L’ampleur de l’influence des différents déterminants sur les différentes sous-périodes est, par ordre décroissant, le prix réel de l’énergie, le coût réel du capital et les tensions sur l’outil de production. La lecture des évolutions par sous-périodes de la cible de moyen terme du taux de marge à laquelle conduisent les résultats d’estimation est la suivante :
- la relative stabilité de la cible de moyen terme du taux de marge sur la courte sous-période 1970-1973 précédant le premier choc pétrolier résulte globalement du fait que l’impact à la hausse de l’augmentation du coût réel du capital et de plus fortes tensions sur l’outil de production est contrebalancé par l’impact à la baisse de l’augmentation du prix réel de l’énergie ;
- sur la sous-période 1974-1981 des deux chocs pétroliers, la forte baisse de la cible de moyen terme du taux de marg e est liée à l’impact de l’augmentation du prix réel de l’énergie et, à un moindre titre, de la baisse des tensions sur l’outil de production. Ces influences sont faiblement contrebalancées par l’impact de l’augmentation du coût réel du capital ;
- sur la sous-période 1982-1989, la cible de moyen terme du taux de marge connaît une forte hausse équivalente par son ampleur à la baisse de la sous-période antérieure. Celle-ci résulte de l’impact conjoint de la baisse du prix réel de l’énergie, de la hausse du coût réel du capital et d’une augmentation des tensions sur l’outil de production ;
- sur la dernière sous-période 1990-2000, la relative stabilité du taux de marge résulte globalement du fait que l’impact à la baisse de la diminution du coût réel du capital et de moindres tensions sur l’outil de production sont contrebalancées par l’impact de la baisse du prix réel de l’énergie [17].
décomposition des grandes phases d’évolution à moyen terme des cinq indicateurs de taux de marge des sociétés françaises (en points)
décomposition des grandes phases d’évolution à moyen terme des cinq indicateurs de taux de marge des sociétés françaises (en points)
Les déterminants de la dynamique de court terme du taux de marge
36La relation estimée pour rendre compte de la dynamique de court terme du taux de marge est la relation (2). Les coefficients résultant de l’estimation de cette relation (2) sont résumés dans le tableau 3 ci-dessous. Les étapes et résultats d’estimation sont détaillés en annexe 2 de BCS (2003).
résultats d’estimation de la relation (2) sur les sociétés non-financières françaises
résultats d’estimation de la relation (2) sur les sociétés non-financières françaises
37Le signe et l’ordre de grandeur des coefficients des variables explicatives sont conformes à ce qui était attendu. Par ailleurs, leur niveau est cohérent d’un indicateur à l’autre, les écarts des coefficients correspondant souvent aux écarts de niveau des différents taux de marge. Il ressort de ces estimations que le délai moyen d’ajustement du taux de marge à sa cible de moyen terme est assez rapide : 6 à 10 trimestres environ [18]. Les principaux enseignements supplémentaires sont les suivants :
- à l’effet de moyen terme sur le taux de marge d’une variation du prix relatif de l’énergie s’ajoute un effet de court terme assez sensible, lié à l’indexation rapide des salaires sur les prix de consommation influencés par les prix de l’énergie : une hausse (baisse) de 1 % du prix de l’énergie abaisse (élève) transitoirement le taux de marge d’un peu moins de 0,1 point ;
- les variations de la productivité apparente du travail ont, du fait d’une indexation retardée des salaires sur la productivité, un impact très important sur le taux de marge : une augmentation (baisse) de 1 % d e la pro ductivité du travail indu it transitoirement une augmentation (baisse) du taux de marge d’environ 0,7 point ;
- les modifications du coin social ont un impact transitoire dont l’ampleur est faible sur le taux de marge : un point d’augmentation (de baisse) du coin social entraîne une baisse (hausse) transitoire du taux de marge d’environ 0,03 point. Ce résultat suggère que la plus grande part des variations du coin social serait immédiatement considérée comme une même variation de revenu différé. Il est cependant fragile et peut aussi s’expliquer par une simultanéité entre les variations du coin social et celles du taux de chômage. En d’autres termes, une part de l’effet des variations du coin social sur le taux de marge serait captée par les variations du taux de chômage ;
- à l’effet de moyen terme sur le taux de marge d’une variation des tensions sur l’outil de production s’ajoute un effet de court terme assez important des accélérations de ces mêmes tensions : une accélération (ralentissement) de 1 point du taux d’utilisation des capacités de production élève (abaisse) transitoirement le taux de marge d’un peu moins de 0,1 point ;
- les variations du taux de chômage ont (par leur influence sur le pouvoir de négociation salariale des salariés) un impact transitoire important sur le taux de marge : en 2000, une hausse (baisse) de un point du taux de chômage élève (abaisse) transitoirement, un trimestre plus tard, le taux de marge d’environ 0,3 point ;
- les variations du pouvoir d’achat du SMIC, par leur effet direct et indirect (via leur report sur l’échelle salariale) influencent également la dynamique de court terme du taux de marge de façon assez sensible : une hausse (baisse) de 1 % du pouvoir d’achat du SMIC abaisse (élève) transitoirement le taux de marge d’environ 0,04 point ;
- sur la période 1992-2000, le niveau effectif des taux de marge apparaît supérieur à sa valeur simulée pour les indicateurs SNF-EI1, SNF-EI2 et SNF-EI4, alors qu’il la rejoint pour les indicateurs SNF-EI3 et SNF (cf. annexe 2 de BCS, 2003). Ce résultat suggère que la correction de la non-salarisation effectuée dans la construction des trois premiers indicateurs serait trop forte au moins sur cette période : l’équivalent salarial des non-salariés serait inférieur au coût salarial moyen des salariés des SNF-EI. La correction est plus faible pour l’indicateur SNF-EI3 (cf. encadré et annexe 1 de BCS, 2003), qui suppose que l’équivalent salarial des non-salariés est le coût salarial moyen des salariés des EI, sensiblement inférieur au coût salarial moyen des salariés des SNF. En l’absence de non-salariés, cette correction n’est pas faite pour l’indicateur SNF.
