Notes
-
[1]
Ministério da agricultura/codevasf, Ministério do Interior/Sudene, Piano Diretor para o desenvolvimento do Vale do São Francisco (1989-2000)-Ftelatório Final, PLANVASF, Brasilia, 1989.
-
[2]
Evandro Bezerra, A barragem do Castanhão e a transposição do rio São Francisco, Imprensa Universitária da Universidade Federai do Ceará, Fortaleza, 1996 ; Evandro Bezerra, A terra e a irrigação no Nordeste, Imprensa Universitária da Universidade Federal do Ceará, Fortaleza, 1996 ; Christian Guy Caubet, O Velho Chico e a lei. Estudo sobre os parâmetros jurídicos aplicáveis aos recursos hídricos, com ênfase no seu uso racional e ecológico, CodevaSF/FAO, Projeto TCP/BRA/2257, Brasilia, octobre 1994, (dactylographié).
-
[3]
Ministério da agricultura/codevasf, Ministério do Interior/Sudene, op. cit.
-
[4]
La production a été de 600 000 tonnes en 1990 et a atteint 3,3 millions de tonnes en 2000. Lídice Oliveira, « Verbas para hidrovia do São Francisco », Gazeta Mercantil, São Paulo, 25 août 2000, p. 6.
-
[5]
Ministério do planejamento/Secretaria Especial de Políticas Regionais & Ministério da ciênca e tecnologia/lnstituto Nacional de Pesquisas Espaciais, Projeto de transposição de águas do rio São Francisco para o Nordeste setentrional. Estudos de inserção regional. Relatório de formulação do modelo de gestão institucional para o Projeto de Transposição, Ministério do planejamento, Brasília, mai 2000, p. 13.
-
[6]
José Theodomiro de Araujo et Manoel do Bonfim Dias Ribeiro, Apreciação crítica sobre o documento « Projeto de transposição do rio São Francisco » elaborado pela Secretaria Especial de Políticas Regionais, Brasília & Salvador, 15 mai 1995.
-
[7]
Ministério do planejamento et al., op. cit., p. 15.
-
[8]
Ibid.
-
[9]
Dnocs, O Dnocs e o aproveitamento das águas subterrâneas do Nordeste, Dnocs, 1983, p. 3.
-
[10]
Interior, janvier-février 1983.
-
[11]
Ministério do Meio Ambiente, O Comitê da Bacia Hidrográfica do Rio São Francisco, Instituto Manoel Novaes, Salvador, décembre 2002 ; Ministério da Integração Nacional, Projeto São Francisco. Reiatório Síntese, Secretaria de Infraestrutura Hídrica, Brasília, Janvier 2000 ; Ministério da Integração Nacional, Secretaria de Infraestrutura Hídrica & Fundação de Ciência e Tecnologia Espaciais, Projeto de transposição de águas do rio São Francisco para o Nordeste Setentrional. Reiatório : A experiência envolvendo transposição de bacias, Engecorps/Harza, São Paulo, 1999.
-
[12]
Ministério do planejamento et ai., op. cit., p. 88.
-
[13]
Ibid.
-
[14]
Ibid., p. 89.
-
[15]
Ibid., p. 92.
1Les ressources en eau de l’immense bassin du fleuve São Francisco, dans le Nordeste du Brésil, sont périodiquement l’enjeu de tentatives de partage et de dérivation vers des régions situées en dehors du bassin et considérées déficitaires en eau. D’un point de vue arithmétique et économique, on peut considérer que le débit moyen du fleuve, de 2 850 m3/s à son embouchure dans l’océan Atlantique, est perdu pour les populations de la région et pour celles des régions voisines. L’idée de transférer les surplus, objet de cette étude macro-analytique, est tout d’abord le résultat logique d’une analyse qui considère l’évidente situation d’abondance des eaux, au point où elles se perdent dans l’océan. Elle est aussi le résultat d’une analyse qui considère les situations d’indigence ou de misère d’une grande partie de la population du Nordeste, victime, au premier abord, d’un déficit hydrique structurel, qui devient calamité dans les années, de plus en plus fréquentes, où augmentent les effets des sécheresses récurrentes.
2Cette appréhension directe du problème est toutefois contestée par de nombreux analystes, au nom des intérêts des populations riveraines du bassin du São Francisco et de l’utilisation rationnelle de l’eau, qui fait l’objet de multiples usages dans le bassin lui-même, où elle est considérée comme une ressource rare. Tous les besoins de la population du bassin sont loin d’être satisfaits, même à de courtes distances des rives du fleuve. Par ailleurs, les arbitrages relatifs à l’usage de l’eau, dans un contexte où la nouvelle législation fédérale s’efforce d’introduire de nouveaux paramètres d’une grande utilité, ne sont pas souvent marqués par l’objectivité et l’équité, qui devraient pourtant être leurs signes distinctifs.
3Le potentiel de conflits, pour l’usage des eaux du São Francisco, est donc élevé. Le transfert des eaux est une proposition récurrente dans l’histoire du Brésil. Elle a été reprise par l’ancien président de la République, Fernando Henrique Cardoso, au moment où il était candidat à son premier mandat, en 1995. Un projet réformé s’est cependant heurté à une opposition diffuse, puis parlementaire (en l’an 2000), sur la base de carences importantes et de considérations d’ordre politique, sous-estimées par les partisans du transfert.
4Les termes du problème seront présentés à partir des caractéristiques générales du bassin et des usages de ses ressources en eau. On verra ensuite les dimensions du projet officiel de transfert et ses limites, y compris du point de vue de certaines techniques alternatives d’usage rationnel des eaux. Finalement, seront présentés quelques aspects de la question de la gestion des eaux, du point de vue juridique et institutionnel.
