Couverture de DV_077

Article de revue

La prise de décision au sein de l’indivision : aspects procéduraux

Pages 125 à 152

Notes

  • [1]
    J.-B. Donnier, Jurisclasseur civil, Fasc. 10, Lexis-Nexis 2013, n° 42 et 52 et s.
  • [2]
    Donnier, op.cit., n° 41 et s.
  • [3]
    S. Huyghe, Rapport (n° 2850) présenté au nom de la commission des lois de l’Assemblée nationale sur le projet de loi portant réforme des successions et des libéralités, enregistré le 8 février 2006, p. 194 et s.
  • [4]
    F. Zenati-Castaing et T. Revet, Les biens, Puf, 3ème éd. 2008, n° 350 ; H. Périnet-Marquet, « Le juge et l’indivision », in L’indivision, Journées nationales de l’association H. Capitant, t. VII, Bordeaux 2002, Dalloz, coll. Thèmes et commentaires, 2005, p. 15 ; C. Watine-Drouin, « Le rôle du juge relativement à la gestion et à l’utilisation des biens indivis », RTDciv. 1988, p. 267.
  • [5]
    Donnier, op. cit., n° 3 et 47 ; C. Albiges, Rép. droit immobilier, Indivision, Généralités, Dalloz 2011, n° 18 ; J. Patarin, « La double face du régime juridique de l’indivision », Mélanges D. Holleaux, Litec, 1990, p. 331 ; C. Watine-Drouin, op. cit., p. 295.
  • [6]
    C. civ. art. 815-3 : « Le ou les indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité :
    1° Effectuer les actes d’administration relatifs aux biens indivis ;
    2° Donner à l’un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers un mandat général d’administration ;
    3° Vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges de l’indivision ;
    4° Conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal. Ils sont tenus d’en informer les autres indivisaires. A défaut, les décisions prises sont inopposables à ces derniers.
    Toutefois, le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l’exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3°.
    Si un indivisaire prend en main la gestion des biens indivis, au su des autres et néanmoins sans opposition de leur part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d’administration mais non les actes de disposition ni la conclusion ou le renouvellement des baux ».
  • [7]
    N. Pierre, « La vente d’un bien indivis contre la volonté d’un indivisaire », Petites Affiches 2009, n° 189, p. 3 ; N. Leblond, « La crise dans l’indivision », Defrénois 2010, n° 20, p. 2173.
  • [8]
    F. Terré et P. Simler, Droit civil, Les biens, 8ème éd. Dalloz, 2010, n° 575 et s. ; C. Atias, Droit civil, Les biens, 11ème éd. Litec, 2011, n° 194 p. 155 et n° 203 p. 163 ; J.-B. Donnier, Jurisclasseur civil, Fasc. 20, Lexis-Nexis 2013, n° 56 et s.
  • [9]
    Leblond, loc. cit.
  • [10]
    Donnier, JCL, Fasc. 10, n° 24 et 49 et s.
  • [11]
    Zenati-Castaing et Revet, op. cit. n° 351.
  • [12]
    C. civ., art. 815-5 et 815-6.
  • [13]
    Zenati-Castaing et Revet, loc. cit. ; contra : Terré et Simler, op. cit., n° 561 et 575 ; Atias, op. cit. n° 203 ; M.-L. Mathieu-Izorche, Droit civil, Les biens, 2ème éd. Sirey, 2010, n° 368 ; C. Tahri, « Nullité d’un commandement de quitter les lieux délivré au nom et pour le compte d’une indivision », note sous Civ. 2ème 9 juin 2011, n° 1019241, Dalloz actualité, 6 juillet 2011.
  • [14]
    Chap V, « Les propriétés collectives », art. 569 al. 2 in fine.
  • [15]
    Civ. 2ème 9 juin 2011, n° 10-19241.
  • [16]
    Atias, op. cit., n° 194 p. 155.
  • [17]
    Donnier, JCL, Fasc. 20, n° 56 et 73.
  • [18]
    Zenati-Castaing, « La nature juridique de l’indivision », RTDciv 1996, p. 936.
  • [19]
    Donnier, JCL, Fasc. 20, n° 143 ; V. infra II. B. 1.
  • [20]
    Périnet-Marquet, op. cit. p. 16.
  • [21]
    Sur ces catégories : infra II ; Donnier, JCL, Fasc. 20, n° 18 et s. et n° 57 et s. ; C. Albiges, Rép. droit civil, Indivision (régime légal), Chapitre 2, Gestion d’une indivision, Dalloz 2011, n° 246 et s.
  • [22]
    Aux termes des dispositions des articles 30 et 53 du Code de procédure civile, la demande en justice suppose non seulement l’existence d’un intérêt, mais aussi d’une qualité pour agir, ce qui peut faire défaut à un indivisaire agissant seul : Périnet-Marquet, op. cit. p. 17.
  • [23]
    F.-X. Testu, Dalloz Action, Droit patrimonial de la famille, chap. 251, Régime légal de l’indivision : droit des indivisaires, 2013 n° 251.11 et s.
  • [24]
    C. Tahri, loc. cit. ; B. Dondero, Les groupements dépourvus de la personnalité juridique en droit privé, PUAM, 2006, n° 393.
  • [25]
    M.-C. Forgeard, « Limites du droit de demander le partage », JCP éd. N, 2008, 1146.
  • [26]
    Civ. 1ère, 12 déc. 2007, n° 06-20830, JCP G 2008, IV, 1100 ; Donnier, JCl, Fasc. 10, n° 63 et s.
  • [27]
    e.g. : CA Bordeaux, 15 octobre 2013, RG n° 12/02902.
  • [28]
    F.-X. Testu, loc. cit. ; Atias, op. cit. n° 195 p. 156.
  • [29]
    C. civ. art. 1873-2 et s.
  • [30]
    Civ. 1ère, 14 nov. 2000, no 98-22.936, Dalloz. 2001, p. 1755, note P. Lipinski : en l’espèce, des époux mariés sans contrat, choisissent conventionnellement plusieurs années après, d’adopter le régime de la séparation de biens. Le jugement d’homologation emporte dissolution de la communauté, ordonne la liquidation et le partage de la communauté et de l’indivision post-communautaire. Cependant, une cour d’appel fait droit à la demande de l’épouse, souhaitant ainsi exclure de la masse à partager la plupart des biens acquis après le changement de régime (biens dont la nature indivise n’était d’ailleurs pas contestée), de cantonner les opérations de liquidation et de partage à la seule indivision post-communautaire, en retenant que la liquidation ne peut être étendue à l’indivision qui existe entre les époux depuis l’adoption du régime de séparation de biens ; la Cour de cassation censure cette décision en énonçant, au visa de l’article 815 al. 1er, que les époux « justifiaient d’un droit au partage des biens indivis qu’ils peuvent exercer à tout moment, sans attendre la dissolution du mariage », et traite ce faisant l’indivision entre époux séparés de biens comme une indivision ordinaire.
  • [31]
    Atias, op. cit., n° 203.
  • [32]
    Donnier, JCL, Fasc. 10, n° 49, qui affirme même que ce pouvoir des indivisaires majoritaires « revient à permettre à certains indivisaires de disposer seuls de biens indivis en privant leurs coïndivisaires « minoritaires » de ces biens. Il y a là une véritable expropriation des indivisaires minoritaires, dont la constitutionnalité est peut-être douteuse ».
  • [33]
    RG n° 12/01679.
  • [34]
    Donnier, JCL, Fasc. 20, n° 142 et s.
  • [35]
    Dont 1.000 euros pour une grange dont la réfection de la seule toiture s’est élevée à plus de 30.000 euros.
  • [36]
    L’article 815-6 est écarté au motif que le litige ne porte plus sur une demande d’autorisation judiciaire aux fins d’effectuer des travaux sur des biens indivis mais sur une demande en remboursement de sommes engagées pour des travaux effectués sans autorisation et que la demanderesse n’est donc plus fondée à invoquer ces dispositions. La cour rejette également la qualification de mesures nécessaires à la conservation des biens indivis au sens de l’article 815-2 au motif que les travaux litigieux ont été réalisés après d’autres, effectués par les coïndivisaires pour un montant de 4.001,80 euros, ayant conduit à la levée de l’arrêté de péril non imminent visant l’un des immeubles.
  • [37]
    Donnier, JCL, Fasc. 20, n° 144.
  • [38]
    P. Delmas Saint-Hilaire, « La simplification complexe (à propos de la loi du 12 mai 2009 dite de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures) », Rev. des juristes du Cridon Bordeaux-Toulouse, 2009, n° 146, Nota Bene.
  • [39]
    e.g. : CA Aix en Provence, 31 octobre 2013, RG n°12/08902 : pour s’opposer à une demande en sortie de l’indivision et à ce que soit ordonnée la licitation des biens immobiliers indivis, des indivisaires invoquent détenir la majorité des deux tiers des droits indivis et ne pas avoir consenti à celle-ci, soutenant que cette condition est désormais requise pour sortir de l’indivision.
  • [40]
    Civ. 1ère 17 mars 1992, n° 90-16.606.
  • [41]
    Civ. 3ème 15 juin 1994, n° 92-15.608.
  • [42]
    RTDciv. 1995, p. 401, note Zenati ; JCP 1995, I, 3835, n°16, obs. Périnet-Marquet.
  • [43]
    P. Malaurie et L. Aynès, Les biens, 2ème éd., Defrénois, 2005, n° 689 p. 213.
  • [44]
    Testu, op. cit., n° 252.51 ; Albiges, op. cit., n° 298 ; pour son application e.g. CA Orléans, 26 mars 2007, RG n° 06/01282, qui énonce expressément « que l’exercice d’une action en justice constitue un acte d’administration ; qu’aux termes de l’article 815-3 du Code civil, les actes d’administration et de disposition relatifs aux biens indivis requièrent le consentement de tous les indivisaires ; (…) ».
  • [45]
    Testu, op. cit., n° 252.54.
  • [46]
    Infra II. A.
  • [47]
    Périnet-Marquet, op. cit., p. 19 ; Albiges, op. cit. n° 303.
  • [48]
    Périnet-Marquet, loc. cit.
  • [49]
    Crim. 9 oct. 1985, n° 84-90.584 : en l’espèce, suite à la saisine du juge des tutelles par son fils d’une requête tendant à son placement sous curatelle pour affaiblissement de ses facultés mentales, avec certificat d’un médecin assermenté à l’appui, une mère dépose plainte avec constitution de partie civile des chefs de faux certificat et usage de faux. Etant décédée au cours de l’instruction, l’action est reprise par sa fille qui, sur appel contre l’ordonnance de non-lieu la clôturant, est déclarée irrecevable en sa constitution de partie civile et en son recours, par la chambre d’accusation, au motif que la poursuite de l’action civile engagée par sa mère requérait le consentement unanime des héritiers et que son frère n’a pas été consulté et n’a pas manifesté l’intention de ratifier la reprise de l’action par sa sœur.
  • [50]
    Crim. 28 juin 1995, n° 93-85047 : en l’espèce, dans le cadre de poursuites exercées pour défaut de permis de construire contre le propriétaire d’un immeuble contigu à celui de l’indivision, une indivisaire se constitue partie civile afin d’obtenir principalement la démolition de la construction irrégulièrement édifiée et subsidiairement des dommages-intérêts. Pour confirmer la décision des premiers juges qui, après condamnation du prévenu, ont déclaré cette action irrecevable, la cour d’appel relève que l’action dont elle était saisie, de nature réelle, n’ayant pas un caractère conservatoire, constitue un acte d’administration nécessitant l’accord de tous les indivisaires, et ajoute qu’à défaut d’avoir été spécialement mandatée par ses co-indivisaires, la demanderesse est irrecevable à l’exercer seule. La Cour de cassation censure cette décision en énonçant d’abord que « selon l’article 2 du Code de procédure pénale, l’action civile devant la juridiction répressive appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction » et en en déduisant en l’espèce « qu’en statuant ainsi, alors qu’en poursuivant la réparation du préjudice qu’elle prétendait avoir subi du fait de la dépréciation de l’immeuble indivis ayant résulté de l’infraction, la demanderesse exerçait, quel que soit le mode de réparation choisi, une action personnelle, étrangère aux dispositions de l’article 815-3 du Code civil, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ».
  • [51]
