Couverture de DV_076

Article de revue

L’architecture carcérale

Entre fonctionnalité pénale et impératif de sécurité

Pages 121 à 134

Notes

  • [1]
    V. en ce sens, R. Badinter, La prison républicaine, éd. Fayard, 1992.
  • [2]
    V. T. Ouard, Hétérotopologie du monde carcéral. Place et enjeu de l’architecture dans le vécu de l’espace carcéral par les détenus et le personnel de surveillance à travers l’étude de l’ambiance dans trois centres de détention, Thèse de doctorat en architecture, Université de Nantes, 2010, p. 81.
  • [3]
    V. F. Dieu et P. Mbanzoulou (dir.), L’architecture carcérale. Des mots et des murs, éd. Privat, 2012, p. 11.
  • [4]
    V. C. Carlier, L’histoire de l’enfermement. Rythmes, obstacles, aléas, Cahiers de la sécurité n° 12, avril-juin 2010, pp. 216-227.
  • [5]
    V. T. Ouard, Hétérotopologie du monde carcéral. Place et enjeu de l’architecture dans le vécu de l’espace carcéral par les détenus et le personnel de surveillance à travers l’étude de l’ambiance dans trois centres de détention, op. cit., p. 81.
  • [6]
    V. en ce sens, E. Kant, Eléments métaphysiques de la doctrine du droit, 1896, trad. J. Barny, Paris, 1853, p. 201.
  • [7]
    V. J.E. Hall Williams, Changement de concept de la prison, in Mélanges offerts à Jean Pinatel, éd. Pédone, 1980, p. 162.
  • [8]
    V. A. Blouet, Projet cellulaire pour 585 condamnés ; précédé d’observations sur le système pénitentiaire, Paris, F. Didot frères, 1843, cité par Ph. Silvin, L’architecture des prisons. Etude de l’évolution historique à partir d’un choix de types architecturaux, Travaux personnels de fin d’études, Ecole d’architecture de Lille et des régions nord, 1990, p. 43.
  • [9]
    V. Moreau-Christophe, De la réforme des prisons en France basée sur la doctrine du système pénal et le principe de l’isolement individuel, 1838.
  • [10]
    G. Cliquennois, Vers une gestion des risques légitimante dans les prisons françaises, Déviance et Société, 2006, p. 365.
  • [11]
    V. M.-L. Rassat, Pour une politique anti-criminelle du bon sens, coll. Les idées de la liberté, éd. La Table ronde, 1983, p. 52 ; P. Mbanzoulou, La réinsertion sociale des détenus. De l’apport des surveillants de prison et des autres professionnels pénitentiaires, L’Harmattan, 2000, p. 14.
  • [12]
    V. C. Demonchy, Rapport entre les mots et les murs, in F. Dieu et P. Mbanzoulou (dir.), L’architecture carcérale. Des mots et des murs, op. cit., p. 17 et s.
  • [13]
    Idem.
  • [14]
    V. en ce sens, B. Bouloc, Pénologie, 3e éd., Dalloz, 2005, p. 140 et s.
  • [15]
    T. Ouard, Hétérotopologie du monde carcéral. Place et enjeu de l’architecture dans le vécu de l’espace carcéral par les détenus et le personnel de surveillance à travers l’étude de l’ambiance dans trois centres de détention, op. cit., p. 270.
  • [16]
    V Ph. Silvin, L’architecture des prisons. Etude de l’évolution historique à partir d’un choix de types architecturaux, Travaux personnels de fin d’études, Ecole d’architecture de Lille et des régions nord, 1990, p. 42.
  • [17]
    V. A. Blouet, Projet cellulaire pour 585 condamnés ; précédé d’observations sur le système pénitentiaire, Paris, F. Didot frères, 1843, cité par Ph. Silvin, op. cit., p. 43.
  • [18]
    V. Ph. Silvin, L’architecture des prisons. Etude de l’évolution historique à partir d’un choix de types architecturaux, op. cit., p. 43.
  • [19]
    V. pour plus de détails, J. Bentham, Panoptique, éd. Mille et une nuits, 2002 (première édition 1791).
  • [20]
    V. G. de Beaumont et A. de Tocqueville, Du système pénitentiaire aux Etats-Unis (et de son application en France), Paris, 1833, cité par Ph. Silvin, L’architecture des prisons. Etude de l’évolution historique à partir d’un choix de types architecturaux, op. cit., p. 56.
  • [21]
    V. A. Blouet, Projet cellulaire pour 585 condamnés ; précédé d’observations sur le système pénitentiaire, Paris, F. Didot frères, 1843, cité par Ph. Silvin, op. cit., pp. 58-59.
  • [22]
    V. Ph. Silvin, L’architecture des prisons. Etude de l’évolution historique à partir d’un choix de types architecturaux, op. cit., p. 43.
  • [23]
    Idem, p. 48.
  • [24]
    Idem, p. 48.
  • [25]
    V. pour plus de détails, A. Béranger, Rapport à l’Académie des Sciences Morales et
    Politiques, 1836.
  • [26]
    V. Ph. Silvin, L’architecture des prisons. Etude de l’évolution historique à partir d’un choix de types architecturaux, op. cit., p. 65.
  • [27]
    T. Ouard, Hétérotopologie du monde carcéral. Place et enjeu de l’architecture dans le vécu de l’espace carcéral par les détenus et le personnel de surveillance à travers l’étude de l’ambiance dans trois centres de détention, op. cit., p. 142.
  • [28]
    V. Ph. Silvin, L’architecture des prisons. Etude de l’évolution historique à partir d’un choix de types architecturaux, op. cit., p. 65.
  • [29]
    V. S. Scotto, Architecture carcérale et sécurité des établissements : quelques réflexions, in F. Dieu et P. Mbanzoulou (dir.), L’architecture carcérale. Des mots et des murs, op. cit., p.107.
  • [30]
    Ibidem.
  • [31]
    V. F. Dieu et P. Mbanzoulou (dir.), L’architecture carcérale. Des mots et des murs, op. cit., p. 11.
  • [32]
    V. C. Rambourg et O. Razac, « L’architecture carcérale : les mots et les murs ». Synthèse des interventions, Les Chroniques du CIRAP, n° 10, ENAP, février 2011, 4 p.