Le bassin hydrographique du São Francisco
Caractéristiques générales
5Le São Francisco a sa source sur le plateau de l’État du Minas Gerais, dans la Serra da Canastra, près de la ligne de partage des eaux du bassin du Rio Grande, tributaire du bassin du Paraná. Il parcourt environ 2 700 kilomètres, jusqu’à son embouchure dans l’océan Atlantique. Son bassin concerne sept des entités membres de la Fédération brésilienne : les États du Minas Gerais, de Góias, de Bahia, du Pernambouc, d’Alagoas, de Sergipe et le District Fédéral. Son aire de drainage est de 631 133 km2, ce qui correspond à environ 7,5 % du territoire national brésilien.
6Dans sa première partie, le fleuve possède un débit continu. En aval, de nombreux affluents sont intermittents, caractéristique qui devient plus évidente à mesure que le cours s’approche de la région Nordeste. Après avoir parcouru 1 200 kilomètres, le fleuve entre dans la région semi-aride, où seulement 16 des 36 affluents les plus importants ont un cours permanent. Plus de la moitié de la vallée du São Francisco se trouve à l’intérieur du polygone de la sécheresse.
7Les précipitations moyennes annuelles varient de 1 500 mm, dans les parties sud et ouest de la vallée, à 350 mm dans les États de Bahia et du Pernambouc. En général, les périodes de pluie se produisent pendant l’été et plus tard dans le Pernambouc, l’Alagoas et le Sergipe. Les températures moyennes vont de 18° C dans la partie sud (en juillet) à 25° C dans la zone la plus chaude. Ce cadre général devrait être complété par des données relatives à la population. De manière paradoxale, ces données n’ont pas été très précises, pour justifier les transferts prévus, lors des polémiques de la période 2000-2001. Peut-être s’agissait-il de ne pas trop attirer l’attention sur ceux qui se verraient privés d’une partie de l’eau du bassin dans lequel ils vivent.
8Dans tous les cas, le PLANVASF (Piano Diretorpara o Desenvolvimento do Vale do São Francisco) de 1989, se fondant sur le recensement de 1980, indiquait que la population résidente des 421 communes (aujourd’hui 505) de la vallée était de 10,14 millions d’habitants, équivalant alors à 8,5 % de la population nationale brésilienne et représentant 31,5 % de la population des sept États riverains [1]. Les déséquilibres régionaux sont importants, en raison des très grandes concentrations urbaines dans le haut bassin (région métropolitaine de Belo Horizonte) et dans l’État de Bahia. Entre ces deux extrêmes, le peuplement est assez faible.
9Le document officiel préparé en mai 2 000 informe qu’en matière de précipitations, le bassin possède une moyenne de l’ordre de 915 mm/an, une évaporation moyenne de 774 mm/an et un débit moyen à l’embouchure de 2 850 m3/s, soit l’équivalent de 6 892 m3/habitant/an, en évaluant la population du bassin à 13 millions d’habitants. Il existe une grande hétérogénéité dans les volumes d’eau disponibles. De l’abondance dans la partie supérieure où les précipitations atteignent 1 700 mm/an, on se trouve en situation de rareté en aval où le fleuve n’a que 400 mm/an et 1 000 à 1 500 mm/an pour le sud, l’ouest et le littoral atlantique. C’est donc de la partie amont que provient 75 % du débit de tout le bassin.
Les usages de l’eau du São Francisco [2]
10L’usage le plus important de l’eau, du point de vue strictement économique, est la production d’énergie hydroélectrique. La puissance installée atteint un peu plus de 10 000 mégawatts (MW) d’un total potentiel de 26 346 MW. Cette production est sous le contrôle de trois grandes entreprises publiques : la Companhia Hidroelétrica do Rio São Francisco (CHESF), la Companhia Energética de Minas Gerais (CEMIG) et la Companhia de Eletricidade da Bahia (COELBA). D’ici quelque temps, la première devrait faire l’objet de mesures de privatisation si les projets fédéraux sont effectivement réalisés. Il faut observer que les grandes déclivités du fleuve se trouvent dans son dernier tiers aval, où le secteur électrique (c’est-à-dire l’ensemble des personnes et des organismes liés à la production d’énergie électrique) gère 80 % du débit moyen, au préjudice des autres usages. On calcule que le potentiel de terres à irriguer est de 4 millions d’hectares, mais que l’eau réellement disponible ne permet d’atteindre que 700 000 hectares, dont la moitié est effectivement irriguée.
11Sur le cours principal du fleuve, il existe neuf usines hydroélectriques, dont une seule, celle de Três Marias, est située dans la partie amont. Sur le cours moyen du São Francisco se trouve le barrage de Sobradinho, construit pour régulariser les débits. Celui-ci retient 34 milliards de m3 d’eau. En aval, se trouvent sept usines, toutes à fil d’eau, qui produisent 6 000 MW.
12Tous les usages situés en aval de Sobradinho dépendent de ses modalités d’opération : le ravitaillement en eau des villes, l’irrigation concentrée et diffuse, le contexte de l’écosystème. C’est parce que l’opération de la cascade d’usines de la CHESF, en aval, dépend de cette usine, qu’est contestée la dérivation de 70 m3/s, prévue par les projets. En effet, chaque mètre cube retiré en aval de Sobradinho empêche de produire 2,4 MW dans la cascade de la CHESF. Par ailleurs, il faudra dépenser 1,6 MW pour élever chaque mètre cube à 160 mètres d’altitude. Le projet de transfert devra réduire de 280 MW la production d’énergie. Or, à l’endroit où se trouvent les barrages, la région est aussi sèche que celle à laquelle on destine l’eau.
13L’irrigation est le deuxième usage du fleuve. Le PLANVASF estimait, en 1989, que 30,3 millions d’hectares, soit 45 % de la surface totale du bassin, étaient aptes à l’agriculture [3]. Si on ajoute les ressources en eau, sur la base d’une disponibilité jusqu’à une distance de 60 kilomètres pour un dénivelé inférieur à 120 mètres, la prédisposition à l’irrigation atteindrait 8,1 millions d’hectares.
