Notes
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[1]
Auteur correspondant : Chaker Aloui, Docteur en Finance internationale, enseignant à la Faculté des Sciences Économiques et de Gestion de Tunis, Université Tunis-El Manar et directeur de l’unité de recherche Ifgt (International Finance Group) (chaker. aloui@ fsegt. rnu. tn).
Haïthem Sassi, Doctorant en Finance internationale à la Faculté des Sciences Économiques et de Gestion de Tunis et membre de L’IFGT. -
[2]
Selon Aizenman (1994), une économie qui s’ajuste plus facilement aux chocs devrait jouir d’une croissance de la productivité plus élevée, compte tenu du fait qu’elle tourne en moyenne plus près des limites de sa capacité.
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[3]
Pour une revue détaillée de la littérature sur les déterminants de la croissance économique, voir Barro et Sala-i-Martin (2003).
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[4]
Il est à noter ici que l’étude du FMI ne tient pas compte de l’incidence des autres déterminants de la croissance économique.
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[5]
Ici, les auteurs utilisent une typologie officielle de jure et une typologie de facto de Reinhart et Rogoff (2004). Pour plus de détails sur ces typologies, voir infra.
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[6]
Cette classification établit une distinction entre différents régimes à parité fixe, allant de diverses formes d’ancrages fixes à différents types d’ancrages souples. Les catégories retenues sont au nombre de huit : régime des pays n’ayant pas de monnaie officielle distincte, caisse d’émission, autre régime conventionnel de parité fixe, rattachement à l’intérieur de bandes de fluctuation horizontales, système de parités mobiles, système de bandes de fluctuation mobiles, flottement dirigé sans annonce préalable de la trajectoire du taux de change et flottement indépendant.
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[7]
En s’inspirant de la typologie officielle de facto et en s’appuyant sur des informations supplémentaires, Bubula et Ötker-Robe (2002) ont proposé une classification couvrant une période qui remonte à 1990.
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[8]
Sur le plan opérationnel, le ciblage comporte l’annonce d’une règle en matière de taux de change ou cibles concernant un agrégat monétaire particulier. La règle du taux de change limite considérablement la politique monétaire puisqu’elle n’intéresse que le taux de change et restreint la capacité de la banque centrale à réagir aux chocs endogènes ou exogènes. Par contre, dans les pays à taux de change flexible, les agrégats monétaires peuvent constituer une cible intermédiaire de la politique monétaire (ciblage monétaire). Suivant ce système, la banque centrale utilise ses instruments (par exemple les taux d’intérêt) pour réguler les agrégats monétaires, qui sont considérés comme les principaux déterminants de l’inflation à long terme.
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[9]
Il convient de rappeler ici que la typologie officielle de facto du FMI présente, elle aussi, les cadres de politique monétaire et distingue : l’ancrage par le taux de change, l’ancrage par les agrégats monétaires, le ciblage de l’inflation, programme soutenu par le FMI ou autre programme monétaire, et autres dispositifs.
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[10]
Panizza, Stein et Hausmann (2000) indiquent que les chocs externes peuvent entraîner des erreurs dans l’établissement de la véritable nature du régime. En effet, des parités fixes peuvent faire l’objet de fortes réévaluations en présence de chocs externes importants, tandis que des devises flottantes peuvent n’afficher qu’une faible volatilité si les chocs externes sont de faible ampleur.
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[11]
Cette étude est basée sur la typologie officielle de jure du FMI.
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[12]
Les sources et la définition des différentes variables utilisées sont reportées dans l’annexe 2.
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[13]
Notre étude se fonde sur les travaux de Kormendi et Meguire (1985) et Barro (1991).
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[14]
Nous rappelons que, selon l’hypothèse de convergence, un pays dont le PIB par habitant est peu élevé au départ devrait enregistrer des taux de croissance plus élevés du fait qu’il est loin d’avoir atteint son régime stationnaire de croissance.
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[15]
Voir à cet égard, Barro et Sala-i-Martin (2003).
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[16]
Les statistiques descriptives de ces variables sont reportées dans l’annexe 4.
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[17]
Du fait que nous utilisons des intervalles de cinq ans, cette variable représente le régime de change normalement observé au cours de chacun de ces intervalles. Dans les cas où le régime a changé, nous avons retenu celui qui a été en place pendant la majeure partie de l’intervalle de cinq ans (c’est-à-dire au moins trois des cinq années).
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[18]
Voir Laidler (1999).
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[19]
D’après Amano, Coletti et Macklem (1999), une hausse de crédibilité de la banque centrale peut contribuer simultanément à réduire les fluctuations de l’inflation, des taux d’intérêt et de la production et à relever par voie de conséquence le niveau moyen de la production.
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[20]
Cette idée a été évoquée par un rapporteur anonyme que les auteurs tiennent à remercier vivement.
1Au cours des années quatre-vingt-dix, l’économie mondiale a été secouée par de sévères crises de change récurrentes : crises du système monétaire européen (SME) en 1992-1993 puis en 1995, crise mexicaine à la fin de l’année 1994, crise des pays émergents d’Asie en 1997-1998, crise brésilienne et russe en 1998, crise turque en 2000-2001 et crise argentine en 1998-2002. Cette période a été marquée aussi par le lancement de l’euro en janvier 1999. Ces événements ont relancé le débat sur le choix du meilleur régime de change et sur les moyens d’éviter le renouvellement de telles crises. Le problème du choix d’un régime de change approprié est d’ailleurs l’une des principales questions débattues au sein des instances internationales, comme le Fonds monétaire international (FMI), le G7 et le G20. Un aspect important de ce débat concerne les effets du régime de change sur la tenue de l’économie. Si la plupart des travaux réalisés jusqu’ici se sont intéressés aux répercussions potentielles du choix du régime de change sur l’inflation et la variabilité de la production, peu d’études, en revanche, ont analysé les effets potentiels de ce choix sur la croissance économique d’un pays donné.
2En théorie, le type de régime de change n’a pas d’impact sur les valeurs d’équilibre à long terme des variables réelles, mais il est susceptible d’agir sur le processus d’ajustement. Ainsi, Mundell (1963) a souligné que le taux de change réel devrait revenir à sa valeur d’équilibre de long terme après un choc économique, quel que soit le régime de change. Cependant, le processus dynamique de transition sera différent selon que le taux de change est fixe ou flottant. La seconde voie de recherche qui a été explorée est celle qui considère les effets indirects du type de régime de change sur la croissance économique à travers son impact sur d’autres déterminants importants de celle-ci. En effet, on a pu démontrer dans la littérature que le régime de change importe en matière d’investissement (Aizenman, 1994 ; Campa et Goldberg, 1999 ; Bénassy-Quéré, Fontagné et Lahrèche-Révil, 2001), d’ouverture à l’égard du commerce international (Clark, 1973 ; Franke, 1991 ; Rose, 2000 ; Frankel et Rose, 2002) et du développement financier (Aizenman et Hausmann, 2000 ; Chang et Velasco, 2000).
3À ce jour, peu d’auteurs ont réussi à mettre en évidence un lien robuste entre régime de change et croissance économique. Plusieurs auteurs, dont Calvo et Reinhart (2002), ont indiqué que cette difficulté pourrait être due à des erreurs de mesure dans la classification des régimes de change. La plupart des études sont fondées sur la typologie officielle du FMI qui a reposé, jusqu’à un passé très récent, sur le principe de l’autoclassification par chacun des pays membres, et, en général, aucun effort n’est fait pour tenter de vérifier si cette classification officielle est conforme aux régimes réellement pratiqués. Pour combler cette lacune, quelques auteurs ont proposé des classifications alternatives des régimes de change. Les contributions majeures dans ce domaine sont celles de Levy-Yeyati et Sturzenegger (2002) et de Reinhart et Rogoff (2004). Dans leurs classifications, les premiers se basent sur la variabilité du taux de change et sur celle des réserves de change alors que les seconds prennent comme indicateur le taux de change parallèle. Simultanément, un certain nombre de chercheurs ont développé d’autres typologies parmi lesquelles nous trouvons celle de Bubula et Ötker-Robe (2002), qui s’inspire largement de la classification officielle, et celle de Bailliu, Lafrance et Perrault (2002) qui repose, entre autres, sur le cadre de la conduite de la politique monétaire.