Analyse empirique pour quelques grands pays industrialisés
38La comparaison porte sur la France, l’Allemagne, les États-Unis, le Japon et le Royaume-Uni. Comme précédemment, l’indicateur de taux de marge construit sur chacun de ces pays est au coût des facteurs. En revanche, il se rapporte à l’ensemble du secteur privé. Les conventions de calcul de l’indicateur sont explicitées dans l’encadré et détaillées dans l’annexe 3 de BCS (2003). Pour la France, les légères différences de niveau et d’év olution du taux de marge avec ceux précédemment commentés tiennent à deux causes : (i) une différence de champ (ici le secteur privé, auparavant les SNF ou SNF-EI), (ii) un traitement homogène entre les différents pays qui est moins approfondi pour la France. Pour l’Allemagne, deux séries sont construites à partir de 1990, selon que l’on considère ou non l’évolution du passif de la Treuhandanstalt [19] comme une subvention aux entreprises. Ces deux séries sont identiques à partir de 1995.
39Compte tenu de différences de niveau et d’évolution du poids des non-salariés (cf. tableau 4), la correction de la non-salarisation a un impact très différent sur le calcul du taux de marge selon les pays. Pour le Japon, la correction de la non-salarisation a beaucoup plus d’impact que dans les autres pays. À l’inverse, cette correction a un faible impact sur le niveau et un impact négligeable sur l’évolution du taux de marge pour les États-Unis. Dans le cas du Royaume-Uni, l’impact de cette correction sur l’évolution du taux de marge est de sens inverse à celui des autres pays en raison d’une augmentation de l’importance relative des non-salariés.
importance relative des effectifs non-salariés par rapport aux effectifs salariés (en %).
importance relative des effectifs non-salariés par rapport aux effectifs salariés (en %).
40On commence par rappeler les évolutions du taux de marge sur les cinq pays ici considérés (première section) pour présenter ensuite les principaux résultats des estimations de ses déterminants à moyen-long terme (deuxième section) et la lecture qu’ils permettent des évolutions longues de ce taux dans chaque pays (troisième section), avant d’aborder enfin la question des déterminants de la dynamique de court terme du taux de marge (quatrième section).
Rappel descriptif [20]
41Les principaux enseignements de cette comparaison sont également bien connus [21] (cf. graphique 2) :
- les évolutions longues du taux de marge connaissent des séquences assez semblables en France, en Allemagne et au Japon : baisse assez marquée au moment des chocs pétroliers suivie d’un rétablissement progressif jusqu’à la fin des années 1980 et d’une relative stabilité ensuite ;
- les chocs pétroliers ne semblent en revanche pas avoir eu d’effet prolongé aux États-Unis et au Royaume-Uni ;
- l’observation des taux de marge sur les années récentes amène à distinguer deux groupes de pays : les États-Unis, la France et l’Allemagne, où le taux de marge serait relativement élevé, et le Royaume-Uni et le Japon où il serait plus faible. Signalons que la comparaison des niveaux du taux de marge en fin de période avec celui d’avant le premier choc pétrolier est sensible à la convention comptable retenue pour corriger le calcul de la non-salarisation
- tout particulièrement dans les pays ou l’importance relative des non-salariés s’est fortement modifiée).
42 On verra d’ailleurs plus loin qu’en France, l’indicateur corrigé de la d érive de la non-salarisation aboutit à un taux de marge stable depuis la fin des années 1980 et dont le niveau récent n’est pas différent de celui de l’avant-premier choc pétrolier.
43Rappelons par ailleurs que la plus grande flexibilité du taux de marge observée au Royaume-Uni au moment des chocs pétroliers est en partie trompeuse : hors secteur énergétique, le taux de marge des entreprises connaît dans ce pays une évolution assez proche de celle observée en France. Aux États-Unis en revanche, le taux de marge hors secteur énergétique semble peu affecté par les chocs pétroliers [22]. Les chocs pétroliers (surtout le second) s’y sont donc en partie traduits par des transferts des entreprises hors secteur énergie vers les entreprises du secteur énergétique, l’impact global étant atténué. Cet effet de transfert serait beaucoup plus réduit aux États-Unis.
taux de marge des entreprises du secteur privé (y compris EI); aux coûts des facteurs, corrigé de la non-salarisation (en %)
taux de marge des entreprises du secteur privé (y compris EI); aux coûts des facteurs, corrigé de la non-salarisation (en %)
Les déterminants de moyen-long terme du taux de marge
44L’analyse économétrique est réalisée sur données annuelles et sur la période 1970-2000. Concernant le Japon, pour des raisons de disponibilité des données, l’analyse économétrique est réduite à la période 1978-2000. Compte tenu de la faible taille des échantillons à notre disposition (31 observations, 23 pour le Japon), les conclusions des tests standard de stationnarité et de cointégration sont moins robustes que celles obtenues avec des échantillons plus importants comme ceux précédemment mis en œuvre sur la France. Le détail de ces tests et des estimations est fourni en Annexe 4 de BCS (2003).
