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Article de revue

La destination de l’immeuble et le droit des cessions immobilieres

Pages 243 à 254

Notes

  • [1]
    R. Boffa, La destination et l'usage de l'immeuble, éléments de l'application d'un régime juridique : Droit & Ville, n° 80.
  • [2]
    Cass. 3e civ., 30 janv. 2008, n° 06-21.145.
  • [3]
    Cass. 3e civ., 4 févr. 2016, n° 15-11.140.
  • [4]
    Cass. 3e civ., 12 oct. 2017, n° 16-22.416.
  • [5]
    Cass. 3e civ., 29 mars 2018, n° 17-10.587.
  • [6]
    Cass. 3e civ., 12 oct. 2017, n° 16-22.416 : JurisData n° 2017-020083 ; JCP N 2018, n° 1, 1001, note M. Mekki ; Constr.-Urb. 2017, comm. 170, note C. Sizaire.
  • [7]
    Cass. 3e civ., 18 avr. 2019, n° 18-14.648.
  • [8]
    CE, 5 avril 2019, n° 410039.

1« La destination, c’est ce qui doit être, l’usage, c’est ce qui est » [1]. La destination, c’est en effet, toujours suivant le professeur Boffa une norme, qu’elle soit légale ou conventionnelle, qui constitue un référentiel vis-à-vis duquel s’ordonne l’usage de la chose. C’est une norme d’usage.

2Au regard de cette définition, il s’avère que déterminer la destination d’un immeuble lors sa cession revêt une importance primordiale. En effet, cette détermination va permettre tant de fixer le régime juridique applicable à l’immeuble et donc l’usage que pourra en faire l’acquéreur que certaines règles applicables à la cession de l’immeuble.

3A titre d’exemple, ainsi que l’ont souligné les précédents intervenants, l’environnement de l’immeuble ne peut être ignoré lors de sa cession : l’acquéreur ne disposera pas de la même liberté suivant que l’immeuble se situe dans telle ou telle zone du PLU, dans une copropriété et/ou un volume, dans un lotissement, aux abords d’un monument historique…

4Bien entendu, lorsque l’ensemble de ces normes d’usage doivent être cumulées et combinées, l’acquéreur peut en venir à se demander si la liberté qu’il lui reste justifie encore qu’il acquiert l’immeuble…

5S’il persiste dans sa volonté d’acquérir l’immeuble, la destination dudit immeuble va devoir être prise en compte tant lors de la conclusion de la cession (I) qu’après ladite conclusion (II).

I. La destination lors la conclusion de la cession immobilière

6Ainsi que rappelé précédemment, lors de la préparation de l’acte de cession, il va être nécessaire de déterminer les normes légales et conventionnelles encadrant la destination contractuelle de l’immeuble tout en ajoutant à celles-ci la destination qu’entendent fixer les parties, dans le cadre de liberté leur restant.

7Nous n’allons pas ici revenir sur l’ensemble des règles encadrant cette destination, qu’elles résultent du droit de l’urbanisme, du droit de la copropriété ou du droit de la construction.

8Simplement, il peut être constaté que la destination de l’immeuble peut exercer une influence lors de la conclusion de la cession sur le choix d’un acquéreur (A) mais aussi sur la protection qui sera applicable à cet acquéreur (B).

A. Le choix d’un acquéreur

9S’agissant tout d’abord du choix d’un acquéreur, la destination de l’immeuble peut conduire à le limiter. En effet, suivant ladite destination, différents droits de préemption, de préférence et de priorité sont susceptibles de s’exercer et feront dès lors obstacle au choix d’un acquéreur.

10En premier lieu, la destination de l’immeuble peut être prise en considération pour protéger le locataire. Il en va ainsi, par exemple, du droit de priorité de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce qui conduit à imposer au propriétaire de proposer la vente du local loué à son locataire dès lors que la destination contractuellement fixée est commerciale ou artisanale. Relativement audit article, la Cour de cassation a précisé par un arrêt du 28 juin 2018 qu’il est d’ordre public et que c’est préalablement à toute recherche d’acquéreur, que le propriétaire doit proposer à la vente le local commercial ou artisanal à son locataire. Une des conséquences qui en résulte est l’impossibilité pour l’agent immobilier mandaté par le propriétaire de pouvoir exiger le paiement d’une commission par le locataire si ce dernier exerce son droit de priorité.