4L’émergence de ces nouvelles typologies a incité certains chercheurs à étudier l’évolution de la répartition des régimes de change dans le monde. Ainsi, quelques approches se sont confrontées pour expliquer la tendance générale en matière de choix de ces régimes : i) la prédominance des régimes de change flottants (FMI, 1997), ii) les solutions en coin ou bipolarisme (Obstfeld et Rogoff, 1995 ; Eichengreen, 1998 ; Fisher, 2001) et iii) la peur du flottement (Calvo et Reinhart, 2002).
5L’objectif de cet article est double. D’une part, dans le cadre de la théorie de la croissance économique, vérifier si le type de régime de change influe sur la croissance. D’autre part, tester l’hypothèse selon laquelle un régime de change assorti d’un point d’ancrage aux fins de la conduite monétaire (ancrage du taux de change, ciblage d’inflation, du taux d’intérêt…) exerce un effet positif sur la croissance économique, comme le laisse penser l’étude de Laidler (1999).
6L’article passe en revue la littérature théorique et empirique sur le lien entre régime de change et croissance économique. Puis, il présente les différentes typologies des régimes de change et les approches qui ont été développées pour expliquer la répartition des régimes de change dans le monde et ce, depuis l’effondrement du système de Bretton Woods en 1973. Enfin, il aborde l’étude empirique de l’impact des régimes de change sur la croissance économique.
Régimes de change et croissance économique : une revue de la littérature théorique et empirique
Fondements théoriques
7La théorie de la croissance et la littérature sur les régimes de change suggèrent que la nature du régime de change adopté par un pays donné peut avoir des conséquences sur sa croissance à moyen terme et ce, de deux manières : soit directement à travers ses effets sur les ajustements aux chocs, soit indirectement via son impact sur d’autres déterminants importants de la croissance économique tels que l’investissement, le commerce extérieur et le développement du secteur financier.
Les effets directs des régimes de change sur la croissance économique
8Selon la théorie économique, le type de régime de change ne devrait pas avoir d’incidence sur les valeurs d’équilibre à long terme des variables réelles, mais pourrait influer sur le processus d’ajustement. Ainsi, l’effet du régime de change sur la croissance peut intervenir à partir d’un effet sur la vitesse d’ajustement aux perturbations aléatoires qui affectent l’économie intérieure [2].
9Dans ce contexte, les travaux de Friedman (1953) et Mundell (1960 et 1963) ont souligné le caractère crucial du régime de change en matière de politique économique. Friedman (1953) se prononce en faveur d’un régime de change flexible, en soulignant les effets isolationnistes d’un tel système face aux chocs étrangers. Mais ses travaux s’inscrivent dans une période de faible mobilité des capitaux. Mundell (1960 et 1963) démontre alors que les propriétés isolationnistes diminuent avec l’accroissement de la mobilité du capital. Dès lors, la distinction choc monétaire/choc réel s’avère incontournable, tout comme la mobilité des facteurs et la taille de l’économie.
10Dans le prolongement de Friedman (1953) et Mundell (1960 et 1963), d’autres auteurs ont examiné le choix d’un régime de change optimal sous l’hypothèse de prix ou salaires nominaux rigides. Boyer (1978) trouve que la variance et la covariance des divers chocs survenant sur l’économie sont déterminantes dans la décision du choix du régime de change. L’étude porte sur une petite économie ouverte soumise à trois types de chocs : internes, réels ou monétaires, et externes. Il montre que la localisation du choc importe peu, seul l’aspect monétaire ou réel influence le choix du régime de change. Ainsi, si les chocs sont purement monétaires, le régime de change fixe est optimal grâce à une intervention sur le marché des changes et si les chocs sont réels, le régime de change flexible est préconisé. En présence des deux types de chocs, le flottement géré est préférable. Dans la lignée des travaux de Boyer (1978), Aizenman et Frenkel (1982) explicitent les chocs et étudient les conséquences sur l’activité dans un objectif de stabilisation de la consommation et non plus de l’output. Les conclusions des auteurs sont similaires aux travaux antérieurs, mais présentées de façon symétrique. Ces auteurs démontrent alors qu’en présence de chocs réels, le système fixe est préférable, du point de vue du consommateur. Plus la variance des chocs réels survenant sur l’offre est élevée, plus grand est le désir de fixité des taux de change. En effet, la balance des paiements absorbe les chocs et limite, ainsi, les effets des chocs réels sur la consommation. Le désir de flexibilité du taux de change augmente relativement à la variance des chocs intervenant sur la demande de monnaie, l’offre de monnaie, les prix étrangers et enfin sur la parité des pouvoirs d’achat.
Les effets indirects des régimes de change sur la croissance économique
11Outre ses effets sur le processus d’ajustement aux chocs, la théorie suggère que les régimes de change peuvent influencer la croissance économique via leurs impacts sur d’autres déterminants importants de la croissance tels que l’investissement, l’ouverture aux échanges extérieurs et le développement du secteur financier [3].
12La littérature consacrée à la relation entre régimes de change et taux d’accumulation du capital physique produit des résultats très variés (Goldberg, 1993 ; Campa et Goldberg, 1999 ; Bénassy-Quéré, Fontagné et Lahrèche-Révil, 2001). Certains auteurs, tel Aizenman (1994), soulignent que l’investissent a tendance à être important sous les régimes de change fixes grâce à la réduction de l’incertitude des politiques économiques, des taux d’intérêt réels et de la variabilité des taux de change. Cependant, en éliminant un mécanisme d’ajustement important, les taux de change fixes peuvent aggraver les pressions protectionnistes et réduire l’efficience d’un stock de capital donné et ce, à cause des déséquilibres durables des taux de change qui affectent l’allocation de l’investissement à travers les secteurs. Bohm et Funke (2001), quant à eux, sont d’avis que la volatilité d’une devise, sans tenir compte du type du régime de change, ne peut exercer qu’un effet négligeable sur le niveau des dépenses d’investissement.
13De même, les régimes de change sont susceptibles d’affecter la croissance économique par les effets sur le volume du commerce international. Dans la littérature théorique, la relation entre la volatilité du taux de change et les échanges commerciaux est ambiguë. Selon la théorie traditionnelle du commerce, la relation négative entre la volatilité des taux de change et les échanges commerciaux repose sur l’aversion contre le risque (Clark, 1973 ; Hooper et Kohlhagen, 1978). Cependant, en relâchant certaines hypothèses qui sous-tendent cette théorie, des modèles théoriques ont montré que la volatilité peut être bénéfique au commerce international. Ainsi, les auteurs expliquent la faiblesse du lien négatif de plusieurs façons. En effet, les techniques de couverture permettent aux entreprises de réduire considérablement le risque de change (Viaene et de Vries, 1992) et la volatilité des taux de change peut créer des conditions propices à des échanges commerciaux et à des investissements rentables (Franke, 1991 ; De Grauwe, 1992).
14Un point important de la littérature récente sur le sujet a trait aux répercussions des unions monétaires sur le commerce bilatéral des pays membres. Rose (2000) trouve que l’utilisation par deux pays d’une monnaie unique accroît de plus de 300 % leurs échanges. En s’inspirant du modèle utilisé par Rose (2000), Frankel et Rose (2002) montrent que les pays ayant la même monnaie ont tendance à accroître les échanges commerciaux non seulement entre eux mais aussi avec les autres pays. Enfin, en passant en revue 34 études antérieures consacrées au sujet, Rose (2004) conclut que l’augmentation du volume du commerce bilatéral induite par l’adhésion à une union monétaire est significative et est comprise entre 30 % et 90 %.
15Plusieurs chercheurs se sont intéressés au rôle clé que le degré de développement du secteur financier pourrait jouer dans le choix du régime de change. Ainsi, ils considèrent souvent un secteur financier solide et bien développé comme une condition de l’adoption d’un régime de changes flottants, car ce type de régime s’accompagne généralement d’une volatilité accrue du taux de change nominal. Cette dernière peut nuire à l’économie réelle à moins que le secteur financier ne soit en mesure d’absorber les chocs de taux de change et ne mette à la disposition des agents économiques des instruments de couverture appropriés. Ainsi, Aizenman et Hausmann (2000) stipulent que les gains découlant de l’adoption d’un régime de changes fixes peuvent être supérieurs pour les économies émergentes que pour les pays industrialisés, à cause du degré de développement de leurs marchés financiers respectifs.