1 Parler d’architecture carcérale est-ce une gageure ? Autrement dit, peut-on réellement considérer l’architecture carcérale comme un domaine autonome, un art d’enfermer, ou s’agit-il simplement de l’application au champ pénitentiaire d’un art spécifique ? Traiter de l’architecture carcérale appelle à répondre d’emblée à la question de sa spécificité. Sans entrer dans une véritable discussion épistémologique, philosophique, politique, technique voire catégorielle, qui conduirait tout de suite à observer que l’architecture n’est pas le seul domaine dont l’application à l’univers pénitentiaire soulève toujours des questions, il faudrait prendre ici le parti de considérer l’architecture carcérale dans sa factualité, comme un lieu de vie et de travail construit selon un modèle permettant la privation de la liberté d’aller et venir des personnes détenues.

2 En tant qu’ensemble de dispositifs spatiaux à même de contraindre le corps [1], l’architecture carcérale est une des composantes de la peine : elle réalise l’enfermement des personnes détenues. En cela, elle est une « architecture coercitive » [2]. L’architecture carcérale est naturellement influencée par le sens donné à la peine privative de liberté à chaque moment de l’histoire. De nos jours, « le régime d’exécution [de la peine privative de liberté] concilie la protection de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime avec la nécessité de préparer l’insertion ou la réinsertion de la personne détenue afin de lui permettre de mener une vie responsable et de prévenir la commission de nouvelles infractions ». Autant d’injonctions auxquelles fait face l’administration pénitentiaire qu’elle transmet à l’architecte dans la partie immatérielle du projet architectural appelée « le programme » et que celui-ci va traduire par des murs qui, à leur tour, agissent sur la vie sociale en prison en rendant possible ou en empêchant, en favorisant ou non certains usages [3].

3 Le fil rouge de la présente contribution est de montrer que dans la conception d’un établissement pénitentiaire, il existe un lien fonctionnel indissociable entre la nécessité d’offrir un espace de vie et de travail à tous les acteurs du milieu carcéral (personnes détenues, personnels pénitentiaires, intervenants extérieurs, visiteurs, familles, avocats, etc.) et la fonctionnalité sécuritaire, visant la rétention et le maintien en vie (et en bonne santé) des personnes privées de liberté confiées à l’administration pénitentiaire par l’autorité judiciaire. Une telle perspective confère à l’architecture carcérale une dimension pénale incontestable, dans la mesure où l’architecture carcérale traduit tout à la fois un lieu d’enfermement et de discipline, d’hébergement et de restauration, de formation et de soins, de travail et d’occupations, d’accueil et de visites. Elle doit dès lors permettre l’harmonie de la vie quotidienne de l’ensemble des acteurs avec les différentes prescriptions, souvent contradictoires, imposées par le cadre législatif et réglementaire. Si un tel équilibre est subtil, voire même stratégique, il ne suggère pas la neutralité de l’architecture quant à la peine de prison qu’elle produit.

4 En esquissant un regard rapide sur l’histoire de la prison et des modèles architecturaux, il sera possible d’analyser l’intrication de la fonction pénale de la prison dès sa création avec les structures matérielles censées lui donner corps, qui, elles-mêmes, sont surdéterminées par l’impératif de sécurité, notamment dans leur traduction contemporaine, comme le montrent la variabilité et les constances des modèles architecturaux français.