    Crim. 28 juin 2000, n° 99-85.660 : en l’espèce, les juges du fond avaient débouté une mère de sa demande en réparation du préjudice moral subi par sa fille, au motif que « si la victime décédée, a subi un préjudice moral certain, tombé dans sa succession, V. Y… ne justifie pas de sa qualité pour représenter ladite succession en l’absence du père également héritier ». La Cour de cassation censure cette décision en rappelant tout d’abord le principe selon lequel « le droit à réparation du dommage causé par une infraction à une victime qui vient à décéder, se transmet à ses héritiers, chacun de ceux-ci l’exerçant dans son intégralité », et en en déduisant qu’« en refusant à la demanderesse de poursuivre l’action personnelle recueillie dans la succession de sa fille alors qu’une telle action est étrangère aux actes d’administration et de disposition relatifs aux biens indivis pour lesquels le consentement de tous les indivisaires est requis par l’article 815-3 du Code civil, la cour a méconnu le principe rappelé ci-dessus. »
  • [52]
    Civ. 1ère 6 mai 2009, n° 07-20635 ; JCP 2009, I, 337, n° 7, obs. Périnet-Marquet ; AJDI 2009, p. 783, note Zalewski.
  • [53]
    Civ. 3ème 4 novembre 1976, n° 75-12274 ; Civ. 3ème, 25 avril 2001, n° 99-14368 ; Civ. 3ème 5 décembre 2001, n° 00-10731 ; Civ. 3ème 16 septembre 2009, n° 08-13701 (concernant des actes délivrés en 2004).
  • [54]
    Civ. 3ème 19 juin 2002, n° 00-21869.
  • [55]
    Outre les actions spécifiques à l’indivision (sursis au partage, mandat, habilitation, autorisation en justice, répartition provisionnelle des bénéfices) et les hypothèses d’actions considérées comme des actes conservatoires, la jurisprudence a, en effet, consacré diverses exceptions à ce principe traditionnel qui semblent toutes concerner exclusivement la protection de l’existence, de l’étendue ou de l’intégrité des droits indivis, dont est investi chaque indivisaire sur les biens indivis, et pour laquelle il est recevable à agir seul : il s’agit en particulier des cas de revendication par un indivisaire vis-à-vis de tiers de son droit de propriété indivis (e.g. : Civ. 3ème 19 juin 2002, n° 01-01201) ou de protection de ses droits indivis contre un acte des coïndivisaires (Civ. 3ème 15 juin 1994, n° 92-508, évoqué supra).
  • [56]
    Zalewski, loc. cit. : qui observe, de manière critique, que si la Cour de cassation avait retenu seulement le caractère individuel de l’action en nullité pour vice du consentement, l’indivisaire qui se verrait attribuer le bien lors du partage pourrait invoquer le vice du consentement d’un autre indivisaire, ce que la solution de l’arrêt semble exclure.
  • [57]
    La mise en location-gérance par l’intéressé de son fonds de commerce de boucherie au profit de la société défenderesse puis, le même jour, l’octroi au profit de celle-ci d’un bail commercial régulièrement consenti par tous les indivisaires ne semble, en effet, n’avoir aucune incidence directe sur la part de propriété indivise détenue par le demandeur sur les locaux donnés à bail.
  • [58]
    Civ. 3ème, 25 avril 2001, n° 99-14368.
  • [59]
    Civ. 1ère 12 juin 2013, n° 11-23.137 et 11-18522 : Procédures, n° 8-9, août 2013, obs.
    Perrot ; AJ Famille 2013, p. 506, obs. de Guillenschmidt-Guignot.
  • [60]
    Civ. 1ère 18 avr 2000, n° 98-12808 ; CA Metz, 8 nov. 2007, n° 05/00503 ; CA Bastia 2 sept. 2009 n° 07/00078.
  • [61]
    Civ. 18 décembre 2013, n° 12-27059 : concernant en l’espèce l’action du liquidateur venant aux droits d’un créancier de l’indivision, la Cour de cassation énonce, au visa de l’article 815-3 du Code civil que « L’action introduite par un créancier de l’indivision contre un seul indivisaire est recevable, la décision rendue sur celle-ci étant inopposable aux autres indivisaires à défaut de mise en cause de ces derniers. »
  • [62]
    Civ. 3ème 5 novembre 1975, n° 74-11546 ; ou encore Civ. 3ème 28 nov. 1973, B. 609, n° 72-13553, qui, au visa de l’article 544 du Code civil et « des principes régissant l’indivision », énonce que « Tout propriétaire est recevable à faire reconnaitre son droit de propriété indivis ».
  • [63]
    De Guillenschmidt-Guignot, op. cit., sous Civ. 1ère 12 juin 2013, n° 11-18522 : en l’espèce, la haute juridiction, dans un litige entre l’ensemble des indivisaires et un tiers, portant sur les conditions de la cession d’un fonds de commerce exploité dans des locaux dépendant de l’indivision, par le mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de l’Eurl exploitante de ce fonds, a énoncé, pour rejeter le pourvoi formé par l’un des indivisaires contre l’arrêt ayant déclaré irrecevable sa requête en inscription de faux incidente, déposée au cours de l’instance d’appel, contre l’acte authentique de cession, que « selon l’article 306 du code de procédure civile, l’inscription de faux est formée, à peine d’irrecevabilité, qui ne peut être couverte, par un acte remis au secrétariat-greffe par la partie ou son mandataire muni d’un pouvoir spécial ; que, dès lors, un tel incident, qui ne ressortit pas à l’exploitation normale des biens indivis, requiert le consentement de tous les indivisaires, conformément aux dispositions de l’article 815-3, alinéa 3, du Code civil ; qu’il en résulte que l’inscription de faux incidente formée par M. L. était irrecevable et que cette irrégularité n’a pu être régularisée par l’intervention ultérieure de ses coïndivisaires. »
  • [64]
    Gazette du Palais, 24 septembre 2013, n° 267, p. 37, obs. C.B.
  • [65]
    C. civ. art. 815-5 al. 1 : « Un indivisaire peut être autorisé par justice à passer seul un acte pour lequel le consentement d’un coindivisaire serait nécessaire si le refus de celui-ci met en péril l’intérêt commun ». ; C. civ. art. 815-6 al.1 : « le président du tribunal de grande instance peut prescrire ou autoriser toutes les mesures urgentes que requiert l’intérêt commun ».
  • [66]
    Périnet-Marquet, op. cit. p. 20.
  • [67]
    Zenati-Castaing et Revet, loc. cit.
  • [68]
    Qui se bornait à énoncer que « Tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis. »
  • [69]
    Civ. 3ème 25 janv. 1983, n° 80-15132.
  • [70]
    Civ. 3ème 17 avr. 1991, n° 89-15898 : se bornant à énoncer, en exergue de l’arrêt, que « tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis », la troisième chambre civile semble limiter son exigence à ce que l’action contestée ait eu « pour objet la conservation des droits des indivisaires » ; Civ. 3ème 4 déc. 1991, n° 89-19989 : dans cet arrêt la haute juridiction rejette le pourvoi en énonçant que « la cour d’appel, qui a relevé que l’action en revendication d’une servitude de passage intentée par Mme P. ne pouvait que profiter aux autres indivisaires et constituait un acte tendant à la conservation du bien indivis, en a justement déduit que cette action entrait dans la catégorie des actes conservatoires que tout indivisaire peut accomplir seul en application de l’article 815-2 du Code civil ».
  • [71]
    Civ. 3ème 9 oct. 1996, n° 94-15783, qui énonce qu’« une mesure doit, pour présenter un caractère conservatoire, être nécessaire et urgente afin de soustraire le bien indivis à un péril imminent menaçant la conservation matérielle ou juridique de ce bien » ; Civ. 1ère 25 nov. 2003, n° 01-10639, qui, au visa de l’article 815-2 du Code civil, reprend expressément la formulation de l’attendu énoncé par la 3ème chambre civile dans l’arrêt du 25 janvier 1983, en réaffirmant que « les mesures nécessaires à la conservation de la chose indivise que tout indivisaire peut prendre seul s’entendent des actes matériels ou juridiques ayant pour objet de soustraire le bien indivis à un péril imminent sans compromettre sérieusement les droits des indivisaires ».
  • [72]
    Albiges, op. cit. n° 254.
  • [73]
    Donnier, JCL, Fasc. 20, n° 6 et s.
  • [74]
    e.g. : réparation d’un immeuble visé par un arrêté de péril : v. supra I. A. et l’arrêt de la cour d’appel de Riom du 16 avril 2013 : notes 33 et 36.
  • [75]
    e.g. : mise en demeure de payer des fermages : Civ. 3ème 15 juin 2005, n° 0321061 ; Civ. 3ème 31 oct. 2007, n° 06-18338.
  • [76]
    Supra, note 55. Nombre d’actions en justice, qui sont en principe des actes d’administration, peuvent néanmoins réunir les critères d’une mesure conservatoire : actions propres à l’indivision, les actions possessoires etc. Au contraire, ne constitue pas une mesure conservatoire une action demandant la réparation du dommage causé à un portefeuille de valeurs mobilières, dont la valeur n’est pas figée et continue à évoluer tant que le partage n’est pas intervenu : CA Paris, 20 juin 2013, RG n° 08/05026.
  • [77]
    Donnier, JCL, Fasc. 20, n° 12 et s.
  • [78]
    Donnier, JCL, Fasc. 20, n° 16 et s.
  • [79]
    Civ. 1ère 4 juillet 2012, n° 10-21967.
  • [80]
    Civ. 1ère 17 avr. 1991, n° 89-15898 ; Civ. 1ère, 27 mars 1979, 77-14131.
  • [81]
    N. Le Rudulier, obs. sous cet arrêt, Dalloz actualité, 5 sept. 2012.
  • [82]
    Par exemple en matière d’action en bornage : Civ. 3ème 9 juillet 2003, n° 01-15613, quoiqu’avec des nuances, concernant le cas d’un bornage amiable : Civ. 3ème 31 oct. 2012, n° 11-24602.
  • [83]
    Com. 11 juin 2003 B. 95.
  • [84]
    V. supra note 6.
  • [85]
    V. supra Introduction.
  • [86]
    V. Tahri, op. cit.
  • [87]
    e.g. supra I. A. l’hypothèse de l’arrêt de la cour d’appel de Riom du 16 avr. 2013, note 33.
  • [88]
    En ce sens Atias op. cit. n° 203 p. 163 ; Donnier, JCL, Fasc. 20, n° 56 et s.
  • [89]
    Donnier, JCL, Fasc. 20, n° 143.
  • [90]
    CA Versailles 8 oct. 2012, RG n° 12/00164.
  • [91]
    CA Colmar 24 juin 2013, RG n° 12/02946.
  • [92]
    CA Riom 16 avr. 2013, RG n° 12/01679.
  • [93]
    CA Angers 4 juill. 2013, RG n° 12/01747.
  • [94]
    CA Paris 12 mars 2014, RG n° 12/08477.
  • [95]
    CA Grenoble 28 mai 2013, RG n° 12/05793.
  • [96]
    Civ. 3ème 29 juin 2011, n° 09-70894 : Rev. Droit rural 2011, comm. n° 119, note S. Crevel ; Defrénois, 2012, art. 40317, p. 81, note A. Chamoulaud-Trapiers.
  • [97]
    Civ. 1ère 17 mars 1992, n° 90-14547 ; Civ. 3ème 19 juill. 1995, n° 93-15033.
  • [98]
    CA Reims 7 avr. 2013, RG n° 11/02331.
  • [99]
    CA Rennes 6 février 2014, RG n° 12/05129.
  • [100]
    CA Rennes 3 oct. 2013, RG n° 11/05963.
  • [101]
    CA Rennes 6 février 2014, RG n° 12/05134.
  • [102]
    CA Rennes 11 sept. 2012, RG n° 12/01484 et 12/02922.
  • [103]
    CA Agen 3 mai 2011, RG n° 10/01052.
  • [104]
    CA Caen 5 mars 2010, RG n° 09/01121.
  • [105]
    CA Montpellier 15 février 2012, RG n° 10/07590.
  • [106]
    CA Aix-en-Provence 27 févr. 2014, RG n° 13/17709.
  • [107]
    CA Nîmes 4 sept. 2012, RG n° 12/00890.
  • [108]
    CA Chambéry 11 déc. 2012, RG n° 12/00013.
  • [109]
    CA Dijon 12 sept. 2013, RG n° 12/01488.
  • [110]
    Civ. 1ère 15 févr. 2012, n° 10-21457.
  • [111]
    Civ. 1ère 4 déc. 2013, n° 12-20158 ; Rev. jur. pers. & famille 2014, n° 2, p. 45, note F. Sauvage.
  • [112]
    Périnet-Marquet, op. cit. p. 26 ; Albiges, op. cit. n° 341 ; contra : Watine-Drouin, op. cit. p. 296.
  • [113]
    Périnet-Marquet, op. cit. p. 27.
  • [114]
    Civ. 1ère 13 nov. 1984, n° 83-13999.
  • [115]
    Civ. 1ère 6 nov. 2013, n° 12-25788.
  • [116]
    CA Paris 24 févr. 2009, RG n° 08/05935.
  • [117]
    CA Limoges 27 juin 2013, RG n° 12/00620 : en l’espèce, les juges relèvent, en effet, en particulier que « … Y. D. ne démontre pas que l’estimation faite le 19 mars 2011 n’aurait pas pris en compte des travaux effectués par ses parents et était inférieure aux prix du marché local ; qu’elle ne justifie d’ailleurs pas d’une meilleure offre ; que l’intérêt de l’indivision est de désintéresser Mme C. laquelle occupant la maison de Malemort n’en permet pas la vente ; qu’elle ne peut être remplie de ses droits par la vente des autres immeubles de Malemort… ; que le marché immobilier connaît une récession qui s’est déjà traduite par la nouvelle estimation de l’immeuble par deux agences entre 220 et 230 000 … ».
  • [118]
    CA Aix-en-Provence 21 oct. 2010, RG n° 10/07795 ; ou s’agissant du refus d’un indivisaire de consentir à la conclusion d’un bail rural portant sur un bien indivis, ne mettant pas en péril l’intérêt commun : Civ. 1ère 21 juillet 1987, n° 86-10274.