14Cette prédisposition des sols est toutefois en contraste avec la surface effectivement utilisée pour l’irrigation dans le bassin. Des données de 1994 montrent que 300 000 hectares sont effectivement irrigués, dont 73 000 par la CODEVASF (Companhia de Desenvolvimento do Vale do São Francisco). En 1990, le Nordeste n’avait que 25 % des terres irriguées du Brésil, et la vallée du São Francisco 8 %. Les projets actuels concernent 560 000 hectares, dont 75 % sont encore au stade des études.
15Les taux d’utilisation des eaux pour le ravitaillement des populations urbaines, aussi bien que pour l’assainissement, sont faibles. Si l’on suppose une consommation journalière de 100 litres/personne, l’usage de l’eau pour la population ne représenterait que 8,95 m3/s pour l’ensemble du bassin. La presque totalité des localités ravitaillées n’ont pas de réseau de collecte ni de traitement des égouts. Lorsqu’il n’y a pas de fosses septiques, les eaux utilisées sont déversées directement dans les cours d’eau, ce qui occasionne d’importantes contaminations organiques en aval des agglomérations.
16La navigation est un usage de l’eau de moins en moins important, en dépit des nouveaux besoins de transports plus économes, surtout pour acheminer les grains de l’ouest de l’État de Bahia vers le littoral [4]. De Pirapora vers l’aval, 1 312 kilomètres sont navigables, mais de nombreux segments du fleuve perdent leurs conditions de navigabilité en raison des profonds impacts environnementaux de diverses activités. La déforestation augmente la sédimentation en de nombreux endroits. Sous le poids des sédiments, les berges du fleuve s’écroulent, créant un lit de plus en plus large et de moins en moins profond. Les lagunes contiguës aux berges sont aussi détruites, ce qui nuit aux conditions de biodiversité et accroît la compétition pour l’accès aux ressources ichtyologiques. Cela induit bien évidemment des conflits entre riverains.
17La possibilité de faire circuler des péniches d’un tirant d’eau de 2,5 mètres est cependant assez incertaine. Il faudrait en effet garantir des débits minimaux de 500 m3/s à 600 m3/s en aval du barrage de Três Marias et de 1 800 m3/s à 2 000 m3/s en aval de celui de Sobradinho, ce qui aurait pour effet corrélatif de diminuer la production d’énergie. Le potentiel de conflits est sérieux, car les nouvelles structures de gestion multi-usages de l’eau, prévues par la législation fédérale, mettront du temps à entrer en fonction. Il n’est même pas certain qu’elles aient assez d’espace pour arbitrer des choix que le gouvernement fédéral souhaite se réserver. Il le démontre en effet avec les conditions de son projet de transfert, qui postule que l’eau du São Francisco peut être utilisée dans un autre bassin, pour le plus grand bénéfice de tous les intéressés ; tout ceci sans demander l’avis des habitants du bassin donneur.
Le projet fédéral
Le contexte général
18Les problèmes dus aux conditions climatiques du Nordeste sont à l’ordre du jour depuis longtemps. On cite souvent la décision de l’empereur Dom João 6 de faire envoyer trois navires de secours aux victimes de la sécheresse de 1721-1727. Mais c’est en 1856 que, pour la première fois, apparaît une série de recommandations, élaborées par la Commission scientifique d’exploration : améliorer les moyens de transport, construire trente retenues d’eau (açudes) et un canal pour relier le São Francisco au Jaguaribe. L’idée n’aura pas de suite, en raison de l’absence des moyens techniques et de l’énergie nécessaire.
19Pour en venir aux problèmes contemporains, les études qui servent de base au projet de transfert ont été élaborées à partir des années 1980. C’est aux projets du Secrétariat spécial de politiques régionales, duMinistério do Planejamento (mai 1995 et mai 2000) que sont empruntées les données et les justifications citées.
20Le projet de transfert a deux objectifs principaux : « augmenter l’offre d’eau, de manière à permettre une augmentation expressive des usages multiples (usages domestiques et industriels, irrigation, pisciculture et autres usages diffus) dans le Nordeste septentrional et, de manière prioritaire, contribuer à des ajouts significatifs de la garantie de ravitaillement en eau de la région [5] ».
21Les « raisons d’État du projet » sont énumérées en cinq points [6]. Le premier correspond au drame du Nordeste qui, avec 30 % de la population brésilienne, continue d’abriter la plus grande poche de pauvreté du Brésil. À la base du problème se trouve l’impact du fléau des sécheresses dans la zone semi-aride, où l’on compte 10 millions d’indigents sur les 17 millions de Nordestins (soit 54,5 % du total national). La situation socio-économique de la zone semi-aride se détériore progressivement, sous l’effet cumulatif des sécheresses, dont la périodicité et l’intensité augmentent, avec une durée de 5 ans dans les années 1970, de nouveau 5 ans dans les années 1980 et 3 ans dans les années 1990. Il existe une prévision de 4 à 6 ans pour le début des années 2000. Le deuxième point est le manque d’eau, raison essentielle et conséquence de la première. Le troisième point est plus spécifiquement l’insuffisance des ressources en eaux locales. Sur ces points qui touchent directement la question du transfert, deux mythes sont récurrents dans les débats. Celui qui veut que les eaux souterraines ne soient pas utilisées et celui qui affirme qu’il existe 20 milliards de m3 d’eau dans les diverses retenues existantes dans la région. Pour ce qui est du premier, les 100 000 km2 de base cristalline de la zone semi-aride diminuent la possibilité de capter les eaux profondes ; sans compter que les réserves supérieures qui seraient insuffisantes disparaîtraient. Pour ce qui est du second, la capacité nominale de 20 milliards de m3 des retenues se réduit à 25 %, étant donné l’impact des sécheresses les plus fréquentes. Les retenues ont atteint le niveau minimal de réserve qui empêche leur utilisation dans tous les usages auxquels elles seraient destinées, comme le ravitaillement et l’irrigation. Le quatrième point concerne la zone des sécheresses. La partie la plus critique de la zone semi-aride est celle des quatre États du Ceará, du Rio Grande do Norte, du Paraíba et du Pernambouc, où la probabilité d’incidence de sécheresse est de 80 %. La surface semi-aride occupe plus de 90 % du territoire, ce qui est très au-dessus des autres États. Le dernier point est enfin le consensus sur le transfert des eaux. Dans les années 1970, le projet Radam-Brasil a identifié environ 1,6 million d’hectares de terres fertiles dans la zone semi-aride des États du Ceará, du Rio Grande do Norte, du Paraíba et du Pernambouc. La seule restriction était le manque d’eau. Le Nordeste pouvait alors devenir un grenier agricole s’il pouvait compter sur les eaux du São Francisco.