45L’ordre d’intégration de l’indicateur de taux de marge est unitaire pour la France, l’Allemagne [23] et le Japon. Il est égal à zéro pour les États-Unis et le Royaume-Uni, le taux de marge étant stationnaire en niveau pour le Royaume-Uni et autour d’une tendance déterministe (de pente assez faible) aux États-Unis. On retrouve ici l’opposition proposée par Blanchard (1997) entre les pays anglo-saxons et les pays du continent européen. Dans les premiers, les fluctuations du taux de marge seraient d’une ampleur réduite car les chocs y auraient été eux-mêmes d’une ampleur relativement réduite (cf. supra) et que certaines flexibilités (salariales par exemple) y seraient plus grandes. Dans les seconds, les fluctuations du taux de marge seraient d’une ampleur et d’une étendue importante pour les raisons inverses.
46Concernant l’amplitude des chocs, il convient de rappeler que le second choc pétrolier a également été un choc dollar pour les autres pays que les États-Unis [24]. De plus, aux États-Unis et surtout au Royaume-Uni, en raison de la stationnarité du taux de marge, les estimations économétriques réalisées ne reposent pas sur un modèle à correction d’erreur mais sur une relation exprimant la différence première du logarithme du taux de marge en fonction de variables stationnaires. En revanche, pour la France, l’Allemagne et le Japon, le taux de marge est modélisé à partir d’un modèle à correction d’erreurs estimé en deux étapes.
47Pour la France, l’Allemagne et le Japon, les tests réalisés sur les résultats d’estimations rejettent toujours l’hypothèse d’une relation cointégrée. Néanmoins, parce qu’un tel résultat pourrait s’expliquer par la dimension réduite des échantillons mobilisés, qu’il semble fréquent sur données annuelles (Prigent, 1999), et qu’une relation de cointégration a été mise en évidence dans le cas de la France sur données trimestrielles [25], on a supposé l’existence d’une relation cointégrée. Les coefficients résultant de l’estimation de la relation (3) de long terme sont résumés dans le tableau 5.
48Les coefficients ont tous le signe attendu, correspondant à une influence sur le taux de marge positive pour le coût réel du capital (taux d’intérêt réel « TIRL »), les tensions sur le marché des biens (taux d’utilisation des capacités de production « tu »), et négative pour le prix relatif de l’énergie (« pre ») et l’importance des effectifs non-salariés (rapport entre effectifs non-salariés et effectifs salariés « ns – n »).
49Compte tenu des écarts de niveau du taux de marge dans les différents pays et à l’exception du prix relatif de l’énergie, ces résultats d’estimation conduisent à des effets relativement proches d’une même modification des différents déterminants du taux de marge d’équilibre pour l’année 2000 (tableau 6). Cela signifierait que les inerties dans les ajustements à l’un de ces chocs, si elles peuvent avoir des origines diverses dans ces trois différents pays, y ont finalement un impact semblable sur le niveau du taux de marge à moyen terme. Les variations du prix relatif de l’énergie auraient un impact plus importants sur le taux de marge en France qu’en Allemagne et au Japon. Concernant la variable « ns – n » caractérisant l’importance relative des effectifs non-salariés, l’impact sur le taux de marge traduit que l’hypothèse retenue pour effectuer la correction de la non-salarisation est sans doute trop forte (à supposer que le taux de marge d’équilibre soit le même dans les SNF et les EI) : le coefficient négatif de cette variable indique que l’équivalent salarial des non-salariés serait inférieur au coût salarial moyen des salariés. On constate également que, pour la France, ces résultats sont (hors la variable « ns – n » absente des estimations précédemment réalisées) très proches de ceux obtenus précédemment sur des données plus détaillées.
résultats d’estimation de la relation (3) de long terme sur l’ensemble du secteur privé
résultats d’estimation de la relation (3) de long terme sur l’ensemble du secteur privé
50Au regard de ces résultats, il semble possible de tirer les enseignements suivants :
- le taux de marge des entreprises du secteur marchand serait stationnaire en niveau au Royaume-Uni et autour d’un trend déterministe aux Etats-Unis. Les chocs de taux d’intérêt réel, prix de l’énergie, et les tensions sur l’outil de production n’auraient pas d’impact durable sur le taux de marge, ce qui pourrait témoigner également de fortes flexibilités sur les marchés des biens et du travail [26];
- en France, en Allemagne et au Japon, les chocs de taux d’intérêt réel et de prix de l’énergie ainsi que le niveau des tensions sur l’appareil productif ont un impact sur le niveau du taux de marge d’équilibre ;
- enfin, dans les mêmes trois pays, l’impact de l’évolution de la non-salarisation sur le taux de marge influence significativement les évolutions du taux de marge. A cet égard, il est montré dans l’annexe 4 de BCS (2003) qu’en France, le taux de marge corrigé de la dérive de l’importance relative des non-salariés [27] est stable depuis la fin de la décennie 1980 à un niveau identique à celui d’avant le premier choc pétrolier. Ce résultat confirme que le constat d’un taux de marge apparent croissant sur la décennie 1990 et atteignant récemment un niveau supérieur à celui d’avant le premier choc pétrolier peut être un effet de la convention comptable sans doute excessive consistant à attribuer aux non-salariés un coût salarial fictif égal au coût salarial moyen des salariés.