11Il est vrai, en second lieu, que la destination de l’immeuble n’est pas toujours un élément essentiel, pour la mise en œuvre de ces différents droits. L’examen de l’article L. 213-1 du Code de l’urbanisme relatif au DPU et au droit de préemption en ZAD le confirme puisqu’il n’est pas fait de distinction suivant l’usage ou la destination de l’immeuble soumis à ces droits de préemption.

12Toutefois, la destination de l’immeuble peut justifier des exceptions au jeu des droits de préemption. Ainsi, par exemple, les immeubles HLM ayant fait l’objet d’une décision d’agrément du représentant de l’État dans le département en vue de la construction ou de l’acquisition de logements neufs faisant l’objet d’un contrat de location-accession sont hors du champ d’application de ces droits de préemption depuis la loi ELAN.

13C’est également la destination qui va permettre de déterminer si l’acquéreur mérite d’être protégé.

B. La protection de l’acquéreur

14La protection de l’acquéreur peut dépendre de la destination contractuelle fixée par les parties. Il en va ainsi pour le secteur protégé du droit de la construction, ainsi que cela a été présenté ce matin, par Jean-Philippe Tricoire et Cyrille Charbonneau.

15On y ajoutera l’article L. 111-6-1 du CCH qui contient différentes interdictions de division visant à protéger l’acquéreur d’un logement à usage d’habitation. En cette hypothèse, il s’agit de limiter la possibilité pour le propriétaire de créer des locaux à usage d’habitation qui ne rempliraient pas les critères d’un logement décent. C’est alors la sécurité et le confort de l’acquéreur que l’on veut assurer.

16D’autres dispositions comme l’article L. 271-1 du CCH et celles relatives au crédit immobilier, s’attachent davantage à protéger le consentement de l’acquéreur. On remarquera toutefois que tant pour l’article L. 271-1 du CCH que pour les dispositions relatives au crédit immobilier, la destination n’est pas seule prise en compte. Il faut également que l’acquéreur soit un non-professionnel lorsqu’il s’agit de l’article L. 271-1 du CCH ou qu’il ne s’agisse pas de financer une activité professionnelle pour le crédit immobilier.

17Pour en rester à la prise en considération de la destination de l’immeuble, il est vrai que les textes en cause usent non pas du terme « destination » mais de celui d’« usage ». Pour autant, c’est bien de destination dont il est question puisqu’il s’agit ici de prendre en considération la destination telle qu’elle est fixée contractuellement par les parties.

18Relativement à cette destination ainsi fixée, la Cour de cassation refuse d’en faire une application plus large que ce que prévoit les textes. Ainsi, pour le droit de rétractation/réflexion, l’article L. 271-1 du CCH vise l’usage d’habitation. Par conséquent, la Cour de cassation a refusé application de l’article L. 271-1 CCH à un immeuble à usage mixte [2]. Par contre, il est indifférent que l’acquéreur achète le bien pour en faire sa résidence principale, sa résidence secondaire ou pour le louer. Elle en a également refusé l’application à un terrain à bâtir sur lequel l’acheteur déclarait construire un bâtiment à usage d’habitation, sachant qu’en ce cas, l’acheteur peut éventuellement bénéficier de l’article L. 442-8 du Code de l’urbanisme lorsque le terrain se trouve dans un lotissement soumis à permis d’aménager [3].

19Ce dernier refus pourrait laisser à penser que la Cour de cassation impose une appréciation objective du bien vendu pour déterminer sa destination. Pour autant, à bien y regarder, ce n’est pas réellement la destination de l’immeuble qui était en cause mais bien la nature du contrat conclu, l’article L. 271-1 du CCH ne visant que les actes ayant pour objet la construction ou l’acquisition d’un immeuble à usage d’habitation. Cela permet ainsi de faire application dudit article à une vente d’immeuble à construire ou à un CCMI mais pas à un terrain à bâtir.

20La jurisprudence postérieure audit arrêt confirme d’ailleurs que la Cour de cassation n’impose pas une approche objective mais bel et bien une approche subjective [4]. Autrement dit, il faut rechercher si l’acquéreur destine le bien à un usage d’habitation. Si tel est le cas, alors, il y a lieu de respecter l’article L. 271-1 du CCH.

21Bien entendu, il y a des situations où il peut s’avérer délicat d’établir si l’acquéreur doit ou non être protégé. Il peut en aller ainsi lorsque l’immeuble est à usage d’habitation mais que l’acquéreur souhaite en modifier l’usage. Il en va également de même lors de la cession d’un local secondaire. Mais encore, il y a peu, le 29 mars 2018, la Cour de cassation a eu à se prononcer sur la vente d’un bien immobilier comportant un chalet, deux mazots et un terrain sous condition suspensive de l’obtention par l’acquéreur de l’autorisation de division en deux ou trois lots [5].