I – Une fonctionnalité pénale et sécuritaire séculaire

5 Sans vouloir restituer ici l’histoire de l’enfermement [4] et sa traduction architecturale, il est important de revenir sur les fonctions qui ont été assignées à la prison à travers l’histoire et de voir comment l’architecture carcérale a toujours été le bras séculier de la peine privative de liberté, même si l’édifice prison l’a précédé. Comme le montre l’excellente thèse de Thomas Ouard, « priver un individu de liberté sous-entend utiliser des bâtiments qui vont permettre de contrôler ses actions, d’une part pour l’empêcher d’en effectuer certaines et d’autre part pour l’obliger à en effectuer d’autres. De ce fait l’architecture de la prison doit répondre à des enjeux et des usages sans commune mesure avec d’autres établissements, celui d’être une architecture coercitive » [5].

A – Les fonctions de la peine privative de liberté servies par l’architecture

6 Parmi les fonctions attribuées à la peine privative de liberté, l’expiation est la plus ancienne. Par la peine qu’il subit, l’individu répare le crime qu’il a commis. Pour ce faire, la peine en tant que châtiment doit comporter une part importante de souffrance dans une perspective rétributive et afflictive. Remplissant une fonction morale, pas nécessairement utilitariste [6], l’expiation s’appuie essentiellement sur le rétributivisme. Cette fonction de la peine était historiquement assurée par l’architecture car la prison fournit ce « lieu pour la punition que le détenu reconnaît mériter et sans laquelle il ne pourrait affronter le monde » [7]. Comme le cite Philippe Silvin, « les murs sont la punition du crime, la cellule met le détenu en présence de lui-même ; il est forcé d’entendre sa conscience [..] » [8]. De ce point de vue, comme l’écrit en 1838 l’inspecteur général des prisons, Moreau-Christophe, « l’architecte est le premier exécuteur de la peine : c’est le premier fabricateur de l’instrument de supplice » [9]. Outil principal de la répression pénale, la prison est également un lieu de pénitence reconnu par la dureté des conditions de vie en détention. Pour cela, elle contribue à décourager tout imitateur en même temps qu’elle permet la mise à l’écart du violateur lucide du pacte social.

7 En effet, la dissuasion et la neutralisation sont deux fonctions également associées à la peine privative de liberté incarnée par la prison. L’intrication entre fonctionnalité pénale et impératif de sécurité y est très nette. Pour remplir ces fonctions, qui se situent à la fois dans le champ des représentations sociales et dans celui d’une réalité pratique, la prison joue sur la double visibilité externe/interne de sa dureté (dimension punition/souffrance) et de ses instruments de sécurité (dimension régalienne). Par la nature de l’édifice qu’elle produit, l’architecture est de ce point de vue ce qui permet une telle dialectique. Dans cette perspective, la prison doit apparaître austère, sans signe de faiblesse ni d’indulgence. Pour autant, elle ne doit pas paraître trop inhumaine en raison de sa dimension pénale, doublement sociale et humaine.

8 La neutralisation montre bien l’interdépendance entre les régimes de détention et la structure des bâtiments. Elle concrétise la fonction de rétention de la prison et privilégie la politique criminelle générale d’« incapacitation d’individus jugés dangereux pour l’ordre public, l’érection d’établissements orientés clairement vers leur neutralisation, et même une certaine gradation de la dangerosité » [10].

9 Dans une perspective utilitariste, cette mise à l’écart de la société doit s’accompagner d’une véritable prise en charge durant la détention par des programmes adéquats de prévention de la délinquance. D’où la nécessité de renforcer les capacités de réinsertion des détenus pour une réduction de la criminalité.

10 Depuis le célèbre aphorisme gravé en 1703 à la demande du Pape Clément XI au fronton de la salle d’honneur de la prison Saint-Michel à Rome selon lequel « soumettre les individus malhonnêtes par le châtiment n’est rien si on ne les rend pas honnêtes par l’éducation » [11], la réadaptation sociale est un impératif qui se rattache à la peine. Son application à la peine privative de liberté n’a pas posé de difficulté en raison des idéaux des réformateurs de 1791 tournés vers la rééducation du condamné (par le travail notamment). Une telle approche transformatrice de l’individu postule l’idée bien admise aujourd’hui que le temps d’incarcération ne doit pas être une parenthèse inutile dans la vie du condamné, dans l’intérêt bien compris de la société. Dès lors, la vie sociale des détenus devait être organisée dans des lieux collectifs « où ils sont pris en charge par des personnels spécialisés et dans les relations avec eux, théoriquement pour s’amender autrefois, pour préparer leur réinsertion aujourd’hui » [12]. L’édifice carcéral doit par conséquent être pensé dans l’optique de permettre la mise en place des diverses activités « socioculturelles », « socioprofessionnelles » ou « sanitaires », donc de s’ouvrir sur l’extérieur. Mais dans cette évolution, « des espaces dédiés aux activités ont été greffés sur le modèle initial sans en changer les principes structurels » [13]. L’éclectisme carcéral est aussi un éclectisme architectural. Même si l’on peut souligner l’effort de diversification des catégories d’établissements pénitentiaires accompli depuis le Code pénal de 1810 [14], il n’y a pas de différence architecturale fondamentale entre les maisons d’arrêt et les établissements pour peine, si ce n’est dans le fonctionnement en portes fermées ou ouvertes. D’autant que « l’ensemble de la conception fonctionnelle de l’établissement se base sur l’approche du niveau sécuritaire le plus élevé dans ces différents modes d’incarcération » [15]. L’étude des modèles architecturaux adoptés dès le XIXe siècle peut permettre de comprendre pourquoi et comment la prison a pris cette direction qu’elle conserve encore aujourd’hui.