Lecture des évolutions de moyen terme du taux de marge
51Les résultats des estimations de la relation (3) de long terme aboutissent à la décomposition présentée dans le tableau 7 des grandes phases d’évolution du taux de marge dans les différents pays. La décomposition n’est pas proposée pour les États-Unis et le Royaume-Uni, car le taux de marge y est stationnaire, ce qui a exclu l’estimation d’une relation de long terme. Rappelons également que, pour le Japon, la décomposition proposée dans le tableau 7 ne concerne que la période 1978-2000.
52Dans les trois pays (France, Allemagne et Japon), le niveau du taux de marge d’équilibre plus élevé en fin de période (2000) qu’au début (1970 ou 1978 pour le Japon) s’explique par la baisse de l’importance relative des effectifs de non-salariés (cf. tableau 4). Cet effet pris en compte, l’écart de niveau du taux de marge entre le début et la fin de la période est négatif (ce qui signifie que le taux de marge d’équilibre a baissé sur l’ensemble de la période). L’écart est cependant faible, particulièrement pour la France (moins de 1 point).
53Les évolutions du prix relatif de l’énergie apportent les plus fortes contributions aux fluctuations du taux de marge d’équilibre de moyen terme. Les chocs pétroliers de la décennie 1970 ont eu, du fait de rigidités sur le marché du travail, des effets à la baisse sur ce taux de marge particulièrement importants en France et plus réduits en Allemagne. Au Japon, le second choc pétrolier a également eu un impact important. Durant la décennie 1980, le contre-choc pétrolier a contrebalancé en partie (les 2/3) pour la France et totalement pour l’Allemagne l’impact sur le taux de marge des chocs des années 1970. Pour le Japon, la compensation du seul second choc n’a été que partielle du fait d’une inflation nationale plus basse. Enfin, sur la décennie 1990, les évolutions du prix de l’énergie n’ont eu qu’un impact négligeable sur le taux de marge d’équilibre en France et en Allemagne, leur impact étant négatif au Japon en raison d’une faible inflation.
54Les évolutions du coût du capital ont un impact sur le taux de marge d’équilibre sensiblement plus faible que celles du prix relatif de l’énergie. Pour les trois pays considérés, cet impact (du même sens que l’évolution du taux d’intérêt réel) est à la baisse au début des années 1970, à la hausse ensuite jusqu’à la fin des années 1980 et à la baisse enfin sur la décennie 1990. En outre, parce qu’elles sont de moindre ampleur, les variations du taux d’intérêt réel ont un impact sur le taux de marge sensiblement plus réduit en Allemagne qu’en France.
modification (en points) à moyen terme du taux de marge induite par une variation (en 2000) de chacun des différents déterminants du taux de marge
modification (en points) à moyen terme du taux de marge induite par une variation (en 2000) de chacun des différents déterminants du taux de marge
décomposition des grandes phases d’évolution à moyen terme du taux de marge des entreprises du secteur privé des différents pays étudiés (en points)
décomposition des grandes phases d’évolution à moyen terme du taux de marge des entreprises du secteur privé des différents pays étudiés (en points)
55Enfin (à l’exception de la sous-période 1978-1981 au Japon), l’impact sur le taux de marge des variations du taux d’utilisation des capacités de production est de même signe que celui des variations du prix relatif de l’énergie.
56Il ressort finalement de ces résultat que :
- la sous-période 1973-1981 se caractérise, tant en France qu’en Allemagne, par une baisse du taux de marge liée à l’augmentation du prix relatif de l’énergie et de moindres tensions sur l’outil de production, faiblement contrebalancées par la hausse du coût réel du capital ;
- sur la sous-période 1981-1989, dans les trois pays, la hausse du taux de marge s’explique à la fois par la hausse du coût réel du capital, la baisse du prix relatif de l’énergie (contre-choc pétrolier) et la hausse des tensions sur l’outil de production (ces deux derniers facteurs explicatifs étant d’ampleur moindre) ;
- sur la sous-période 1989-2000, dans les trois pays à nouveau, la baisse du coût réel du capital, la hausse du prix relatif de l’énergie ainsi que la baisse des tensions sur l’outil de production contribuent à la baisse du taux de marge ;
- pour la France, l’opposition importante sur la dernière sous-période (1990-2000) entre l’évolution (négative) de la cible du taux de marge et l’évolution (positive) du taux de marge observé est liée à un écart inverse important sur les deux années extrêmes de la sous-période : le taux de marge est sensiblement inférieur à sa cible en 1989 et supérieur en 2000 (cf. annexe 4 de BCS, 2003). On retrouve ici un résultat obtenu précédemment sur les données françaises plus détaillées.