22Si toutes les études recommandent la solution du transfert, si les projets techniques sont prêts depuis dix ans, si, à chaque année de sécheresse, le gouvernement fédéral dépense environ deux milliards de dollars en assistance aux victimes et en transport précaire d’eau aux populations, si le drame social de la zone semi-aride est de plus en plus insupportable ; alors rien ne justifie qu’un gouvernement responsable laisse aux soins d’un autre la décision historique de commencer la rédemption du Nordeste et sa transformation économique par l’implantation d’un projet qui ne dépend que de lui.
23Ce projet permettrait une stratégie globale de résolution des problèmes, en réalisant tout d’abord une importante redistribution foncière à travers une authentique réforme agraire. Il permettrait ensuite d’installer un intéressant programme d’éducation, avec une campagne d’alphabétisation en masse utilisant une technologie avancée d’éducation à distance, l’implantation d’un programme d’éducation pour l’exercice de la citoyenneté, divers centres d’éducation technique et d’entraînement pour l’irrigation ; le tout étant déjà monté en partenariat avec le secteur privé, avec le système de la Confédération nationale de l’industrie, les universités et d’autres organisations. Il permettrait aussi de mettre en place un programme intensif de santé publique pour éradiquer le choléra, la dengue, les maladies infectieuses, l’hépatite et la schistosomiase. Il permettrait enfin d’implanter 120000 nouveaux hectares d’irrigation pour transformer l’agriculture.
La réforme du projet de 1984
24Le projet de 1984 prévoyait de capter 280 m3 à Cabrobô, pour irriguer 605 000 hectares en 25 ans, avec un coût de deux milliards de dollars pour les adductions. En 1994, le projet de captation ne concerne plus que 70 m3/s, pour irriguer 120 000 hectares en cinq ans, au coût de 600 millions de dollars. Dans les deux cas, l’eau déviée parcourt 2 400 kilomètres, dont 240 en canaux artificiels. Elle sert à pérenniser les cours d’eau et remplir les réservoirs, avec l’effet de pourvoir aux besoins pour tous les usages.
25L’environnement fera l’objet d’une étude d’impact. Deux grands projets devraient permettre la recomposition des sources du fleuve et le renforcement de tout son cours. L’énergie et l’irrigation étant des usages concurrents, il faut s’entendre avec la CHESF pour savoir comment compenser la perte de revenu calculée à 30 millions de dollars/an, en fonction de la chute de la génération d’énergie. Le projet affirme que cette valeur peut parfaitement être absorbée par l’opération du système d’irrigation et que la CHESF peut le cas échéant être indemnisée.
26Il faut aussi considérer que la production irriguée a de 8 à 10 fois plus de valeur que l’énergie produite avec la même quantité d’eau ; et que, pour remplacer la quantité réduite d’énergie qui ne serait théoriquement pas produite, il y a diverses alternatives. Cependant, pour remplacer l’eau, que ce soit pour la consommation humaine ou animale, pour la production agricole ou pour réduire les conditions environnementales défavorables à toutes formes de vie, il n’existe pas d’alternative.
27L’impact du transfert serait réduit sur les autres États du bassin. Les 70 m3 déviés ne compromettront pas les 144 000 hectares irrigués qui sont en phase d’implantation, sous contrôle fédéral, dans les États de Bahia, du Minas Gerais, de Sergipe et d’Alagoas, pas plus que les 234 000 hectares déjà approuvés et en condition d’implantation. Tous ces projets sont en amont de la dérivation, à Cabrobo, qui se trouve en aval du réservoir régulateur de Sobradinho. Il n’y aura pas de problème pour irriguer ces 378 000 hectares, car les difficultés actuelles des projets proviennent de la mauvaise administration des ressources existantes, et plus spécialement de l’allocation des contreparties, du retard dans la libération des ressources budgétaires et des déficiences des organismes exécuteurs. Par ailleurs, le gouvernement Fédéral, en implantant le projet de transfert, s’engage à conclure les projets en cours et en phase d’étude dans la zone concernée.
28Les transferts d’eau suivront deux axes. L’axe nord devra relier le São Francisco à la hauteur de Cabrobó, aux bassins des fleuves Jaguaribe, Apodi et Piranhas/Açu, servant aussi le bassin du fleuve Brígida. L’axe est unira le São Francisco, à la hauteur d’Itaparica, au bassin du fleuve Paraíba, en servant aussi le bassin du fleuve Moxotó.
29Dans la zone d’influence du projet, on trouve environ 200 villes, petites et moyennes. Outre des centres urbains importants, comme Fortaleza et Juazeiro do Norte, on trouve Mossoró, Campina Grande, João Pessoa, Cajazeiras, Sousa, Salgueiro et Arcoverde. On estime que la population de la région s’accroîtra de 6,8 millions d’habitants à environ 10 millions en l’an 2025.
30Pour mettre en œuvre ces ambitieux projets, il faut disposer d’un ensemble de définitions institutionnelles et administratives, avoir des références juridiques précises et savoir motiver les acteurs et agents, parties prenantes parfois contraintes dans une politique qui ne saurait faire l’unanimité. Selon le rapport de formulation du modèle de gestion institutionnel, « l’accent a été mis sur la situation institutionnelle du bassin et les conditions pour l’octroi de droits d’usage des eaux pour le transfert, en tenant compte des critères d’allocation possibles dans le bassin du São Francisco et des mécanismes de restriction des demandes en cas de rareté, en identifiant les principaux conflits pour cause d’eau dans le bassin et, principalement, le potentiel que présente le Transfert, comme nouvel usager, pour y prendre part [7] ». Les axes principaux du modèle de gestion sont destinés à « 1) incorporer les nouvelles technologies de gestion de l’eau, préconisées par la législation en vigueur, particulièrement le fait de traiter l’eau comme un bien économique ; 2) promouvoir des relations transparentes et coopératives entre le secteur étatique, l’initiative privée et la société civile organisée ; 3) profiter des expériences nationales et internationales réussies [8] ».