B – Des modèles architecturaux au service de la peine et des régimes de détention

11 Pour évoquer les modèles architecturaux convoqués au service de la peine privative de liberté, il convient tout d’abord d’en rappeler le sens. En effet, d’après le Code pénal de 1810, la peine, qui a pour but la réparation du crime et l’amendement du criminel, doit s’accompagner d’un travail, de façon à lutter contre l’oisiveté, souvent considérée comme l’une des raisons du crime.

12 Dès la naissance de la prison pour peine, la France s’était engagée entre 1815 et 1840 dans un débat sur les régimes d’emprisonnement qui avait également cours dans toute l’Europe et aux Etats-Unis. À la recherche d’une « prison idéale », de nombreux voyages d’études furent organisés par des juristes et architectes dans différents pays en vue de comparer les systèmes pénitentiaires et les réalisations architecturales. À cet égard, les modèles américains eurent la plus grande influence. En effet, le débat entre pénalistes et architectes au XIXe siècle s’orientait principalement autour de l’opposition entre deux méthodes d’enfermement, ayant chacune sa traduction architecturale, et dont les racines se trouvent aux Etats-Unis : le système Pennsylvanien et le système Auburnien [16].

Le système Pennsylvanien

13 Ce système est historiquement rattaché à la construction en 1790 de la prison de Walnut Street, en Pennsylvanie, par l’architecte Franklin. Il est basé sur « la séparation rigoureuse des détenus, enfermés jour et nuit dans des cellules assez spacieuses pour qu’ils puissent y dormir, y travailler, y faire quelques pas » [17]. Cette séparation absolue des détenus vise leur transformation. Elle en est une condition essentielle. Pour y parvenir, l’emprisonnement cellulaire strict sera la solution. D’autant que ce modèle, quoique coûteux (obligeant la répétition d’un nombre important de cellules), assure une sécurité accrue [18]. Ce modèle sera amélioré lors de la construction de deux nouvelles prisons pennsylvaniennes en 1826 par l’architecte Strickland (le Western Penitentiary de Pittsburg) à partir d’un plan circulaire et en 1829 par l’architecte Haviland (l’Eastern Penitentiary de Philadephie) sur un plan radial. Inspirés indirectement du panoptique de J. Bentham [19], ces deux établissements sont les véritables modèles du système pennsylvanien qui ont alimenté, à travers le monde, la réflexion architecturale du XIXe siècle.

14 Le système pennsylvanien répond au premier principe de la peine privative de liberté qui est l’isolement dont les vertus « curatives » ont été régulièrement soulignées : « jeté dans la solitude le condamné réfléchit. Placé seul en présence de son crime, il apprend à le haïr, et si son âme n’est pas encore blasée par le mal, c’est dans l’isolement que le remords viendra l’assaillir » [20]. Il conviendra de noter que même si elle n’est pas affirmée avec force, la règle du silence est néanmoins un élément important de ce système. Elle est assurée par l’architecture et non par les gardiens : « les murs sont terribles et l’homme est bon » [21]. Mais très rapidement des critiques seront formulées contre ce système. Les plus importantes consistent à pointer son coût élevé et le fait « qu’une solitude absolue est contraire à la justice et à l’humanité » et qu’elle est source d’aliénation pour le détenu, réduisant ainsi ses chances de réinsertion [22]. Ces critiques vont favoriser la naissance d’un autre système pénitentiaire appelé : le système Auburnien.

Le système Auburnien

15 Ce système doit son nom à la prison d’Auburn construite entre 1816 et 1825 dans l’Etat de New-York. La vie en commun en est la base. Il prône un régime d’enfermement mixte, combinatoire, d’isolement de nuit et de mise en commun le jour, en atelier pour le travail et au réfectoire, en imposant un silence absolu grâce à la présence massive des gardiens et au moyen du fouet.