1Selon une lecture classique du Code civil, l’indivision a le caractère d’un groupement individualiste et précaire [1]. Elle ne constitue nullement une personne supplémentaire, distincte des membres qui la composent. Elle n’a pas la personnalité morale. Elle est une simple modalité, en principe provisoire, d’exercice de droits de même nature sur un même bien ou sur un ensemble de biens, dont sont co-titulaires plusieurs personnes et qui ne seront individualisés que lors du partage.

2L’individualisme étant ainsi à son fondement, l’unanimité en a longtemps été l’unique mode de fonctionnement, tant dans les rapports entre indivisaires qu’entre ces derniers et les tiers [2].

3Cependant, face au constat de la pérennité de nombreuses indivisions et aux nécessités pratiques d’organisation en résultant, des évolutions législatives sont venues assouplir et enrichir ce dispositif. La loi du 31 décembre 1976, tout d’abord, relative à l’organisation de l’indivision, qui en a véritablement « formalisé » le régime [3], a codifié les solutions jurisprudentielles antérieures et les a prolongées, en faisant, en particulier, du juge un acteur décisif dans le dénouement des conflits voire des blocages entre indivisaires [4]. De fait, quoique d’inspiration très individualiste, l’unanimité demeurant le principe de fonctionnement de l’indivision, cette réforme est caractérisée par la volonté de trouver un équilibre, dont le juge est habilité à garantir le maintien, entre la préservation des intérêts individuels des indivisaires et la prise en considération d’un intérêt commun [5].

4Plus récemment, la loi du 23 juin 2006, portant réforme des successions et des libéralités, a introduit un mode de gestion majoritaire, permettant principalement à un ou plusieurs indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis, d’accomplir des actes d’administration relatifs aux biens indivis [6]. Enfin, la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit, prévoit à cette même condition de majorité, la possibilité de demander en justice l’autorisation d’aliéner un bien indivis, selon une procédure particulière destinée à protéger les intérêts des minoritaires [7].

5Simple dérogation au principe de l’unanimité [8], ultime réponse aux crises qui peuvent agiter l’indivision [9], ou encore remise en cause de la nature même de l’institution [10], en ce qu’elles témoigneraient de l’achèvement de sa personnification ou du moins d’une orientation décisive du droit positif en ce sens [11], les nouvelles dispositions introduites par ces dernières réformes ont suscité des réflexions doctrinales abondantes et audacieuses. Ajoutée à la notion d’intérêt commun consacrée par la loi du 31 décembre 1976 [12], l’instauration d’une règle majoritaire pour accomplir les actes d’administration et, le cas échéant, désigner un administrateur, dotant ainsi l’indivision d’une capacité d’expression collective et lui permettant de poursuivre un « intérêt collectif » distinct de celui de ses membres, ne pourrait, en effet, selon certains auteurs, que tendre vers la reconnaissance de sa personnification [13]. Plus précisément, il y aurait lieu de se demander si la mise en œuvre de cette nouvelle règle majoritaire est susceptible de faire émerger un intérêt collectif, voire autonome, distinct de l’intérêt commun des indivisaires.

6Pour autant, l’avant-projet définitif de réforme du droit des biens, rendu public en 2009, énonce à son article 569 alinéa 2 in fine : « L’indivision n’a pas la personnalité morale » [14], ce que la Cour de cassation a encore réaffirmé récemment [15].

7Par ailleurs, la règle majoritaire n’étant pas articulée de manière indépendante de celle de l’unanimité [16], qui, malgré la structure du texte de l’article 815-3, paraît demeurer le principe [17], l’impact réel de la nouvelle règle sur la nature de l’institution et les différentes conceptions [18] dont elle peut faire l’objet, ne peut que s’en trouver relativisé.

8De même, son champ d’application, au-delà duquel l’unanimité retrouve son empire, s’avèrerait strictement délimité par la notion d’« acte ressortissant à l’exploitation normale des biens indivis », non définie par le législateur et probablement source d’un important contentieux initié par les indivisaires minoritaires [19].

9Ainsi, la portée des nouvelles dispositions paraît beaucoup dépendre de l’interprétation qu’en feront les juges, dont le rôle d’arbitre des conflits et de protecteur des minoritaires [20] s’en trouvera certainement encore renforcé.

10En l’état du droit positif l’indivision apparaît donc pour le moins comme une figure paradoxale, en particulier concernant la gestion des biens indivis. L’ambivalence de son régime, qui tout en tendant à préserver l’intérêt individuel fondamental de chaque indivisaire, fait une place grandissante à leur intérêt commun, nous paraît justifier un examen attentif, au travers précisément de ces notions d’intérêt, des principaux types d’actes ou décisions que peuvent être amenés à prendre seul ou à plusieurs les indivisaires. C’est, en effet, l’analyse de ces actes dans la jurisprudence qui nous semble susceptible de permettre de mieux cerner les contours incertains de ces notions.

11L’étude se limitera à l’indivision ordinaire du régime légal. Quoique la problématique générale de la propriété collective puisse être conçue au regard de l’ensemble des régimes spéciaux d’indivision (copropriété des immeubles bâtis, indivision de navires, indivision conventionnelle, etc.), ceux-ci ne seront cependant pas abordés compte tenu de leurs spécificités et de leur autonomie. De même, les rapports de l’indivision et des procédures collectives, ou encore, la situation de ses créanciers, seront traités ailleurs.

12Nous nous efforcerons d’évoquer les principaux types d’actes pouvant être accomplis par les indivisaires, qu’il s’agisse d’actes matériels ou d’actes juridiques [21] et, en particulier, d’actions en justice, en distinguant ceux animés par la poursuite ou la défense d’un intérêt individuel (I) de ceux fondés sur un intérêt commun (II). Quant à examiner plus avant les différentes notions d’intérêt qui peuvent être au fondement des actes accomplis par les indivisaires, les actions en justice propres à l’institution, y compris celles admises par la jurisprudence, qui en sont la sanction la plus manifeste, se révèlent, en effet, au cœur de notre sujet.

I – L’acte reposant sur la poursuite ou la défense d’un intérêt individuel

13Les indivisaires peuvent accomplir des actes alors que l’intérêt commun n’est pas invoqué. Ceux-ci reposent sur la seule qualité d’indivisaire et sur la poursuite d’un intérêt individuel ou personnel. Ces actes peuvent se traduire notamment par l’introduction d’une action en justice, auquel cas la recevabilité de celle-ci n’est pas nécessairement acquise [22]. Quelques exemples récents mais non exhaustifs peuvent être cités, paraissant témoigner de la perpétuation de la nature individualiste du groupement et confirmant l’importance des prérogatives individuelles. Il s’agit, en particulier, d’hypothèses d’actions opposant des indivisaires (A) mais aussi de celles opposant un tiers à un indivisaire (B).

A – Action opposant les indivisaires

1 – Origine de l’action : la loi

14Tout indivisaire peut toujours agir contre tous les autres pour sortir de l’indivision. Expression directe et fortement symbolique de la conception individualiste du Code civil de 1804, corollaire du dogme de la propriété individuelle, l’article 815 prévoit, en effet, un droit absolu et impératif de chaque indivisaire de demander le partage qui ne semble pas remis en cause par les évolutions législatives évoquées. Au contraire, le législateur de 2006 a prévu des dispositions tendant à en faciliter et à en accélérer la mise en œuvre [23].

15Or, la reconnaissance expresse de ce droit et même d’une vocation de l’indivision au partage, établit la précarité fondamentale de l’institution, ce qui, pour certains, est inconciliable avec la stabilité nécessaire à sa personnification [24].

16Le possible sursis au partage par jugement ou par convention constitue certes quelques limites au droit de sortir de l’indivision [25]. Toutefois, la jurisprudence a constamment affirmé les caractères absolu, impératif et imprescriptible [26] du droit de demander le partage, ce tant à l’égard des coïndivisaires que du juge ou encore d’un testateur. Point n’est besoin de justifier d’un quelconque motif [27], la notion d’abus de droit, rattachée au principe majoritaire, étant exclue en la matière [28]. Si les coïndivisaires peuvent convenir tous ensemble de demeurer dans l’indivision, cela ne peut être que de manière temporaire et selon les conditions strictes prévues par la loi [29].

17Les coïndivisaires sont donc en principe dans l’expectative d’un partage, cette précarité, éventuellement pérenne, s’imposant quelle que soit l’origine du groupement, notamment, par exemple, aux époux séparés de biens [30].

18Quant à la mise en œuvre de la nouvelle règle majoritaire au regard de ce droit fondamental au partage, il semble difficile de concevoir qu’elle puisse avoir lieu, en pratique, sans une entente au moins globale des indivisaires, faute de quoi le ou les minoritaires seront tentés de demander de sortir de l’indivision [31]. Toutefois, en ce cas, rien n’exclut le jeu des règles de gestion concomitamment à une procédure en sortie de l’indivision dont la durée peut précisément, le cas échéant, justifier que soient effectués des actes d’administration avant son achèvement.

19Or, sous cette réserve d’une demande en partage ou de la saisine d’un juge d’une contestation de la régularité de sa mise en œuvre, la nouvelle règle majoritaire permet d’aboutir à la situation, en principe contraire à la nature même de l’indivision, dans laquelle des indivisaires majoritaires en droits sont en mesure d’imposer des actes d’administration à leurs coïndivisaires minoritaires, voire de disposer des biens meubles indivis [32]. En particulier, un seul indivisaire majoritaire, pourrait ainsi imposer sa volonté à l’ensemble de ses coïndivisaires, quel que soit leur nombre, l’intérêt économique individuel majoritaire serait alors susceptible de prévaloir sur les intérêts individuels, malgré leur égalité juridique.

20Une décision de la cour d’appel de Riom du 16 avril 2013 [33] offre l’exemple d’une telle situation ainsi que du recours à la notion d’acte « ressortissant à l’exploitation normale des biens indivis » du nouvel article 815-3 du Code civil, comme critère décisif du domaine d’application [34] de la nouvelle règle majoritaire.

21En l’espèce, après avoir réalisé des travaux de réhabilitation d’immeubles indivis pour un montant total de 102.036 euros, malgré l’opposition de ses coïndivisaires, une indivisaire majoritaire leur demande remboursement du montant correspondant à leur quote-part, sur le fondement des articles 815-2, 815-3 et 815-6 du Code civil. Pour débouter la demanderesse, la cour relève principalement que la valeur globale des biens indivis est évaluée à 40.130 euros [35] et ajoute que malgré le mauvais état de toutes les constructions, les travaux litigieux n’étaient pas strictement nécessaires à la mise en sécurité des bâtiments ou à l’exécution de l’injonction contenue dans l’arrêté de péril non imminent ne visant qu’un seul d’entre eux, mais consistaient dans la réfection totale de ces bâtiments, en vue de leur mise en vente. Puis, après avoir écarté l’application des articles 815-6 et 815-2 [36], elle conclut qu’au regard des pièces produites il n’est pas établi que les dépenses litigieuses engagées à la hauteur d’un tel montant, constituaient des actes relevant de l’exploitation normale des biens indivis.

22La juridiction précise toutefois, que, même si la demanderesse n’invoque pas les dispositions de l’article 815-13 pour obtenir une indemnité au titre de l’amélioration des biens indivis et, le cas échéant, de leur augmentation de valeur, celle-ci n’étant d’ailleurs pas établie au vu des pièces produites, les règlements pécuniaires entre les indivisaires viendront s’insérer, au moment du partage, si nécessaire, dans les opérations de liquidation des comptes de l’indivision.

23Cette décision qui met l’accent sur le montant des dépenses engagées au regard de leur utilité économique, non établie en l’espèce, semble donc s’inscrire dans une interprétation stricte de la notion d’« acte ressortissant à l’exploitation normale des biens indivis », conforme aux caractères fondamentaux de l’institution [37]. Aussi, cette interprétation restrictive permet de relativiser l’impact de la règle majoritaire sur les droits individuels des minoritaires.