16Cependant, Chang et Velasco (2000) mettent en garde contre la conjonction d’un secteur financier sous-développé et d’un taux de change fixe. En effet, selon ces auteurs, l’adoption d’un régime fixe diminue la probabilité des déséquilibres de la balance des paiements mais augmente celle des crises bancaires. Par contraste, un régime de changes flottants peut aider à éviter ces crises, dans la mesure où les dépôts bancaires sont libellés dans la monnaie du pays et où la banque centrale est disposée à jouer le rôle de prêteur de dernier ressort.
Revue de la littérature empirique
17À la lumière de l’analyse théorique ci-dessus, nous pouvons constater que les effets produits par les régimes de change sont multiples voire contradictoires et l’impact final n’est pas évident à déterminer a priori. Le nombre des travaux empiriques consacrés à cette relation est limité et n’a augmenté de façon significative que très récemment. Dans une étude ancienne, Baxter et Stockman (1989) utilisent un échantillon de 49 pays pour comparer le comportement de quelques agrégats économiques clés (la production, la consommation, les échanges extérieurs et les taux de change réels) sur une période s’étalant de 1946 à 1986. Ces auteurs ne trouvent pas de différences systématiques dans le comportement de ces agrégats selon le régime de change appliqué. De même, l’étude de Mills et Wood (1993), fondée sur l’expérience du Royaume-Uni entre 1855 et 1990, s’achève sur le constat d’une absence d’influence du régime de change sur la croissance économique. Rose (1994) arrive aux mêmes conclusions en étudiant le cas de l’Allemagne entre 1960 et 1992.
18Dans une étude utilisant des données se rapportant à 136 pays couvrant la période allant de 1960 à 1989, Ghosh, Gulde, Ostry et Wolf (1997) trouvent que les pays ayant un régime de change fixe enregistrent une inflation plus faible et moins variable que les pays adoptant des régimes de changes flottants. Cependant, ils ne décèlent aucune différence systématique dans les taux de croissance et la variabilité de la production qui soit attribuable au régime de change. En utilisant les mêmes données et en prolongeant la période examinée jusqu’au milieu des années quatre-vingt-dix, une étude du FMI (1997) aboutit aux mêmes conclusions [4]. Plus récemment, Ghosh, Gulde et Wolf (2003) réexaminent l’effet des régimes de change sur l’inflation et sur la croissance économique en utilisant un échantillon de 165 pays couvrant la période 1973-1999. Comme pour l’étude précédente, ils concluent que les pays à régime fixe enregistrent une inflation plus faible que ceux adoptant un régime flexible et n’arrivent pas à trouver de relation significative entre régime de change et croissance économique.
19Les études empiriques analysées jusque-là sont basées sur la classification officielle des régimes de change publiée par le FMI. Or, ces travaux ne donnent pas de résultats robustes concernant l’impact du type de régime de change sur la croissance économique, ce qui a amené quelques chercheurs à utiliser d’autres classifications. Ainsi, à l’issue d’une analyse de 25 économies émergentes couvrant la période 1973-1998, et en utilisant leur propre classification, Bailliu, Lafrance et Perrault (2001) ont constaté que les régimes de changes flottants s’accompagnent d’une croissance économique plus rapide, mais seulement dans le cas des pays qui sont relativement ouverts aux flux de capitaux internationaux et, dans une moindre mesure, dans celui des pays dotés de marchés financiers bien développés. De même, en se servant de données annuelles concernant 183 pays couvrant la période 1974-2000, Levy-Yeyati et Sturzenegger (2003) ont noté que les régimes de change plus rigides sont associés à une croissance plus faible dans les économies en développement, et dans les économies industrialisées, le type de régime n’a pas d’effet sensible sur la croissance. Dans une étude plus récente, Rogoff, Husain, Mody, Brooks et Oomes (2003) analysent le comportement du PIB réel de 160 pays sur la période 1940-2001. Lorsque les auteurs considèrent tout l’échantillon, ils ne décèlent pas de relation robuste entre la flexibilité du taux de change et la croissance économique et ce, quelle que soit la typologie utilisée [5]. Cependant, lorsque les pays en développement sont pris séparément, les auteurs trouvent que la croissance est négativement reliée à la flexibilité du régime de change mais cet effet n’est pas statistiquement significatif. Pour les pays émergents, l’impact de la flexibilité sur la croissance est très ambigu. Concernant les pays développés, c’est le régime de change flottant pur qui est le meilleur en terme de performance de croissance. En outre, une rigidité croissante du taux change est associée à une croissance moindre.
20Très récemment, en se basant sur la typologie de Reinhart et Rogoff (2004), Husain, Mody, et Rogoff (2004) utilisent un échantillon de 158 pays couvrant la période 1970-1999 et concluent que, en termes de croissance, le choix d’un régime de change dépend essentiellement du niveau du développement économique. Ainsi, pour les pays en développement, la rigidité du régime de change est associée à une inflation moindre mais sans affecter la croissance. En régime de changes flexibles, ces pays affichent une inflation plus élevée mais ne bénéficient pas d’une meilleure croissance. Pour les pays développés, en revanche, les résultats de l’étude semblent suggérer qu’une plus grande flexibilité du taux de change est associée à une inflation moindre et une croissance économique plus élevée.
Typologie et évolution des régimes de change
Les typologies des régimes de change
21L’analyse empirique du lien entre régime de change et croissance économique a permis de soulever le problème de la classification des régimes de change. Ainsi, grâce à l’utilisation de nouvelles méthodes de classification autres que celle du FMI, un certain nombre d’auteurs ont réussi à déceler un impact significatif de la nature du régime de change sur la croissance. D’où, il est extrêmement utile de bien caractériser les régimes de change effectifs.
22Entre 1975 et 1998, le FMI a classé les pays en fonction de leur déclaration officielle. Ainsi, l’institution ne prend en compte que les régimes de jure. Elle en distingue quatre principaux : rattachement, flexibilité limitée, flottement géré et flottement pur. Cependant, les différences notables entre ce que les pays prétendaient faire et ce qu’ils faisaient en réalité ont conduit le FMI à abandonner son système de classification de jure pour prendre en compte les régimes de change adoptés implicitement par les membres (FMI, 1999, 2004). Pour ce faire, il utilise à la fois des analyses quantitatives et qualitatives, en complétant les informations disponibles sur la politique de change et la politique monétaire. Cette typologie officielle de facto [6] présente, elle aussi, quelques limites. D’une part, le manque de données historiques pour la période qui précède 1999 limite son utilité sur le plan empirique [7]. D’autre part, certains chercheurs ont pu déceler des écarts entre les régimes de change officiellement établis et les régimes effectivement suivis (Levy-Yeyati et Sturzenegger, 2002 ; Calvo et Reinhart, 2002).
23Pour combler ces lacunes, quelques auteurs ont proposé des classifications alternatives des régimes de change de facto basées essentiellement sur la flexibilité des taux de change. Parmi les classifications les plus utilisées dans la littérature empirique, nous pouvons citer celles de Levy-Yeyati et Sturzenegger (2002) et de Reinhart et Rogoff (2004). La classification établie par Levy-Yeyati et Sturzenegger (2002) repose sur une analyse statistique exhaustive des régimes suivis par l’ensemble des pays du monde. Ces auteurs considèrent l’évolution de trois variables : i) la volatilité du taux de change nominal mesurée par la moyenne des taux de variation mensuels du taux de change nominal pour une année donnée, ii) la volatilité de la variation du taux de change mesurée par l’écart-type des taux de variation mensuels du taux de change nominal et iii) la volatilité des réserves de change mesurée par la moyenne des taux de variation mensuels du ratio des réserves internationales à la base monétaire du mois précédent.
24Plus récemment, en introduisant une nouvelle classification, dite “naturelle”, Reinhart et Rogoff (2004) ont amélioré les méthodes existantes sur deux points : en utilisant les taux de change sur les marchés parallèles, pour les pays où il existait un double marché des changes, et en utilisant une classification mensuelle. En outre, ils introduisent dans leur classification une nouvelle catégorie de régime, dite de “chute libre” (freely falling) qui caractérise les pays à forte inflation (plus de 40 % l’an). Cette catégorie était auparavant regroupée à tort avec les régimes de changes flottants, ce qui contribuait à surestimer le biais inflationniste des changes flottants.