22Pour les juges d’appel, le projet de l’acquéreur, à savoir la division du terrain et la démolition du chalet, excluait que l’usage d’habitation puisse être retenu.

23Autrement dit, pour les juges d’appel, ce que l’acquéreur convoitait n’était pas tant un immeuble bâti qu’un terrain à diviser et à bâtir. Ils ont donc refusé que ledit acquéreur puisse se prévaloir d’un manquement quant à l’application de l’article L. 271-1 du CCH, l’opération immobilière étant assimilée à l’achat d’un ensemble immobilier à usage mixte.

24L’arrêt est censuré par la Cour de cassation, pour défaut de réponse aux conclusions de l’acquéreur qui soutenait que la vente ne portait ni sur des biens immobiliers à usage mixte, ni exclusivement sur des terrains à bâtir, mais comprenait trois biens, dont un chalet, à usage exclusif d’habitation.

25L’arrêt du 29 mars 2018 n’apporte pas de réponse à la question de savoir si un ensemble immobilier peut donner lieu à application de l’article L. 271-1 du CCH.

26La réponse n’est d’ailleurs guère évidente. En effet, en l’espèce, des intentions de l’acquéreur, il résultait clairement que le bâtiment était voué à la démolition, le terrain étant destiné à faire l’objet d’une division. Et objectivement, il existait bel et bien un bâtiment à usage d’habitation, sachant que le terrain avait vocation à recevoir des bâtiments à usage d’habitation.

27A notre avis, dès lors que le bien vendu comportait bien un bâtiment à usage d’habitation, il devait être fait application de l’article L. 271-1 du CCH. En effet, il y a bien alors acquisition d’un immeuble à usage d’habitation, spécialement visée par l’article L. 271-1 du CCH. En outre, l’usage mixte retenu par les juges d’appel, en l’espèce, ne résultait d’aucun élément : en quoi, en effet, le fait que le terrain accueillant un bâtiment à usage d’habitation soit destiné à être divisé modifie-t-il l’usage du bâtiment ?

28Au regard de l’ensemble de la jurisprudence de la Cour de cassation, il semble préférable de faire application de l’article L. 271-1 du CCH dans deux situations :

29

  • la vente porte sur un immeuble bâti à usage d’habitation lors de sa conclusion : l’article L. 271-1 du CCH doit être appliqué, quelles que soient les intentions de l’acquéreur. Une telle solution évite que l’article L. 271-1 du CCH ne puisse trop facilement être évincé ;
  • la vente porte sur un immeuble bâti à un usage autre que d’habitation lors de sa conclusion : l’article L. 271-1 du CCH doit être appliqué si l’acquéreur le destine à un usage d’habitation et que cette destination est contractuellement précisée [6].

30La destination ainsi prise en considération ne pourra être par ailleurs ignorée après la conclusion de la cession immobilière.

II. La destination après la conclusion de la cession immobilière

31L’acquéreur, nouveau propriétaire de l’immeuble, n’est pas libre de l’usage qu’il va pouvoir faire de son bien, ce tant au regard du droit de l’urbanisme, que du droit de la copropriété et autres dispositions.

32Ces limitations ne sont d’ailleurs pas les seules. En effet, l’acquéreur a pu prendre des engagements lors de la vente dont la bonne exécution pourra être contrôlée. Pour autant, tout ce qui est relatif à la destination de l’immeuble n’est pas synonyme de contrainte pour l’acquéreur. En effet, lorsque la destination qui a été fixée contractuellement par les parties s’avère impossible, l’acquéreur va pouvoir s’en prévaloir à l’encontre du vendeur.

33Cela me conduit dès lors à envisager tour à tour la destination impossible (A) et la destination contrôlée (B).

A. La destination impossible

34Comme Jean-Philippe Tricoire et Cyrille Charbonneau l’ont exposé, l’article 1792 du Code civil prend en compte la destination de l’immeuble lorsqu’il s’agit d’établir si les garanties et responsabilités du constructeur peuvent être invoquées. On sait aussi que ces garanties et responsabilités peuvent peser sur le vendeur d’un immeuble, ce lorsqu’il est réputé constructeur, notamment en application de l’article 1792-1 du Code civil.