24Par ailleurs, s’agissant de la réforme du 12 mai 2009, quelques affaires sembleraient témoigner de la complexité [38] de ses dispositions et de la confusion qu’elles peuvent susciter chez les justiciables [39].

2 – Origine de l’action : la jurisprudence

25En dehors de ce cadre légal, la jurisprudence, dans des décisions déjà anciennes, a également reconnu à tout indivisaire, pour la protection de ses droits indivis, le pouvoir d’agir seul en justice à l’encontre d’autres coïndivisaires ayant agi en collusion frauduleuse contre ses intérêts [40], ou ayant passé un acte sans son consentement et au mépris des dispositions de l’article 815-3 [41].

26En cette dernière espèce, une mère, propriétaire indivise avec son fils d’un immeuble à usage d’habitation, met gratuitement pour vingt ans ce bien à la disposition de sa fille, née d’un deuxième lit, et de son gendre. Suite au décès de sa mère, le fils assigne les occupants du local en inopposabilité, nullité du bail et expulsion, action jugée irrecevable par la cour d’appel au motif qu’étant propriétaire indivis avec sa mère du bien litigieux le fils n’avait obtenu ni le consentement de sa sœur ni une autorisation de justice lui permettant d’y suppléer. La Cour de cassation censure cette décision en énonçant « qu’en statuant ainsi, alors que tout indivisaire, pour assurer la protection de ses droits indivis, peut agir seul en justice à l’encontre d’un autre coïndivisaire ayant passé un acte sans son consentement et au mépris des dispositions de l’article 815-3 du Code civil la cour d’appel a violé le texte susvisé. »

27Si, en cette espèce, abondamment commentée [42], étaient visées les dispositions de l’article 815-3 dans leur rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006, la solution ne semble pas devoir être modifiée par les dispositions nouvelles. En effet, cette solution est l’une des exceptions [43] au principe traditionnel [44] selon lequel l’exercice d’une action en justice constitue un acte d’administration et requiert l’unanimité des indivisaires. Dès lors, elle ne paraît pas remise en cause par des dispositions nouvelles plus souples qui, pour l’accomplissement des actes d’administration, substituent une règle majoritaire à celle de l’unanimité, tout en articulant ces deux règles.

28Un indivisaire devrait ainsi pouvoir toujours agir seul contre un coïndivisaire ayant effectué un acte en violation de la nouvelle règle de la majorité des deux tiers ou au mépris de l’exigence d’unanimité, selon la catégorie d’actes concernée [45].

29Mais la jurisprudence a aussi permis à un indivisaire d’agir seul en justice contre un tiers, l’inverse n’étant pas toujours vrai.

B – L’action opposant un indivisaire à un tiers

30Il peut s’agir d’une action d’un indivisaire contre un tiers (1) ou d’un tiers contre un indivisaire (2).

1 – Action d’un indivisaire contre un tiers

31Outre, notamment, dans les hypothèses d’actions en justice pouvant être considérées comme des mesures conservatoires [46], chaque indivisaire est recevable à agir seul contre les tiers lorsque le droit qu’il invoque, même lié à l’indivision, a un caractère personnel [47].

32En particulier, quoique constitutive d’une créance et donc d’un bien de l’indivision, une action civile, voire en responsabilité civile [48], en cas de décès du demandeur en cours d’instance, est transmise à ses héritiers qui peuvent la poursuivre seuls et l’exercer intégralement.

33C’est le sens d’une décision ancienne de la Cour de cassation qui énonce que « l’action civile engagée par la victime d’une infraction, qui vient à décéder en cours d’instance, se transmet à ses héritiers ; chacun d’eux l’exerce dans son intégralité et est fondé à obtenir réparation du préjudice que l’infraction avait causé à son auteur. Cette action, de nature personnelle, est étrangère aux actes d’administration et de disposition relatifs aux biens indivis pour lesquels le consentement de tous les indivisaires est requis par l’article 815-3 du Code civil » [49].

34La solution a été réaffirmée plusieurs fois depuis, par exemple, dans un arrêt du 28 juin 1995 [50] ou encore du 28 juin 2000 [51].

35Rendue sous l’empire des dispositions de l’article 815-3 dans leur rédaction antérieure à la loi de 2006, cette solution n’est cependant pas concernée par les dispositions nouvelles relatives au régime des actes relatifs à la gestion des biens indivis, la haute juridiction indiquant précisément qu’une telle action leur est étrangère.

36Un arrêt plus récent de la Cour de cassation du 6 mai 2009 nous paraît, non seulement illustrer, mais encore élargir notre propos [52].

37En l’espèce, trois indivisaires ont conclu à l’unanimité avec une société un bail commercial sur le local indivis, se conformant ainsi aux dispositions, inchangées à cet égard par la loi du 23 juin 2006, de l’ancien article 815-3 du Code civil, requérant le consentement de tous les indivisaires pour la conclusion d’un tel contrat.

38Invoquant un vice du consentement, l’un des indivisaires assigne cependant la société en nullité du bail mais se voit déclarer irrecevable en son action au motif qu’il n’avait pas qualité pour l’exercer seul.

39De fait, l’exercice d’une action en justice constituant, comme la conclusion d’un bail commercial, un acte grave assimilable à un acte d’administration, sa mise en œuvre devait, en principe, sous l’empire de l’ancien article 815-3, obéir à la même exigence d’unanimité [53]. Celle-ci ne s’appliquait d’ailleurs pas seulement dans les rapports entre les indivisaires mais pouvait même être invoquée par un tiers, en réponse à une demande formée par des indivisaires [54].

40La Cour de cassation censure cependant la cour d’appel en énonçant que « tout indivisaire peut agir en justice pour la défense de ses droits indivis… » et qu’« en sollicitant la nullité du bail en raison d’un vice de son consentement et la réparation de son préjudice consécutif à la conclusion du bail, M. D. exerçait une action personnelle, étrangère aux dispositions de l’article 815-3 du code civil. »

41La haute juridiction confirme ainsi, par une formulation voisine de celle employée tout d’abord sur le terrain d’une action civile, l’une des hypothèses [55] faisant exception au principe traditionnel, celle d’une action personnelle à l’indivisaire.

42Il y aurait donc clairement lieu de distinguer désormais, parmi les actions en justice relatives à la gestion des biens indivis, celles présentant un caractère personnel des autres.

43On peut observer en outre, que contrairement au pourvoi et aux juges d’appel, la Cour de cassation, en l’espèce, ne désigne pas seulement une action que l’indivisaire peut exercer seul, mais une action qui lui est personnelle, ce qui permet d’en déduire qu’un autre indivisaire n’aurait pas qualité pour agir en lieu et place de celui dont le consentement a été vicié [56].

44De fait, en l’espèce, le droit de propriété du demandeur sur sa part indivise ne semble ni contesté, ni même affecté par l’opération en cause [57], ce qui ne permettait probablement pas de le recevoir à agir individuellement sur le fondement de la protection ou de la revendication de ses droits indivis.

45En revanche, l’efficacité de l’accord unanime des indivisaires ayant conclu le bail commercial litigieux est subordonnée à l’intégrité du consentement de chacun d’eux. Or, une cause subjective de nullité ne peut être appréciée que dans la personne même de celui qui l’invoque et celle-ci est seule en mesure de pouvoir en établir l’existence.

46En outre, les coïndivisaires dont les consentements ne sont pas affectés, peuvent n’avoir aucun intérêt à obtenir l’annulation de l’acte litigieux, comme en l’espèce, où la société défenderesse à l’action en nullité avait été constituée par l’un d’eux et deux de ses enfants.

47La qualification retenue par la haute juridiction paraît ainsi la plus appropriée à la matière en cause.

2 – Action d’un tiers contre un indivisaire

48Il est constant que l’indivision ne peut, en tant que telle, agir en justice, ni y être attrait, bien qu’elle puisse être désignée par les tiers et désormais dotée d’une possibilité d’expression collective, le défaut de capacité d’ester en justice constituant une irrégularité de fond [58]. Ce sont donc les indivisaires qui, le cas échéant, sont attraits en justice par les tiers.

49Une décision récente de la première chambre civile de la Cour de cassation du 12 juin 2013 [59] doit être évoquée à cet égard.

50En l’espèce, un propriétaire indivis de l’immeuble qu’il habite est assigné par sa voisine aux fins de dépose d’une clôture et de démolition d’une véranda de cet immeuble. En appel de la décision du tribunal ayant accueilli ces demandes et l’ayant condamné à des dommages et intérêts, il invoque l’irrecevabilité de l’action engagée contre lui seul aux motifs qu’il était marié sous le régime de la séparation de biens et que l’immeuble en cause avait été acquis en indivision par le couple avant leur mariage. La cour d’appel est convaincue et déclare irrecevable l’action intentée, au motif qu’elle était dirigée contre un seul indivisaire alors qu’elle porte atteinte aux droits de son coïndivisaire absent.

51Contre toute attente, eu égard à des décisions antérieures [60] et au principe traditionnel selon lequel, sauf exceptions, la défense à une action en justice intentée par un tiers, relative à la gestion de biens indivis, comme l’exercice d’une telle action, obéit à l’exigence d’unanimité, la Cour de cassation censure cette décision en énonçant, au visa des articles 31 et 32 du Code de procédure civile, que « l’action introduite contre un seul indivisaire est recevable, la décision rendue sur celle-ci étant inopposable aux autres indivisaires à défaut de mise en cause de ceux-ci ».

52Cette solution, déjà confirmée [61], semble donc considérer qu’un indivisaire qui défend seul à une action d’un tiers relative à la gestion d’un bien indivis, ayant des droits sur l’ensemble de ce bien, fussent-ils partagés par ses coïndivisaires, a qualité à agir pour défendre des intérêts qui sont les siens autant que ceux des autres indivisaires, alors même qu’il ne représente pas l’indivision et qu’on ignore si lors du partage le bien sera ou non mis dans son lot.

53Elle paraît s’inscrire dans le droit fil d’une décision ancienne, souvent citée, de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation du 5 novembre 1975 [62] ayant énoncé, sur un autre terrain, mais en faisant déjà exception à l’exigence traditionnelle d’unanimité, qu’un indivisaire peut, sans le concours de ses coïndivisaires, défendre à l’action d’un tiers revendiquant un bien indivis : « la propriété indivise comporte notamment le droit de défendre, sans le concours des autres coïndivisaires, à l’action d’un tiers revendiquant l’immeuble commun ».

54Elle semble illustrer, en outre, un mouvement législatif et jurisprudentiel plus général ayant abouti à élargir considérablement le domaine des exceptions au principe d’unanimité concernant l’exercice d’une action en justice ou la défense à celle-ci. Tant la suppression de la condition de péril imminent de la définition des actes conservatoires de l’article 815-2 que la substitution d’une règle majoritaire au principe d’unanimité de l’article 815-3, opérées par la loi du 23 juin 2006, nous semblent en constituer ses manifestations les plus récentes.

55De fait, on peut se demander si, en l’espèce, la défense du propriétaire indivis à l’action de sa voisine en dépose d’une clôture et démolition de la véranda de l’immeuble qu’il habite, ne peut pas être considérée comme un acte conservatoire pouvant être accompli seul.

56De même, si la Cour de cassation a priviligié le terrain procédural, il est permis de s’interroger sur la mise en œuvre, en l’espèce, des nouvelles dispositions de l’article 815-3, comme elle l’a fait dans un autre arrêt du même jour en matière d’inscription de faux [63]. Toutefois, à supposer la loi nouvelle applicable au litige (le bien ayant été vendu à un tiers en 2001) et la défense du propriétaire indivis à l’action de sa voisine considérée comme un acte d’administration ressortissant à l’exploitation normale du bien indivis, encore faudrait-il qu’il ait disposé à lui seul de la majorité des deux tiers des droits indivis, pour pouvoir agir seul.

57Concrètement, s’il paraît clair que l’action introduite par un tiers contre un seul indivisaire est désormais recevable, l’exécution de la décision en résultant, qui, le cas échéant, demeure inopposable aux autres indivisaires, suscite toutefois quelque interrogation. En l’espèce, la dépose de la clôture et de la véranda pourra-t-elle finalement être ordonnée ? L’arrêt ne permet pas de l’affirmer avec certitude, puisque la décision rendue, sauf mise en cause des autres indivisaires, leur sera inopposable.

58En définitive, la haute juridiction parvient, ce faisant, à opérer un « subtil arbitrage [64] » entre la stricte mise en œuvre des règles de procédure civile sur la recevabilité de l’action en justice, « figures de proue » de la matière, et le respect des principes fondamentaux de l’indivision.