16 Si sur le plan architectural, la prison d’Auburn n’offre pas une « idée architecturale » précise [23], elle a néanmoins influencé l’évolution de l’architecture carcérale dans la mesure où la mise en commun le jour des détenus engendrait des nombreux mouvements que l’architecture devait canaliser. L’évolution s’observera toujours aux Etats-Unis, dix ans après Auburn, dans la construction de la prison de Sing-Sing avec une organisation spatiale linéaire que certains auteurs ont pu qualifier de « prison-corridor par excellence » [24], qui a inspiré nombre de constructions.

17 Le système auburnien répond également au principe d’isolement, mais par la mise en commun le jour, quoique sans communication, il vise à requalifier le détenu comme individu social. Les murs et les hommes (gardiens, directeurs…) conjuguent leur action, dans une sorte d’hybridation de pouvoir agissant sur l’individu à deux niveaux : celui du respect d’une loi commune et sur le rapport de l’individu à sa propre conscience et ce qui peut l’éclairer de l’intérieur.

18 Ce système auburnien répond également au deuxième principe de la peine privative de liberté : le travail. Dès cette période, le travail apparaît clairement comme partie intégrante de la peine de prison et le détenu ne peut donc pas le refuser. Il est clairement un instrument de la discipline [25].

II – Des choix architecturaux français : variabilité et constance

19 Les choix architecturaux français seront marqués par la recherche d’une prison idéale. Celle-ci doit concilier punition du détenu et sécurité de la société. Si les premiers modèles architecturaux traduisent bien cette préoccupation, l’évolution contemporaine des programmes architecturaux se fait sous la double impulsion des réformes pénales et de la surenchère sécuritaire.

A – La recherche d’une prison idéale

20 Les juristes et architectes français ont longtemps débattu pour déterminer le système qui conviendrait le mieux en France. Dans un premier temps, Charles Lucas, auburniste, auteur d’un ouvrage sur l’histoire du système pénitentiaire en Europe et aux Etats-Unis, paru en 1828, parvint à inspirer l’arrêté de 1839 (auburnien) sur le régime des maisons centrales (travail en commun et silence absolu) [26].

21 A la suite d’une mission aux Etats-Unis d’Alexis de Tocqueville et Gustave de Beaumont, revenus pennsylvanistes, et dont l’influence fut décisive sur l’élaboration de la célèbre circulaire du 9 août 1841, sur le programme pour les maisons d’arrêt et de justice, accompagné d’un atlas de plans cellulaires. Cette « instruction de 1841 » signée par le Ministre de l’intérieur Duchâtel instaure l’application du régime cellulaire en France (donc le système pennsylvanien). Elle décrit précisément la façon dont les prisons doivent être conçues et présente le premier véritable programme d’architecture pénitentiaire en France, avec pour but la construction d’un nouveau type d’édifice dont les éléments constitutifs sont décrits par le détail : mur d’enceinte, chemin de ronde, bâtiment administratif, différentes catégories de cellules, parloir cellulaire, éclairage, promenoirs individuels, salle d’inspection et de culte, principe de la séparation des sexes et autres dispositions générales [27]. Cette circulaire constitue la matrice de notre architecture carcérale.

22 La sécurité apparaît déjà comme essentielle dans ce programme, avec la présence d’un point central d’inspection, pivot du système, permettant de voir tous les prisonniers dans leurs cellules et les gardiens dans les galeries de surveillance. Pour autant, ce système coûteux sera critiqué lors du douzième congrès pénitentiaire de 1847 et le Ministre de l’intérieur Persigny donnera sa préférence au système auburnien en 1854 [28].

23 La prison de la Petite Roquette construite à Paris entre 1826-1836 marque la conversion de la France aux nouvelles doctrines pénitentiaires. Elle sera un symbole important de cette évolution des régimes pénitentiaires. Conçue pour fonctionner sur un modèle auburnien, elle sera réaménagée en 1938 en prison cellulaire.

B – La prison contemporaine et de la surenchère sécuritaire

24 Pour évoquer l’époque contemporaine, la période allant de la libération à nos jours aurait pu être la fenêtre d’observation. Bien que très longue, cette période permet de suivre la traduction architecturale de la politique pénitentiaire issue de la réforme Amor de 1945 ainsi que la traduction de la politique pénale issue du Code de procédure pénale de 1958. De même il aurait été intéressant d’analyser les évolutions de l’articulation architecture/fonctions pénales de la prison intervenues depuis les années 1990 caractérisées par l’adoption de la loi du 22 juin 1987. En raison de l’espace imparti, les problématiques de l’architecture de la prison contemporaine seront évoquées à partir des programmes de construction des établissements pénitentiaires français réalisés ces dernières décennies (1980-2010). Non pas pour les décrire, mais pour en pointer quelques caractéristiques.