31Comme le mois de mars 2001 a été fatal au processus global, dans la mesure où les audits publics ont révélé une très forte opposition de diverses catégories d’intéressés, jusqu’alors non consultées, il faut maintenant examiner de manière critique les raisons de cet échec politique, en montrant les éléments qui n’ont pas été suffisamment pris en considération pour élaborer le projet de transfert.
Les limites du projet
Données complémentaires
32Il faut sans doute considérer les données physiques dans une autre optique et les intégrer dans un contexte plus ample, ce qui revient à recourir à la conception de système, dont la loi elle-même préconise l’utilisation. On a vu que le Nordeste est une zone semi-aride. Par ailleurs, la région n’a pas de cours d’eau permanent, à l’exception du São Francisco et du Parnaíba, qui correspondent à 3 % des ressources en eau brésiliennes. C’est par contre dans cette région que réside 30 % de la population brésilienne qui souffre du manque d’eau. Cela n’est pas dû à la rareté confirmée de cette ressource. Ce manque d’eau est en effet bien plus provoqué par la prise de mesures inadéquates pour affronter le problème, ce qui alimente, avec une constance remarquable, des conséquences complètement contraires à celles qui sont officiellement recherchées et qui sont connues sous le nom générique «d’industrie de la sécheresse ».
33Tout au long de presque un siècle de construction d’ouvrages, le Département national des ouvrages contre la sécheresse (DNOCS) a produit de grandes retenues, dont celle d’Orós dans le Ceará d’une capacité de 2,2 milliards de m3 et celle d’Armando Ribeiro Gonçalves d’une capacité de 2,4 milliards de m3. Il y a aujourd’hui près de 70 000 digues et barrages, de toutes tailles, qui accumulent 22 milliards de m3 et qui arrivent à 30 milliards de m3 lors des années de fortes pluies. Aux eaux de surface, il faut ajouter quelque 20 milliards de m3 d’eaux souterraines, qui possèdent quelque teneur en sel, mais servent sans problème à abreuver les animaux. Pour la consommation humaine, il faudrait dessaler l’eau, ce qui ne représente aujourd’hui aucune gageure technique. En prenant pour base une consommation quotidienne per capita de 200 litres, il faudrait une quantité de 70 m3/an/personne, ce qui représenterait 28 milliards de m3 pour servir 40 millions de Nordestins. Le solde serait de 14 milliards de m3.
34Cependant, le Nordeste semi-aride ne dispose aujourd’hui que de 15 000 puits en fonctionnement effectif, qui pompent environ 200 millions de m3/an, ce qui représente 1 % de la disponibilité hydrique des eaux souterraines du Nordeste. Un point d’eau tous les quatre kilomètres pourrait être considéré comme satisfaisant. Cela amènerait 250 000 points d’eau pour développer de petites bases économiques localisées. Les documents officiels évoquent deux questions importantes : l’usage des eaux souterraines et le volume d’eau stockée. Il n’y aurait pas d’eau directement disponible, dans le sous-sol du Nordeste, en raison de la couche de roches cristallines qui empêchent le stockage. Quant aux retenues, il ne faudrait pas se laisser impressionner par leur capacité, car cette dernière est réduite à 25 % de la capacité réelle en raison de l’évaporation. Mais les documents officiels se contredisent ou ne sont pas considérés dans toutes leurs implications. Une publication du DNOCS de 1982 affirme que «si l’on restreint l’analyse des sécheresses à une surface de 1 064 000 km2 et à environ 60 % du massif cristallin, la réserve souterraine se réduira à des valeurs autour de 20 milliards de m3 [9] ». Or, si la capacité réelle de stockage des retenues est de 25 % de celle pour laquelle elles ont été construites, on aurait encore plus de 5,5 milliards de m3 disponibles, ce qui serait suffisant pour approvisionner plus de la moitié de la population du Brésil, soit plus de 75 millions de personnes, sur la base d’une consommation individuelle de 200 litres/personne/jour.
35Avec le transfert des eaux du São Francisco, on prétend surtout faire passer l’idée que le problème de la sécheresse sera résolu. Mais l’eau qui sert à l’irrigation n’est pas l’eau qui résout les problèmes de la population. Elle n’est pas non plus un facteur de développement aussi efficace que l’affirment ses laudateurs. Dans les années 1970 par exemple, le DNOCS prévoyait d’aménager de 20 000 à 25 000 hectares par an pour l’agriculture irriguée. D’importants programmes de développement furent alors réalisés pour former des techniciens compétents. Le projet, qui n’utilisait pas l’eau du São Francisco, ne produisit, en tout, que 32 000 hectares de terres irriguées, dont quelques centaines sont salinisées. En 1983, le barrage Armando Ribeiro Gonçalves devait représenter le salut de l’État du Rio Grande do Norte, qui utiliserait ses 2,4 milliards de m3 pour irriguer 40 000 hectares. La revue Interior affirmait alors : « Autre aspect positif, outre l’irrigation et l’industrie des salines, sera l’apparition d’une prometteuse activité touristique et de loisirs. Sans parler de la pêche, dont on estime la production à 2 500 tonnes/an, qui apporteront des revenus essentiels aux 800 familles qui dépendent du poisson, dans la région. On prévoit la culture de 150 hectares d’ail par an, de 875 hectares de primeurs, de 3 998 hectares d’espèces citriques et de 1 837 hectares de bananes. Le raisin battra certainement des records de cueillette, avec une surface de 1 454 hectares/an, tandis que la tomate recevra 900 hectares et le coton 1 174 hectares/an [10] ». Personne n’a songé à mesurer quel était le pourcentage de ces espérances devenues réalité.