25Dans une autre perspective, certains auteurs (Laidler, 1999 ; Dehejia et Rowe, 1999 ; Dehejia, 2003) sont d’avis que la typologie classique en trois volets, qui établit une distinction entre régime de changes fixes, régime intermédiaire et régime de changes flottants présente la particularité que deux des catégories (régime intermédiaire et changes flottants) caractérisent uniquement le régime de change, alors que la troisième (changes fixes) décrit à la fois le régime de change et le cadre de conduite de la politique monétaire, puisque le taux de change est alors l’objectif de la politique monétaire. Négliger cette particularité risque de fausser l’évaluation des effets qu’ont les différents régimes de change sur les résultats macroéconomiques. Dans ce contexte, Laidler (1999, 2002) stipule que le taux de change flottant ne suffit pas à lui seul pour assurer la cohérence du régime monétaire. Un point d’ancrage nominal, tel qu’une cible d’inflation à moyen terme, est nécessaire pour ancrer les attentes d’inflation ou la politique monétaire [8]. En s’appuyant sur cette affirmation, Bailliu, Lafrance et Perrault (2002) mettent en place une règle mécanique hybride (RMH) qui tient compte du cadre de la politique monétaire [9] et qui distingue cinq catégories de régimes : régime de changes fixes, régime intermédiaire avec un ancrage nominal, régime intermédiaire sans ancrage nominal, régime flexible avec un ancrage nominal et régime flexible sans ancrage nominal. Cette règle a aussi la particularité de tenir compte des chocs externes et des réévaluations [10]. Pour une année donnée, la volatilité du taux de change est mesurée par l’écart-type des taux de variation mensuels du taux de change nominal par rapport au dollar américain. Contrairement à l’approche de Calvo et Reinhart (2004), la règle mécanique hybride identifie les régimes intermédiaire et flexible sans prendre en compte la variabilité des réserves internationales.
26Enfin, étant donné les avantages et les inconvénients des différentes typologies des régimes de change (tableau 1), certains auteurs préconisent de les utiliser simultanément pour mieux comprendre les effets des régimes de change.
Caractéristiques des principales typologies de facto utilisées dans la littérature
Caractéristiques des principales typologies de facto utilisées dans la littérature
Faits stylisés sur l’évolution des régimes de change
27Dans la littérature traitant du choix du régime de change, trois faits stylisés ont été mis en lumière sur l’évolution des régimes de change depuis l’effondrement du système de Bretton Woods : i) la prédominance des régimes de change flottants, ii) les solutions en coin ou bipolarisme et iii) la peur du flottement (fear of floating).
La prédominance des régimes de change flottants
28Au cours de ces trente dernières années, l’évolution des systèmes de change a profondément modifié la répartition des différents régimes. Selon une étude du FMI (1997) [11], après l’effondrement du système de Bretton Woods, on a assisté à l’adoption généralisée des régimes de change flottants par les pays développés alors que la plupart des pays en développement ont continué, dans un premier temps, d’ancrer leurs monnaies à l’une des principales devises ou à un panier de monnaies. Cependant, à partir de la fin des années soixante-dix, un certain nombre des pays en développement ont abandonné ce régime de change fixe. La même étude constate que le mouvement en faveur des régimes de change flexibles a concerné toutes les régions du monde. En revanche, en utilisant leur propre méthode de classification, Levy-Yeyati et Sturzenegger (2002) trouvent que l’évolution des régimes de change est plus stable que celle trouvée par le FMI (1997). Plus spécifiquement, Levy-Yeyati et Sturzenegger (2002) constatent une certaine stabilité dans l’adoption des régimes de change fixes durant les années quatre-vingt-dix. Ceci remet en cause le point de vue selon lequel une plus grande mobilité des capitaux a provoqué l’abandon progressif des régimes de change fixes.
Hypothèse bipolaire
29Les partisans de l’hypothèse bipolaire (Obstfeld et Rogoff, 1995 ; Eichengreen, 1998) stipulent que les pays dont les marchés financiers sont intégrés aux marchés mondiaux, ou sont en voie de l’être, ne pourront conserver des régimes intermédiaires et seront forcés de choisir l’un des deux pôles : soit un régime à parité fixe rigide (comme les caisses d’émission ou les unions monétaires), soit le flottement libre. Selon Fisher (2001), vu la succession de crises monétaires depuis le début des années soixante-dix, les régimes intermédiaires ne se sont pas révélés viables à long terme, en particulier dans les pays intégrés ou en voie d’intégration aux marchés financiers internationaux. Ce point de vue rejoint la thèse de l’“impossible trinité”, selon laquelle un pays ne peut poursuivre que deux des trois objectifs suivants : la fixité du taux de change, l’indépendance de la politique monétaire et l’intégration aux marchés financiers internationaux. Cependant, d’autres auteurs ne partagent pas leur point de vue. Williamson (2000) et Masson (2000), par exemple, estiment que les régimes intermédiaires constituent une option viable pour les marchés émergents et qu’ils le resteront.
La peur du flottement
30Selon l’hypothèse bipolaire, la plupart des pays ont tendance à opter pour l’un des deux pôles de l’éventail des régimes de change, à savoir la parité fixe rigide ou le flottement libre. Cependant, selon certains observateurs, très peu de pays, aussi bien industrialisés qu’émergents, laissent vraiment leurs monnaies flotter librement. Ces pays interviennent couramment afin de stabiliser le cours de leur monnaie et semblent être prêts à sacrifier d’autres objectifs intérieurs, comme la stabilité des prix et de l’emploi, pour défendre un taux de change particulier. Ce phénomène est appelé “peur du flottement”. Ainsi, dans une étude récente, Calvo et Reinhart (2002) analysent le comportement des taux de change, des réserves de change, des agrégats monétaires et des taux d’intérêt selon les divers régimes de change adoptés afin de vérifier si les déclarations officielles représentent fidèlement les pratiques effectives des pays. Ces auteurs constatent que la plupart des pays qui déclarent laisser flotter leur monnaie font l’opposé. Le phénomène de peur du flottement semble être très répandu.
31Dans le cadre du présent travail de recherche, et avant toute estimation des effets des régimes de change sur la croissance économique, les pays retenus ont été classés suivant deux méthodes de classification (annexe 1) : la typologie officielle du FMI et celle de la RMH de Bailliu, Lafrance et Perrault (annexe 3). L’observation de la distribution des régimes de change de ces pays a permis de dégager quelques remarques. L’étude de l’évolution des régimes de changes selon la RMH et pour tout l’échantillon (graphique 1) ne permet pas de déceler une tendance générale à l’adoption des régimes de change flexibles et indiquerait plutôt que de plus en plus de pays choisissent des régimes intermédiaires. Ceci est conforme à la conclusion de Masson (2000) et Williamson (2000), selon laquelle les régimes de change intermédiaires ne sont pas en voie de disparition et devraient continuer à constituer une proportion appréciable de l’ensemble des régimes de change. En d’autres termes, l’hypothèse bipolaire n’est pas valide.
Évolution des régimes de change pour les 53 pays de l’échantillon
Évolution des régimes de change pour les 53 pays de l’échantillon
32C’est seulement le groupe des pays développés qui montre une tendance à l’adoption des régimes de changes flottants (graphiques 2, 3 et 4).
Évolution des régimes de change pour les pays en développement
Évolution des régimes de change pour les pays en développement
Évolution des régimes de change pour les pays émergents
Évolution des régimes de change pour les pays émergents
Évolution des régimes de change pour les pays développés
Évolution des régimes de change pour les pays développés
33En analysant la distribution des régimes de change pour tout l’échantillon, nous pouvons déceler des divergences systématiques entre les deux typologies utilisées (tableau 2). Plus spécifiquement, nous obtenons un nombre de régimes de change flottants moindre avec la RMH qu’avec la typologie officielle (39 contre 79). Cette divergence apparaît plus claire si l’on tient compte des pays émergents ou des pays en développement pris séparément. Ceci étaye la thèse de la peur du flottement analysée par Calvo et Reinhart (2002).