25 En effet, ces nouvelles constructions se caractérisent par des dispositifs de sécurité passive en constante évolution. Elles tentent de concilier à chaque fois les logiques sécuritaires, architecturales, économiques et technologiques pour faire face à de nouveaux défis comme les évasions nécessitant des moyens encore plus importants avec une violence importante aussi. Le risque d’une telle surenchère est l’élévation sans cesse du niveau de risque et la standardisation de l’espace carcéral. C’est ainsi que malgré leur modernité et les améliorations qu’elles apportent sur le plan de l’hygiène et des conditions de vie, ces nouvelles constructions sont souvent jugées par les personnels pénitentiaires tout comme par les personnes détenues comme déshumanisantes.

26 Sur le plan sécuritaire, les structures architecturales construites semblent être pensées dans la logique classique visant à détecter, retarder et limiter l’impact du trouble en facilitant sa gestion.

27 Comme le montre Stéphane Scotto [29], sous-directeur de l’état-major de sécurité à la direction de l’administration pénitentiaire, c’est pour qu’un incident sur un secteur n’embrase pas l’intégralité d’un établissement, qu’il convient de sectoriser les sites en aménageant des limites matérialisées le plus souvent par des grilles commandées électriquement. Dans ce même esprit, « c’est pour éviter la tentation de les franchir trop aisément que les murs s’élèvent, se doublent de grillages surmontés de bas volets et autres concertinas » [30]. En effet, l’architecture récente des prisons intègre de plus en plus des éléments nouveaux en réponse aux dangers apparus ces dernières décennies : « les projections par-dessus les murs de téléphones portables, de produits stupéfiants, d’alcool voire parfois de viandes » expliquent la présence de glacis (no man’s land), tout comme les évasions par hélicoptère justifient la présence de filins et de mâts érigés sur les toits des établissements pénitentiaires.

28 Sur les plans architectural, économique et technologique, les choix sont largement influencés par l’impératif de sécurité, quand bien même celui-ci n’exclut pas « le geste architectural » permettant l’innovation et l’imagination dans l’aménagement des espaces de vie et de travail. Ce geste architectural concourt tout autant à la sécurité des prisons que l’épaisseur des murs ou le métal des grilles, en particulier dans les établissements pour peine destinés aux condamnés à de longues peines. Le choix des matériaux, tout comme leur agencement, intègre nettement ces exigences et peut ainsi aboutir à modifier les plans tels qu’ils avaient été imaginés ou, pour le moins, à réajuster le projet à la « réalité ».

29 Il est notoire que l’existence d’un bâtiment pénitentiaire s’impose à ceux qui l’habitent et à ceux qui y travaillent. La prépondérance de la sécurité passive, ayant pour vocation de concrétiser la privation de la liberté d’aller et de venir des détenus, est souvent source de souffrance et d’autres privations. Des stratégies adaptatives sont alors mises en place par les occupants pour dompter l’environnement prescrit par l’architecture de l’établissement. Il n’est donc pas rare de constater que l’usage fait des lieux ne correspond pas à ce qui avait été prévu ou souhaité par les concepteurs. De sorte que des constructions aux usages, on peut noter de nombreux décalages. L’exemple des établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM), dont l’architecture nouvelle est très ambitieuse, paraît très illustratif de ces stratégies adoptées par les acteurs mais aussi des réponses en retour de l’administration pénitentiaire [31]. En effet, la répartition des espaces (vides et fermés) au sein des EPM, repensée autour d’un ambitieux dispositif éducatif, est souvent contrariée par la façon dont les mineurs s’approprient les nombreux temps collectifs et les espaces mixtes volontairement dégagés ; ce qui aboutit, selon ces constats, à la perte relative de contrôle, en certains lieux et de façon épisodique, par l’administration pénitentiaire. La conséquence immédiatement observable est un réajustement du projet architectural renouant avec les logiques de contrôle et de fermeture des espaces inspirées des principes de la sécurité passive et de la prévention situationnelle.

30 Cet exemple des EPM permet de comprendre la dynamique ouverture-fermeture des espaces carcéraux, mais aussi celle qui s’établit entre le détenu et l’espace carcéral d’une part et les personnels pénitentiaires et leur environnement de travail d’autre part. Le processus d’appropriation des murs livrés par le constructeur mis en place par les différents acteurs concernés (l’administration pénitentiaire, le personnel et les détenus) conduit généralement à la transformation du projet initial.