Les déterminants de la dynamique de court terme du taux de marge
57La relation de court terme estimée pour chaque pays est une forme simplifiée (selon la significativité des coefficients) de la relation (4). Pour la France, l’Allemagne et le Japon, la relation de court terme correspond à un modèle à correction d’erreur dans lequel la cible découle de l’estimation de la relation (3). Pour les États-Unis et le Royaume-Uni, où le taux de marge est stationnaire, la relation estimée explique la croissance du taux de marge en fonction de variables stationnaires. Compte tenu du caractère stationnaire du taux de marge pour les États-Unis et le Royaume-Uni, nous avons modélisé pour chacun des ces deux pays le niveau du taux de marge en fonction de ses retards et de déterminants stationnaires (en niveau et en différence). Nous sommes pour cela parti d’un modèle autorégressif à retards échelonnés. Le coefficient estimé associé au premier retard du taux de marge est ressorti très proche de 1 de sorte que la spécification adoptée a consisté en définitive à modéliser la différence première du taux de marge. Les résultats des estimations de la relation de court terme sont fournis dans le tableau 8.
58Bien que les coefficients des variables explicatives retenues aient le signe attendu, ces résultats doivent être considérés avec précaution. Pour les trois pays sur lesquels la dynamique de court terme correspond à un modèle à correction d’erreur, le délai d’ajustement moyen à la cible de moyen terme du taux de marge est très différent : court au Japon (environ 1,5 an), assez long en Allemagne (environ 3 ans) et très long en France (environ 4,5 ans, contre 1,5 à 2,5 ans sur données trimestrielles) [28].
59Les enseignements des estimations dynamiques semblent être les suivants :
- les variations du coût réel du capital ne semblent pas avoir d’impact sur la dynamique de court terme du taux de marge quel que soit le pays considéré ;
- la dynamique de court terme du taux de marge présente des caractéristiques proches en France et en Allemagne : les variations des prix de l’énergie et du taux d’utilisation des capacités n’ont un impact significatif à court terme que pour ces deux pays; la croissance de la productivité ne semble pas y influencer les fluctuations de court terme du taux de marge. En outre, bien que les coefficients obtenus pour les variables communes diffèrent, ils sont statistiquement proches (comme en témoignent les écarts types associés à ces coefficients). Des différences existent néanmoins puisque l’évolution du taux de chômage influence l’évolution du taux de marge positivement en Allemagne et non en France;
- au Japon, la dynamique de court terme du taux de marge dépend des évolutions de la productivité et du taux de marge retardé ;
- aux États-Unis et au Royaume-Uni, où le taux de marge est stationnaire, les évolutions de la productivité influencent positivement celles du taux de marge. Ce facteur explicatif est d’ailleurs finalement le seul retenu pour les États-Unis. En revanche, au Royaume-Uni, l’évolution de la non-salarisation, ainsi que celles du taux de marge et du taux de chômage retardés, semblent également expliquer les fluctuations du taux de marge ;
- dans ces deux pays, l’évolution du prix relatif de l’énergie n’influence pas directement les fluctuations du taux de marge.
60Des échantillons réduits sur données annuelles étant peu adaptés pour appréhender les dynamiques de court terme, ces influences dynamiques doivent être considérées avec prudence : même si les estimations aboutissent à des ajustements relativement satisfaisants, il y a peu de raisons économiques de penser que certaines variables ont plus vocation à jouer un rôle significatif dans tel pays plutôt que tel autre. De plus, certaines variables qui avaient une influence importante dans la dynamique de court terme du taux de marge en France sur les données trimestrielles ne semblent plus significatives sur données annuelles.
résultats d’estimation de la relation (4) sur l’ensemble du secteur privé
résultats d’estimation de la relation (4) sur l’ensemble du secteur privé
Remarques conclusives
61Dans une approche où les facteurs sont substituables, le capital mobile et le coût du capital exogène, le niveau d’équilibre du taux de marge dépend du coût réel du capital. Compte tenu de fortes inerties d’ajustement du volume des facteurs et du salaire, le long terme économétrique estimé sur des données empiriques s’étendant sur quelques décennies seulement correspond davantage à un moyen terme économique dans lequel le niveau du taux de marge est également influencé par les chocs de termes de l’échange (principalement les évolutions du prix de l’énergie) et par les déséquilibres « keynésiens » sur les marchés des biens et du travail. C’est dans cette perspective qu’ont été engagés les travaux réalisés dans cette étude. Les principaux enseignements qui en ressortent sont les suivants :
- dans les cinq pays ici étudiés, mais surtout pour la France, l’Allemagne et le Japon, la mesure du taux de marge des entreprises est sensible aux diverses conventions statistiques retenues, en particulier à la correction de la non-salarisation. Cet aspect statistique pris en compte, le taux de marge des entreprises françaises apparaît stabilisé depuis la fin des années 1980 à un niveau équivalent à celui d’avant le premier choc pétrolier ;