Nombre d’observations pour chaque catégorie de régime de change, pour chaque groupe de pays et pour chaque typologie
Nombre d’observations pour chaque catégorie de régime de change, pour chaque groupe de pays et pour chaque typologie
Un essai d’investigation empirique
34Comme nous l’avons mentionné précédemment, le régime de change peut affecter la croissance économique à moyen terme. Cependant, les prédictions fournies par les recherches théoriques consacrées à la question sont très ambiguës. D’autre part, la revue de la littérature empirique sur le sujet a soulevé l’épineux problème de la classification des régimes de change. En effet, nous avons constaté que la nature de la relation potentielle entre le régime de change et la croissance était très sensible à la typologie adoptée. Dans une autre perspective, quelques auteurs, tel Laidler (1999), ont suggéré de tenir compte de la politique monétaire accompagnant le régime de change pour mieux apprécier l’impact de celui-ci sur les performances réelles de l’économie. Ils insistent très particulièrement sur l’importance de l’ancrage nominal adopté par la banque centrale.
35À la lumière de toutes ces considérations, il est intéressant de voir dans quelle mesure la nature du régime de change et le cadre de conduite de la politique monétaire peuvent importer en matière de croissance économique. Pour ce faire, nous présentons d’abord la spécification générale du modèle et la définition des variables utilisées. Puis nous donnons une description de la méthode d’estimation et les résultats des estimations économétriques.
Spécification générale du modèle et définition des variables
36De la littérature empirique récente sur la croissance, émerge le consensus selon lequel les variables explicatives du taux de croissance d’un pays donné sont la combinaison des moyennes temporelles des flux et des variables de stock de début de période. Ainsi, le modèle de croissance peut être représenté comme suit :
38Avec :
39GRt : le taux de croissance économique de la période t,
40VFt : les variables des flux,
41VSt : les variables de stocks.
42Cette spécification générale est conforme aux prédictions tant de la théorie néoclassique que de celle de la croissance endogène. En effet, selon la théorie néoclassique, les variables de stocks rendent compte de la position initiale de l’économie, alors que les variables de flux captent les différences des niveaux stationnaires du taux de croissance à travers les pays. Selon la théorie de la croissance endogène, une économie est supposée être toujours dans son état stationnaire et les variables explicatives captent alors les divergences entre les niveaux stationnaires de croissance des différents pays. Ainsi, cette spécification peut être utilisée soit pour expliquer les écarts des niveaux transitoires du taux de croissance des différents pays lorsque ceux-ci convergent vers leur état stationnaire (conformément à la théorie néoclassique), soit pour déterminer les causes des écarts des niveaux stationnaires du taux de croissance de ces pays (conformément à la théorie endogène de croissance).
43Le cadre général de la littérature représenté par l’équation (1) forme la base de notre spécification économétrique :
45Avec :
46GRi,t : le taux de croissance à moyen terme du PIB réel par habitant du pays i à la période t,
47?i : l’effet propre au pays i,
48?t : une variable muette de temps,
49Vi,t : un vecteur ligne des déterminants de la croissance définis au début de la période t,
50Xi,t : un vecteur ligne des déterminants de la croissance définis par des moyennes établies sur la période t,
51?i,t : le terme d’erreur.
52Nous avons choisi des périodes de cinq ans, fréquemment retenues par les études empiriques sur la croissance, car il est généralement admis qu’une telle période est suffisamment longue pour éliminer les effets des cycles économiques mais suffisamment courte pour tenir compte des changements importants survenant dans un pays donné.
53L’effet propre au pays (?i) vise à saisir l’incidence des déterminants du taux de croissance du pays qui n’est pas déjà prise en compte par les autres variables explicatives. Il représente les facteurs non observables qui varient selon les pays mais pas selon les périodes. L’effet propre au pays peut être fixe (c’est-à-dire une constante qui varie selon les pays) ou aléatoire (c’est-à-dire une variable aléatoire tirée d’une distribution commune de moyenne et de variance).
54La variable muette de temps (?t) est censée prendre en compte les répercussions des chocs mondiaux (chocs pétroliers des années soixante-dix, crise de l’endettement des années quatre-vingt ou crises de change des années quatre-vingt-dix) sur la croissance économique.
55Outre les effets propres aux pays étudiés et les chocs mondiaux, il est important de saisir l’incidence des autres déterminants du taux de croissance pour faire en sorte que le coefficient estimé de la variable relative au régime de change mesure seulement l’effet de cette variable sur la croissance, et non pas ceux d’autres variables [12]. Des études antérieures nous ont guidés dans le choix des variables appropriées [13]. Deux des variables sont définies au début de chaque période et représentent ainsi les conditions de départ d’un modèle de croissance néoclassique. La première de ces variables est le revenu par habitant (en logarithme naturel). Le coefficient du revenu par habitant représente l’effet de convergence, qui serait négatif selon la théorie néoclassique [14]. D’après la théorie de la croissance endogène, par contre, ce coefficient serait égal à zéro, l’effet de convergence étant nul et les économies ne s’écartant pas de leur régime permanent de croissance. La seconde variable est une mesure du stock de capital humain. Les deux théories prédisent que le coefficient du stock de capital humain devrait être positif, car les pays mieux dotés en capital humain devraient jouir d’une croissance plus élevée. En se basant sur l’étude de Barro (1991), nous utilisons le nombre moyen d’années de scolarité de niveau secondaire de la population âgée de 25 ans ou plus comme approximation du stock de capital humain.
56Les autres variables de contrôle sont définies par des moyennes établies sur des intervalles de cinq ans et comprennent la part des dépenses d’investissement réelles dans le PIB, celle des dépenses de consommation réelles du secteur public, des mesures du degré d’ouverture au commerce et aux flux de capitaux internationaux, de même qu’une mesure du degré de développement du secteur financier. Le signe attendu du coefficient de la part des investissements dans le PIB est positif, car l’accumulation du capital est censée favoriser la croissance du PIB réel par habitant. Comme Barro et Sala-i-Martin (1995) l’ont souligné, la variable relative à la consommation du secteur public vise à représenter les dépenses publiques qui n’influent pas directement sur la productivité mais qui peuvent fausser les décisions du secteur privé. Le coefficient de cette variable serait donc négatif. Enfin, comme l’indique la théorie, les effets attendus des échanges extérieurs, des flux de capitaux internationaux et du degré de développement du secteur financier sur la croissance sont tous positifs [15]. Pour mesurer ces variables, nous faisons appel respectivement au ratio de la somme des importations et des exportations au PIB, au ratio des flux bruts des capitaux privés au PIB et au ratio du crédit au secteur privé au PIB [16].
57Outre ces variables explicatives, l’équation comprend une variable muette pour représenter le type de régime de change, variable qui nous intéresse le plus [17]. Ainsi, nous utilisons deux méthodes de classification pour les régimes de change : la typologie officielle du FMI et la règle mécanique hybride (RMH) de Bailliu, Lafrance et Perrault (annexe 3). Ces deux typologies s’appuient sur une classification à cinq catégories : régime de change fixe, régime intermédiaire avec un ancrage nominal, régime intermédiaire sans ancrage nominal, régime flexible avec un ancrage nominal et régime flexible sans ancrage nominal. Ainsi, ces deux typologies se distinguent des autres classifications par la prise en compte des divers cadres de politique monétaire accompagnant les régimes de change.
Méthodes d’estimation économétrique du modèle
58Le modèle de croissance sous sa forme standard (sans préciser si l’effet spécifique est fixe ou aléatoire) s’écrit comme suit :
60i = 1, …, N ; t = 1, …, T
61Le modèle spécifié dans l’équation (3) pose plusieurs problèmes d’estimation si l’on recourt aux estimateurs classiques. Par exemple, on a montré que l’estimateur par les moindres carrés ordinaires (MCO) est biaisé étant donné l’inclusion de la variable dépendante retardée et est non convergent, quelles que soient les propriétés de ?it (Baltagi, 1995). En outre, sous l’hypothèse des effets aléatoires, l’estimateur par les moindres carrés généralisés (MCG) est également biaisé (Sevestre et Trognon, 1992), ce qui a amené Anderson et Hsiao (1981) à proposer l’utilisation des différences premières de yit ou de valeurs retardées de deux périodes pour formuler des variables instrumentales. Cependant, leur estimateur, quoique convergent, s’est avéré inefficace, ce qui a incité Arellano et Bond (1991) à élaborer une méthode généralisée des moments exploitant toutes les conditions d’orthogonalité qui existent entre la variable retardée endogène et le terme d’erreur. Ainsi, aux côtés de yi,t–2, toutes les variables endogènes retardées d’un ordre supérieur à deux sont des instruments valides pour l’équation en différences premières.