31 Pour conclure, il convient de souligner que la notion d’architecture carcérale traduit la rencontre de deux univers différents : celui des architectes et celui de l’administration pénitentiaire. Dans la conception d’une prison, deux logiques principales se rencontrent en effet, voire s’affrontent : celle de l’administration pénitentiaire et celle des architectes. Elles reflètent des préoccupations également différentes. Soucieuse de la sécurité des établissements et des personnes, l’administration pénitentiaire impose un cahier des charges très précis et contraignant, là où les architectes conçoivent le bâtiment et sa réalisation selon leurs contraintes habituelles (esthétiques, fonctionnelles, matérielles etc.). L’architecture carcérale est pour ainsi dire un lieu de compromis, un processus complexe impliquant de nombreux ajustements et modifications face aux contraintes politiques, pratiques, technologiques et économiques [32]. Comme les impératifs de sécurité générale sont toujours des éléments importants du projet carcéral, les compromis à ce niveau se font davantage au détriment de l’art architectural. Pour preuve, la prépondérance de la sécurité passive, ayant pour vocation de concrétiser la privation de la liberté d’aller et de venir des détenus et de prévenir toute intrusion, caractérise principalement l’architecture carcérale.

Bibliographie

Bibliographie

  • R. Badinter, La prison républicaine, éd. Fayard, 1992.
  • J. Bentham, Panoptique, éd. Mille et une nuits, 2002 (première édition 1791).
  • A. Béranger, Rapport à l’Académie des Sciences Morales et Politiques, 1836.
  • A. Blouet, Projet cellulaire pour 585 condamnés ; précédé d’observations sur le système pénitentiaire, Paris, F. Didot frères, 1843.
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  • C. Carlier, L’histoire de l’enfermement. Rythmes, obstacles, aléas, Cahiers de la sécurité n° 12, avril-juin 2010, pp. 216-227.
  • G. Cliquennois, Vers une gestion des risques légitimante dans les prisons françaises, Déviance et Société, 2006, p. 365.
  • G. de Beaumont et A. de Tocqueville, Du système pénitentiaire aux Etats-Unis (et de son application en France), Paris, 1833.
  • F. Dieu et P. Mbanzoulou (dir.), L’architecture carcérale. Des mots et des murs, éd. Privat, 2012.
  • J.E. Hall Williams, Changement de concept de la prison, in Mélanges offerts à Jean Pinatel, éd. Pédone, 1980.
  • E. Kant, Eléments métaphysiques de la doctrine du droit, 1896, trad. J. Barny, Paris, 1853.
  • P. Mbanzoulou, La réinsertion sociale des détenus. De l’apport des surveillants de prison et des autres professionnels pénitentiaires, L’Harmattan, 2000.
  • L.-M. Moreau-Christophe, De la réforme des prisons en France, basé sur la doctrine du système pénal et le principe de l’isolement individuel, 1878.
  • T. Ouard, Hétérotopologie du monde carcéral. Place et enjeu de l’architecture dans le vécu de l’espace carcéral par les détenus et le personnel de surveillance à travers l’étude de l’ambiance dans trois centres de détention, Thèse de doctorat en architecture, Université de Nantes, 2010.
  • C. Rambourg et O. Razac, « L’architecture carcérale : les mots et les murs ». Synthèse des interventions, Les Chroniques du CIRAP, n° 10, ENAP, février 2011, 4 p.
  • M.-L. Rassat, Pour une politique anti-criminelle du bon sens, coll. Les idées de la liberté, éd. La Table ronde, 1983.
  • Ph. Silvin, L’architecture des prisons. Etude de l’évolution historique à partir d’un choix de types architecturaux, Travaux personnels de fin d’études, Ecole d’architecture de Lille et des régions nord, 1990.