59Dès lors, une telle solution, combinant recevabilité de l’action contre un seul indivisaire et inopposabilité de la décision à ceux qui n’ont pas été convoqués, semble s’inscrire dans la perspective moderne de recherche d’un équilibre entre la préservation des droits fondamentaux des indivisaires et la reconnaissance de l’intérêt élargi qu’ils représentent.

60Ainsi, malgré cette permanence qui conserve aux prérogatives des indivisaires leur nature individualiste, on ne peut pas ne pas relever que leur communauté semble présenter certains attributs ou caractères la rapprochant d’un groupement.

61En particulier, l’ambivalence de notre figure d’étude se retrouve pleinement dans la matière procédurale, s’agissant de la notion d’intérêt commun même si celui-ci ne parait pas pouvoir être clairement qualifié de collectif.

II – L’acte reposant sur la poursuite d’un intérêt commun

62L’acte d’un ou plusieurs indivisaires peut poursuivre un intérêt collectif ou un « intérêt commun » selon les termes, non définis, qu’emploie le législateur moderne [65].

63Certaines règles ou décisions, sans rompre avec l’état d’esprit fondamentalement individualiste de l’institution, paraissent, en effet, témoigner de l’existence d’un intérêt plus large, au sein du groupement, que l’intérêt exclusif de chacun de ses membres.

64Toutefois, s’agit-il de l’intérêt des indivisaires, de l’intérêt de l’indivision, ou encore d’un intérêt collectif [66] distinct de celui des indivisaires que la nouvelle règle majoritaire contribuerait de faire émerger [67] ?

65Depuis la loi du 23 juin 2006, les actes relatifs à la gestion des biens indivis, accomplis par les indivisaires dans l’intérêt commun, peuvent d’abord prendre la forme de simples mesures conservatoires, que tout indivisaire peut prendre seul (A), d’actes d’administration et de disposition justifiant de l’unanimité ou d’une majorité de droits indivis (B) ou encore d’actes autorisés en justice (C).

A – L’intérêt commun préservé par des mesures conservatoires

66Un indivisaire peut agir seul, cela ne l’empêche nullement de poursuivre un intérêt commun.

67En effet, aux termes de l’article 815-2 alinéa 1er du Code civil, dans la rédaction issue de la loi du 23 juin 2006, « Tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis même si elles ne présentent pas un caractère d’urgence ».

68Innovation de la loi du 31 décembre 1976, ce pouvoir individuel conféré à « tout indivisaire » a, de surcroît, été étendu par le législateur de 2006, qui a expressément écarté l’exigence de l’urgence ou, plus précisément, du « péril imminent », résultant d’une interprétation jurisprudentielle restrictive des dispositions de l’ancien article 815-2 alinéa 1er du Code civil [68]. Selon cette interprétation, énoncée en particulier dans un arrêt de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation maintes fois cité, les « mesures nécessaires à la conservation des biens indivis » devaient s’entendre comme « des actes matériels ou juridiques ayant pour objet de soustraire le bien indivis à un péril imminent, sans compromettre sérieusement le droit des indivisaires [69] ».

69Quoiqu’on ait pu parfois discuter de l’abandon par la Cour de cassation, dès avant cette réforme, de l’exigence qu’elle avait posée [70], cette conception restrictive a été réaffirmée par la haute juridiction dans des décisions postérieures [71] à celles ayant suscité ces interrogations.

70Désormais, c’est donc principalement « la nécessité » [72] de prendre des mesures de conservation des biens indivis, qui justifie le pouvoir de chaque indivisaire d’agir individuellement dans « l’intérêt de l’ensemble des indivisaires » [73].

71Quant à la nature des mesures visées, elles comprennent tant des actes matériels [74] que juridiques [75], voire des actions en justice, lorsque celles-ci ont pour objet la conservation des biens indivis [76].

72Cependant, qu’elle ait été interprétée avant 2006 plus restrictivement que la notion d’acte conservatoire du droit commun, ou définie depuis plus largement que celle-ci, la notion de « mesures de conservation des biens indivis » s’avère spécifique à l’indivision [77].

73Aussi, hormis la condition d’urgence, les solutions antérieurement dégagées par la jurisprudence devraient être maintenues sous l’empire de la loi nouvelle et, précisément, l’interprétation particulière de la notion de mesures conservatoires prévues à l’article 815-2. Tout indivisaire devrait donc continuer à pouvoir passer seul les actes matériels ou juridiques, voire engager seul une action en justice, dès lors qu’ils ont pour objet de soustraire les biens indivis à un péril quelconque sans compromettre sérieusement les droits des autres indivisaires [78].

74Ainsi entendue, à l’aune d’une interprétation garante à la fois de l’accomplissement des actes nécessaires à la conservation des biens indivis et de la préservation des intérêts des indivisaires, la suppression de la condition d’urgence paraît conforme à l’intérêt commun de l’indivision, tandis que l’extension du champ d’application du pouvoir individuel de chaque indivisaire, résultant de cette suppression, est compatible avec la nature particulière de l’institution.

75De fait, un arrêt récent de la première chambre de la Cour de cassation du 4 juillet 2012 [79] semble confirmer le maintien par la haute juridiction de son interprétation de la notion de mesures conservatoires, sauf à écarter la condition d’urgence proscrite par le législateur de 2006.

76Répondant à l’un des moyens du pourvoi selon lequel « …en toute hypothèse, la mesure conservatoire pouvant être prise par un indivisaire seul est subordonnée à l’existence d’un péril que la mesure est destinée à parer ; qu’en retenant que l’action en expulsion de M. et Mme M…, occupant l’immeuble en indivision, constituait une mesure conservatoire au sens de l’article 815-2 du code civil, sans rechercher si cette occupation autorisée par un autre indivisaire constituait un péril pour l’indivision, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé », la cour énonce, en effet, notamment, « (…) que l’action engagée par le mandataire-liquidateur tendant à l’expulsion d’occupants sans droit ni titre et au paiement d’une indemnité d’occupation, qui avait pour objet la conservation des droits des coïndivisaires, entrait dans la catégorie des actes conservatoires que tout indivisaire peut accomplir seul, sans avoir à justifier d’un péril imminent (…) ».

77La solution faisant entrer une demande d’expulsion d’occupant sans droit ni titre dans la catégorie des actes conservatoires n’est pas nouvelle [80].

78La décision est cependant intéressante concernant la distinction, parfois subtile, entre les actes d’administration et les actes conservatoires, au regard du mouvement d’élargissement [81] de cette dernière catégorie.

79Malgré quelques décisions en sens contraire de ce mouvement [82], la jurisprudence foisonne d’exemples paraissant témoigner, tant sous l’empire du droit antérieur que sous celui de la loi nouvelle, de cette extension continue de la catégorie des actes conservatoires et, partant, du champ d’application du pouvoir de chaque indivisaire d’agir seul pour défendre l’indivision.

80Un arrêt récent de la Cour de cassation du 14 mars 2012 illustre, dans une situation peu fréquente, cette tendance. En effet, après la chambre commerciale de la haute juridiction [83], la première chambre civile vient, à son tour, dans cet arrêt, rendu au visa de l’article 815-2 du Code civil, confirmer qu’un indivisaire peut déclarer seul une créance à la procédure collective d’un débiteur de l’indivision.

81En outre, la cour ajoute, au visa de l’article 400 du Code de procédure civile, qu’un indivisaire peut poursuivre seul un appel principal formé initialement par l’ensemble des coïndivisaires, malgré le désistement de ces derniers.

82Mais l’intérêt commun de l’indivision peut également être poursuivi par l’accomplissement d’actes d’administration ou de disposition.

B – L’intérêt commun préserve par des actes d’administration ou de disposition

1 – Les actes d’administration

83S’il paraît intéressant de s’interroger sur la portée de la nouvelle règle majoritaire [84] introduite par la loi du 23 juin 2006, évoquée par certains comme symptomatique d’un changement majeur [85], c’est qu’elle serait susceptible de faire émerger un intérêt collectif de l’indivision, condition qui, avec l’absence de patrimoine propre, fait défaut à sa personnification [86].

84En effet, contrairement à l’hypothèse précédente d’un indivisaire agissant seul dans son intérêt bien compris et celui de l’indivision, il est permis de se demander si l’instauration d’une règle majoritaire pour l’accomplissement d’actes de gestion des biens indivis, n’est pas susceptible de faire naître des situations dans lesquelles des actes seraient effectués dans l’intérêt particulier d’une majorité de droits d’un ou plusieurs indivisaires, différent, le cas échéant, de l’intérêt commun de l’indivision [87].

85Il demeure cependant que le fonctionnement majoritaire n’est pas réservé aux personnes morales et que la précarité consubstantielle à l’indivision paraît difficilement compatible avec une telle reconnaissance.

86Par ailleurs, si la nouvelle règle majoritaire a déjà donné lieu à de nouvelles solutions en droit positif, sa portée apparaît relativement atténuée par la condition prévue par l’alinéa 3 de l’article 815-3 du Code civil, aux termes duquel, pour pouvoir être accompli à la majorité des deux tiers des droits indivis, l’acte d’administration doit ressortir à « l’exploitation normale des biens indivis », faute de quoi le principe d’unanimité reprend son empire, ce concernant même les actes d’administration énumérés par l’alinéa 1er de cet article.

87Autrement dit, l’unanimité des indivisaires demeure requise pour tout acte d’administration qui ne ressortit pas à l’exploitation normale des biens indivis ainsi que pour tout acte de disposition autre que la vente de biens meubles indivis pour payer les dettes et charges de l’indivision.

88En définitive, ainsi articulée avec la règle de l’unanimité, la nouvelle règle majoritaire apparaît plutôt comme une dérogation à celle-ci que comme un nouveau principe [88].

89Par ailleurs, comme l’avaient pressenti certains auteurs [89], la notion d’acte ressortissant à « l’exploitation normale des biens indivis » semble susciter un contentieux important.

90A titre d’exemples d’actes jugés récemment comme ne remplissant pas cette condition, on peut citer l’action en résiliation d’un bail rural pour changement de destination des parcelles [90], au contraire de celle fondée sur le non-paiement des loyers, la délivrance aux preneurs à bail d’habitation d’un congé pour vendre [91], l’action d’une indivisaire contre ses coïndivisaires en remboursement de travaux de réhabilitation des immeubles indivis [92], la conclusion d’un bail rétroactif en faveur d’une coïndivisaire occupant un bien indivis [93], l’octroi à un agent immobilier d’un mandat spécial de conclure un bail commercial [94], ou encore une demande d’autorisation de vente amiable [95] dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière.

91En sens inverse, un arrêt récent de la troisième chambre civile de la Cour de cassation [96] du 29 juin 2011 a décidé que la majorité des deux tiers des droits indivis suffisait pour agir en résiliation d’un bail rural pour défaut de paiement des fermages, contrairement au principe d’unanimité exigé antérieurement [97].

92De même, les juridictions du fond ont jugé comme ressortissant à l’exploitation normale des biens indivis, une action en paiement de redevances en exécution d’un contrat de location-gérance [98], la poursuite d’une action en résiliation d’un bail rural pour non-paiement des fermages [99], l’action en résiliation d’un bail rural pour faute du preneur [100], la délivrance d’un congé avec refus de renouvellement d’un bail rural [101], l’exercice du droit de reprise du bail rural prévu par l’article L. 642-1 alinéa 3 du Code de commerce [102], l’action en nullité d’une cession de bail rural [103], l’agrément requis du bailleur par la loi à une cession de bail rural [104], ou encore l’action en résiliation d’un bail commercial [105].

93Ainsi, en définitive, le contentieux suscité par la notion d’exploitation normale des biens semble révéler une très large application de la nouvelle règle majoritaire, en lieu et place de la règle de l’unanimité et ce, en particulier, en matière de baux ruraux.

94Cependant, concernant l’intérêt collectif que cette règle majoritaire serait susceptible de faire émerger, au vu de l’échantillon des décisions évoquées ci-dessus, l’interprétation de la notion d’exploitation normale des biens indivis ne paraît pas permettre la poursuite et la reconnaissance d’un intérêt majoritaire d’un ou plusieurs indivisaires qui serait contraire à celui des coïndivisaires minoritaires.

95Autrement dit, il est permis de se demander si la notion d’exploitation normale des biens indivis qui conditionne la mise en œuvre de la règle majoritaire, est compatible avec un intérêt majoritaire qui serait contraire à celui de coïndivisaires minoritaires.

96Cette notion d’exploitation normale des biens indivis paraît, en effet, évoquer plus un intérêt commun de l’indivision ou des indivisaires qu’un intérêt collectif qui serait contraire ou distinct de celui de coïndivisaires minoritaires.