36D’autres chiffres doivent être cités, avant de passer en revue les problèmes oubliés par les programmes du projet de transfert. Les autorités gouvernementales fédérales affirment qu’elles utiliseraient, pour réaliser le projet, l’équivalent de la somme qu’elles dépensent, à chaque sécheresse, pour secourir les populations affectées, soit environ deux milliards de dollars. Mais l’effet du projet ne concerne que 3 % du polygone de la sécheresse, ce qui obligera à poursuivre les programmes de secours au reste de la région. Conçu comme un objectif isolé, le projet de transfert oublie des dimensions importantes des problèmes régionaux et des manières de les résoudre ; dimensions si essentielles qu’elles sont devenues exigences légales. Car c’est la loi elle-même qui, depuis 1997, fixe les paramètres essentiels de la gestion des eaux douces.
Les usages multiples de l’eau et les techniques complémentaires d’utilisation
37Le problème énergétique est le premier qui se présente, puisque la production d’énergie est le premier usage économique de l’eau, dans la partie basse du cours du fleuve. Il a été souligné que chaque mètre cube capté en amont de Sobradinho empêche la production de 2,4 MW dans la cascade de la CHESF et que son élévation à 160 mètres d’altitude consommera 1,6 MW. Cela représente un déficit de 280 MW, pour le transfert de 70 m3/s, dans le système local. Or, celui-ci est aussi le producteur le moins cher du marché, avec un prix à 23 dollars par MW, contre environ 50 dollars pour les autres usines.
38Le projet ne considère pas les impacts environnementaux, sur un bassin déjà extrêmement dégradé. Si l’on considérait le seul coût de reconstitution de la végétation ripicole sur les berges du fleuve principal, les ressources financières nécessaires seraient de l’ordre des 400 000 millions de dollars, en considérant qu’il existe encore 30 % de cette végétation et pour respecter la loi (code forestier) qui fixe l’étendue de cette végétation à 500 mètres, sur chaque rive, pour un cours d’eau d’une largeur d’un kilomètre. Si l’on considère une moyenne de 100 mètres de large, pour le réseau des affluents, on obtient une surface de 140 000 hectares supplémentaires, qui exigeraient 280 millions de dollars.
39Il est évident que devrait déjà exister un programme de reforestation, indépendant de tout transfert des eaux. Mais les programmes qui existent ont justement pour effet, au nom de la productivité la plus simpliste, de multiplier les effets et impacts nocifs des activités encouragées, alors même que sont délaissées les mesures qui ont déjà prouvé leur capacité à résoudre les problèmes.
40La construction d’un réseau d’adduction devrait être une priorité absolue, à l’image de ce qui existe dans certains lieux. L’État de Sergipe possède plus de 1 700 kilomètres d’adduction d’eau, à partir du São Francisco. Celle du Sertão dispose de 187 kilomètres Il en existe d’autres, qui sont de grande utilité pour toutes les zones qu’elles desservent, dans la région semi-aride. Les puits tabulaires sont forés depuis 1909. On en compte 25 000 dans toute la zone semi-aride, mais seulement 10 000 sont en activités. Les autres ne produisent rien, pour des motifs divers, qui ne sont jamais le manque d’eau.
41Les barrages souterrains sont de petits ouvrages hydrauliques qui sont construits sur le cours de petites rivières intermittentes, pour accumuler l’eau dans le sous-sol. La collecte des eaux de pluie est une autre technique simple et très utilisée dans les régions désertiques et semi-arides. Dans le polygone de la sécheresse, où l’indice de pluviométrie est de 600 mm/an, un toit d’habitation de 200 m2 reçoit 120 m3 d’eau. Ces deux techniques, si elles étaient utilisées de manière rationnelle, diminueraient de manière sensible le problème de l’approvisionnement en eau pour les besoins les plus élémentaires.
42Pour le fleuve lui-même, le point de départ d’une action efficace réside dans la régularisation des débits. Même si le débit moyen du fleuve est de 2 850 m3/s à l’embouchure, les débits d’étiage sont très insuffisants pour garantir tous les usages. Il faudrait construire des barrages de compensation des débits, sur les affluents, pour permettre l’augmentation de l’aire irriguée et un tirant d’eau plus profond pour la navigation. Il faudrait aussi garantir la production d’énergie, contenir l’entraînement des sédiments vers l’aval et, éventuellement, avoir un solde d’eau à exporter vers le Nordeste. Pour cela, il faudrait construire 16 barrages sur différentes rivières. Tous ces ouvrages ont déjà été étudiés par le secteur électrique, qui calcule que les eaux ainsi réservées atteindraient de 16 à 20 milliards de m3.
43D’autres mesures doivent être envisagées pour empêcher la pollution par les déchets de minerai de fer et les dépôts d’ordures à ciel ouvert, actuellement sans traitement et souvent situés près des rives. Il s’agit d’exiger le traitement des rejets industriels et des égouts domestiques. Il faudrait aussi, comme première mesure, prévoir et exécuter un grand programme d’approvisionnement en eau des populations, avant de penser à un quelconque transfert des eaux. Toutefois, et malgré les injonctions de la loi de 1997 sur la politique nationale des ressources en eau, qui établit clairement que la première priorité est de ravitailler la population, les initiatives pratiques sont loin de suivre les orientations légales. Les questions juridiques, en particulier celles qui ont trait à l’organisation institutionnelle de l’administration de l’eau, doivent donc être évoquées.
Aspects juridiques et institutionnels de la gestion [11]
44La loi 9 433 souligne la nécessité de décentralisation et de participation des pouvoirs publics, des usagers et des communautés, l’importance d’une gestion par bassin et, dans tous les cas, la nécessité de planification des usages multiples de l’eau. Elle établit comme priorité absolue, en cas de rareté des ressources, la consommation humaine et celle des animaux. Mais force est de constater que le projet fédéral fait peu de cas des exigences légales et résout les problèmes avant de les poser dans toute leur complexité.