62Leur estimateur à deux étapes suppose dans un premier temps que les termes d’erreur soient indépendants et homoscédastiques entre les individus et dans le temps. La deuxième étape utilise les résidus obtenus pour construire une estimation consistante de la matrice des variances-covariances et ainsi relâcher les hypothèses précédentes. Cette méthode à deux étapes autorise donc la prise en compte de l’hétéroscédasticité entre individus, l’autocorrélation des termes d’erreur et les biais de simultanéité et d’erreurs de mesure. La consistance de l’estimateur GMM de Arenallo et Bond 1991 repose sur les hypothèses qu’il n’y a pas d’auto-corrélation d’ordre 2 dans les erreurs de l’équation en différences premières et que les instruments sont valides. Ils suggèrent, à cet égard, deux tests dont le rejet de l’hypothèse nulle permet de confirmer la spécification du modèle : un test de l’autocorrélation des résidus d’ordre 2 et un test de Sargan de la sur-identification des restrictions sur les moments.
Résultats des estimations et interprétations économiques
63Nous menons notre étude sur un échantillon de 53 pays et sur une période allant de 1973 jusqu’en 1998. Dans un premier temps nous effectuons des estimations pour l’échantillon dans sa totalité. Par la suite nous partageons cet échantillon en trois sous-groupes, le premier regroupant 20 pays développés, le deuxième 20 pays émergents et le troisième 13 pays en développement et nous utilisons les mêmes régressions (annexe 1). Pour nos estimations, nous adopterons la démarche d’Arellano et Bond (1991) pour se prémunir contre les biais qui résultent de l’introduction de la variable dépendante retardée parmi les variables explicatives de la régression de croissance.
64Nous pouvons récrire l’équation (2) de la façon suivante :
66où yi,t représente le PIB réel par habitant (en logarithme népérien) du pays i et pour la période t. Les indices du temps sont modifiés de telle sorte que Vi,t–? soit un vecteur ligne des déterminants de la croissance mesurés au début de la période (t – ?, t) et que Xi,t–? soit un vecteur ligne des déterminants définis par des moyennes établies sur la période (t – ?, t – 1), avec ? =5.
67Nous pouvons récrire l’équation (4) comme suit :
69où ? =1 + ?. Ainsi, la variable dépendante retardée dans l’équation (5) est corrélée avec les effets spécifiques propres au pays (c’est-à-dire E(?iyt–?) ?0). Pour corriger les biais d’estimation introduits par la corrélation entre la variable endogène retardée et l’effet spécifique individuel, l’équation (5) est transformée en prenant les différences premières, en ignorant pour le moment les variables muettes de temps :
71Dans le cadre de l’estimation des GMM, trois hypothèses sont formulées sur les restrictions de moments pour générer des estimateurs efficients :
72H1 : les termes d’erreur ne sont pas autocorrélés,
73H2 : les variables de stocks sont prédéterminées, c’est-à-dire E(Vit?is) ? 0 si s ? tet 0 sinon. Ainsi, les variables de stock retardées d’une période et plus sont des instruments valides.
74H3 : les variables de flux (dont celles relatives au type du régime de change) sont faiblement exogènes :
75E(Xit?is) ? 0 si s ? t + 1 et 0 sinon.
76Ainsi, les variables de flux retardées de deux périodes et plus sont des instruments valides.
77L’objet de l’étude est de tester diverses hypothèses concernant le lien entre régime de change et croissance. Nous avons cherché à déterminer si le type de régime de change influe sur la croissance économique. Le signe du coefficient associé au régime de change reste toutefois indéterminé comme nous l’avons montré plus haut. Nous tentons maintenant d’établir si le régime de change assorti d’ancrage nominal importe en matière de croissance. Le coefficient attendu serait positif [18].
78Le tableau 3 regroupe les résultats des estimations pour l’échantillon dans sa totalité pour diverses spécifications et selon les deux méthodes de classification des régimes de change. La première observation concerne les spécifications du modèle. Aucune des spécifications testées n’est rejetée par le test de sur-identification de Sargan ni par le test de corrélation d’ordre 2. Nous acceptons donc la validité de tous les instruments utilisés. Ce tableau indique que la plupart des coefficients des variables explicatives autres que les variables relatives au régime de change sont statistiquement significatifs et du signe prévu par la théorie. En effet, le coefficient du PIB réel par habitant initial est négatif tandis que ceux du capital humain, de l’ouverture au commerce international et des flux privés sont positifs. Le coefficient des dépenses publiques est négatif et statistiquement significatif au seuil de 10 %. Par contre, les coefficients représentant l’investissement et le développement financier ne sont pas statistiquement significatifs. Cela peut paraître surprenant si nous tenons compte des résultats des principaux travaux empiriques sur la question. Toutefois, dans une étude sur des données (définies par des moyennes établies sur quatre ans) couvrant 138 pays et la période 1965-1995, Easterly (2001) remet en cause la perception générale selon laquelle une accumulation plus grande dope la croissance économique. Cet auteur trouve que l’augmentation de l’investissement ne constitue pas une condition nécessaire et suffisante pour favoriser la croissance sur le court et le moyen terme.
79Les tableaux 3a et 3b montrent les résultats d’estimation des spécifications qui ont servi à tester la première hypothèse. Ainsi, dans le tableau 3a, les résultats sont fondés sur une classification traditionnelle à trois volets (fixe, intermédiaire et flexible) et pour chaque spécification, nous présentons les résultats selon les deux méthodes de classification des régimes de change. En ce qui concerne la classification officielle, les régressions 1 et 3 indiquent que tous les coefficients des variables muettes relatifs au régime de change ne sont pas statistiquement significatifs, abstraction faite du type de régime de change considéré comme omis. Pour la classification par la RMH, les coefficients de ces variables sont pour la plupart significatifs mais ils ne sont robustes ni au changement de spécification ni au changement de la méthode de classification.
80Le tableau 3b montre les résultats d’estimation selon la typologie à cinq catégories qui distingue les régimes intermédiaires et flexibles en présence d’ancrage nominal de la politique monétaire. La régression 5 révèle que, pour la classification officielle, les coefficients relatifs au type du régime de change demeurent non significatifs. Cependant, pour la classification par la RMH, les coefficients de la variable relative au régime de change fixe et de celle relative au régime de change intermédiaire sans ancrage nominal sont statistiquement significatifs et robustes au changement de spécification : le premier est positif alors que le deuxième est négatif. Tous les autres coefficients relatifs aux différents régimes de change ne sont pas statistiquement significatifs.
81Les résultats donnés par les tableaux 3a et 3b suggèrent que le régime de change fixe est lié positivement à la croissance alors que le régime de change intermédiaire sans ancrage nominal réduit la croissance. Tous les autres régimes de change n’ont pas d’effet clair sur la croissance. Cependant, ces résultats ne sont pas robustes au changement de la méthode de classification, étant donné qu’ils ne sont valides que pour la RMH. Ainsi, notre première hypothèse selon laquelle le type du régime de change a un impact sur la croissance n’est pas validée.
82Ces résultats peuvent être influencés par la nature de la distribution des observations à travers les pays. En effet, le tableau 2 montre qu’environ la moitié des observations de l’échantillon est caractérisée par un régime de change fixe, abstraction faite de la méthode de classification utilisée. Ce problème apparaît plus clairement lorsqu’on considère la classification à cinq catégories. Pour combler cette lacune, nous estimons les régressions en regroupant les régimes de change intermédiaires et flexibles ensemble et en tenant compte de la présence d’ancrage nominal. Cette procédure permet de distinguer les régimes de change fixes des régimes “plus flexibles” (c’est-à-dire les régimes intermédiaires et flexibles). À l’intérieur de la catégorie des régimes “plus flexibles”, nous pouvons distinguer les régimes avec ancrage de ceux sans ancrage. Autrement dit, cette procédure peut être considérée comme une tentative de classer les régimes monétaires selon qu’ils sont assortis d’ancrage sur le taux de change, d’ancrage domestique ou sans ancrage. Les résultats obtenus sont reportés dans le tableau 3c. Au total, nous constatons que pour la classification officielle c’est seulement le coefficient relatif au régime de change intermédiaire avec ancrage qui est statistiquement significatif. Toutefois, il n’est pas robuste au changement de spécification. Pour la classification par la RMH, les régimes de change assortis d’ancrage semblent être liés positivement à la croissance économique alors que les régimes sans ancrage nominal ont un impact négatif sur la croissance. Les coefficients de ces deux catégories de régimes de change sont statistiquement significatifs mais ne sont pas robustes au changement de la méthode de classification. En outre, statistiquement, le coefficient relatif au régime de change fixe continue à être positivement significatif et robuste au changement de classification.