97Pour autant, le mouvement législatif destiné à faciliter la gestion des biens indivis s’est encore prolongé par la loi du 12 mai 2009 dite de « simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures » qui a introduit les nouvelles dispositions de l’article 815-5-1 permettant à un ou plusieurs indivisaires titulaires d’une majorité des deux tiers des droits indivis de demander en justice l’autorisation d’aliéner un bien indivis.

2 – La poursuite d’un intérêt commun peut prendre la forme d’un acte de disposition

98Dérogation supplémentaire à la règle fondamentale de l’unanimité, les dispositions de l’article 815-5-1 ne concernent plus seulement des actes d’administration des biens indivis, voire des actes de disposition des biens meubles destinés à payer les dettes et les charges de l’indivision.

99Il s’agit ici purement et simplement de permettre à un ou plusieurs indivisaires majoritaires, d’obtenir l’autorisation judiciaire d’aliéner un bien indivis malgré l’opposition d’un ou plusieurs indivisaires minoritaires.

100Quant au fond, cette autorisation judiciaire ne peut toutefois être donnée en cas « de démembrement de la propriété du bien » ou si l’un des indivisaires est présumé absent, hors d’état de manifester sa volonté ou placé sous un régime de protection, ou encore « si elle porte une atteinte excessive aux droits des autres indivisaires ».

101Elle est subordonnée, en outre, au respect par les intéressés d’une procédure subordonnant leur demande d’autorisation judiciaire à l’expression préalable auprès d’un notaire de leur intention d’aliéner le bien concerné ainsi qu’à la signification de celle-ci aux indivisaires minoritaires. Sauf consentement des minoritaires à l’aliénation projetée, qui peut alors être effectuée normalement à l’amiable, le notaire transmet le procès-verbal constatant leur opposition ou leur défaut de manifestation au tribunal de grande instance, qui peut alors autoriser la licitation du bien.

102Eu égard, en particulier, à l’imprécision de la notion d’« atteinte excessive aux droits des autres indivisaires », cette nouvelle dérogation au principe d’unanimité paraît de prime abord beaucoup plus propice à l’expression et à la poursuite d’un intérêt majoritaire distinct de l’intérêt commun et, le cas échéant, contraire à celui des minoritaires.

103Par exemple, les juges du fond ont pu autoriser la vente d’un bien indivis à la demande d’une mère et de l’une de ses fille, malgré l’opposition des deux autres enfants, arguant à la fois, d’une atteinte excessive à leurs droits en ce que cela conduirait à vendre l’immeuble dans de très mauvaises conditions alors que sa mise en location serait la solution la plus avantageuse et la plus rapide, ainsi que du dépôt d’une plainte pour abus de faiblesse, en cours d’instruction, aux motifs que leur mère a récemment fait l’acquisition d’une maison où elle s’est installée avec leur sœur et que depuis ce moment il est constaté une diminution progressive et injustifiée du patrimoine liquide de leur mère [106].

104De même, le seul intérêt subjectif d’une indivisaire ne lui permet pas de s’opposer à la demande d’autorisation de la vente de l’immeuble indivis formée par ses coïndivisaires, la cour relevant notamment que « le seul fait que l’immeuble ait appartenu à ses parents et qu’elle y ait vécu pendant sa jeunesse, ne pouvait caractériser une atteinte excessive à ses droits ». [107]

105En sens inverse, une cour d’appel a pu décider que le jugement ordonnant les opérations de compte, liquidation et partage de la succession, ayant conféré à une indivisaire le droit d’obtenir l’attribution de sa part d’indivision en nature, ses coïndivisaires ne pourraient la contraindre à la licitation de l’immeuble indivis concerné sans porter une atteinte excessive à ses droits [108].

106De même, une autre cour d’appel, pour rejeter une demande de licitation, énonce que dans un contexte de publication imminente d’un arrêté préfectoral déclarant d’utilité publique l’acquisition de l’immeuble indivis, « il est contraire à l’intérêt des indivisaires de mettre fin actuellement à l’indivision par la licitation de ce bien immobilier, dès lors que cette vente risque d’intéresser peu d’acquéreurs potentiels en raison de la perspective d’une préemption de l’aménageur et de se conclure par un prix de cession très inférieur à la valeur du bien par référence au marché de l’immobilier, qu’il ressort de ces éléments que la licitation ne constitue pas actuellement le meilleur moyen de sortir de l’indivision en préservant les intérêts des indivisaires, et qu’il y a lieu d’en différer la mise en œuvre pendant deux ans afin de favoriser la recherche d’une transaction amiable de nature à mieux protéger les intérêts des indivisaires ou d’obtenir, à défaut, une indemnité d’expropriation plus avantageuse » [109].

107Dès lors, il semble, à l’examen des décisions des juges du fond, qu’à travers la notion d’ « atteinte excessive aux droits des autres indivisaires » c’est encore l’intérêt de l’ensemble des indivisaires qui est préservé par les juridictions, et ce loin de permettre à un intérêt majoritaire d’être poursuivi au détriment de celui des autres indivisaires, comme peuvent le laisser supposer les dispositions légales.

C – L’interet commun préserve par des actes autorises en justice

108La poursuite de l’intérêt commun peut aussi prendre la forme d’une action en justice destinée à surmonter un blocage ou un conflit. En particulier, les dispositions des articles 815-5 et 815-6 alinéa 1er du Code civil permettent, sur ce fondement, à un ou plusieurs indivisaires de saisir un juge, afin de passer outre au refus d’un coïndivisaire, ou que soient prescrites toutes mesures urgentes.

109Quant à la juridiction compétente, la Cour de cassation a récemment précisé que, saisi en application de l’article 815-6, le président du tribunal statue en la forme des référés, tandis que saisi sur le fondement de l’article 815-5, c’est le droit commun qui s’applique et, en particulier, le cas échéant, les dispositions de l’article 808 du Code de procédure civile du droit commun des référés [110].

110Par ailleurs, la haute juridiction a considéré [111] que l’habilitation d’un indivisaire à passer seul la vente d’un bien indivis malgré le refus d’un coïndivisaire pouvait relever, le cas échéant, des pouvoirs du président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés en application de l’article 815-6 du Code civil et non pas seulement du tribunal de grande instance saisi sur le fondement de l’article 815-5 du même code.

111Ces décisions semblent ainsi manifester la volonté de la haute juridiction de donner une large portée aux dispositions légales et donc, au pouvoir d’intervention du juge.

112Quant au fond, le caractère le plus souvent subi de l’indivision, c’est-à-dire la difficulté d’identifier un « affectio communis » comparable à l’« affectio societatis » des groupements sociétaires, semblerait écarter a priori la recherche d’un intérêt général ou commun à tous les indivisaires [112], en particulier dans les hypothèses de recours à des dispositions légales qui supposent la manifestation d’un conflit.

113L’intérêt commun pourrait alors résider a minima dans la préservation de la valeur patrimoniale du bien indivis [113].

114De fait, bien que relevant de l’appréciation souveraine des juges du fond, la notion d’intérêt commun a fait l’objet de décisions de la Cour de cassation qui semblent avoir posé quelques jalons en ce sens et qui encadrent cette interprétation.

115En particulier, la haute juridiction a énoncé dans un arrêt déjà ancien [114] d’une part que « l’existence d’intérêts divergents » en la personne de certains indivisaires, « n’impliquait pas l’absence d’intérêt commun » et d’autre part que « la meilleures rentabilité de l’immeuble indivis, à laquelle sont intéressés tous les indivisaires, est de l’intérêt commun ».

116Plus récemment [115], pour rejeter le pourvoi d’un indivisaire contre la décision d’une cour d’appel d’autoriser malgré lui la vente d’un immeuble indivis, la Cour de cassation énonce principalement que « la cour d’appel a constaté que l’immeuble se trouvait dans une zone d’aménagement qui avait fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique, la procédure d’expropriation étant mise en œuvre, et que le prix de l’acquisition amiable envisagée était très nettement supérieur à l’estimation du bien par le service des domaines… » et « …en a déduit, par une appréciation souveraine, que dans un contexte d’expropriation le refus, opposé par un des indivisaires, à la conclusion d’une vente dans des conditions équivalentes à celles qu’il avait acceptées auparavant, mettait en péril l’intérêt commun des indivisaires… ».

117Selon une interprétation comparable de la notion d’intérêt commun, reposant principalement sur la valeur du bien indivis, les juridictions du fond ont jugé par exemple que « la valeur d’un bien occupé étant inférieure à celle d’un bien libre, la mise en location de l’appartement en cause ne sert pas l’intérêt des indivisaires [116] » ou, en se fondant sur l’ensemble des circonstances de l’espèce, qu’« il est ainsi suffisamment établi que le refus de Y. D. de consentir à la vente de la maison de l’île d’Oléron au prix de 250 000 met en péril l’intérêt commun… » et que « la démonstration étant faite que le prix de 250 000 n’est plus d’actualité, il importe en l’absence de toute autre offre d’achat de fixer le prix de vente net vendeur à 230 000 » [117].

118A l’inverse, les juges du fond peuvent tout aussi bien, interprétant strictement les dispositions de l’article 815-5 du Code civil, en ce qu’elles ouvrent « une exception à la règle générale de l’unanimité, qui doit prévaloir en matière d’indivision » [118] rejeter une demande d’autorisation de procéder à la vente d’un immeuble indivis malgré le refus d’une indivisaire « tant que les héritiers désireux de vendre au prix de 430 000 ne fourniront pas davantage d’explications sur l’impossibilité dans laquelle ils se prétendent de poursuivre les recherches et de trouver un acquéreur mieux disant », la mise en péril de l’intérêt commun n’étant pas établie alors que « ce montant est inférieur de 100 000 à celui donné par les héritiers, voici deux ans, dans la déclaration de succession et que d’autre part, il n’a été fourni aux débats aucune estimation de bien mis en vente ».

Conclusion

119En définitive, l’examen des décisions récentes évoquées semble nous permettre de constater qu’à l’exception d’hypothèses peu fréquentes d’actes ou d’actions individuelles à caractère personnel, un indivisaire seul poursuit rarement une action qui ne soit pas teintée d’intérêt collectif ou commun.

120Quant à l’expression ou à l’émergence d’un intérêt majoritaire distinct de celui de l’ensemble des indivisaires, la portée des dispositions nouvelles paraît en réalité bien moindre qu’il n’y paraît au premier abord. L’articulation légale des règles de l’unanimité et de la majorité, qui aboutit en particulier à subordonner la mise en œuvre de la nouvelle règle majoritaire à la notion d’« exploitation normale des biens indivis », semble, en effet, conduire la jurisprudence à cantonner cette règle à une perspective proche de l’intérêt commun de l’ensemble du groupe.

121De même, l’application par les juridictions du fond des nouvelles dispositions de l’article 815-5-1 du Code civil paraît révéler la référence à un intérêt commun des indivisaires, plus qu’à celui d’une seule majorité d’entre eux.

122A cet égard, les dernières réformes semblent clairement accentuer encore la place du juge dans le règlement des conflits et, le cas échéant, dans la protection des indivisaires minoritaires.

123Enfin, si tous ces assouplissements des différents processus de décision, des plus classiques aux plus récents, apparaissent très utiles en pratique, ils supposent, en tout état de cause, la volonté de l’ensemble des indivisaires de demeurer dans l’indivision. L’évolution législative et jurisprudentielle moderne qui manifeste la préoccupation de favoriser la pérennité de l’indivision en facilitant la gestion des biens indivis, semble ainsi s’inscrire encore dans le cadre fondamental de l’article 815 : elle ne modifie en aucun cas sérieusement le droit fondamental de chacun de sortir de l’indivision, ce qui n’exclut pas, au contraire, que pendant la durée, parfois longue, d’une action en partage, les mécanismes de gestion de l’indivision puissent être abondamment sollicités.