- quelle que soit la périodicité des données, le niveau du taux de marge des entreprises françaises semble fortement déterminé, à moyen terme, par le prix réel de l’énergie, le coût du capital et, dans une moindre mesure, les tensions sur l’outil de production. Sur la sous-période 1970-1973 précédant les deux chocs pétroliers, la relative stabilité du taux de marge s’explique par le fait que l’impact à la hausse de l’augmentation du coût réel du capital et de plus fortes tensions sur l’outil de production est contrebalancé par l’impact à la baisse de l’augmentation du prix réel de l’énergie. La relative stabilité du taux de marge sur la sous-période 1990-2000 s’explique par les impacts de sens inverse des évolutions de chacun de ces trois déterminants. La baisse marquée du taux de marge sur la sous-période 1974-1981 des deux chocs pétroliers s’explique par l’impact à la baisse de l’augmentation du prix réel de l’énergie et, à un moindre titre, par de plus faibles tensions sur l’outil de production, ces influences étant faiblement contrebalancées par l’impact à la hausse du coût réel du capital. Sur la sous-période 1982-1989 suivant les deux chocs pétroliers, la forte hausse du taux de marge équivalente à la baisse de la sous-période précédente s’explique par l’impact conjoint de la baisse du prix de l’énergie, de la hausse du coût réel du capital et de l’augmentation des tensions sur l’outil de production ;
- le niveau du taux de marge des entreprises allemandes et japonaises semble pouvoir s’expliquer, à moyen terme, par les mêmes déterminants que pour les entreprises françaises ;
- aux États-Unis et au Royaume-Uni, le taux de marge semble stationnaire, ce qui peut s’expliquer à la fois par des chocs moins importants, en particulier concernant le prix relatif de l’énergie, et sans doute par de plus fortes flexibilités surle marchédu travail; – la dynamique de court terme du taux de marge des entreprises françaises semble transitoirement déterminée, outre par les variations des déterminants de moyen terme et la correction de l’écart à la cible de moyen terme, positivement par les évolutions de la productivité du travail et du taux de chômage, et négativement par les évolutions du pouvoir d’achat du SMIC et du coin social. Ces résultats confirment l’idée intuitive que le taux de chômage influence significativement (et négativement) le pouvoir de négociation salariale des salariés et que les contributions au financement de la protection sociale ne sont pas spontanément et totalement considérées comme des formes de revenu différé.
Annexe : résultats détaillés des estimations économétriques
62Estimations sur données trimestrielles françaises
63Pour chaque indicateur, les coefficients de long terme sont très significatifs (la probabilité marginale pour l’hypothèse d’omission de la variable est inférieure à 5 %), confirmant ainsi leur rôle prépondérant dans la répartition de la valeur ajoutée. Plus précisément, pour les différents indicateurs, les résultats sont les suivants :
- SNF-EI1 : selon le test ADF, l’hypothèse de cointégration est acceptée au seuil de 5 % puisque la statistique de test est inférieure à la valeur critique qui est égale à - 4,22 (table de Engle et Yoo, 1987). En revanche, au moyen du test KPSS-Shin, la cointégration est acceptée au seuil de 5 % étant donné que la statistique est inférieure à la valeur critique 0,159 (3 régresseurs dans la régression de test) [29];
- SNF-EI2 : pour un test de type Dickey-Fuller, l’hypothèse de cointégration est acceptée au seuil de 5% pour 1 seul retard et à 10 % pour 3 retards puisque la statistique de test est inférieure à la valeur critique à 10 % de Engle et Yoo (1987) égale à -3,89. La cointégration est acceptée au seuil de 5 % pour le test KPSS-Shin ;
- SNF-EI3 : quelque soit le retard p et pour les deux tests de stationnarité des résidus, l’hypothèse de cointégration est acceptée au seuil de 5 % ;
- SNF-EI4 : l’hypothèse de cointégration est acceptée pour un seuil de 10% puisque la statistique de test ADF est inférieure à la valeur critique de Engle et Yoo (1987) égale à -3,89. L’hypothèse nulle de stationnarité des résidus est acceptée au seuil de 5 % pour le test KPSS-Shin ;
- SNF : l’hypothèse de cointégration est acceptée pour un seuil de 10 % puisque la statistique de test ADF est inférieure à la valeur critique de Engle et Yoo (1987) égale à -3,89. L’hypothèse nulle de stationnarité des résidus est acceptée au seuil de 5 % (pour tout retard p) pour le test KPSS-Shin.
estimations Stock-Watson alternatives d’équations de long terme sur les données trimestrielles françaises
estimations Stock-Watson alternatives d’équations de long terme sur les données trimestrielles françaises
64Les tests de stationnarité pour le taux de chômage, le coin social et le SMIC horaire réel, nous ont amené à conclure à l’intégration d’ordre 1 de chacune des 3 variables insérées dans la cible de long terme. Sans perte de généralité, les estimations alternatives de relation de long terme sont uniquement présentées pour un seul indicateur et ne constituent pas l’ensemble des essais effectués. Ceux-ci, ainsi que l’ensemble des résultats pour les autres indicateurs ne sont pas exposés mais ils sont, cependant, disponibles auprès des auteurs sur demande.