35La destination de l’immeuble est également prise en considération au titre de la garantie des vices cachés. On peut ici trouver des exemples tant dans le droit commun que dans les droits spéciaux.

36S’agissant tout d’abord du droit commun, l’article 1641 du Code civil précise que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

37Il s’agit donc d’une garantie des défauts d’usage : la chose est délivrée mais elle ne peut être affectée à l’usage auquel l’acquéreur la destine.

38Il ne s’agit pas pour autant de tout garantir. La garantie des vices cachés vise à pallier un défaut d’usage de l’immeuble c’est-à-dire lorsqu’il ne peut servir à l’usage auquel il est normalement destiné.

39Par conséquent, pour que le trouble puisse donner lieu à garantie, doit être en cause un usage normal de la chose, sachant donc que cet usage normal est celui attendu par tout acquéreur d’un bien ayant la même destination, la destination précisée dans l’acte.

40Ainsi, tout acquéreur d’un immeuble à usage d’habitation s’attend à ce que le chauffage fonctionne. Dès lors, si tel n’est pas le cas, l’existence d’un vice pourra être retenu. Telle a d’ailleurs été la situation soumise à la Cour de cassation le 18 avril 2019. Pour caractériser l’existence du vice, les juges du fond ont retenu que les lots acquis n’étaient pas conformes à leur destination normale d'habitation, faute de chauffage dans un appartement conçu pour être desservi par une installation collective, selon les énonciations du règlement de copropriété de l'immeuble [7].

41Lorsque l’usage est spécifique à l’acquéreur, au-delà donc des destinations habituellement retenues, ce n’est plus alors la garantie des vices cachés qui peut être invoquée mais éventuellement la responsabilité pour non-conformité dès lors que l’acquéreur a pris la précaution de faire entrer cet usage dans le champ contractuel.

42Voici pour le droit commun. Pour ce qui est du droit spécial, on peut s’intéresser notamment à la pollution des sols et au secteur d’information sur les sols

43Qu’il s’agisse de l’article L. 514-20 du Code de l’environnement ou de l’article L. 125-6 du même code relatif au secteur d’information sur les sols, il faut éviter que l’acquéreur n’acquiert un terrain impropre à la destination contractuellement fixée.

44Ainsi, si une pollution rend le terrain impropre à la destination précisée dans le contrat, dans un délai de deux ans à compter de la découverte de la pollution, l'acheteur a le choix de demander la résolution de la vente ou de se faire restituer une partie du prix ; il peut aussi demander la réhabilitation du site aux frais du vendeur, lorsque le coût de cette réhabilitation ne paraît pas disproportionné par rapport au prix de vente.

45Et bien entendu, cette réhabilitation doit permettre à l’acquéreur d’user du bien conformément à la destination convenue contractuellement. L’usage convenu étant devenu possible, il peut dès lors faire l’objet d’un contrôle.

B. La destination contrôlée

46Ce contrôle de l’usage peut se faire tant par rapport à une destination fixée contractuellement que par rapport à une destination déterminée légalement.

47Ce contrôle peut intervenir pour vérifier qu’il y a bien maintien de ladite destination (1) ou lorsqu’il s’agît d’en changer (2).

1) Le contrôle du maintien de la destination

48Ce contrôle peut avoir plusieurs causes et être exercées par différentes personnes.

49Il peut tout d’abord s’agir d’un contrôle du vendeur lorsque par exemple a été créée une obligation réelle environnementale avant la vente, telle qu’elle résulte de l’article L. 132-3 du Code de l’environnement. En effet, ladite obligation va peser sur le propriétaire l’ayant consentie mais aussi sur « les propriétaires ultérieurs du bien », donc sur les acquéreurs successifs de l’immeuble.

50Il peut s’agir d’un contrôle de la part d’un organisme de foncier solidaire ayant conclu un bail réel solidaire. Ainsi, dans une section consacrée aux modalités de contrôle de l’affectation des logements, il est précisé, à l’article R. 254-4 du CCH, que l'immeuble, objet du bail réel immobilier, doit rester à destination principale de logement dans les conditions énoncées à l'article L. 254-1 du même code.

51Enfin, pour prendre un dernier exemple, il peut s’agir d’un contrôle de l’administration fiscale lorsque notamment l’acquéreur a repris les engagements fiscaux du vendeur. Il en ira ainsi lorsque le vendeur, pour bénéficier d’un abattement sur l'assiette de la taxe de publicité foncière ou du droit d'enregistrement, a pris l’engagement lors de l’acquisition de l’immeuble de l’affecter pendant trois ans à un usage d’habitation (CGI, art. 1594 F ter).