Mise en ligne 01/01/2020

https://doi.org/10.3917/dv.076.0121

Notes

  • [1]
    V. en ce sens, R. Badinter, La prison républicaine, éd. Fayard, 1992.
  • [2]
    V. T. Ouard, Hétérotopologie du monde carcéral. Place et enjeu de l’architecture dans le vécu de l’espace carcéral par les détenus et le personnel de surveillance à travers l’étude de l’ambiance dans trois centres de détention, Thèse de doctorat en architecture, Université de Nantes, 2010, p. 81.
  • [3]
    V. F. Dieu et P. Mbanzoulou (dir.), L’architecture carcérale. Des mots et des murs, éd. Privat, 2012, p. 11.
  • [4]
    V. C. Carlier, L’histoire de l’enfermement. Rythmes, obstacles, aléas, Cahiers de la sécurité n° 12, avril-juin 2010, pp. 216-227.
  • [5]
    V. T. Ouard, Hétérotopologie du monde carcéral. Place et enjeu de l’architecture dans le vécu de l’espace carcéral par les détenus et le personnel de surveillance à travers l’étude de l’ambiance dans trois centres de détention, op. cit., p. 81.
  • [6]
    V. en ce sens, E. Kant, Eléments métaphysiques de la doctrine du droit, 1896, trad. J. Barny, Paris, 1853, p. 201.
  • [7]
    V. J.E. Hall Williams, Changement de concept de la prison, in Mélanges offerts à Jean Pinatel, éd. Pédone, 1980, p. 162.
  • [8]
    V. A. Blouet, Projet cellulaire pour 585 condamnés ; précédé d’observations sur le système pénitentiaire, Paris, F. Didot frères, 1843, cité par Ph. Silvin, L’architecture des prisons. Etude de l’évolution historique à partir d’un choix de types architecturaux, Travaux personnels de fin d’études, Ecole d’architecture de Lille et des régions nord, 1990, p. 43.
  • [9]
    V. Moreau-Christophe, De la réforme des prisons en France basée sur la doctrine du système pénal et le principe de l’isolement individuel, 1838.
  • [10]
    G. Cliquennois, Vers une gestion des risques légitimante dans les prisons françaises, Déviance et Société, 2006, p. 365.
  • [11]
    V. M.-L. Rassat, Pour une politique anti-criminelle du bon sens, coll. Les idées de la liberté, éd. La Table ronde, 1983, p. 52 ; P. Mbanzoulou, La réinsertion sociale des détenus. De l’apport des surveillants de prison et des autres professionnels pénitentiaires, L’Harmattan, 2000, p. 14.
  • [12]
    V. C. Demonchy, Rapport entre les mots et les murs, in F. Dieu et P. Mbanzoulou (dir.), L’architecture carcérale. Des mots et des murs, op. cit., p. 17 et s.
  • [13]
    Idem.
  • [14]
    V. en ce sens, B. Bouloc, Pénologie, 3e éd., Dalloz, 2005, p. 140 et s.
  • [15]
    T. Ouard, Hétérotopologie du monde carcéral. Place et enjeu de l’architecture dans le vécu de l’espace carcéral par les détenus et le personnel de surveillance à travers l’étude de l’ambiance dans trois centres de détention, op. cit., p. 270.
  • [16]
    V Ph. Silvin, L’architecture des prisons. Etude de l’évolution historique à partir d’un choix de types architecturaux, Travaux personnels de fin d’études, Ecole d’architecture de Lille et des régions nord, 1990, p. 42.
  • [17]
    V. A. Blouet, Projet cellulaire pour 585 condamnés ; précédé d’observations sur le système pénitentiaire, Paris, F. Didot frères, 1843, cité par Ph. Silvin, op. cit., p. 43.
  • [18]
    V. Ph. Silvin, L’architecture des prisons. Etude de l’évolution historique à partir d’un choix de types architecturaux, op. cit., p. 43.
  • [19]
    V. pour plus de détails, J. Bentham, Panoptique, éd. Mille et une nuits, 2002 (première édition 1791).
  • [20]
    V. G. de Beaumont et A. de Tocqueville, Du système pénitentiaire aux Etats-Unis (et de son application en France), Paris, 1833, cité par Ph. Silvin, L’architecture des prisons. Etude de l’évolution historique à partir d’un choix de types architecturaux, op. cit., p. 56.
  • [21]
    V. A. Blouet, Projet cellulaire pour 585 condamnés ; précédé d’observations sur le système pénitentiaire, Paris, F. Didot frères, 1843, cité par Ph. Silvin, op. cit., pp. 58-59.
  • [22]
    V. Ph. Silvin, L’architecture des prisons. Etude de l’évolution historique à partir d’un choix de types architecturaux, op. cit., p. 43.
  • [23]
    Idem, p. 48.
  • [24]
    Idem, p. 48.
  • [25]
    V. pour plus de détails, A. Béranger, Rapport à l’Académie des Sciences Morales et
    Politiques, 1836.
  • [26]
    V. Ph. Silvin, L’architecture des prisons. Etude de l’évolution historique à partir d’un choix de types architecturaux, op. cit., p. 65.
  • [27]
    T. Ouard, Hétérotopologie du monde carcéral. Place et enjeu de l’architecture dans le vécu de l’espace carcéral par les détenus et le personnel de surveillance à travers l’étude de l’ambiance dans trois centres de détention, op. cit., p. 142.
  • [28]
    V. Ph. Silvin, L’architecture des prisons. Etude de l’évolution historique à partir d’un choix de types architecturaux, op. cit., p. 65.
  • [29]
    V. S. Scotto, Architecture carcérale et sécurité des établissements : quelques réflexions, in F. Dieu et P. Mbanzoulou (dir.), L’architecture carcérale. Des mots et des murs, op. cit., p.107.
  • [30]
    Ibidem.
  • [31]
    V. F. Dieu et P. Mbanzoulou (dir.), L’architecture carcérale. Des mots et des murs, op. cit., p. 11.
  • [32]
    V. C. Rambourg et O. Razac, « L’architecture carcérale : les mots et les murs ». Synthèse des interventions, Les Chroniques du CIRAP, n° 10, ENAP, février 2011, 4 p.
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