83Ces résultats montrent que la politique d’ancrage monétaire pourrait importer en matière de croissance. Pour vérifier notre deuxième hypothèse, nous estimons le coefficient de la variable muette relative à la présence d’ancrage monétaire. Les résultats sont décrits dans le tableau 3d. Nous constatons que ce coefficient est statistiquement et positivement significatif et robuste au changement de la méthode de classification utilisée. Ainsi, l’hypothèse en vertu de laquelle un régime de change assorti d’un ancrage nominal affecte la croissance économique est validée. Ce résultat étaye l’affirmation de Laidler (1999, 2002) selon laquelle on aurait tort d’examiner les mérites respectifs de différents régimes de change sans tenir compte des autres aspects du régime monétaire. D’après cet auteur, pour qu’un régime monétaire soit cohérent, il doit répondre à trois critères : i) la banque centrale doit avoir un objectif bien défini en matière de politique monétaire ; ii) elle doit être en mesure de le réaliser ; iii) cet objectif doit servir de point d’ancrage aux attentes du secteur privé.
Résultats des estimations
Variable dépendante : taux de croissance du PIB réel par habitant (échantillon total)
Variable dépendante : taux de croissance du PIB réel par habitant (échantillon total)
Variable dépendante : taux de croissance du PIB réel par habitant (échantillon total)
Variable dépendante : taux de croissance du PIB réel par habitant (échantillon total)
Variable dépendante : taux de croissance du PIB réel par habitant (échantillon total)
Variable dépendante : taux de croissance du PIB réel par habitant (échantillon total)
Variable dépendante : taux de croissance du PIB réel par habitant (échantillon total)
Variable dépendante : taux de croissance du PIB réel par habitant (échantillon total)
Résultats des estimations
84Les résultats de l’analyse par groupes de pays sont présentés dans les tableaux 4 et 5. En ce qui concerne les variables de contrôle, ces tableaux offrent des résultats peu différents de ceux obtenus à partir de l’échantillon total. En effet, si l’on s’intéresse aux pays en développement et aux pays émergents, nous constatons que le PIB initial, le capital humain, les dépenses publiques et le taux d’ouverture au commerce et aux flux des capitaux sont significatifs avec le signe attendu alors que le taux d’investissement et le crédit au secteur privé ne semblent pas avoir d’impact sur la croissance. En revanche, les régressions concernant les pays développés suggèrent que le crédit au secteur privé peut agir de façon significative sur la croissance économique.
85Le tableau 4 montre les résultats des régressions qui ont servi à tester la première hypothèse et ce, pour chacun des trois sous-échantillons de l’étude. Pour chaque spécification et pour chaque typologie, les résultats sont présentés selon une classification des régimes de change à trois volets (fixe, intermédiaire et flexible). Ils confirment l’absence de relation claire entre le type de régime de change et la croissance économique aussi bien pour les pays émergents que pour les pays développés. Ainsi, les régressions 18 à 25 montrent que la plupart des coefficients relatifs au régime de change ne sont pas statistiquement significatifs. En revanche, à partir des régressions relatives aux pays en développement, on observe que le régime de change fixe exerce un effet positif et significatif sur la croissance économique de ces pays.
Résultats des estimations
Résultats des estimations
86Enfin, pour vérifier la deuxième hypothèse pour chaque groupe de pays, nous avons effectué des régressions en prenant en compte la variable muette relative à la présence d’un ancrage nominal. Les résultats sont reportés dans le tableau 5. Le coefficient de cette variable est positif, fortement robuste et significatif pour les économies émergentes comme pour celles en voie de développement. Pour les pays développés, ce coefficient est positif mais n’est pas significatif. Ceci suggère que les pays émergents et ceux en développement ont plus intérêt à adopter un ancrage nominal que les pays développés. En raison de l’accumulation des erreurs de politique économique dans le passé, un point d’ancrage nominal, et en particulier un ciblage de l’inflation, peuvent profiter à ces pays en renforçant la crédibilité de leur politique monétaire tout en les poussant à approfondir les réformes (Croce et Khan, 2000). En outre, selon la théorie économique, le gain de crédibilité généré par l’adoption d’une politique de change axée sur un ancrage nominal devrait favoriser la croissance économique [19].
Résultats des estimations
Résultats des estimations
87Par ailleurs, ces résultats, qui montrent l’aspect crucial d’une politique monétaire solide, sont compatibles avec la littérature empirique traitant de la relation entre l’inflation et la croissance. En effet, cette littérature suggère que l’inflation exerce une influence négative sur la croissance dès qu’elle dépasse un certain seuil. Khan et Shenhadji (2000) ont estimé ce niveau de seuil en utilisant des données couvrant 140 pays sur la période 1960-1998. Ils trouvent que l’inflation ralentit la croissance au-dessus du niveau seuil de 1 à 3 % pour les pays industrialisés et de 11 à 12 % pour les pays en développement.
Conclusion
88Cet article analyse la relation entre les régimes de change et la croissance économique. Après avoir présenté une synthèse de l’état de la littérature théorique et empirique, il a examiné les différentes méthodes de classification des régimes de change servant de cadre opératoire aux études empiriques consacrées à la question. Pour vérifier d’une part l’hypothèse selon laquelle le type de régime de change affecte la croissance économique et d’autre part celle voulant qu’un point d’ancrage nominal accompagnant le régime de change affecte positivement celle-ci, nous considérons un modèle de croissance que nous augmentons pour tenir compte de l’effet du régime de change.
89Les résultats obtenus sur un échantillon de 53 pays pour une période allant de 1973 à 1998 ont permis de tirer l’enseignement suivant : la présence d’un cadre de politique monétaire solide, plutôt que le régime en soi, constitue un facteur déterminant de la performance économique des pays émergents et ceux en développement. Cette conclusion corrobore le point de vue de Laidler (1999, 2002) qui insiste sur l’importance de l’ancrage nominal adopté par la banque centrale pour mieux apprécier l’impact des régimes de change sur les résultats macroéconomiques. En revanche, ce résultat ne semble pas être vérifié pour les pays développés. Notons ici que, dans le cadre de la politique de change, d’autres facteurs, tels que les désajustements monétaires, peuvent jouer un rôle important en matière de performance économique. En effet, certains pays de l’échantillon, comme le Japon ou la Corée de sud, ont connu des périodes de sous-évaluation qui ont contribué à soutenir la croissance [20].
90Il convient, cependant, d’émettre quelques restrictions à ces conclusions. En premier lieu, il serait intéressant d’agrandir la taille de l’échantillon en cherchant à intégrer un plus grand nombre de pays en développement. En effet, il est probable que le sous-échantillon des pays en développement est sous-représenté. Le problème est que les informations relatives aux variables concernant l’ancrage monétaire sont très difficiles à obtenir, ce qui a contraint à retirer de l’échantillon un nombre non négligeable de pays. En deuxième lieu, il faut évoquer le problème posé par la mesure des variables qui découle de l’emploi de moyennes par périodes de cinq ans. Certes, ce type de découpage élimine l’effet des cycles économiques, néanmoins, il peut entraîner une perte d’information ce qui est susceptible d’affecter les résultats obtenus.
91Il est très difficile à l’heure actuelle de se prononcer en faveur d’un régime de change plutôt qu’un autre. Au vu des résultats obtenus dans le cadre de ce travail, la prise en compte du cadre de politique monétaire accompagnant le régime de change devrait aider à élaborer de meilleurs conseils en matière de politique de change, conseils dont les autorités monétaires nationales ont grand besoin.
92Date de réception de l’article : 21 janvier 2005
93Date d’acceptation pour publication : 18 novembre 2005
94C. A. & H. S.
Liste des pays
Liste des pays retenus dans l’échantillon
Liste des pays retenus dans l’échantillon
Liste des pays par groupes
Liste des pays par groupes
Source et définition des variables
Variable dépendante
95Taux de croissance du PIB réel par habitant – moyenne établie sur cinq ans (à partir des données sur le PIB réel par habitant extraites du CD ROM Indicateurs du développement dans le monde, 2003, de la Banque mondiale).
Variables explicatives
962. PIB réel par habitant au début de chaque période de cinq ans (calculé à partir des données sur le PIB réel par habitant extraites du CD ROM Indicateurs du développement dans le monde de la Banque mondiale).