Mise en ligne 01/01/2020

https://doi.org/10.3917/dv.077.0125

Notes

  • [1]
    J.-B. Donnier, Jurisclasseur civil, Fasc. 10, Lexis-Nexis 2013, n° 42 et 52 et s.
  • [2]
    Donnier, op.cit., n° 41 et s.
  • [3]
    S. Huyghe, Rapport (n° 2850) présenté au nom de la commission des lois de l’Assemblée nationale sur le projet de loi portant réforme des successions et des libéralités, enregistré le 8 février 2006, p. 194 et s.
  • [4]
    F. Zenati-Castaing et T. Revet, Les biens, Puf, 3ème éd. 2008, n° 350 ; H. Périnet-Marquet, « Le juge et l’indivision », in L’indivision, Journées nationales de l’association H. Capitant, t. VII, Bordeaux 2002, Dalloz, coll. Thèmes et commentaires, 2005, p. 15 ; C. Watine-Drouin, « Le rôle du juge relativement à la gestion et à l’utilisation des biens indivis », RTDciv. 1988, p. 267.
  • [5]
    Donnier, op. cit., n° 3 et 47 ; C. Albiges, Rép. droit immobilier, Indivision, Généralités, Dalloz 2011, n° 18 ; J. Patarin, « La double face du régime juridique de l’indivision », Mélanges D. Holleaux, Litec, 1990, p. 331 ; C. Watine-Drouin, op. cit., p. 295.
  • [6]
    C. civ. art. 815-3 : « Le ou les indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité :
    1° Effectuer les actes d’administration relatifs aux biens indivis ;
    2° Donner à l’un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers un mandat général d’administration ;
    3° Vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges de l’indivision ;
    4° Conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal. Ils sont tenus d’en informer les autres indivisaires. A défaut, les décisions prises sont inopposables à ces derniers.
    Toutefois, le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l’exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3°.
    Si un indivisaire prend en main la gestion des biens indivis, au su des autres et néanmoins sans opposition de leur part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d’administration mais non les actes de disposition ni la conclusion ou le renouvellement des baux ».
  • [7]
    N. Pierre, « La vente d’un bien indivis contre la volonté d’un indivisaire », Petites Affiches 2009, n° 189, p. 3 ; N. Leblond, « La crise dans l’indivision », Defrénois 2010, n° 20, p. 2173.
  • [8]
    F. Terré et P. Simler, Droit civil, Les biens, 8ème éd. Dalloz, 2010, n° 575 et s. ; C. Atias, Droit civil, Les biens, 11ème éd. Litec, 2011, n° 194 p. 155 et n° 203 p. 163 ; J.-B. Donnier, Jurisclasseur civil, Fasc. 20, Lexis-Nexis 2013, n° 56 et s.
  • [9]
    Leblond, loc. cit.
  • [10]
    Donnier, JCL, Fasc. 10, n° 24 et 49 et s.
  • [11]
    Zenati-Castaing et Revet, op. cit. n° 351.
  • [12]
    C. civ., art. 815-5 et 815-6.
  • [13]
    Zenati-Castaing et Revet, loc. cit. ; contra : Terré et Simler, op. cit., n° 561 et 575 ; Atias, op. cit. n° 203 ; M.-L. Mathieu-Izorche, Droit civil, Les biens, 2ème éd. Sirey, 2010, n° 368 ; C. Tahri, « Nullité d’un commandement de quitter les lieux délivré au nom et pour le compte d’une indivision », note sous Civ. 2ème 9 juin 2011, n° 1019241, Dalloz actualité, 6 juillet 2011.
  • [14]
    Chap V, « Les propriétés collectives », art. 569 al. 2 in fine.
  • [15]
    Civ. 2ème 9 juin 2011, n° 10-19241.
  • [16]
    Atias, op. cit., n° 194 p. 155.
  • [17]
    Donnier, JCL, Fasc. 20, n° 56 et 73.
  • [18]
    Zenati-Castaing, « La nature juridique de l’indivision », RTDciv 1996, p. 936.
  • [19]
    Donnier, JCL, Fasc. 20, n° 143 ; V. infra II. B. 1.
  • [20]
    Périnet-Marquet, op. cit. p. 16.
  • [21]
    Sur ces catégories : infra II ; Donnier, JCL, Fasc. 20, n° 18 et s. et n° 57 et s. ; C. Albiges, Rép. droit civil, Indivision (régime légal), Chapitre 2, Gestion d’une indivision, Dalloz 2011, n° 246 et s.
  • [22]
    Aux termes des dispositions des articles 30 et 53 du Code de procédure civile, la demande en justice suppose non seulement l’existence d’un intérêt, mais aussi d’une qualité pour agir, ce qui peut faire défaut à un indivisaire agissant seul : Périnet-Marquet, op. cit. p. 17.
  • [23]
    F.-X. Testu, Dalloz Action, Droit patrimonial de la famille, chap. 251, Régime légal de l’indivision : droit des indivisaires, 2013 n° 251.11 et s.
  • [24]
    C. Tahri, loc. cit. ; B. Dondero, Les groupements dépourvus de la personnalité juridique en droit privé, PUAM, 2006, n° 393.
  • [25]
    M.-C. Forgeard, « Limites du droit de demander le partage », JCP éd. N, 2008, 1146.
  • [26]
    Civ. 1ère, 12 déc. 2007, n° 06-20830, JCP G 2008, IV, 1100 ; Donnier, JCl, Fasc. 10, n° 63 et s.
  • [27]
    e.g. : CA Bordeaux, 15 octobre 2013, RG n° 12/02902.
  • [28]
    F.-X. Testu, loc. cit. ; Atias, op. cit. n° 195 p. 156.
  • [29]
    C. civ. art. 1873-2 et s.
  • [30]
    Civ. 1ère, 14 nov. 2000, no 98-22.936, Dalloz. 2001, p. 1755, note P. Lipinski : en l’espèce, des époux mariés sans contrat, choisissent conventionnellement plusieurs années après, d’adopter le régime de la séparation de biens. Le jugement d’homologation emporte dissolution de la communauté, ordonne la liquidation et le partage de la communauté et de l’indivision post-communautaire. Cependant, une cour d’appel fait droit à la demande de l’épouse, souhaitant ainsi exclure de la masse à partager la plupart des biens acquis après le changement de régime (biens dont la nature indivise n’était d’ailleurs pas contestée), de cantonner les opérations de liquidation et de partage à la seule indivision post-communautaire, en retenant que la liquidation ne peut être étendue à l’indivision qui existe entre les époux depuis l’adoption du régime de séparation de biens ; la Cour de cassation censure cette décision en énonçant, au visa de l’article 815 al. 1er, que les époux « justifiaient d’un droit au partage des biens indivis qu’ils peuvent exercer à tout moment, sans attendre la dissolution du mariage », et traite ce faisant l’indivision entre époux séparés de biens comme une indivision ordinaire.
  • [31]
    Atias, op. cit., n° 203.
  • [32]
    Donnier, JCL, Fasc. 10, n° 49, qui affirme même que ce pouvoir des indivisaires majoritaires « revient à permettre à certains indivisaires de disposer seuls de biens indivis en privant leurs coïndivisaires « minoritaires » de ces biens. Il y a là une véritable expropriation des indivisaires minoritaires, dont la constitutionnalité est peut-être douteuse ».
  • [33]
    RG n° 12/01679.
  • [34]
    Donnier, JCL, Fasc. 20, n° 142 et s.
  • [35]
    Dont 1.000 euros pour une grange dont la réfection de la seule toiture s’est élevée à plus de 30.000 euros.
  • [36]
    L’article 815-6 est écarté au motif que le litige ne porte plus sur une demande d’autorisation judiciaire aux fins d’effectuer des travaux sur des biens indivis mais sur une demande en remboursement de sommes engagées pour des travaux effectués sans autorisation et que la demanderesse n’est donc plus fondée à invoquer ces dispositions. La cour rejette également la qualification de mesures nécessaires à la conservation des biens indivis au sens de l’article 815-2 au motif que les travaux litigieux ont été réalisés après d’autres, effectués par les coïndivisaires pour un montant de 4.001,80 euros, ayant conduit à la levée de l’arrêté de péril non imminent visant l’un des immeubles.
  • [37]
    Donnier, JCL, Fasc. 20, n° 144.
  • [38]
    P. Delmas Saint-Hilaire, « La simplification complexe (à propos de la loi du 12 mai 2009 dite de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures) », Rev. des juristes du Cridon Bordeaux-Toulouse, 2009, n° 146, Nota Bene.
  • [39]
    e.g. : CA Aix en Provence, 31 octobre 2013, RG n°12/08902 : pour s’opposer à une demande en sortie de l’indivision et à ce que soit ordonnée la licitation des biens immobiliers indivis, des indivisaires invoquent détenir la majorité des deux tiers des droits indivis et ne pas avoir consenti à celle-ci, soutenant que cette condition est désormais requise pour sortir de l’indivision.
  • [40]
    Civ. 1ère 17 mars 1992, n° 90-16.606.
  • [41]
    Civ. 3ème 15 juin 1994, n° 92-15.608.
  • [42]
    RTDciv. 1995, p. 401, note Zenati ; JCP 1995, I, 3835, n°16, obs. Périnet-Marquet.
  • [43]
    P. Malaurie et L. Aynès, Les biens, 2ème éd., Defrénois, 2005, n° 689 p. 213.
  • [44]
    Testu, op. cit., n° 252.51 ; Albiges, op. cit., n° 298 ; pour son application e.g. CA Orléans, 26 mars 2007, RG n° 06/01282, qui énonce expressément « que l’exercice d’une action en justice constitue un acte d’administration ; qu’aux termes de l’article 815-3 du Code civil, les actes d’administration et de disposition relatifs aux biens indivis requièrent le consentement de tous les indivisaires ; (…) ».
  • [45]
    Testu, op. cit., n° 252.54.
  • [46]
    Infra II. A.
  • [47]
    Périnet-Marquet, op. cit., p. 19 ; Albiges, op. cit. n° 303.
  • [48]
    Périnet-Marquet, loc. cit.
  • [49]
    Crim. 9 oct. 1985, n° 84-90.584 : en l’espèce, suite à la saisine du juge des tutelles par son fils d’une requête tendant à son placement sous curatelle pour affaiblissement de ses facultés mentales, avec certificat d’un médecin assermenté à l’appui, une mère dépose plainte avec constitution de partie civile des chefs de faux certificat et usage de faux. Etant décédée au cours de l’instruction, l’action est reprise par sa fille qui, sur appel contre l’ordonnance de non-lieu la clôturant, est déclarée irrecevable en sa constitution de partie civile et en son recours, par la chambre d’accusation, au motif que la poursuite de l’action civile engagée par sa mère requérait le consentement unanime des héritiers et que son frère n’a pas été consulté et n’a pas manifesté l’intention de ratifier la reprise de l’action par sa sœur.
  • [50]
    Crim. 28 juin 1995, n° 93-85047 : en l’espèce, dans le cadre de poursuites exercées pour défaut de permis de construire contre le propriétaire d’un immeuble contigu à celui de l’indivision, une indivisaire se constitue partie civile afin d’obtenir principalement la démolition de la construction irrégulièrement édifiée et subsidiairement des dommages-intérêts. Pour confirmer la décision des premiers juges qui, après condamnation du prévenu, ont déclaré cette action irrecevable, la cour d’appel relève que l’action dont elle était saisie, de nature réelle, n’ayant pas un caractère conservatoire, constitue un acte d’administration nécessitant l’accord de tous les indivisaires, et ajoute qu’à défaut d’avoir été spécialement mandatée par ses co-indivisaires, la demanderesse est irrecevable à l’exercer seule. La Cour de cassation censure cette décision en énonçant d’abord que « selon l’article 2 du Code de procédure pénale, l’action civile devant la juridiction répressive appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction » et en en déduisant en l’espèce « qu’en statuant ainsi, alors qu’en poursuivant la réparation du préjudice qu’elle prétendait avoir subi du fait de la dépréciation de l’immeuble indivis ayant résulté de l’infraction, la demanderesse exerçait, quel que soit le mode de réparation choisi, une action personnelle, étrangère aux dispositions de l’article 815-3 du Code civil, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ».
  • [51]
    Crim. 28 juin 2000, n° 99-85.660 : en l’espèce, les juges du fond avaient débouté une mère de sa demande en réparation du préjudice moral subi par sa fille, au motif que « si la victime décédée, a subi un préjudice moral certain, tombé dans sa succession, V. Y… ne justifie pas de sa qualité pour représenter ladite succession en l’absence du père également héritier ». La Cour de cassation censure cette décision en rappelant tout d’abord le principe selon lequel « le droit à réparation du dommage causé par une infraction à une victime qui vient à décéder, se transmet à ses héritiers, chacun de ceux-ci l’exerçant dans son intégralité », et en en déduisant qu’« en refusant à la demanderesse de poursuivre l’action personnelle recueillie dans la succession de sa fille alors qu’une telle action est étrangère aux actes d’administration et de disposition relatifs aux biens indivis pour lesquels le consentement de tous les indivisaires est requis par l’article 815-3 du Code civil, la cour a méconnu le principe rappelé ci-dessus. »