estimation du modèle à correction d’erreur sur les données trimestrielles françaises
estimation du modèle à correction d’erreur sur les données trimestrielles françaises
tests de mauvaises spécifications des ajustements dynamiques p-value des tests
tests de mauvaises spécifications des ajustements dynamiques p-value des tests
65Estimations sur données annuelles internationales
66Compte tenu des considérations développées dans le corps du texte, afin de spécifier une relation de long terme pertinente pour chacun des pays dans lesquels le taux de marge n’est pas stationnaire (c’est-à-dire pour la France, l’Allemagne et le Japon), nous avons retenu le coût réel du capital, le prix relatif de l’énergie, le taux d’utilisation des capacités, ainsi qu’un terme correctif de la non-salarisation, comme variables explicatives du taux de marge (cf. relation (3) dans le texte). À l’inverse de l’estimation réalisée sur les données trimestrielles françaises, en raison du nombre réduit d’observations, nous n’avons pas pu réaliser une estimation de l’équation statique pour chaque pays qui soit prémunie contre la présence potentielle d’un biais de simultanéité et d’autocorrélation des erreurs fréquemment rencontrés en petit échantillon. Nous avons été conduit à rejeter systématiquement l’hypothèse de cointégration au moyen de tests de stationnarité sur les résidus de long terme (statistique AEG, tableau A.3). Ces résultats étant relativement communs sur données annuelles comportant un nombre d’observations limité (Cotis et Rignols, 1998 ; Prigent, 1999), on a supposé que la cointégration était vérifiée pour ces trois pays mais que la taille d’échantillon était trop faible pour pouvoir appréhender correctement les co-mouvements entre les variables. Notons qu’en échantillon de taille réduite, les tests AEG sont relativement peu puissants et nous amènent à rejeter à tort l’hypothèse de cointégration.
résultats d’estimation de la relation (3) de long terme sur l’ensemble du secteur privé des différents pays considérés, données annuelles
résultats d’estimation de la relation (3) de long terme sur l’ensemble du secteur privé des différents pays considérés, données annuelles
67Puisque les taux de marge des États-Unis et du Royaume-Uni sont stationnaires, afin d’établir un diagnostic des évolutions des profits bruts dans ces deux pays, nous avons modélisé pour chacun des deux pays le niveau du taux de marge en fonction de ses retards et de déterminants stationnaires (en niveau et en différence). Le modèle de départ a consisté en une modélisation autorégressive (retards sur le taux de marge) à retards échelonnés (déterminants et leurs retards). Étant donné que le coefficient estimé attaché au premier retard du taux de marge était très proche de 1, nous avons décidé par la suite de modéliser la différence première du taux de marge.
résultats d’estimation de la relation (3) de long terme sur l’ensemble du secteur privé des différents pays considérés, données annuelles
résultats d’estimation de la relation (3) de long terme sur l’ensemble du secteur privé des différents pays considérés, données annuelles
Bibliographie
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Mots-clés éditeurs : moyen terme économique, taux de marge, partage de la valeur ajoutée
Date de mise en ligne : 01/08/2007.
https://doi.org/10.3917/ecop.158.0001Notes
- (*)Banque de France, Université de la Méditerranée, GREQUAM. E-mail : mmustapha. baghli@ banque-france. fr
- (**)Banque de France et Université de la Méditerranée, (CEDERS). E-mail : ggilbert. cette@ banque-france. fr E-mail : aarnaud. sylvain@ banque-france. fr
- (1)L’approche aux coûts des facteurs retenue écarte la question des effets sur l’inflation de la fiscalité indirecte.
- (2)À court-moyen terme, la modification des termes de l’échange influence indirectement les tensions inflationnistes internes, via l’indexation des salaires sur les prix de consommation. Cet impact inflationniste peut en partie être transitoirement amorti par des fluctuations du taux de marge, comme on le verra plus loin.
- (3)La difficulté liée à la prise en compte de la non-salarisation n’est pas la seule rencontrée dans la mesure des taux de marge. Pour plus de détails sur les difficultés rencontrées sur données américaines, voir par exemple Krueger (1999).
- (4)L’analyse théorique des déterminants du taux de marge dans le cas d’une fonction de production à deux facteurs est développée par Cotis et Rignols (1998, annexe 1) à laquelle nous renvoyons pour plus de détails.
- (5)D’autres variables, parfois présentes dans certaines modélisations, sont susceptibles d’influencer le taux de marge d’équilibre et ne seront pas évoquées ici. Il peut s’agir de variables fiscales sur les profits des entreprises qui introduisent un écart entre le taux de marge d’équilibre et la rentabilité du capital nette de ces prélèvements qui est exogène (voir par exemple Laffargue, 1999, ou Cahuc et Zylberberg, 1996).
- (6)Cf. par exemple Blanchard (1997) : « … technology is putty-clay. Thus, in response to the adverse labor supply shifts in 1970s, firms have taken a long time to shift to technologies that use relatively less labor and relatively more capital, to decrease their labor-capital ratio. […] In a world in which production was strictly putty-clay, only the newly installed capital stock, thus roughly 10 % of the total capital stock each year, would embody the new desired factor proportions. This would imply a mean lag of adjustment of 4,5 years ».
- (7)Cotis et Rignols (1998) insistent longuement sur cet aspect. Par exemple : « L’économie française s’est rarement trouvée dans une situation d’équilibre au cours de 30 dernières années. Le long terme du théoricien ne rejoint donc pas complètement, à cet horizon, le long terme de l’économètre ». Blanchard (1997) également : « I look for evidence of lags in the response of labor-capital ratios to real wages. I find evidence of long lags ».
- (8)Chacune de ces deux variables (ou son écart au niveau d’équilibre de long terme) ne peut influencer le niveau de moyen-long terme des taux de marge que si elle est non-stationnaire. Si elle est stationnaire, son influence se limite alors à la dynamique de court terme des taux de marge.
- (9)Cette modélisation n’est cependant pas nécessairement structurelle et peut être réduite via par exemple des modèles de Time-Varying NAIRU (cf. Gordon, 1997).