973. Ratio des dépenses d’investissement réelles au PIB réel – moyenne établie sur cinq ans (à partir des données sur les dépenses d’investissement réelles et le PIB réel extraites du CD ROM de la Banque mondiale)
984. Nombre moyen d’années de scolarité de niveau secondaire de la population âgée d’au moins 25 ans au début de chaque période de cinq ans (données de Barro et Lee, 1993, sur le niveau de scolarité).
995. Ratio des dépenses publiques réelles au PIB réel – moyenne établie sur cinq ans (à partir des données sur la consommation réelle du secteur public et le PIB réel extraites du CD ROM de la Banque mondiale).
1006. Ratio de la somme des exportations et des importations réelles au PIB réel – moyenne établie sur cinq ans (à partir des données sur les exportations, les importations et le PIB réels extraites du CD ROM de la Banque mondiale).
1017. Ratio crédit au secteur privé/PIB – moyenne sur cinq ans (données extraites du CD ROM de la Banque mondiale).
1028. Ratio des flux bruts de capitaux privés au PIB – moyenne sur cinq ans (données extraites du CD ROM de la Banque mondiale).
1039. Variable muette relative au régime de change : les données concernant les cours de change mensuels des différents pays sont extraites du International Financial Statistics (IFS) du FMI. Les données concernant le cadre de la politique monétaire sont extraites de l’article de Cottarelli et Giannini (1997) et ce, pour la période (1970-1994). Pour les années suivantes les données sont extraites du IFS.
Classification des régimes de change selon la typologie officielle et celle de Bailliu, Lafrance et Perrault (2002)
Statistiques descriptives
Statistiques descriptives (échantillon total)
Statistiques descriptives (échantillon total)
Moyenne des variables selon le type de régime de change et le cadre de la politique monétaire (échantillon total)
Moyenne des variables selon le type de régime de change et le cadre de la politique monétaire (échantillon total)
Moyenne des variables selon le type de régime de change et le cadre de la politique monétaire (échantillon total)
Moyenne des variables selon le type de régime de change et le cadre de la politique monétaire (échantillon total)
Statistiques descriptives (pays développés)
Statistiques descriptives (pays développés)
Moyenne des variables selon le type de régime de change et le cadre de la politique monétaire (pays développés)
Moyenne des variables selon le type de régime de change et le cadre de la politique monétaire (pays développés)
Moyenne des variables selon le type de régime de change et le cadre de la politique monétaire (pays développés)
Moyenne des variables selon le type de régime de change et le cadre de la politique monétaire (pays développés)
Statistiques descriptives (pays émergents)
Statistiques descriptives (pays émergents)
Moyenne des variables selon le type de régime de change et le cadre de la politique monétaire (pays émergents)
Moyenne des variables selon le type de régime de change et le cadre de la politique monétaire (pays émergents)
Moyenne des variables selon le type de régime de change et le cadre de la politique monétaire (pays émergents)
Moyenne des variables selon le type de régime de change et le cadre de la politique monétaire (pays émergents)
Statistiques descriptives (pays en développement)
Statistiques descriptives (pays en développement)
Moyenne des variables selon le type de régime de change et le cadre de la politique monétaire (pays en développement)
Moyenne des variables selon le type de régime de change et le cadre de la politique monétaire (pays en développement)
Moyenne des variables selon le type de régime de change et le cadre de la politique monétaire (pays en développement)
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Bibliographie
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Mots-clés éditeurs : régime de change, taux de change, cadre de politique monétaire, croissance économique
Mise en ligne 01/03/2007
https://doi.org/10.3917/ecoi.104.0097Notes
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[1]
Auteur correspondant : Chaker Aloui, Docteur en Finance internationale, enseignant à la Faculté des Sciences Économiques et de Gestion de Tunis, Université Tunis-El Manar et directeur de l’unité de recherche Ifgt (International Finance Group) (chaker. aloui@ fsegt. rnu. tn).
Haïthem Sassi, Doctorant en Finance internationale à la Faculté des Sciences Économiques et de Gestion de Tunis et membre de L’IFGT. -
[2]
Selon Aizenman (1994), une économie qui s’ajuste plus facilement aux chocs devrait jouir d’une croissance de la productivité plus élevée, compte tenu du fait qu’elle tourne en moyenne plus près des limites de sa capacité.
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[3]
Pour une revue détaillée de la littérature sur les déterminants de la croissance économique, voir Barro et Sala-i-Martin (2003).
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[4]
Il est à noter ici que l’étude du FMI ne tient pas compte de l’incidence des autres déterminants de la croissance économique.
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[5]
Ici, les auteurs utilisent une typologie officielle de jure et une typologie de facto de Reinhart et Rogoff (2004). Pour plus de détails sur ces typologies, voir infra.
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[6]
Cette classification établit une distinction entre différents régimes à parité fixe, allant de diverses formes d’ancrages fixes à différents types d’ancrages souples. Les catégories retenues sont au nombre de huit : régime des pays n’ayant pas de monnaie officielle distincte, caisse d’émission, autre régime conventionnel de parité fixe, rattachement à l’intérieur de bandes de fluctuation horizontales, système de parités mobiles, système de bandes de fluctuation mobiles, flottement dirigé sans annonce préalable de la trajectoire du taux de change et flottement indépendant.
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[7]
En s’inspirant de la typologie officielle de facto et en s’appuyant sur des informations supplémentaires, Bubula et Ötker-Robe (2002) ont proposé une classification couvrant une période qui remonte à 1990.
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[8]
Sur le plan opérationnel, le ciblage comporte l’annonce d’une règle en matière de taux de change ou cibles concernant un agrégat monétaire particulier. La règle du taux de change limite considérablement la politique monétaire puisqu’elle n’intéresse que le taux de change et restreint la capacité de la banque centrale à réagir aux chocs endogènes ou exogènes. Par contre, dans les pays à taux de change flexible, les agrégats monétaires peuvent constituer une cible intermédiaire de la politique monétaire (ciblage monétaire). Suivant ce système, la banque centrale utilise ses instruments (par exemple les taux d’intérêt) pour réguler les agrégats monétaires, qui sont considérés comme les principaux déterminants de l’inflation à long terme.
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[9]
Il convient de rappeler ici que la typologie officielle de facto du FMI présente, elle aussi, les cadres de politique monétaire et distingue : l’ancrage par le taux de change, l’ancrage par les agrégats monétaires, le ciblage de l’inflation, programme soutenu par le FMI ou autre programme monétaire, et autres dispositifs.
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[10]
Panizza, Stein et Hausmann (2000) indiquent que les chocs externes peuvent entraîner des erreurs dans l’établissement de la véritable nature du régime. En effet, des parités fixes peuvent faire l’objet de fortes réévaluations en présence de chocs externes importants, tandis que des devises flottantes peuvent n’afficher qu’une faible volatilité si les chocs externes sont de faible ampleur.
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[11]
Cette étude est basée sur la typologie officielle de jure du FMI.
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[12]
Les sources et la définition des différentes variables utilisées sont reportées dans l’annexe 2.
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[13]
Notre étude se fonde sur les travaux de Kormendi et Meguire (1985) et Barro (1991).
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[14]
Nous rappelons que, selon l’hypothèse de convergence, un pays dont le PIB par habitant est peu élevé au départ devrait enregistrer des taux de croissance plus élevés du fait qu’il est loin d’avoir atteint son régime stationnaire de croissance.
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[15]
Voir à cet égard, Barro et Sala-i-Martin (2003).
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[16]
Les statistiques descriptives de ces variables sont reportées dans l’annexe 4.
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[17]
Du fait que nous utilisons des intervalles de cinq ans, cette variable représente le régime de change normalement observé au cours de chacun de ces intervalles. Dans les cas où le régime a changé, nous avons retenu celui qui a été en place pendant la majeure partie de l’intervalle de cinq ans (c’est-à-dire au moins trois des cinq années).
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[18]
Voir Laidler (1999).
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[19]
D’après Amano, Coletti et Macklem (1999), une hausse de crédibilité de la banque centrale peut contribuer simultanément à réduire les fluctuations de l’inflation, des taux d’intérêt et de la production et à relever par voie de conséquence le niveau moyen de la production.
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[20]
Cette idée a été évoquée par un rapporteur anonyme que les auteurs tiennent à remercier vivement.