45Si l’on s’intéresse aux exigences de la nouvelle loi, on pourrait penser qu’en l’absence des éléments qu’elle considère indispensable, il est urgent de prendre des mesures pour les créer. Le document fédéral affirme, au contraire, qu’il faut décider tout de suite et au niveau le plus haut : celui du pouvoir exécutif de l’Union. « S’il n’existe pas de plans, de comités, ni d’agences, légalement endossés, l’agent principal de conduction du processus devra être le CNRH [Conseil national des ressources en eau]. Processus dont devront aussi participer les entités régulatrices du secteur énergétique (ANEEL [Agence nationale de l’énergie électrique]) et du secteur des transports (ministère des Transports ou la future Agence nationale des transports), les principaux usagers (CHESF, CODEVASF et Transfert) et les États riverains [12] ». Or, le gouvernement fédéral s’est réservé le pouvoir de décision, en s’octroyant 15 des 29 sièges du CNRH. Il est donc clair qu’il n’approuve pas les orientations essentielles de son propre projet, même si elles sont assez éloignées de l’esprit et de la lettre de la nouvelle législation. Ceci paraît être le cas lorsque le projet affirme : « les usages consomptifs localisés en aval de la cascade de génération, même s’ils ne sont pas bénéficiaires du transfert, auront difficilement un type quelconque d’interférence et peuvent être immédiatement considérés comme des usages non conflictuels avec le transfert [13] ». Ce même transfert, à lui seul, devient un usager de l’eau, alors que sa seule fonction sera de la transporter, du point de captation jusqu’à l’endroit où elle sera mise à disposition des États-membres bénéficiaires, qui en contrôleront la distribution sur leur territoire.
46Le projet prend soin de disqualifier la participation des entités qui adoptent une position critique par rapport au transfert. C’est ainsi que le CEEIVASF (Comitê Executivo des Estudos Integrados da Bacia Hidrogrâfica do Rio São Francisco), présenté comme un acteur social du bassin, créé par décret, est « remis à sa place », en fonction de ses attitudes incompatibles avec les buts assignés aux eaux du fleuve. « Les actuels représentants du CEEIVASF, bien que ce comité agisse de manière informelle, se sont manifestés à plusieurs reprises contre le projet de transfert et, probablement, intercéderont-ils dans les processus de négociation avec un fort accent riverain, étant donné qu’à ce jour, leur principal discours se résume à la phrase suivante “l’eau du São Francisco n’est que pour les usages riverains”. Ceci est en complète contradiction avec la législation en vigueur, qui n’établit aucun type de restriction pour l’usage des eaux en dehors du bassin d’origine, sous condition de respecter les exigences du processus d’octroi et de la législation sur l’environnement [14]. »
47La conclusion du projet est donc que la demande d’octroi de transfert devra être sollicitée devant la seule instance administrative responsable : le Secrétariat des ressources en eau (SRH) du ministère de l’environnement [15]. Cela est problématique puisque la loi prévoit de créer diverses instances et institutions, comme les Comités de bassin, les Agences de l’eau, les Plans de ressources en eau, qui sont responsables de la gestion et définissent les « exigences du processus d’octroi », réputées nécessaires par les auteurs du projet, aussi bien que les priorités d’usage.
Considérations finales
48Le transfert d’une partie des eaux du fleuve São Francisco a été retiré de l’ordre du jour des objectifs du précédent gouvernement brésilien, au mois d’avril de 2001, après diverses manifestations d’opposition qui ont eu lieu pendant les audits publics réalisés dans les régions considérées comme donneuses mais dont la population n’avait pas été informée. Les 19,21 et 23 mars 2001, les audits se sont déroulés à Sousa, Natal et Fortaleza. Le 26, l’audit d’Aracaju a été suspendu, après un début tumultueux et bref. Celui de Penedo, le 28, a été ajourné compte tenu de l’impossibilité de garantir l’intégrité physique des représentants du ministère de l’environnement. Enfin, à Belo Horizonte, le 30 mars, une obstruction systématique a empêché la réalisation de tout débat. Les assemblées prévues à Salgueiro, Salvador et Juazeiro, du 6 au 10 mars, ont été ajournées sine die.
49Par ailleurs, il faut signaler qu’à partir du mois d’avril 2001, commençaient à apparaître les très nets contours d’une crise d’approvisionnement énergétique national. Cette crise, qui atteindra son apogée dans la deuxième moitié de l’année, en particulier dans le sud du pays, donnera lieu à d’importants rationnements énergétiques afin de pallier les déficits de production d’énergie électrique induits par le manque de pluie et le niveau critique des lacs de barrage. Ces politiques de rationnement ont bien entendu pesé très lourd sur les choix et les décisions politiques. Il est en effet apparu impossible de justifier une diminution de la production d’énergie de la cascade de la CHESF, comme conséquence du transfert des eaux du São Francisco, à un moment où l’on présentait des schémas de rationnement pour les consommateurs.
50Ce contexte donne une idée assez précise des dimensions du problème qui ont été ignorées. Le transfert d’une quantité d’eau importante, dans les conditions spécifiques régionales, doit impérativement considérer des facteurs que les décisions politiques, prises loin du bassin, n’ont pas voulu voir. On peut même constater que les décisions de Brasília ont rejeté certaines possibilités d’intégrer les données locales, au nom d’une conception centralisatrice de l’utilisation des ressources en eau et de la détermination des priorités d’usage. Cette tradition de décision centralisée est à la racine d’une attitude qui perpétue les conflits, sous prétexte de rationaliser l’usage de l’eau. Elle est la cause essentielle, par voie de sous-estimation des problèmes réels, de l’échec de l’opération de transfert.