- (10)Les variables salaire minimum et prélèvement social sont ici retenues sans référence explicite à un modèle théorique où la main-d’œuvre serait hétérogène et sans avoir à supposer que les variables de coin social interviennent dans la maximisation du profit.
- (11)Pour simplifier, nous omettons le terme aléatoire dans la présentation des relations.
- (12)Concernant les tensions sur le marché des biens, la variable appropriée serait également l’écart entre les niveaux observé et d’équilibre du taux d’utilisation des capacités de production. Pour autant, l’hypothèse implicitement faite d’une stabilité de ce niveau d’équilibre est sans doute beaucoup moins forte que pour le taux de chômage.
- (13)Parmi les pays retenus dans la comparaison, l’influence de la correction est particulièrement forte au Japon mais aussi en Europe continentale, avec d’ailleurs un saut en Allemagne au moment de la réunification. Au Royaume-Uni, elle joue par ailleurs dans un sens opposé à celui des autres pays, le nombre et la proportion des non-salariés y augmentant continûment depuis la fin des années 1970 (voir tableau 4).
- (14)Cette variable d’importance relative des effectifs non-salariés n’a pas été introduite dans l’analyse plus détaillée sur la France parce que l’influence de la correction de la non-salarisation est déjà en partie appréhendée par différents indicateurs relevant de diverses conventions de correction.
- (15)On reprend ici quelques développements de Cette et Sylvain (2001).
- (16)Cf. par exemple Cette et Mahfouz (1996), Cette (1997), Prigent (1999) et plus récemment, concernant les seules SNF, Doisy et alii (2001).
- (17)L’opposition importante sur la dernière sous-période (1990-2000) entre l’évolution (négative) de la cible du taux de marge et l’évolution (positive) du taux de marge observé est liée à un écart inverse important sur les deux années extrêmes de la sous-période : le taux de marge est sensiblement inférieur à la cible en 1989 tandis qu’il lui est supérieur en 2000, ces écarts étant assez ponctuels (cf. annexe 2 de BCS, 2003).
- (18)On rappelle qu’il s’agit d’un délai d’ajustement à une cible reflétant un équilibre de long terme statistique et non à un équilibre de long terme théorique.
- (19)Supposer que l’évolution du passif de Treuhandanstalt est une subvention aux entreprises revient à faire l’hypothèse réaliste que cet établissement financier, dont le passif à été consolidé avec celui de l’État allemand en 1995, a servi à financer à partir de la réunification allemande et jusqu’en 1995 l’écart entre la valeur de marché et le contenu en coûts des facteurs de la valeur ajoutée des entreprises des landers de l’Est. Signalons que cette correction peut minorer les transferts effectifs de la Treuhandanstalt vers les entreprises, compte tenu par exemple des cessions d’actifs réalisées par cet organisme sur la période.
- (20)On reprend ici quelques développements de Cette et Sylvain (2001).
- (21)Cf. par exemple Sylvain (1997) et (1998) ou Blanchard (1997). Par ailleurs, ces évolutions sont cohérentes avec celles des parts des salaires dans la valeur ajoutée des entreprises aux États-Unis et de l’ensemble de la zone Euro proposée dans European Commission (2000).
- (22)Sur ces aspects, voir l’encadré 4 « Taux de marge et chocs pétroliers » de Sylvain (2001).
- (23)Pour l’Allemagne, la série de taux de marge retenue pour ces estimations est celle dans laquelle il est considéré que l’évolution du passif de la Treuhandanstalt est une subvention aux entreprises, c’est-à-dire la courbe supérieure pour ce pays dans le Graphique 2. Rappelons que ce choix conventionnel impacte significativement le taux de marge, mais sur la seule période 1990-1994 (cf. graphique 2).
- (24)Sur la période 1979-1982, le prix relatif de l’énergie a ainsi été multiplié par 1,19 aux États-Unis, contre 1,27 en France, 1,23 en Allemagne et 1,33 au Japon.
- (25)Prigent (1999) aboutit pour les mêmes raisons à l’absence de relation cointégrée sur données annuelles.
- (26)Notons qu’ici, la flexibilité évoquée signifie qu’en cas de hausse des tensions sur l’outil de production (le raisonnement étant symétrique à la baisse), les entreprises n’élèvent pas durablement leur mark-up. Cela suppose un environnement concurrentiel important (via par exemple la possibilité de nouveaux entrants, c’est-à-dire de nouveaux producteurs, sur le marché), ou qu’une hausse des coûts salariaux réduit la possibilité d’une hausse durable du mark-up.
- (27)Ce taux de marge corrigé « tmcfc » est calculé en appliquant la relation : tmcfc tmcf ns n= ? ?? ? 4 4 ( ),, étant paramétré avec le résultat de l’estimation de la relation (3).
- (28)Les erreurs de mesure des indicateurs de taux de marge ont pour effet ici de biaiser les estimations dans le sens d’un allongement des délais d’ajustement à la cible.
- (29)Les valeurs critiques de la statistique KPSS qui infèrent l’hypothèse nulle de stationnarité sont différentes de celles utilisées pour tester la stationnarité d’une série non issue d’une régression. Elles sont fournies par Shin (1994) et dépendent du nombre de régresseurs dans la régression de test.