52S’il vend avant l’arrivée du terme de ce délai, il sera attendu que l'acquéreur prenne l'engagement de ne pas affecter l'immeuble à un autre usage pendant la durée restant à courir ou, s'il a lui-même bénéficié du régime fiscal dérogatoire, pendant une période de 3 ans courant à compter la date de son acquisition.

53Dans l’acte, seront alors précisées les conséquences de la violation de cet engagement : la prise en charge par l’acquéreur des suppléments de droits et pénalités que le vendeur aura réglés à l’administration fiscale.

2) Le contrôle lors d’un changement

54Ce contrôle peut intervenir lors de la création de plusieurs locaux à usage d’habitation mais également lors d’un changement d’usage.

55Pour s’en tenir au changement d’usage de l’article L. 631-7 du CCH, ledit article précise en son troisième alinéa que pour l'application de la présente section, un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.

56Le Conseil d’État, dans une décision du 5 avril 2019 a été conduit à préciser que « ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet d'attacher pareille conséquence au constat, au 1er janvier 1970, de l'affectation d'un local à un usage autre que l'habitation » [8].

57En l’espèce, après signature d’une promesse de vente d’un local commercial, le notaire chargé de rédiger l’acte authentique avait interrogé la commune du lieu de situation de l’immeuble relativement à l’usage dudit immeuble.

58Pour le propriétaire, en effet, dès lors qu’au 1er janvier 1970, le local était à usage commercial, c’est cet usage qui devait être retenu pour la désignation du bien dans l’acte de vente.

59Les services de la mairie, interrogés par le notaire, n’ont pas été de cet avis. Selon eux, l’immeuble en cause devait être considéré comme étant à usage de remise et de garage, faute de régularisation de l’affectation sans autorisation à usage commercial de ce local initialement destiné à l’habitation. Ils ont, par ailleurs, précisé au notaire que ce local avait fait l'objet le 11 mars 1982 d'un procès-verbal à raison de cette transformation sans autorisation et que l'affectation de ce local ne pouvait être modifié.

60Suite à cette réponse, le bénéficiaire de la promesse de vente a renoncé à l’acquisition, ce qui a conduit le propriétaire à agir à l’encontre de la commune pour avoir fourni des renseignements erronés. Pour les juges d’appel, les services municipaux avaient bien commis une telle faute dès lors qu’ils auraient dû prendre en considération uniquement l’usage de l’immeuble au 1er janvier 1970, soit un usage commercial, ce en application de l’article L. 631-7 du CCH. L’arrêt est annulé par le Conseil d’État pour méconnaissance de la portée des dispositions de l’article L. 631-7 du CCH qui ne vise que l’usage d’habitation pour la présomption qu’il édicte, à savoir qu’un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970.

61Il résulte de cette décision du Conseil d’État qu’il devient nécessaire de démontrer que tout local autre que d'habitation en 1970 n'a jamais été à usage d'habitation depuis l'origine de la règlementation (qu'il n'était pas « initialement destiné à l'habitation ») ou, s'il l'a été, que le changement d'usage a été autorisé.

62Il revient ainsi aux notaires d’établir, dans leurs actes, soit que le bien était à usage autre que d'habitation à l'origine de la règlementation (1945), soit, s'il y a eu une modification, que celle-ci a été faite régulièrement.

Notes

  • [1]
    R. Boffa, La destination et l'usage de l'immeuble, éléments de l'application d'un régime juridique : Droit & Ville, n° 80.
  • [2]
    Cass. 3e civ., 30 janv. 2008, n° 06-21.145.
  • [3]
    Cass. 3e civ., 4 févr. 2016, n° 15-11.140.
  • [4]
    Cass. 3e civ., 12 oct. 2017, n° 16-22.416.
  • [5]
    Cass. 3e civ., 29 mars 2018, n° 17-10.587.
  • [6]
    Cass. 3e civ., 12 oct. 2017, n° 16-22.416 : JurisData n° 2017-020083 ; JCP N 2018, n° 1, 1001, note M. Mekki ; Constr.-Urb. 2017, comm. 170, note C. Sizaire.
  • [7]
    Cass. 3e civ., 18 avr. 2019, n° 18-14.648.
  • [8]
    CE, 5 avril 2019, n° 410039.
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