  • [52]
    Civ. 1ère 6 mai 2009, n° 07-20635 ; JCP 2009, I, 337, n° 7, obs. Périnet-Marquet ; AJDI 2009, p. 783, note Zalewski.
  • [53]
    Civ. 3ème 4 novembre 1976, n° 75-12274 ; Civ. 3ème, 25 avril 2001, n° 99-14368 ; Civ. 3ème 5 décembre 2001, n° 00-10731 ; Civ. 3ème 16 septembre 2009, n° 08-13701 (concernant des actes délivrés en 2004).
  • [54]
    Civ. 3ème 19 juin 2002, n° 00-21869.
  • [55]
    Outre les actions spécifiques à l’indivision (sursis au partage, mandat, habilitation, autorisation en justice, répartition provisionnelle des bénéfices) et les hypothèses d’actions considérées comme des actes conservatoires, la jurisprudence a, en effet, consacré diverses exceptions à ce principe traditionnel qui semblent toutes concerner exclusivement la protection de l’existence, de l’étendue ou de l’intégrité des droits indivis, dont est investi chaque indivisaire sur les biens indivis, et pour laquelle il est recevable à agir seul : il s’agit en particulier des cas de revendication par un indivisaire vis-à-vis de tiers de son droit de propriété indivis (e.g. : Civ. 3ème 19 juin 2002, n° 01-01201) ou de protection de ses droits indivis contre un acte des coïndivisaires (Civ. 3ème 15 juin 1994, n° 92-508, évoqué supra).
  • [56]
    Zalewski, loc. cit. : qui observe, de manière critique, que si la Cour de cassation avait retenu seulement le caractère individuel de l’action en nullité pour vice du consentement, l’indivisaire qui se verrait attribuer le bien lors du partage pourrait invoquer le vice du consentement d’un autre indivisaire, ce que la solution de l’arrêt semble exclure.
  • [57]
    La mise en location-gérance par l’intéressé de son fonds de commerce de boucherie au profit de la société défenderesse puis, le même jour, l’octroi au profit de celle-ci d’un bail commercial régulièrement consenti par tous les indivisaires ne semble, en effet, n’avoir aucune incidence directe sur la part de propriété indivise détenue par le demandeur sur les locaux donnés à bail.
  • [58]
    Civ. 3ème, 25 avril 2001, n° 99-14368.
  • [59]
    Civ. 1ère 12 juin 2013, n° 11-23.137 et 11-18522 : Procédures, n° 8-9, août 2013, obs.
    Perrot ; AJ Famille 2013, p. 506, obs. de Guillenschmidt-Guignot.
  • [60]
    Civ. 1ère 18 avr 2000, n° 98-12808 ; CA Metz, 8 nov. 2007, n° 05/00503 ; CA Bastia 2 sept. 2009 n° 07/00078.
  • [61]
    Civ. 18 décembre 2013, n° 12-27059 : concernant en l’espèce l’action du liquidateur venant aux droits d’un créancier de l’indivision, la Cour de cassation énonce, au visa de l’article 815-3 du Code civil que « L’action introduite par un créancier de l’indivision contre un seul indivisaire est recevable, la décision rendue sur celle-ci étant inopposable aux autres indivisaires à défaut de mise en cause de ces derniers. »
  • [62]
    Civ. 3ème 5 novembre 1975, n° 74-11546 ; ou encore Civ. 3ème 28 nov. 1973, B. 609, n° 72-13553, qui, au visa de l’article 544 du Code civil et « des principes régissant l’indivision », énonce que « Tout propriétaire est recevable à faire reconnaitre son droit de propriété indivis ».
  • [63]
    De Guillenschmidt-Guignot, op. cit., sous Civ. 1ère 12 juin 2013, n° 11-18522 : en l’espèce, la haute juridiction, dans un litige entre l’ensemble des indivisaires et un tiers, portant sur les conditions de la cession d’un fonds de commerce exploité dans des locaux dépendant de l’indivision, par le mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de l’Eurl exploitante de ce fonds, a énoncé, pour rejeter le pourvoi formé par l’un des indivisaires contre l’arrêt ayant déclaré irrecevable sa requête en inscription de faux incidente, déposée au cours de l’instance d’appel, contre l’acte authentique de cession, que « selon l’article 306 du code de procédure civile, l’inscription de faux est formée, à peine d’irrecevabilité, qui ne peut être couverte, par un acte remis au secrétariat-greffe par la partie ou son mandataire muni d’un pouvoir spécial ; que, dès lors, un tel incident, qui ne ressortit pas à l’exploitation normale des biens indivis, requiert le consentement de tous les indivisaires, conformément aux dispositions de l’article 815-3, alinéa 3, du Code civil ; qu’il en résulte que l’inscription de faux incidente formée par M. L. était irrecevable et que cette irrégularité n’a pu être régularisée par l’intervention ultérieure de ses coïndivisaires. »
  • [64]
    Gazette du Palais, 24 septembre 2013, n° 267, p. 37, obs. C.B.
  • [65]
    C. civ. art. 815-5 al. 1 : « Un indivisaire peut être autorisé par justice à passer seul un acte pour lequel le consentement d’un coindivisaire serait nécessaire si le refus de celui-ci met en péril l’intérêt commun ». ; C. civ. art. 815-6 al.1 : « le président du tribunal de grande instance peut prescrire ou autoriser toutes les mesures urgentes que requiert l’intérêt commun ».
  • [66]
    Périnet-Marquet, op. cit. p. 20.
  • [67]
    Zenati-Castaing et Revet, loc. cit.
  • [68]
    Qui se bornait à énoncer que « Tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis. »
  • [69]
    Civ. 3ème 25 janv. 1983, n° 80-15132.
  • [70]
    Civ. 3ème 17 avr. 1991, n° 89-15898 : se bornant à énoncer, en exergue de l’arrêt, que « tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis », la troisième chambre civile semble limiter son exigence à ce que l’action contestée ait eu « pour objet la conservation des droits des indivisaires » ; Civ. 3ème 4 déc. 1991, n° 89-19989 : dans cet arrêt la haute juridiction rejette le pourvoi en énonçant que « la cour d’appel, qui a relevé que l’action en revendication d’une servitude de passage intentée par Mme P. ne pouvait que profiter aux autres indivisaires et constituait un acte tendant à la conservation du bien indivis, en a justement déduit que cette action entrait dans la catégorie des actes conservatoires que tout indivisaire peut accomplir seul en application de l’article 815-2 du Code civil ».
  • [71]
    Civ. 3ème 9 oct. 1996, n° 94-15783, qui énonce qu’« une mesure doit, pour présenter un caractère conservatoire, être nécessaire et urgente afin de soustraire le bien indivis à un péril imminent menaçant la conservation matérielle ou juridique de ce bien » ; Civ. 1ère 25 nov. 2003, n° 01-10639, qui, au visa de l’article 815-2 du Code civil, reprend expressément la formulation de l’attendu énoncé par la 3ème chambre civile dans l’arrêt du 25 janvier 1983, en réaffirmant que « les mesures nécessaires à la conservation de la chose indivise que tout indivisaire peut prendre seul s’entendent des actes matériels ou juridiques ayant pour objet de soustraire le bien indivis à un péril imminent sans compromettre sérieusement les droits des indivisaires ».
  • [72]
    Albiges, op. cit. n° 254.
  • [73]
    Donnier, JCL, Fasc. 20, n° 6 et s.
  • [74]
    e.g. : réparation d’un immeuble visé par un arrêté de péril : v. supra I. A. et l’arrêt de la cour d’appel de Riom du 16 avril 2013 : notes 33 et 36.
  • [75]
    e.g. : mise en demeure de payer des fermages : Civ. 3ème 15 juin 2005, n° 0321061 ; Civ. 3ème 31 oct. 2007, n° 06-18338.
  • [76]
    Supra, note 55. Nombre d’actions en justice, qui sont en principe des actes d’administration, peuvent néanmoins réunir les critères d’une mesure conservatoire : actions propres à l’indivision, les actions possessoires etc. Au contraire, ne constitue pas une mesure conservatoire une action demandant la réparation du dommage causé à un portefeuille de valeurs mobilières, dont la valeur n’est pas figée et continue à évoluer tant que le partage n’est pas intervenu : CA Paris, 20 juin 2013, RG n° 08/05026.
  • [77]
    Donnier, JCL, Fasc. 20, n° 12 et s.
  • [78]
    Donnier, JCL, Fasc. 20, n° 16 et s.
  • [79]
    Civ. 1ère 4 juillet 2012, n° 10-21967.
  • [80]
    Civ. 1ère 17 avr. 1991, n° 89-15898 ; Civ. 1ère, 27 mars 1979, 77-14131.
  • [81]
    N. Le Rudulier, obs. sous cet arrêt, Dalloz actualité, 5 sept. 2012.
  • [82]
    Par exemple en matière d’action en bornage : Civ. 3ème 9 juillet 2003, n° 01-15613, quoiqu’avec des nuances, concernant le cas d’un bornage amiable : Civ. 3ème 31 oct. 2012, n° 11-24602.
  • [83]
    Com. 11 juin 2003 B. 95.
  • [84]
    V. supra note 6.
  • [85]
    V. supra Introduction.
  • [86]
    V. Tahri, op. cit.
  • [87]
    e.g. supra I. A. l’hypothèse de l’arrêt de la cour d’appel de Riom du 16 avr. 2013, note 33.
  • [88]
    En ce sens Atias op. cit. n° 203 p. 163 ; Donnier, JCL, Fasc. 20, n° 56 et s.
  • [89]
    Donnier, JCL, Fasc. 20, n° 143.
  • [90]
    CA Versailles 8 oct. 2012, RG n° 12/00164.
  • [91]
    CA Colmar 24 juin 2013, RG n° 12/02946.
  • [92]
    CA Riom 16 avr. 2013, RG n° 12/01679.
  • [93]
    CA Angers 4 juill. 2013, RG n° 12/01747.
  • [94]
    CA Paris 12 mars 2014, RG n° 12/08477.
  • [95]
    CA Grenoble 28 mai 2013, RG n° 12/05793.
  • [96]
    Civ. 3ème 29 juin 2011, n° 09-70894 : Rev. Droit rural 2011, comm. n° 119, note S. Crevel ; Defrénois, 2012, art. 40317, p. 81, note A. Chamoulaud-Trapiers.
  • [97]
    Civ. 1ère 17 mars 1992, n° 90-14547 ; Civ. 3ème 19 juill. 1995, n° 93-15033.
  • [98]
    CA Reims 7 avr. 2013, RG n° 11/02331.
  • [99]
    CA Rennes 6 février 2014, RG n° 12/05129.
  • [100]
    CA Rennes 3 oct. 2013, RG n° 11/05963.
  • [101]
    CA Rennes 6 février 2014, RG n° 12/05134.
  • [102]
    CA Rennes 11 sept. 2012, RG n° 12/01484 et 12/02922.
  • [103]
    CA Agen 3 mai 2011, RG n° 10/01052.
  • [104]
    CA Caen 5 mars 2010, RG n° 09/01121.
  • [105]
    CA Montpellier 15 février 2012, RG n° 10/07590.
  • [106]
    CA Aix-en-Provence 27 févr. 2014, RG n° 13/17709.
  • [107]
    CA Nîmes 4 sept. 2012, RG n° 12/00890.
  • [108]
    CA Chambéry 11 déc. 2012, RG n° 12/00013.
  • [109]
    CA Dijon 12 sept. 2013, RG n° 12/01488.
  • [110]
    Civ. 1ère 15 févr. 2012, n° 10-21457.
  • [111]
    Civ. 1ère 4 déc. 2013, n° 12-20158 ; Rev. jur. pers. & famille 2014, n° 2, p. 45, note F. Sauvage.
  • [112]
    Périnet-Marquet, op. cit. p. 26 ; Albiges, op. cit. n° 341 ; contra : Watine-Drouin, op. cit. p. 296.
  • [113]
    Périnet-Marquet, op. cit. p. 27.
  • [114]
    Civ. 1ère 13 nov. 1984, n° 83-13999.
  • [115]
    Civ. 1ère 6 nov. 2013, n° 12-25788.
  • [116]
    CA Paris 24 févr. 2009, RG n° 08/05935.
  • [117]
    CA Limoges 27 juin 2013, RG n° 12/00620 : en l’espèce, les juges relèvent, en effet, en particulier que « … Y. D. ne démontre pas que l’estimation faite le 19 mars 2011 n’aurait pas pris en compte des travaux effectués par ses parents et était inférieure aux prix du marché local ; qu’elle ne justifie d’ailleurs pas d’une meilleure offre ; que l’intérêt de l’indivision est de désintéresser Mme C. laquelle occupant la maison de Malemort n’en permet pas la vente ; qu’elle ne peut être remplie de ses droits par la vente des autres immeubles de Malemort… ; que le marché immobilier connaît une récession qui s’est déjà traduite par la nouvelle estimation de l’immeuble par deux agences entre 220 et 230 000 … ».
  • [118]
    CA Aix-en-Provence 21 oct. 2010, RG n° 10/07795 ; ou s’agissant du refus d’un indivisaire de consentir à la conclusion d’un bail rural portant sur un bien indivis, ne mettant pas en péril l’intérêt commun : Civ. 1ère 21 juillet 1987, n° 86-10274.
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