51Mais il faut aussi voir que l’usage multiple de l’eau, tel qu’il était induit par la décision de réaliser le transfert, bouleversait les termes de l’équation pour les usagers du bassin considéré comme donneur, celui du São Francisco, sans pour autant énoncer de manière précise les usagers locaux qui seraient bénéficiaires dans les basins récepteurs. Il faut ici entendre par « usagers », les catégories établies par la loi 9 433, c’est-à-dire les agents économiques les plus importants, à l’exclusion des consommateurs des usages domestiques et de la majorité de la population rurale.
52La base du problème n’est pas le manque d’eau, mais un ensemble de structures sociales, politiques et administratives anachroniques, qui se sont perpétuées pour le plus grand profit d’une oligarchie qui fait de l’eau, et de son usage, l’instrument de sa domination. Les stratégies et politiques sectorielles appliquées ont cherché à contourner et non à résoudre le problème de l’eau. Il faut ajouter que l’intermittence chronique des politiques publiques ne peut qu’amplifier les effets dits négatifs des conditions géographiques objectives, conditions parmi lesquelles la question démographique est rarement considérée comme une variable essentielle.
53Enfin, les paramètres de la tentative de transfert ont des aspects trop traditionnels pour ne pas faire penser qu’il s’agissait d’un nouvel épisode des activités liées à l’industrie de la sécheresse. La loi de 1997 est à l’opposé de cette tradition. Reste à savoir si elle pourra, dans l’avenir, fomenter le dépassement d’habitudes culturelles enracinées, pour mettre l’eau à la disposition de tous, dans ses multiples usages, en donnant la priorité à ceux qui la veulent pour la boire. Le fait que le Comité du bassin du São Francisco ait été constitué et ait pris ses fonctions le 22 novembre 2002 a bien entendu été présenté comme l’accomplissement d’une étape positive. La maigre participation de la société civile (28 % des membres) et la limitation de ses pouvoirs sont toutefois illustratives, à l’excès, de comportements et de situations qui requièrent d’urgents changements.
54C’est toutefois le même chemin que paraît vouloir prendre le président Luiz Inácio Lula da Silva. Il a en effet annoncé son intention de réaliser le transfert et a même désigné immédiatement le vice-président pour s’occuper de cette tâche. Les plans adoptés pour doter toutes les petites exploitations familiales de citernes ne lui ont pas paru suffisants pour produire des récoltes à grande échelle et pouvoir exporter encore plus. Pour brûler les étapes, les plus hauts responsables de l’Agence nationale de l’eau (ANA) ont même fait élaborer une résolution, qui déterminait une réserve préalable d’octroi d’eau pour garantir les débits nécessaires au transfert, ce qui est parfaitement illégal au vu de la législation en vigueur. La fraude a été découverte par suite d’une « erreur virtuelle », la résolution ayant été publiée sur le site de l’ANA par un employé étourdi ! Et les difficultés qui s’amoncellent sur le chemin du Président, à la fin du premier trimestre de 2004, ne paraissent pas favorables à la réalisation de grands travaux comme celui du transfert…
Notes
-
[1]
Ministério da agricultura/codevasf, Ministério do Interior/Sudene, Piano Diretor para o desenvolvimento do Vale do São Francisco (1989-2000)-Ftelatório Final, PLANVASF, Brasilia, 1989.
-
[2]
Evandro Bezerra, A barragem do Castanhão e a transposição do rio São Francisco, Imprensa Universitária da Universidade Federai do Ceará, Fortaleza, 1996 ; Evandro Bezerra, A terra e a irrigação no Nordeste, Imprensa Universitária da Universidade Federal do Ceará, Fortaleza, 1996 ; Christian Guy Caubet, O Velho Chico e a lei. Estudo sobre os parâmetros jurídicos aplicáveis aos recursos hídricos, com ênfase no seu uso racional e ecológico, CodevaSF/FAO, Projeto TCP/BRA/2257, Brasilia, octobre 1994, (dactylographié).
-
[3]
Ministério da agricultura/codevasf, Ministério do Interior/Sudene, op. cit.
-
[4]
La production a été de 600 000 tonnes en 1990 et a atteint 3,3 millions de tonnes en 2000. Lídice Oliveira, « Verbas para hidrovia do São Francisco », Gazeta Mercantil, São Paulo, 25 août 2000, p. 6.
-
[5]
Ministério do planejamento/Secretaria Especial de Políticas Regionais & Ministério da ciênca e tecnologia/lnstituto Nacional de Pesquisas Espaciais, Projeto de transposição de águas do rio São Francisco para o Nordeste setentrional. Estudos de inserção regional. Relatório de formulação do modelo de gestão institucional para o Projeto de Transposição, Ministério do planejamento, Brasília, mai 2000, p. 13.
-
[6]
José Theodomiro de Araujo et Manoel do Bonfim Dias Ribeiro, Apreciação crítica sobre o documento « Projeto de transposição do rio São Francisco » elaborado pela Secretaria Especial de Políticas Regionais, Brasília & Salvador, 15 mai 1995.
-
[7]
Ministério do planejamento et al., op. cit., p. 15.
-
[8]
Ibid.
-
[9]
Dnocs, O Dnocs e o aproveitamento das águas subterrâneas do Nordeste, Dnocs, 1983, p. 3.
-
[10]
Interior, janvier-février 1983.
-
[11]
Ministério do Meio Ambiente, O Comitê da Bacia Hidrográfica do Rio São Francisco, Instituto Manoel Novaes, Salvador, décembre 2002 ; Ministério da Integração Nacional, Projeto São Francisco. Reiatório Síntese, Secretaria de Infraestrutura Hídrica, Brasília, Janvier 2000 ; Ministério da Integração Nacional, Secretaria de Infraestrutura Hídrica & Fundação de Ciência e Tecnologia Espaciais, Projeto de transposição de águas do rio São Francisco para o Nordeste Setentrional. Reiatório : A experiência envolvendo transposição de bacias, Engecorps/Harza, São Paulo, 1999.
-
[12]
Ministério do planejamento et ai., op. cit., p. 88.
-
[13]
Ibid.
-
[14]
Ibid., p. 89.
-
[15]
Ibid., p. 92.